A. DU PNA A L'ECOMOG.
Le 9 juin 1977, les 7 des 9 pays francophones de l'Afrique de
l'ouest23 se réunissent et signent ce qui fut le premier
accord de défense collective signé dans la sous-région.
L'ANAD (Accord de Non Agression et de Défense) est né. Moins d'un
an plus tard son extension à toute la CEDEAO donnera naissance au
Protocole de Non Agression (PNA).
Le 22 avril 1978, la Conférence des Chefs d'Etat et de
Gouvernement de la CEDEAO réunie à Lagos signe le PNA
proposé par le Nigéria et le Togo. Etaient présents tous
les pays de la CEDEAO hormis la Gambie. Par le PNA, les Etats s'engageaient
à ne pas recourir à la menace, à ne pas utiliser la force
et l'agression ou à tout autre moyen contraires aux chartes de l'ONU et
de l'OUA. Le PNA s'est réalisé dans un contexte particulier qui
peut expliquer sa mise en place car à l'époque près de la
moitié des pays sont dirigés par des militaires24.Le
pacte resta au stade des bonnes intentions car chaque Etats continua à
privilégier ses propres intérêts, les dirigeants
défendant jalousement leur pouvoir, refusant de faire confiance à
leurs homologues et surtout complotant les uns contres les autres contrairement
à l'esprit du protocole.
La fin des années 1970 fut marquée par des
troubles qui plongèrent la sous -région dans le chaos et dont
l'acmé sera atteinte à la fin des années 90. Le
début des années 80 marque une nouvelle prise de conscience
symbolisée par la signature du Protocole d'Assistance en Matière
de Défense (PAMD) le 29 mai 1981 à Freetown (Sierre Leone) et
23 Ces Etats étaient regroupés dans la
Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest (CEAO)
24 Le Colonel KEREKOU au Bénin, le Major
Général BOAKYE au Ghana, le Général LAM IZANA en
Haute-Volta, le Sergent-chef DOE au Liberia, le Lieutenant TRAORE au Mali, le
Colonel KOUNTCHE au Niger, le Général OBASANJO au Nigeria et le
Général EYADEMA au Togo.
qui entrera en vigueur en 1986. La signature de ce
traité collectif de défense prévoyait que les Etats
signataires s'apporteraient une aide et une assistance mutuelle de
défense et que toute menace d'agression armée ou toute agression
armée dirigée de l'extérieur contre l'un quelconque des
Etats membres constituerait une menace ou une agression contre l'ensemble de la
communauté.25 L'autre grande nouveauté est la
création des Forces Armées Alliés de la Communauté
(FAAC) qui devaient permettre une réaction collective dans le cas
où un Etat membre était victime d'un conflit armé
intérieur fomenté et soutenu activement de l'extérieur et
qui mettait en danger la paix et la sécurité d'autres
états membres.
Tout comme son prédécesseur, le PAMD
échoua et ce, toujours pour les mêmes raisons. Mais vers la fin
des années 90, la tension qui émerge au Libéria «
où l'ethnicisation des cercles politiques, économique et
militaire au profit des Krahn et accessoirement des Mandingues, ainsi que la
politique de répression à l'encontre des Gio et des Mano
»26 fait craindre le pire et pousse les Etats de la
Communauté à fournir un nouvel effort qui donner a naissance au
Groupe de Surveillance du Cessez-le-feu27.
Cependant l'ECOMOG ne naquit pas spontanément, les
circonstances d'alors permettent de l'expliquer. La guerre froide touche
à sa fin et les Etats-Unis alliés historiques28 du
Libéria n'ont pas l'intention d'intervenir militairement pour aider le
président DOE. Devant le peu de réaction des américains
(et des Nations Unies dans leur sillage) et la présence
libyenne29, le Nigéria de BABANGIDA décida
d'intervenir pour aider DOE. Face à la réaction du « grand
» nigérian, la Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny
25 Article 2 du PAMD.
26 Fabrice WEISSMAN, « Libéria :
derrière le chaos, crises et interventions internationales »,
Relations internationales et stratégiques, n° 23, automne 1996, p.
83.
27 En anglais Economic Community of West African
States Cease-fire Monitoring Group (ECOMOG).
28 Le Libéria a été fondé
par des esclaves américains.
29 Kadhafi s'étant proclamé champion
révolutionnaire depuis les années 70 espérait constituer
un contrepoids aux Etats-Unis en faisant d'un Libéria
révolutionnaire un allié stratégique et
économique.
30 qui veut éviter l'hégémonie
nigériane soutint TAYLOR chef du Front National et Patriotique du
Libéria. Les pays de la communauté connaissent leurs
première épreuve et se montrent incapables d'y apporter une
réponse commune, chacun défendant ses propres
intérêts. Finalement grâce à une réactivation
du PNA, le président BABANGIDA obtint de la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement la création du Comité Permanent de
Médiation censé apporter une solution définitive à
un conflit qui dure depuis 8 mois et dont on craint les dommages
collatéraux à l'échelle régionale. C'est dans le
cadre de ce comité composé cette année là du Ghana,
du Mali, du Nigéria du Togo et de la Gambie présidente en
exercice de la CEDEAO31 , que l'ECOMOG voit le jour au cours de la
réunion des 6 et 7 août 1990 même si aucun accord de paix
donc aucun cessez-le-feu n'existe encore ; pour la force l'objectif est de se
positionner en force tampon pour mettre fin au conflit et provoquer le
cessez-le-feu.
C'est ainsi que commence l'histoire de l'ECOMOG et que
l'Afrique de l'ouest entre dans une nouvelle phase en ce qui concerne le
maintien de la paix et la gestion des crises.
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