I.2.2 Déforestation au Katanga
En dépit de ses ressources naturelles, le Katanga
connaît une déforestation inquiétante durant ces
dernières années. Certaines zones de la Province, suite à
une forte pression démographique, connaissent de sérieux
problèmes de dégradation des terres résultant
principalement d'une polarisation inappropriée de l'occupation humaine
et des activités qui en résultent et des variations climatiques
.Les régions principalement affectées sont celles situées
au Nord - Est, dans les territoires de Kalemie, Pweto et Mitwaba ; au Nord -
Ouest, dans toute la région longitudinale allant de l'extrême Sud
- Ouest de la Province du Katanga ; au Sud, dans le District du Haut Katanga. A
ces manifestations provinciales de la dégradation des terres s'ajoutent
également celles des hinterlands de tous les grands centres urbains,
notamment Kolwezi, Kamina, Kipushi, Likasi,
Kalemie et Lubumbashi dont les forêts sont
décimées dans un rayon de plus 50 à 100 km (SPIAF, 2005).
Le cas de la déforestation autour de Lubumbashi constitue un cas unique.
Pour Delevoy, (1950), cette ville était constituée en 1900 d'au
moins 92% de forêts et de terres boisées.Et Schmitz (1950)
constate que la déforestation a significativement commencé en
1910 avec l'exploitation minière, la création des villes de
Lubumbashi et de Kipushi, la construction du chemin de fer, la création
des fermes et des centres ruraux autour des villes et l'apparition de
marchés de bois de feu et/ou charbon de bois. L'augmentation continue de
la population urbaine a entraîné une augmentation globale du bois
de feu, d'environ 6,5 % par an. Le développement socio-économique
de la province du Katanga repose donc sur l'exploitation de ses ressources
naturelles diversifiées et aux potentialités d'exploitation
élevée. De ces ressources, les terres et les forêts
occupent la plus grande partie du secteur socioéconomique puisque plus
de 90 % de la population active en milieu rural travaillent dans le secteur
agricole auquel sont associées les activités forestières
et connexes (Tableau 4).
Tableau 4 : Utilisation des terres et des forêts au
Katanga (FAO/IUCN, 2003).
Paramètres Valeurs
Superficie de la province 496.865 km2
Population 8 .928.000 habitants
Population paysanne ou agro-pastorale 70,9 %
Superficie de culture itinérante en forêt dense
sèche 0,55 ha/ familiale
Durée de culture 1 - 2 ans
Durée moyenne de jachère Moins de 2 ans
Densité 9.8 habitants/km2
Superficie forestière 10.000 km2
Taux de déforestation 0,4%/an
Superficie de déforestation nette annuelle en zone de
forêt 87.000 ha
dense et claire due à l'agriculture itinérante
Exploitation et exportation de grumes de bois d'oeuvre 72.000
m3
Bois de service (perches de construction) 800.000
m3
Consommations bois chauffe 18,7 millions de m3 (0,28
stère/personne/an
Avec la croissance démographique et la
précarité des conditions de vie au cours des
dernières décennies, on constate que l'affectation et
l'utilisation des terres et des forêts est faites de manière
aléatoire et en fonction des besoins immédiats,
sans tenir compte des normes de gestion de ces ressources naturelles.
La physiographie générale du territoire du
Katanga est constitué d'un complexe des faciès
géomorphologiques qui supportent chacun un type défini de
formation forestière. La classification de la FAO (1990) reconnaît
pour le Katanga les quatre principales unités de formations
végétales (Tableau 5).
Tableau 5 : Superficie de principales unités de
formations végétales au Katanga (FAO, 1990 ; SPIAF,
1995).
Type de végétation Superficie %
Forêts 0 ,8
Terres boisées 38,8
Savanes 52,3
Papyrus 95,2
Total 2.0
I.2.2.1 Agents de la déforestation
Il est important de faire la distinction entre les agents de
la déforestation et les causes. Les agents sont les acteurs
c'est-à-dire les particuliers, les entreprises, les organismes
gouvernementaux ou les responsables de projets de développement qui
défrichent les forêts, par opposition aux forces qui les motivent.
Les principaux agents au Katanga ont été identifiés en
fonction de leurs liens avec la déforestation et classés dans le
Tableau 6.
Tableau 6 : Principaux agents de la
déforestation.
Agents Liens avec la déforestation
Agriculteurs pratiquant la Destruction de la forêt pour
faire place à des cultures de subsistance
culture sur brûlis et marchandes
Agriculteurs commerciaux Destruction de la forêt pour
planter des cultures marchandes à
l'échelle commerciale
Eleveurs Destruction de la forêt pour créer des
pâturages
La multiplicité des troupeaux de bétail joue un
rôle important dans la déforestation.
