4 - Administration des Eaux et Forêts
La législation
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![]() Photos 7 et
8 : les balles à grande puissance d'arrêt (GPA)
(cliché Georgin Mbeng Ndemezogo) novembre 20005
Les photos ci-dessus présentent les cartouches
spécifiques à la chasse à l'éléphant. Il y a
dans ce carton vingt cartouches d'une valeur de 200 000f CFA. Ces cartouches
sont la propriété de l'un de nos informateurs qui apprêtait
sa prochaine chasse à l'éléphant. Pour la circonstance, il
nous a présenté toutes ses armes (4 fusils de chasse et un
pistolet). Mais celle qui a attiré notre attention est la carabine 458.
Il faut souligner que les balles de cette carabine sont blindées.
De fabrication française, ces balles sont interdites
à la chasse en Europe. Nous nous sommes posés la question de
savoir pourquoi cette interdiction, l'informateur nous dit qu'en Europe, il n'y
a pas d'animaux féroces tels que les éléphants, les
buffles et bien d'autres qui peuvent prendre les balles de ce type.
L'informateur nous dit également que la chasse à
l'éléphant, appelée aussi grande chasse, a pour objectif
le besoin d'ivoire. Les balles de cette carabine ont une grande puissance
d'arrêt (GPA) et voilà pourquoi on les appelle balles GPA. C'est
à la suite de tout cela qu'une question nous est venue à
l'esprit. En effet, l'éléphant est partiellement
protégé sur le territoire gabonais. Il est formellement interdit
de le chasser. Mais les balles GPA sont également vendues. Que fait-on
de l'interdiction ? Et voilà que se présente le paradoxe que
nous qualifions de flagrant. Interdire la chasse de l'éléphant,
c'est interdire les cartouches ou les balles qui mettront sa vie en danger.
Chasser l'éléphant, c'est avoir besoin de son
ivoire. Cela nous conduit à la consommation des sous- produits ou aux
trophées comme disent les spécialistes. Un autre informateur que
nous avons rencontré cette fois-ci à Mbel, nous
révéla lors de notre excursion en forêt qu'un dignitaire du
Haut- Ogooué engagea deux chasseurs qui sont venus chasser les
éléphants à Mbel (village situé au PK 85 d'Owendo
sur la voie ferrée). La chasse peut être qualifiée de
massacre car elle permit l'abattage de 33 éléphants dans la
période d'octobre/novembre 2004. Et le besoin d'ivoire était
à l'origine de ce massacre. La 458 dont nous parlions plus haut a une
capacité de quatre balles. Nous constatons ici que les insuffisances
juridiques entretiennent l'impact négatif sur la faune. Les populations
profitent de cette situation pour surexploiter la faune sauvage. Une reforme
évidente de la loi d'orientation en matière de la protection de
la faune est nécessaire. Même les populations des couches moyennes
et aisées sont dans ce commerce. La loi se doit donc de mesurer et
contrôler tout cela. La loi ne doit pas être passive face à
certains comportements. Cette situation entraîne toujours l'injustice au
sein de la société. Cet aspect nous a même
été évoqué lors de nos enquêtes. D'aucuns
pensent que la loi est faite pour certains et s'applique sur et pour d'autres.
Cela entraîne les attitudes de mépris et de révolte de la
loi par les populations touchées par ce phénomène.
Il est également important d'étudier les formes
de procuration de ces cartouches par les chasseurs. Nous avons fait plusieurs
observations. Le chasseur propriétaire d'un permis de chasse et de port
d'arme aura droit à un bon de cartouches délivré par le
ministère de l'intérieur. Mais cette procédure
d'acquisition n'est pas partout la même. Il y a des chasseurs qui se
procurent des cartouches auprès de leurs propriétaires notamment
les chasseurs que nous avons qualifiés de dépendants. Il y a des
chasseurs qui achètent des cartouches auprès des personnes qui
ont des bons de cartouches. En effet, même les cartouches se vendent au
même titre que les piles, les câbles métalliques et autres.
Nous voyons effectivement que tous ceux qui se procurent des cartouches par le
canal d'une tierce personne n'ont pas de bon de cartouches et ne sont pas
propriétaires de l'arme qu'ils utilisent ou bien qu'elle n'est pas
enregistrée. Plusieurs éventualités sont possibles, mais
nous nous contenterons de ce peu.
Un autre fait observable, c'est celui de la vente des bons de
cartouches par certains agents du ministère de l'intérieur
à des prix dérisoires. Les bons de cartouches se retrouvent ainsi
sur le territoire sans être enregistrés. Il est également
important de souligner que ces bons sont produits chaque année et tant
qu'il n'est pas utilisé, il reste toujours valable, même s'il date
de 1990. Alors qu'il était intéressant d'instituer une date de
validité sur ces bons (si possible un an de validité). Et
l'entreprise assignée à cette tâche doit être un
service non lucratif. Il est à rappeler que tant que le service sera
lucratif, les périodes de fermeture et d'ouverture de la chasse ne
seront guère respectées. Ce respect doit d'abord provenir de
l'arrêt de la vente des cartouches pendant la période de fermeture
de la chasse. Il ne faut pas oublier que l'entreprise a pour objectif principal
la réalisation des bénéfices. Elle ne tiendra pas compte
de la règle qui institue la fermeture de la chasse ou la non vente de
certaines cartouches ou balles afin d'appliquer la réglementation qui
protègent certaines espèces au Gabon. La loi d'orientation
n'intègre pas toutes ces réalités. Ce qui ne ferra que
compliquer la résolution du problème de la gestion
rationnellement de la faune sauvage, politique prônée par l'Etat.
