Université Catholique de Bukavu
La Cour Africaine des droits de l'Homme et des
Peuples : Le problème du contrôle juridictionnel des droits
de l'homme en Afrique.
Par Maître Providence NGOY Walupakah
18 Octobre 2008
Bukavu_RD Congo
Email :
ngoyproviwal@yahoo.fr
INTRODUCTION GENERALE
I. PROBLEMATIQUE
Si les sujets de droit avaient une conscience précise
de leur droit et de ses limites et s'ils avaient la prudence de ne point les
dépasser, la justice étant volontairement respectée, il
n'y aurait point de place pour des juges dans la société
(1(*)). Les droits de toute
personne ne seraient pas violés et les règles régissant la
société internationale en matière des prérogatives
de l'individu seraient observées.
Or, il n'y a pas eu dans l'histoire de l'humanité une
époque où les droits de l'homme ont été
débattus et remis en cause avec autant d'insistance, de passion et de
violence même, que la nôtre (2(*)). L'on notera au passage, le grand acharnement de la
communauté internationale en faveur de la protection des droits de
l'Homme. Ainsi, elle ne cessera de rappeler à l'endroit des Etats du
monde que le respect des droits de l'homme a une valeur universelle.
D'ailleurs, l'Institut de Droit International, par une résolution
adoptée le 3 Septembre 1989, a déclaré que
« .... L'obligation de respecter les droits de l'Homme incombe
à tout Etat vis - à - vis de la communauté internationale
dans son ensemble et tout Etat a un intérêt juridique à la
protection des droits de l'homme... ». En consacrant l'obligation de
respecter les droits de l'Homme comme « obligation erga
omnes », cette résolution précise, entre autre, que
chaque Etat peut invoquer les violations des droits de l'homme commises par un
autre Etat et appliquer à son encontre des mesures non militaires
proportionnées à la gravité des violations (article 5 de
la résolution).(3(*))
En effet pour rendre la protection des droits de la personne
humaine réelle et effective, plusieurs systèmes ont
été mis sur pied. D'abord, des mécanismes non
juridictionnels ont vu le jour tels la Commission européenne des droits
de l'homme, le Comité des Droits de l'homme des Nations Unies. Il
convient toutefois de rappeler que « les techniques non
juridictionnelles utilisées dans le cadre des instruments universels des
droits de l'homme sont de caractère non contraignant et, n'aboutissant
jamais à des décisions obligatoires en droit, restent
respectueuses des souverainetés étatiques. (4(*))
Une majorité des mécanismes de contrôle
des droits de l'homme ont été mis en oeuvre dans le cadre des
Nations Unies à l'instar de la Commission européenne et celle
interaméricaine. Dans cet élan de contrôle, l'Afrique n'a
pas été en reste. Elle s'est dotée également en
juin 1981, grâce aux vertus conjuguées des articles 30 et 45 de la
Charte Africaine des Droits de l'homme et des Peuples, d'un organe de
contrôle non juridictionnel des droits de l'homme dénommé
Commission Africaine des droits de l'homme et des Peuples chargée de
promouvoir des droits de l'homme et des Peuples et d'assurer leur protection
en Afrique.
Par ailleurs, le contrôle non juridictionnel s'est
révélé peu protecteur des droits de l'homme en raison de
ses décisions de caractère non contraignant. D'ailleurs, en ce
qui concerne la Commission Africaine, une partie de la doctrine a estimé
qu'elle ne pouvait en tant qu'organe non juridictionnel, à elle seule,
réaliser l'effectivité des droits de l'Homme sur le continent
africain (5(*)). Il fallait
alors renforcer la poursuite de la recherche de l'effectivité desdits
droits par la mise en place d'un contrôle plus rassurant et assez
rigoureux à savoir celui juridictionnel.
Notons en passant qu'en tant que tel, le contrôle
juridictionnel des droits de l'homme reste peu répandu en tant que
système universel de protection et de garantie des droits de la personne
humaine. Pourtant, bien que répandu, le contrôle juridictionnel
donne lieu à des décisions rendues en droit et dotées
d'une force juridique obligatoire. Il offre une garantie effective des droits
de l'homme et donne tout son sens au droit d'action individuelle qui fonde le
droit international des droits de l'homme. La singularité de ce
contrôle réside dans le fait que cette protection des droits de
l'homme suppose qu'un organe de jugement (en l'occurrence une Cour) statue sur
un cas d'espèce de transgression des règles des droits de l'homme
par une décision revêtue de l'autorité de la chose
jugée. (6(*))
Aujourd'hui, à l'instar des modèles
européen (la Cour Européenne des Droits de l'Homme) et
américain (la Cour Interaméricaine des Droits de l'homme) de
contrôle juridictionnel pour l'application de leurs dispositions
conventionnelles respectives, l'Afrique a bien voulu aussi dire son mot :
la Cour Africaine des Droits de l'homme et des peuples a été
créée. Au vrai, la date du 08 juin 1998 a été
très significative pour l'adoption, par la conférence des Chefs
d'Etats et des gouvernements de l'Organisation de l'Unité Africaine, du
« Protocole relatif à la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des peuples portant création d'une Cour Africaine des Droits
de l'homme et des peuples » (7(*)).
En effet, l'entrée en vigueur du Protocole à la
Charte portant création de la Cour, la volonté affichée
par les Etats Africains, mieux certains d'entre eux, à être
Parties au Statut de Rome portant création de la Cour Pénale
Internationale, la création d'un Tribunal Pénal International
pour le Rwanda siégeant en Tanzanie à Arusha et compétent
pour juger les coupables des crimes de génocide au Rwanda, attestent
sans conteste de l'intérêt du contexte pour la protection des
droits et libertés individuelles et collectives sur le continent
africain.
Si l'on admet que le volontarisme des Etats et le respect des
souverainetés étatiques ont été un frein pour la
protection des droits et libertés individuelles en ce qui était
du contrôle non juridictionnel assuré par la Commission Africaine,
l'on reconnaît par ailleurs une insuffisance remarquable du nombre de
ratifications et une quasi-inexistence de déclarations d'acceptation de
compétence de la Cour Africaine en ce qui concerne le jus
standi(8(*)) pour les
recours individuels.
Pour s'en convaincre, sur la cinquantaine d'Etats africains,
seuls vingt - deux sont parties au Protocole et sur les vingt - deux, seuls
quatre Etats, à savoir le Burkina-Faso, la Gambie, le Mali et le
Sénégal ont fait une déclaration acceptant la
compétence de la Cour pour recevoir les requêtes émanant
des individus ou des ONGs, la Cour ne pouvant pas recevoir des requêtes
individuelles intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle
déclaration.
Il convient de relever que la nécessité de la
création d'une Cour Africaine, ressentie par les Chefs d'Etats et des
gouvernements de l'OUA, se justifiait par un seul souci : compléter
et renforcer la mission de protection des droits de l'homme sur le continent
dévolue à la Commission. (Article 3 du Protocole à la
Charte portant création de la Cour)
Et contrairement à la mission des Cours
européenne et interaméricaine qui n'assurent que la protection
des droits contenus dans leurs dispositions conventionnelles respectives, la
Cour Africaine a une compétence plus large. En effet, au pied de
l'article 3 du Protocole relatif à la Charte portant création de
la Cour, la Cour a compétence : « 1. pour connaître
de toutes les affaires et de tous les différents dont elle est saisie
concernant l'interprétation et l'application de la Charte, du Protocole
et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et
ratifié par les Etats concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour
est compétente, la Cour décide ».
L'avantage des techniques juridictionnelles de protection des
droits de l'homme est qu'elles donnent lieu à des décisions
rendues en droit et dotées d'une force juridiquement obligatoire
(9(*)).
Or, l'article 30 du Protocole sous examen
dispose : « Les Etats parties au présent Protocole
s'engagent à se conformer aux décisions rendues par la Cour dans
tout litige où ils sont en cause et à en assurer
l'exécution dans le délai fixé par la Cour »
Cependant, en l'absence d'une « police
régionale », l'article 29(2) du même Protocole confie au
Conseil des ministres de l'Union Africaine, organe politique qui est, au terme
de l'article 13 (2)de l'Acte Constitutif de l'U.A., responsable devant la
conférence , chargé du suivi de l'exécution des
arrêts de la Cour.
Alors, à l'aune de toutes ces considérations et
notant le scepticisme qui persiste encore sur la réelle
exécution des arrêts de la Cour ou encore qui entoure
l'accès direct des individus à la Cour, la question de la
véritable mission de la Cour Africaine des droits de l'homme et des
peuples et celle de son effectivité réelle posent plusieurs
interrogations.
Tout d'abord, il convient de dire que l'initiative de
création de cette Cour est louable.
Mais l'enjeu de protection des droits de l'homme en Afrique
par la Cour étant de taille, la crainte demeure de savoir si les
géniteurs de cet organe seront souples à se soumettre à
la volonté décisionnelle de celui qui, hier, a été
l'oeuvre de leur génie propre et admirable intellect.
Tous ces développements qui précèdent
soulèvent les questions suivantes :
- la Cour Africaine ayant été
créée, comment fonctionnera- t- elle tant sur la plan de la
saisine que du déroulement ment du procès ?
- Au regard des particularités de l'Afrique et de la
mission même de la Cour, quelle est sa structure par rapport à
celle de ses homologues européenne et américaine ?
Enfin, y aurait-il des obstacles prévisibles à
l'efficacité du contrôle juridictionnel (de type régional)
des droits de l'homme en Afrique ?
En réalité, c'est à ces questions que le
présent travail se propose de répondre, et eu égard
à ces interrogations, quelques hypothèses sont envisageables.
II. HYPOTHESES
- L'article 2 du Protocole relatif à la Charte dispose
que la Cour complète les fonctions de protection que la Charte Africaine
des Droits de l'Homme et des Peuples (ci - après
dénommée : la Charte) a conférées à la
Commission, en tenant dûment compte des dispositions du présent
Protocole. Ce qui veut dire que la mission de la Cour et la raison
première de son existence sont la protection effective des droits de
l'homme en Afrique.
- Quant à sa structure, la Cour Africaine en
présente une qui lui est spécifique, particulière.
- A l'efficacité du contrôle juridictionnel des
droits de l'homme en Afrique, plusieurs obstacles sont envisageables ; ils
sont soit d'ordre juridique, l'accès direct des individus et ONG
à la Cour ou de la difficile acceptation des Etats de se conformer aux
décisions de la Cour, soit d'ordre factuel comme la pauvreté des
Etats Africains au regard de l'indépendance budgétaire dont la
Cour devrait jouir.
Les hypothèses étant des réponses
provisoires aux questions de recherche, elles seront soit confirmées,
nuancées ou rejetées à la conclusion du travail. Mais
avant cela, elles doivent faire l'objet d'une vérification.
Le problème de contrôle juridictionnel des Droits
de l'homme en Afrique est un sujet qui revêt un intérêt
indéniable.
III. INTERET DU SUJET
Le choix de cette thématique, objet de notre recherche
se justifie par la nécessaire envie de savoir si la Cour Africaine des
Droits de l'Homme et des peuples sera le messie protecteur, des droits de ceux
(Homme - individu et Peuples) pour qui elle a été
créée, face à la conception du droit et de l'Etat en
Afrique, où il s'observe que le premier, à savoir le droit est au
service du second, l'Etat.
Le travail sur le problème du contrôle
juridictionnel des droits de l'homme en Afrique dont nous entreprenons
l'étude revêt un intérêt à situer à
divers ordres de considération : notamment sur le plan social,
au niveau des gouvernés et gouvernants ainsi qu'à celui des
ONGDH, sur le plan scientifique et celui pédagogique.
Sur plan social, il permet de faire connaître la Cour,
son fonctionnement, sa structure et ses mérites aux africains. Ce
travail se propose d'être donc une oeuvre de promotion et de
vulgarisation du mécanisme africain de protection juridictionnelle des
droits de l'homme auprès des africains.
Cet intérêt social s'apparente sans nul doute
à celui qu'éprouvent les gouvernés, personnes physiques
et souvent victimes des violations de leurs droits de la part des
gouvernements.
A l'endroit des gouvernants des Etats africains, cette
étude voudrait montrer que sans la coopération réelle des
Etats et une volonté politique avérée des gouvernants, on
aurait beau prévoir des beaux textes sur la Cour, rien ne marcherait.
Ils détiennent la clé de propension effective de la Cour et sont,
au bout du compte, les garants de la réelle exécution des
arrêts de la Cour.
Aux ONGDH, la présente étude fait
découvrir combien leur rôle est crucial pour contribuer à
l'efficacité, l'intégrité et la crédibilité
du système africain de protection des droits de l'homme. Elles doivent
mener des campagnes d'information auprès de la population pour leur
faire connaître leurs droits et leurs moyens d'action auprès de la
Cour africaine. Elles doivent faire connaître les décisions de la
Cour, notamment pour qu'elles lient les juridictions nationales. Elles doivent
inciter les Etats à ratifier le Protocole créant la Cour
africaine et à reconnaître la compétence de celle-ci pour
recevoir des communications individuelles. Les ONG, tout en encadrant les
victimes, peuvent saisir la Cour en leur nom ou pour le compte des victimes.
Scientifiquement, la présente étude permet de
voir comment les droits de l'homme sont protégés sur le continent
africain au regard de la multiplicité d'instruments relatifs aux droits
de l'homme.
Pédagogiquement, elle nous conditionnera à
revisiter et à approfondir les notions déjà acquises dans
différentes disciplines du Droit notamment le Droit International
Public, les Libertés Publiques et Droits fondamentaux, l'Organisation et
la Compétence Judiciaires.
Enfin, sans être prétentieux, il reste vrai que
cette étude permettra également de mettre à la disposition
d'autres chercheurs, désirant se pencher sur cette thématique
dans la vue de l'approfondir, un instrument de travail et de
référence facilement exploitable.
Et pour mener à bien notre étude, certaines
méthodes et technique nous ont été utiles.
IV. METHODOLOGIE
Nous avons utilisé les méthodes juridique,
soutenue par une approche comparative, sociologique lesquelles ont
été complétées par la technique documentaire.
La méthode juridique nous a permis d'essayer d'analyser
les instruments juridiques régionaux sur les droits de l'homme et d'en
tirer sens et portée.
L'approche comparative nous mené à porter notre
regard sur d'autres types de contrôle juridictionnel des Droits de
l'homme de type régional en vue d'essayer d'appréhender les
atouts et, éventuellement, les limites du système africain de
contrôle juridictionnel de protection des Droits de l'Homme.
La méthode sociologique, comme le Professeur KITETE
l'affirme, a répondu à la question suivante : pourquoi il en
est ainsi. Ce qui revient à étudier les facteurs qui ont
conditionné la création (10(*)) de la Cour.
La technique documentaire nous facilitera la collecte des
données relatives à cette étude à travers les
ouvrages, revues, sites Internet et autres documents.
Ce sujet, bien qu'ayant déjà circonscrit son
champ de recherche, requiert quand même qu'il en soit rappelé les
contours.
V. DELIMITATION
Malgré la sérieuse difficulté de
délimiter temporellement le champ de notre étude, il est de bon
aloi d'en énoncer les limites spatiales.
Au plan spatial, la réflexion au cours de cette
étude porte sur la protection des droits des individus ainsi que ceux
des Peuples, bref des droits dont ils bénéficient en tant que
tels, en Afrique.
Mais si la délimitation est ainsi conçue, la
subdivision du travail s'impose.
VI. PLAN SOMMAIRE
Outre l'introduction et la conclusion
générales, le travail est subdivisé en quatre chapitres.
D'abord, le premier porte sur le contexte de création de la Cour.
Ensuite, le deuxième s'étend sur la présentation et le
fonctionnement de la Cour. En sus, le troisième s'est appesanti sur la
comparaison entre la Cour et les autres Cours régionales. Enfin, le
quatrième a essayé de retracer les obstacles auxquels la Cour se
butterait dans sa mission de contrôle des Droits de la personne en
Afrique, s'ils existent.
CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE
CREATION DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE
L'HOMME ET
DES PEUPLES
La Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples et son mécanisme de protection des droits de la personne,
objet de notre étude ne sauraient être véritablement
étudiés sans qu'un regard ne soit porté sur les facteurs
et les raisons qui ont conditionné sa création.
Les droits de l'homme sont apparus, du moins leur
consécration, dans un contexte historique et système
institutionnel simplement affirmateur des droits (Section
1ère) qui peu à peu, a appelé certains
changements institutionnels (Section 2ème)
Section 1ère : Du contexte
historique et institutionnel de création de la Cour Africaine au sein
du système Africain de protection de droits de l'homme.
Au sein de tout le système africain,
à partir des années 1960, l'Afrique connaît des
changements et des évènements historiques qui marqueront à
tout jamais l'histoire des droits de l'homme en Afrique.
Tout d'abord, la création de l'O.U.A., ensuite
l'adoption de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et en
son sein enfin, la mise en place de la Commission africaine sont, il sied de
le dire, des signaux forts de la tournure que prennent les droits de l'homme en
Afrique.
§.1. L'Afrique et
l'O.U.A.
C'est avec les indépendances que l'image de la vraie
Afrique s'est dessinée. Ces indépendances ont été
qualifiées par plus d'un, de précurseur de l'édifice
africain de protection des droits de l'homme. Avec elles, les langues se sont
déliées et le souci d'une démocratie et l'autonomie des
peuples anciennement colonisés s'est fait sentir avec ferveur.
A. Le vent des indépendances :
précurseur de l'édifice africain de protection des droits de
l'homme.
La question relative à la protection des droits de
l'homme en Afrique est une vieille nouveauté. Déjà,
à leur temps, les Zélateurs de l'unité africaine, chantres
et autres ténors du Panafricanisme définissaient leur
idéologie en termes d'une manifestation, de solidarité
fraternelle entre peuples africains et peuples d'ascendance africaine. Il
était question, à l'époque, d'un amalgame des
revendications visant la non discrimination raciale à l'égard des
noirs, l'éradication des inégalités sociales,
l'identité culturelle, l'unité politique,
l'autodétermination, l'indépendance des peuples colonisés,
etc. Cet assemblage laisse entrevoir assez clairement, les deux
premières générations des droits de l'homme. Il s'agit des
droits économiques, sociaux et culturels d'une part et des droits civils
et politiques de l'autre.
Fondamentalement, c'est dans la foulée des espoirs
suscités par la mouvance des indépendances, vers les
années 1960, qu'il convient de situer les fondements historiques de la
renaissance et de la protection des droits de l'homme en Afrique. Pour nombre
d'Africains, en effet, c`était la décennie de l'espoir et dans
une certaine mesure, celui d'un optimisme surréaliste. A leurs yeux, en
effet, l'indépendance rimait avec liberté, développement,
progrès et démocratie dont ils étaient privés
pendant la colonisation. L'indépendance était une panacée,
une sorte de potion magique susceptible de guérir tous les maux dont
souffrait l'Afrique et notamment, la méconnaissance des droits de
l'homme.
De ce fait, les analystes s'accordent à faire remonter
l'idée formelle et classique des Droits de l'homme en Afrique, au
Congrès Africain sur la primauté du droit, tenu à Lagos en
1961, sous l'égide de la Commission Internationale des Juristes. La
déclaration finale adoptée à l'issue de ce
Congrès, « la loi de Lagos », recommandait aux
gouvernants Africains d'étudier la possibilité d'adopter une
Convention Africaine des droits de l'homme prévoyant la création
d'une Cour régionale des droits de l'homme et des voies de recours
ouvertes à toutes les personnes relevant de la juridiction des Etats
signataires.11(*)12(*)
Retenons qu'une telle entreprise, certes louable, appelait une
certaine cohésion et unité africaine. La première
cohésion Africaine fut de nature politique et consacre donc la naissance
de l'Organisation de l'Unité Africaine.
B. L'Organisation de l'Unité Africaine
(l'O.U.A) : fondement et édifice régional de protection des
droits de l'homme en Afrique.
La Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine
signée le 25 mai 1963 à Addis Abeba fut la première
à poser la première pierre de ce que Fatsah Ouguergouz, appelle
l'édifice régional africain de protection des droits de l'homme.
