UNIVERSITE LIBRE DE KIGALI
FACULTE DE
DROIT
B.P. 2280 KIGALI
L'EFFET DISSUASIF DE LA JUSTICE PENALE
INTERNATIONALE :
CAS DU TPIR ET DE LA CPI
Mémoire
présenté et défendu en vue
de l'obtention du grade de Licencié en Droit
Par Jean-Damascène NYANDWI
Directeur :
Dr Ahmed Iyane SOW
Kigali, novembre 2007
DEDICACE.
Aux victimes des crimes graves ;
A notre regretté père ;
A notre chère mère ;
A notre très chère épouse Suzanne
UMUTESI ;
A nos chers enfants Delphine, Adorée, Béni,
Grâce-Divine et Godwill.
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail est le fruit de plusieurs
personnes auxquelles, du fond de notre coeur, nous exprimons nos
sincères remerciements.
Nous remercions beaucoup le Dr Ahmed IYANE SOW qui a
accepté de diriger notre mémoire malgré d'autres lourdes
responsabilités professionnelles qui lui incombent.
Nous ne pouvons pas oublier Madame NAMAHORO Salama
Adéline, évaluatrice principale de ce mémoire. Les
conseils qu'elle nous a donnés ont fait que ce travail soit parmi les
meilleurs.
Nous remercions également toutes les autorités
académiques et tout le corps professoral de l'Université Libre de
Kigali pour la formation de haute qualité qu'ils nous ont
donnée.
Notre profonde gratitude va aussi à l'endroit de notre
épouse, nos enfants, notre mère et nos frères et soeurs
qui ont supporté pendant plusieurs années la vie difficile que
nous leur avons imposée.
Nous ne pouvons pas oublier tous les amis qui nous ont
encouragé financièrement et moralement dans notre vie
estudiantine. Nous remercions spécialement nos collègues J.M.V.
NTIGURIRWA, Cyprien MUHUMUZA, Alphonse MPATSWENUMUGABO, Gaudence MUKAKIGELI,
Hélène MOENBACK, Mbaga MUNYAZIKWIYE et Olga SIMPSON.
Que tous ceux qui, de près ou de loin, ont
contribué à notre formation en soient vivement remerciés.
Jean-Damascène NYANDWI.
ABREVIATIONS
C. : contre
CEDEAO : Communauté Economique Des Etats
d'Afrique de l'Ouest.
C.I.C.R : Comité International de Croix Rouge
C.P.I : Cour Pénal International
C.S. : Conseil de Sécurité
D.E.A. : Diplôme d'Etude Approfondie
D.I.H : Droit International Humanitaire
F.I.D.H : Fédération Internationale des Droits
de l'Homme
J.O. : Journal Officiel
O.N.U : Organisation des Nations Unies
Op. Cit. : Opere citato (ouvrage déjà
cité)
OTAN : Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
P. : Page
P.U.F : Presses Universitaires de France
RPP : Règlement de Procédure et de preuves
R.T.L.M : Radio-Télévision Libre des Milles
Collines
S.D.N : Société des Nations
SFOR : Stabilisation Force (Force de stabilisation en
Bosnie-
Herzégovine sous le commandement de
l'OTAN)
S.l. : Sans lieu
T.M.I : Tribunal Militaire International
TPI : Tribunal Pénal International
T.P.I.R : Tribunal Pénal International pour le
Rwanda
TPIY : Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie
T.S.S.L : Tribunal Spécial pour la Sierra
Léone
U.L.K : Université Libre de Kigali
U.N.R : Université Nationale du Rwanda
U.P.C : Union des Patriotiques Congolais
U.R.S.S : Union des Républiques Socialistes
Soviétiques
TABLE DES MATIERES
DEDICACE.
I
REMERCIEMENTS
II
ABREVIATIONS
III
TABLE DES MATIERES
V
INTRODUCTION GENERALE
1
1. Choix et intérêt du sujet
1
2. Délimitation du sujet
2
3. Problématique
2
4. Hypothèses
3
5. Objectifs du travail
3
6. Techniques et méthodes
utilisées
4
6.1 Techniques
4
6.2 Méthodes
4
7. Subdivision du travail
5
CHAPITRE I : CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
6
1.1. Cadre conceptuel
6
I.1.1 Définition des concepts
6
I.1.1.1 L'effet dissuasif
6
I.1.1.2 La justice pénale
6
1.1.1.3 La justice pénale
internationale
7
I.1.2 Les crimes graves réprimés par
la justice pénale internationale
7
I.1.2.1 Les crimes contre l'humanité
7
I.1.2.2 Le génocide
9
I.1.2.3 Les crimes de guerre
11
I.1.2.4 Le crime d'agression
12
1.2 Cadre théorique
13
I.2.1 Formation et évolution de la justice
pénale internationale
13
I.2.1.1 Les tribunaux militaires
internationaux
15
I.2.1.1.1 Le tribunal militaire international de
Nuremberg
15
I.2.1.1.2 Le tribunal militaire international de
Tokyo
16
1.2.1.2 Les Tribunaux pénaux internationaux
ad hoc créés par le Conseil de sécurité de
l'ONU
18
1.2.1.2.1 Le Tribunal pénal international
pour l'ex-Yougoslavie
18
1.2.1.2.2 Le Tribunal pénal international
pour le Rwanda
18
I.2.1.3 La Cour pénale internationale
19
I.2.1.3.1 Contexte juridico-politique de la
création de la CPI
19
1.2.1.3.2 Le rapport entre les TPI ad hoc
et la CPI
21
CHAPITRE II : LA DISSUASION DE LA JUSTICE
PENALE INTERNATIONALE
23
II.1 Les aspects de la dissuasion
23
II.1.1 La dissuasion directe
23
II.1.1.1 La responsabilité pénale
individuelle
24
II.1.1.2 La responsabilité des Etats et le
respect des droits de l'homme
25
II.1.2 La dissuasion indirecte
25
II.1.2.1 Affermissement et valorisation des textes
internationaux
26
II.1.2.2 Constitution d'Etats de droit et de bonne
gouvernance
28
II.1.2.3 Sauvegarde de la paix et de la
sécurité internationale
29
II.2 Limites de l'effet dissuasif de la justice
pénale internationale
29
II.2.1 Les sièges des juridictions
pénales internationales loin du locus delicti commissi
30
II.2.2 Opération des juridictions
pénales internationales loin du locus delicti commissi
30
II.2.3 Le rôle controversé du Conseil
de sécurité dans la justice internationale
35
II.2.4 Le rôle des Etats dans la justice
pénale internationale
36
II.2.4.1 La mise en oeuvre de la compétence
universelle
36
II.2.4.2 Les tribunaux hybrides : un nouveau
moyen efficace de dissuasion
39
II.2.5 Une main mise sur le patrimoine des
personnes condamnées
40
II.2.5.1 Aspect dissuasif de la réparation
des dommages
40
II.2.5.2 La réparation dans les
procédures judiciaires internationales
41
CHAPITRE III: LA LUTTE CONTRE L'IMPUNITE PAR LA
JUSTICE PENALE INTERNATIONALE
43
III.1 Les différentes formes de
l'impunité
43
III.1.1 L'impunité juridique
43
III.1.2 L'impunité de fait
44
III.1.3 La non-proportionnalité de la peine
à la gravité d'un crime
45
III.2 La contribution des juridictions
pénales internationales dans la lutte contre
46
l'impunité
46
III.2.1 L'apport du TPIR
46
III.2.2 La contribution de la CPI
51
III.3 Les exceptions favorisant
l'impunité
53
III.3.1 L'inopposabilité de la
qualité officielle du criminel
53
III.3.2 Le rejet de l'ordre du supérieur
hiérarchique
53
III.4 Les obstacles à relever dans la lutte
contre l'impunité
54
III.4.1 L'absence d'une force de police et la
question de souveraineté étatique
54
III.4.1.1 Absence d'une force de police
54
III.4.1.2 La souveraineté
étatique
55
III.4.2 La compétence ratione temporis
du TPIR et de la CPI
58
III.4.2.1 La compétence ratione
temporis du TPIR
58
III.4.2.2 La compétence ratione
temporis de la CPI
59
III.4.2.2.1 La non rétroactivité du
Statut de Rome
59
III.4.2.2.2 Incompatibilité de la
non-rétroactivité avec l'imprescriptibilité des crimes
graves
61
CONCLUSION GENERALE
63
BIBLIOGRAPHIE
68
ANNEXES
INTRODUCTION GENERALE
1. Choix et intérêt du sujet
Le monde a connu plus d'un génocide et des crimes
contre l'humanité qui ont infligé des souffrances indicibles
à la communauté internationale. Depuis l'extermination des juifs
perpétrée par les Nazis lors de la deuxième guerre
mondiale, les Etats alliés s'étaient élevés contre
ces criminels en mettant en place des mécanismes visant à les
poursuivre et à les réprimer en l'occurrence l'instauration
des tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo.
L'évolution a été parachevée avec
la création des tribunaux ad hoc des Nations Unies, de la Cour
pénale internationale, ainsi que des Cours spéciales au Timor
oriental, en Sierra Leone et au Liban, à composition mixte ( nationale
et internationale ), ces juridictions étant chargées de juger les
auteurs présumés de violations graves du droit international
humanitaire.
Malgré le « Never again ( Plus jamais
cela ) », slogan lancé par la Communauté internationale
après la libération des camps de concentration nazis1(*), les mêmes
atrocités ont été commises dans plusieurs Etats de la
planète, en Arménie, au Cambodge, en ex-Yougoslavie, en Sierra
Léone,... et très récemment en 1994 au Rwanda, pour ne
citer que ceux-ci à titre d'exemple.
Vu que ces actes ignobles qui violent le droit international
humanitaire continuent à survenir un peu partout dans le monde au lieu
de disparaître, une analyse juridique de l'effet dissuasif de la justice
pénale internationale s'avère nécessaire.
En outre, ce travail présente un grand
intérêt parce qu'il nous permettra de déceler les
problèmes majeurs que rencontrent les juridictions pénales
internationales dans leur tâche de rendre justice, en vue de lutter
contre la culture de l'impunité. Il convient également de mener
des recherches visant à dégager des mesures qui devraient
être prises en vue de rendre la justice internationale beaucoup plus
dissuasive. Il est aussi impérieux, en tant qu'étudiant rwandais
qui a vu son pays détruit par le génocide de 1994, d'apporter une
contribution scientifique visant à mieux comprendre la justice
internationale, tout en proposant des solutions susceptibles de dissuader
efficacement d'autres éventuels criminels.
2. Délimitation du sujet
Les limites spaciales et temporelles de notre sujet sont pour
le TPIR, la répression des violations graves du droit international
humanitaire, commises sur le territoire du Rwanda et sur les territoires
d'Etats voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.Quant
à la CPI, la limite spaciale et temporelle de l'étude
s'étend à tous les Etats qui ont signé et ratifié
le Traité de Rome, depuis le 1er juillet 2002, date de son entrée
en vigueur.
Dans le temps, notre travail va mettre un accent particulier
sur le processus évolutif de la lutte contre l'impunité, depuis
la création des TMI jusqu'à la création du TPIR et de la
CPI.
Enfin concernant le domaine, notre travail puise
principalement dans le droit international pénal et dans le droit
international humanitaire.
3. Problématique
Le génocide, les crimes contre l'humanité et les
crimes de guerre constituent des infractions graves qui alarment
l'humanité toute entière parce qu'ils suppriment la vie de
nombreuses personnes innocentes dont la majorité sont les civiles.
Non seulement la commission de ces crimes sème la
terreur au sein de la population du lieu où ces derniers ont
été perpétrés, mais aussi la planète toute
entière est effrayée. Nous passons sous silence d'autres
conséquences graves tant économiques que sociales qui s'en
suivent.
Au lendemain du génocide des juifs, le monde avait
juré que ces atrocités ne surgiraient plus jamais. Et pourtant,
quelques années plus tard, l'on assiste ailleurs dans le monde au
spectacle de gens sans scrupules qui s'adonnent de nouveau à de tels
actes horribles.
De plus, des normes avaient été prises par la
communauté internationale avec l'adoption d'instruments internationaux
pour poursuivre et sanctionner gravement les auteurs de tels actes. C'est dans
cette perspective que furent adoptées les quatre Conventions de
Genève ainsi que les deux Protocoles additionnels et la Convention des
Nations Unies sur la prévention et la répression du crime de
génocide de 1948. Même si ces instruments traduisent la
volonté de la communauté internationale dans le domaine de la
lutte contre l'impunité, il faut reconnaître néanmoins que
cet espoir a disparu suite aux violations massives et systématiques du
DIH qui s'en sont suivies.
La persistance de la commission de ces crimes nous
amène à nous poser les questions suivantes auxquelles notre
recherche essayera de répondre :
1° La justice pénale internationale a-t-elle des effets
dissuasifs?
2° Cette justice internationale permettra-t-elle de faire
reculer l'impunité ?
4. Hypothèses
Par rapport aux questions précédentes, notre
travail va tenter de vérifier les hypothèses suivantes :
1° La justice pénale internationale présente un
caractère dissuasif mais elle reste entachée de beaucoup de
lacunes aussi bien factuelles que juridiques.
2° La justice pénale internationale telle qu'elle est
appliquée ne pourra pas freiner l'impunité compte tenu des
obstacles auxquels elle se heurte.
5. Objectifs du travail
Le présent travail poursuit un double
objectif :
-Montrer les difficultés que rencontrent les
juridictions pénales internationales dans l'exécution de leur
mandat.
-Proposer des mesures capables de rendre la justice
internationale beaucoup plus efficace en vue de lutter contre l'impunité
dont jouissent les auteurs de crimes internationaux.
6. Techniques et méthodes utilisées
6.1 Techniques
Pour mener à bien notre travail, nous nous sommes servi
de deux techniques à savoir la technique documentaire et la technique
d'interview directe.
La technique documentaire nous a permis de faire une fouille
systématique de toute la littérature en rapport avec notre sujet.
La technique d'interview directe quant à elle, nous a aidé
à nous entretenir avec certaines personnes expertes dans le domaine de
la justice internationale, qui ont expliqué le fonctionnement et les
difficultés rencontrées par les juridictions pénales
internationales.
6.2 Méthodes
Au cours de notre recherche, nous avons fait recours à
cinq méthodes : la méthode historique, la méthode
comparative, la méthode exégétique, la méthode
analytique, et la méthode synthétique.
Par la méthode historique, nous avons pu montrer
l'évolution de la justice pénale internationale depuis la
création des Tribunaux militaires internationaux jusqu'à ce
jour.
La méthode comparative nous a permis de comparer le
fonctionnement du TPIR à celui de la CPI, en mettant un accent sur
l'aspect dissuasif de ces deux institutions chargées de réprimer
les auteurs de crimes graves.
Nous nous sommes servi de la méthode
exégétique pour interpréter des instruments juridiques
tant nationaux qu'internationaux et appliquer les données
recueillies.
La méthode analytique nous a été
indispensable dans l'analyse des données collectées au cours de
notre recherche non seulement juridiquement mais aussi scientifiquement.
Enfin, nous avons utilisé la méthode
synthétique pour synthétiser les éléments
récoltés dans un ensemble cohérent.
7. Subdivision du travail
Après l'introduction générale, notre
étude porte sur trois chapitres. Le premier est consacré au cadre
conceptuel et théorique de la justice pénale internationale, le
deuxième aborde la dissuasion résultant de la justice
pénale internationale, en mettant en exergue ses effets direct et
indirect, et le dernier chapitre traite de l'effectivité de la justice
pénale internationale dans la lutte contre l'impunité. Et enfin,
nous avons une conclusion générale qui résume tout le
travail et donne des recommandations et suggestions à qui de droit.
CHAPITRE I : CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE
1.1. Cadre conceptuel
I.1.1 Définition des concepts
I.1.1.1 L'effet dissuasif
Selon TSITSOURA Aglaia, le mot « dissuasion » est un
terme qui, traditionnellement n'appartenait pas au langage juridique, mais
plutôt au langage militaire contemporain, et il n'est apparu qu'à
une époque relativement récente en criminologie2(*). Le but de la dissuasion, qui
est d'ailleurs l'une des fonctions de la peine, étant la
prévention de la commission des infractions.
Dans le cas qui nous concerne, il est question de se demander
si les juridictions pénales internationales, ne fût-ce que de par
leur existence et par leur organisation bien structurée, peuvent avoir
un effet dissuasif, c'est à dire susceptible de jouer un rôle
vraiment préventif.
I.1.1.2 La justice pénale
Il serait absurde et difficile de comprendre ce qu'est la
justice pénale, si l'on ne sait pas ce qu'est la justice. En effet,
Pierre GUIHO définit la justice comme étant « une
fonction de l'Etat qui consiste à dire le droit et à trancher les
litiges entre les particuliers ».3(*) Il continue en disant que ce terme désigne
également « l'ensemble des organes qui concourent à
l'accomplissement de cette fonction ».4(*)
GUILLIEN Raymond abonde dans le même sens. Selon lui,
«la justice consiste essentiellement à dire ce qui
est juste dans l'espèce concrète soumise au tribunal».
Il ajoute que le mot justice veut dire «l'autorité judiciaire
ou l'ensemble des juridictions d'un pays donné ».5(*)
Ayant compris la définition du terme justice, la
justice pénale est quant à elle «un ensemble de
juridictions répressives qui ont pour mission de juger des infractions,
c'est à dire, les comportements dangereux que la loi a
expressément définis».6(*) Nous en déduisons que, dans le cadre du
présent travail, il s'agit de la justice rendue par le TPIR et la
CPI.
1.1.1.3 La justice pénale internationale
Partant des dernières acceptions qui ressortent des
définitions données par les deux auteurs que nous venons de
citer, nous retiendrons, au cours de ce travail, que le terme «justice
» sera entendu comme étant l'ensemble des juridictions
répressives non d'un Etat mais de la communauté internationale
ayant pour mission de juger des auteurs des infractions graves définies
par le droit international pénal.
Leur gravité peut se déduire soit du
caractère de l'acte incriminé (cruauté,
monstruosité, barbarie, etc.) soit de l'étendue de ses effets
(massivité, lorsque des victimes sont des peuples, des populations ou
des ethnies ) soit du mobile de l'auteur (par exemple le génocide), soit
de plusieurs de ces éléments7(*).
I.1.2 Les crimes graves réprimés par la justice
pénale internationale
I.1.2.1 Les crimes contre l'humanité
Le crime contre l'humanité est une expression qui est
tellement intégrée dans le langage courant qu'elle risque
d'être banalisée. On en oublie souvent sa définition
juridique précise. Comme le dit André Frossard «
l'expression de crime contre l'humanité est superbe ! Il s'agit de
savoir s'il a un sens. On lui donne parfois une telle extension qu'elle finit
par recouvrir tout le mal qui se fait dans le monde, et qu'elle ne signifie
plus rien de précis. Car tout crime lèse l'humanité, on
n'en connaît point de bienfaisant »8(*).
Il ressort de l'affirmation d'André Frossard que tout
crime commis contre un être humain est toujours animé d'une
intention nuisible. Le génocide et le crime de guerre, sans prendre en
considération les définitions données par les textes
internationaux, sont d'abord des crimes contre l'humanité.
Cependant, nous estimons que, en lisant les propos de
Frossard, il y a lieu de confondre le crime contre l'humanité avec
d'autres infractions minimes qui entrent dans la compétence du droit
interne tels que le meurtre ou l'homicide ou tout autre acte, sans en fixer la
limite, portant atteinte à la personne humaine.
La définition de crime contre l'humanité a
évolué. En effet, elle est devenue de plus en plus précis
en droit international dès l'adoption de la déclaration de
Saint-Pétersbourg de 18689(*).
La notion de crime contre l'humanité est
réapparue ensuite dans les préambules des Conventions de La Haye
de 1899 et de 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Par
la suite, les références aux crimes contre l'humanité ont
été renouvelées à plusieurs reprises dans les
différents traités ou déclarations.