La loi se doit de maîtriser tous les contours de la réalité
sociétale.
Missions de police
Photo 9 : Lutte anti-braconnage
dans le département d'Etimboué (cliché Programme de
Valorisation des Ecosystèmes Humides en Afrique Centrale (PVEHAC)) Juin
2000.
Suite à la mission de collecte de donnée dans le
département d'Etimboué (province de l'ogoué Ivindo) du 21
mai au 9 juin 2000, financée par le programme CARPE du BSP, les membres
de l'équipe du Programme de Valorisation des Ecosystèmes Humides
en Afrique Centrale (PVEHAC) ont assisté à l'opération de
lutte anti-braconnage organisée par la brigade de faune d'Iguéla.
L'opération de lutte a duré près de douze heures. Elle a
débuté le 8 juin 2000 à 15h pour s'achever le 9 juin 2000
à 3h du matin. Elle a réalisé plusieurs saisies dont nous
vous présentons l'image. Les saisies concernent les espèces qui
suivent : crocodiles, porcs épics, gazelles, singes, tortues,
buffles, cercocèbes à collier blanc, potamochères,
antilopes sitatunga, vautours, chevrotains, calaos.
La photo 9 et le tableau 4 mettent en exergue la politique que
l'Etat met en place de par les missions de police de la brigade de la faune et
de la chasse, d'une part. D'autres part, nous savons de par cette image que les
chasseurs et les « bayames » sont souvent victimes des
saisies opérées par les agents des Eaux et Forêts. In fine,
nous savons de par le tableau que la faune est menacée, tout en estimant
les prélèvements opérés par les chasseurs.
Aussi, parmi les prérogatives qui leur sont
assignées, les agents des eaux et forêts font en fonction des
moyens disposés ces missions de police. Elles consistent en la saisie
des ressources fauniques et forestières. Le tableau ci-dessus illustrant
la lutte anti-braconnage dans le département d'Etimboué est un
bon exemple. Notre objectif est d'exprimer la non application de la
législation ou les dérapages des agents des eaux et forêts.
Notre propos tire son fondement dans la première colonne du tableau
(espèces saisies). La mission de police consiste en la saisie de tout le
gibier que possèdent les chasseurs et/ou les
« bayames ». La mission d'Etimboué a saisi plus de
onze espèces différentes. Dans cette liste, nous retrouvons les
catégories d'espèces définies par la loi : les
espèces intégralement protégées, les espèces
partiellement protégées et les espèces non
protégées. Nous allons nous intéresser sur les
dernières espèces. C'est à ce niveau que la loi ne
s'applique pas. Dans ce type d'espèces, nous avons le vautour, le
cercocèbe à collier banc, le singe, le céphalophe bleu
(gazelle), l'athérure (porc épic). Nous voyons qu'à ce
niveau il y a un véritable problème. La simple saisie constitue
déjà pour les victimes une injustice. Car celles-ci ne savent pas
la destination véritable et légale de ces saisies. Plus grave,
quand ce sont les agents des eaux et forêts qui piétinent la loi.
Nous avons là, l'un des éléments qui poussent les
chasseurs et les « bayames » à la révolte.
Nous donnons dans le tableau ci-après les
résultats des saisies.
Espèces saisies
|
Prise 1
|
Prise 2
|
Prise 3
|
Total 1+2+3
|
1 Crocodiles
|
9
|
1
|
5
|
15
|
2 Porcs épics
|
7
|
7
|
6
|
20
|
3 Gazelles
|
2
|
5
|
11
|
18
|
4 Singes
|
1
|
5
|
14
|
20
|
5 Tortues
|
11
|
0
|
0
|
11
|
6 Buffles
|
1
|
0
|
0
|
1
|
7 Cercocèbes à collier blanc
|
1
|
0
|
1
|
2
|
8 Potamochères
|
1
|
6
|
10
|
17
|
9 Antilopes Sitatunga
|
1
|
4
|
3
|
8
|
10 Chevrotains
|
0
|
2
|
1
|
3
|
11 Vautours
|
0
|
0
|
5
|
5
|
12 Autres
|
3
|
3
|
0
|
6
|
TOTAL
|
37
|
33
|
55
|
125
|
Tableau 2 : Lutte anti-braconnage
dans le département d'Etimboué
Source : PVEHAC
Le tableau met en évidence la forte pression qu'exerce
l'homme sur la faune par le biais de la chasse. En effet, si plus de 125
animaux sont prélevés en l'espace d'une demi-journée, ce
sont donc plus de 90 000 gibiers (toutes espèces confondues) que l'on
prélève chaque année dans les 22800 km2 du
département d'Etimboué.
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