Cet édifice comprend un certain nombre des piliers qui vont être
renforcés au cours des ans. A part la Charte sus évoquée,
il sied de mentionner la Convention régissant les aspects propres aux
réfugiés en Afrique de 1969, la Charte Africaine des droits de
l'homme des peuples de 1981, plus tard, la Charte africaine des droits et du
bien-être de l'enfant de 1990, l'Acte Constitutif de l'Union africaine en
2000 sans oublier un peu plus tard en 2003 l'adoption du Protocole relatif aux
droits des femmes en Afrique. (12(*))
Après avoir dans un (a) découvert le contenu et
les principes fondamentaux de l'O.U.A contenus dans sa Charte, il nous plaira
dans un (b) de jeter un regard interrogateur sur le degré de protection
qu'offrait cette Charte aux droits de l'homme.
a. Contenu et principes
fondamentaux.
La Charte constitutive de l'Organisation de l'Unité
Africaine signée à Addis-abeba le 23 mai 1963, nous ne le dirons
jamais assez, est sur le plan chronologique, le premier instrument juridique de
protection des droits de l'homme adopté par et pour les seuls Etats
Africains.
En effet, cette Charte affirme, dans son préambule, la
conviction des Chefs d'Etats et des gouvernements Africains que « les
peuples ont le droit inaliénable de déterminer leur propre destin
et que la liberté, l'égalité, la justice et la
dignité sont des objectifs essentiels à la réalisation des
aspirations légitimes des peuples Africains ».
Le même préambule parle, en outre, du
progrès humain de la paix et de la sécurité, de
l'indépendance, de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale des Etats africains (13(*)). Lorsque le
concept « souveraineté » ou
« intégrité territoriale » est
évoqué, l'on fait référence au principe de
« l'Uti possidetis » mise en oeuvre par l'O.U.A. Dans un de
ses articles, Anatole AYISI relève en fait qu'en 1963 et 1964, les
pères fondateurs de l'Unité Africaine (O.U.A) trouvèrent
approprié d'opter pour une politique de statu quo territorial en
déclarant officiellement alors leur adhésion
aux « frontières héritées de la
colonisation »14(*)
Par ailleurs, dans le corps de son texte, la Charte de l'OUA
ne fait que deux références indirectes aux droits de l'homme
lorsqu'elle énumère, entre autres objectifs, de
« favoriser la coopération internationale en tenant
dûment compte de la Charte des Nations unies et de la Déclaration
Universelle des Droits de l'homme ».
A la vérité, pour atteindre tous les objectifs
que la Charte assigne à l'Organisation, les Etats membres ont
affirmé solennellement et s'étaient engagés à
respecter un certain nombre des principes.
Il s'agit de l'égalité souveraine de tous les
Etats membres, de la non- ingérence dans les affaires intérieures
des Etats, du respect de la souveraineté et de l'intégrité
territoriale de chaque Etat et de son droit inaliénable à une
existence indépendante, du règlement pacifique des
différends par voie de négociations, méditation,
conciliation ou d'arbitrage, de la condamnation sans réserve de
l'assassinat politique ainsi que des activités subversives
exercées par des Etats voisins ou tous autres Etats, du
dévouement sans réserve à la cause de
l'émancipation totale des territoires Africains non encore
indépendants, de l'affirmation d'une politique de non alignement
à l'égard de tous les blocs15(*).
b. L'O.U.A et les droits
de l'homme.
La question qu'il échet de se poser à ce stade
est celle de savoir si, à l'analyse des dispositions de la Charte de
l'O.U.A et des principes qu'elle énonce, il est possible de dire que les
droits de l'homme ont suffisamment été consacrés.
Il appert de l'exégèse de ces dispositions que
la Charte de l'O.U.A se réfère plus volontiers aux droits des
peuples qu'à ceux de l'individu.
En effet, au regard de la place que les autres instruments
à l'instar de la Charte des Nations Unies, la Charte de l'Organisation
des Etats Américains de 1948 et plus loin le statut du Conseil d'Europe
de 1950, il est remarquable que la Charte de l'OUA accorde une moindre place
aux droits de l'homme.
A vrai dire, en dépit de leur incidence sur la
promotion et la protection des droits de l'homme en Afrique, les droits
à l'existence indépendante des Etats, l'autodétermination
et l'intégrité territoriale sont bien plus les droits des Etats
que les droits de l'homme ou des peuples.
De surcroît, en érigeant l'égalité
souveraine et la non--ingérence en principes sacrés, l'OUA
consacrait le droit des Etats et de leurs gouvernements de gérer comme
ils l'entendent leurs affaires nationales et internationales, y compris
malheureusement, les traitements qu'ils peuvent réserver à leurs
propres peuples. A ce sujet, H. Ait-Ahmed a eu raison d'affirmer que
« la Charte de l'O.U.A ne constitue pas une consécration
solennelle des droits de l'homme Africain. Elle est, bien au contraire et selon
lui, une sauvegarde impératrice des Etats érigés en
système ». Et au Dr Ouguergouz d'ajouter, la Charte de
l'O.U.A, est, sans l'ombre d'un doute, le pilier le plus fragile de tout le
système africain de protection des droits de l'homme.
Toutefois, malgré le silence de la Charte ou tout au
moins, en dépit de la modeste place qu'elle a réservé aux
droits de l'homme, la Charte n'a pu pour autant empêcher l'OUA de
s'intéresser aux Droits de l'homme, particulièrement dans les
Etats coloniaux Portugais, en Rhodésie, en Namibie et en Afrique du sud.
Somme toute, le caractère discret des droits de
l'homme dans la Charte de l'O.U.A. et surtout, l'ambition d'élaborer un
instrument Africain de protection des droits de l'homme qui s'inspire des
spécificités africaines ont relancé, après 18 ans
de silence coupable, l'idée d'une Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples16(*).
§.2. La Charte africaine des droits
de l'homme et des
peuples.
Ouvrant une nouvelle ère de protection des droits de
l'homme en Afrique, et s'inspirant tant des textes juridiques internationaux et
régionaux de protection des droits de l'homme que des traditions
juridiques africaines, la charte africaine, après avoir
été négociée en un temps record, fut adoptée
le 27 juin 1981 à Nairobi, au Kenya par la Conférence des Chefs
d'Etat et des gouvernements de l'O.U.A. Elle entre en vigueur le 21 octobre
1986. La conception du terme « Droits de l'homme » est
extensive, ce qui la différencie des autres conventions : elle
comprend non seulement les droits civils et politiques mais également
les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que les droits des
peuples17(*).
Au bonheur de tous les Africains, les concepteurs et
rédacteurs de la Charte Africaine, bien qu'inspirés par les
instruments juridiques internationaux existants ne se sont pas contentés
de les recopier servilement. Ils ont de bons droits, également pris en
considération les spécificités socio-culturelles d'Etats
à fondement civilisationnel différent que sont les Etats
africains18(*).
Essayons de voir, dans un (A) les caractéristiques et
originalité de la Charte avant, dans un (B), de révéler le
mérite de la Charte au sujet de la consécration des vrais droits
individuels.
A. Caractéristiques ou originalités de la
Charte.
Les dispositions de la Charte sont reparties dans trois
parties inégales, précédées d'un préambule.
La première, consacrée aux droits et devoirs, comprend deux
chapitres et compte vingt neuf articles. La deuxième, plus longue, porte
sur les mesures de sauvegarde qui sont analysées à travers trois
chapitres et trente trois articles. La dernière partie de cet instrument
juridique, de quatre articles seulement, énumère les dispositions
diverses.
Tenant compte du contenu matériel de la Charte, sa
caractéristique la plus frappante est qu'elle incorpore, dans un seul
document, deux catégories différentes de droits individuels.
C'est une démarcation substantielle par rapport aux systèmes
Européen et Américain qui ont institué, chacun, deux
instruments distincts pour les deux catégories des droits de l'homme,
à savoir les droits civils et politiques d'une part et les droits
économiques, sociaux et culturels de l'autre.
Ensuite, le fait que la Charte africaine consacre
également les droits de solidarité ou les droits de la
troisième génération constitue une deuxième
originalité. Elle est, sans détours, le premier instrument
international à valeur juridique obligatoire à prévoir de
tels droits et à désigner le peuple comme leur unique
titulaire.
En substance, la Charte africaine consacre le droit des
peuples à leur développement économique, social et
culturel (article 22), les droits des peuples à la jouissance
égale du patrimoine commun de l'humanité (article 22), les droits
des peuples à la paix et à la sécurité
internationale (article 23) et les droits des peuples à un environnement
satisfaisant et global, propice à leur développement (article
24).
Plus encore, la troisième originalité de la
charte africaine est sa consécration des devoirs de l'individu.
Plusieurs autres instruments juridiques internationaux consacrent le concept de
devoirs de l'individu. A cet égard, nous trouvons la déclaration
Américaine des droits et devoirs de l'homme du 02 mai 1948 et la
Déclaration universelle de Droits de l'homme du 10 décembre
1948.
Cette dernière prévoit, en son article 29 (1),
que l'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle, seul le
libre et le plein développement de sa personnalité est possible.
A ces deux résolutions, il faut ajouter les instruments conventionnels
que sont les deux pactes des Nations Unies de 1966 (dernier paragraphe et
article 19 du second pacte, la liberté d'expression), la Convention
Européenne (article 10, liberté d'expression) et la Convention
Américaine (chapitre V, article 32). Ces conventions consacrent
également des devoirs de l'individu mais avec moins d'emphase et de
manière moins détaillée que la Charte africaine. Elle
consacre, pour sa part, tout un chapitre, soit pas moins de onze
paragraphes ; elle entrevoit ainsi les devoirs de l'individu envers la
famille, envers la société, envers l'État et envers la
communauté internationale (article 27, 28 et 29).19(*)
B. Le mérite de
la Charte.
Il eut un temps où l'on se posa la question de savoir
si l'élaboration d'un texte régional Africain de protection des
droits de l'homme était opportune.
En effet, la question de l'opportunité de la Charte
Africaine trouve sa réponse d'abord dans la situation
particulière du continent Africain aux plans politique,
économique, social et culturel.20(*) C'est donc de bon droit que la Charte prend en
considération le fait qu'en Afrique, l'individu est un
élément de la société et ne se réalise
pleinement que dans cette société (la famille au sens large, le
lignage, la clan, la tribu, l'ethnie, etc.) et pour ce qui est des rapports
entre les sociétés Africaines et le reste du monde, la lutte
contre le colonialisme et pour le développement se retrouve
également dans la Charte.21(*)
Ensuite, la Charte reflète la manière dont les
Etats souverains ont essayé de concilier leur diversité
culturelle et l'universalité des droits de l'homme. Ce n'est donc pas
une simple volonté de démarcation qu'il faut chercher dans
l'esprit qui anime la Charte africaine, mais plutôt, dans la quête
d'une nécessaire complémentarité. C'est en fonction de
cette dernière exigence que ses rédacteurs se sont
efforcés d'en faire un instrument à la fois conforme aux
traditions africaines et le plus adapté possible à son
environnement social, économique et politique. Au-delà de ce
relativisme culturel, l'institution, notamment d'une Commission africaine des
droits de l'homme et des peuples, au titre de mécanisme de
contrôle du respect de dispositions de la Charte, est une grande
première pour le droit Africain des droits de l'homme.22(*)
§.3. La Commission Africaine des droits
de l'homme et
des peuples.
A. Création, nature et
siège.
Aux fins de mesure de sauvegarde, la Charte africaine a mis
sur pied une Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
chargée de promouvoir les droits de l'homme et de peuples et d'assurer
leur protection en Afrique. Elle a son siège à Banjul, capitale
de la Gambie. Installée depuis le 02 novembre 1981, la Commission n'est
devenue opérationnelle que le 13 février 1988, après
l'adoption de son règlement intérieur.
Bien que comprise comme mesure de sauvegarde des droits de
l'homme par la Charte, la Commission demeure un organe non juridictionnel qui,
à l'endroit des Etats, nous le verrons plus loin, n'émet que des
recommandations et non des décisions obligatoires.
Au pied de l'article 42 (2), il est prévu que la
Commission établit son règlement intérieur qui fixe les
détails de son organisation et de la procédure devant elle.
B. Composition.
Aux termes de l'article 31 de la Charte, la Commission se
compose de onze membres qui doivent être choisis parmi les
personnalités africaines jouissant de la plus haute
considération, connues pour leur haute moralité, leur
intégrité et leur impartialité, et possédant une
compétence en matière de droits de l'homme et des peuples, un
intérêt particulier devant être donné à la
participation de personnes ayant une expérience en matière de
droit.
Il serait difficilement imaginable, après avoir
parlé de la création du siège et de la composition de la
commission, de passer sous silence les compétences de celles-ci
étant donné que c'est au travers ces dernières, que l'on
sait apprécier le travail de cet organe de protection de droits de
l'homme en Afrique.
C. Compétences.
Fixées principalement par l'article 45 de la charte,
les compétences de la commission, dites aussi missions sont au nombre de
deux : promouvoir les droit de l'homme et des peuples d'une part et
assurer leur protection d'autre part.
a. La Commission dans son oeuvre
de promotion.
Dans sa tache de promotion des droits de l'homme, la
Commission rassemble de la documentation, fait des études et des
recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de
l'homme et des peuples et diffuse des informations. Dans ce cadre, elle assure
la publication de la revue de la Commission africaine des droits de l'homme et
des peuples, des rapports d'activités et de missions, des
communiqués de presse. Elle organise des séminaires, des
colloques et des conférences sur les droits de l'homme. La Commission
encourage les organismes nationaux et locaux s'occupant des droits de l'homme
et des peuples.23(*)
Elle attire l'attention des Etats sur la
nécessité de consolider l'ordre africain des droits de l'homme en
allouant des moyens nécessaires aux organes institués à
cet effet. Elle peut parfois servir d'instance de médiation pour
régler certaines affaires ou proposer des solutions appropriées
aux gouvernements africains.
b. La Commission dans son oeuvre de
protection et d'interprétation.
Comme dit plus haut, la deuxième mission principale de
la Commission est d'assurer la protection des droits de l'homme et des peuples,
comme dispose l'article 45(1).
Mais à part la protection, la Commission a aussi
pour tache d'interpréter toute disposition de la Charte à la
demande d'un Etat partie, d'une institution de l'Union africaine reconnue par
l'Union Africaine, comme le veut l'article 45(3).24(*)
A ce stade, une question peut-être posée, en
l'occurrence celle qui consiste à savoir comment saisir la Commission
dans le but d'activer la machine de protection.
De façon aisée, il nous semble, la Commission
est saisie par voie de communication. Il peut s'agir des communications des
Etats parties à la Charte africaine alléguant des violations de
droits de l'homme par ces Etats, personnes ou groupe de personnes ou un Etat
soit des communications émanant des ONG ou des individus.
Retenons que le système africain, tout en organisant un
régime procédural souple pour les « communications
émanant des Etats parties à la Charte », consacre pour
les « autres communications » (notamment celles des
individus des ONG) un régime singulièrement ardu, organisé
par l'article 56 de la Charte, qui pose les conditions de recevabilité
de telles communications25(*).
Nous prenons le luxe de ne pas rentrer en détails quant
à l'analyse de l'article 56 pour autant que nous y reviendrons lors de
l'étude des conditions d'exercice de l'action devant la cour Africaine
de droits de l'homme et des peuples. Toutefois, il sied de dire que,
d'emblée, les conditions prévues à l'article 56, visent
à écarter les communications fantaisistes, manifestement
abusives, futiles ou mal fondées. Elles constituent, au demeurant un
système de filtrage, à travers lequel des nombreuses
communications sont écartées.
De toute évidence et malgré les attributions lui
dévolues, le bilan de la Commission reste mitigé et, pour bon
nombre d'analystes, elle n'a jamais participé efficacement à la
protection des droits de l'homme sur le continent malgré l'abondante
jurisprudence dont elle est auteur. Ce qui fait que, d'ailleurs, tout au long
du processus d'élaboration de l'Acte Constitutif de l'Union Africaine,
les droits de l'homme étaient constamment à l'ordre du jour des
débats.
Incontestablement, vu la situation qui prévalait et au
regard de l'inadaptabilité des mécanismes régionaux de
protection des droits de l'homme en Afrique, le besoin des changements
institutionnels pour des fins d'efficacité beaucoup plus significatives
se faisait sentir déjà.
Section 2ème : Vers des changements
institutionnels
beaucoup plus significatifs
La présente analyse se veut plus interrogatrice quant
à la question de savoir si, avec l'avènement de l'Union
Africaine, en remplacement de l'Organisation de l'Unité Africaine, des
changements plus positifs pouvaient être envisageables et partant,
efficaces.
Il s'agit en effet de savoir si l'Acte instituant l'U.A. sera
un correctif sensible de la Charte de l'O.U.A. sur le chapitre de la
consécration des droits de l'homme en son sein. Et, au-delà,
comment la nouvelle organisation régionale entend mettre en oeuvre leur
protection ou bien, avec l'institution de la Cour de Justice de l'Union
Africaine, pouvons nous espérer une réelle protection des droits
de la personne en Afrique ?
§1. L'U.A : Le nouveau visage de
l'O.U.A.
L'Union africaine est présentée, par les
panafricanistes, non seulement comme une alternative à
l'inefficacité de l'OUA et à la marginalisation du continent mais
aussi comme une nécessité incontournable justifiée par
l'environnement international. Son Acte Constitutif est signé, à
Lomé, le 12 juillet 2002, à la suite des sommets extraordinaires
de l'OUA de Syrte (du 6 au 9 septembre 1999) et de Tripoli (du 1er
au 6 juin 2002) alors que sa naissance officielle a été
consacrée par le sommet de Durban de juillet 2002.
Au chapitre des droits de l'homme, dès le
préambule de l'Acte, en effet, les Chefs d'Etat et de Gouvernement
africains se disent « résolus à promouvoir et à
protéger les droits de l'homme et des peuples, à consolider les
institutions et la culture démocratique, à promouvoir la bonne
gouvernance et l'Etat de droit ».26(*)
Bien qu'ayant repris quelques-uns des objectifs et principes
de l'OUA, l'Acte fondateur de l'Union africaine est beaucoup plus explicite et
ambitieux, s'agissant de la protection des droits humains sur le continent
africain. En fait, l'article 3 de son Acte constitutif pose les objectifs de
l'Union africaine dans les termes qui sont les suivants :
(f) promouvoir la paix, la sécurité et la
stabilité sur le continent ;
(g) promouvoir les principes et les institutions
démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance ;
(h) promouvoir et protéger les droits de l'homme et des
peuples conformément à la Charte Africaine des Droits de l'homme
et des Peuples et aux autres instruments pertinents relatifs aux droits de
l'homme ;
(k) promouvoir la coopération et le
développement dans tous les domaines de l'activité humaine en vue
de relever le niveau de vie des peuples africains ;
(n) oeuvrer de concert avec les partenaires internationaux
pertinents en vue de l'éradication des maladies évitables et de
la promotion de la santé sur le continent ;27(*)
Pour atteindre les objectifs sus évoqués, et
tous les autres, l'Union africaine fonctionne conformément à un
certain nombre des principes fondamentaux. Il s'agit, à dire vrai, d'un
savant mélange entre les anciens principes chers à l'OUA et aux
nouveaux formulés dans le cadre de la nouvelle organisation
continentale. A cet égard, qu'il nous soit permis de citer :
(c) la participation des peuples africains aux
activités de l'Union ;
(h) le droit de l'Union à intervenir dans un Etat
membre sur décision de la conférence, dans certaines
circonstances graves, telles que le génocide ;
(e) la promotion de l'égalité entre les hommes
et les femmes ;
(m) le respect des principes démocratiques, des droits
de l'homme, de l'état de droit et de la bonne gouvernance ;
(n) la promotion de la justice sociale pour assurer le
développement économique équilibré ;
(o) le respect du caractère sacro-saint de la vie
humaine et condamnation et rejet de l'impunité, des assassinats
politiques, des actes de terrorisme et des activités subversives ;
(p) la condamnation et rejet des changements
anticonstitutionnels de gouvernement ;28(*)
Une analyse intéressée de ces quelques
objectifs et principes montre, si besoin en est, la place
réservée aux droits de l'homme dans l'Acte Constitutif de l'Union
Africaine. Comme le dit E. Baimu, relayé par le professeur Mbata B.
