Relations politiques Iran - Etats - Unis: 1979 -- 1988( Télécharger le fichier original )par Kouassi Roger DJANGO Universite de Bouake - Licence 2007 |
I- LA PRISE DE L'AMBASSADE DES ETATS-UNIS A TEHERAN1- Les causes de cette prise et le rôle des étudiants Depuis son appel à ne pas négocier avec les américains, les manifestations antiaméricaines se multiplient dans tous le pays. Cette situation n'empêchera pas les Etats-Unis de maintenir leur représentation diplomatique dans ce pays. Ils le font en espérant toutefois entretenir de bonnes relations avec le régime des Mollahs11(*). C'est ainsi que le 22 Octobre 1979, le jour que le Shah a été hospitalisé à New-York, cet acte va faire monter le mercure au niveau des manifestants. Pour eux l'admission du Shah aux Etats-Unis sous prétexte qu'il est malade est un mauvais signe, car ils se souviennent du coup d'Etat de 1953 organisé par les americains et les anglais qui le ramènent au pouvoir. C'est pourquoi le 4 Novembre 1979 en fin de matinée quelques centaines de manifestants islamiques y compris les étudiants prennent d'assaut l'ambassade américaine à Téhéran. Les quelques soldats des marines présents sur place les retiennent à peu près deux heures, pendant ce temps le personnel de l'ambassade détruisaient les documents qui contenaient des informations sensibles. Lorsque ces derniers voient la fumée s'échapper des bâtiments de l'ambassade, les étudiants forcent le passage et prennent 63 personnes en otage auxquelles s'ajouteront trois autres capturées au Ministère des affaires étrangères. Ils réussissent à saisir des documents classifiés des services de renseignements américains12(*). Cette situation va beaucoup perturber l'Administration Carter et la mettre dans une désolation et un désespoir total. En effet, cette administration était dans une position délicate car ne savait que faire et ne savait à qui s'adresser13(*). Khomeyni soutient cette action des étudiants et considère que c'est une victoire du bien sur le mal et en même temps, il leur accorde sa bénédiction. Il va utiliser cette prise d'otage pour atteindre ses buts politiques et régler ses comptes avec les Etats-Unis. 2- Khomeyni et la prise d'otages Khomeyni utilise cette prise d'otages pour atteindre ses objectifs politiques. En effet, il contraint son premier ministre Barzagan à la démission le 6 Novembre 1979 qu'il considère comme étant trop passif par rapport à ses idées et ses ambitions qu'il voulait atteindre. Le gouvernement Iranien était composé de plusieurs groupes d'oppositions qui n'avaient pas la même vision que Khomeyni qui voulait à lui un Etat fortement islamisé qui aura pour fondement les principes et les valeurs de l'Islam. Pendant que les autres voulaient un Etat islamique mais laïc. Ce sont ces divergences qui ont amené le premier ministre à démissionner. Après cette victoire, Khomeyni fait voter une nouvelle constitution selon sa vision politique. La démission lui permet de régler maintenant ses comptes avec les americains. Il commença par « traiter l'ambassade américaine de nids d'espions et approuver la prise des otages dans un discours amplement diffusé à la radio et à la télévision »14(*). Suite à cette déclaration, il contraint les Etats-Unis à se lancer dans une négociation pour la libération des otages. 3- Les négociations et la libération des otages a- Le début des négociations Pour les négociations, les Etats-Unis vont être confrontés à un grave problème de communication avec les iraniens. En effet, les Americains comme nous l'avons dit plus haut ne savaient que faire et savaient à qui s'adresser car ne maitrisant pas les nouvelles autorités iraniennes d'où la complication des négociations. Elles vont débuter avec beaucoup de difficultés car les americains ne savaient pas avec quel interlocuteur ils vont rentrer en contact avec les autorités de Téhéran. C'est ainsi qu'ils ont pris contact avec le diplomate Tunisien Habib Chatty alors secrétaire général de la conférence islamique depuis octobre 1979 et ancien ambassadeur de la Tunisie à Téhéran. Ce dernier réussit à établir la communication entre américains et iraniens et chacun pu exprimer ses conditions. Mais avant, il faut souligner que les iraniens ont libéré 13 des 66 otages dans les deux semaines qui ont suivi la prise d'otages, ainsi qu'un quatorzième en juillet 1980. Ces otages libérés étaient en majorité des femmes et de quelques noirs. Khomeyni considère que « l'Islam respecte les femmes et considère les noirs americains comme des opprimés »15(*). Le reste des otages fera l'objet de vives discussions entre iranien et américain. Après l'établissement du dialogue par Habib Chatty, les americains ont vu leurs rêves se réaliser car les iraniens leur ont remis les conditions qu'ils posaient pour la libération des autres otages. Ils réclamaient entre autre que les Etats-Unis leur livrent le Shah afin que celui-ci soit jugé ainsi que sa fortune. Ils demandent aussi aux Etats-Unis de présenter des excuses au peuple iranien pour ce qui leur ont fait subir, ils demandent aux americains de ne plus s'ingérer dans les affaires internes de l'Iran et enfin il ajoute que si ces conditions ne sont pas remplies, il n'aura aucune libération16(*). Mais les americains après réception de ses revendications vont vouloir régler cette situation selon le droit international, c'est ainsi qu'ils répondent aux Iraniens que : « personne aux Etats-Unis n'est sourd aux voix passionnées qui dénoncent l'injustice et les maux du passé et qui demandent à être entendues. Il n'y a pas un seul grief prétendu ou reconnu dans cette situation qui ne pourrait être formulé devant l'audience appropriée »17(*). Les positions des deux nations étant données, les négociations vont tomber dans une rhétorique où chacune des nations campe sur sa position. C'est à ce moment que Jimmy Carter dans un message le 25 Mars 1980 demande des excuses au gouvernement Iranien en ces termes : « J'aimerais vous informer que mon gouvernement a hérité d'une situation internationale très délicate, fruit d'une politique différente de circonstances autres, qui nous ont tous conduits à connaître les erreurs du passé »18(*). Après réception de ce message, le président d'alors Bani Sadr rentra en contact avec Washington en leur promettant de mettre tout en oeuvre pour libérer les otages. Mais Bani Sadr et son ministre des affaires étrangères sont désagréablement surpris par un refus catégorique des étudiants. Car ceux-ci ont le soutien ferme de l'Ayatollah Khomeyni. Il faut noter que pendant ces premières négociations, la principale revendication des Iraniens à eu gain de cause avec la mort du Shah en juillet 1980. Cette mort et le message du président Carter vont donner une nouvelle tournure pour la libération des otages b- Les nouvelles négociations et la libération des otages Cette nouvelle tournure des négociations se déroulera sous la tutelle du gouvernement Algérien. En effet, cela a été possible à cause de la situation interne même des algériens et la déclaration du président Carter suite à la déclaration de guerre de l'Irak contre l'Iran. Il traitait l'Irak de pays envahisseur19(*). Concernant la situation qui prévalait à l'intérieur du gouvernement Iranien est que ce gouvernement a été formé les différents groupes d'opposition qui n'avaient la même vision pour l'avenir de l'Iran. Khomeyni qui voulait un Etat fortement islamisé, les autres voulaient un Etat laïc mais islamique. Ce sont ces divergences qui vont amener le premier ministre Mehdi Barzagan libéral à démissionner sous la pression des religieux. Khomeyni le traitait trop favorable avec Washington. Cette démission du premier ministre laissait la route ouverte aux religieux qui devenaient désormais les seuls maîtres de l'Iran. A tous ces événements viennent s'ajouter la défaite de Carter aux élections de novembre 1980 et le début de la guerre Iran-Irak. Le décor étant présenté, la voie de la négociation semble être préférée. C'est à ce moment que les Etats-Unis qui étaient favorable depuis lors à la discussion vont designer le ministre des affaires étrangères algériens Mohamed Seddiki Benyahia pour servir d'intermédiaire entre Washington et Téhéran. Dès cet instant, les iraniens posent alors de nouvelles conditions pour la libération des otages en ces termes .Ils demandent la garantie de la non ingérence, le déblocage des avoirs iraniens bloqués aux Etats-Unis, la restitution de la fortune du Shah et l'abandon des plaintes judiciaires déposées par les sociétés américaines contre eux20(*). Ces nouvelles revendications surprennent tout le monde entier en général et en particulier les Etats-Unis. Ils considèrent ces revendications comme une base solide de discussion avec les autorités iraniennes qui ne demandent plus des excuses publiques de la part des Etats-Unis par rapport à leurs agissements passés en Iran. Cet étonnement des américains réside dans le fait que les iraniens résument ces nouvelles revendications en terme monétaire. Les deux délégations dirigées chacune pour l'Amérique par Warren Christopher sous- secrétaire d'Etat américain et pour l'Iran par Sadeg Tabatabou gendre de Khomeyni et secrétaire général du gouvernement iranien, se sont finalement entendus sur la libération des otages. Les américains ont décidé du dégèle des fonds iraniens et ont promis qu'aucune poursuite judiciaire ne sera lancée contre les autorités iraniennes. Les iraniens eux à leur tour libèrent les otages, tels sont les accords d'Alger signés le 18 janvier 1980. La libération des otages a eu lieu le 20 janvier 1980, trente minutes après l'adresse inaugurale du nouveau président élu Ronald Reagan des Etats-Unis. Mais les otages ne rejoignent leur pays que le 27 janvier 1980 après un tour à la base aérienne de Wiesbaden en Allemagne. Cette crise des otages a été l'une des plus humiliantes pour les Etats-Unis, elle aura plusieurs conséquences sur les relations de ces deux pays * 11 Camara (M.), L'évolution des relations entre les Etats-Unis et l'Iran 1953-1996 : Du mariage de raison à la haine réciproque, Mémoire de Maîtrise, p. 135. * 12 Alain (C.), « L'Amérique retient son souffle », in le Monde 5 Décembre 1979. * 13 Camara (M.), L'évolution des relations entre les Etats-Unis et l'Iran 1953-1996 : du mariage de raison à la haine réciproque, Mémoire de Maîtrise, p. 136. * 14 Camara (M.), L'évolution des relations entre les Etats-Unis et l'Iran 1953-1996 : du mariage de raison à la haine réciproque, Mémoire de Maîtrise, p. 137. * 15 Le Monde diplomatique, décembre 1979, p. 3. * 16 Salinger (P.), otages : négociations secrètes de Téhéran, p. 57-58. * 17 Salinger (P.), otages : négociations secrètes de Téhéran, p. 104. * 18 Salinger (P.), otages : négociations secrètes de Téhéran, p. 207. * 19 Camara (M.), L'évolution des relations entre les Etats-Unis et l'Iran 1953-1996 : du mariage de raison à la haine réciproque, Mémoire de Maîtrise, p. 148. * 20 Salinger (P.), otages : négociations secrètes à Téhéran. |
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