Le crime contre l'humanité a été
légalement défini pour la première fois et de façon
formelle dans l'Accord de Londres du 8 août 1945 portant le statut du
TMI de Nuremberg, à la suite des horreurs et atrocités commises
durant la seconde guerre mondiale par l'Allemagne Nazie et ses alliés.
Cette définition sera intégralement reprise dans la
Déclaration du commandant suprême des forces alliées en
Extrême-Orient du 19 janvier 1946 qui porte création du tribunal
militaire international de Tokyo10(*).
En effet le Statut du tribunal militaire international
annexé à cet Accord définit le crime contre
l'humanité comme étant «l'assassinat, l'extermination,
la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte
inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre
ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou
religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient
constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils
ont été perpétrés ou ont été commis
à la suite de tout crime entrant dans la compétence du tribunal
ou en liaison avec ce crime».11(*)
Il sied de rappeler que c'est la même définition
qui a été reprise dans les Statuts des TPI pour le Rwanda et pour
l'ex-Yougoslavie. Mais la nouveauté que ces deux tribunaux ad
hoc ont introduite c'est qu'ils ont pu élargir cette notion en y
incluant les actes de viol, d'emprisonnement et de torture12(*), ignorés par les TMI.
Eclairée par les dispositions des statuts des TPI
ad hoc et par leur jurisprudence, la CPI est allée plus loin
dans la notion de crime contre l'humanité en y insérant d'autres
éléments nouveaux à savoir les disparitions forcées
et le crime d'apartheid13(*).
Les définitions données par les TMI et celles
des TPI ont été critiquées par le fait qu'elles ne se
limitent qu'à l'énumération des actes incriminés
sans en donner le sens. Aussi, louons-nous le Statut de la Cour pénale
internationale qui donne le sens juridique de chaque acte
énuméré constitutif du crime contre
l'humanité14(*).
I.1.2.2 Le génocide
Etymologiquement, le terme génocide est formé
à partir du Grec « genos » c'est-à-dire naissance,
espèce, genre, et du Latin « caedere » qui se traduit par
« tuer»15(*). Ce
terme est apparu pour la première fois dans un document officiel du 8
octobre 1945 : l'acte d'accusation du tribunal militaire international de
Nuremberg16(*). Le mot
trouve son origine dans l'ouvrage de Raphaël Lemkin,17(*) pour tenter de définir
les crimes perpétrés par les nazis à l'encontre des
peuples juifs et tziganes durant la seconde guerre mondiale. Il témoigne
d'une double volonté de la part de la communauté
internationale :
Ø Celle de punir un crime jusque là inconnu dans
le vocabulaire juridique pénal ;
Ø Celle de qualifier la destruction systématique
du peuple juif par le régime nazi.
Avant cette période, les massacres des peuples entiers
avaient déjà eu lieu dans le passé. Un terme voisin avait
été créé depuis la guerre de Vendée par
Gracchus Babeuf, celui de « populicide », pour dire l'extermination
d'une population. Ces actes n'étaient jusque là pas
qualifiés de génocide. Sans être exhaustif, nous pouvons
donner les exemples suivants :
Ø « Le massacre de millions de chinois par les
mongols au 13ème siècle, qui représente la plus grande
extermination d'êtres humains de toute l'histoire, les estimations
variant entre 10 et 40 millions de victimes ;
Ø La déportation des acadiens par les
britanniques sous les ordres du gouverneur Charles Lawrence en 1755.
Dépossédées de leurs terres, des familles ont
été déportées dans des colonies britanniques et,
certains d'entre eux au Royaume-Uni ou en France.
Le terme génocide a été juridiquement
redéfini par la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 comme
étant « l'un quelconque des actes ci-après, commis dans
l'intention de détruire en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres d'un groupe ;
b) Atteinte grave à l'intégrité physique
ou mentale de membres du groupe ;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou
partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe ;
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un
autre »18(*).
C'est cette même définition qui a
été retenue par les TPI ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et
pour le Rwanda et par la suite reprise par le Statut de la CPI.
Une telle définition est loin de faire
l'unanimité. En effet, elle ne devrait pas se limiter aux
catégories de groupes et aux actes énumérés ci-haut
par la convention du 9 décembre 1948.
Nous sommes donc du même avis qu'Anne-Marie LA
ROSA : elle déplore le fait que ni le génocide politique
à savoir l'extermination d'un groupe politique, ni le génocide
culturel n'ont été retenus par la sixième commission et
par l'Assemblée générale au moment de l'adoption, en 1948,
de la Convention sur le génocide contrairement à l'opinion
exprimée par certains.19(*)
I.1.2.3 Les crimes de guerre
Même si la guerre est un phénomène qui
remonte dans la nuit des temps, c'est la deuxième guerre mondiale qui
s'avère la pierre angulaire de l'incrimination des crimes de guerre.
En effet, aux termes du Statut du TMI de Nuremberg le crime de
guerre s'entend comme « les violations des lois et coutumes de la
guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées,
l'assassinat, les mauvais traitements et la déportation pour travaux
forcés, pour tout autre but, des populations civiles dans les
territoires occupés, l'assassinat ou les mauvais traitements des
prisonniers de guerre ou de personnes en mer, l'exécution des otages, le
pillage des biens publics ou privés, la destruction sans motif des
villes et des villages ou la dévastation qui ne justifient pas des
exigences militaire »20(*).
Nous constatons que « le statut du TPIY, en ses
articles 2 et 3, a repris mot à mot certains crimes du Statut du TMI de
Nuremberg. Mais il en ajoute d'autres concernant l'emploi d'armes toxiques et
les destructions ou endommagement délibéré
d'édifices consacrés à la religion, à la
bienfaisance et à l'enseignement, aux arts et aux sciences, aux
monuments historiques, aux oeuvres d'art et aux oeuvres à
caractère scientifique. Quant au TPIR, son statut (article 4) fait
référence explicite au protocole additionnel II de 1977 relatif
à la protection des victimes de conflits armés non internationaux
et inclut également dans la liste des crimes de guerre, les actes de
terrorisme mentionnés dans ce protocole »21(*).
Autrement-dit, comme le dit Adama DAFF qui renchérit
l'idée Hervé ASCENSIO, « les statuts des tribunaux ad
hoc ont en commun deux infractions : le génocide et les crimes
contre l'humanité ( articles.4 et 5 pour le TPIY et 2 et 3 pour le TPIR
). Quant au crime de guerre, les deux statuts divergent fortement dans les
infractions retenues »22(*).
S'agissant de la CPI «Le Statut de la CPI fait
également référence aux Conventions de Genève sans
mentionner comme cela est fait dans le statut du TPIR, le Protocole additionnel
II de 1977»23(*)
poursuit A.DAFF.
En outre, les quatre conventions de Genève ne
définissent pas en tant que tel ce que c'est qu'un crime de guerre,
elles énumèrent tout simplement des actes interdits par le DIH
et précisent les personnes qui doivent être traitées avec
humanité lors des conflits armés ne présentant pas un
caractère international24(*).
I.1.2.4 Le crime d'agression
Même si la définition du crime d'agression n'est
pas encore fixée, ce dernier désigne «les crimes commis
par les personnes ou Etats ayant préparé, accompli ou promu un
conflit armé visant à déstabiliser un ou plusieurs Etats
souverains. L'expression de crime d'agression est identique à celle de
crime contre la paix utilisée par des tribunaux militaires
d'après la seconde guerre mondiale ( le procès de Nuremberg et de
Tokyo) ».25(*)
La guerre d'agression a été
considérée pour la première fois comme constituant un
crime international par le protocole du 2 octobre 1924 de la SDN pour le
règlement pacifique des différends. Bien qu'il ne soit jamais
entré en vigueur, ce protocole dénonçait la guerre
d'agression comme une violation de la solidarité internationale.
Une étape importante sera enfin franchie avec le Pacte
Briand-Kellog de 1928, dont l'article premier condamne la guerre d'agression.
De cette disposition, l'on a conclu qu'elle exprimait une norme de droit
international pénal protégeant l'ordre public et
l'intérêt général, dont la conséquence
était que sa violation devait être considérée comme
un crime international, ce que confirma l'International Law Association
à sa session de Budapest de 193426(*).
A la même époque, d'autres initiatives
témoignent de la volonté d'ériger la guerre d'agression en
crime international. C'est le cas de la Conférence internationale
américaine de La Havane à l'issue de laquelle les 21 Etats qui
s'y étaient réunis conclurent qu'une guerre d'agression
constituait un crime international.
La guerre d'agression a été incriminée
pour la première fois par le TMI de Nuremberg et ce sont les Allemands
et les puissances de l'Axe qui eurent à répondre de ce chef
d'accusation.
Dans le cadre du présent travail, rappelons que le
crime d'agression ne figure pas parmi les crimes relevant de la
compétence des deux TPI ad hoc. Par contre, il relève de
la compétence de la CPI, même si son Statut n'en a pas encore
donné une définition précise.
1.2 Cadre théorique
I.2.1 Formation et évolution de la justice
pénale internationale
Tout au long du siècle dernier, pour ne commencer
qu'à cette période, l'idée de créer des
juridictions pénales internationales compétentes pour juger les
individus responsables des crimes graves a été
évoquée souvent. Ces efforts ont débuté avec la
Société des Nations pour continuer avec l'Organisation des
Nations Unies. Nul ne pourrait oublier qu'un tribunal international avait
été prévu par le Traité de Versailles27(*) en 1919 pour juger l'empereur
Guillaume II de Hohenzollern poursuivi pour offense suprême à la
morale internationale et à l'autorité sacrée des
Traités, ainsi que toute personne présumée avoir commis
des actes contrevenant au droit de la guerre, mais ce tribunal n'a pas vu le
jour, par manque de volonté politique des puissances alliées.
Par la suite, plusieurs propositions d'institution d'un
tribunal international permanent sous forme d'accords internationaux ont fait
l'objet de discussions, notamment lors des négociations relatives
à la Convention de Genève de 1937 pour la prévention et la
répression du terrorisme, et à la Convention de New York de 1948
pour la prévention et la répression du crime de
génocide.
La Convention internationale contre le terrorisme du 16
novembre 1937 proposait les statuts d'une Cour dont la juridiction devait
être limitée à la seule application de cette Convention,
mais ce projet échoua de façon regrettable en raison de la crise
mondiale qui suivit la guerre civile espagnole, l'invasion de l'Abyssinie par
l'Italie et la politique militaire et agressive de l'Allemagne dans les
années qui précédèrent la Deuxième guerre
mondiale.
Ce projet sera par la suite repris par la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide du 09
décembre 1948 qui stipule que « les personnes accusées
de génocide ou de l'un quelconque des autres actes
énumérés à l'article 3 de la même Convention
seront traduites devant les tribunaux compétents de l'Etat du territoire
duquel l'acte a été commis ou devant la Cour internationale qui
sera compétente à l'égard de celles des parties
contractantes qui en auront reconnu la juridiction »28(*).
Bien avant l'adoption des deux Conventions
susmentionnées, l'Association internationale de droit pénal
travaillait également depuis 1924 en faveur de la création d'une
cour pénale internationale.
Face aux violations graves du droit international commises
pendant la Deuxième guerre mondiale et qui ne devaient pas attendre
l'institution d'un tribunal permanent pour être réprimées,
il a fallu d'autres mécanismes urgents. C'est ainsi que les puissances
alliées ont mis en place des TMI de Nuremberg et de Tokyo.
I.2.1.1 Les tribunaux militaires internationaux
I.2.1.1.1 Le tribunal militaire international de
Nuremberg
La création du Tribunal militaire international de
Nuremberg a été précédée par certaines
déclarations des Alliés dont les plus importantes sont les
suivantes :
Ø La déclaration du 17 avril 1940 par laquelle
les gouvernements français, polonais (en exil) et anglais
dénoncent la persécution des polonais et le traitement atroce
infligé à la communauté juive vivant en Pologne ;
Ø La déclaration du Premier ministre anglais du
25 octobre 1941, qui dit que les Nazis et leurs complices devraient être
poursuivis pour tous les crimes commis dans tous les pays occupés par
les allemands ;
Ø La déclaration de Saint James du 13 janvier
1942 signée à Londres par laquelle les dirigeants des pays
occupés montrent leur ferme détermination de mettre en place une
justice organisée chargée de poursuivre et de punir des personnes
présumées responsables des crimes de guerre
perpétrés par les pays de l'Axe ;
Ø En date du 30 octobre 1943, Churchill, Staline et
Roosevelt, représentant respectivement le Royaume-Uni, l'URSS et les
Etats-Unis, signaient la Déclaration de Moscou par laquelle ils
s'engageaient à établir une liste détaillée des
officiers, des soldats et des membres du parti nazi qui ont été
responsables ou qui ont donné leur consentement aux atrocités,
massacres et exactions. Ils s'engageaient aussi, une fois la paix
rétablie, à traduire ces criminels en justice devant les
juridictions des pays dans lesquels ils ont commis leurs forfaits ;
Ø Enfin, les rêves des puissances alliées
se réalisent le 8 août 1945 lorsque, réunies à
Londres, elles décident qu'un tribunal militaire international serait
mis en place en vue de juger et punir les grands criminels de guerre des pays
européens de l'Axe dont les crimes avaient été commis sur
les territoires des Etats envahis par les puissances de l'Axe29(*). Le siège de celui-ci
fut Nuremberg.
Le choix de Nuremberg en tant que siège de ce tribunal
se justifie par cinq raisons symboliques principales :
Ø Nuremberg était un haut lieu du
nazisme ;
Ø C'est là que se réunissaient les
congrès du parti nazi ;
Ø C'est dans le stade de Nuremberg que, lors de grands
événements, les nazis paradaient ;
Ø C'est là que furent annoncées les lois
racistes de 1935 appelées « Lois de Nuremberg » ;
Ø Et enfin, la ville de Nuremberg a été
choisie parce qu'elle avait conservé des locaux en bon état et un
Palais de justice d'une taille suffisante (22000 m2, 530 bureaux et
80 salles). Celui-ci n'avait pas été endommagé par des
bombardements, et il y avait de surcroît une prison intacte, à
proximité.
Le TMI de Nuremberg a siégé du 1er
novembre 1945 au 1er octobre 1946. Le tribunal était
composé de quatre juges, assistés chacun d'un suppléant,
ainsi que d'un Ministère public cumulant les fonctions d'instruction en
ce qu'il devait notamment recueillir les preuves, dresser l'acte d'accusation
et exercer la poursuite contre les grands criminels de guerre.
Ce tribunal a jugé 24 responsables du
3èmeReich. A l'issu de ces procès, 12 personnes
reconnues coupables ont été condamnées à mort, 7
ont été condamnées à l'emprisonnement à vie.
Il y a eu également 3 condamnations à des peines de prison plus
ou moins longues et 3 acquittements30(*).
I.2.1.1.2 Le tribunal militaire international de Tokyo
Le TMI de Tokyo, appelé aussi «le TMI pour
l'Extrême Orient» a été créé par le
Général américain Douglas MacArthur, Commandant
Suprême des forces allées au Japon, le 19 janvier 194631(*).
Siégeant à Tokyo, le tribunal était
composé des juges provenant de onze nations alliées :
Australie, Canada, Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Inde, Pays-Bas,
Nouvelle-Zélande, Philippines et l'URSS. Le procureur en chef
était américain et chaque pays était amené à
désigner un procureur adjoint.
Le TMI de Tokyo ne peut en aucun cas être comparé
au Tribunal de Nuremberg, car ce n'est vraiment pas un modèle
d'équité. Celui de Nuremberg a été constitué
sur la base d'un traité, tandis que celui de Tokyo est né de la
volonté d'un seul Etat : Les Etats-Unis d'Amérique. Pour le
Professeur Antonio CASSESE « the Charter had been drafted by the
Americans only, especially by Joseph B. Keenan, Chief prosecutor at the Tokyo
Trial ,and the Allies were only consulted after its issuance
»32(*).
Le TMI de Tokyo a commencé ses activités
judiciaires le 3 mai 1946 avec 28 personnes présumées coupables
de divers chefs d'accusations. Parmi ces dernières, figuraient des
militaires, des diplomates ainsi que de grands politiciens.
De plus, les japonais sont à distinguer des allemands
car ils n'avaient pas, eux, prévu les exterminations raciales.
Néanmoins, ils avaient pratiqué des expériences
bactériologiques sur des cobayes. Mais ces crimes ont été
ignorés par le Tribunal du fait d'un accord entre le gouvernement
américain et les responsables japonais. Ceux-ci ont été
exemptés de toute poursuite!
A Nuremberg, ce sont les hauts responsables qui ont
été jugés. Au Japon, il se trouve que le plus haut
responsable Hiro Moto, l'empereur nippon de l'époque, n'a pas
été poursuivi. Pourtant il avait joué un rôle
prépondérant dans le déclenchement et la poursuite du
conflit. Il n'a pas été inquiété pour des raisons
politiques. Les américains qui occupaient l'archipel nippon avaient
comme préoccupation la Guerre froide et ils voulaient donc que les
japonais soient leurs alliés. Malheureusement, cette alliance de raison
ne pouvait se faire qu'autour de l'empereur. C'est la raison pour laquelle
l'empereur a été épargné de poursuite.
1.2.1.2 Les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc
créés par le Conseil de sécurité de l'ONU
1.2.1.2.1 Le Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie
Le TPIY dont le siège se trouve à La Haye aux
Pays-Bas, a été établi en vertu de la Résolution
827 du Conseil de sécurité de l'ONU.Cette Résolution a
été adoptée le 25 mai 1993 en réponse à la
menace pour la paix et la sécurité internationale
caractérisée par les violations graves du DIH commises sur le
territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991.
Aux termes de la Résolution l'instituant, le TPIY est
compétent pour poursuivre et punir les personnes qui ont commis ou ont
donné l'ordre de commettre des infractions graves aux Conventions de
Genève du 12 août 1949, les violations des lois et coutumes de la
guerre, le crime de génocide et les crimes contre l'humanité.
Le Tribunal comprend trois organes à savoir les
Chambres, le Procureur et un greffier qui apporte un appui à ces
derniers et qui est chargé de l'administration et de la gestion du
tribunal.
Le TPIY est doté de trois chambres de première
instance et d'une chambre d'appel qui connaît également les
recours du TPIR.
1.2.1.2.2 Le Tribunal pénal international pour
le Rwanda
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda a
été créé par le Conseil de sécurité
des Nations Unies. Reconnaissant que des violations graves du DIH ont
été commises au Rwanda et agissant en vertu du Chapitre VII de la
Charte de l'ONU, le Conseil de sécurité, par sa Résolution
955 du 8 novembre 1994, a décidé de créer le TPIR.
Le Tribunal ainsi créé a pour mission de «
juger les personnes présumées responsables d'actes de
génocide et d'autres violations graves du DIH commises sur le territoire
du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de tels
actes ou violations commis sur le territoire d'Etats voisins entre le
1er janvier 1994 et le 31 décembre 1994»33(*).
Le TPIR est régi par son Statut qui est joint en annexe
à la Résolution 955 du Conseil de sécurité. Il est
doté également d'un Règlement de procédure et de
preuves, adopté par les juges conformément à l'article 14
du Statut. Ce Règlement définit le cadre nécessaire au
fonctionnement du système judiciaire.
A l'instar du TPIY, le TPIR est composé de trois
organes : les Chambres de première instance et la Chambre d'appel
qui est commune aux deux TPI ad hoc, le Bureau du Procureur
chargé des enquêtes et des poursuites et le Greffe qui fournit un
appui général, judiciaire et administratif aux Chambres et au
Procureur.
Par la Résolution 977 du 22 février 1995, le
Conseil de sécurité de l'ONU a décidé que le
siège du TPIR serait à Arusha en République Unie de
Tanzanie.
Il est à noter que les deux TPI n'ont pas le monopole
de la poursuite et de la répression des violations du DIH. Ils exercent
leur compétence en concurrence avec les juridictions nationales.