Exploitants forestiers Récolte du bois d'oeuvre à
l'échelle commerciale, les pistes
d'exploitation sont des voies d'accès pour d'autres
utilisateurs des terres
Exploitants miniers Forte concentration des activités
industrielles
Déforestation liée à leurs
activités
Relocalisation des certains populations dans des régions
boisées
Les déplacés et réfugés
L'installation de la population dans des régions boisées
Forte concentration de la population couplée à une
agriculture intensive
Destruction de la forêt pour faire place à des
cultures de subsistance et marchandes
Les collecteurs de bois de Intensification de la collecte de bois
de chauffage
chauffages Fabrication de charbon de bois
I.2.2.2 Causes de la déforestation
La déforestation est le produit de l'interaction de
nombreuses forces environnementales, sociales, économiques, culturelles
et politiques agissant dans une région bien déterminée.
Dans ce travail, nous considérons trois aspects des causes de la
déforestation: les facteurs favorisants, les causes directes et les
causes indirectes classées dans le Tableau 7. Les facteurs favorisants
créent un environnement propice à la déforestation. Les
causes directes sont les plus visibles, celles qui peuvent être le plus
facilement mises en évidence et que l'on peut aisément lier aux
agents de la déforestation. Elles sont poussées par les autres
forces socioéconomiques moins visibles, les causes indirectes.
Tableau 7: Causes de la déforestation au Katanga
(SPIAF, 2003).
Facteurs favorisants Causes indirectes Causes directes
La croissance démographique Initiatives de nombreuses
entreprises minières motivées par l'appât du gain et la
recherche excessive du profit Manque d'accès des agriculteurs
aux technologies modernes pour accroître leur
productivité et leur sécurité économique
Politiques relatives à la fiscalité et au
développement
Accès aux terres et régime foncier
Pressions du marché Sous-évaluation des
forêts naturelles
Faiblesse des institutions gouvernementales
Facteurs sociaux
Cultures sur brûlis Agriculture commerciale Elevage
extensif et pâturage Exploration minière
Récolte de bois de chauffage et fabrication de charbon
de bois
Exploitation forestière Fabrication des briques
I.2.2.3 Répercussions de la
déforestation
La déforestation au Katanga a des répercussions
tant sur le plan climatique, social, pédologique, hydrologique que
biologique comme cela est indiqué dans les Tableaux 8 et 9.
Tableau 8: Conséquences de la déforestation
(SPIAF, 2003).
Type Conséquences
Sociales Destruction de style de vie traditionnel et
démantèlement des institutions
sociales pour les communautés locales
Biologiques Fragmentation de l'habitat et diminution de la
diversité biologique
Pédologiques Compaction du sol, augmentation de la
toxicité de son aluminium et en
fait une terre stérile, formation des cuirasses
latéritiques, augmentation de l'érosion du sol et
dégradation des terres.
Hydrométéorologiques Augmentation de la
température, les bassins versants perdent la capacité de
réguler l'écoulement fluvial, et le niveau d'eau et des
rivières fluctue rapidement entraînant souvent les inondations,
diminution des nappes d'eau souterraines.
Tableau 9: Taux d'érosion pluviale en fonction du type
de végétation à Lubumbashi (Soyer et al, 1982 ; Miti et
al, 1984).
Type de végétation
|
Taux d'érosion 3
[1 0kg/an/ha
|
Forêt dense sèche
|
3-5
|
Forêt claire
|
7
|
Savane à Loudetia
|
27-32
|
Sol nu
|
159-220
|
I.3. PRESENTATION DU KATANGA
I.3.1 Localisation
Notre secteur d'étude est la province du Katanga. Vaste de
497× 3
10 km2, elle est située au sud-est
de la République Démocratique du Congo et
limitée par les parallèles 5-13,5° S et les méridiens
22-29,8° E (Figure 11).
Figure 11: République Démocratique du Congo:
localisation de la province du Katanga située au Sud-Est.