Mangu, « The AU has more explicit human rights focus than the OAU. In
a sense it may be argued that AU is an attempt to unite the ideals of African
unity and human rights on the continent».
Bien plus, les initiateurs de l'Union africaine sont
allés plus loin, dans la perspective d'une meilleure protection des
droits de l'homme, en consacrant le droit de l'Union d'intervenir dans un Etat
membre sur décision de la conférence, dans certaines
circonstances graves, telles que le génocide. Ce droit, qu'une certaine
doctrine considère comme contraire aux principes de
l'égalité souveraine et de l'interdépendance entre Etats,
de l'intangibilité des frontières hérités de la
colonisation et de la non ingérence audace normative, un saut qualitatif
et un soubassement juridique du droit d'ingérence humanitaire en
Afrique. D'ailleurs, pour B. Kioko, la raison d'être du droit de l'Union
à intervenir est de mettre fin à la paralysie causée par
l'application stricte du principe de non ingérence dans les affaires
intérieures des Etats, à l'époque de l'OUA.
Dans le même ordre d'idées, le Dr. Abdulyawi A
Yussuf considère que « Together with the right to intervene
in Member states for humanitarian purposes, this set of principles, if impleted
in practice, could place the AU in the forefront of the global struggle for
human security, human rights, and good governance».
La structure organique de l'Union montre que certains de ses
organes, et pas de moindres, compte la protection et la promotion des droits de
l'homme parmi leurs attributions. Il en est ainsi de la conférence de
l'Union, du Conseil exécutif, du Parlement panafricain, du Conseil de
Paix et de Sécurité ainsi que de la Cour de Justice29(*) qui, un tant soit peu, va
attirer notre particulière attention dans le paragraphe qui va
suivre.
§2. La Cour de Justice de
l'U.A
En instituant une Cour de Justice, les Etats membres
étaient convaincus, ce qui ressort clairement du préambule, que
la réalisation des objectifs de l'Union -entre autres la promotion et la
protection des droits de l'homme et des peuples exigeait la mise en place d'une
Cour de justice avec des mission et compétence propres.
A. Mission et compétence
Il est créée une Cour de Justice de
l'Union dont les statuts, la composition et les pouvoirs de la Cour de
Justice sont définis dans un Protocole y afférent.30(*)
Sans préjudice aux dispositions de l'A.C.U.A, la Cour a
compétence sur tous les différents et requêtes qui lui sont
soumis conformément à l'Acte et au présent Protocole ayant
pour objet ;
(a) l'interprétation et l'application de l'Acte ;
(b) l'interprétation, l'application ou la
validité des traités de l'Union et de tous les instruments
juridiques subsidiaires adoptés dans le cadre de l'Union.
(c) Toute question relative au droit international ;
(d) Tous actes, décision, règlements et
directives des organes de
l'Union ;
(e) Toutes questions prévues dans tout autre accord que
les Etats pourraient conclure entre eux, ou avec l'Union et qui donne
compétence à la Cour ;
(f) L'existence de tout fait qui, s'il est établi,
constituerait une rupture d'une obligation envers un Etat partie ou
l'Union ;
(g) La nature ou l'étendue de la réparation due
pour la rupture d'un engagement.31(*)
Si principalement telles sont les éléments sa
compétence, notons que subsidiairement, la Conférence des chefs
d'Etat et de gouvernement peut donner compétence à la Cour pour
connaître des litiges autres que ceux visés dans le présent
article.
Etant donné que plusieurs textes et instruments ont
été adoptés dans le cadre de l'Union africaine, il est
donc de la compétence de la Cour de justice que les instruments
africains relatifs aux droits de l'homme trouvent écho favorable
auprès de cette instance.
Cependant, une interrogation demeure : par la
consécration des droits fondamentaux tant par l'Acte que par le
Protocole de la Cour de justice, pouvons-nous prétendre à une
protection effective des droits de l'homme par cette Cour ?
B. La Cour de Justice de l'Union et les droits de
l'homme
Si jusqu'ici l'Acte et le Protocole susvisés ont le
mérite d'avoir proclamé largement, dans une mesure ou une autre,
les droits de l'homme en leur sein, le dernier, à savoir le Protocole a
péché par sa nature.
A la vérité, si l'on admet sans ambages d'une
part, que la Cour est une Cour de l'Union, l'on reconnaît implicitement
qu'elle est rigoureusement une juridiction où seuls les Etats sont
justiciables, la conférence déterminant largement les conditions
d'accès des tierces parties à la Cour.32(*)
Pour en avoir le coeur net il suffit de se
référer à l'article 18 du Protocole qui, quasi-totalement
fait allusion aux Etats en accordant une place mineure aux membres du personnel
de la Commission de l'Union qui, nous l'estimons, ne peuvent porter devant
cette Cour que des questions de nature administrative et partant donc, n'ayant
pas de lien direct avec les droits de l'homme.
Pour en dire plus vrai, il n'est pas possible, en ce que nous
en sachions, de protéger les droits de la personne sans que celle-ci
n'ait accès (direct ou indirect) au mécanisme de protection
mieux, sans que la personne soit en mesure de saisir cette instance.
Il est vrai que des avancées remarquables ont
été enregistrées dans la volonté d'assurer une
promotion et une meilleure protection des droits de l'homme, mais il ne fait
donc l'ombre d'aucun doute des améliorations et des ajustements
devraient être apportés. A cet égard, l'urgence de la mise
sur pied d'une instance juridictionnelle chargée spécifiquement
des droits l'homme comme par exemple une Cour Africaine des droits de l'homme
et des peuples, se faisait sentir à chaud.
CHAP. II : ORGANISATION, FONCTIONNEMENT,
COMPETENCES, PROCEDURE DE LA COUR
AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET
DES PEUPLES
L'idée d'avoir recours au droit et
aux institutions pour promouvoir et protéger les droits humains en
Afrique apparaît, rappelons-le, pour la première fois en 1961 lors
du congrès des juristes africains organisé par la CIJ à
Lagos au Nigeria. On se souvient que la « Loi de Lagos »
plaidait pour une Cour africaine des droits de l'homme à l'image de la
Cour européenne, mais que cette disposition, de même que toutes
celles relatives à la mise sur pied d'un système de protection
des droits de l'homme, ont été reléguées à
l'arrière-plan des préoccupations des gouvernements africains. En
fait, au moment de la conférence de Banjul sur la Charte africaine,
l'idée d'une Cour des droits de l'homme fut reprise.33(*)
En effet, le congrès dont mention est faite dit
congrès sur « la primauté du droit »
interpellait les dirigeants des puissances coloniales et des Etats africains
indépendants afin qu'ils étudient la possibilité
d'élaborer » une convention africaine des droits de l'homme
prévoyant notamment la création d'un tribunal approprié et
des voies de recours ouvertes à toutes les personnes relevant de la
juridiction des Etats signataires », « La Loi de
Lagos », reprise par plusieurs congrès de juristes africains,
devint une référence.34(*)
Dès l'origine, si la question de la création
d'un organe juridictionnel s'est posée, elle fut jugée inutile.
En effet, durant l'élaboration de la Charte africaine, deux tendances se
sont dessinées : l'une, minoritaire, était favorable
à la création d'une Cour pour compléter le dispositif de
protection des droits de l'homme. L'autre, majoritaire, rejetait cette
idée en se fondant sur le respect des traditions juridiques africaines
qui donnent la préférence aux règlements politiques des
différents, les Etats africains étant attachés à
préserver leur souveraineté.35(*)
La création de la Cour africaine est entreprise, au
début des années 1990, par une nouvelle génération
de responsables de la C.I.J menée par Adama Dieng, un juriste
sénégalais qui a été formé et introduit dans
les milieux gouvernementaux et non gouvernementaux par son
prédécesseur, Kéba Mbaye.36(*)
La volonté de rédiger un Protocole relatif
à la Charte africaine portant création d'une Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples est née des faiblesses
institutionnelles, du manque des moyens et donc de la relative
inefficacité de la Commission africaine constaté par les ONG et
reconnue officiellement par l'OUA en 1994.37(*)
Adopté le 10 juin 1998 à Ouagadougou par la
Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union Africaine, le
Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et
des peuples devait être ratifié par quinze Etats pour entrer en
vigueur. Ce fut chose faite-après cinq longues années
d'atermoiements et de piétinements- depuis le 26 décembre 2003,
date à laquelle les Iles Comores ont déposé leur
instrument de ratification, à la suite de l'Afrique du Sud, de
l'Algérie, du Burkinafaso, du Burundi, de la Côte d'Ivoire, de la
Gambie, du Lesotho, de la Lybie, du Mali, de l'Ile Maurice, de l'Ouganda, du
Rwanda, du Sénégal et du Togo.38(*)
Pour mieux saisir la Cour africaine, il
importe de la comprendre à travers sa nature, son siège et
ressort, ses compétences, les conditions d'exercice de l'action devant
elle ainsi que son fonctionnement.
Section 1ère : Nature, ressort et siège
De nature juridictionnelle, la nouvelle instance de promotion
et de protection des droits de l'homme qu'est la Cour, vient seconder la
Commission dans sa mission de protection des droits de l'homme et des peuples
sur le continent africain.
Quant à ce qui concerne son siège,
« il est établi dans un Etat partie au Protocole par la
conférence. Toutefois, la Cour peut siéger sur le territoire de
tout Etat membre de l'Union sur décision de la majorité de ses
membres et avec l'agrément préalable de l'Etat
concerné. » Notons aussi que « la Conférence
peut décider, après avis de la Cour, de changer le siège
de celle-ci. »39(*)
De toute évidence donc, la Cour ne pourra aucunement
siéger sur le territoire d'un Etat non partie à son Protocole
soit, in aliis verbis, sur un territoire d'un Etat qui n'est pas de son
ressort.
Par ailleurs, comme toute structure bien organisée,
la Cour possède un langage qui lui est propre et bien plus, des concepts
qui lui sont spécifiques, soit en un mot une terminologie qui lui
convient particulièrement.
Section 2ème : Terminologie de la Cour
Sans préjudice aux dispositions du Protocole portant
création de la Cour et organisant son fonctionnement ainsi qu'à
son règlement intérieur, l'on désignera par :
· Arrêt : les décisions
juridictionnelles des cours d'appels et des cours suprêmes. La Cour
africaine rend des arrêts. Bref, l'arrêt désignera les
décisions de la Cour ;
· Avis consultatif : une opinion émise
sur une question de droit par un tribunal (ici la Cour), à l'issue d'une
procédure judiciaire, et qui n'est pas une décision ;
· Clause dérogatoire : une clause qui
écarte, dans les limites déterminées, la règle
normalement applicable ;
· Charge de la preuve : la
nécessité pour le plaideur d'établir, s'ils sont
contestés, les faits dont dépend le succès de son
allégation
· Communication : le document
déposé à la Commission africaine par un Etat partie, une
ONG ou un individu alléguant des violations des droits de l'homme
commises par un Etat. La Communication doit indiquer les faits, les violations
de la Charte africaine par l'Etat mis en cause et demander des
réparations ;
· Décision : un terme
général utilisé en procédure qui signifie ici les
actes émanant de la Cour (surtout en matière contentieuse) ;
· Epuisement des voies de recours internes :
la condition qui veut qu'avant de porter plainte devant la Commission ou la
Cour africaine, la personne qui considère qu'un de ses droits a
été violé doit tenter d'obtenir une réparation
devant les instances nationales jusqu'au niveau de la dernière instance,
dans la mesure où elles sont accessibles et efficaces ;
· Greffe : comme le service judiciaire ayant
comme responsable le greffier qui assiste la Cour dans l'accomplissement de ses
fonctions et organise le greffe ainsi que ses activités, sous
l'autorité du Président de la Cour.
· Intérêt pour agir :
l'importance du caractère qui, s'attachant pour le demandeur à ce
qu'il demande, le rend recevable à le demander en justice (si cette
importance est assez personnelle, directe et légitime) et à
défaut de laquelle le demandeur est sans droit pour agir (pas
d'intérêt, pas d'action) ;
· Mesures provisoires : Les mesures prises
par la Cour la durée d'un procès afin de régler
momentanément une situation urgente en attendant une décision
définitive ;
· Principe du contradictoire : un principe
fondamental de procédure en vertu duquel les parties doivent avoir
connaissance de toute pièce, tout document, toute preuve, toutes
prétentions et tous moyens, présentés au juge et la
possibilité d'en discuter dans le cadre d'un débat loyal ;
· Recevabilité : La prise en
considération d'une affaire sur la forme pour un examen au fond. Par
ex : une demande doit être régulière dans la forme
avant tout examen au fond ;
· Règlement à l'amiable : un
accord à l'initiative de la Cour entre les parties litigantes, selon
l'article 9 du protocole.
· Réparation : une indemnisation ou un
dédommagement d'un préjudice par la personne ou l'Etat qui en est
responsable accordé(e) par la Cour ;
· Requête : Une demande adressée
à la Cour.
· Saisine : L'action de porter une demande
devant le Cour sur une question à laquelle celle-ci est appelée
à statuer.
Tels que définis ci-haut, cette terminologie
relève de l'organisation propre de la Cour comme il en est
également de sa composition.
Section 3ème : Composition
Si d'emblée la nature de la question relative à
la composition évoque une approche à la fois quantitative et
qualitative ainsi que celle touchant à l'origine ou mieux la provenance
des juges (§1), elle appelle, profondément, diverses autres
interrogations notamment en regard de la manière dont les juges sont
élus (§2), la durée de leur mandat (§3), des principes
attachées à leur statut(§4), l'organisation du siège
et la question de la vacance(§5) et enfin de la fin de leur mandat
(§6).
§1. Composition proprement dite de la
cour
Onze juges, ressortissants des Etats membres de l'U.A
composent la Cour ; celle-ci ne pouvant pas comprendre plus d'un juge de
la même nationalité. Ils sont élus à titre personnel
parmi des juristes jouissant d'une très haute autorité morale,
d'une compétence et expérience juridique, judiciaire ou
académique reconnue dans le domaine des droits de l'homme et des
peuples.40(*) Comment
alors sont-ils élus ?
§2. Procédure d'élection des juges
Avant les élections et dès l'entrée en
vigueur du Protocole relatif à la Cour africaine, le Secrétaire
Général de l'U.A invite les Etats parties à
procéder à la présentation des candidatures au poste de
juge à la Cour, dans un délai de 90jours
(quatre-vingt-dix)41(*).
Chaque Etat partie ne peut présenter plus de trois candidats dont au
moins deux doivent être ressortissants de l'Etat qui les
présente ; l'Etat qui présente les candidatures tiendra
compte de la représentant adéquate des deux sexes.42(*)
Et aux Etats membres de l'U.A., au moins 30 jours avant la
session suivante de la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements
de l'U.A, le Secrétaire Général de l'U.A dresse la liste
alphabétique des candidats et la communique.43(*)
En pratique, c'est le Conseil des Ministres qui, au nom de la
conférence procède à l'élection des juges. Ces
derniers sont élus au scrutin secret sur la liste sus -indiquée.
Bien plus, lors de l'élection, une répartition
géographique équitable ainsi que les grands systèmes
juridiques devront être des éléments incontournables dont
la conférence devra tenir compte.
La composition géographique sera la suivante :
Afrique de l'Ouest (3 juges) ; Afrique Nord (2), en sachant qu'entre en
ligne de compte les critères touchant aux grands systèmes
juridiques(le droit civil, la common law, les droits et coutumes islamique et
le droit coutumier africain).44(*) Encore une fois ici, au-delà de deux
critères à savoir l'aire géographique et le système
juridique, la représentation adéquate de deux sexes est vivement
recommandée.
Après leur élection, les juges prêtent
serment d'exercer leurs fonctions en toute indépendance et
loyauté 45(*)durant
la période de leur mandat.
Nous osons penser que les éventuelles immixtions dont
les juges sont victimes de la part l'exécutif au niveau des Etats ne
seront pas à l'ordre du jour à la Cour et que, bien
qu'émanant des Etats, les juges pourront exercer en toute
indépendance et quiétudes les fonctions leur assignées
durant leur mandat, lequel mandat fera l'objet du paragraphe suivant.
§3 : Mandat des juges et organisation du
siège
N'étant pas élus « ad aeternam
vitam », les juges exercent leurs fonctions pour une période
de six ans et sont rééligibles une seule fois. Notons cependant
que le mandat de quatre juges élus lors de la première
élection prend fin au bout de deux ans et le mandat de quatre autres
prend fin au bout de quatre ans. Ainsi donc, les juges dont le mandat prend fin
au terme des périodes initiales de deux et quatre ans sont tirés
au sort par le Secrétaire Général de l'U.A
immédiatement après la première élection.46(*)
Immédiatement après leur élection, les
juges s'organisent pour se choisir un Président et un
Vice-Président. Elus, ces derniers exercent leurs fonctions pour une
durée de deux ans renouvelable une seule fois. Pour le Président,
et ce, contrairement aux autres juges qui eux, sont à temps partiel, il
exerce ses fonctions à temps plein. D'ailleurs, il réside au lieu
du siège de la Cour. 47(*)
Toutefois, bien que n'étant pas prévues dans le
présent Protocole, les fonctions du Président ainsi que celles du
Vice-Président sont déterminées dans le Règlement
intérieur de la Cour.
Dans l'exercice de sa mission, la Cour désigne son
greffier et les autres fonctionnaires du Greffe parmi les ressortissants des
Etats membres de l'U.A, conformément aux dispositions de son
Règlement intérieur.
Comme le Président, le Greffier de la Cour
réside au lieu du siège de la Cour.48(*)
Un peu plus haut, nous avons relevé que la Cour se
compose de onze juges. Mais précisons que pour l'examen de chaque
affaire portée devant elle, la Cour siège avec un quorum d'au
moins sept juges.49(*) Et
dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, toutes
les fois qu'un juge possède la nationalité d'un Etat partie
à une affaire, il se recusera...,50(*) car à son statut s'attachent plusieurs
caractères et principes.
§4. Le Statut des magistrats de la Cour
Parler du statut des magistrats de la Cour africaine revient
à porter une certaine attention sur les principes et caractères
qui couvrent la personne du magistrat afin qu'il accomplisse en toute âme
et conscience les fonctions et missions lui dévolues : dire le
droit. Il s'agit d'une part, de l'indépendance et d'autre part, des
incompatibilités.
A. Indépendance des juges
Cette indépendance est pleinement garantie par
l'article 17 du Protocole qui prévoit que les juges jouissent pendant la
durée de leur mandat des privilèges et immunités reconnus
en droit international au personnel diplomatique. Aussi, ils ne peuvent en
aucun moment, même après la fin de leur mandat, être
poursuivis en raison des votes ou des opinions émis dans l'exercice de
leurs fonctions. Par ailleurs, les juges ne doivent pas siéger dans une
affaire dans laquelle ils ont été impliqués, à
quelque titre que ce soit comme agent, conseiller, avocat d'une des parties,
membres d'un tribunal national ou international, d'une commission
d'enquête ou à tout autre titre.51(*)
B. Incompatibilités
L'article 18 du Protocole précise que les fonctions de
juge sont incompatibles avec toutes autres activités de nature à
porter atteinte aux exigences d'indépendance ou d'impartialité
liées à la fonction et telles que stipulées dans le
Règlement intérieur. En d'autres termes, un juge ne peut
être en même temps ministre, secrétaire d'Etat ou
représentant diplomatique.
De la même façon qu'il existe des règles
pour régir le statut des magistrats de la Cour, il en existe
également celles qui encadrent les modalités de la fin du mandat
des juges.
§5. Fin du mandat et vacance du
siège
Pour qu'un juge soit suspendu ou relevé de ses
fonctions, l'avis unanime des autres juges à la Cour est de rigueur,
dans la mesure où il a cessé de répondre aux conditions
requises.
Lorsque la Cour a décidé, la décision est
définitive à moins que la conférence n'en décide
autrement lors de la session suivante. 52(*)
Etant donné qu'il s'agit d'une matière purement
administrative, la Conférence, à notre égard, ne devrait
pas s'ingérer dans le travail de la Cour pour autant que celle-ci
demeure indépendante. Comme organe politique, la Conférence ne
devrait pas, outre mesure, se constituer en instance d'appel, de
révision ou de reformation des décisions de la Cour. A la limite,
en cas de suspension ou lorsqu'un juge est relevé de ses fonctions, la
Conférence devrait seulement pourvoir au vide occasionné par la
suspension ou le relèvement d'un juge.
