B. UN BILAN MITIGE.
En presque 20 ans d'existence l'ECOMOG a pris part à 4
opérations de maintien dans la sous-région tout d'abord au
Libéria, puis en Sierra Leone, ensuite en Guinée- Bissau et enfin
en Cote d'Ivoire. L'ECOMOG a ses succès (rien que sa création
dans un contexte difficile en est un) mais elle traine aussi derrière
elle quelques échecs.
Au Libéria le bilan est plus que mitigé car son
intervention est émaillée par un comportement et des agissements
en contradiction totale avec l'esprit de la mission.
30 Dans le sillage de la Côte d'Ivoire on
retrouve aussi entre autres le Burkina-Faso de Blaise Compaoré.
L'objectif de Houphouët-Boigny, soutenue par la France est d'éviter
qu'un pays anglophone devienne
l'hégémon de la région majoritairement
francophone et considéré comme le pré-carré de la
France.
31 On notera l'absence des pays francophones comme
la Côte d'Ivoire, du Sénégal, du Burkina-Faso qui sont des
pays phares de la région mais conformément à la
stratégie « française » minimisent leur implication
dans une résolution qui serait menée par le Nigéria.
L'ECOMOG s'est allié à des factions rebelles
opposées à Taylor comme l'ULIMO et l'AFL leur facilitant
l'accès aux armes : ce fut une grave erreur car même si la force
manquait d'hommes et que ces factions se battaient contre le même ennemi,
une force d'intervention qui se veut neutre ne peut soutenir des mouvements qui
bafouent le jus in bello en violant, pillant et spoliant sans distinction. Pis
encore des éléments de la force auraient pris une part active
dans ses exactions qui ont contribué à ternir quelque peu l'image
de la force et des hommes de bonne foi qui la constituaient. La deuxième
erreur est une erreur stratégique et concerne les bombardements
aériens menés par l'armée nigériane. Ces
bombardements censés affaiblir l'ennemi en détruisant ses
positions ont connu d'importantes ratés : entrepôts de nourriture,
convois d'assistance, hôpitaux civils ne furent pas
épargnés, le pire demeurant le bombardement en plein jour de la
rue principale de la ville de Kakata en décembre 1992.
L'opération en Sierra Leone fut aussi marquée
par le lourd tribut civil dont ont été responsables les rebelles
mais surtout l'enrôlement des enfants qui rajouta à la dimension
tragique du conflit. Cependant les erreurs de la mission en Sierra Leone ne
repose pas sur les épaules des combattants car même leurs
dirigeants n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur la stratégie
commune à adopter. La situation fut telle que l'ECOMOG ne put jamais
totalement protégé les civils qui furent livrés à
eux-mêmes et surtout à la merci des rebelles.
L'expérience bissau-guinéenne fut quant à
elle l'une des plus frustrantes et l'une des plus stupéfiantes car
malgré la relative rapidité de réaction des Etats de la
sous-région via l'envoi de troupes sénégalaises et
guinéennes32 et la signature d'un accord de cessez-le- feu et
l'établissement d'un plan de sortie de crise (gouvernement d'union
national + déploiement de l'ECOMOG) 6 mois après le début
de la crise, l'ECOMOG trop peu fourni
32 L'envoi des troupes sénégalaises a
une double crainte : la détérioration de la situation et la
contagion au Sénégal en cas d'accession au pouvoir du chef des
rebelles Ansumane MANE par ailleurs allié du MFDC casamançais.
en hommes33 ne peut qu'assister impuissante au
renversement du président VIEIRA par les rebelles moins de 3 mois
après son arrivée.
La mission ivoirienne fut des plus modestes même si
près de 1500 hommes y participèrent vu l'importance de la
Côte d'Ivoire mais l'ECOMOG fut plus une force secondaire devant les 4000
soldats français de l'opération Licorne.
L'ECOMOG a donc connu son lot d'échecs mais il ne faut
pas négliger ses « victoires » car au Libéria l'ECOMOG
a réussi à repousser les rebelles hors de Monrovia et à
sanctuariser la ville qui ne connut plus d'attaques hormis celle d'octobre
1992, la sanctuarisation de la ville permit l'établissement d'un
gouvernement provisoire ; la force par son intervention a permis de mettre fin
au nettoyage ethnique dont étaient victimes les Mandingues et les Kran,
offert un cadre de travail plus sûr aux organisations humanitaires et
posé les bases des élections présidentielles de 1997
même si Charles Taylor fut élu.
En Sierra Leone elle réussit à restaurer le
pouvoir en place contribuant à ramener le calme dans un pays qui a
retrouvé sa stabilité.
Pour toutes les raisons précédemment
cités il était important de se pencher sur l'ECOMOG car
même si le bilan reste mitigé et que d'importants efforts restent
à fournir, l'émergence de cette force a ouvert la voie à
la possibilité à une autogestion des conflits qui conduirait
à une Afrique de l'ouest plus sûr mais surtout elle laisse
envisager qu'une communauté de sécurité à
l'échelle africaine serait possible en se basant sur les
expériences sous-régionales comme celle de la CEDEAO.
3) Une initiative encourageante pour une région et
pour tout un continent.
L'expérience ouest-africaine à travers la CEDEAO
a montré toute l'étendue du chemin qu'il restait à
parcourir pour que les Etats de la sous-région mais aussi de tout le
continent soient capables de prévenir des conflits et dans le cas
échéant de les gérer et d'y mettre fin.
33 600 hommes inexpérimentés
constituaient la force d'intervention.
Les années 90 ont donc marqué une prise de
conscience accrue concernant les conflits qui sont devenus un fléau pour
tout le continent. En outre la fin de la guerre froide et le
désintérêt des grandes puissances pour l'Afrique des
conflits a poussé les Etats à rechercher des solutions et
à ne plus compter sur les interventions extérieures.
Cependant ne plus compter sur les interventions
extérieures ne signifient pas renoncer à une aide
extérieure mais adapter cette aide aux besoins réels et aux
objectifs à attendre pour la sécurité et la
stabilité du continent.
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