I.3.2 Aspects climatologiques
Le climat régional est tropical du type soudanien
(Bultot, 1959). Il est caractérisé par une alternance des saisons
humides et sèches de différentes durées, dominées
respectivement par les vents du Nord-ouest et ceux du Sud-est. Il tombe en
moyenne 1300 mm de pluies de septembre à mai ; mais les
précipitations sont variables d'une année à l'autre. Son
éloignement à l'équateur (6 à1 3° de latitude
sud) est la cause de saisons nettement marquées appelées saisons
sèches et saisons de pluies. La température moyenne annuelle est
de 23,8°C, comprise entre une moyenne maximale de 30,0°C au mois
d'août, début de la saison de pluie, et une moyenne minimale de
17,6°C en juin. L'amplitude thermique est de 12,4°C, la
température maximum absolue est de 35°C tandis que le minimum
absolu est de 11,5°C. L'écart de la moyenne annuelle de la
température est de -0,3°C. Les précipitations sont de
l'ordre de 650 à 1500 mm. L'isohyète de 1550 mm affecte une
direction générale Est-Ouest (Bultot, 1959). Passant dans le nord
du territoire de Kabongo, il remonte vers le Nord-Est et délimite dans
l'Est du territoire de Kabongo et Kamina une vaste aire à
précipitations abondantes. Outre ces variations selon les sites, les
variations mensuelles jouent un rôle prépondérant dans le
rythme phénologique. C'est la sévérité de la saison
sèche qui marque la variabilité au sein du territoire. Elle est
plus longue et caractérisée par des périodes froides plus
intenses au Sud du Katanga. Cette alternance imprime à la
végétation un rythme saisonnier très marqué. La
majeure partie des précipitations est due à des courants
verticaux de convection, cela donne aux précipitations une certaine
régularité journalière, avec une forte intensité au
début de l'après-midi. En plus il y a un rythme saisonnier en
rapport avec la position zénithale du soleil Les vents les plus
fréquents sont du secteur Nord-Ouest en saison de pluie, du secteur
Sud-Est pendant la saison sèche.
I.3.3 Aspects géologies et
géomorphologies
La géologie du Katanga est caractérisée
par deux grands ensembles structuraux (Cahen, 1954). Les formations de
couvertures (terrains phanérozoïques), non
métamorphisé généralement fossilifères et
d'âge compris entre le carbonifère supérieur et
l'holocène. Elles caractérisent beaucoup plus le Katanga
septentrional. Région généralement recouverte par les
sables d'âge néogène est, d'après Lepersonne (1974),
constituée d'un soubassement précambrien sur lequel reposent des
terrains phanérozoïques. Il s'agit de deux types de formation :
- des granitoïdes d'âge Anté-kibarien et de
formation appartenant au super groupe de Bushimay (Protérozoïque
supérieur) ; série des sables ocre reposant sur la surface
d'érosion
mi-Tertiaire, remarquablement plane, et dont l'extension est plus
considérable que celle de la série des grès polymorphes
;
- les formations de soubassement (terrains précambrien)
plus métamorphiques et plissés, terrains subdivisés en
unités tectostratigraphiques comme la couverture du Précambrien
supérieur appelé le Katanguien dont les sédiments se sont
déposés sur les plates-formes épicontinentales et dans les
aires de subsidences du craton congolais (Katanga plissé et
tabulaire).
C'est le Groupe de Kibara qui constitue une des unités
les plus importantes du Katanga ; il affleure largement de part et d'autre du
Lualaba (Fleuve Congo). D'après Cahen, (1954), les grandes zones
anticlinoriales et synclinoriales s'étirent en bande quasi
parallèle ; et le déversement des plis se fait vers le
Nord-Ouest.
Le relief y est assez monotone ; néanmoins il est
possible de distinguer parfois les faciès de plaines, de plateaux, de
vallons ou encore de monts émergeant. Cinq Hauts-Plateaux, Kamina, de
Biano, de Marungu, Kundelungu, de Kibara, formés par la lente
érosion d'un socle en dépression créée par un
ancien lac, sont couverts du sable ocre néogène du type kalahari.
Le sous-sol est riche en cuivre, étain, fer charbon, cobalt,
manganèse, zinc, radium, or, diamant, etc. Ces gisements de minerais
sont dus à des accidents géologiques se concentrant dans une
fosse du sud et centre du Katanga.
Le Katanga possède un réseau hydrographique
très dense. Les plans d'eau, représentés par l'immense
réseau fluvial, les plaines inondées et les lacs couvrent environ
3,5 % de la superficie régionale et ont un potentiel halieutique
considérable. On y rencontre quelques grands lacs
périphériques de l'Est Tanganyika, et Moero. Le système
lacustre du Katanga comprend en outre deux importants lacs intérieurs,
Mwadingusha et Boya. On y inclut également les lacs de dépression
de Kamalondo, Tshangalele et N'zilo. Le système fluvial est
caractérisé par le Lualaba (fleuve Congo dont la source est au
Katanga méridional) dont les affluents principaux sont la Lomami,
Lualaba (Luvua) et Lubilashi.