En tout état de cause, la Conférence
procédera, comme il le fait en cas de vacance de siège au
remplacement du juge dont le siège est vacant par décès ou
démission.53(*)
Ainsi, le juge élu pour remplacer un autre juge dont le
mandat n'est pas arrivé à terme achèvera la portion du
mandat de son prédécesseur qui reste à courir.54(*)
Après avoir abordé systématiquement la
nature, la terminologie et la composition de la Cour, il sied alors de
comprendre la mission de la Cour à travers ses compétences et ses
fonctions.
Section 4ème : Fonctions
Au terme du Protocole, la Cour possède une triple
fonction : contentieuse, consultative, et le règlement à
l'amiable des différends portés devant elle.
§1. Une fonction contentieuse :
La Cour a compétence pour connaître de toutes
les affaires et de tous les différends dont elle est saisie concernant
l'interprétation et l'application de la Charte, du présent
Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme
et ratifié par les Etats concernés.55(*)
Parfois, en parlant de tout autre instrument pertinent relatif
aux droits de l'homme, la question de l'application par la Cour des conventions
internationales relevant du droit international général (la
Charte des Nations Unies, les deux Pactes relatifs aux droits politiques,
économiques, sociaux et culturels, la convention sur les droits
politiques, économiques, sociaux et culturels, la convention sur les
droits de l'enfant) et qui n'ont pas été adopté ou
ratifié par les Etats dans le cadre de l'U.A, se pose avec
acuité.
En réponse à cette interrogation, il est
considéré que si la Cour, aux termes de l'article 2 du Protocole,
complète les fonctions de protection assignées à la
Commission africaine par la Charte africaine, elle, la Cour prendra en
considération les dispositions des articles 60 et 61 de la Charte
africaine.
En effet, en lieu et place de la Commission, la Cour
s'inspirera du droit international relatif aux droits de l'homme et des
peuples, notamment des dispositions de divers instruments africains relatifs
aux droits de l'homme et des peuples, des dispositions de la Charte des Nations
Unies, de l'Acte de l'U.A., de la Déclaration Universelle des Droits de
l'homme , des dispositions des autres instruments adoptés par les
Nations Unies et par les pays africains dans le domaine des droits de l'homme
et des peuples ainsi que des dispositions de divers instruments adoptés
au sein d'institutions spécialisées des Nations Unies dont sont
membres les parties à la présente Charte.56(*) Plus encore la même
Cour, complétant les missions de la Commission, prendra aussi
considération, comme moyens auxiliaires de détermination des
règles de droit, les autres conventions internationales, soit
générales, soit spéciales, établissant des
règles expressément reconnues par les Etats membres de
l'Organisation de l'Unité Africaine (U.A), les pratiques africaines
conformes aux normes internationales relatives aux droits de l'homme et des
peuples, les coutumes généralement acceptées comme
étant le droit, les principes généraux de droit reconnues
par les nations africaines ainsi que la jurisprudence et la doctrine.57(*) (v. dans le même angle
l'article 38 du Statut de la CIJ)58(*)
§2. La Fonction consultative de la Cour
Comme la Cour Internationale de Justice, la Cour africaine
peut émettre des avis lorsque besoin en est. La demande d'un avis
consultatif de la Cour peut prévenir soit d'un Etat membre de l'U.A,
soit d'un organe de l'U.A soit de toute organisation africaine reconnue par
l'U.A.59(*)
Lorsque l'avis est donné, c'est sur une question
juridique concernant la Charte ou tout autre instrument pertinent relatif aux
droits de l'homme, à condition que l'objet de l'avis ne se rapporte pas
à une requête pendante devant la Commission. Ceci, nous ne le
dirons jamais assez, s'explique par le fait que la Cour ne remplace pas la
Commission mais complète ses fonctions.
Par ailleurs, même si les avis de la Cour, pris à
la majorité des membres, sont motivés, il n'est pas exclu qu'un
juge y adjoigne une opinion individuelle ou dissidente.60(*)
§3. Le Règlement à l'amiable des
différents
Selon l'article 9 du Protocole, la Cour peut tenter de
régler à l'amiable les conflits avant d'engager une
procédure contentieuse et ce conformément aux dispositions de la
Charte. (Voir Terminologie : §2, Section 2ème du
2ème Chapitre)
Les fonctions de la Cour ne devraient pas être
confondues avec la notion de compétence. Cette dernière, de
manière classique, suppose l'étendue de la juridiction de la
Cour. Et la juridiction se détermine de cette manière :
matériellement, personnellement et temporellement ainsi que
territorialement.
Section 5ème : Compétences de la
Cour
Comme relevé ci-haut, les quatre compartiments de la
compétence de la Cour seront analysés tour à tour :
d'abord, la compétence territoriale, ensuite temporelle, puis celle
matérielle et enfin personnelle. Cette dernière, disons le
à le stade, fera l'objet d'une étude particulière dans la
Section suivante relative aux conditions à remplir pour exercer une
action devant la Cour africaine.
§1. Compétence territoriale de la Cour
(Ratione loci)
Etablie par traité et spécifiquement par
Protocole à une convention multilatérale entre
souverainetés, la Cour possède une compétence territoriale
qui s'étend aux seuls territoires des Etats membres de l'U.A.
Ceci découle de l'interprétation faite de
l'article 25 du Protocole relatif à la Charte portant création de
la Cour qui prévoit que « 1. le siège de la Cour est
établi dans un Etat partie au Protocole par la conférence. La
Cour peut toutefois siéger sur le territoire de tout Etat membre de
l'OUA sur décision de la majorité de ses membres et avec
l'agrément préalable de l'Etat concerne ». Cet article
25 du Protocole peut être lu conjointement avec l'article 1 du
même Protocole qui dispose. » Il est créé, au
sein de l'Organisation de l'Unité Africaine, une Cour Africaine des
droits de l'homme et des Peuples(...), dont l'Organisation, la
compétence et le fonctionnement sont régis par le présent
Protocole ».
Mais une autre interrogation qui pourrait appeler la notion de
ressort et de compétence est celle-ci : une violation
incriminée doit-elle avoir été commise sur le territoire
d'un des Etats parties pour que la « Cour » soit
compétente ? Il n'existe pas dans la Charte l'équivalent de
l'article 1er de la Convention européenne des droits de
l'homme et selon lequel les Etats garantissent les droits reconnus aux
personnes « relevant de leur juridiction ». Mais
puisqu'il n'y a aucune limitation quant à l'obligation des Etats parties
à la Charte de protéger les droits qu'ils reconnaissent, il faut
en déduire que la Commission comme la Cour sont compétentes,
même quand la violation imputable à un Etat partie a lieu
vis-à-vis d'une « personne protégée »
en dehors du territoire national des Etats parties.61(*)
En effet, pour besoin de courtoisie, rappelons que la
compétence territoriale ou le ressort territorial consiste dans
« la division administrative dans laquelle la juridiction exerce sa
compétence. Elle est, la compétence territoriale, une notion de
nature géographie ».62(*)
A l'instar des juridictions internes, la Cour possède
aussi une compétence dite temporelle ou ratione temporis.
§2. Compétence temporelle ou ratione
temporis de la
Cour
La Compétence temporelle d'une juridiction est
comprise comme étant le moment à partir duquel cette juridiction
peut connaître d'une affaire, cause ou d'un différent. En d'autres
termes, les actes commis avant l'installation de la Cour africaine sont-ils
susceptibles d'être appréhendés par celle-ci dans le cadre
de sa mission de protection ? Cette question a une grande importance
théorique et pratique. Disons que la Charte n'en parle pas, moins encore
le Protocole instituant la Cour. Dès lors, il faudra y répondre
en se référant aux principes généraux du droit. Et
le juge Kéba Mbaye précise que si, en vertu du droit
international, le violations de droits de l'homme dont il s'agit constituent
des crimes imprescriptibles, il ne faut pas hésiter à accepter
que les faits qui les constituent puissent être portés devant la
Cour qui aura compétence pour s'en saisir. Mais en dehors de tels cas,
la Cour ne peut connaitre à l'égard d'un Etat que de faits
constitutifs de violations de droits de l'homme et intervenus depuis que l'Etat
en cause est devenu partie au Protocole.
Bien que ne ressortant pas expressis verbis des dispositions
du Protocole, la compétence territoriale peut être déduite
aussi des travaux préparatoires. Ces derniers nous renseignent que le
Protocole portant création de la Cour, même si il a
été adopté en juin 1998, il donne compétence
à la Cour de connaître d'une affaire qu'à partir de janvier
2004 et intéressant un Etat partie au Protocole seulement.
Mais de quelles affaires il s'agit ? Ou mieux, de quelle
nature sont-elles ?
§3. Compétence matérielle ou
ratione materiae
La Cour a compétence pour connaître de toutes
les affaires et de tous les différents dont elle est saisie concernant
l'interprétation et l'application de la Charte, du présent
Protocole, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l'homme
et ratifié par les Etat concernés.63(*) En d'autres mots, ceci veut
dire que la Charte protège une multitude et un large éventail de
droits. Ceux-ci peuvent être contenus dans la Charte ou dans tout
instrument pertinent relatif aux droits de l'homme et ratifié par l'Etat
en cause. Le protocole s'inscrit ainsi dans la droite ligne de l'ouverture
normative qui a toujours caractérisé le système africain
des droits de l'homme. (Article 60 et 61 de la Charte)
Bien plus, la Cour a la compétence
d'interprétation des dispositions de la Charte, du Protocole portant sa
création et de tout autre instrument relatif aux droits de l'homme et
ratifié par l'Etat intéressé. Plus encore la Cour
africaine est compétente pour connaître des litiges relatifs
à l'interprétation du protocole relatif aux droits des femmes,
découlant de son application ou de sa mise en oeuvre.
Ceci appelle une interrogation, celle de savoir les types des
droits que la Cour protège ou les genres de violations qui peuvent
être dénoncées devant elle.
Précisons aussi que la description qui va suivre,
s'appuiera sur des exemples du travail de la Commission africaine
également garante du respect des droits consacrés par la Charte
depuis 1988. En effet, pour être contestées, ces violations
doivent être commises par un Etat africain postérieurement
à la date de ratification du Protocole par ce dernier.
De manière pratique, la Cour africaine juge des
violations des droits de l'homme :
A. Les violations de la Charte africaine
A ce stade, il échet tout d'abord de relever un
fait : l'originalité de la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples. Même si nous y reviendrons encore plus largement au
chapitre suivant, il convient de rappeler que la Charte, contrairement aux
conventions européenne et américaine des droits de l'homme,
consacre non seulement les droits civils et politiques mais aussi les droits
économiques, sociaux et culturels.64(*)
a. Les droits civils et politiques
Ces droits sont consacrés aux articles 2 à 14
de la Charte. Il s'agit du ou de :
· Droit à la non discrimination (art. 2)
· Droit à l'égalité devant la loi
(art.3)
· Droit à la vie et à
l'intégrité physique et morale (art. 4)
· Droit au respect de la dignité inhérente
à la personne humaine, l'interdiction de toute forme d'esclavage, de la
traite des personnes, de la torture physique ou morale et des peines ou
traitement cruels, inhumains ou dégradants (art. 5) ;
· Droit à la liberté et à la
sécurité de la personne et l'interdiction des arrestations ou
détentions arbitraires (art.6) ;
· Droit à ce que se cause soit entendue par la
justice et le droit à un procès équitable ; ce qui
implique : le droit à la présomption d'innocence ; le
droit à la défense ; le droit d'être jugé dans
un délai raisonnable par une juridiction impartiale et le principe de la
non- rétroactivité des lois pénales (art.7)
· La liberté de conscience et de religion (art.8)
· Droit à l'information et à la
liberté d'expression « dans le cadre des lois » et
le droit à la pratique libre de la religion (article 9) avec clause de
réserve ;
· Droit à la liberté d'association
conformément aux règles édictées par la loi
(contient une clause de réserve) art.10 ;
· Droit à la liberté de réunion
(contient une clause de réserve) (art.11)
· Droit à la liberté de circulation
à l'intérieur d'un Etat ; le droit à quitter un pays,
y compris le sien, le droit à l'asile ; l'interdiction de
l'expulsion collective (art. 12)
· Droit à la libre participation à la
direction des affaires publiques,et à l'égal accès aux
fonctions publiques ; le droit à l'égal accès aux
biens et services publics (art.13)
· Droit de propriété
(art.14) ;65(*)
Retenons également que l'article 2 de la Charte sur la
non discrimination n'est pas une disposition autonome car ne peut être
invoquée qu'en application d'un autre droit protégé par le
texte.
Une certaine illustration des droits civils et politiques
protégés est tirée de la Communication 159/96 concernant
la Fédération Internationale des ligues des Droits de l'homme,
l'Union Interafricaine des Droits de l'homme, la Rencontre Africaine des Droits
de l'homme, l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme au
Sénégal et l'Association Malienne des droits de l'homme
c/l'Angola.
En 1996, le gouvernement angolais a procédé
à l'expulsion brutale des ressortissants ouest-africains présents
sur son territoire. Les expulsés ont perdu tous leurs biens au cours de
l'opération. Selon la Commission, cet acte viole les droits garantis aux
articles 2,7 et 12 de la Charte relatifs au principe de non discrimination et
au droit à un procès équitable, les personnes
expulsées n'ayant pas eu l'opportunité de saisir les tribunaux
pour dénoncer leur traitement.
b) Les droits économiques, sociaux et culturels
Dans une Communication à savoir celle 155/96, Social
and Economic Right Action Center c/Nigeria, le plaignant affirmait que
l'administration par l'Etat d'un consortium d'exploitation de pétrole
causait de graves dommages à l'environnement et, par voie de
conséquence, des problèmes de santé parmi la population
Ogoni. La Commission a confirmé les violation des articles 16 et 24 de
la Charte et a demandé au Gouvernement d'assurer une compensation
adéquate aux victimes ; de procéder au nettoyage total des
terres et rivières polluées ; d'assurer à l'avenir
qu'une évaluation de l'impact social et écologique des
opérations pétroliers soit menée.66(*) Par cette décision, la
Commission affirmait la reconnaissance d'une protection du droit de jouir du
meilleur état de santé physique et mentale tel que prévu
par l'article 16 de la Charte. il peut aussi s'agir du :
o Droit de travailleur dans des conditions équitables
et satisfaisantes ; du droit de travailler dans des conditions
équitables et satisfaisantes ; du droit au salaire égal pour
un travail égal (art.15)
o Droit à l'éducation et le droit des individus
à prendre part à la vie culturelle de la Communauté
(art.17) ;
o Droit de la famille, des femmes, des personnes
âgées ou handicapées à des mesures spécifique
de protection (art. 18)
A part les deux catégories des droits de l'homme
à savoir ceux économiques, sociaux et culturels ainsi que ceux
civils et politiques, la Charte a consacré une autre nouvelle
catégorie des droits. Ce sont ceux des peuples qui se retrouvent aux
articles 19 à 24 de la Charte.
c) Les droits des peuples :
Ils sont prévus à partir des articles 19
à 24 de la Charte. C'est notamment :
o Le droit des peuples à l'égalité
(art.19) ;
o Le droit des peuples à l'existence, à
l'autodétermination a pour corollaire le droit des peuples de se
libérer de leur état de domination en recourant à tous les
moyens reconnus par la communauté internationale ;
o Le droit à l'assistance dans la lutte des peuples
pour la libération contre la domination étrangère, qu'elle
soit d'ordre politique, économique ou culturel (art. 20) ;
o Le droit des peuples au développement
économique, social et culturel (art. 22) ;
o Le droit des peuples à la paix et à la
sécurité nationale et internationale (art. 23) ;
o Le droit des peuples à un environnement satisfaisant
et global, propice à leur développement (art. 24) ; (voir
communication 155/96, Social and Economie Rights Action Center c/ Nigeria).
(67(*))
Nous venons de noter que la Charte reconnaît aussi
les
droits des peuples et ce, dans une tentative d'associer la
tradition des valeurs africaines à la modernité des droits
universellement reconnus.
La Charte, cela étant donc d'évidence, est un
instrument juridique original, en ce qu'elle comprend des
éléments novateurs, liés à l'histoire de la
civilisation africaine, tout en s'inscrivant largement dans la
continuité des autres instruments régionaux et internationaux
visant à la protection des droits de l'homme.
B. Les violations d'autres instruments pertinents
de protection des
droits de l'homme.
D'entrer de jeu, l'instrument de protection dont
référence est faite doit, à la lettre de l'article 3,
être pertinent ou adéquat quant à son objet et à son
contenu qui, en ce sens, doivent être relatifs aux droits de l'homme.
Hic, un distinguo s'impose et deux cas de figure se donnent
à être observés :
a. Les instruments africains
pertinents : Il s'agit notamment de :
§ La Convention de l'OUA régissant les aspects
propres aux problèmes de réfugiés en Afrique
adoptée le 10 Septembre 1969, entrée en vigueur le 26 juin
1974 ;
§ La Charte Africaine des droits et du bien être de
l'enfant : adoptée en Juillet 1990, entrée en vigueur le 29
novembre 1999.
§ La Convention de l'OUA sur la prévention et la
lutte contre le terrorisme adoptée le 14 juillet 1999 et entrée
en vigueur le 15 janvier 2004 ;
§ Le Protocole à la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des peuples relatifs aux Droits des femmes adopté à
Maputo au Mozambique en juillet 2003 et entré en vigueur en novembre
2005.
b. Les instruments internationaux
pertinents :
o La Convention sur la prévention et la
répression du génocide, 1948
o Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, 1966
o Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels 1966.
o La Convention internationale sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 1979
o La Convention contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants, 1984,
o La Convention internationale des droits de l'enfant,
1989,
o La Convention internationale sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination raciale, 1965.
Notons enfin que la jurisprudence de la Commission s'est
d'abord concentrée sur les cas de violations des droits civils et
politiques. Malgré l'importance accordée aux droits
économiques et sociaux dans le préambule de la Charte africaine
et aux articles 15 à 18 de celle-ci, la Commission a d'abord eu la
tentation d'écarter l'examen des violations de ces droits craignant
d'avoir à traiter trop de cas dans trop de pays. Cette
résistance première a cédé petit à petit
aux réalités du continent africain rendant nécessaire la
prise en compte de tels droits. La Commission affirme depuis
l'indivisibilité et l'interdépendance des droits de l'Homme. En
2002, sur plus de 45 cas examinés par la Commission, 15 concernaient
différents droits économiques et sociaux garantis par la Charte.
(68(*))
Comme pour la Commission, il est de notre avis aussi qu'il
faut admettre que la violation de principes communément admis dans le
domaine des droits de l'homme devrait aussi servir de base à une action
devant la Cour dans la mesure où ces principes peuvent se rattacher
à des dispositions précises de la Charte 60 et 6169(*) et énoncent les
principes applicables par la Cour aux articles 3 et 7.
Section 6ème : Des conditions de
l'exercice de l'action devant la Cour
Parlant des conditions de l'exercice de l'action devant la
Cour, il nous plaira d'évoquer en première analyse celles
relatives à la qualité, ensuite dans une deuxième
approche, celles liées à la recevabilité et enfin, nous
aborderons la forme dans quelle la saisine de la Cour doit être faite.
§.1. Les conditions relatives à la
qualité
Il s'agira ici de retrouver ceux qui ont le pouvoir et la
capacité de saisir la Cour Africaine et les conditions auxquelles ils
sont assujettis pour initier une action devant la Cour. Les violations dont la
« Cour » peut connaître doivent avoir
été commises par un Etat partie. C'est dire que celles imputables
à d'autres personnes physiques ou morales (les individus notamment) ne
sont pas de la compétence de la Cour.
Aux termes de l'article 5 du protocole, ont qualité
pour saisir la Cour :
- La Commission africaine des droits de l'homme et de
peuples ;
- Les Etats parties ;
- Les organisations intergouvernementales africaines ;
- Les individus et les ONGDH dotées du statut
d'observateur auprès de la Commission africaine ;
A. La Commission Africaine des droits de l'Homme
et de Peuples
La Commission a toujours la possibilité de saisir la
Cour Africaine pour qu'elle se prononce dans une affaire portée à
sa connaissance (art. 5.1. a. du Protocole).