Cependant, ils ont la primauté sur ces dernières, et ils peuvent,
dans l'intérêt de la justice, demander le dessaisissement d'une
juridiction nationale à tout stade de la procédure.
I.2.1.3 La Cour pénale internationale
I.2.1.3.1 Contexte juridico-politique de la création
de la CPI
Comme nous avons eu l'occasion de le dire dans les lignes
précédentes, l'idée de créer une Cour pénale
internationale n'est pas née hier. C'est plutôt une idée
qui date de 1920. En effet, au cours de cette année, à la demande
de la Société des Nations, un comité de juristes
élabore « le statut d'une Haute Cour internationale de justice
criminelle compétente pour les crimes contre l'ordre public
international et contre le droit des gens universel qui lui seront
déferrés par l'Assemblée plénière de la SDN
ou par le Conseil de cette Société »34(*). Mais ce projet fut
repoussé par le Conseil de la SDN, le jugeant
prématuré.
A la même époque, des juristes et plusieurs
associations, principalement « International Law » de
Londres, l'Union interparlementaire et l'Association internationale de droit
pénal, engageaient des réflexions sur le problème de la
création d'une Cour pénale internationale. L'Association de droit
international qui se réunit à Buenos Aires en 1922 se prononce
également en faveur de l'institution d'un tribunal pénal
international au sein de la Cour permanente de justice internationale de La
Haye. Mais les Etats membres de la SDN négligent ces diverses
initiatives en raison des tensions internationales toujours croissantes.
Suite à l'escalade des tensions et dans le cadre de la
mise en application de la Convention de 1937 sur le terrorisme, la SDN, dans un
contexte pacifiste, prévoit la création d'une Cour pénale
internationale permanente dont la mission serait limitée à la
lutte contre le terrorisme. Cette initiative n'aboutit pas, à cause de
la situation chaotique dans les relations internationales des puissances de
l'époque.
Les violations massives des droits de l'homme commises pendant
la Deuxième guerre mondiale conduisent les puissances alliées,
inspirées des réflexions antérieures de diverses
associations de juristes, à conclure le Traité de Londres
instituant le TMI de Nuremberg, qui sera suivi par le TMI de Tokyo
fondé, sur l'initiative des américains.
Mais la création de ces TMI ne répondait en
aucun cas aux aspirations des juristes de l'époque, car, rappelons-le,
ils avaient une mission bien déterminée, limitée dans le
temps et dans l'espace.
En effet, après Nuremberg et Tokyo, les efforts
n'ont pas cessé. Il y a eu une succession des rapports issus du
comité de codification du droit international (
prédécesseur de la commission du droit international ).
Mandaté par l'Assemblée générale
de l'ONU, ce comité devait, d'une part, formuler les principes du droit
international reconnus dans le Statut du TMI de Nuremberg et d'autre part,
préparer un projet de code des infractions contre la paix et la
sécurité internationale.
Dans ce même ordre d'idées, le rapport rendu par
la Commission internationale du droit international proposait
l'établissement d'une CPI. Mais les Etats divergeaient sur ce sujet et
il était très difficile d'arriver à un consensus. En
effet, « l'URSS craignait une atteinte à sa souveraineté
par cette juridiction. Les Etats Unis n'y étaient pas
préparés pendant la guerre froide. La France soutenait cette
idée mais sans user de son influence pour accélérer le
processus. Quant au Royaume-Uni, il jugeait l'idée
prématurée ».35(*)
Les mêmes efforts se sont poursuivis sur la même
voie, mais les puissances de l'époque ne semblaient pas
préoccupées par la question. Cette inaction a perduré
jusqu'aux années 90 lors de l'éclatement de la guerre civile en
Yougoslavie qui a incité le Conseil de sécurité à
créer un TPI ad hoc.
Quelques années après le conflit yougoslave, les
violences sanglantes qui se sont muées en génocide contre le
Tutsis du Rwanda en avril 1994 tiraient une sonnette d'alarme et poussent le
Conseil de sécurité à instituer un autre TPI ad
hoc.
Les évènements en ex-Yougoslavie et au Rwanda
ont réveillé la conscience de la communauté internationale
et ont mis l'accent sur l'urgence et la nécessite de mettre en une CPI
permanente. C'est dans ce cadre la que la Conférence de Rome a
été organisée à l'issue de laquelle fut
signé le Statut de la CPI permanente appelée à juger des
individus ayant commis les crimes les plus graves et dont la compétence
s'étend dans le monde entier. Son siège se trouve à La
Haye, aux Pays-Bas.
1.2.1.3.2 Le rapport entre les TPI ad hoc et la CPI
Alors que les TPI sont le fruit de décisions
unilatérales que sont les Résolutions du Conseil de
sécurité de l'ONU, la CPI a été établie par
un traité multilatéral. En d'autres termes la CPI traduit une
logique inter étatique contractuelle. Il en résulte que la CPI
bénéficie d'une coopération concrète des
gouvernements intéressés au moment où le Conseil de
sécurité impose à tous les Etats de coopérer avec
les TPI ad hoc.
Du point de vue de la compétence, les TPI ont une
compétence spéciale limitée dans l'espace et celle-ci est
rétroactive, c'est-à-dire qu'ils connaissent des faits
antérieurs à leur création, tandis que la CPI
connaît des faits postérieurs à son entrée en
vigueur. Quant à la compétence ratione materiae, les TPI
et la CPI connaissent les mêmes crimes, à part que cette
dernière connaît le crime d'agression qui n'entre pas dans la
compétence des TPI.
Qui plus est, les TPI jouissent d'une primauté sur les
juridictions nationales. Ces juridictions, sur demande du Procureur, doivent se
dessaisir des affaires en faveur des TPI36(*). Concernant la CPI, c'est le principe de la
complémentarité qui joue : ce principe permet à la
Cour de se saisir des affaires nationales des Etats lorsque ceux-ci manquent de
volonté ou se trouvent dans l'incapacité de mener à bien
des poursuites à l'encontre des personnes présumées avoir
commis des crimes relevant de la compétence de la Cour37(*).
Il est aussi important de signaler que les TPI n'ont pas
prévu des mécanismes d'indemnisation contrairement à la
CPI qui prévoit un fonds au profit des victimes.38(*) Du moins, le TPIR dispose
d'un personnel médical qualifié chargé de donner des
conseils et des soins médicaux aux victimes et aux femmes victimes des
violences sexuelles.
Ayant précisé certains concepts et donné
le cadre théorique de notre travail, nous sommes convaincus que nous
allons entrer dans le vif du sujet avec une bonne maîtrise des principaux
concepts de notre champ de recherche. Nous sommes donc persuadés que ce
cadre théorique va éclairer tout lecteur dans la
compréhension des chapitres qui vont suivre. Après cela, bien
entendu, nous immédiatement abordons notre deuxième chapitre qui
parle de la dissuasion des criminels par la justice pénale
internationale.
CHAPITRE II : LA DISSUASION DE LA JUSTICE PENALE
INTERNATIONALE
Depuis l'émergence de l'idée d'une justice
universelle, précisément depuis donc la création des TMI
de Nuremberg et de Tokyo, en passant par la création des TPI ad
hoc pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda ainsi que les tribunaux
pénaux internationaux mixtes, jusqu'à la récente
institution de la CPI par le Traité de Rome, les crimes internationaux
ont été commis et continuent de l'être dans plusieurs
Etats.
Cette situation nous amène à nous demander si
réellement ces institutions judiciaires internationales, pourtant
dotées d'une bonne organisation, peuvent enfin mettre un terme à
la perpétration de crimes graves.
La réponse à cette inquiétude sera
donnée à travers ce chapitre qui va essayer d'analyser les
effets directs et indirects de la justice pénale internationale et de
souligner les obstacles majeurs auxquels elle se heurte et qui font qu'elle ne
soit pas à mesure de jouer un rôle dissuasif au sein de la
communauté internationale.
II.1 Les aspects de la dissuasion
II.1.1 La dissuasion directe
La création des TPI ad hoc par le Conseil de
sécurité des Nations Unies témoigne d'une ferme
détermination de la communauté internationale à lutter
énergiquement contre l'impunité. C'est un nouveau moyen efficace
introduit par cet organe onusien dans le cadre du chapitre VII de la Charte des
Nations Unies afin de traduire en justice les personnes présumées
coupables d'actes en violation du DIH.
Avec l'adoption du Traité de Rome instituant la CPI,
cette fois-ci à caractère permanent et universel, le monde a
exprimé publiquement qu'il ne tolérera plus les individus qui
commettent des crimes abominables.
Ces juridictions internationales intervenues plusieurs
années après Nuremberg et Tokyo sont considérées
comme des garde-fous capables d'assurer le respect des droits de l'homme sans
cesse bafoués.
Dans le même ordre d'idées, la communauté
internationale cherchait à prévenir la commission de ces crimes
en mettant en place une justice organisée. Désormais, les
individus qui commettront des crimes graves doivent savoir que tôt ou
tard ils devront en répondre et que le monde ne les tolérera
plus.
Le réveil que vient de connaître la justice
pénale internationale au cours de ces dernières années va
sans doute avoir un impact direct sur les comportements des individus et
affermir puis valoriser les instruments internationaux qui existaient en
théorie mais qui n'étaient pas efficaces sur le plan pratique, ce
qui aura pour effet la reconnaissance et le respect des droits de l'homme.
II.1.1.1 La responsabilité pénale
individuelle
Le Tribunal de Nuremberg a exposé comme suit, la
position classique du droit international sur la question de la
responsabilité pénale des Etats : « Ce sont des
hommes et non des entités abstraites qui commettent des crimes dont la
sanction s'impose comme sanction du droit international »39(*). Même si certains crimes
comme le génocide ne peuvent se commettre sans qu'un gouvernement en
soit responsable, le moyen sûr d'assurer une répression efficace
est de punir les individus dont la responsabilité est engagée
plutôt que de s'attaquer à l'Etat en tant qu'entité
abstraite.
La première Convention de droit international
pénal, celle sur la prévention et la répression du crime
de génocide prévoyait expressément dans son article IX la
responsabilité de l'Etat pour ce genre de crime. Il fut pourtant
indiqué clairement à l'époque que cet article
n'envisageait aucune forme de responsabilité pénale de
l'Etat40(*). Dans le cas
où la responsabilité d'un Etat est envisageable, celui-ci doit
être poursuivi civilement pour réparer des préjudices subis
par les victimes.
Les instruments internationaux qui ont suivi ont adopté
la même position et ils ont consacré le principe de la
responsabilité pénale individuelle. Ainsi, l'article 3 commun aux
Conventions de Genève de 1949 et du Protocole additionnel II et la
Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerres et des crimes
contre l'humanité, constituent les fondements juridiques permettant de
poursuivre individuellement les auteurs ayant commis les infractions graves qui
menacent la paix et la sécurité de l'humanité41(*). Le même principe qui
régit également les procédures du TPIR et de la CPI
constitue une source dissuasive de la justice pénale internationale.
Il s'en suit que toute personne qui tentera de commettre des
crimes de droit international engage sa responsabilité pénale et
pourra un jour se retrouver soit devant les juges d'un tribunal que le Conseil
de sécurité pourra mettre en place à cet effet, soit
devant ceux de la CPI, soit devant les juges nationaux.
II.1.1.2 La responsabilité des Etats et le respect des
droits de l'homme
Suite à l'existence des tribunaux pénaux
internationaux ad hoc et de la CPI, les Etats seront amenés
à faire respecter les droits de l'homme sous peine de sanctions. La
justice pénale internationale aura pour effet de juger et punir toute
personne qui ne respectera pas les droits fondamentaux de la personne humaine.
Il en résultera que l'humanité retrouvera sa dignité
humaine. En outre, il y a une prise de conscience de la communauté
internationale que plus personne ne commettra d'atrocités sous le
couvert de la souveraineté.
En effet, tous les Etats savent bien que la justice
pénale internationale peut se saisir de leurs affaires
intérieures en matière de justice s'il existe des
éléments suffisants pouvant établir leur
défaillance dans ce domaine. En outre, la communauté
internationale, par le biais du Conseil de sécurité peut faire de
même en mettant en place un tribunal ad hoc.
II.1.2 La dissuasion indirecte
A coté de l'influence directe que la justice
pénale internationale exerce sur les individus, celle-ci comporte aussi
un effet indirect : c'est une influence que la justice pénale
internationale a indirectement dans divers domaines afin de faire respecter
davantage les droits de l'homme. Nous allons analyser cette rubrique sous trois
points essentiels : l'affermissement des instruments internationaux
établissant et protégeant les droits de l'homme, la constitution
d'Etats de droit et la sauvegarde de la paix et de la sécurité
internationale.
II.1.2.1 Affermissement et valorisation des textes
internationaux
En droit international, il existe beaucoup d'instruments qui
fixent et définissent les droits de l'homme. Il en existe d'autres qui
visent la sauvegarde ou le respect de ces droits. Malgré l'existence de
ces textes, les droits de l'homme n'ont pas été respectés,
faute de mécanismes de répression.
Parmi ces textes, les plus importants sont la
Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948
dont le corollaire est le droit à la vie, les quatre Conventions de
Genève ainsi que leurs deux Protocoles additionnels. Tous ces
instruments convergent vers le même objectif en l'occurrence faire
respecter les droits fondamentaux de la personne humaine tels que
définis dans le Pacte de 1966 sur les droits civils et politiques et ses
deux protocoles.
La Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 oblige
les parties contractantes à prendre les mesures législatives,
conformément à leurs constitutions respectives, visant à
assurer l'application des dispositions de cette Convention, et notamment
à prévoir des sanctions pénales efficaces frappant les
personnes coupables de génocide ou de l'un quelconque des autres actes
énumérés à l'article III de ladite
Convention42(*).
Il ressort de cette disposition que les Etats parties à
cette Convention sont tenus de participer activement dans la poursuite et la
répression des personnes qui se sont rendues coupables du crime de
génocide.
Ce que l'on peut déplorer, c'est que la Convention ne
prévoit aucune sanction réservée à un Etat qui ne
respectera pas ses engagements. La meilleure solution est donc de créer
une Cour compétente pour pursuivre ce genre de crime, s'il s'est
avéré que certains Etats manquent de volonté.
Les Etats parties à la Convention qui ne veulent pas
coopérer en cette matière devraient être traduits en
justice, précisément devant la Cour internationale de justice, en
application de l'article IX.
Pour ce qui est des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité, l'Assemblée générale des Nations Unies
avait établi quelques principes en rapport avec la coopération
internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation,
l'extradition et le châtiment des individus coupables de ces
crimes43(*).
Le constat général est que beaucoup d'Etats ne
mettent pas en application les principes énoncés dans cette
Résolution, sans se soucier de rien. Certains continuent à
accorder l'asile à des individus dont on a de sérieuses raisons
de penser qu'ils ont commis des crimes contre la paix, des crimes de guerre ou
des crimes contre l'humanité, contrairement au 7ème
principe de cette Résolution et à la Déclaration sur
l'asile territorial, en date du 14 décembre 196744(*).
Tout ce que nous pouvons dire, c'est que la plupart de ces
textes internationaux existent depuis une cinquantaine d'années, mais
ils étaient considérés comme « des coquilles vides ou
des corps sans âme » puisqu'ils n'ont pas été mis en
application. Il est évident que les quatre conventions de Genève
et leurs protocoles additionnels ne prétendent pas prévenir les
conflits. Ils ont plutôt pour vocation de limiter ses effets sur
certaines catégories de personnes et de biens particulièrement
vulnérables, en traitant des questions humanitaires résultant des
hostilités et en limitant les moyens utilisés par les parties au
conflit.45(*) Mais depuis
lors, aucune personne n'avait été poursuivie et jugée pour
des actes commis en violation de ces textes.
Dans l'ensemble, les instruments internationaux n'avaient pas de
force dissuasive pour ceux qui pourraient les violer, et cette situation
s'explique par le fait qu'il n'y avait pas de juridictions pénales
internationales chargées de poursuivre ceux qui violent les droits des
autres.
II.1.2.2 Constitution d'Etats de droit et de bonne
gouvernance
La justice pénale internationale va être un outil
efficace de la répression des violations des droits fondamentaux.
Grâce à la justice pénale internationale, tous les Etats se
sentent dans l'obligation de faire valoir un Etat de droit qui
privilégie le respect des droits fondamentaux de la personne humaine.
Cette justice va contribuer au rétablissement de la
réconciliation des peuples ou des groupes de ces derniers,
déchirés par les conflits et les haines ethniques.
A titre d'exemple, le TPIR, conformément aux
aspirations du Conseil de sécurité, a rendu justice aux rwandais
victimes du génocide de 1994 et de ce fait, les rwandais se sont
engagés sur la voie de la réconciliation.
On ne peut donc pas envisager une vraie réconciliation
et une unité solide sans justice. C'est une affirmation confirmée
par les propos de M. Koffi ANNAN, ancien Secrétaire
Général des Nations Unies, lorsqu'il s'exprimait en ces termes
en se félicitant du tout premier jugement rendu par le TPIR :
« ...For there can be no healing without peace ;
there can be no peace without justice and there can be no justice without
respect for human rights and rule of law »46(*).
La déclaration de M, Koffin ANNAN est presque similaire
à celle de M. Patrick BAUDOIN, président de la
Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'homme ( FIDH
) qui affirme avec solennité qu'en tout etat de cause la primauté
doit rester au judiciaire sur le politique. En d'autre termes, dans les
situations de conflits, l'exigence de justice est une condition sine qua
non et absolue au rétablissement de la paix et à la
réconciliation entre les peuples47(*).
Sur base de l'analyse des déclarations de ces deux
autorités, Koffi ANNAN et Patrick BAUDOIN, déclarations qui nous
paraissent fondées, le TPIR et la CPI ont une importance capitale dans
la constitution d'Etats de droit et de bonne gouvernance, puisque au Rwanda et
dans le monde entier, puisque la justice est une fondation sur laquelle un
Etats de droit s'érige.
II.1.2.3 Sauvegarde de la paix et de la
sécurité internationale
La perpétration des crimes internationaux n'affecte pas
seulement le lieu où ils ont été commis mais elle
constitue une menace contre la paix et la sécurité
internationale. C'est ce qui ressort du préambule de la
Résolution 955 du Conseil de sécurité instituant le
TPIR.
Une justice internationale bien organisée et bien
rendue est donc un outil de stabilisation du monde puisque son effet a pour but
de réprimer tous ceux qui perturbent l'ordre public international. Il en
résultera que les opérations de maintien de la paix seront
réduites à travers le monde, si une paix durable et universelle
est rétablie.
II.2 Limites de l'effet dissuasif de la justice pénale
internationale
Les paragraphes précédents nous ont tracé
le parcours dissuasif de la justice pénale internationale et sa
contribution dans la construction d'une communauté internationale
soucieuse de faire respecter les droits et la dignité de la personne
humaine. Mais malgré ce pas de géant, la justice internationale
continue de se heurter contre des obstacles qui, une fois levés, la
rendront plus dissuasive dans tous les aspects que nous venons d'analyser.
Il serait illusoire de dire que nous allons les relever tous
au cours de ces quelques lignes, mais nous allons essayer de parler des plus
importants dont notamment l'opération des juridictions internationales
loin des lieux du drame, le rôle controversé du Conseil de
sécurité et des Etats dans la justice pénale
internationale, le manque de réparation des préjudices subis par
les victimes en ce qui concerne les TPI ad hoc et l'absence de
jugement par contumace. Le développement de chaque point sera assorti
d'une proposition de solution.
II.2.1 Les sièges des juridictions pénales
internationales loin du locus delicti commissi
D'après Anne-Marie LA ROSA, le locus delicti
commissi est « le lieu où l'infraction a
été ou, en application des dispositions de la loi, est
présumée avoir été commise ».48(*)
Nous savons qu'en général, les juridictions
pénales internationales ne siègent pas dans les pays où
les crimes ont été commis : leurs sièges se trouvent
soit dans un pays lointain, tel est le cas du TPIY, soit dans un pays voisin,
tel le TPIR dont les sièges se trouvent respectivement à La Haye
(Pays-Bas) et à Arusha ( République Unie de Tanzanie ).