I.3.4 Aspects pédologiques
Les formations géologiques décrites plus haut ont
donné naissance à des sols sablonneux, sablo argileux et argileux
à réserve minérale très faible et à teneur
en matière organique très réduite.
En effet, ils proviennent de roches granitoïdes à
amphiboles où les micas font systématiquement défaut.
Leurs teneurs en élément fins varie de 7 à 45 % avec une
moyenne de 15 à 20 %, et le pH,
souligne Renier (1957), varie de 4,8 à 5,4 .Il poursuit
également que les couleurs de l'horizon B sont presque toujours
situées dans la planche 5YR à l'état sec ou humide parfois
dans la planche 10YR. Certains sols, comme ceux de Samba, sont fonction du
massif tonalitique, ressemblent au groupe des sols rouges sombres à
rouge grenat de Kaniama. Ces sols sont argileux, quelques fois argilo
sablonneux et riches en bases échangeables (Sys, 1961). L'essentiel des
caractéristiques morphologiques des principaux profils
pédologiques étudiés par Djibu (1999),
révèlent un ensemble de sols où, à quelques
variantes près, on observe une couleur rouge ou brune, avec de rares
taches, une texture fine avec souvent l'absence de masses rocheuses. La
structure est grenue polyédrique émoussée, fortement
développée ; une consistance friable, une bonne porosité
(moyenne et parfois forte), un bon enracinement superficiel, un passage graduel
d'un horizon à l'autre, parfois diffus, et souvent difficile à
fixer sur le terrain.
En somme, le Katanga présente des affleurements rocheux
appartenant au soubassement cristallin précambrien (gneiss, granite et
schiste) et aux sédiments, surtout sableux, du
pliopléistocène. Les sols rencontrés dans cette
région sont ferralitiques, profonds, à horizons
généralement peu différenciés et présentent
des transitions diffuses ou graduelles. Les sols ferralitiques rouges et jaunes
sont les plus fréquents. Ils peuvent être associés à
des lithosols sur cuirasses ferrugineuses ou se développer sur des
sédiments meubles sableux. Après déforestation et mise en
culture, les sols rouges sablo argileux et sablonneux sont souvent
affectés par une évolution rapide marquée par des
modifications de la couleur qui se nuance de brun et de jaune et tend à
s'éclaircir, de la compacité (s'accroît) et de
l'individualisation des formes nodulaires de plus en plus distinctes et
contrastées. Toutes ces perturbations physiques
d'après, accroissent la vulnérabilité des agrégats
envers l'action de l'eau, conduisant à la dégradation de la
stabilité structurale des sols.
I.3.5 Végétation
Le Katanga est une région de savanes arbustives aux
clairières parsemées de termitières appartenant
généralement du point de vue phytogéographique (White,
1986), au centre régional d'endémisme zambézien.
Dans la province du Katanga , comme le souligne Lebrun et
Gilbert (1954), la végétation ligneuse naturelle appartient
généralement aux forêts semi-caducifoliées, à
distribution zambézienne qui constituent les noyaux de forêt
dense, au milieu des forêts claires et savanes boisées du Sud de
la province, appelées « Muhulu » et comportent une proportion
très élevée d'espèces arborescentes décidues
lui conférant, avec leur hauteur relativement basse (15 à 25 m),
un aspect de forêt dense
sèche ; quelques espèces caractéristiques
sont Baphia bangwelolensis, Brachystegia spiciformis var.schmitzii,
Entandrophragma delevoyi et Manilkara sp. Les forêts claires et
savanes boisées correspondent aux forêts « tropophiles »
selon Lebrun et Gilbert (1954), surtout à leurs formes
altérées ou dégradées provenant des
défrichements par l'homme et de l'action des feux courants. On y
rencontre également les « forêts édaphiques
liées aux sols hydromorphes » ainsi que les savanes steppiques
zambéziennes des hauts plateaux du Katanga à savoir le plateau de
Kamina, de Biano... Ainsi les principales unités de
végétation du Katanga (Duvigneaud, 1952,1958 ; Malaisse et al,
1977) :
- forêts denses sèches ;
- forêts denses édaphiques ;
- forêts claires ;
- végétation des milieux aquatiques ; - savanes.
I.3.5.1 Forêts denses sèches
Ce sont des formations végétales de peuplements
fermés, pluralistes, de stature moins élevée que la
forêt dense humide et dont le tapis graminéen est
généralement discontinu. On en distingue au Katanga deux
phytocénoses principales (Schimitz, 1971 ; Malaisse et al, 1977) :
forêt dense sèche à Cryptosepalum
exfoliatum et Forêt dense sèche à Entandrophragma
delevoyi.
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