Le Protocole, en revanche, ne précise pas les
conditions dans lesquelles la Cour peut être saisie par la Commission
Africaine. En effet, les questions concernant le moment de la saisine, ainsi
que les conditions de celle-ci devraient devoir trouver une réponse.
B. Les Etats parties
Les Etats parties au Protocole ont aussi droit de saisir la
Cour Africaine s'ils ont un intérêt dans l'affaire en question.
Ceci est le cas pour :
Ø L'Etat partie qui a saisi le Commission (art.5.1.b.
du Protocole) d'une affaire qui est ensuite envoyée devant la
Cour ;
Ø L'Etat partie contre lequel une requête a
été introduite devant la Cour (art. 5.1. c. du
Protocole) ;
Ø L'Etat partie dont le ressortissant est victime d'une
violation des droits de l'Homme (art.5.1.d. du Protocole).
C. Les organisations intergouvernementales
africaines
La saisine de la Cour par des Organisations
intergouvernementales est une des spécificités de la Cour
Africaine par rapport aux autres Cours régionales.
Les organes qui pourront saisir la Cour Africaine en vertu de
cet article, comprennent, en plus de l'Union Africaine :
L'Union du Maghreb Arabe, UMA ;
La Communauté économique des Etats d'Afrique de
l'Ouest, CEDEAO ;
L'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine,
UEMDA ;
La Communauté économique et monétaire
d'Afrique Centrale, CEMAC ;
La Communauté Economique des Etats d'Afrique Centrale,
CEEAC ;
Le Marché commun de l'Afrique Australe et orientale,
COMESA ;
Le Southern African Development Community, SADC ;
La Southern African Customs Union, SACU;
La Communauté de l'Océan Indien, COI ;
La Communauté de l'Afrique de l'Est, CEA ;
(70(*))
D. Les organisations Non Gouvernementales (ONG) et
les individus
Nous envisageons deux modes de saisine :
a) La saisine directe :
Selon l'article 5.3 du Protocole, « la Cour peut
permettre aux individus ainsi qu'aux ONG dotées du statut d'observateur
auprès de la Commission Africaine d'introduire des requêtes
directement devant elle ». Cependant, cette possibilité, il
faut l'avouer, n'est que facultative car soumise à la volonté
préalable de l'Etat accusé de violations des droits de l'Homme.
En fait, les individus et ONG ayant le statut d'observateur auprès de la
Commission Africaine peuvent saisir directement la Cour si et seulement si
l'Etat mis en cause, partie au Protocole, a fait une déclaration
acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes des
individus et ONG.
b) La saisine indirecte :
Il est judicieux de préciser qu'il existe un moyen pour
les individus et les ONG ayant le statut d'observateur auprès de la
Commission Africaine de faire connaître à la Cour une violation
des droits de l'Homme bien que l'Etat en cause n'ait pas fait la
déclaration au titre de l'article 34(6) du Protocole.
Ceux-ci, en effet, peuvent présenter des communications
devant la Commission Africaine sans qu'un Etat partie puisse s'y opposer.
Alors, saisie par un individu ou une ONG ayant le statut
d'observateur, la Commission peut décider de porter l'affaire devant la
Cour Africaine comme expliqué précédemment. Les
modalités d'un tel transfert n'ont pas été fixées
par le Protocole et dépendront ainsi largement de la volonté de
la Commission. Espérons que celle-ci utilise cette faculté, en
accord avec la partie requérante, notamment lorsque cette
dernière n'a pas la possibilité de saisir directement la Cour car
l'Etat en cause n'a pas fait la déclaration au titre de l'article 34(6)
du Protocole. Une interrogation subsiste quand même : quelles les
garanties sont accordées à la représentation des ONG et
individus dans la procédure devant la Cour si celle-ci est saisie par la
Commission ?
Nous tenterons d'y réfléchir à l'aune des
considérations et du travail réalisé par les deux autres
cours régionales au Chapitre suivant.
Entre temps, voyons ce qu'il en est des conditions relatives
à la recevabilité des communications.
§.2. Les conditions liées à la
recevabilité d'une
communication ou requête
In limine litis, une clarification mérite d'être
apportée à ce niveau. Nous évoquerons plus les
requêtes émanant des ONG et des individus. Car en effet, dans les
systèmes régionaux de protection des droits de l'homme, les
situations dans lesquelles un Etat porte plainte contre un autre pour violation
des droits de l'homme ne font pas grands cas.
Mais alors, parler des conditions liées à la
recevabilité d'une requête revient à analyser les
conditions reprises pour qu'elle soit reçue par la Cour. Il s'agira
donc, in casu, de s'appesantir sur les conditions qui président à
l'examen, par la Cour africaine d'une requête initiée par une ONG
ou un individu. Essentiellement, pour décider au respect ou non de ces
conditions, la Cour peut s'inspirer des décisions pertinentes de la
Commission Africaine qui applique depuis le début de ses travaux les
mêmes exigences pour la recevabilité des communications
portées devant elle.
L'on peut mentionner à cet égard des conditions
générales de recevabilité et celles spécifiques.
A. Les conditions générales de
recevabilité
La requête doit être dirigée contre un
Etat partie qui a fait une déclaration au titre de l'article 34 (6) du
Protocole autorisant une saisine directe des individus et ONG ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission Africaine. Elle doit concerner
des faits qui relèvent de la juridiction de l'Etat en cause et qui sont
postérieurs à la date du dépôt de l'instrument de
ratification du Protocole par ledit Etat. Il faut aussi que la ou les
violations portent sur l'un des droits garantis par la Charte Africaine ou tout
autre instrument régional ou international pertinent relatif à la
protection des droits de l'Homme ratifié par l'Etat en question. Toute
requête qui déroge à l'une de ces conditions est
déclarée irrecevable par la Cour. (71(*))
B. Les conditions
spécifiques
Celles-ci sont prévues par l'article 6 du Protocole
qui renvoie aux dispositions de l'article 56 de la Charte, relatives aux
conditions de recevabilité des communications devant la Commission
Africaine telles que présentées ci-après.
A l'occasion, disons que ces conditions, et surtout celle qui
exige l'épuisement des voies de recours internes, ont été
examinées dans plusieurs affaires devant la Commission, ce qui,
d'ailleurs, a permis d'en préciser la portée.
Pour être examinées, les communications
émanant des individus et ONG doivent nécessairement remplir les
conditions ci-après :
1. Indiquer l'identité de leur auteur même si
celui-ci demande à la
Commission de garder l'anonymat.
La Commission, sur base de l'article 56 (1), ne peut retenir
aucune requête anonyme. Cette exigence est commune à tous les
systèmes régionaux de protection des droits de l'homme (...)
L'obligation de décliner l'identité peut
être mal interprétée. On a fait valoir, à tort, que
c'est l'identité de la victime ou des victimes, véritables
requérants, qui doit être déclinée. La
jurisprudence européenne va dans ce sens. (...) En revanche, la
jurisprudence du système Africain, par une approche libérale de
la disposition sous examen, fournit une interprétation plus conforme
à l'objet et au but de la Charte. Ce qui est recherché au stade
de la recevabilité, c'est moins l'identité des victimes que celle
des personnes par lesquelles les victimes agissent ; identité
indispensable en effet, pour le déroulement de la procédure et le
suivi du dossier. Ainsi, à l'occasion de l'examen groupé de
plusieurs communications concernant les violations des droits de l'homme en
Mauritanie (72(*)), la
Commission a précisé que si les auteurs des communications
doivent décliner leur identité, il n'est pas requis qu'ils soient
personnellement victimes ou que des membres de leur famille le soient. (...)
Il n'est donc pas nécessaire que les noms des victimes
soient indiqués, l'identité de la personne physique ou morale
agissant en leur nom suffit.
L'obligation d'indiquer l'identité du
requérant vise à faciliter la correspondance entre la Commission
et le requérant en vue du suivi de la procédure pour une
protection effective des droits de l'homme et des peuples. (73(*))
2. La requête est recevable si elle est compatible
avec l'Acte constitutif de l'Union Africaine et la Charte Africaine des droits
de l'Homme et des peuples.
Pour être recevable selon l'article 56 (2) de la
Charte, la requête doit invoquer des dispositions de la Charte Africaine
et/ou des dispositions de l'Acte constitutif de l'U.A. supposées avoir
été violées (74(*)). Soulignons que le Protocole de la Cour,
contrairement aux dispositions de la Charte relatives à la Commission,
admet également comme recevable les requêtes fondées sur la
violation d'un instrument international de protection des droits de l'homme
ratifié par l'Etat en cause. (75(*))
3. L'obligation de courtoisie 76(*)
La requête est recevable si elle ne contient pas des
termes outrageants ou insultants à l'égard de l'Etat mis en cause
de ses institutions ou des l'Union Africaine. Conformément à
l'art. 56 (3) de la Charte, l'auteur de la communication doit indiquer les
éléments de son dossier sans insulter quiconque. La Commission
africaine a explicité cette condition à l'occasion de l'affaire
ligue Camerounaise les droits de l'Homme c. Cameroun. La requête de la
Ligue a été déclarée irrecevable au motif qu'elle
contenait des termes outrageants et insultants à l'encontre de l'Etat
Camerounais mis en cause et ses institutions.
Cette communication contenait des termes tels que :
« Paul Biya [alors chef d'Etat Camerounais] doit répondre des
crimes contre l'humanité », « trente années
d'un régime néo-colonial, criminel, incarné par le duo
Ahdjo-Biya », « régime tortionnaire » et
« barbarismes gouvernementaux ». La Commission en arrive
à la conclusion que les allégations de la Ligue sont un ensemble
de violations graves de la Charte. Il s'agit là, relève-t-elle,
des termes insultants et outrageants. (77(*)).
4. La requête est recevable si elle ne se limite pas
exclusivement à des informations diffusées par des moyens de
communication de masse
Cette exigence est visée à l'article 56 (4) de
la Charte. Elle tend à éviter que certains plaignants ne se
fondent sur de simples allégations voire de fausses informations sans en
vérifier la véracité.
Communication 147/95 et 149/96- Sir Dauda K. Jawara
C/Gambie.
Le gouvernement soutenait que la communication devrait
être irrecevable parce qu'elle était basée exclusivement
sur des informations diffusées par les médias. Selon la
Commission : « Tout en étant peu commode de se fier
exclusivement aux nouvelles diffusés par les moyens de communication de
masse, il serait tout aussi préjudiciable que la Commission rejette une
communication parce que certains aspects qu'elle contient sont basés sur
des informations ayant été relatées par les moyens de
communication de masse. Cela provient du fait que la Charte utilise
l'expression « exclusivement ». Il ne fait point de doute
que les moyens de communications de masse restent la plus importante, voire
l'unique source d'information. Le génocide au Rwanda, les violations des
droits de l'homme au Burundi, au Zaïre et au Congo pour n'en citer que
quelques uns, ont été révélés par les moyens
de communication de masse. La question ne devrait donc pas être de
savoir si l'information provient des moyens de communication de masse, mais
plutôt si cette information est correcte. (78(*))
5. L'exigence d'épuisement préalable des
voies de recours internes
a. Principe : Cette exigence
posée par l'article 56 (5) de la Charte est
celle qui pose le plus de difficultés.
L'épuisement des voies de recours internes suppose qu'une affaire
concernant la violation d'un droit de l'Homme doit passer par tous les niveaux
de juridiction nationaux avant de pouvoir être portée devant la
Cour. Cette condition de recevabilité se retrouve également
devant la Cour européenne et la Cour interaméricaine. Elle est
« fondée sur le principe qu'un gouvernement devrait être
informé des violations des droits de l'Homme afin d'avoir
l'opportunité d'y remédier avant d'être appelé
devant une instance internationale ».
La Commission qui pratique les mêmes critères de
recevabilité que la Cour a, à plusieurs reprises clarifié
la notion d'épuisement des voies de recours internes.
b. Définition : La
Commission a précisé que les recours internes dont fait mention
l'article 56 de la Charte comprennent les « recours introduits devant
les tribunaux d'ordre judiciaire », y compris toutes les
possibilités d'appel. Si le plaignant n'a pas fait appel d'une
décision dans les délais fixés par les lois, la Commission
considère que la communication est irrecevable.
Cette exigence emporte deux considérations qui, avant
d'être élucidées, seront précédées
d'une jurisprudence de la Commission. Il s'agit de la communication - 221/98,
Alfred B. Cudjoe C/Ghana.
Dans cette affaire, le requérant invoquait la
résiliation abusive de son contrat de travail à l'ambassade du
Ghana en Guinée. La Commission a estimé qu'il n'était pas
suffisant que le requérant ait déposé une plainte devant
la commission ghanéenne des droits de l'Homme. La saisine de cette
instance non judiciaire aurait dû se prolonger par une action devant les
tribunaux, et puisque cela n'avait pas été fait, la communication
portée devant la Commission a été jugée
irrecevable.
De ce fait, il se comprend donc que :
· La première considération est que les
recours internes sont épuisés si tous les degrés de
juridictions ont été utilisés dans le système
national. Corollairement, si une affaire est portée devant les
juridictions internes, et que la procédure est toujours en cours au
moment de l'examen de la requête par la Cour, les recours internes ne
sont pas épuisés.
· C'est au requérant de mettre à la
disposition de la Cour toute information concernant l'épuisement des
recours internes. Le requerrant à la charge de la preuve initiale,
c'est-à-dire qu'il doit mettre à la disposition de la Cour les
informations nécessaires pour prouver que les voies de recours internes
ont été épuisées.(...).
D'un point de vue éminemment pratique, il est
recommandé aux plaignants de toujours joindre aux requêtes les
copies des décisions des juridictions nationales. (79(*))
En revanche, certains tempéraments ont
été apportés à cette règle
d'épuisement préalable des voies de recours internes.
c. Exceptions ou tempéraments à la
règle de l'épuisement des voies de recours internes
Dans certains cas la commission a eu à déclarer
recevables certaines requêtes même si les voies de recours n'ont
pas été épuisées. En ce cas, elles ont
été considérées comme inapplicables, indisponibles,
inefficaces ou discrétionnaires et/ou inaccessibles.
Pour le Professeur Moïse CIFENDE, il est judicieux que
ces tempéraments soient repartis en deux catégories. Dans une
première, l'on retrouvera ce qu'il qualifie
« tempéraments d'origine conventionnelle au principe de
l'épuisement des voies de recours internes : la
disponibilité et la diligence » (80(*)). Et dans une seconde, il
convient de parler des tempéraments jurisprudentiels à la
règle de l'épuisement des recours internes :
inaccessibilité des victimes aux recours internes, inefficacité
de ces recours, et absence d'obligation d'épuiser des voies de recours
non juridictionnelles mieux, non ordinaires.
Lorsque la Cour Africaine considère que les recours
internes sont inapplicables ou inefficaces (s'ils n'offrent pas des
perspectives de réussite), indisponibles (lorsqu'ils ne peuvent
être utilisés sans obstacle par le requérant) ou
discrétionnaires, la condition de leur épuisement n'est plus
nécessaire pour que la requête soit jugée recevable. La
Commission s'est appuyée sur de nombreuses situations
particulières pour recevoir sur ces fondements de multiples
communications.
Ainsi, lorsque :
1) Les violations sont graves et massives :
« La Commission n'a jamais considéré que la condition
d'épuisement des voies de recours internes s'appliquait à la
lettre lorsqu'il n'est ni pratique ni souhaitable que le plaignant saisisse les
tribunaux nationaux dans le cas de chaque violation Cela est le cas dans les
présentes communications étant donné l'ampleur et la
diversité des violations des droits de l'Homme : ONGS C/Zaïre
(1989 et 1993) ; Communication 18/88, El Hadj Boubacar Diawara
c/Bénin ; Communication 135/94, Kenya Human Rights Commission
c/Kenya, rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme
c/Zambie.
2) L'Etat d'urgence entrave l'administration de la
justice : Dans la Communication 129/94 Civil Liberties Organisation c/
Nigéria, le plaignant soutenait que l'application normale de la loi
avait été rendue difficile à cause de l'état
d'urgence décrété dans le pays. Du fait de la situation
politique qui prévalait au Nigéria, la Commission a jugé
recevable la communication estimant qu'en pareil cas, « la
procédure de recours internes serait trop longue, mais qu'elle ne
produirait aussi aucun résultat ».
3) L'existence de clauses dérogatoires empêche
tout recours : Dans le cas de l'existence de clauses
dérogatoires qui interdisent aux tribunaux d'examiner des décrets
et des décisions de la branche exécutive, la Commission a
considéré que ces clauses rendent les recours internes
« inexistants, inefficaces ou illégaux ».
C'était notamment le cas au Nigeria dans les années 1990,
où le gouvernement militaire a adopté une série de clauses
dérogatoires.
4) L'épuisement des recours internes n'est pas
« logique » :
Le plaignant n'est pas obligé d'épuiser les
recours internes quand cela ne paraît pas
« logique ». Cela est le cas dans lequel la commission a
considéré qu'un plaignant qui s'était évadé
d'une prison du Ghana et réfugié en Côte d'Ivoire et qui
prétendait que sa détention était illégale, n'avait
pas, compte tenu de la nature de la plainte, à retourner dans son pays
d'origine pour porter son cas devant les tribunaux ghanéens. Ainsi, la
communication a été jugée recevable.
5) L'accès à la justice est
inéquitable.
6) Les recours internes sont inefficaces ou
inaccessibles :
Dans les affaires où la victime d'une violation des
droits de l'Homme a été contrainte à fuir son pays, la
Commission considère qu'elle n'est pas obligée d'épuiser
les voies de recours internes. Dans la Communication Right International c/
Nigeria, un étudiant avait été arrêté et
torturé dans un camp de détention militaire au Nigeria. La
commission a estimé que « dans un cas particulier, la
Commission a trouvé que l'étudiant était dans
l'incapacité de faire usage d'une quelconque voie de recours interne,
suite à sa fuite en République du Bénin par peur pour sa
vie et de l'octroi du statut de réfugié par les Etats-Unis
d'Amérique ». (81(*))
7) L'épuisement des recours non-judiciaires n'est
pas nécessaire :
Selon la jurisprudence de la Commission, à savoir
celle tirée de l'affaire Avocats sans frontières (pour le compte
de Gaëtan Bwampanye) c. BURUNDI, le requérant n'est tenu
d'épuiser que les recours juridictionnels, c'est-à-dire ceux qui
lui sont offerts par la loi comme un droit et non comme un privilège de
l'exécutif, et les recours ordinaires (82(*)).
6. Le requête est recevable si elle est
portée à la connaissance de la Cour
dans un délai raisonnable
Aux termes de l'article 56 (6) de la Charte, la requête
doit, pour être recevable, être introduite devant la Commission
dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des recours
internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer
à courir le délai de sa propre saisine. La Charte ne
précise pas le délai contrairement au système
européen qui oblige le requérant à agir, sous peine de
forclusion, dans un délai de six mois, à partir de la date de la
décision interne définitive. (83(*))
7. La requête ne doit pas concerner des cas
déjà réglés par d'autres mécanismes
internationaux pertinents ou par la Charte Africaine.
La règle vise à éviter des
communications à répétition et la
contrariété des jugements ou de décisions de diverses
instances internationales de protection des droits de l'homme et des peuples.
Elle vise également à ne pas ériger la Commission en
censeur d'autres institutions internationales de protection. (84(*)) Ainsi la Communication
69/92 Amnesty international c/ Tunisie a été
déclarée irrecevable par la Commission africaine, celle-ci
étant déjà en cours d'examen conformément à
l'article 1503 du règlement des Nations Unies. (85(*))
Ce principe repose sur les règles « Res
judicata pro veritate accipitur » et « Non bis in
idem ».
Après avoir rempli toutes les conditions
susmentionnées, vient l'étape où le requérant
s'interroge sur la manière et la forme dans laquelle ou sous laquelle la
communication sera introduite devant la Cour. Ceci nous amène donc
à parler de comment saisir la Cour ou mieux des conditions liées
à la forme d'exercice de l'action.
§.3. Les conditions relatives à la forme de
la communication
Pour saisir la Cour conformément aux articles 5.3 et
34 (6) du Protocole, la requête d'un individu ou d'une ONG ayant le
statut d'observateur auprès de la Commission Africaine doit
réunir certains éléments. Le dossier dûment
complété et à envoyer aux services de la Cour doit
satisfaire aux exigences suivantes :
1. Remplir la fiche signalétique du plaignant (ONG
ou individu)
Voici comment elle se présentera :
- Non / Organisation
..............................................................................
- Age / Statut
légal..................................................................................
-
Nationalité............................................................................................
- Fonction, Profession /
Mandat...............................................................
- Adresse
...............................................................................................
- E-mail :
...............................................................................................
Et s'il y a plus d'un requérant (individu ou DNG qui
saisit la Cour), donner pour chacun d'eux les renseignements requis. Indiquer
aussi si le requérant souhaite que son identité ne soit pas
révélée et si le requérant est
représenté légalement. Dans ce cas, fournir à la
Cour une procuration ou un pouvoir écrit. Enfin, indiquer, si le
requérant est une ONG, la date d'obtention du statut d'observateur
auprès de la Commission africaine.
2. Désigner l'Etat contre lequel la plainte est
déposée.
A ce niveau, il faut s'assurer que l'Etat en question est
partie au Protocole et qu'il a fait une déclaration au titre de
l'article 34 (6) acceptant la compétence de la Cour pour recevoir des
requêtes des individus et des ONG.
3. Décrire la violation des droits de l'Homme
alléguée.
Il est faite obligation au requérant d'expliquer avec
autant de détails que possibles les faits dénoncés, en
précisant avec minutie les circonstances, le lieu, l'heure et la date de
la violation. A cet effet, il faudra s'assurer que la violation a
été commise à une date postérieure au
dépôt de l'instrument de ratification du Protocole par l'Etat mis
en cause. Si les griefs portent sur plusieurs affaires distinctes, il convient
de traiter chaque affaire séparément.
4. Préciser l'urgence de l'affaire :
revient à préciser s'il y a des risques de pertes de vie ou de
graves dommages physiques si l'affaire n'est pas traitée
immédiatement. Préciser la nature de l'affaire et les raisons
pour lesquelles elle nécessite une action immédiate de la part de
la Cour se comprend au compte de cette autre obligation. En
conséquence, ces éléments peuvent mener la Cour à
prendre des mesures provisoires.
5. Indiquer les dispositions de la Charte Africaine (ou d'un
autre instrument
des droits de l'Homme ratifié par l'Etat en cause)
prétendument violées.
En revanche, si le requérant n'est pas sûr des
articles spécifiques, il ne convient pas de le mentionner. Il ne s'agit
pas d'une condition de recevabilité.
6. Donner les noms et titres des autorités qui
auraient commis la
violation. Il conviendra, s'il s'agit d'une
institution, de mentionner le nom de l'institution ainsi que celui de son
responsable.
7. Préciser s'il y a des témoins.
S'il y en a, prendre soin d'indiquer les noms, adresses, et,
si possible, les numéros de téléphone des
témoins.
8. Fournir toutes pièces justificatives
alléguées (pas d'originaux, seulement des copies)
Il est requis au demandeur de joindre, par exemple, des
lettres, documents juridiques, photos, rapports d'autopsies, enregistrements,
etc., qui peuvent prouver les violations.
9. Préciser les voies de recours internes
exploitées.
A cet effet, indiquer notamment les tribunaux internes saisis
en joignant à la requête des copies des arrêts et
décisions etc.
10. Indiquer les voies de recours
non-exploitées.
Expliquer pourquoi elles n'ont pas été
utilisées, en se fondant sur les exceptions au principe
d'épuisement des voies de recours internes, est une obligation qu'il
faut remplir.
11. Préciser si d'autres organes internationaux
sont saisis de l'affaire
Cette exigence emporte l'obligation d'indiquer si l'affaire
a été soumise à un autre organe international des droits
humains en précisant l'organe en question et le stade d'avancement du
dossier.
12. Dater et signer.
En cas de saisine individuelle, le document doit être
signé par le requérant ou son représentant. Et en cas de
saisine par une ONG, le document doit être signé par une personne
habitée à représenter l'organisation ou par son
représentant.
En conclusion, attirons l'attention sur le fait que les
éléments
ci-avant à fournir à la Cour peuvent fonder
l'irrecevabilité de la requête.
Bien aussi, la fiche type, il convient de le signaler, se
fonde sur le formulaire de dépôt des requêtes devant la Cour
européenne des droits de l'Homme et reprend plusieurs
éléments des « Lignes directrices pour la
présentation de communications auprès de la Commission
africaine ». Il est à préciser que cette même
fiche peut être utilisée pour rédiger une communication
individuelle à destination de la Commission africaine lorsque l'Etat mis
en cause n'a pas ratifié le Protocole ou n'a pas fait la
déclaration au titre de son article (34 (6) permettant une saisine
directe de la Cour. Dans ce dernier cas, le requérant peut
préciser aux commissaires sa volonté de voir son cas
examiné par la Cour (86(*)).
Voilà, exposés les éléments
importants en faveur de la recevabilité d'une requête. Il reste
maintenant à savoir comment un procès se déroule devant la
Cour africaine, étude qui fera l'objet de la Section suivante.
Section 7ème : Le déroulement du
procès devant la Cour
Africaine
Disons d'emblée que les questions
détaillées touchant au déroulement du procès et
mieux, aux éléments d'ordre procédural sont fixé
dans le règlement intérieur de la Cour. L'approche qui marquera
notre analyse sera éminemment de source du Protocole créant la
Cour.
En effet, si aux termes de l'article 8 du Protocole
« la Cour fixe dans son règlement intérieur les
conditions d'examen des requêtes dont elle est saisie en tenant compte de
la complémentarité entre elle et la Commission », ces
deux institutions, bien qu'examinant les mêmes types de violations des
droits de l'homme sont fondamentalement différentes sur un point, au
bout du compte, le plus essentiel : la judiciarisation de la
procédure d'examen des requêtes. (87(*))
Au vrai, la judiciarisation de la procédure d'examen
des requêtes permet la transparence dans le traitement des affaires,
l'égalité des parties et leur représentation, selon les
principes généraux du droit à un procès
équitable reconnus par les traités régionaux et
internationaux des droits humains.
La procédure va de la recevabilité des
requêtes qui est la phase préliminaire et préalable au
traitement proprement dit de l'affaire.
§.1. La recevabilité de la
requête
Première étape de l'examen des requêtes,
la recevabilité a pour objet d'examiner si les conditions
générales et spécifiques sont toutes remplies. Dans
l'affirmative, la Cour Africaine déclare la (les) requête (s)
recevable (s). Dans la négative, elle les déclarera irrecevables
et n'examinera donc pas la question concernant le fond, soit savoir s'il y a eu
ou pas violation des droits de l'Homme par un Etat partie.
Par ailleurs, pour faciliter l'examen de la
recevabilité de la requête, la Cour peut solliciter l'avis de la
Commission africaine conformément à l'article 6 (1) (88(*)) du Protocole.
Ayant déclaré la requête recevable, la
Cour en vient alors à l'étape suivante : l'analyse du fond
de l'affaire.
§.2. Le traitement de l'affaire
Une fois la requête ayant été
jugée recevable par la Cour, celle-ci a le choix entre renvoyer le cas
porté à sa connaissance devant la Commission Africaine ou le
traiter au fond. Si la Cour décide de la traiter au fond, elle peut
soit tenter un règlement à l'amiable, soit examiner le cas au
contentieux.
A. Le règlement à
l'amiable
Selon l'article 9 du Protocole, « La Cour peut
tenter de régler à
l'amiable les cas qui lui sont soumis conformément aux
dispositions de la Charte ». Cette préconisation rejoint la
pratique de la Commission Africaine qui a aussi pour mandant d'essayer par tous
les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable
fondée sur le respect des droits de l'Homme et des Peuples »
(article 52 de la Charte) 89(*).
B. La procédure contradictoire de l'examen
de l'affaire
Lorsque la Cour juge utile de ne pas tenter un
règlement à l'amiable ou si celui-ci échoue, les juges
procèdent à l'examen contradictoire de l'affaire. Le
caractère contradictoire de cet examen se révèle plus en
ce qui concerne les preuves apportées par les parties.
a. Les preuves
La procédure d'examen des requêtes
étant principalement d'ordre contradictoire, les parties doivent
apporter la preuve de ce qu'elles avancent devant la Cour. Ceci qui implique
que les parties ont le droit de prendre connaissance de toutes les preuves
proposées par l'autre partie et de tenter de les réfuter.
En Afrique, outre le droit islamique et le droit coutumier,
coexistent deux grands systèmes juridiques hérités du
passé colonial : la common law ou le droit d'origine anglo-saxone,
appliqué dans la majorité des pays anglophones, et le civil law
ou le droit continental, d'origine européenne, ou romano germanique
appliqué dans les pays francophones.
Ces deux systèmes se distinguent pas leur mode
procédural : le premier utilise un mode contradictoire où le
juge, arbitre, laisse l'instruction de l'affaire aux parties placées
à égalité ; le second s'exécute sous un mode
inquisitorial, le juge menant lui-même l'instruction de l'affaire.
La procédure devant la Cour africaine, en effet,
s'inspire majoritairement de la procédure anglo-saxone, tout en retenant
des éléments du droit continental. C'est donc un mode mixte,
différent des systèmes nationaux.
Par ailleurs, la Cour reçoit tous les moyens de preuves
qu'elle juge appropriés. (Article 26 du protocole). Elle reçoit
donc les preuves écrites (lettres, copies de textes de lois,
décisions des tribunaux ou des autorités exécutives,
articles de presse, rapports d'experts), des photos et aussi des
témoignages des victimes ou d'autres témoins susceptibles
d'éclairer les faits.
Bien plus, la Cour peut, à la lumière de
l'article 26 (1) du Protocole, décider de faire une enquête si
elle l'estime à l'examen de l'affaire. Concrètement, la Cour
peut dépêcher une mission sur les lieux des exactions pour
apporter ses propres preuves à la procédure. Ceci suppose donc
des moyens financiers conséquemment importants que l'Union Africaine
doit lui accorder (90(*)).
En résumé des précédents, nous
pouvons dire que le principe de l'examen contradictoire exige que toutes les
preuves envoyées par une partie à la Cour, soient
également portées à la connaissance de l'autre partie, et
que celle-ci ait le temps nécessaire pour y répondre.
b. Les audiences
La procédure contradictoire d'examen de l'affaire
consiste aussi dans les confrontations pendant les audiences.
Une fois terminé le va-et-vient des moyens de preuve,
la Cour prévoit des audiences pour confronter les parties devant les
juges. Comme en droit national, les audiences de la Cour sont publiques. La
Cour peut néanmoins décider de tenir les audiences à huis
clos, dans des conditions qui sont prévues dans le règlement
intérieur. (91(*))
Contrairement à la Cour, la Commission tient ses audiences à huis
clos. Ici, la procédure est simplifiée par rapport à la
procédure devant des organes judiciaires. Elle ne suit pas
complètement le mode contradictoire. L'ONG ou l'individu qui a
déposé la plainte a normalement 15 à 20 minutes pour
présenter ses arguments. L'Etat mis en cause a un peu plus de temps,
mais rarement plus d'une heure. Les membres de la Commission posent ensuite
des questions, ce qui peut durer plusieurs heures. Les parties n'ont pas la
possibilité de se poser mutuellement des questions.
A la Cour, lors des audiences orales organisées au
cours des sessions de la Cour, chaque partie a la possibilité de faire
venir des victimes et des témoins. Et en vertu du principe du
contradictoire, la partie adverse peut tenter de récuser leur
déposition en procédant à leur examen. Retenons cependant
que les détails de cette procédure sont établis dans le
Règlement Intérieur de la Cour.
Caractéristiques essentielles du droit à un
procès équitable, le contradictoire et la représentation
ainsi que l'assistance des parties vont de pair.
c. La représentation légale des
parties
« Toute partie à une affaire a le droit de se
faire représenter par le
conseil de son choix ». Et dans les circonstances
où les parties n'ont pas les moyens financiers d'avoir un avocat,
« une représentation, ou une assistance judiciaire, peut
être gratuitement assurée dans les cas où
l'intérêt de la justice l'exige »
C. L'arrêt de la Cour
Lorsque, suffisamment éclairés et les audiences
terminées, les juges se retirent délibèrent en
privé et rendent leur décision dans les quatre-vingt (80) jours
qui suivent la clôture de l'affaire. Aussi, les arrêts de la Cour
sont pris à la majorité des juges, en précisant que
l'arrêt de la Cour est définitif et ne peut faire l'objet d'appel.
(92(*))
Il sied d'ajouter le fait que l'arrêt est
prononcé en audience publique, les parties étant dûment
prévenues. (93(*))
Section 8ème : Des décisions de la Cour
et de leur portée
A l'opposé des communications de la Commission, les
décisions de la Cour ont une force obligatoire même si leur
exécution dépend la volonté des Etats.
La Cour peut prendre différents types de
décision.
§.1. Types de décisions
Dans sa compétence contentieuse, la Cour peut prendre
des décisions à deux moments différents de la
procédure :
- pendant l'instruction, elle peut prendre des mesures
provisoires (A) ;
- Une fois l'instruction terminée et afin de clore la
procédure, elle rend des arrêts (B).
A. Les mesures provisoires
Pendant l'instruction, dans des cas d'extrême
gravité ou d'urgence et afin d'éviter des dommages
irréparables à des personnes, la Cour peut ordonner des mesures
provisoires.
L'on entend par mesure provisoire, une mesure prise par le
juge pour la durée d'un procès afin de régler
momentanément une situation urgente en attendant une décision
définitive. Un exemple concret peut être la suspension de
l'exécution d'une sentence telle que la peine de mort.
Une question surgit, celle de savoir si les Etats, au regard
de l'article 30 du Protocole (94(*)) exécuteront volontairement les
décisions de la Cour et, in specie, une mesure provisoire prise par
elle. Tout ce que nous souhaitons est que l'expérience de la Commission
ne se refasse pas pour la Cour.
En effet, en la faveur de l'écrivain et militant Ogoni
Ken Saro Wiwa, arrêté le 22 mai 1994 avec des centaines d'autres
personnes affiliées au Mouvement pour la survie du Peuple Ogoni (MOSOP),
des communications ont été déposées auprès
de la Commission Africaine en automne 1994 contestant ces arrestations. Peu
après, un tribunal nigérian condamne à mort Saro-Wiwa et
ses 8 co-accusés à la suite d'un procès présentant
plusieurs irrégularités au regard du droit à la
défense. A ce faire, l'ONG constitutional Rights Projecta a
présenté en urgence un supplément aux communications,
demandant à la Commission d'arrêter des mesures conservatoires
afin d'éviter l'exécution des condamnés. Le
secrétariat de la Commission a tout de suite adressé une note
verbale au gouvernement, soulignant que l'affaire est en cours devant la
Commission et appelle les autorités nigérianes à suspendre
l'exécution jusqu'à ce que la Commission débatte avec
elles de l'affaire. (95(*))
Malgré cette injonction, l'exécution est
intervenue le 10 novembre 1995.
B. Les arrêts de la Cour
L'arrêt est un terme qui désigne une
décision de justice rendue, soit par une Cour d'appel, soit par la Cour
de Cassation ou Cour suprême de Justice, soit par les juridictions
administratives autres que les tribunaux administratifs. (96(*))
Nous avions dit plus haut que la Cour rend sa décision
par un arrêt pris à la majorité des juges. Cet arrêt
a force obligatoire pour les Etats, contrairement aux communications de la
Commission. Nous estimons que les décisions de la Cour Africaine,
considérées comme exécutoires, doivent être prises
en compte par les juridictions nationales comme des jugements de
référence faisant partie de la jurisprudence. In aliis verbis,
un justiciable peut se prévaloir devant les tribunaux de son Etat des
arrêts de la Cour Africaine pour contester une violation des droits de
l'Homme.
Entrons un peu dans les détails et tentons de revenir
sur certains éléments de l'article 28 à savoir :
a) L'arrêt doit être rendu dans les
quatre-vingt (80) jours après la fin de l'instruction et prononcé
en audience publique :
La limite des quatre-vingt jours a pour but de résoudre
le délai souvent trop important (parfois plus d'un an) entre la fin de
l'instruction et la publication de la communication de la Communication de la
Commission africaine. Un autre élément est le fait que la Cour
rende sa décision en audience publique. C'est également une
réponse aux événements de la Commission Africaine qui
annexe simplement ses décisions à son rapport annuel sans que les
parties concernées ne soient assurées d'en recevoir une copie.
L'article 29 du Protocole de la Cour spécifie que non seulement les
parties en cause doivent être mises au courant mais aussi que
l'arrêt doit être transmis aux Etats membres de l'Union africaine,
à la Commission et au Conseil des ministres.
b) L'arrêt est motivé et
définitif : L'arrêt, au pied de l'art. 28 (6) du
protocole, doit être motivé. Il est définitif et ne peut
faire l'objet d'un appel. Tout juge peut joindre son opinion individuelle ou
dissidente à la décision majoritaire de la Cour africaine
l'amenant à prendre sa décision. Ceci est à mentionner
car, par le passé et en particulier au début de son exercice, la
Commission africaine a parfois rendu des communications sans
référence aux faits jugés et sans raisonnement d'ordre
juridique.
c) L'arrêt peut être révisé
et interprété : En cas de survenance de preuves
dont elle n'avait pas connaissance au moment de sa décision et dans les
conditions déterminées dans le règlement intérieur,
(97(*)) la Cour africaine
peut réviser son arrêt. Une révision ne peut être
faite qu'en cas de découverte d'un fait qui, par sa nature, aurait pu
influencer la décision de la Cour et qui, à l'époque de
l'affaire était inconnu.
Quant à l'interprétation de son arrêt,
elle est seule compétente pour le faire (98(*)).
En ce qui concerne la question de savoir qui peut saisir la
Cour pour une demande en révision ou en interprétation de
l'arrêt, une incertitude demeure. Nous pensons, en bonne logique, qu'il
devrait s'agir des parties à l'affaire. (99(*))
d) L'arrêt peut exiger des
réparations : Si la Cour considère qu'il y a
violation d'un droit garanti par la Charte, elle « ordonne toutes les
mesures appropriées afin de remédier à la situation, y
compris le paiement d'une juste compensation ou l'octroi d'une
réparation ». (100(*)). L'exécution de l'arrêt stricto sensu
porte sur la situation individuelle de la personne lésée dans ses
droits. Il s'agit soit de verser de l'argent en réparation du dommage
subi, soit encore de pendre des mesures particulières propres à
mettre fin à la violation des droits lorsque le droit interne le permet,
tel est l'exemple si la Cour ordonne l'abrogation d'un acte administratif.
(101(*))
Après avoir étudié la procédure
devant la Cour et tous les éléments qu'elle comprend, il nous
paraît opportun de nous appesantir un moment sur la question de
l'exécution des arrêts de la Cour qui, à la lumière
de moult considérations, fait et fera couler beaucoup d'encres et de
salives.
C. L'exécution des décisions de la
Cour
L'exécution des décisions mesures
provisoires et arrêts est obligatoire mais volontaire. En effet,
l'obligatoriété d'une décision de justice postule quelque
coercition pour son exécution, tandis que l'intervention de la
volonté implique la notion « des conventions » et
des effets qu'elles créent. Bien que liant les parties et eu
égard à l'idée en droit international public du
« pacta sunt servanda » les conventions sont à
l'antipode de la contrainte. D'ailleurs les deux expressions
véhiculent, à notre sens, des notions et des idées
opposées. C'est un peu comme en droit commercial avec le concept de
commerce et de philanthropie, « le premier étant à
l'antipode du second », et paraphrasant cette expression, il
découle que jamais l'esprit caritatif ne pourra faire route ensemble
avec celui du lucre. Mêmement, le volontaire exclura toujours d'une
façon ou d'une autre l'idée de la contrainte.
En revanche, au-delà de cette guerre notionnelle
acharnée, le Protocole est là et a posé le principe :
l'exécution des arrêts par les Etats est obligatoire mais
volontaire : C'est en tout cas l'envers de l'affaire du Lotus qui avait
pris soin de réaffirmer que « les règles de Droit liant
les Etats procèdent à la volonté de ceux-ci »
(102(*)).