Aujourd'hui, seuls les tribunaux hybrides, à l'instar de celui pour la
Sierra Léone siégent sur les lieux où les crimes ont
été commis.
Pour ce qui est de la poursuite des criminels de la seconde
guerre mondiale, la tendance a été de les juger au lieu de leur
crime. Ce ne sont que de grands criminels dont les infractions étaient
sans localisation géographique précise qui relevaient du TMI de
Nuremberg49(*).
II.2.2 Opération des juridictions pénales
internationales loin du locus delicti commissi
La logique qui justifie souvent l'emplacement des juridictions
pénales internationales loin du lieu du drame se traduit par plusieurs
raisons : travailler en toute indépendance sans que les
autorités de l'Etat concerné ne s'ingèrent dans leurs
affaires et éviter que ces dernières n'exercent de pression sur
elles. Bref, le bien-fondé de la situation de ces juridictions
internationales dans un Etat autre que celui de la commission des crimes est de
garantir l'impartialité des juges et assurer la sécurité
des témoins.
Néanmoins, le constat général est que
l'éloignement des juridictions pénales internationales peut avoir
un grand impact souvent négatif sur la conduite des procès en
général, mais en particulier sur l'aspect dissuasif que devrait
inspirer aux criminels potentiels la justice pénale internationale. Nous
allons analyser ce problème sous trois aspects : l'impact de
l'éloignement des juridictions pénales internationales sur la
conduite des enquêtes, sur le déroulement des procès et
enfin sur l'exécution des peines.
Du point de vue enquêtes, les difficultés ne
manquent jamais. Comme nous le savons, celles-ci permettent au Procureur de
collecter tous les éléments de preuve susceptibles
d'établir au-delà de tout doute raisonnable la
responsabilité pénale de l'accusé.
Si les enquêteurs se trouvent loin du lieu de la
commission des crimes, ils éprouvent des difficultés
énormes dans la recherche des éléments de preuves, dont
les plus importants risquent d'être cachés par les personnes
suspectes. Ici nous faisons surtout allusion à la preuve physique ( tout
objet qui pourrait fournir une information concernant un incident ou une
allégation ; les armes, les échantillons, les instruments de
torture, les corps des victimes, etc. )50(*).
Ce risque de faire disparaître les preuves
matérielles devient plus accentué lorsque l'Etat qui a
planifié et fait exécuter les crimes internationaux est encore au
pouvoir. Dans ce cas, il ne sera pas disposé à coopérer
avec les enquêteurs internationaux. L'exemple typique est celui du
Soudan, où les autorités soudanaises ne veulent pas
coopérer avec les enquêteurs de la CPI en déclarant que
leurs tribunaux sont en mesure de poursuivre et punir les responsables des
crimes commis au Darfour, ceci dans le but de les faire soustraire à la
justice51(*).
Les enquêtes menées par la CPI ont
été conduites hors du territoire soudanais. Les enquêteurs
ont interrogé les témoins au cours de 70 missions, conduites dans
17 pays hormis le Soudan. Pour Luis Moreno-Ocampo, la Cour dont il est
Procureur n'est pas à mesure de protéger les témoins se
trouvant sur le territoire du Soudan. De ce fait, la coopération du
Soudan dans ce processus est importante pour assurer une enquête
impartiale52(*).
On peut conclure que la responsabilité pénale
incombe aux autorités soudanaises puisque la Cour ne peut aboutir
à quelque chose que si le Soudan accepte de coopérer avec la CPI.
Si les autorités soudanaises resusent de coopérer avec la CPI,
les enquêteurs n'auront pas accès sur toute information pouvant
révéler la responsabilité pénale des personnes
présumées avoir commis des crimes graves. Par conséquent,
bon nombre de preuves matérielles indispensables pour l'instruction des
dossiers, comme par exemple des charniers, leur seront cachées.
En cas de disparition de preuves, surtout la preuve
matérielle, les parties n'auront aucune autre option que de se fonder
sur la preuve testimoniale. Ceci ne va pas sans poser de problèmes
s'agissant de la fiabilité des témoignages plusieurs
années après la commission des crimes53(*). Nous pouvons donner l'exemple
du TPIR. Selon les informations nous fournies par Madame Sylvie BECKY
chargée de la section d'aide aux témoins et aux victimes dans
cette juridiction, de 1997 au 24 janvier 2007, le Tribunal a fait venir
à la barre 1871 témoins provenant de 41 Etats, soit 1030 par le
Procureur et 841 par la défense. Mais en ce qui concerne le TPIR, la
tâche n'est pas très compliquée puisque il existe à
Kigali un bureau de liaison charger de mener les enquêtes. Mais pour la
CPI, les enquêteurs doivent effectuer de longs voyages pour se rendre sur
terrain.
L'avantage majeur est que les enquêteurs du TPIR sont
proches du terrain et il leur est facile de localiser les témoins afin
de prendre leurs déclarations. A cette fin, le Bureau du Procureur a une
équipe de gestion des témoins à charge dont la tâche
est de faire un suivi régulier pour voir si les témoins
contactés sont toujours en vie et s'ils n'ont pas changé de
résidence.
Par contre, on déplore que les enquêteurs de la
défense n'aient pas de Bureau à Kigali et qu'ils soient
basés au siège du TPIR à Arusha, d'où ils viennent
chaque fois qu'ils ont besoin d'une information au Rwanda.
Quant à la CPI, le chemin est encore long. La
sécurité des témoins n'est pas aussi assurée que
celle dont bénéficient ceux du TPIR. Comme le TPIR est une
institution créée après un conflit armé et qui
travaille dans une période post-conflictuelle, les enquêteurs
travaillent en paix sur un terrain plus ou moins sain par rapport à ceux
de la CPI qui sont quelques fois obligés d'enquêter dans des
milieux de conflits armés. Si nous prenons l'exemple du Darfour, la
situation actuelle de cette région en matière de
sécurité reste instable. Elle est marquée par une violence
et des attaques. Bien entendu, la mise en place d'un système efficace de
protection des témoins est une condition préalable à la
tenue de toute investigation dans cette région.
Dans sa déclaration devant le Conseil de
sécurité des Nations Unies, Monsieur Luis MORENO-OCAMPO,
Procureur de la CPI disait que, pour faciliter le processus d'enquête
dans cette région du Darfour « il a fallu que son bureau
établisse une présence semi permanente qui garantit un appui en
matière de logistique, de sécurité et autres dans le cadre
de l'identification et de l'audition des témoins »54(*).
Concernant le déroulement des procès, le fait
que ceux-ci se déroulent loin du lieu de la commission des crimes
entraîne beaucoup de conséquences. Mais, nous ne parlerons que
des conséquences en rapport avec l'aspect dissuasif.
Personne n'ignore qu'en cas de violation du DIH c'est la
communauté internationale qui en subit le préjudice, plus
particulièrement ce sont les victimes qui attendent que justice soit
rendue. Il serait donc souhaitable que celles-ci prennent activement part aux
procès. La victime, en plus de la possibilité d'être
entendue en tant que témoin, pourrait par exemple assister aux audiences
publiques et suivre de près le déroulement des procès. Or,
la justice internationale semble être inaccessible aux victimes suite
à l'emplacement des juridictions pénales internationales loin du
lieu de la commission des crimes.
Enfin, l'éloignement des juridictions pénales
internationales se répercute même sur l'exécution de la
peine. Il est très rare que les personnes condamnées par ces
dernières purgent leurs peines dans les lieux de la commission des
crimes. Cependant, le Règlement de procédure et de preuves du TPR
dispose que la peine d'emprisonnement est exécutée au Rwanda ou
dans un autre Etat désigné par le Tribunal sur une liste d'Etats
ayant manifesté leur volonté d'accueillir les personnes
condamnées pour l'exécution de leur peine55(*)... Or, aucune personne
condamnée n'a été jusqu'à aujourd'hui
transférée au Rwanda pour y purger sa peine.
A ce sujet, l'idée de Marc HENZELIN à laquelle
nous nous rallions est claire : « Un crime ne doit être
puni que dans le pays où il a été commis, parce que c'est
là seulement, et non ailleurs, que les hommes sont forcés de
réparer, par exemple de la peine, les funestes effets qu'a pu
produire l'exemple du crime56(*)». Autrement-dit, HENZELIN nous amène
à rappeler qu'à part la fonction expiatrice de la peine, celle-ci
doit assurer la fonction préventive en dissuadant en premier lieu
l'entourage, en l'occurrence le locus delicti commissi, et en
deuxième lieu, l'humanité toute entière. La peine doit
donc être infligée par le juge du lieu du délit, pour
garder sa force d'intimidation57(*).
Pour Mario BETTATI, une juridiction étrangère se
saisirait d'une affaire lorsqu'il s'agit de réprimer un crime qui ne
peut pas être localisé de façon ponctuelle58(*), comme il était le cas
pour les crimes commis par les nazis et dont on ne pouvait pas identifier le
lieu où ils avaient été perpétrés.
En vertu de l'article 26 du Statut du TPIR qui dispose que
celui-ci a le droit de désigner un Etat sur la liste de ceux qui ont
fait savoir au Conseil de sécurité qu'ils sont disposés
à recevoir des condamnés. Sans ôter aux juges leur pouvoir
souverain d'appréciation, le Rwanda qui a manifesté sa
volonté d'accueillir ces condamnés devrait être
prioritaire. Le même appel est fait pour la CPI pour que les coupables
soient transférés vers les pays où les crimes ont
été commis, afin que la dissuasion de la justice pénale
internationale se fasse sentir en premier lieu sur le locus delicti
commissi.
II.2.3 Le rôle controversé du Conseil de
sécurité dans la justice internationale
Le Conseil de sécurité est un organe qui joue un
rôle important dans l'adoption des normes internationales et qui
intervient sous divers aspects dans l'action pénale internationale. Mais
les prérogatives du Conseil de sécurité en matière
de justice internationale suscitent beaucoup d'interrogations et les gens ne
conçoivent pas de la même manière son intervention dans ce
domaine.
Pour ce qui est du TPIR, sa légitimité a
été niée par certaines personnes poursuivies. Elles
disaient que ce Tribunal avait été créé par le
Conseil de sécurité qui n'en avait pas la compétence.
Dans l'affaire Le Procureur c. Joseph Kanyabashi,
l'accusé a allégué que la souveraineté des Etats,
notamment celle du Rwanda, a été violée parce que le TPIR
n'a pas été établi en vertu d'un Traité.
L'accusé a également fait valoir que le Conseil de
sécurité n'avait, en vertu du Chapitre VII de la Charte des
Nations Unies, aucun pouvoir pour créer un organe judiciaire
international.
La Chambre a rejeté ces arguments, expliquant notamment
que la composition de l'ONU comporte nécessairement des limitations
à la souveraineté d'un Etat membre, conformément à
l'article 35 de la Charte des Nations Unies59(*). La Chambre de première instance a noté
que, bien que le Conseil de sécurité soit lié par les
dispositions du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, il disposait d'une
grande marge d'appréciation lorsqu'il lui revenait de déterminer
l'existence d'une menace pesant sur la paix et la sécurité
internationale et que son autorité en la matière ne pouvait
être contestée.
Nous sommes du même avis que celui émis par la
Chambre à ce sujet qui a poursuivi en disant que la liste des actions
figurant à l'article 41 de la Charte des Nations Unies n'est certes pas
exhaustive mais elle indique quelques exemples des mesures que le Conseil de
sécurité peut imposer aux Etats afin de mettre un terme à
un conflit ou à une menace imminente à la paix et la
sécurité internationale.
II.2.4 Le rôle des Etats dans la justice pénale
internationale
Les Etats sont des intervenants incontournables qui apportent
leurs concours en vue de faire avancer les activités judiciaires
internationales. Le droit international reconnaît aux juridictions
nationales des Etats le droit et le devoir de poursuivre et juger les personnes
présumées avoir commis des crimes graves.
Dans cette optique, le Statut du TPIR dispose qu'une
juridiction nationale peut connaître une affaire relevant de sa
compétence, sauf que le TPIR se réserve le droit de demander le
dessaisissement en sa faveur si les intérêts de la justice le
justifient. Quant au Statut de la CPI, le principe de
complémentarité veut que la CPI intervienne si un Etat se montre
défaillant ou manifeste une mauvaise volonté à poursuivre
des personnes présumées responsables de crimes graves. Dans tout
les cas, c'est la compétence universelle qui est
privilégiée.
II.2.4.1 La mise en oeuvre de la compétence
universelle
Les mandats du TPIR et de la CPI ne peuvent être remplis
que s'ils coopèrent avec les Etats. Il ne fait guère de doute que
l'intérêt de ces deux instances est de laisser les Etats mettre en
oeuvre leurs législations nationales en usant de la compétence
universelle dans la poursuite des crimes graves.60(*)
Généralement, la compétence d'une
juridiction d'un Etat à l'égard d'un crime est soumise aux
principes de territorialité et de personnalité, ce qui signifie
qu'elle ne peut s'exercer que dans les circonstances suivantes : si le
crime a été commis sur le territoire de cet Etat ou bien si le
criminel ou la victime sont ses ressortissants.
Toutefois, une exception a été faite pour les
crimes les plus graves. Cette exception existe dans plusieurs instruments
internationaux. Certains de ces textes recommandent aux Etats d'adopter des
mesures législatives pour sanctionner les personnes responsables de ces
violations. Les quatre Conventions de Genève stipulent que «
chaque Partie contractante aura l'obligation de rechercher les personnes
présumées avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre,
l'une ou l'autre de ces infractions graves, et elle devra les
déférer devant ses propres tribunaux, quelle que soit leur
nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et
selon les conditions prévues par sa propre législation, les
remettre pour jugement à une autre Partie contractante, pour autant que
cette partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges
suffisantes »61(*).
Mario BETTATI qualifie cette possibilité
accordée aux Etats par les textes internationaux de «
procédure d'ingérence judiciaire universelle »62(*), procédure par laquelle
un Etat a le droit de s'immiscer dans les affaires judiciaires d'un autre.
Marc HENZELIN estime que « le principe de
l'universalité en droit pénal permet à un Etat de
poursuivre et de juger l'auteur d'une infraction qui n'a aucun lien de
rattachement avec l'Etat en question »63(*) et c'est la définition
même de ce principe.
Le Protocole additionnel I du 8 juin 1977 est revenu sur cette
disposition en stipulant que « les Hautes Parties contractantes
s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute
procédure relative aux infractions graves aux Conventions et au
présent Protocole »64(*). Il en résulte que les Etats se sont vus
imposer deux types d'obligations. D'une part, ils sont tenus de respecter et de
faire respecter les dispositions du DIH en toutes circonstances. Cette
obligation s'applique tant aux conflits internationaux qu'aux conflits
internes. Le principe de la compétence universelle est ainsi
posée sans ambiguïté.65(*) D'autre part, ils doivent poursuivre et punir les
auteurs des crimes graves.
Or, très peu d'Etats sont dotés de
législations à compétence universelle nécessaires
pour connaître des crimes de droit international : l'exemple typique
est celui de la Norvège qui n'a pas pu juger Michel BAGARAGAZA
présumé avoir commis le crime de génocide au Rwanda en
1994, pour la simple raison que ce crime ne figure pas dans les lois de cet
Etat66(*). La même
lacune a fait que le Sénégal ne juge pas l'ancien
président tchadien Hissen HABRE pour les crimes qu'il a commis au Tchad.
En novembre 2005, la Chambre d'appel du Sénégal a
déclaré que le Sénégal n'était pas
compétent pour le poursuivre67(*).
Certains autres Etats dont les juridictions sont
universellement compétentes, pourtant signataires de la
Résolution adoptée par l'Assemblée générale
des Nations Unies en 1973, intitulé « Principe de la
coopération internationale en ce qui concerne le dépistage,
l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus responsables
de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité »,68(*) ne s'intéressent pas
à la poursuite et à la punition des auteurs des crimes graves.
La mise en oeuvre de la résolution susmentionnée
est un moyen efficace de rendre la justice internationale beaucoup plus
dissuasive car les criminels n'auront pas d'endroit où se cacher.
En outre, nous estimons que les Etats sur les territoires
desquels se trouvent des personnes recherchées et dont les juridictions
jouissent d'une compétence universelle en cas de violations graves du
DIH devraient être obligés, sous peine de sanctions, de respecter
leurs engagements conventionnels.
Il incombe donc aux Etats de prendre les mesures
législatives nécessaires pour transposer dans leurs codes
pénaux les instruments du DIH. Ces derniers doivent adopter des
dispositions permettant de réprimer les infractions et
établissant la procédure à suivre.
La mise en adéquation de la législation interne
avec les dispositions du DIH est donc une condition sine qua non pour
que justice soit rendue69(*). Ce serait une illustration parfaite de la
mondialisation de la justice qui offre une arme efficace pour combattre
l'impunité à l'avenir, et même actuellement à une
époque où tant de violations du droit humanitaire sont commises
mais échappent au filet de la justice internationale, parce que, d'une
part, les évènements qui suscitent ces crimes échappent
à la compétence des tribunaux ad hoc et que, d'autre part la CPI
n'a pas de compétence rétroactive70(*).
II.2.4.2 Les tribunaux hybrides : un nouveau moyen
efficace de dissuasion
Par tribunal hybride, il faut endendre un tribunal à
composition mixte, c'est-à-dire qui associe le droit international et le
droit national71(*).
Le recours à la création de tribunaux hybrides
est un nouveau moyen permettant à un Etat de mettre en place une
juridiction mixte sur la base d'un Accord bilatéral que cet Etat peut
conclure avec les Nations Unies afin de poursuivre et juger les personnes
présumées responsables des crimes graves. Mais nous n'allons pas
nous y attarder puisque notre champ d'étude se limite au TPIR et
à la CPI. Nous allons tout simplement démontrer comment ce genre
de tribunaux est un moyen efficace, et d'ailleurs plus dissuasif que les TPI
ad hoc, du fait qu'ils opèrent sur le lieu où les crimes
ont été commis.
L'exemple le plus éloquent de ce nouveau
mécanisme est celui du Tribunal Spécial pour le Cambodge. Le
gouvernement cambodgien, ayant sollicité une aide pour poursuivre les
anciens dirigeants khmers rouges pour des crimes commis entre 1975 et 1979, a
pu se doter de ce genre de tribunal mixte.
Au départ, l'ONU désirait instituer un autre TPI
ad hoc, mais le gouvernement cambodgien s'était opposé
à l'établissement d'un tel mécanisme. Les
négociations ont continué avec l'ONU, lesquelles
négociations ont abouti à la signature d'un Accord
bilatéral le 6 juin 2003. Cet Accord faisait suite à l'adoption
par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 13 mai
2003, d'une Résolution approuvant une proposition d'Accord entre l'ONU
et le Cambodge pour la poursuite des principaux responsables des crimes commis
sur son territoire entre 1975 et 1979.
Le Tribunal Spécial pour le Cambodge a pour mandat de
poursuivre les criminels des années 70. C'est un exemple de lutte contre
l'impunité et qui renforce le caractère imprescriptible des
crimes graves.
Un tel mécanisme avait été adopté
par la Sierra Léone qui, sur demande adressée à l'ONU, a
pu obtenir du Conseil de sécurité l'adoption de la
Résolution 1315 du 14 août 2000 donnant mandat au
Secrétaire général de l'ONU pour créer une
juridiction mixte en vue de « poursuivre et juger les hauts
responsables de crimes contre l'humanité72(*), des violations de l'article 3 commun aux Conventions
de Genève et à celles du Protocole additionnel II73(*), les autres violations du
DIH74(*) et certains
crimes prévus par le droit sierra-léonais75(*), commis depuis le 30 novembre
1996 », date des Accords d'Abidjan (Côte d'Ivoire ) qui avait
tenté, sans succès, de trouver solution à la crise. Le
Timor Oriental a également fait recours à ce genre de
mécanisme judiciaire.
