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Moyen terme aristotélicien et médiation dans les organisations

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par Guillaume RIVET
UFR Poitiers sciences Humaines et Arts - Master2 professionnel médiation dans les organisations 2008
  

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b- procédure de la médiation et caractère du médiateur

Il faut rappeler que la médiation n'est pas une justice informelle. Elle n'est pas au-dessus des lois, puisque le médiateur est avant tout un citoyen. Ce dernier n'est donc au dessus des autres, et bien qu'il puisse faire preuve d'autorité et de créativité en tant que tierce personne, il n'est ni juge, ni roi. La médiation participe aujourd'hui à la justice, comme son développement dans ce secteur le prouve. C'est pourquoi nous pouvons distinguer une médiation institutionnelle et une médiation citoyenne. Par ailleurs, les distinctions entre les formes de médiation caractérisées précédemment peuvent être utile ici. Les médiations familiale et dans les organisations sont ici rassemblées sous les caractéristiques qui leur sont à toutes deux communes : la recherche d'un mise en commun, l'invention d'une règle ad hoc et la créativité du médiateur. Au regard de ces médiations inventives, la médiation pénale est avant tout une application de la règle. C'est donc dans la médiation dans les organisations en particulier, mais aussi dans la médiation familiale, que le caractère du médiateur acquière une véritable importance. C'est pourquoi nous allons insister sur celui-ci. Dans ce sens, nous allons donc développer les modalités de la médiation pénale, puis le caractère du médiateur citoyen.

La médiation pénale est inscrite dans le Code de procédure pénale : « S'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l'action publique, directement ou par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, d'un délégué ou d'un médiateur du procureur de la République36(*) ». Dans beaucoup de cas, les médiations pénales sont relatives à des contentieux relationnels, c'est-à-dire à des violences conjugales ou familiales. C'est une procédure alternative aux poursuites pénales qui correspond à des infractions de dégradations, violences légères, contentieux familiaux mineurs ou contentieux de voisinage. De plus, elle est peu onéreuse et soulage les tribunaux. Elle est donc une voie médiane entre la poursuite pénale et le classement sans suite. Dans la médiation pénale, la pratique du médiateur est encadrée juridiquement par le nouveau code de procédure civile. Le premier pouvoir d'un médiateur est d'accepter ou de refuser la mission proposée par le juge. Les motifs de refus peuvent être dus à une indisponibilité ou encore à une auto récusation ; quoi qu'il en soi, le médiateur pressenti doit, par courtoisie, expliquer les raisons du refus. Si la mission est acceptée, le médiateur doit informer le juge sans de son choix37(*). De même si la mission est refusée, bien que cela n'apparaisse pas les textes. Il existe des grands principes qui régissent le domaine d'action du médiateur. Un de ces principes est que les parties en conflit sont libres d'accepter ou de refuser la médiation. Le médiateur reçoit donc individuellement chacune des parties convoquées. Il présente le cadre et l'esprit de la médiation et recueille leur consentement. Il s'assure également que chaque partie comprend les informations transmises. La médiation se doit d'être respectueuse des situations humaines et doit rechercher une solution satisfaisante pour chaque partie. Le médiateur est le garant du processus de médiation. Il est souhaitable que le médiateur fasse signer aux parties un engagement de principe de participation à la médiation et d'acceptation de ces règles fondamentales. À la différence du juge et de l'arbitre, le médiateur ne dispose pas de pouvoir d'instruction38(*), bien qu'il puisse, à la condition que les parties en soient d'accord et que les tiers y consentent, auditionner un tiers pour avoir un avis particulier afin d'éclairer une solution. Le temps des entretiens initiaux permet aux parties d'exprimer librement les éléments du conflit. L'entretien initial individuel permet en outre au médiateur d'évaluer la pertinence à mettre les parties en présence une fois les adhésions recueillies. Chacune des parties au conflit reçoit au cours de ces entretiens les mêmes informations telles que la présentation de l'identité du médiateur, l'information relative au mandat de médiation, la place de la mesure de médiation dans la procédure, le rôle du médiateur, la possibilité d'être assisté par un avocat, etc. L'étape suivante est la délimitation des questions en litige et l'examen des intérêts des parties. Ensuite la médiation a pour but d'élaborer des possibilités de règlement et d'évaluer des solutions possibles39(*).


Il cependant fréquent de rencontrer la médiation ailleurs que dans sa forme juridictionnelle. Il est en effet des faits conformes à la loi qui pourtant paraissent injuste, ce qui rend les conflits d'autant plus virulents et difficiles à surmonter. La médiation se propose alors de compléter l'oeuvre de la justice et d'offrir aux individus la possibilité d'être actifs dans leur demande de justice, d'être écoutés, afin de permettre la pacification et le dépassement des conflits. Elle vient réduire le sentiment d'injustice et le risque de vengeance qu'il peut entraîner. Il existe donc des médiations dont la vocation tient plus de la création de liens sociaux que de la justice pénale à proprement parler. Ce n'est pas pour autant qu'elles se passent de règles professionnelles. Un Centre National de la Médiation, une Charte et un Code de déontologie ont d'ailleurs été créés à cet effet par Jean-François Six. Le rôle de la médiation y est défini comme un moyen d'établir de permettre à des personnes et à des groupes de se rejoindre afin de permettre à l'individu de trouver son chemin par lui-même.