En effet l'article 30 dispose : « les Etats
parties au présent protocole s'engagent à se conformer aux
décisions rendues par la Cour dans tout litige où ils sont en
cause et à en assurer l'exécution dans le délai
fixé par la Cour ». Aucune mesure de contrainte n'est
prévue pour le moment dans le Protocole pour assurer leur
exécution. L'on s'accorde à considérer que pour un Etat
partie à un litige, « se conformer » à un
arrêt rendu consiste à l'exécuter de bonne foi et
volontairement.103(*)Cette dernière exigence découle
notamment de ce que dépourvues de formule exécutoire, les
arrêts de la (...) « Cour Africaine » ne
vaudront pas titre exécutoire. « Déclaratoires pour
l'essentiel », ils n'auront d'effet dans le droit interne d'un Etat
qu'à travers un acte d'exécution.
Néanmoins, le fait pour la Cour de rendre publique sa
décision et de l'envoyer aux Etats membres de l'Union africaine et au
Conseil des ministres constitue un moyen de pression important difficilement
négligeable par les Etats condamnés. De la même
manière, en faisant circuler et connaître les décisions de
la Cour, les ONG peuvent agir sur la réputation et l'image
internationale de l'Etat ne respectant pas la décision de la Cour.
(104(*))
Le Protocole, plus loin a pris le grand soin de confier le
suivi de l'exécution des arrêts de la Cour au conseil des
ministres de l'Union Africaine. (105(*)) Celui-ci peut adopter des directives ou
règlements qui ont force obligatoire afin de faire pression sur les
Etats récalcitrants.
Notons toutefois avec Mr. SIDIKI KABA qu'il est dommage que le
suivi de l'exécution des arrêts sorte de la sphère
judiciaire pour entrer dans le domaine politique. Précisons que le
conseil des ministres est composé de l'ensemble des ministres de l'Union
Africaine. Paradoxalement, ceci permet aux ministres des Etats non parties au
Protocole d'avoir la responsabilité du suivi des exécutions des
arrêts de la Cour.
Plus loin, nous verrons comment l'exécution des
arrêts des deux cours européenne et interaméricaine se
réalise. Un petit bonheur pour la Cour africaine consiste en ce qu'elle
peut adresser un rapport annuel qui spécifie les cas
d'inexécution de ses décisions.
D. Le Rapport
La Cour soumet à chaque session ordinaire de la
Conférence un rapport annuel sur ses activités. Le rapport fait
état en particulier des cas où un Etat n'aura pas
exécuté les décisions de la Cour (106(*)).
L'on ignore si cette exigence peut amener la Conférence
des chefs d'Etat et de Gouvernement, l'organe suprême de l'Union
africaine, à exiger des Etats l'exécution des arrêts de la
Cour ou s'il s'agit toujours de faire pression sur la réputation d'un
Etat.
Voyons enfin la place qui est réservée pour
victimes dans la procédure devant la Cour.
Section 9ème : La place des
victimes dans la procédure devant la Cour
Le Protocole portant création de la Cour africaine
réserve une place importante aux victimes en leur octroyant
participation, représentation, protection et réparation.
§.1. La participation des victimes
A. La saisine de la Cour par les
victimes
Les individus victimes d'un violation d'un droit reconnu par
la
Charte africaine ou par un autre instrument de protection des
droits de l'Homme ratifié par l'Etat en cause, peuvent directement
saisir la Cour, si cet Etat a fait une déclaration au titre de l'article
34 (6) du Protocole. Notons que le droit de saisir la Cour n'est pas
limité aux victimes directes de la violation. Il revient aux individus
(victimes ou non) et aux ONG (victimes ou non) ayant le statut d'observateur
auprès de la Commission africaine de saisir la Cour en leur nom ou au
nom de la victime. Lorsque les requérants, victimes ou non, saisissent
directement la Cour, ils acquièrent le statut de
« partie » à la procédure,
bénéficiant d'un rôle prépondérant dans le
procès et des garanties de représentation et de protection
énoncées dans le Protocole.
Rappelons qu'en vertu de l'article 55 de la Charte, les
victimes ont donc une possibilité de saisine indirecte de la Cour,
à travers la Commission africaine. Signalons qu'il est peu probable que
les victimes ou leurs représentants aient le statut de partie devant la
Cour conformément aux droits garantis par une saisine directe
(107(*)).
B. La représentation légale des
victimes
Les victimes, en tant que parties à une affaire, ont le
droit de
se faire représenter par le conseil juridique de leur
choix (art. 10) (2) du Protocole). L'article 10 (2) du Protocole
précise qu'une représentation ou une assistance judiciaire peut
être gratuitement assurée dans les cas où
« l'intérêt de la justice l'exige », notamment
lorsque les parties n'ont pas les ressources nécessaires pour financer
l'aide d'un avocat ou de tout autre conseiller juridique.
C. Le rôle des victimes parties dans la
procédure
Dans la mesure où les victimes ont saisi directement
la Cour, elles acquièrent le statut de partie dans l'affaire au
même titre par exemple que l'Etat contre qui la requête est
adressée. Elles ont ainsi le droit et le devoir d'apporter la preuve
des faits allégués devant la Cour et le droit de se faire
communiquer et de réfuter toutes les preuves avancées par l'Etat
mis en cause. Elle peut également faire appel à des
témoins.
§.2. Le témoignage des
victimes
Outre leur faculté de participation devant la Cour
(art. 5 (3) du Protocole), les victimes peuvent, appelées par les
parties, intervenir pendant la procédure d'examen des affaires.
Dans ce cas, leur rôle et leurs droits sont moins
étendus car les victimes sont assimilées aux autres
témoins. Notons par exemple qu'elles n'ont pas droit à une
représentation ou à une assistance juridique prise en charge par
le tribunal. (108(*))
Mais au bout du compte, la question de la protection des
victimes soulève des vifs et aigus débats.
§.3. La protection des victimes
Cette protection est envisageable avant, durant et
après le procès.
Toute victime, qu'elle soit partie à l'affaire ou
simple témoin, bénéficie des mesures de protection
assurées par la Cour en vertu de l'article 10 (3) du Protocole qui
indique que : « Toutes personnes, témoins ou
représentants des parties appelés à comparaître
devant la Cour jouissent de la protection et des facilités reconnues par
le droit international et nécessaires à l'accomplissement de
leurs fonctions, de leurs devoirs et de leurs obligations en rapport avec la
Cour. »
Lorsque le Protocole reconnaît aux victimes parties ou
témoins une protection conforme au droit international, il fait
référence au droit à un encadrement psychologique et
médical, au droit de s'organiser juridiquement, à la
faculté de témoigner sous aménagement, à la
possibilité d'une réinstallation dans un pays tiers après
le procès. Dans ce domaine, la Cour africaine peut
bénéficie de l'expérience de la Cour
interaméricaine qui accorde une place importante à la protection
et à l'encadrement des victimes et des témoins. (109(*))
Si l'on reconnaît que la question de la protection reste
toujours cruciale, l'on s'accorde à admettre que celle relative à
la réparation des victimes en droit international reste sujette à
plusieurs soucis. Voyons comment la Cour, par le biais de son Protocole, a
tant bien que mal, tenté de résoudre la question relative
à la réparation accordée aux victimes devant elle.
§4. Le droit des victimes à une
réparation
La Cour peut, au pied de l'article 27 du Protocole,
lorsqu'elle reconnaît la violation d'un droit de la personne, ordonner
« toutes les mesures appropriées afin de remédier
à la situation, y compris le paiement d'une juste compensation ou
l'octroi d'une réparation ». dans le cas où la
violation continue par exemple si la victime est détenue de façon
arbitraire, la Cour peut exiger de l'Etat qu'elle cesse. S'il s'agit d'une loi
contraire à une liberté, comme la liberté d'association,
la Cour peut exiger l'abrogation de cette loi par l'Etat. Dans d'autres cas,
où la violation a déjà eu lieu par exemple si la victime a
été détenue mais ensuite relâchée, ou si elle
a été victime de torture ou de mauvais traitement, la
réparation peut prendre la forme d'une compensation financière.
(110(*))
CHAP. III. LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET
DES PEUPLES ET LES AUTRES COURS DE TYPE REGIONAL
L'étude qui sera présentement
menée, dans le cadre de ce chapitre, sera éminemment
comparative.
Contrairement à la démarche descriptive qui
consiste à donner des détails près sur la chose ou
situation-objet de l'étude, la démarche comparative que nous nous
proposons nous permettra de repérer les éléments
clés qu'il est possible de retrouver dans les trois Cours, ensuite de
les placer comme sur une balance et enfin d'essayer de dégager les
écarts, les atouts et les limites. Cela vaudra tant pour leur
mécanisme d'institutionnalisation ou de création (Section1), les
caractéristiques de leur composition (Section 2), la procédure
devant elles (Section 3), que pour la portée des décisions dont
elles sont les auteurs (Section 4).
Disons, au passage, que la Cour Africaine n'est qu'une bonne
élève de deux grands et anciens maîtres à savoir la
Cour européenne des droits de l'homme et la Cour interaméricaine
des Droits de l'homme, en ayant, à plusieurs égards, essayer de
reprendre d'elles certaines caractéristiques clés. Mais, bien
qu'étant toutes des organes de contrôle des droits de l'homme de
type régional, certaines et de d'ailleurs, plusieurs différences
notables entre elles méritent une attention particulière de notre
part.
Section 1ère :
Institutionnalisation et place des Cours dans le système
régional type de protection des droits de l'homme
Les deux mécanismes régionaux
de protection des droits de l'homme à part la Cour africaine sont, il
sied de le rappeler, la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour
interaméricaine des droits de l'homme. Il se comprend dès lors
que le premier organe de contrôle s'inscrit dans la sphère
européenne. Quant au second, il a été crée pour
contrôle le respect des droits de l'homme en Amérique et y
assurer leur protection.
§1. La Cour européenne des droits de l'homme
Cette juridiction supranationale européenne a
été instituée par la Convention de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1980. Cette
Convention a été élaborée au sein du Conseil de
l'Europe et signée à Rome par quinze Etats membres de
l'Organisation, qui, à cette époque, n'étaient que les
seuls membres du Conseil.
A côté de la Cour européenne, une
Commission a été instituée pour renforcer le travail de
protection des droits en Europe. Ces deux institutions siègent à
Strasbourg.
Pour rappel, la Convention portant création et
institution de la Cour européenne est entrée en vigueur le 3
septembre 1953. Bien plus elle a été révisée en ce
qui concerne la partie « Cour » successivement
conformément aux dispositions du Protocole n°3 fait à
Strasbourg, le 6 mai 1963, entré en vigueur le 21 septembre 1970, et du
Protocole n°5 fait aussi à Strasbourg le 20 janvier 1966 et
entré en vigueur le 20 décembre 1971. (111(*))
En effet, la Convention européenne des Droits de
l'Homme constitue la garantie collective sur le plan européen de
certains principes énoncés dans la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme, renforcée par une Cour-contrôle
international judiciaire-dont les décisions doivent être
respectées par les Etats.(112(*))
Cet organe de contrôle par le Etats international
judiciaire présente certaines caractéristiques et
spécifiques qui, même si elles se rapprochent de celles de la Cour
Africaine, s'en démarquent quelque peu.
A. Caractéristiques et
spécificités
D'emblée, la première
spécificité de cette Cour européenne est de s'être
vue être consacrée par la Convention proclamant les droits
qu'elle doit protéger, et ce au coté de la Commission
européenne des droits de l'homme. Contrairement à ce constat de
la Cour européenne, pour la Cour africaine, c'est un Protocole qui a
présidé à son institution, lequel Protocole
complète la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples
portant seulement, la mise en place d'une Commission africaine.
Du point de vue de la compétence, la Cour ne traite
que les affaires concernant l'interprétation et l'application de la
Convention européenne que les Hautes Parties contractantes ou la
Commission lui soumettront (113(*)), à condition que la ou les Hautes Parties
contractants soient soumises à la juridiction obligatoire de la Cour ou,
à défaut, avec le consentement où l'agrément de la
Haute Partie contractantes intéressée. (114(*))
Lorsqu'il y a contestation sur le point de savoir si la Cour
est compétente, elle-même décide sur sa compétence.
(115(*))
Plusieurs droits sont protégés par cette Cour.
La protège une diversité des droits qui sont consacrés par
la Convention.
B. Droits protégés par la Cour
européenne
Contrairement à la Cour africaine, la
Cour européenne possède une compétence exclusive
limitée aux violations des droits contenus dans la Convention de
sauvegarde et dans ses Protocoles.
C'est ainsi que la Cour pourra être compétente
pour connaître de toutes les violations des dispositions de l'article
deuxième à l'article treizième de la Convention de
sauvegarde ainsi que de toutes celles relatives aux dispositions des Protocole
n°1 sur le droit de propriété, les droit de la
défense en justice et le droit de vote, Protocole n°4 du 16
septembre 1963 sur les droits individuels dans le domaine de l'immigration,
Protocole n°6 du 28 avril 1983 sur l'abolition de la peine de mort,
Protocole n°7 du 22 novembre 1984 portant consécration de nouvelles
mesures propres à protéger les « droits de la
défense » ainsi que le principe d'égalité des
époux dans la famille.
Pour dire vrai, seront donc déclarées
irrecevables toutes les requêtes se fondant sur des violations des
dispositions des instruments autres que celles de la Convention de sauvegarde
notamment des violations des droits contenus et reconnus par les Pactes
relatifs aux droits civils et politiques, économiques, sociaux et
culturels.
Qu'en est-il alors de la Cour interaméricaine ?
§2. La Cour interaméricaine des droits de
l'homme
A. Caractéristiques et
spécificités
Etablie par Convention, dite convention
américaine relative aux droits de l'homme de 1969 soit dix-neuf ans
après la mise sur pied de la convention de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, la Cour interaméricaine
est le deuxième organe de contrôle international judiciaire
à être crée dans le monde après celui
européen.
En effet, comme la Cour européenne et contrairement
à la Cour africaine qui possède une compétence large
d'interprétation et d'application des dispositions d'autres instruments
autres que celles de la Charte africaine et du Protocole portant sa
création, la Cour interaméricaine est habilitée à
connaître seulement de tout différent relatif à
l'interprétation et à l'application des dispositions de la
Convention américaine de San José, pourvu que les Etats en cause
aient reconnu ou reconnaissent sa compétence, soit par une
déclaration spéciale, soit par une Convention
spéciale.(116(*))
Il a été remarqué que la jurisprudence
de la Cour interaméricaine, qualifiée de limitée, a
concerné le droit à la vie, le droit à ne pas être
torturé et les affaires relatives aux
« disparitions ».
En revanche, les affaires jusqu'ici portées devant la
Cour européenne et sur lesquelles elle a eu, plusieurs fois et dans la
majorité les cas à se prononcer, sont relatives au droit à
un procès équitable et des droits tels que la liberté
d'expression et d'association et le respect de la vie privée. Ceci
ressort d'une étude menée par Mr. SIDIKI KABA dans laquelle il
explique que la Convention européenne et la Convention
américaine protègent essentiellement les mêmes droits (B),
mais les différentes réalités dans lesquelles elles
opèrent ont créé des divergences dans leurs
jurisprudences.
B. Les droits protégés par la Cour
américaine
Plusieurs droits sont consacrés par la Convention
américaine et protégés par la Cour américaine. Ils
sont contenus dans les dispositions des articles 3 à 26. il s'agit
notamment du Droit à la reconnaissance de la personnalité
juridique (art.3), du droit à la vie (art.4), du droit à
l'intégrité de la personne (art.9) du droit à
l'interdiction de l'esclavage et de la servitude (art.6), du droit à la
liberté de la personne(art.7) ainsi que des garanties judiciaires ou
mieux du droit à un procès équitable (art.8).
Aux articles 9,10, 11 et 12, la Convention n'a pas
hésité de consacrer certains droits à être
protégés par la Cour à savoir les droits liés au
principe de la légalité et de rétroactivité, le
droit au dédommagement, la protection de l'honneur et de la
dignité de la personne ainsi que la liberté de conscience et de
religion.
Plus encore, la Cour protège la liberté de
pensée et d'expression à l'article 13, le droit de rectification
ou de réponse à l'article 14, le droit de réunion à
l'article 15, la liberté d'association à l'article 16, la
protection de la famille à l'article 17, le droit à un nom
à l'article 18, le droit de l'enfant à l'article 19 et le droit
à une nationalité à l'article 20.
Plus loin, le droit à la propriété
privée, celui au déplacement et de résidence ainsi que
celui de bénéficier d'une égale protection devant la loi
tels que repris et contenus dans les dispositions des articles 21,22 et 24 de
la Convention interaméricaine, ne sont pas oubliées par cette
protection qu'offre la Cour.
Aussi, il est illusoire de concevoir un droit à un
procès équitable sans protection judiciaire nécessaire
relative aux recours rapides et effectifs, à l'examen d'une affaire par
une autorité compétente.
La Convention l'a bien compris lorsqu'elle reprit cette
protection à son article 25.
Par ailleurs, dans un seul article, l'article 23, les droits
politiques ont été consacrés comme à l'article 26
où la Convention, sans préciser des droits types, a prévu
les droits économiques, sociaux et culturels. A cet effet, les Etats
s'engagent à prendre des mesures visant à assurer progressivement
la pleine jouissance des droits qui découlent des normes
économiques et sociales et celles relatives à l'éducation,
la science et la culture, énoncées dans la Charte de
l'Organisation des Etats américains, dans le cadre des ressources
disponibles, et par l'adoption de dispositions législatives ou par tous
autres moyens appropriés. cette différence, marque une
démarcation entre les deux Conventions et la Charte africaine qui, nous
l'avions dit, a prévu dans son corpus les deux catégories des
droits à savoir ceux civils et politique d'un côté et
économiques, sociaux et culturels de l'autre.
Il convient maintenant dans une section deuxième
d'étudier la composition de toutes ces cours.
Section 2ème : La Composition des Cours
européenne et
Interaméricaine
La Cour européenne des Droits de l'Homme se compose
d'un nombre de juges égal à celui des membres du Conseil de
l'Europe. Elle ne peut comprendre plus d'un ressortissant d'un même Etat.
(117(*))
Si la Cour européenne n'a pas prévu un nombre
constant et précis des juges, la Cour interaméricaine elle, a
prévu qu'elle se composera de sept juges, ressortissants des Etats
membre de l'Organisation.(118(*)) Comme pour la Cour européenne et celle
africaine, la Cour interaméricaine ne peut compter plus d'un juge de la
même nationalité.
Les questions relatives à l'élection des juges,
à leur statut ainsi que celles concernant leur mandat sont peu
négligeables car elles revêtent un intérêt
indéniable sur les issues du déroulement des affaires et de leur
traitement.
§1. De l'élection des juges
Les juges sont élus au scrutin secret pour ce qui
concerne la Cour interaméricaine et la Cour africaine. Pouvons- nous
imaginer que le caractère secret du scrutin pour les deux Cours peut
être aussi envisagée pour la Cour européenne qui ne l'a pas
prévu expressément ? Postulons l'affirmatif étant
donné l'importance et la valeur de la juridiction au
bénéfice de laquelle l'élection est faite. C'est donc une
présomption réfragable.
Par ailleurs, communément aux trois Cours,
l'élection des juges se fait à la majorité des voies
exprimées sur une liste de personnes présentée par soit,
les membres du Conseil de l'Europe (Europe) soit, les Etats parties à la
Convention américaine sur les droits de l'homme (Amérique), soit
les Etats parties au Protocole. (119(*)) Rappelons aussi que les candidats juges
présentés sur une liste par les Etats sont au nombre de trois
pour chaque liste présentée par un Etat. En effet, lors de la
présentation des candidats, deux doivent être ressortissants de
l'Etat qui les présente et au moins l'un d'entre eux, telle est la
tendance générale, devra être un ressortissant d'un Etat
autre que celui de qui la proposition émane.
Quelques critères généraux
président à l'élection des juges et qui, dans les trois
systèmes régionaux de protection, sont similaires.