L'avantage de tels tribunaux réside dans le fait qu'ils
peuvent appliquer en même temps le droit interne et le droit
international. Plus encore, des tribunaux hybrides ont des juges internes et
des juges internationaux. Le parquet est aussi mixte. Ce mécanisme
s'avère le mieux adapté puisqu'il permet la conduite des
procès sur le lieu du drame.
Néanmoins, l'on peut redouter sur l'impartialité
de ce genre de tribunal puisque les personnes soupçonnées d'avoir
trempé dans les actes incriminés peuvent y prendre part. En
outre, du fait que les tribunaux mixtes siègent sur le lieu du crime, la
sécurité des témoins et des victimes risque d'être
menacée. Même les juges peuvent avoir des inconvénients non
négligeables dans l'exercice de leurs fonctions.
II.2.5 Une main mise sur le patrimoine des personnes
condamnées
II.2.5.1 Aspect dissuasif de la réparation des
dommages
Avec la possibilité accordée aux victimes des
crimes internationaux de se constituer parties civiles devant la CPI, les
auteurs potentiels de ces infractions craindront que non seulement leur
responsabilité pénale soit engagée, mais aussi ils devront
répondre civilement de leurs actes en réparant les
préjudices qu'ils auront causés.
En effet, très souvent, les grands responsables de
crimes graves sont des personnes qui ont amassé déloyalement de
grandes fortunes et dorénavant leurs agissements auront un impact sur
leur patrimoine. De ce fait, nous trouvons dans ce nouveau droit à la
réparation reconnu aux victimes un moyen efficace de dissuader la
commission de crimes graves.
Le Tribunal devrait également prononcer la saisi de
tous les biens mal acquis et les affecter au trésor public des Etats
dont les personnes condamnées sont ressortissantes.
II.2.5.2 La réparation dans les procédures
judiciaires internationales
Depuis longtemps jusqu'à une date très
récente, « il n'existait pas, dans le droit pénal
international, une base juridique pour les demandes d'indemnisation des
victimes des crimes internationaux »76(*). Le droit à la réparation reconnu
à toute victime d'un dommage tant matériel que moral
résultant d'une infraction, a été négligé
par la justice pénale internationale. Ce n'est qu'avec la
création de la CPI que les victimes viennent d'avoir droit à la
réparation des dommages qu'elles ont subis.
Devant la CPI tout comme devant le TPIR, les victimes peuvent
être entendues en tant que témoins. Mais, le Statut de la CPI a
frayé une nouvelle voie aux victimes. En effet, ces dernières
peuvent elles-mêmes participer effectivement au procès en tant que
parties civiles ou donner mandat à leurs représentants
légaux de défendre leurs intérêts77(*).
Le Statut du TPIR est muet sur la question de constitution de
partie civile devant elle. En effet, le Statut prévoit seulement que la
victime peut être entendue en tant que témoin. La
préoccupation était l'établissement de la
responsabilité pénale.
Cependant, le Règlement de procédure et de
preuve ne prévoit que la restitution des biens.78(*) Aux yeux du Statut du TPIR,
cette restitution des biens aux victimes propriétaires est une peine et
diffère de la réparation provenant d'une action civile
»79(*).
Pour être indemnisés, la victime ou ses
ayants-droits doivent, sur la base d'un jugement définitif condamnant
l'auteur d'un crime, intenter une action pour obtenir réparation du
préjudice conformément à la législation nationale
ou toute autre institution compétente80(*).
Selon nous, nous pensons plutôt que ce renvoi devant les
autres instances habilitées témoigne d'un déni de justice
puisque c'est la justice internationale qui, par le soutien du Conseil de
sécurité, peut faire effectivement exécuter les
décisions ordonnant indemnisation.
La CPI quant à elle, a pu marquer un pas de
géant en faveur des victimes. Son statut a prévu un fonds
d'indemnisation81(*).
Clôturant ce chapitre, il sied de rappeler que tout ce
que nous venons d'y dévélopper nous donne une ouverture sur les
défis à lever afin d'avoir une justice pénale
internationale effectivement dissuasive. Ce pas, une fois marqué, la
justice pénale internationale pourra atteindre son idéal
à l'occurrence le recul de l'impunité, le point que nous allons
aborder dans le dernier chapitre qui suit.
CHAPITRE III: LA LUTTE CONTRE L'IMPUNITE PAR LA JUSTICE PENALE
INTERNATIONALE
La raison principale qui justifie l'existence des juridictions
pénales internationales c'est d'aider l'humanité à
réprimer les personnes responsables des atrocités qui choquent sa
conscience. Dotées de moyens plus solides que ceux des juridictions
nationales des Etats, ces instances internationales sont les mieux
adaptées pour lutter contre l'impunité dont ces personnes ont
bénéficié depuis longtemps. Cette impunité se
manifeste sous trois formes principales.
III.1 Les différentes formes de l'impunité
Il existe trois formes d'impunité à savoir
l'impunité juridique, l'impunité de fait et enfin
l'impunité qui se traduit par l'application d'une peine non
proportionnelle à la gravité d'une infraction.
III.1.1 L'impunité juridique
Cette forme d'impunité peut s'imposer par moyens
juridiques d'adoption des mesures d'amnistie, de clémence, de pardon, de
grâce ou de toute autre mesure qui empêche d'enquêter et de
poursuivre les auteurs d'un crime82(*).
Pour éclaircir cette situation, prenons l'exemple de
l'Ouganda : en octobre 2005, la CPI, sur demande du gouvernement
ougandais, a émis des mandats d'arrêt contre cinq dirigeants de la
Lord's Resistance Army (Armée de résistance du Seigneur
) à savoir Joseph Kony, Vincent Otti, Raska Lukwiya, Okot Odhiambo et
Dominic Ongwen. Ces hommes sont inculpés de crimes de guerre et de
crimes contre l'humanité dans le Nord de l'Ouganda.
Toutefois, dans l'intérêt de « la
réconciliation nationale », l'Ouganda, bien que ce soit lui qui
avait déféré la situation à la Cour, a
adopté une loi d'amnistie qui, en violation du DIH, empêche ses
tribunaux de juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité
commis dans cette région du Nord.83(*) Cette pratique favorise l'impunité, et la
vraie réconciliation doit se fonder sur la justice.
III.1.2 L'impunité de fait
C'est la forme la plus fréquente puisque beaucoup
d'atrocités se commettent mais restent couvertes par les
autorités qui les ont commises ou qui ont donné l'ordre de les
commettre.
On dit qu'il existe une impunité de fait quand une
enquête n'est pas conduite pour déterminer les faits, quand on nie
ou on couvre les faits ou les auteurs. On parle aussi d'impunité de fait
lorsque les instances habilitées ne poursuivent pas les responsables des
actes illégaux, à condition que cette attitude résulte
d'une intention délibérée, de mobiles politiques ou de
l'intimidation84(*).
L'exemple le mieux adapté à cette forme
d'impunité est celui du Soudan : le Gouvernement soudanais ne
manifeste aucune volonté de traduire en justice les miliciens janjawids
et les membres des forces gouvernementales qui ont commis des crimes de
guerre.
En règle générale, devant le TPIR comme
devant la CPI, et d'ailleurs devant n'importe quelle juridiction nationale ou
internationale, celui qui allègue un fait doit le prouver, c'est ce que
veut dire l'adage latin actori incumbit probatio. En d'autres termes,
il incombe au Procureur de prouver les faits et la culpabilité,
l'accusé étant présumé innocent jusqu'à
preuve du contraire.
Pour ce qui est du degré de preuve, la procédure
devant le TPIR et la CPI s'inspire essentiellement de la Common Law :
l'accusé ne peut être déclaré coupable que
lorsque le Tribunal considère que sa culpabilité a
été prouvée au-delà de tout doute
raisonnable85(*), tandis
que dans la Civil Law ou les systèmes romano-germaniques, le
juge ne prononce la culpabilité que s'il en a l'intime conviction.
Quand il est question de prouver le crime de génocide,
la culpabilité est facilement établie si l'un des actes
matériels constitutifs de l'infraction a été commis. Par
contre, il est difficile de prouver l'intention de commettre le
génocide. Il en découle que beaucoup de gens peuvent être
acquittés faute de moyens de preuves suffisants. Et nombreux seront ceux
qui, bien qu'ils étaient animés d'une intention de commettre le
génocide, ne seront pas punis selon l'adage in dubio proreo.
III.1.3 La non-proportionnalité de la peine à
la gravité d'un crime
A part ces deux formes d'impunité, il existe une
dernière qui consiste à adopter une sanction pénale qui
n'est pas proportionnelle à la gravité de
l'infraction86(*).
Les tenants de la peine de mort estiment que la peine
d'emprisonnement préconisé par les peuples civilisés et
prônée par la justice pénale internationale n'est pas
proportionnelle aux crimes graves comme le génocide, les crimes de
guerre ou les crimes contre l'humanité.
Nous estimons qu'à l'époque actuelle la loi du
talion n'a plus de place dans une société civilisée. Il
faudrait plutôt adopter des sanctions susceptibles d'amener le
délinquant à se reconnaître qu'il a mal agi et l'amener
ainsi à s'amender.
Nous convenons avec Aglaia TSITSOURA qui affirme que l'effet
dissuasif ne réside pas dans la gravite d'une sanction. A ce sujet, cet
auteur affirme que « l'expérience a montré que...la
délinquance, dans l'ancienne France notamment, demeurait
néanmoins élevée, en dépit de l'existence de peines
redoutables, de supplices, et, au surplus, d'une procédure inquisitoire
assortie de tortures. Aussi a-t-on estimé que l'intimidation devait
reposer sur la certitude et la rapidité du châtiment
»87(*). Ce n'est
donc pas par la rigueur des supplices qu'on prévient le plus
sûrement les crimes, c'est plutôt par la certitude de la peine.
Il sied de rappeler que le TPIR et la CPI n'imposent que des
peines d'emprisonnement. Au TPIR, pour en fixer les conditions, ses Chambres de
première instance ont recours à la grille générale
des peines d'emprisonnement appliquée par les tribunaux du
Rwanda.88(*)
Nous pensons que les prévisions du Statut du TPIR sont
correctes car il faut donner la chance aux personnes condamnées de
méditer sur leurs forfaits. En outre, celles qui sortiront des prisons
après avoir purgé leurs peines, doivent avoir un rôle actif
dans la reconstruction de la société qu'elles ont
elles-mêmes détruite.
Ayant passé en revue les différentes formes
d'impunité, nous allons, au cours de la partie qui suit, parler de la
contribution du TPIR et de la CPI dans la lutte contre l'impunité.
III.2 La contribution des juridictions pénales
internationales dans la lutte contre
l'impunité
III.2.1 L'apport du TPIR
La création du TPIR par la Résolution 955 du
Conseil de sécurité des Nations Unies a été
saluée par la Communauté internationale en général,
et par le Rwanda en particulier.
Au Rwanda, l'histoire montre que depuis 1959, le pays a
été le théâtre des tueries ethniques89(*). Depuis lors, aucun auteur de
ces crimes n'avait été traduit devant une instance judiciaire,
nationale ou internationale. Cette histoire macabre a culminé dans les
événements de 1994 qui ont coûté la vie à
plus d'un million de personnes90(*), essentiellement tutsies, en trois mois.
Après cette tragédie, le Bureau du Procureur du
TPIR a arrêté plusieurs personnes présumées
responsables des crimes graves dont les membres du gouvernement
intérimaire, des hauts gradés de l'ancienne armée
rwandaise, des dirigeants des milices, des autorités provinciales et
bourgmestres des communes, des chefs religieux, des hommes d'affaires
importants ainsi que des responsables des médias. Le Rwanda ruiné
par le génocide et la guerre civile, avec ses moyens insuffisants, ne
pouvait ni arrêter ni juger toutes ces personnes.
De surcroît, la situation au Rwanda après le
génocide était telle que le système judiciaire rwandais
avait perdu un grand nombre de son personnel judiciaire. Il y en avait beaucoup
qui avaient été emportés par le génocide et les
massacres de 1994 et d'autres qui avaient pris le chemin de l'exil. Pire
encore, l'infrastructure judiciaire était complètement
détruite.
Il fallait donc une instance puissante, dotée de
ressources nécessaires, capable de poursuivre et de punir ces personnes
présumées avoir commis le génocide. Aussi le Conseil de
sécurité de l'ONU a t-il créé le TPIR, une
institution qui, jusqu'à présent, vient de faire grande
tâche.
Selon Alison Desforges, historienne et militante des droits de
l'homme, 80% des personnes impliquées à un niveau
élevé de responsabilité dans le génocide («
les gros poissons» ) ont été arrêtées par le
TPIR91(*).
Dans cette démarche, le TPIR a pu traquer et
arrêter plus de 72 personnes présumées responsables des
violations graves du DIH92(*) : 56 personnes sont détenues dans le
Quartier pénitentiaire du TPIR, 13 autres condamnées
définitivement sont en attente de transfert vers les pays qui ont
passé des accords avec le TPIR à cette fin, où elles
doivent purger leurs peines.
Pour l'heure, nous tenons à rappeler que le Mali
héberge 6 personnes condamnées par le TPIR. Les détenus
dont les procès sont en cours sont au nombre de 29, et 8 détenus
sont en attente de procès93(*).
Le TPIR a remis en liberté trois personnes : il
s'agit de Bernard NTUYAHAGA, arrêté le 18 juin 1998 et remis
liberté le 18 mars 1999 suite au retrait de l'acte d'accusation par le
Procureur. Léonidas RUSATIRA a été aussi remis en
liberté : son acte d'accusation a été aussi
retiré pour insuffisance de preuves. Elizaphan NTAKIRUTIMANA quant
à lui a purgé sa peine94(*).
Parmi ces personnes arrêtées par le TPIR, trois
sont décédées. Il s'agit de Samuel MUSABYIMANA, Joseph
SERUGENDO et d'Elizaphan NTAKIRUTIMANA. Celui-ci est
décédé après avoir purgé sa peine95(*).
Le TPIR a acquitté 5 personnes. Il s'agit de Ignace
BAGIRISHEMA, Emmanuel BAGAMBIKI, André NTAGERURA, Jean MPAMBARA et
André RWAMAKUBA96(*).
La jurisprudence du TPIR est une preuve incontestable de sa
contribution à la lutte contre l'impunité. En effet, c'est pour
la toute première fois qu'un chef de gouvernement a été
arrêté, jugé et condamné pour crimes graves par un
tribunal pénal international97(*).
La condamnation de Monsieur Jean KAMBANDA à
l'emprisonnement à vie le 4 septembre 1998, le TPIR a créé
un précédent en matière de justice pénale
internationale. Elle traduit un message fort et dissuasif et un avertissement
aux responsables politiques. Dorénavant, ces derniers savent que
tôt ou tard ils peuvent être appelés à
répondre de leurs actes devant une juridiction pénale
internationale. Ce précédent donne un nouvel élan à
la justice internationale dans la lutte contre l'impunité. Ce
précédent a été invoqué à la Chambre
des Lords dans l'affaire PINOCHET ( demande d'extradition ). Puis, il y a eu
l'inculpation et le transfert à La Haye de l'ancien dirigeant serbe,
Slobodan MILOSEVIC98(*).
A coté de ce jugement de l'ancien Premier ministre Jean
KAMBANDA, le TPIR a rendu un autre jugement historique : Dans l'affaire
Jean-Paul AKAYESU c. le Procureur, le Tribunal a également, pour la
première fois dans l'histoire, condamné un accusé pour
viol entendu comme crime contre l'humanité. La Chambre est même
allée plus loin en déclarant que le viol peut être un moyen
de commission de ce crime concluant que le viol constitue en l'espèce un
crime de génocide : « La violence sexuelle faisait partie
intégrante du processus de destruction particulièrement
dirigé contre les femmes tutsies et ayant contribué de
manière spécifique à leur anéantissement et
à celui du groupe tutsi considéré comme tel
»99(*) lit-on dans le
jugement AKAYESU. En d'autres termes, « cette violence sexuelle
était une étape dans ce processus de destruction du groupe tutsi,
destruction de son moral, la volonté de vivre de ses membres, et de leur
vies elles-mêmes»100(*).
Un autre jugement, prononcé le 3 décembre 2003
dans l'Affaire « des médias du génocide », a lui aussi
laissé des empreintes dans la jurisprudence internationale. En
condamnant à l'emprisonnement à vie Ferdinand NAHIMANA, promoteur
de la RTLM, Hassan NGEZE, directeur du journal « Kangura »
et Jean-Bosco BARAYAGWIZA pour incitation au génocide, le TPIR a
donné un message fort et dissuasif concernant l'utilisation des
médias comme une arme de destruction massive101(*). Dans cette affaire, la
Chambre précise que les journalistes, au lieu d'utiliser les
médias pour promouvoir les droits de l'homme, les ont utilisés
pour attaquer et détruire les droits humains les plus
élémentaires. Ils ont abusé de la confiance du public en
utilisant les médias pour inciter au génocide.
C'est aussi la jurisprudence du TPIR qui montre que, pour la
première fois dans l'histoire de la justice internationale, une femme a
été inculpée, arrêtée et jugée. Il
s'agit de Pauline NYIRAMASUHUKO, l'ancienne ministre de la famille et de la
promotion féminine, poursuivie pour génocide et viol en tant que
crime contre l'humanité. Le TPIR est également la première
juridiction internationale à avoir appréhendé un artiste,
en l'occurrence le musicien Simon BIKINDI, sur la base du message que ses
chansons véhiculaient pendant le génocide102(*).
Un autre mérite du TPIR qu'il ne faut pas
négliger c'est que pour la première fois des violations du DIH
commises dans le contexte d'un conflit interne ont fait l'objet d'une
répression internationale. Le Conseil de sécurité a inclus
dans la compétence ratione materiae du TPIR des
instruments qui n'étaient pas nécessairement
considérés comme faisant partie du droit international coutumier
ou dont la violation n'était généralement pas
considérée comme engageant la responsabilité pénale
individuelle de son auteur. L'article 4 du Statut du TPIR inclut donc les
violations du protocole additionnel II qui, dans son ensemble, n'a pas encore
été universellement reconnu comme faisant partie du droit
international coutumier. Pour la première fois cet article érige
en crimes les violations de l'article 3 commun aux quatre conventions de
Genève103(*).
Bien que le TPIR se soit vu reprocher sa lenteur par certains
Etats et des organisations internationales, il a pourtant fait tout ce qui
était en son pouvoir pour lutter contre l'impunité. En fait, son
travail a été retardé principalement par certains Etats
qui ne se sont pas montrés coopératifs avec lui.
Il faut aussi noter que beaucoup d'autres raisons justifient
cette lenteur alléguée. Devant le TPIR, les procès se
déroulent en trois langues à savoir l'Anglais, le Français
et le Kinyarwanda qui est la langue utilisée par la majorité des
témoins et des accusés. Le TPIR doit donc assurer
l'interprétation simultanée de ces trois langues dans la salle
d'audience. Tous les documents officiels doivent également être
traduits en ces trois langues.
Le système de la Common Law exige que le juge
joue un rôle passif. Ce sont les parties qui se confrontent entre elles
et le juge ne décide que sur la base des éléments de
preuves que ces dernières lui ont présentés.
III.2.2 La contribution de la CPI
La CPI, institution internationale judiciaire encore jeune,
n'a pas encore réalisé de grands progrès. Mais nous
croyons qu'elle ne prendra pas longtemps pour se mettre sur les rails
puisqu'elle va se servir de l'expérience et de la jurisprudence des TPI
ad hoc pour l'Ex-Yougoslavie et pour le Rwanda.
La CPI, de compétence universelle et de
caractère permanent contrairement aux TPI ad hoc, s'est
immédiatement saisi de certaines personnes présumées
responsables de crimes de guerre en République centrafricaine, en
République Démocratique du Congo et en Ouganda.
La première affaire dont la CPI s'est saisie est celle
de Thomas LUBANGA DYILO, l'ancien chef de l'UPC, accusé d'avoir
enlevé des enfants de moins de quinze ans qu'il a enrôlés
dans son armée. Par la suite, ils les a envoyé sur le champ de
bataille et il les a fait participer activement à un conflit sanglant
dans la Province d'Ituri104(*).
La Chambre préliminaire I a également
décerné des mandats d'arrêt contre deux hauts responsables
soudanais à savoir Ahmad Muhammad HARUN, ex-Ministre d'Etat
chargé de l'intérieur au sein du Gouvernement soudanais et
actuellement Ministre d'Etat chargé des affaires humanitaires, et Ali
Muhammad Al ABD-AL RAHMAN, un dirigeant des miliciens janjawids.
En motivant ce mandat d'arrêt, la Chambre a conclu qu'il
y avait des motifs raisonnables de croire qu'en raison de ses fonctions, Ahmad
HARUN avait connaissance des crimes commis contre des personnes civiles et des
méthodes utilisées par les miliciens janjawids. Ses discours
publics montrent qu'il savait que les miliciens attaquaient des personnes
civiles et pillaient des bourgs et villages. Ces discours constituaient
également des encouragements personnels à la commission de tels
actes105(*). Le mandat
d'arrêt visant Muhammad HARUN énumère 42 chefs
d'accusation, mettant en cause sa responsabilité pénale
individuelle au sens des alinéas b) et d) de l'article 25-3 du Statut de
Rome106(*).
La Chambre préliminaire a conclu également que
Ali ABD-AL RAHMAN a recruté des combattants, et a armé,
financé et approvisionné des miliciens janjawids placés
sous son commandement, contribuant ainsi intentionnellement à la
commission des crimes. La Chambre ajoute qu'il a personnellement
participé à certaines des attaques dirigées contre des
civils107(*).
Dans la même démarche de lutte contre
l'impunité, la CPI, après avoir reçu la lettre qui lui a
été envoyée par le gouvernement de la République
centrafricaine, lettre déferant la situation des crimes relevant de la
compétence de la Cour commis sur l'ensemble du territoire de la
République centrafricaine depuis le 1er juillet 2002, a
entamé des enquêtes.
La CPI examine également la situation au Nord de
l'Ouganda et réunit des éléments de preuves contre quatre
responsables de la Lord's Resistance Army, une armée rebelle
qui s'oppose au régime en place en Ouganda. La CPI a déjà
lancé des mandats d'arrêt contre Joseph KONY,Vincent OTTI, Okot
ODHIAMBO et contre Dominic ONGWEN.108(*)En application de l'article 18 du Statut de la CPI,
le Procureur a déjà notifié son intention d'ouvrir une
enquête aux Etats parties et aux autres Etats concernés109(*).
Pour arriver à ces immenses réalisations, le
TPIR et la CPI ont dû, par le biais de leurs Statuts, renoncer à
certaines exceptions qui avaient depuis longtemps servi de prétexte pour
faire échapper certaines catégories de personnes aux poursuites
judiciaires.
Nous constatons que c'est vraiment une voie qui
témoigne de l'engagement de la justice pénale internationale de
s'attaquer vigoureusement aux personnes de hauts rangs, qui jadis , pouvaient
écraser les populations innocentes sans se soucier de rien.
III.3 Les exceptions favorisant l'impunité
III.3.1 L'inopposabilité de la qualité
officielle du criminel
Depuis le procès de Nuremberg, la qualité
officielle n'a pas été un motif acceptable pouvant
exonérer de sa responsabilité pénale la personne
poursuivie devant les juridictions pénales internationales ou une raison
pouvant lui garantir une diminution de sa peine110(*).
Une disposition similaire est également prévue
dans le Statut de la CPI qui stipule que « Le présent Statut
s'applique à tous de manière égale, sans aucune
distinction fondée sur la qualité officielle. En particulier, la
qualité officielle de chef d'Etat ou de gouvernement, de membre d'un
gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent
d'un Etat, n'exonère à aucun cas de la responsabilité
pénale au regard du présent Statut, pas plus qu'elle ne constitue
en tant que telle un motif de réduction de la peine
»111(*).
Le TPIR et la CPI ont voulu faire comprendre qu'aucune raison
ne pouvait justifier la commission des crimes graves et décourager ainsi
toute personne qui abuserait de son pouvoir pour commettre de tels actes en
alléguant ce qu'elle est.
III.3.2 Le rejet de l'ordre du supérieur
hiérarchique
En règle générale, tout fonctionnaire,
quel que soit son rang dans la hiérarchie, est tenu d'exécuter
les tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux
instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas
où l'ordre donné serait manifestement illégal.
Depuis les célèbres procès de Nuremberg
et de Tokyo, l'argument selon lequel on a commis des crimes graves sous l'ordre
de son supérieur hiérarchique a été rejeté.
Le Statut du TPIR et de la CPI ont abondé dans le sens de la
jurisprudence des TMI en rejetant l'ordre d'un supérieur
hiérarchique comme motif pouvant justifier l`exonération de la
responsabilité du subordonné exécutant cet ordre.
Selon nous, ce rejet de l'ordre du supérieur
hiérarchique constitue un garde-fou et revêt un aspect dissuasif
dans la mesure où personne ne sera autorisé de commettre un crime
grave sous n'importe quel prétexte. C'est en effet une vraie
détermination dans la lutte contre l'impunité, une jurisprudence
posée par les juridictions pénales internationales.
III.4 Les obstacles à relever dans la lutte contre
l'impunité
Sous cette rubrique, nous allons aborder certains obstacles
qui entravent la tâche de la justice pénale internationale de
lutter contre l'impunité. Il s'agit de l'absence d'une force de police
et la question de souveraineté étatique. Une fois ces obstacles
levés, la justice pénale internationale pourra effectivement se
mondialiser.
III.4.1 L'absence d'une force de police et la question de
souveraineté étatique
III.4.1.1 Absence d'une force de police
Afin d'accroître la possibilité de la justice
pénale internationale d'appréhender toute personne
présumée avoir commis les crimes graves du DIH, il faudrait doter
les juridictions internationales d'une force de police. Cette étape ne
serait atteinte que si les Etats acceptent d'adopter par voie conventionnelle
un Accord multilatéral instituant ce corps.
Contrairement aux juridictions nationales qui disposent des
forces de contrainte, les juridictions internationales, à l'instar du
TPIR, n'ont pas leur propre force de police. Privées de cette force, ces
juridictions ne peuvent pas, par exemple, donner exécution aux mandats
d'arrêt (c'est la raison pour laquelle les personnes
présumées responsables du génocide comme Félicien
KABUGA sont encore en fuite ) ;ou ne peuvent pas obliger les
témoins à comparaître ;ou encore ne peuvent pas
inspecter les lieux.
Nous partageons l'avis de Carla DEL PONTE, procureur du TPIY,
qui a dit que l'indépendance et l'efficacité des juridictions
pénales internationales se heurtent à la souveraineté des
Etats et qu'une juridiction pénale internationale, bien que
légitime et indépendante, ne peut être efficace que si elle
possède un bras armé112(*)au lieu de continuer à dépendre des
Etats.
Pour le cas du TPIR, la coopération semble plus
aisée parce que le Conseil de sécurité peut ordonner
à un Etat de coopérer avec le TPIR. Le Président du TPIR
est tenu d'informer le Conseil du refus d'un Etat de coopérer avec le
Tribunal. Le Conseil peut prendre des mesures qui s'imposent : En
Bosnie-Herzégovine, par exemple, le Conseil de sécurité a
ordonné les troupes de la SFOR de l'OTAN de mener une opération
dont l'objectif était d'arrêter des criminels de guerre
présumés, recherchés par le TPIY, dont essentiellement
Radovan KARADZIC113(*).
Sans force armée au service de la justice pénale
internationale, les juridictions pénales internationales restent
totalement dépendantes des Etats et elles sont condamnées
à rester dans cette position de dépendance puisqu'elles n'ont
aucune autre option.
Nous sommes donc convaincus que la coopération des
Etats avec la justice pénale internationale est une
nécessité incontournable afin de lutter contre
l'impunité.
Pour franchir cet obstacle, les Etats parties à la CPI
devraient penser à une mise sur pied d'une force de police qui serait un
moyen de contrainte qui garantit son efficacité et qui lui assure un
caractère dissuasif.
III.4.1.2 La souveraineté étatique
Pour le TPIR, la question de la souveraineté ne remet
pas tellement son fonctionnement en cause. La primauté qu'il a à
l'égard des juridictions nationales lui permet de demander à tout
Etat de se dessaisir d'une affaire en sa faveur, si le Tribunal le juge
opportun dans l'intérêt de la justice.
Néanmoins, comme nous venons de le mentionner, le TPIR
ne disposant pas de force de police, se retrouve de temps en temps face
à cette barrière de souveraineté étatique puisque
le personnel judiciaire ne peut accomplir sa mission en pleine liberté
que s'il bénéficie d'une bonne hospitalité de la part d'un
Etat sur le territoire duquel se trouvent les informations dont le Tribunal a
besoin.
Bien que le Statut du TPIR reconnaisse certains
privilèges et immunités aux juges, au Procureur et à son
personnel ainsi qu'au Greffier et à son personnel114(*) pour leur faciliter la
tâche, ils sont souvent confrontés à la question de
souveraineté. Aussi les Etats doivent-ils être contraints par le
Conseil de sécurité de coopérer pleinement avec le
TPIR.
En ce qui concerne la CPI, la situation devient de plus en
plus compliquée avec des Etats qui ne veulent pas signer et ratifier le
Statut de Rome ou qui l'ont fait mais qui cherchent à en limiter le
pouvoir, comme les Etats-Unis qui ne cessent de manifester une opposition
farouche à l'existence de la CPI. En effet, les Etats-Unis ont
été catégoriques lors de la Conférence de Rome. Ils
ne sont pas disposés à accepter que la CPI puisse
représenter un quelconque danger pour les intérêts
nationaux américains ou une perte importante de sa
souveraineté115(*). Aussi cherchent-ils à conclure des accords
bilatéraux avec les Etats parties à la CPI, assurant
l'immunité à tout ressortissant américain116(*).
Un autre enjeu majeur concerne le principe de
complémentarité prévu par le Statut117(*). Ce nouveau concept,
principale innovation du Statut de Rome, permet à la CPI d'intervenir
subsidiairement avec les autorités nationales lorsqu'il s'est
avéré qu'un Etat manque de volonté ou se trouve dans
l'incapacité de mener à bien des enquêtes ou des poursuites
à l'encontre d'auteurs potentiels de crimes internationaux. Le
bien-fondé de ce principe est de responsabiliser tout Etat dans la
poursuite et la répression des auteurs de crimes graves118(*).
Toutefois, la consécration de ce principe par le Statut
de Rome ne manque pas de conséquences fâcheuses : le plus
souvent, dans l'hypothèse où un Etat ne veut pas poursuivre, le
Procureur de la Cour devra d'abord prouver la mauvaise foi de cet Etat. Pire
encore, la Cour aura des difficultés à entamer des poursuites si
cet Etat ne lui accorde pas accès sur son territoire.
Ce principe, qui donne la primauté de poursuite et de
juridiction aux tribunaux nationaux pose quelques questions de fond. La CPI ne
saurait fonctionner sans que les Etats n'adoptent des lois nationales
harmonisant leur droit interne avec le Statut de Rome. Ces lois doivent
essentiellement comprendre des dispositions visant à mettre en oeuvre
les obligations de coopération avec la CPI qui pèsent sur chaque
Etat partie, ainsi que des dispositions harmonisant et adaptant le droit
matériel de chaque Etat en ce qui concerne des définitions des
crimes, ou encore les principes généraux de droit pénal
comme l'absence d'immunité quel que soit le rang officiel ou
l'imprescriptibilité des crimes graves.
Critiquant ce principe de complémentarité,
Jean-Paul BAZELAIRE déplore le fait que les signataires de la Convention
de Rome se sont cantonnés sur ce principe de
complémentarité. Selon lui, ils ont fait un réel pas en
arrière119(*), et
nous sommes du même avis que cet auteur. Cependant, l'existence de la
Cour incitera fortement les Etats à relever le niveau de leur
système judiciaire.
En dehors des inquiétudes liées à la
consécration du principe de complémentarité que nous
venons d'évoquer, l'existence de la CPI suscite un optimisme sans
égard : graduellement sa pratique et ses procédures
deviendront la référence internationale en matière de
justice, par rapport à laquelle sera mesuré le niveau atteint par
tel ou tel Etat.
Déjà, certains Etats ont modifié leurs
constitutions ainsi que leur droit pénal et leurs règles de
procédures, pour les rendre conformes aux dispositions du Statut de
Rome120(*).
Une autre raison qui suscite l'optimisme, c'est que la
compétence de la CPI peut s'étendre aux Etats non parties quand
le Conseil de sécurité décide de déférer une
situation à la Cour. Par exemple, le Conseil de sécurité,
en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, et agissant sur la
base de la compétence qui lui est conférée par le Statut
de Rome spécialement en son article 13 b), a adopté la
Résolution 1593 déférant la situation du Darfour à
cette Cour. Le Conseil de sécurité devrait le faire dans les
meilleurs délais, sinon la cessation d'une menace à la paix et
à la sécurité internationale risque d'entraîner
l'extinction de son action.
Par la même résolution, le Conseil de
sécurité priait le Gouvernement soudanais de coopérer
avec la CPI pour traduire en justice les personnes présumées
responsables des violations graves du DIH et des attentes graves aux droits de
l'homme commis dans la région de Darfour.
Ainsi, le Soudan qui n'a pas ratifié le Statut de Rome
et qui n'a pas exprimé la moindre volonté de coopérer avec
la justice internationale allègue qu'il est capable de juger ses
nationaux. Or, l'inefficacité du système judiciaire soudanais ne
permet pas de garantir des jugements impartiaux et conformes aux droits
fondamentaux.
Le Statut de Rome est donc un nouveau pas franchi par les
Etats dans la lutte contre l'impunité mais les problèmes
liés à la compétence ratione temporis ne manquent
pas de se poser tant pour le TPIR que pour la CPI.
III.4.2 La compétence ratione temporis du TPIR et de
la CPI
III.4.2.1 La compétence ratione temporis du TPIR
Selon son statut, le TPIR est compétent pour les crimes
contre l'humanité, actes de génocide et infractions graves aux
Conventions de Genève et à l'article 3 commun à celles-ci
commis entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Cette
compétence permet au TPIR de pouvoir juger rétroactivement. Il
peut donc connaître des crimes commis avant sa création.
Cependant, cette rétroactivité est limitée puisqu'elle ne
va pas très loin pour embrasser les actes d'incitation, de propagande et
de préparation commis avant le 1er janvier 1994.
En outre, après le 31 décembre 1994, les
miliciens Interahamwe ont continué à commettre des crimes de
droit international sur les territoires d'Etats où ils s'étaient
réfugiés, notamment en République démocratique du
Congo. Et de là, ils ont tenté à plusieurs reprises de
revenir sur le territoire du Rwanda pour parachever leur plan macabre, en
s'attaquant aux personnes civiles, en ciblant les rescapés du
génocide.
Cette limitation de compétence a fait que le Rwanda a
voté contre la Résolution instituant le TPIR, bien que le TPIR
ait été créé sur demande de son gouvernement, parce
qu'elle ne couvre pas toute la période de préparation du
génocide121(*).
Le Rwanda proposait que cette compétence commence à partir du
1er janvier 1990.
En effet, il y a donc lieu de se demander si le
génocide d'une ampleur aussi horrible a été
préparé pendant trois mois seulement. Dans notre entendement,
nous croyons que beaucoup de personnes ayant joué un rôle
important dans la préparation du génocide avant le 1er
janvier 1994 ne seront pas inquiétées et resteront impunies. Il
en est de même pour celles qui ont commis des crimes graves après
le 31 décembre 1994.
Pour ce qui est du TPIY, la compétence dans le temps de
cette juridiction est plus ou moins ouverte par rapport à celle du TPIR.
En effet, elle a un début précis ( le 1er janvier 1991
) et elle reste ouverte122(*). L'on peut conclure que la raison en est que la
Résolution créant le TPIY a été adoptée
quand le conflit yougoslave faisait rage. Nous pouvons donc affirmer que
très peu de grands criminels ayant commis les violations relevant de la
compétence du TPIY auront la chance de se soustraire à la
justice.
III.4.2.2 La compétence ratione temporis de la CPI
III.4.2.2.1 La non
rétroactivité du Statut de Rome
Les dispositions du premier alinéa de l'article 24 du
Statut de la CPI traduisent clairement la non-rétroactivité.
Selon cet article, « nul n'est pénalement responsable, en vertu
du présent Statut, pour un comportement antérieur à
l'entrée en vigueur du Statut » c'est-à-dire qu'elle
est compétente pour les actes commis après le 1er
juillet 2002.
Il est vrai qu'en général la loi pénale
n'a pas d'effet rétroactif. Mais elle peut en avoir si le
législateur l'a expressément prévu. Toutefois, cette
rétroactivité ne doit pas avoir pour effet l'aggravation des
situations des personnes dont les poursuites étaient en cours.
Ainsi le législateur rwandais a voulu que la Loi
organique n°40/2000 du 26 janvier 2001 portant création « des
juridictions Gacaca » et organisant les poursuites des infractions
constitutives du crime de génocide ou de crimes contre
l'humanité, commises entre le 1er octobre 1990 et le 31
décembre 1994 rétroagisse123(*), puisqu'elle couvre les faits antérieurs
à 1994, année au cours de la quelle le génocide contre les
Tutsis du Rwanda a été commis. Le législateur était
animé d'une intention de réprimer tout acte qui entre dans la
préparation du génocide.
Si le Statut de la CPI rétroagissait, de nombreuses
personnes responsables de violations graves, dont les anciens dictateurs qui
ont fui leurs pays, seraient jugés pour leurs forfaits. Qui plus est, il
n'y aurait aucune d'entre elles qui pourrait échapper à la
justice, puisque les juridictions nationales ne disposent pas de moyens
suffisants pour les poursuivre ou ne veulent pas le faire.
Beaucoup de personnes qui ont commis des crimes graves avant
l'entrée en vigueur de la CPI ne seront donc pas
inquiétées et resteront impunies pour trois raisons : soit
parce que le Statut de la CPI n'est pas rétroactif, soit parce qu'elles
sont couvertes par leurs propres Etats par l'absolution légale de leurs
crimes communément appelée « Lois d'amnistie »
adoptées pour être le prix de la reddition ou de la
réconciliation des acteurs politiques impliqués dans ces
crimes124(*), soit enfin
parce que les Etats dont les juridictions jouissent de la compétence
universelle ne sont pas intéressés à poursuivre les
personnes non ressortissantes de leurs pays, d'autant plus que les victimes ne
sont pas, non plus, ressortissantes de ces pays.
III.4.2.2.2
Incompatibilité de la non-rétroactivité avec
l'imprescriptibilité des crimes graves
L'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanité a été affirmée par la Convention
des Nations Unies du 26 novembre 1968. Les crimes visés dans cette
Convention sont les crimes de guerre, incluant expressément les
infractions graves aux Conventions de Genève, les crimes contre
l'humanité, commis en temps de paix ou en temps de guerre, y compris
l'apartheid et le génocide. Cette Convention a un effet
rétroactif dans la mesure où elle abolit toute prescription
intervenue en vertu d'une loi ou d'une autre norme. En outre, il est
prévu que « dans aucune des déclarations solennelles,
actes et Convention visant la poursuite et la répression des
crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, il n'a
été prévu de limitation dans le temps
»125(*). En
plus, cette Convention ajoute que ces crimes sont imprescriptibles quelle que
soit la date à laquelle ils ont été commis126(*).
La notion d'imprescriptibilité a également
été abordée au plan régional, au sein de la
Convention du Conseil de l'Europe du 25 janvier 1974 sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité.
Cette Convention ne s'attache qu'aux crimes contre
l'humanité prévus par la Convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948. Au
sens de cette Convention, l'imprescriptibilité ne s'attache qu'aux
infractions revêtant une gravite particulière.