La médiation ne repose pas uniquement sur des règles, elle repose aussi sur un savoir-faire, et surtout sur la compétence du médiateur. Sans être omniscient, le médiateur doit être une personne éclairée, c'est-à-dire éduquée et instruite ; plus encore il doit avoir un esprit qui sait s'adapter aux cas particuliers et qui sait comment comprendre rapidement une situation conflictuelle. Une des caractéristiques du médiateur est donc sa vivacité d'esprit. Il est frappant de voir comment Aristote décrit cette vertu en la reliant au moyen terme : « La vivacité d'esprit est le don d'atteindre le moyen terme dans un temps imperceptible, par exemple si l'on voit que la Lune a toujours son côté brillant tourné vers le Soleil, on comprend vite la cause de cela, à savoir qu'elle reçoit sa lumière du Soleil [...]. En effet, en voyant les extrêmes, on prend connaissance de tous les moyens termes qui sont causes. A : "le côté brillant de la Lune est tourné vers le soleil", B : "recevoir sa lumière du Soleil", C : "la Lune". B, "recevoir sa lumière du Soleil", appartient donc à "la Lune" C.A, "le côté brillant est tourné vers ce qui l'éclaire", appartient à B. De sorte que A appartient à C à travers B40(*) ». Nous voyons donc que la vivacité d'esprit indispensable au médiateur peut être comprise comme la capacité d'atteindre le moyen terme d'une façon quasi instinctive. Sans en avoir vraiment conscience, le médiateur pense de manière syllogistique quand il est vif d'esprit et pertinent.

Il apparaît désormais que le médiateur est comme doué d'un caractère qui lui est propre et qui lui confère ses qualités particulières. Comment pourrait-on qualifier le caractère du médiateur ? Il semble qu'Aristote répond pour le mieux à cette question quand il parle du caractère de l'homme d'âge mûr. On remarquera avec intérêt que Jean-François Six suppose comme condition pour être médiateur d'avoir plus de trente ans. Il n'y par contre pas de limite d'âge pour les médiès, bien qu'il soit préférable qu'ils aient le plus possible conscience de la situation. Nous pouvons à ce propos relire avec profit la conception de l'homme d'âge mûr d'Aristote, laquelle donne à mon sens une bonne description de ce que doit être le caractère du médiateur : « Il est évident que les hommes mûrs se situeront, du point de vue du caractère, à mi-chemin entre les deux classes d'âge précédentes, échappant aux excès de l'une comme de l'autre, n'étant ni audacieux à l'excès, ni excessivement peureux, mais à la bonne distance entre les deux ; ne faisant pas confiance à n'importe qui, mais ne se défiant pas non plus de tout le monde et jugeant davantage d'après la réalité de chaque cas, ne réglant leur vie ni sur le beau uniquement ni sur l'intérêt seul, mais sur les deux, ne tombant ni dans le gaspillage, mais respectant un juste équilibre. Même chose pour l'emportement et le désir. [...] En résumé, toutes les qualités utiles qui sont réparties entre les jeunes et les vieux, les hommes mûrs les ont ensemble, et tout ce que jeunes et vieux ont en excès ou insuffisamment, les hommes mûrs l'ont en proportion mesurée et dans un juste équilibre. Le corps connaît sa maturité de trente à trente-cinq ans, l'âme à quarante-neuf environ41(*) ». Au-delà du principe que le médiateur doit être de caractère mature, il doit surtout l'être quand il exerce son rôle de médiateur en présence des médiés. Le médiateur doit être vertueux dans son activité de médiateur, qu'il soit vertueux en dehors est souhaitable, sans être nécessaire ?cela serait demander beaucoup qu'il soit vertueux tout le temps et en toute occasion.

Concluons cette deuxième partie en disant que la prédominance de la règle qui détermine la validité du syllogisme n'est pas étrangère à celle qui encadre la médiation. La cause de la commune importance de la règle tient leur caractère raisonnable. La recherche de la vérité dans le syllogisme passe un certain type de relation entre les termes. La place du moyen terme permet de composer différentes figures selon ce qu'il faut démontrer comme le médiateur peut avec les parties tenter de suggérer plusieurs types de solutions afin de trouver celle qui leur correspondra le mieux. En effet, la législation n'empêche pas au praticien de chercher à s'adapter aux médiés ni de créer de nouveaux types de relations. Elle lui délimite un espace de travail dans lequel il est libre d'agir, selon sa sensibilité. C'est pourquoi la médiation n'est pas une simple technique, c'est avant tout une est une pratique.

* 36 Article 41-1 du Code de procédure pénale.

* 37 Nouveau Code de procédure civile, article 131-7, alinéa 2.

* 38 Nouveau Code de procédure civile, article 131-8.

* 39 Op. cit., NOUGEIN H.J., p. 172.

* 40 Op. Cit., p. 237 (Aristote, Organon IV).

* 41 Op. Cit., Rhétorique, Chap. 14, pp. 337-338, (1390 a 29).

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo