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La dignité de l'enfant

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par Pierre Leon André DIENG
Université Cheikh Anta DIOP de Dakar - Maà®trise en Droit 2003
  

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Paragraphe 2 - Une application effective des actes souscrits

Le Sénégal a ratifié plusieurs textes relatifs à l'enfant et a même eu à voter des lois en ce sens, mais leur application pose problème.

Conformément aux dispositions de l'article 44 de la CIDE, le Sénégal a présenté, en juin 1994, son rapport initial au Comité des Droits de l'Enfant. Ce rapport, qui portait sur la récapitulation des mesures d'application concrètes, a été examiné en novembre de la même année par le Comité des Nations-Unies qui a eu à formuler des observations.

Le comité déplore que les orientations de la CIDE soient, en partie, faussées. En ce sens, le Sénégal est appelé à accorder une action plus positive à certains poins préoccupants :

- l'existence de pesanteurs culturelles qui contribuent négativement à la réalisation des droits de l'enfant (filiation, successions...) ;

- le peu d'attention portée à la formation des corps d'enseignants, de magistrats, des travailleurs sociaux ;

- l'insuffisance des mesures prises pour la mise en place d'un système d'information et de monitoring approprié ;

- la non conformité de plusieurs textes nationaux aux normes internationales ;

- l'absence d'une obligation légale d'aller à l'école ;

- le nombre important d'enfants travailleurs qui ne décroît pas.

Dans cette même lancée, les problèmes émergents et ceux dont l'ampleur et la manifestation sont connues tels que les mutilations féminines et la mendicité des enfants nécessitent de véritables changements de comportement.

Il faut mettre un terme à la mendicité des talibés qui est un mode éculé de travail forcé et d'esclavage qui sont inadmissibles du fait de la pénibilité de l'acte sur l'enfant qui peut être la victime de toutes sortes de dangers. En vue de se conformer à ses engagements, le Sénégal devra mettre en oeuvre des programmes et stratégies visant à éliminer les pires formes de travail et d'exploitation des enfants, d'harmoniser davantage sa législation, mettre en place un comité de suivi de la prise en charge des enfants en situation de vulnérabilité (talibés, enfants abandonnés ou en fuite : les « faakhmans » 1(*)3 et « boudioumanes » 1(*)4, ou encore en conflit avec la loi) et mettre en application le Plan National de Lutte contre les Mutilations Génitales.

Le recentrage des interventions autour d'objectifs prioritaires doit être conduit avec une approche holistique et intégrée dans l'élaboration des stratégies. L'Etat se doit donc de prendre en compte les disparités et d'en favoriser les réductions en allouant équitablement les ressources financières et le personnel spécialisé, de renforcer les infrastructures et les capacités des communautés de base dans les zones où les enfants sont les plus vulnérables, de mettre en place des systèmes d'indication et de mobilisation sociale dans les zones défavorisées.

Le Sénégal devra également développer des plans d'action et d'appui aux initiatives communautaires pour la prise en charge des enfants handicapés, en particulier les sourds-muets et les déficients mentaux. En même temps, ces catégories devraient être prises en charge par des systèmes alternatifs dans le circuit formel, à travers l'éducation spécialisée, l'emploi. Le gouvernement devra, pour satisfaire la demande croissante des enfants, s'engager à prendre des mesures d'accès de tout enfant aux NTIC et aux infrastructures sportives et de loisirs (terrains de jeux et parcs d'attraction) qui devront être prévues dans le cadre des plans d'urbanisation.

Toutefois, l'Etat du Sénégal n'est pas statique. En 1991, il a institué un Fonds National des Jeunes pour lutter contre le chômage et le sous-développement. En mars 1998, un programme d'élimination du travail des enfants appelé IPEC démarre grâce à un financement d'un million de dollars (600 millions de F CFA) des Pays-Bas. L'IPEC a pour but de proposer des actions directes à travers des programmes d'action privilégiant trois axes : la prévention du travail précoce ou dangereux, l'amélioration des conditions de vie et de travail des enfants qui sont déjà en activité et l'élimination des formes les plus extrêmes ou perverses (drogue, prostitution...). Il vise également à travers des actions démonstratives en matière de législation, sécurité, en direction des familles, patrons, maîtres coraniques à sensibiliser l'opinion sur la question.