Considérant la compétence ratione
temporis du TPIR, bien qu'elle rétroagisse puisqu'elle concerne des
faits antérieurs à la création du TPIR, n'inclut cependant
pas les actes antérieurs au 1er janvier 1994 quand bien
même on peut avoir des éléments de preuve pouvant
établir que le génocide des Tutsis du Rwanda ainsi que les crimes
contre l'humanité ont commencé avant cette date. Ainsi donc, pour
le cas du TPIR, le constat est que la rétroactivité est admise
mais elle reste insuffisante.
Quant à la CPI, le Statut de Rome donne
compétence à celle-ci juste à partir de la date de son
entrée en vigueur. Il y a lieu de se demander avec le Professeur Serge
SUR si « cette non rétroactivité est dans son esprit
bien cohérente avec le caractère imprescriptible des crimes
visés »127(*).
A notre avis, nous estimons que cette non
rétroactivité des compétences ratione temporis
des deux juridictions internationales à savoir le TPIR et la CPI nourrit
la culture de l'impunité. Qui plus est, elle va à l'encontre de
la volonté exprimée par les Etats signataires de la Convention
susmentionnée du 26 novembre 1968 qui voulaient qu'on n'applique pas des
règles de droit interne relatives à la prescription aux crimes
graves parce que cela empêcherait que les personnes responsables de ces
crimes ne seraient pas poursuivies et punies.
La conséquence majeure c'est qu'au Rwanda, seuls les
simples exécutants répondront de leurs actes d'avant le
1er janvier 1994 en application de la loi organique
précédemment mentionnée et les personnes sur lesquelles
pèse la plus lourde responsabilité et ayant fui l'Etat rwandais
risquent de ne pas être arrêtées et poursuivies puisque le
gouvernement rwandais n'en aura pas les moyens.
CONCLUSION GENERALE
Parlant de l'effet dissuasif de la justice pénale
internationale, notre objectif était de voir si réellement
celle-ci est en mesure de dissuader la commission des crimes de droit
international et de lutter efficacement contre la culture de l'impunité.
Sinon, qu'est faut-il faire pour que les juridictions pénales
internationales soient des instances pouvant surmonter des obstacles qui les
empêchent d'atteindre cet objectif ? C'est en lisant ce travail
qu'on pourra avoir la réponse à cette question que bon nombre de
gens se posent actuellement.
En effet, le premier chapitre donne le cadre conceptuel et
théorique de la justice pénale internationale, en
définissant certains concepts et en faisant le parcours évolutif
de la justice pénale internationale, depuis la création des TMI
de Nuremberg et de Tokyo, jusqu'à la création du TPIR par le
Conseil de sécurité en 1994, et de la CPI par le Traité de
Rome en 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002.
Dans le deuxième chapitre de ce travail , il a
été question de se demander si la justice pénale
internationale présente un effet dissuasif dans le chef d'autres
potentiels criminels. Les cas d'étude que nous avons analysés,
à savoir le TPIR et la CPI, nous ont emmené à confirmer
notre première hypothèse, la recherche que nous avons faite
témoigne que le chemin est encore long : il faudra lever des
obstacles tant factuels que juridiques, tels le fait de situer les juridictions
pénales internationales loin du lieu de la commission des crimes,
l'ingérence du Conseil de sécurité des Nations Unies dans
les affaires judiciaires internationales, la question de souveraineté
étatique, l'absence de la main mise sur les patrimoines des personnes
reconnues coupables en vue de réparer les dommagés subis par les
victimes.
Enfin, le dernier chapitre a traité de la lutte contre
l'impunité par la justice pénale internationale. Après
avoir passé en revue des différentes formes d'impunité,
nous avons parlé de la contribution du TPIR et de la CPI dans ce sens.
Comme nous l'avons démontré, ces deux institutions judiciaires
internationales ont fait tout ce qui est en leur pouvoir afin de traduire en
justice les personnes présumées responsables des crimes graves.
Cependant, comme il n'y a pas de roses sans épines, le TPIR et la CPI
n'ont pas encore atteint un niveau de perfection, étant donné
qu'ils continuent à se heurter aux barrières de
souveraineté étatique. En effet, certains Etats ne sont pas
disposés à coopérer avec ces juridictions. Or, la justice
pénale internationale ne peut s'acquitter de son mandat que si les Etats
y participent très activement en lui donnant leur plein soutien.
La coopération des Etats est donc sans
équivalent en matière de localisation, d'arrestation et de
transfert des personnes présumées responsables des crimes graves.
Ils doivent apporter aide et assistance tant au personnel des juridictions
internationales qu'à d'autres personnes impliquées dans les
activités de celles-ci, en l'occurrence les témoins potentiels.
Cette coopération s'avère indispensable d'autant plus que le
mandat assigné à ces juridictions internationales reste
compliqué parce qu'elles opèrent loin des lieux de la commission
des crimes relevant de leur compétence.
Nous avons vu que les Etats mettent en oeuvre leurs
législations nationales. Ils doivent ainsi se déterminer de
poursuivre toute personne présumée se trouvant sur leurs
territoires. En Effet, nous avons embrassé l'idée du Dr Ahmed
Iyane SOW lorsqu'il dit que les juridictions nationales sont les mieux
placées pour agir, notamment pour ce qui est de l'accès aux
éléments de preuves, mais aussi en raison du fait que la justice
pénale sera mieux rodée à ce niveau qu'au plan
international où elle n'est encore qu'à ses
balbutiements128(*). Mais le handicap majeur est que beaucoup
d'Etats n'ont pas inséré dans leurs systèmes juridiques la
compétence universelle et n'ont pas de lois réprimant les crimes
graves.
Dans l'ensemble, notre étude a démontré
que, bien que critiqué par pas mal de gens parmi lesquelles les
accusés parce qu'il a été créé par le
Conseil de sécurité, le TPIR qui est un tribunal ad hoc,
s'avère plus dissuasif que la CPI, parce qu'il comporte des
mécanismes imposés par le Statut, susceptibles de contraindre
tout Etat à coopérer avec lui.
La CPI quant à elle dépend du bon vouloir des
Etats parties. Elle n'intervient qu'après avoir apporté des
preuves démontrant que l'Etat concerné n'est pas capable de
rendre justice ou ne veut pas le faire. Le principe de
complémentarité qui gouverne cette Cour place celle-ci dans une
position de dépendance et dilue ainsi son aspect dissuasif.
Avec la création de la CPI qui est entrée en
vigueur le 1er juillet 2002 et qui venait s'ajouter aux deux TPI
existants, le TPIR et le TPIY, tout le monde avait raison de croire que
c'était la fin de l'impunité et qu'elle aurait un effet dissuasif
sur les comportements des individus qui tenteraient de commettre les crimes
graves. Mais le contraire se constate : les guerres continuent dans beaucoup
d'endroits : au Nord de l'Ouganda ; les tueries à
caractère ethnique font rage au Soudan dans la région du
Darfour ; des combats se poursuivent en République
Démocratique du Congo, la guerre ravage la Somalie. Il y a beaucoup de
conflits sanglants en Orient comme en Iraq, en Israël au Pakistan et
ailleurs. A ceux là s'ajoutent des attaques terroristes dirigées
contre des personnes civiles.
Dans l'ensemble, nous avons affirmé que la justice
pénale internationale pourra éradiquer l'impunité sous
toutes ses formes, si toutes ces lacunes ci-haut relevées sont
comblées. Néanmoins, les efforts fournis par le TPIR dans ce sens
sont louables. La jeune CPI, sur la base de la jurisprudence qui lui est
laissée par ce dernier, devrait emprunter la même voie. Mais elle
devra améliorer beaucoup de choses.
Ce dont on peut se féliciter, c'est que, dans le sens
de la lutte contre l'impunité, les Statuts du TPIR et de la CPI ont
renforcé certains principes qui servaient de prétexte justifiant
la commission des crimes graves. Aujourd'hui, la qualité officielle
d'une personne et l'ordre d'un supérieur hiérarchique ne jouent
plus pour couvrir sa responsabilité.
Des progrès jurisprudentiels sont remarquables, mais
des obstacles ne manquent pas. Ces deux institutions judiciaires
internationales ne disposent pas de leurs propres forces de police et, par voie
de conséquence, elles continuent à se heurter aux
problèmes de souveraineté étatique.
Enfin, le TPIR et la CPI sont également freinés
par leur compétence ratione temporis. Pour le cas du TPIR, la
période sur laquelle s'étend sa compétence est tellement
courte qu'elle ne peut pas couvrir tous les actes de préparation du
génocide. En outre, il y a eu beaucoup d'actes commis par les miliciens
Interahamwe après le 31 décembre 1994, en collaboration avec les
ex- Forces armées rwandaises dans le cadre du plan visant à
commettre le génocide. Tous ces actes resteront impunis.
Pour le cas de la CPI, du fait que sa compétence ne
rétroagit pas, beaucoup de personnes parmi lesquelles figurent divers
dictateurs se sentent tranquilles et risquent d'échapper aux poursuites.
Dans tous les cas, la non rétroactivité de la compétence
ratione temporis de ces deux institutions est incompatible avec le
caractère imprescriptible des crimes graves. A notre avis, les
responsables de ces actes devraient en répondre indépendamment de
la date de leurs forfaits.
Chers lecteurs, au terme de ce travail, il sied d'émettre
quelques recommandations et suggestions aux différents acteurs de la
justice pénale internationale :
Ø La communauté internationale, suite à
son silence complice devant les atrocités commises au Rwanda et ailleurs
dans le monde, doit s'atteler à coopérer efficacement avec les
juridictions pénales internationales en permettant qu'il y ait «
une ingérence judiciaire » dans tout Etat où les crimes
graves sont entrain de se commettre. Cette ingérence permettra
d'arrêter immédiatement et de traduire en justice les responsables
de ces crimes. Evidement, il faudra revoir le principe de la
souveraineté étatique et en fixer les limites. Cette
ingérence ne réussira pas si les Etats ne décident pas de
créer un corps de police internationale qui aurait des stations dans
plusieurs régions du monde, prêtes à être
déployées n'importe où en cas de nécessité.
Cette force de police serait créée par voie conventionnelle.
Ø Les Etats qui n'ont pas encore signé ou
ratifié le Statut de Rome instituant la CPI doivent le faire dans les
plus courts délais. Ceux-qui l'ont fait doivent refuser de conclure des
accords bilatéraux à l'instar de ceux que les Etats-Unis sont
entrain de conclure avec certains Etats visant à faire échapper
aux poursuites certaines personnes.
Ø Le Conseil de sécurité, organe
suprême de prise de décision sur le plan international, devrait
privilégier la création des TPI ad hoc plutôt que
de penser au déferrement de la situation constituant une menace à
la paix et à la sécurité internationale à la CPI
puisque la Cour intervient subsidiairement après les juridictions
nationales. Or les Etats, souvent complices, ne veulent pas poursuivre leurs
propres nationaux. Il serait mieux encore que les tribunaux créés
soient hybrides comme celui de la Sierra Léone afin de permettre que les
procès se déroulent sur les lieux de la commission des crimes.
Ø Le Conseil de sécurité doit
arrêter d'adopter des résolutions visant à garantir
l'impunité à certaines personnes et doit cesser d'être un
outil de certaines puissances. Toutes les résolutions doivent être
prises dans le respect de l'égalité souveraine des Etats. En
d'autres termes, la justice pénale ne doit pas réprimer les
individus de certains Etats (généralement pauvres) et
écarter d'autres (les grandes puissances).
Ø Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait
modifier le Statut du TPIR afin d'y insérer des dispositions qui
permettent aux victimes de se constituer parties civiles devant cette
juridiction et obtenir réparation des dommages qu'elles ont subis, comme
c'est le cas devant la CPI.
Ø Enfin, comme nous ne prétendons pas avoir
épuisé cette étude, nous serons très heureux de
voir d'autres chercheurs venir compléter notre travail, en traitant par
exemple la question d'ingérence judiciaire et en abordant d'autres
questions que nous n'avons pas exploitées profondément.
BIBLIOGRAPHIE
I. TEXTES LEGAUX DU TPIR, DU TPIY, DU TSSL, DE LA CPI
ET DES TMI
1. Statut du TPIR adopté le 8 novembre 1994 par la
Résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations Unies
(S/Res/955).
2. Statut du TPIY adopté le 25 mai 1993 par la
Résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations
Unies.
3. Statut du TSSL adopté par la Résolution 1315 du
Conseil de sécurité du 14 août 2000, après un accord
passé entre le Gouvernement de Sierra Leone et les Nations Unies.
4. Statut du TMI de Nuremberg du 8 août 1945.
5. Statut de Rome de la Cour pénale internationale
entrée en vigueur le 1er juillet 2002.
6. Accord de Londres portant Statut du TMI de Nuremberg du 8
août 1945.
7. Règlement de procédure et de preuves du TPIR,
adopté le 29 juin 1995 et révisé successivement jusqu'au
21 mai 2007.
8. Règlement de procédure et de preuves du TPIY
adopté le 11 février 1994.
Ø TEXTES LEGAUX INTERNATIONAUX :
1. Convention sur la prévention et la répression
du crime de génocide, approuvée par l'Assemblée
générale des Nations Unies dans sa Résolution 260 (III) du
9 décembre 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951.
2. Les quatre Conventions de Genève du 12 août
1949.
3. Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de
guerre et des crimes contre l'humanité, adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies dans sa
Résolution 239 (XXIII) du 26 novembre 1968 et entrée en vigueur
le 11 novembre 1970.
4. Protocole additionnel aux Conventions de Genève du
12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux. (Protocole I du 8 juin 1977)
Ø TEXTES LEGAUX NATIONAUX :
1. Loi organique n° 40/2000 du 26 janvier 2001 portant
création des juridictions Gacaca et organisation des poursuites
des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contre
l'humanité, commises entre le 1er octobre 1990 et le 31
décembre 1994, in J.O., n°6 du 15 mars 2001 telle que
modifiée et complétée par la loi organique n° 33/2001du 22
juin 2001.
II. JURISPRUDENCE ET DECISIONS DES
CHAMBRES
Ø JURISPRUDENCE:
1. TPIR, Le Procureur c. Jean-Paul AKAYESU Affaire
n°ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, jugement portant
condamnation du 2 septembre 1998.
2. TPIR, Le Procureur c. Jean KAMBANDA, Affaire
n°ICTR-97-23-S, Chambre de première instance I, jugement portant
condamnation du 4 septembre 1998.
3. TPIR, Le Procureur c. Joseph KANYABASHI, Affaire n°
ICTR-96-15-T, décision du 18 juin sur l'exception
d'incompétence.
4. TPIR, Affaire n°ICTR-99-52-T, Le Procureur c. Ferdinand
NAHIMANA, Jean-Bosco BARAYAGWIZA et Hassan NGEZE.
Ø DÉCISIONS:
1. Mandat d'arrêt décerné par la Chambre
préliminaire I de la CPI contre thomas LUBANGA DYILO, le 10
février 2006.
2. Mandat d'arrêt décerné par la Chambre
préliminaire I de la CPI contre Ahmed HARUN et Abd-Al RAHMAN, le 2 mai
2007.
III. OUVRAGES GENERAUX :
1. ASCENSIO, H., et al., Droit international
pénal, éd. A. Pedone, Paris, 2000.
2. BAZELAIRE, J.P.et CRETIN, T., La justice pénale
internationale, P.U.F, Paris, 2000.
3. BETTATI, M., Le Droit d'ingérence, mutation de
l'ordre international, éd. Odile Jacob, Paris, 1996.
4. BOUQUEMONT, C., La Cour pénale internationale et
les Etats-Unis, Harmattan, Paris, 2003.
5. CASSESSE, A., The Tokyo trial and beyond, Polity
Press, Cambridge,1993.
6. FOSSARD, A., Le crime contre l'humanité,
éd. Laffont, S.l, 1987.
7. GUIHO, P., Dictionnaire juridique,
1èreed., Harmes, Lyon, 1996.
8. GUILLIEN, R., Lexique des termes
juridiques,12ème éd., Dalloz, Paris, 1999.
9. HENZELIN, M., Le principe de l'universalité en
droit pénal international, droit et obligation des Etats de poursuivre
et juger selon le principe de l'universalité, Bruylant, Bruxelles,
2000.
10. JORGENSEN NINA, H.B., The responsibility of States for
international crimes, Oxford University Press, S.l., 2000.
11. LA ROSA, A.M., Dictionnaire de droit international
pénal, termes choisis, P.U.F, Paris, 1998.
12. LEVY, D., La Cour pénale internationale, une
introduction pratique, Université de Paris IX, Paris, 2003.
13. LUGAN, B., Histoire du Rwanda, De la préhistoire
à nos jours, éd. Bartillat, Paris, 1997.
14. NATIONS UNIES, Convention sur la prévention et
la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948,
Recueils des traités, inédit, vol.78.
15. ROULOT, J.F., Le crime contre l'humanité,
Harmattan, Paris, 2002.
16. TAVERNIERS, P., ET BURGOGUE-LARSEN, L., Un
siècle de droit international humanitaire, centenaire des Conventions de
La Haye, cinquantenaire des Conventions de Genève, Bruylant,
Bruxelles, 2001.
17. TSITSOURA, A., Les objectifs de la sanction,
Bruylant, Bruxelles, 1989.
18. VERDIER, R., et al., RWANDA, Un génocide du XX
ème siècle, Harmattan, Paris, 1995.
IV. MEMOIRES :
1. DAFF, A., La répression des crimes pénaux
par les juridictions internationales et la protection des droits de
l'homme : cas du TPIR et du TPIY, ULK, Kigali, mars 2005 (
inédit )
2. ELIBEDAD, K., Les tribunaux pénaux
internationaux, Université de Lille II, 1998-1999 ( inédit
)
3. GAKUMBA, J.C., La réparation des dommages
causés par le crime de génocide et autres crimes contre
l'humanité en droit rwandais, UNR, Butare, septembre 2000
(inédit)
4. MUTABARUKA, A.,Problématique de la
répression des crimes de droit international par les juridictions
pénales internationales, ULK, Kigali, mars 2005 (inédit)
5. NKURAYIJA, J.M.V., La répression du crime de
génocide, UNR, Butare, octobre 2004 (inédit )
V. RAPPORTS ET DECLARATIONS :
1. CICR, Rapport de la réunion d'experts : La
répression nationale des violations du droit international
humanitaire, (Système romano-germanique) Genève du 23 au 25
septembre 1997.
2. Déclaration de Koffi A. Annan, ex- Secrétaire
général de l'ONU à l'occasion du premier jugement rendu
par le TPIR, le 2 septembre 1998.
3. Discours prononcé par M. Adama DIENG,
Sous-secrétaire général de l'ONU et greffier du TPIR, lors
de la Conférence sur la justice en Afrique, Wilton Park, Sussex, Grande
Bretagne, du 30 juillet au 2 août 2001.
4. Discours inaugural prononcé par M. Adama DIENG,
Sous-secrétaire général de l'ONU et greffier du TPIR, lors
du séminaire sur la ratification et la mise en oeuvre du Statut de la
Cour pénale internationale, Hôtel Ivoire, Abidjan, Côte
d'ivoire, du 29 au 31 janvier 2002.
5. Discours du Dr Ahmed Iyane SOW, alors Conseiller juridique
au cabinet immédiat du Greffier, et aujourd'hui Chef des services
juridiques et programme de stages au TPIR, lors de l'atelier sur
l'intégration des droits de l'homme dans le processus de la
conférence internationale sur la paix, la sécurité, la
démocratie et le développement dans la région des grands
lacs, Yaoundé, Cameroun, du 17 au 19 mai 2004.
6. Résolution 3074 (XXVIII) de l'Assemblée
générale des Nations Unies du 3 décembre 1973.
7. Déclaration des Nations Unies sur l'asile
territorial du 14 décembre 1967.
