1.2- PROBLEMATIQUE
L'humanité est confrontée de nos jours à
une démographie sans cesse croissante dont l'essentiel s'observe dans
les pays sous-développés notamment d'Afrique subsaharienne
où sévissent déjà la famine et la malnutrition. En
2001, 17 à 34 % de la population des pays de l'Afrique subsaharienne
était sous alimentée (FAO, 2001), une sous alimentation qui
témoigne manifestement d'une pauvreté qui ne dit pas son nom et
qui a pourtant des conséquences très néfastes. En effet,
la pauvreté réduit la capacité de travailler et la
résistance à la maladie, et affecte le développement
mental et la réussite des enfants (FAO, 2001).
Pour résorber la famine, la plupart des pays
concernés ainsi que les institutions internationales chargées de
lutter contre la faim dans le monde ont élaboré des politiques de
sécurité alimentaire. Les différentes mesures prises ont
largement fait appel aux céréales qui de part l'importance de
leur volume au niveau mondial étaient vues comme une solution toute
faite. Mais une telle perception du problème ignorait les
réalités nationales et restait en particulier peu adaptée
dans les régions où les tubercules occupent une place importante
dans la production agricole (Degras, 1986). C'est le cas notamment de l'igname
dont Miège (1986) fait remarquer qu'elle représente dans
l'alimentation de beaucoup de peuples des régions intertropicales, la
plante nourricière par excellence au point que leur existence est
centrée sur cette culture et que leur mode de vie, comme, cela a lieu en
Afrique, est influencé si non modelé par cette production.
Au Bénin, on ne peut réellement parler de
famine, malgré la présence de quelques poches
d'insécurité alimentaire dans le Nord-Ouest du pays,
structurellement déficitaire du point de vue alimentaire (Aho et
al, 1997). Les politiques agricoles pour assurer la
sécurité alimentaire sont axées sur le manioc et les
céréales en particulier le maïs. Ces cultures ont longtemps
et continuent de faire parties des préoccupations des institutions
nationales de recherche ainsi que
3 des services de vulgarisation agricole. Mais l'igname n'a
jamais figuré parmi les préoccupations réelles de l'Etat
béninois aussi bien dans sa politique agricole que dans sa
stratégie de sécurité alimentaire (Adanguidi, 2001).
L'igname constitue pourtant l'une des cultures
vivrières les plus importantes du Bénin. Selon Adanguidi (2001),
nul n'ignore le rôle traditionnel que joue l'igname dans l'alimentation
notamment dans la sécurité alimentaire et sa forte insertion dans
l'économie marchande.
Sur le plan économique, ces deux dernières
décennies sont marquées par le développement du commerce
de l'igname indépendamment de l'appui de l'Etat. Le développement
de ce commerce fait suite à l'augmentation de la demande de ce produit
par la création d'un marché intérieur principalement dans
la ville de Cotonou qui offre un excellent débouché pour la
production nationale (Adanguidi, 2001).
Par ailleurs, la plupart des régions où se
cultive l'igname sont des régions productrices de coton, principale
culture d'exportation du pays qui est donc source de devises
étrangères. En effet, avec près de 400.000 tonnes dont
l'essentielle est exportée, le coton représente près de 70
à 80% de la valeur des exportations, 35% des recettes fiscales et sa
contribution en termes de valeur ajoutée est estimée à 13%
du PIB (LARES, 2004 ; INSAE, 2002 ). Il constitue donc un enjeu
socio-économique primordial et compte tenu de cette importance, le
gouvernement béninois a pendant des décennies, concentré
la plupart des ses efforts de développement sur la filière, ce
qui fait qu'elle a enregistré une croissance beaucoup plus forte que les
autres secteurs agricoles (Banque Mondiale, 2002). Le coton présente en
effet plusieurs avantages qui incitent le producteur à s'adonner
à cette culture. Tout d'abord, le prix de vente est connu en
début de campagne et la commercialisation est garantie. De plus, par
cette culture, le paysan a la possibilité d'accéder au
crédit de production sous forme d'intrants (Biaou, 1998).
Outre ces facteurs extérieurs à la
filière et qui limitent le développement de la culture d'igname,
sa production est aussi handicapée par des contraintes endogènes.
L'igname est en effet une culture très exigeante que ce soit en
main-d'oeuvre, en terre fertile et en matériel de plantation pour la
reconduction de la culture (INRAB, 2001).
Concernant la main-d'oeuvre, si la production de l'igname par
unité de superficie est relativement élevée, le rendement
du travail est en revanche minime (Knoth, 1993). Selon Orkwor et Adeniji
(1998), il faut, dans les conditions actuelles de production entre 300 et 400
hommes jour de 8 heures de travail, pour espérer un rendement de 10T/ha,
soit un temps de travail de 2400 à 3200 heures.
En dehors de l'exigence en main-d'oeuvre, la reconduction de
la culture est une contrainte qui limite non seulement les superficies à
emblaver mais aussi réduit le disponible alimentaire ou les marges
bénéficiaires. Orkwor et Adeniji (1998) soulignent que les
agriculteurs utilisent 1,5 à
4 2T d'igname pour planter un hectare de culture. Cela
représente souvent plus de 25% de la production par hectare (INRAB,
1996)
Quant à la contrainte terre, il est à mentionner
que l'igname est généralement placée en tête
d'assolement sur des terres très fertiles riches en humus (INRAB, 1996 ;
Knoth, 1993 ; Gbèdolo, 1991). Cependant, il est à souligner que
ces terres fertiles deviennent de plus en plus rares de nos jours, obligeant
à des migrations temporaires vers les zones à faible
densité de population, elles aussi en constante diminution (Adanguidi,
2001).
Les contraintes ci-dessus évoquées sous-entendent
plusieurs questions qui restent sans réponse :
- Face à l'engouement porté à la culture
cotonnière ces dernières années, quelle est son incidence
réelle sur la production de l'igname ?
- Quelle rationalité guide l'allocation des ressources par
les producteurs dans sa production ?
- Les systèmes de production d'igname sont-ils efficaces
sur les plans économiques et techniques ?
Les réponses à ces différentes questions
seront données le long du présent travail intitulé :
« Economie des systèmes de production intégrant la
culture de l'igname en zone cotonnière : une analyse des contraintes par
un modèle de programmation linéaire ». Ce travail
sera conduit dans la commune de Glazoué plus précisément
dans le village Alawénonsa.
|