En mai 1995, un Comité National de Suivi des Objectifs pour l'Enfant a été mis en place au Secrétariat Général de la Présidence de la République pour suivre l'ensemble des actions et progrès accomplis en vue de l'atteinte de ces objectifs. Ce comité se réunit trimestriellement et rend compte au Président de la République qui, en conseil des ministres, donne des instructions ou des directives pour la poursuite des efforts et / ou la levée des contraintes. Ces réunions trimestrielles sont alimentées par les rapports provenant des régions et départements ministériels intéressés par les objectifs. Le rapport MICS 2000 1(*)5 a fait l'objet, dans chacune des 10 régions du pays, de restitutions en présence de tous les acteurs régionaux et locaux (structures de l'Etat, partenaires au développement, ONG, société civile, Parlement des Enfants, syndicats, Conseil National de la Jeunesse, groupements féminins, associations religieuses et de jeunes, médias, association des maires pour les droits de l'enfant).

Enfin en matière de santé, le PDRH 1 1(*)6, renforcé par la suite par le Plan National de Développement Sanitaire de la Santé (PNDS-1998 / 2007) et le Programme de Développement Intégré de la Santé (PDIS-1998 / 2002) met un accent particulier sur la réduction de la mortalité infanto-juvénile et la prise en charge des maladies de l'enfant.

En matière d'éducation, le PDRH 2 (1993 / 1998), soutenu par le PDEF 1(*)7(2000 / 2010), avec l'appui des partenaires au développement, vise, entre autres, la scolarisation avec un accent particulier sur celle des filles. En l'an 2000, à la faveur de l'alternance politique, l'Etat a mis en place un ministère de la Jeunesse, a adopté le Plan Décennal pour la Jeunesse, un ministère chargé de la Petite Enfance, une politique nationale de la petite enfance centrée sur le programme des cases des Tout-Petits au niveau communautaire, en collaboration avec l'association « Les enfants d'abord ».

Faut-il également rappeler que, depuis 1989, la Politique Nationale de Santé et de Population du Sénégal est basée sur les Soins de Santé Primaires (SSP) et les services de base. Depuis 1997, le Programme Elargi de Vaccination (PEV) connaît un succès. Et dans la même année, il a été mis en place un système novateur d'accès généralisé aux anti-rétroviraux dont le but est la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant.

La communauté internationale devrait accentuer sa mobilisation autour de l'enfant et soutenir toute action du Sénégal visant la pleine jouissance des droits à l'enfant. A cet égard, les pays nantis doivent accompagner les efforts des en voie de développement à disposer davantage de ressources budgétaires à consacrer au développement, en procédant, entre autres, à des reconversions de dettes, surtout la dette multilatérale au profit du financement de ces programmes de développement pour enfants. C'est l'un des objectifs du Plan Oméga pour l'Afrique d'appui des puissances nanties, refondu dans le Plan NEPAD.

Si ce renforcement de mesures existantes constitue une panacée, même relative, aux omissions qui frappent la pérennisation de la condition de l'enfant, de nouvelles possibilités d'orientation plus audacieuses peuvent être franchies par le Sénégal dans le but de donner plus de crédit à l'exigence du respect de la dignité de l'enfant sénégalais, dont il est débiteur.

* 13 Faakhmanes (mot wolof) = enfants de la rue.

* 14 Boudioumanes (mot wolof) = enfants qui récupèrent des objets dans les décharges publiques pour les recycler et les vendre.

* 15 MICS 2000 = Multiples Indicators Cluster Survey / Enquête par Grappe à Indicateurs Multiples.

* 16 PDRH 1 = Projet de Développement des Ressources Humaines.

* 17 PDEF = Plan Décennal de l'Education et de la Formation.

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