VI. SOURCES ELECTRONIQUES :
1. La justice pénale, disponible sur
http://www.ca-lyon.justice.fr/index.php?option=com,
consulté le 21 mars 2007
2. La création du tribunal militaire international de
Nuremberg, disponible sur :
http://perso.orange.fr/d-d.natanson/nuremberg_creation.htm,
consulté le 16 novembre 2006.
3. Le tribunal militaire international ( Nuremberg 1945 ),
disponible sur
http://www4.justiz.bayern.de/olgn/imt/int/imtf_inh.htm,
consulté le 16 novembre 2006.
4. Génocide, disponible sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/genocide, consulté
le 19 mars 2007.
5. Le crime d'agression, disponible sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/crmed'agression,
consulté le 21 mars 2007.
6. Deux hauts responsables soudanais dans le collimateur
de la CPI, disponible sur
http://rfi.fr/actufr/articles/086/article_49941.asp,
consulté le 24 avril 2007.
7. Soudan, qui va répondre des actes
commis ?Disponible sur
http://web.amnesty.org/library/index/fraafr540062005,
consulté le 24 avril 2004.
8. Bagaragaza, premier transfert du TPIR, disponible sur
http://www.justicetribune.com/v2_print.php?page=v2_article&mode=print,
consulté le 10 mai 2007.
9. La Cour pénale internationale perte à juger
ses premières affaires, disponible sur
http://efai.amnesty.org/fildai/06february/cpi-fra.htm,
consulté le 4 mai 2007.
10. Rwanda/Génocide : Plus d'un million de
morts : Billan officiel, disponible sur :
htpp://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/ALLDocsByUNID, consulté le 4
mai 2007, tiré de la fondation Hirondelle du 8 février 2002.
11. Liste et situation des détenus du TPIR, disponible
sur
www.ictr.org, consulté le 8 mai
2007.
12. Les réalisations du TPIR depuis 1994, disponible
sur
http://www.aidh.org/rwanda/hirond15.htm,
consulté le 14 mai 2007.
13. Délivrance de mandats d'arrêt à
l'encontre du Ministre d'Etat chargé des affaires humanitaires du Soudan
et d'un dirigeant des miliciens janjawids, disponible sur
http://www.icc-cpi.int/press/pressreleases/241.htm,
consulté le 8 mai 2007.
14. Carla Del Ponte, Ex-Yougoslavie, Rwanda : Les
défis du tribunal pénal international, disponible sur
http://www.unifr.ch/spc/UF/2000juin/ponte.html,
consulté le 23 mai 2007.
15. Karadzic insaisissable : que fait la SFOR ?
Disponible sur
http://www.checkpoint-online.ch/CheckPoint/Monde/Mon0084,
consulté le 15 mai 2007.
16. La FDIH appelle le Conseil de sécurité
à saisir la CPI et à rejeter toute Résolution visant la
création d'un tribunal ad hoc, disponible sur
http://www.fidh.org/article_print.php3?id_article=2266,
consulté le 12 avril 2007.
17. Le droit international pénal entre Etat et la
société internationale, Rapport présenté par le
Professeur Serge SUR lors du colloque sur « l'internationalisation du
droit pénal », Faculté de droit de l'Université
de Genève, du 16 au 17 mars 2001, disponible sur
http://www.ridi.org/adi,
consulté le 16 mai 2007.
18. FARNEL, S., Les Français devant les tribunaux ?
Disponible sur
www.menapress.com/article.php?sid=1171,
consulté le 13 septembre 2007.
19. BAUDOIN, P., FIDH : Une paix réelle repose et se
construit par une justice efficace et affranchie de toute tutelle politique,
disponible sur
www.droitshumains.org/Justice/02rome_02htm,
consulté le 19 septembre 2007.
VII. JOURNAUX
NAYGOTIMTI, B., Politique : Abdoulaye Wade, Le donneur de
leçon coincé par l'affaire Habré, in Tchad et
culture, n° 243, janvier 2006.
* 1 VERDIER R. et al. ,
RWANDA Un génocide du XX ème siècle,
Harmattan, Paris, 1995, p.90.
* 2 TSITSOURA, A., Les
objectifs de la sanction, BRUYLANT, Bruxelles, 1989, p.60.
* 3 GUIHO, P., Dictionnaire
juridique, Harmès, 1ère éd., 1996,
p.193
* 4 Ibidem.
* 5 GUILLIEN, R.,
Lexiques des termes juridiques, Dalloz, Paris,
12ème éd., 1999, p. 311-312.
* 6 La justice pénale,
disponible sur :
http://
www.ca-lyon.justice.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=378&Itemid=424,
consulté le 21 mars 2007.
* 7 LA ROSA, A.M.,
Dictionnaire de droit international pénal, termes
choisis, PUF, Paris, 1998, p.14
* 8 FROSSARD, A., Le crime
contre l'humanité, éd. Laffont, 1987, p.77.
* 9 La Déclaration de
Saint Strasbourg limitait l'utilisation des projectiles explosifs et
incendiaires.
* 10 ROULOT, J.F., Le crime
contre l'humanité, Harmattan, 2002, p. 13.
* 11Article 6 c du Statut du
Tribunal militaire international de Nuremberg.
* 12Article 3 e) et g) du
Statut du TPIR et article 5 e) et g) du Statut du TPIY.
* 13Article 7 par. 1, i) et j)
du Statut de la CPI.
* 14Article 7, par. 2 du Statut
de la CPI.
* 15 Le Petit Larousse
illustré, Bordas, 1998.
* 16 JORGENSEN NINA, H.B.,
The responsibility of States for international crimes, Oxford University
Press, P.33.
* 17 LEMKIN R., Axis Rule in
Occupied Europe, Carnegie Endowment for International peace, 1944,Washington,
P.79.
* 18Article 2 de la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocides
du 9 décembre 1948.
* 19 LA ROSA A.M., Op.
cit., p.47.
* 20Article 6 b) du Statut du
TMI de Nuremberg.
* 21 DAFF A., La
répression des crimes pénaux par des juridictions internationales
et la protection des droits de l'homme : le cas du TPIR et du TPIY,
mémoire, ULK, mars 2005, p.13-14.
* 22 ASCENSIO H. et al. ,
Droit international pénal, A. Pedone, Paris, 2000 ;
p.721.
* 23 DAFF A., Op. cit.,
p.14.
* 24Article 3 commun aux quatre
Conventions de Genève.
* 25 Le crime d'agression,
disponible sur http:://fr.wikipedia.org/wiki/Crime d'agression, consulté
le 21 mars 2007.
* 26 ASCENSIO H. et al., Op.
cit., p.15.
* 27Article 227 du
Traité de Versailles.
* 28Article V de la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide
du 09 décembre 1948.
* 29La création du
Tribunal de Nuremberg, disponible sur :
http://perso.orange.fr/d-d.natanson/nuremberg_creation.htm:,
consulté le 16 novembre 2006.
* 30Le Tribunal militaire
international ( Nuremberg, 1945/46v ), disponible sur :
http://www4.justiz.bayern.de/olgn/imt/int/imtf
inh.htm: , consulté le 16 novembre 2006.
* 31 CASSESE A., The Tokyo
Trial and beyond, Polity Press, Cambridge, 1993, p.2.
* 32 CASSESE A., Op.
cit., 1993, P.2 : « Le Statut avait été fait par les
Américains seuleulement, principalement par Joseph B. Keenan, le
Procureur en chef du Tribunal de Tokyo. Les Alliés ont été
consultés après sa rédaction ».
* 33 Article premier du Statut
du TPIR.
* 34 LEVY D., La Cour
pénale internationale, une introduction pratique, Université
de Paris IX, Paris, 2003, p. 15.
* 35 LEVY D., Op. cit. ,
p.16.
* 36 Voir les articles 8-10
des Règlements de Procédure et de preuves du TPIR et du TPIY.
* 37Article 17 a) du Statut de
la CPI.
* 38Article 79 du Statut de la
CPI.
* 39 Procès des grands
criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, 1948,
Volumeume 22, p.466.
* 40 NATIONS UNIES :
Convention sur la prévention et la répression du crime de
génocide du 9 décembre 1948, Recueil des traités,
volumeume 78, p.277
* 41 DAFF A., Op. cit.,
p.62-63.
* 42 Article V de la Convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide
du 9 décembre 1948.
* 43 Résolution 3074
(XXVIII) de l'Assemblée générale des Nations Unies du 3
décembre 1973.
* 44 Article premier de la
Déclaration sur l'asile territorial du 14 décembre 1967.
* 45La répression
nationale et internationale des crimes de guerre : Discours inaugural
prononcé par M. Adama DIENG, Sous-Secrétaire
général de l'ONU ET Greffier du TPIR, lors du séminaire
CEDEAO-CICR sur la ratification et la mise en oeuvre du Statut de la CPI, du 29
au 31 janvier 2002 tenu à Abidjan en Côte d'Ivoire à
l'Hôtel Ivoire.
* 46 M. Koffi ANNAN, ancien
Secrétaire Général des Nations Unies : « Il ne peut y
avoir de guérison sans paix ; il n'y a pas de paix sans
justice et il n'y a pas de justice sans respect des droits de l'homme et
de la primauté du droit.», New York, le 2 septembre 1998 (
Traduction libre)
* 47 BAUDOIN, P., FIDH: Une
paix réelle repose et se construit par une justice efficace et
affranchie de toute tutelle politique, disponible sur
www.droitshumains.org/Justice/02rome_02.htm,
consulté le 19 septembre 2007.
* 48 LA ROSA A.M., Op.
cit., p.63.
* 49 Accord de Londres du 8
août 1945 ( préambule, alinéa 3)
* 50 BAYINGANA, T. J., La
protection de la preuve dans le contentieux du génocide de Tutsis du
Rwanda, mémoire, ULK, Kigali, mars 2005 ; p.27.
* 51 Soudan, qui va
répondre des actes commis ? Disponible sur :
http://web.amnesty.org/library/index/fraafr540062005, consulté le
24 avril 2007.
* 52 MAUPAS, S., Deux hauts
responsables soudanais dans le collimateur de la CPI, disponible
sur :
http: //
www.rfi.fr/actufr/articles/086/article_49941.asp,
consulté le 24 avril 2007.
* 53 TAVERNIER, P. et
BURGORGUE-LARSEN, L., Un siècle de droit international humanitaire,
centenaire des Conventions de La Haye, cinquantenaire des Conventions de
Genève, BRUYLANT, Bruxelles, 2001, p.167.
* 54 Déclaration du
Procureur de la CPI devant le Conseil de sécurité en application
de la Résolution 1593 (2005) à New York, le 13 décembre
2005.
* 55Article 103 du
Règlement de procédure et de preuves du TPIR.
* 56 HENZELIN M., Le
principe de l'universalité en droit pénal international, Droit et
obligation des Etats de poursuivre et juger selon le principe de
l'universalité, Bruxelles, 2000 ; P.2
* 57 BETTATI M., Le
DROIT D'INGERENCE, mutation de l'ordre international, éd.
ODILE JACOB, Paris, 1996 ; P.269.
* 58 idem.
* 59 TPIR, le Procureur c.
Joseph KANYABASHI, Affaire n° TPIR-96-15-t, 18 juin 1997, décision sur
l'exception d'incompétence ( Décision Kanyabashi ) Par. 13-14
* 60Article Premier du Statut
de la CPI et article 11 bis du Statut du TPIR.
* 61 Chap. IX, article 49,
alinéa 2 de la Convention I de Genève ; Chap. VIII,
article 50 alinéa 2 de la Convention II de Genève ;
article129 de la Convention III et article 146 de la Convention IV.
* 62 BETTATI M., Op.
Cit., p.263
* 63 HENZELIN M., Op.
Cit., p.1
* 64Article 88 du Protocole
additionnel I.
* 65 Le discours du Greffier du
TPIR à Abidjan, Op. cit.
* 66 Bagaragaza,
première demande de transfert du TPIR, disponible sur :
http://www.justicetribune.com/v2_print.php?page=v2_article&mode=print,
consulté 10 mai 2007.
* 67 NAYGOTIMTI, B., Politique:
Abdoulaye Wade, Le donneur de leçon coincé par l'affaire
Habré, in Tchad et culture, n°243, janvier 2006.
* 68 CICR : Rapport de la
Réunion d'experts : La répression nationale des
violations du droit international humanitaire du 23 au 25 septembre 1997 (
Systèmes romano-germaniques), Genève,19997 ; p.40
* 69 Discours de M. Adama
DIENG, Greffier du TPIR, à Abidjan, Op. cit.
* 70 L'Afrique et la
mondialisation de la justice : le rôle du Tribunal pénal
international pour le Rwanda et les enseignements qui se dégagent de son
expérience : Discours prononcé par M. Adama DIENG,
Sous-secrétaire général de L'ONU et Greffier du TPIR,
lors de la conférence sur « La justice en Afrique », tenue du
30 juillet au 2 août 2001 à Wilton Park, Sussex en Grande
Bretagne.
* 71 Le tribunal special pour
la Sierra Leone, disponible sur
http://wikipedia.org/wiki/Tibunal_Special_pour_la_Sierra_Leone
, consulté le 16/05/2007.
* 72Article 2 du Statut du
TSSL
* 73 Idem, Article 3
* 74 Idem, Article 4
* 75 Idem,Article 5
* 76 DAFF A., Op. Cit. ,
p.74.
* 77Article 68 (3) du Statut de
la CPI etArticle107 de son RPP.
* 78Voy.Article 105 du RPP du
TPIR.
* 79 GAKUMBA J.C, La
réparation des dommages causés par le crime de génocide et
autres crimes contre l'humanité en droit rwandais, mémoire,
UNR, Butare, septembre 2000 ; p.53, inédit.
* 80Article106 du RPP du
TPIR.
* 81 Article 79 du Statut de la
CPI.
* 82 NKURAYIJA, J.M.V., La
répression du génocide rwandais face à la Convention du 9
décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime
de génocide, mémoire, UNR, Butare, octobre 2004 ;
p.71, inédit.
* 83 La Cour pénale
internationale prête à juger ses premières affaires,
disponible sur :
htpp://efai.amnesty.org/fildai/06february/cpi-fra.htm, consulté
le 04 mai 2007.
* 84 La Commission nationale
consultative des droits de l'homme et la commission internationale des
juristes, rencontres internationales sur l'impunité des auteurs des
violations graves des droits de l'homme, du 2 au 5 novembre 1992, ABRAX, Paris,
1992 ; p.193, cité par NKURAYIJA J.M.V., Op. cit., p.71.
* 85Article 87 (A) du RPP du
TPIR.
* 86 Ibidem.
* 87 TSITSOURA A., Op.
Cit., p.60.
* 88Article 23, 1. du Statut du
TPIR.
* 89 LUGAN, B., L'histoire
du Rwanda, De la préhistoire à nos jours, éd.
Bartillant, Paris, 1997, p.433
* 90 Rwanda/ Génocide:
Plus d'un million de morts: Billan officiel, disponible sur :
http://www.reliefweb.int/rw/rwb.nsf/ALLDocsByUNID,
consulté le 4 mai 2007, tiré de la Fondation Hirondelle du 8
février 2002.
* 91La
commémoration : le 6 avril 2004- Les réalisations du
TPIR , disponible sur http : Fondation Hirondelle-Agence de
presse
* 92Les affaires : Liste
et situation des détenus du TPIR ( 23 février 2007), disponible
sur
www.ictr.org , consulté le 8
mai 2007.
* 93 Ibidem.
* 94 Etat des affaires,
disponible sur
www.ictr.org, consulté le 8 mai
2007.
* 95 Ibidem.
* 96 Ibidem.
* 97 L'affaire n°
ICTR-97-23-S : Le Procureur c. Jean KAMBANDA.
* 98 Discours de M. Adama DIENG
à Wilton Park, Sussex, op. cit., p.3.
* 99 L'affaire n° ICTR-96-4-T (
Par. 724) : Le Procureur c. Jean-Paul AKAYESU.
* 100 Idem, Par. 725.
* 101 Affaire n°
ICTR-99-52-T : Le Procureur c. Ferdinand NAHIMANA, Jean-Bosco
BARAYAGWIZA et Hassan NGEZE.
* 102 Les réalisations
du TPIR depuis 1994, disponible sur http://
www.aidh.org/rwand/hirond15.htm
, consulté le 14 mai 2007.
* 103 Discours de M. Adama
DIENG, Greffier du TPIR, à Abidjan, op.cit.
* 104 Mandat d'arrêt
international contre Thomas LUBANGA DYILO délivré par la Chambre
préliminaire I de la CPI le 10 février 2006.
* 105 Mandats d'arrêt
décernés par la Chambre préliminaire I de la CPI contre
Ahmad HARUN et ABD-AL RAHMAN, le 2 mai 2007.
* 106Délivrance de
mandats d'arrêt à l'encontre du Ministre d'Etat chargé des
affaires humanitaires du Soudan et d'un dirigeant des miliciens janjawids,
disponible sur :
http://www.icccpi.int/press/pressreleases/241.htm
, consulté le 8 mai 2007.
* 107 Ibidem.
* 108 Situations et affaires,
disponible sur
http://www.icc-cpi.int/cases.html,
consulté le 08 mai 2007.
* 109 Ibidem.
* 110Article 6, 2 du Statut du
TPIR.
* 111Article 27 du Statut de
la CPI.
* 112Carla DEL PONTE,
Ex-Yougoslavie, Rwanda : Les défis du Tribunal pénal
international, disponible sur
http://www.unifr.ch/spc/UF/2000juin/ponte.html:,
consulté le 23 mars 2007.
* 113Karadzic
insaisissable : que fait la SFOR ? Disponible sur : http://
www.checkpointonline.ch/CheckPoint/Monde/Mon0084-SFORKaradzic.htm
: Consulté le 15 mai 2007.
* 114Article 29 du Statut du
TPIR.
* 115 BOUQUEMONT, C., La
Cour pénale internationale et les Etats -Unis, Harmattan,
2003 ; p.33.
* 116 BOUQUEMONT, C., op.
cit., p.101.
* 117 Préambule du
Statut de la CPI.
* 118 MUTABARUKA, A.,
Problématique de la répression des crimes de droit
international par les jurisdictions pénales internationales,
mémoire, ULK, Kigali, mars 2005, p.48.
* 119 BAZELAIRE, J.P. et
CRETIN, T., La justice pénale internationale, PUF, Paris,
2000, ; p.95.
* 120 Le Canada qui a
signé le Statut de la CPI le 18 décembre 1998 a été
le premier Etat du monde à adopter une loi de mise en oeuvre du ce
Statut : Loi concernant les crimes de guerre et les crimes contre
l'humanité du 29 juin 2000 avant même l'entrée en vigueur
de la CPI..
* 121 FARNEL, S., Les
Français devant les tribunaux ?Disponible sur
www.menapress.com/article.php?sid=1171,
consulté le 13 septembre 2007.
* 122 Article premier du
Statut du TPIY.
* 123 Loi Organique n°40/2000
du 26 janvier 2000 telle que modifiée jusqu'à ce jour, Article
Premier.
* 124 La justice pénale
internationale dans le contexte des grands lacs : Discours de Dr Ahmed
Iyane Sow, chef des services juridiques et programme de stages au TPIR, lors de
l'atelier sur l'intégration des droits de l'homme dans le processus de
la conférence internationale sur la paix , la sécurité ,
la démocratie et le développement dans la région des
grands lacs, Yaoundé, du 17 au 19 mai 2004.
* 125 Préambule de la
convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanité du 26 novembre 1968. ( 2ème Rappelant).
* 126 Idem, Article
Premier.
* 127 Le droit international
pénal entre l'Etat et la société internationale, Rapport
présenté par le Professeur Serge SUR lors du colloque sur
«l'internationalisation du droit pénal», Faculté de
droit de l'Université de Genève, du 16 au 17 mars 2001,
disponible sur
http://www.ridi.org/ardi,
consulté le 16 mai 2007.
* 128 Discours du Dr Ahmed
Iyane SOW à Yaoundé, op.cit, p.5.
|