Elus à titre personnel, ou individuel les juges -
candidats doivent jouir de la plus haute considération morale, d'une
compétence reconnue en matière de droits de l'homme ou être
des jurisconsultes possédant une compétence notoire et
réunir les conditions requises pour l'exercice de hautes fonctions
judiciaires.(120(*))
A part ces critères généraux, le
Protocole portant création de la Cour africaine a adjoint des
critères supplémentaires notamment, comme nous l'avons
évoqué haut, ceux relatifs à la répartition
géographique et au sexe ainsi qu'aux grands systèmes juridiques.
La carrière de juge est de nature rigoureuse et exige que
celui-ci, bénéficie d'un certain statut spécial et d'une
indépendance avérée.
§2. Du Statut et de l'indépendance des juges
Les membres de [ ... ] la Cour jouissent, pendant l'exercice
de leurs fonctions, des privilèges et immunités prévus
à l'article 40 du Statut du Conseil de l'Europe(sur les
privilèges et les immunités) et dans les Accords conclus en vertu
de cet article.(121(*))
L'article 70 de la convention américaine est plus
explicite. En effet, il dispose : « Dès l'instant de leur
élection et pendant toute la durée de leur mandat, les juges
à la Cour et les membres de la Commission jouiront des immunités
qui sont reconnues en Droit international aux agents diplomatiques. Ils
bénéficieront en outre, pendant la durée de leur mandat,
des privilèges diplomatiques nécessaires à l'exercice de
leurs fonctions. »
Bien aussi, « de juges de la Cour ne pourront, en
aucun moment être poursuivis en raison des votes et des opinions
émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions » (article 70
(2))
Notons en outre que la fonction des juges à la Cour est
incompatible avec toutes autres activités de nature à porter
atteinte à l'indépendance ou à l'impartialité du
titulaire de la dite... fonction dans l'exercice de ses attributions,
conformément aux statuts régissant ledit organe.
Si l'indépendance professionnelle du juge et son
impartialité sont des principes nécessaires et incontestables
à sa fonction, l'indépendance financière n'est pas
à négliger car elle conditionne substantiellement la
qualité et la consistance de la profession ainsi que de ses
résultats.
Ainsi, pour son compte, la Convention américaine
à son article 72 prévoit que « les juges de la Cour
reçoivent des émoluments et des frais de voyage en rapport avec
l'importance et l'indépendance de leurs fonctions et sous la forme et
dans les conditions déterminées par le statut de cet organe.
§3. Du mandat des juges
Les juges de la Cour européenne sont élus pour
une durée de neuf ans. Ils sont rééligibles. Toutefois, en
ce qui concerne les membres désignés à la première
élection, les fonctions de quatre des membres prendront fin au bout de
trois ans, celles de quatre autres membres prendront fin au bout de six ans.
Les membres dont les fonctions prendront fin au terme des
périodes initiales de trois et six ans sont désignés par
tirage au sort effectué par le Secrétaire Général
du Conseil de l'Europe immédiatement après qu'il aura
été procédé à la première
élection.
Par ailleurs, il peut se faire qu'un membre de la Cour soit
empêché d'exécuter son mandat jusqu'à son
expiration, un autre juge peut être élu et achève le reste
du temps du mandat à courir de son prédécesseur.
Et après leur remplacement, les membres de la Cour
continent de connaître des affaires dont ils sont déjà
saisis. (122(*))
Si les juges de la Cour européenne sont élus
pour une durée de neuf ans et sont rééligibles sans toute
autre forme de précision à part 75 ans d'âge, ceux de la
Cour interaméricaine le sont pour six ans et réélus une
seule fois.
A part la durée du mandat et la
réélection, les autres règles applicables au mandat au
remplacement et au traitement des affaires après le remplacement telles
que posées pour la Cour européenne sont aussi retenues telles
qu'elles pour la Cour interaméricaine.
Ainsi, il parait donc logique que des règles similaires
soient donc retenues pour des organes qui, dans leur essence, sont peu
différents et répondent à un même but : assurer
la protection des droits de l'homme.
Après avoir sillonné les règles sur la
composition des Cours européennes et interaméricaine, nous
estimons qu'il faille aborder l'étude relative à la
procédure devant elles et à la question de leur saisine.
Section 3ème : Des procédure et
saisine
§1. De la procédure devant les Cours
Européenne et
Interaméricaine
Les procédures devant ce deux Cours suivent les
mêmes principes de base que ceux reconnus pour la Cour Africaine. Il
s'agit notamment de la publicité des audiences, l'examen contradictoire
des requêtes, la liberté pour les Cours de recevoir tous les
moyens de preuves, écrites ou orales qu'elles jugent
appropriés.
En parlant de la procédure devant la Cour africaine
relative à la représentation légale, les mêmes
garanties sont accordées aux victimes à qui la Cour
européenne attribue la possibilité d'être partie dans la
procédure devant elle. En revanche, dans le système
interaméricain, les choses se passent tout autrement. C'est la
commission qui représente la personne lésée.
Quant à l'examen des affaires, le quorum exigé
pour l'examen d'une affaire et celui requis pour les
délibérations à la Cour interaméricaine est de
cinq juges et de neuf pour la Cour européenne. La différence
fondamentale qui distingue cette dernière de deux autres est qu'elle
prévoit une procédure d'appel des arrêts. En effet,
après l'examen au fond d'une affaire par la Chambre de neuf juges la
décision de la première chambre peut faire l'objet d'un appel
devant la Grande Chambre composée de dix-sept juges.
Toutefois, faisons remarquer, à l'occasion, qu'aucune
procédure ne saurait être déclenchée avant ou sans
toute saisine préalable.
§2. De la saisine des Cours européenne et
interaméricaine
Il est sur ce point des différences notables entre les
trois systèmes régionaux, en ce compris, le système
africain.
Dans ce dernier en effet, la saisine est ouverte, de droit,
à la Commission, aux Etats parties et aux organisations
intergouvernementales africaines dont nous avons parlé au Chapitre
précédent. Quant au droit de saisine des individus et des ONG
ayant le statut d'observateur devant la Commission africaine, il convient de le
rappeler, il est conditionnel, soumis donc à la déclaration
préalable des Etats partie. (123(*))
Jusqu'en 1998 et l'entrée en vigueur du Protocole
n°11 de la Convention européenne, le système européen
était pratiquement similaire à celui qui a été
adopté dans le cadre de la Cour africaine. La Compétence de la
Cour européenne pour recevoir des plaintes des individus était
limitée aux Etats ayant approuvé une telle possibilité.
Mais alors, depuis l'entrée en vigueur du Protocole n°11 et la
réforme de la Cour, droit de saisine reconnu aux individus, groupes
d'individus ou ONG qui estiment être victimes de violation d'un droit
garanti par la Convention européenne, est obligatoire pour tous les
Etats membres du Conseil de l'Europe.(124(*))
Dans le système interaméricain, la saisine est
plus limitée que pour les deux autres Cours. Si similairement à
la Cour européenne, la Cour interaméricain ne peut être
saisie que par les Etats parties et par la commission interaméricaine,
les individus, groupes d'individus et ONG légalement reconnues ne
peuvent saisir que la Commission, qui, le cas échéant, à
l'issue de la procédure devant elle, transmet l'affaire à la Cour
pour jugement.
Une autre différence de taille nécessite
d'être évoquée en ce qui concerne la saisine par les
victimes d'une violation des Cours européenne et africaine.
En effet, l'art.34 du Protocole n°11 de la Cour
européenne dispose : « La Cour peut être saisie
d'une requête par toute personne physique, toute organisation non
gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime
d'une violation par l'une des Hautes parties contractantes de droits reconnus
dans la convention ou ses protocoles ». Il s'en suit que la Cour
européenne ne peut donc être saisie que par la victime
elle-même, qu'elle soit un individu ou une ONG.
Ainsi, il dégage que, contrairement à la Cour
européenne, la faculté accordée aux individus et aux ONG
de saisir la Cour africaine n'est pas limitée à la victime
directe de la violation d'un droit de l'homme.
Si l'Etat responsable d'une violation a fait une
déclaration au titre de l'article 34 (6) du Protocole, la Cour peut
être saisie par tout individu ou par toute ONG ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission, victimes ou non de la violation.
Ainsi donc, « le droit de saisir la Cour africaine contrairement
à la Cour européenne, n'est pas limité aux victimes
directes. » (125(*))
A l'issue de la procédure relative au
déroulement du procès devant les trois Cours, comme nous l'avons
relevé pour la Cour africaine, l'arrêt est donné. A ce
stade surgit une autre procédure, celle relative à
l'exécution de décision. Il convient d'étudier ce
processus et les questions que soulèvent les arrêts des deux Cours
européenne et américaine ainsi que leur exécution.
Section 4ème : Des décisions des
Cours : Caractère et
portée.
Les décisions des Cours européenne et
interaméricaine dites arrêts sont régis par les mêmes
principes et ce, à quelque exception près.
L'arrêt de la Cour est motivé (art. 51 de la
Convention européenne et 66 de la Convention américaine). Lorsque
l'arrêt n'exprime pas en tout on en partie l'opinion unanime des juges,
chacun de ceux-ci aura le droit d'y joindre son opinion dissidente ou son
opinion individuelle.
Par ailleurs, l'arrêt de la Cour est définit.
(126(*))
Mais, il convient de rappeler que les arrêts de la Cour
européenne peuvent faire l'objet d'appel contrairement aux arrêts
des deux autres Cours.
A la vérité, l'élément qui attire
le plus notre attention en ce qui concerne les arrêts des Cours est leur
exécution. Rappelons que dans le monde des droits de l'homme,
l'efficacité de protection se mesure par ce respect de
l'exécution des arrêts des instances respectives de contrôle
de cesdits droits » (127(*))
Or, nous avons déploré le fait que
l'exécution des arrêts de la Cour africaine est volontaire bien
qu'il soit fait obligation à la Cour de faire rapport à la
Conférence sur tout cas où un Etat n'aura pas
exécuté les décisions de la Cour. Nulle part, le Protocole
ne mentionne comment la Cour peut contrôler l'exécution de ses
décisions ni quelles modalités sont prévues pour cette
exécution.
Dans les deux autres systèmes, la situation est la
même, c'est-à-dire que Les Etats parties s'engagent à
exécuter les décisions de la Cour, mais cette exécution
reste volontaire, et il n'existe pas de réels moyens de contraindre les
Etats à exécuter les décisions.
Il est donc difficile d'imaginer des procédures telles
que la contrainte par corps, la saisie-arrêt reconnue en droit national
pour contraindre les Etats à s'exécuter. Prenons donc un peu de
temps pour découvrir quelle procédure la Cour européenne
utilise pour assurer l'efficacité de l'exécution de ses
arrêts.
§1. Exécution des arrêts de la Cour
européenne
Comme pour la Cour africaine, la Convention européenne
a conféré le suivi d'exécution des arrêts de la Cour
européenne siégeant à Strasbourg au Comité des
ministres du Conseil de l'Europe composé des représentants
permanents des gouvernements et également des ministres des affaires
étrangères.
Le Comité des ministres se réunit deux fois par
an et ses pouvoirs lui donnent une panoplie de moyens assurant le respect de
l'exécution des arrêts de la Cour européenne par l'Etat
partie mis en cause.
Par exemple, à en croire Mr. SIDIKI KABA, l'on ignore
si l'exigence visée par l'article 31 du Protocole peut amener la
Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, l'organe suprême
de l'Union africaine, à exiger des Etats l'exécution des
arrêts de la Cour ou s'il s'agit toujours de faire pression sur la
réputation d'un Etat.
Pour ce doctrinaire, les Etats condamnés par la Cour
européenne à payer des indemnités se sont, jusqu'à
présent, acquittés de leur obligation. Cependant, vu la lenteur
avec laquelle ils s'exécutaient, la Cour a été
obligée à partir d'octobre 1991 de préciser dans ses
arrêts que l'indemnité devrait être versée dans les
trois mois. Depuis janvier 1996, en cas de non-exécution dans ce
délai, elle prévoit même le paiement
d'intérêts moratoires. (128(*))
Retenons que le pouvoir de surveillance des Comités
des Ministres selon l'article 54 est un pouvoir en même temps assez large
et restreint. Il surveille l'exécution des arrêts de la Cour,
mais il ne possède pas de sanctions explicites pour le cas où un
Etat refuse de suivre un arrêt. Le Comité peut pourtant constater
qu'il n'y fait pas encore exéctuin et définir de façon
plus ou moins concrète les mesures nécessaires à prendre
par l'Etat. La nouvelle pratique démontre dans ce sens quel est le vrai
objectif de l'article 54 qui prévoit la surveillance des arrêts de
la Cour par le Comité des ministres.
En général, c'est plutôt le contrôle
collectif politique qui amène les Etats à accepter les
arrêts et à modifier leur législation nationale. En vue des
résolutions du Comité des Ministres, les arrêts de la Cour,
en raison de leur poids juridique et moral, ne semblent pas poser de trop
grands problèmes d'exécution, d'une manière
générale, à l'exception des délais parfois
considérables surtout en Italie.
Il reste à noter que les Etats ont davantage recours
aussi à des mesures générales (législatives)
nécessaires pour réparer la violation concrète ainsi que
des violations futures, et que le Comité tend à surveiller
l'exécution des arrêts aussi dans ce sens.129(*)
§2. Exécution des arrêts de la Cour
interaméricaine
Au pied de l'article 65 de la Convention américaine
des droits de l'homme le suivi de l'exécution des arrêts de la
Cour interaméricaine est confiée à l'Assemblée
générale de l'organisation des Etats américains. La
procédure consiste en cas de non-exécution de l'arrêt de la
Cour par un des Etats de l'OEA partie mis en cause en ce que la Cour signale
cette situation dans son rapport annuel à l'Assemblée
générale de l'O.E.A. C'est donc à ce dernier organe
décisionnel et exécutif de l'O.E.A d'assurer le respect de
l'exécution des arrêts de la Cour interaméricaine par
l'Etat partie « RECALCITRANT ». 130(*)
Nous ne pouvons nous passer d'une critique sur les
procédures d'exécution des arrêts devant la Cour
européenne et celles devant la Cour interaméricaine. En fait, la
dernière affiche une importante pauvreté, et ce, malgré
que le refus d'exécution de l'arrêt pouvait faire l'objet d'une
« décision de non-exécution » adressé
par la Cour à l'Assemblée de l'O.E.A. cela est donc à
déplorer.
Il est vrai donc qu'au terme de cette étude
comparatives plusieurs similitudes se dégagent des trois systèmes
régionaux de contrôle des droits de l'homme. En outre, aussi
nombreuses que les ressemblances peuvent être dénombrées,
grandes, nous ne pouvons l'ignorer, sont également les dissemblances.
Nous essayerons dans la section suivante de tracer un tableau
comparatif reprenant les caractéristiques des trois Cours avec des
différences fondamentales aux fins de besoins de bonne didactique.
Section 4ème : Tableau de comparaison
à titre récapitulatif.
|
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES
|
COUR INTERAMERICAINE DES DROITS DE L'HOMME
|
COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME
|
JUGES
|
Personnalités, ressortissants des Etats parties au
Protocole, élus à titre personnel
|
Personnalités, ressortissants des Etats parties à
la Convention Interaméricaine des DH, Elus à titre personnel
|
Personnalités, ressortissants des Etats parties à
la Convention Européenne des droits de l'homme, élus à
titre personnel
|
COMPOSITION
|
11
|
07
|
Nombre égal à celui des Etats parties
|
QUORUM
|
7
|
5
|
9
|
ORGANE PROCEDANT A L'ELECTION
|
Election par la Conférence des chefs d'Etat et de
gouvernement de l'UA
|
Election par les Etats parties à la Convention lors de
l'AG de l'OEA
|
Election par l'assemblée parlementaire du Conseil de
l'Europe
|
MANDAT
|
Six ans renouvelables une fois
|
Six ans renouvelables une fois
|
Six ans renouvelables sans limitation
|
EMPLOIS DES JUGES
|
Permanent pour le Président / lors des sessions pour les
autres juges
|
Permanent pour le Président. Lors des sessions pour les
autres juges
|
Permanents pour tous les juges
|
COMPETENCES
|
Contentieuse et consultative
|
Juridictionnelle (Facultative et consultative)
|
Contentieuse et consultative
|
COMPETENCE Rationne Personnae (qui peut saisir la cour ?)
|
Compétence Obligatoire
- Commission Africaine DHDP
- Etats parties
- Les OI Africaines
Compétence Facultative
- Les individus et ONG ayant le statut d'observateur
auprès de la Commission africaine des droits de l'homme
|
Compétence obligatoire
Compétence Facultative
- Etats parties
- Commission Internationale des droits de l'homme
|
Compétence obligatoire
- Hautes parties contractantes
- Commission
- Individus, groupe des particuliers et ONG qui estiment
être victimes de violation d'un droit garanti par la Convention
européenne des droits de l'homme
Compétence Facultative
|
COMPETENCE (ratione materiae)
|
Compétence liée à l'interprétation et
à l'application de la Charte, du protocole et de tout autre instrument
relatif aux droits de l'homme
|
Compétence liée à l'application et à
l'interprétation de la Convention interaméricaine des droits de
l'homme
|
Questions concernant l'interprétation et l'application de
la Convention européenne des droits de l'homme et de ses protocoles.
|
CONDITIONS DE L'AUDIENCE
|
Publique, Huis clos : exceptionnel
|
Publique, Huis Clos : exceptionnel
|
Publiques sauf circonstances exceptionnelles
|
MODE D'EXAMEN DES AFFAIRES
|
Contradictoire
|
Contradictoire
|
Contradictoire
|
POSSIBILITE D'APPEL ?
|
Non, mais possibilité d'Interprétation ou de
révision dans certaines conditions
|
Non, mais demande d'interprétation possible
|
Renvoi devant la grande chambre
|
EXECUTION DES DECISIONS
|
Volontaire, (surveillance d'interprétation ou de
révision dans certaines conditions)
|
Volontaire
|
Volontaire, (surveillance comité des ministres)
|
ORGANE DE CONTROLE
|
Conseil des Ministres au non de la conférence
|
Assemblée générale des Etats de l'OEA
|
Comité des Ministre
|
97
CHAP.IV : DES LIMITES, OBSTACLES ET DEFIS DE LA
PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME EN
AFRIQUE
Telle que développée dans les lignes
précédentes, la protection des droits de l'homme en Afrique a
connu, au fil du temps, une certaine amélioration tant sur le plan
institutionnel que normatif. Plusieurs avancées ont pu être
constatées mais qui, malheureusement, peuvent occulter les faiblesses,
limites, obstacles et déficiences congénitales et
circonstancielles qu'accuse le système africain de protection et de
protection des droits de l'homme, au coeur duquel se retrouve la Cour
africaine.
Précisons aussi que ces limites sont de natures
diverses. Elles peuvent être soit juridiques et institutionnelles
(Section 1ère) soit factuelles ou politiques (Section
2ème).
Ces limites et obstacles, certes, sont majeurs. Cependant, la
Cour africaine ne devrait pas tenir ces limites pour frein diriment à la
réalisation de sa mission et devrait les accepter, les surpasser dans le
but de faire courageusement face aux nombreux défis auxquels elle est
confrontée (Section 3ème).
Section 1ère : Des limites Juridiques et/ou
institutionnelles à
la protection des droits de
l'homme en Afrique
D'après une certaine opinion assez répandue, il
est admis que la mise en oeuvre de la protection, au sens large incluant le
respect, le contrôle du respect et la répression des violations
est le point faible bien connu du droit international. Pour cette même
opinion, et à tout point de vue la nôtre aussi, cette mise en
oeuvre paraît encore plus difficile en droit international des droits de
l'homme car cette branche poursuit la protection de l'individu contre l'Etat,
rapport par nature inégalitaire au demeurant.
Il est avéré que la première
catégorie des limites juridiques ici, il s'agit de celles normatives et
celles institutionnelles peuvent être retrouvée dans les lacunes
de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (A), dans les
faiblesses de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (B).
Et enfin dans la volonté de l'U.A de fusionner la Cour africaine avec la
Cour de Justice africaine (C). Ces limites sont celles propres à tout le
système africain de protection et promotion des droits de l'homme, en
général.
§1. Les limites propres au système africain
A. Les lacunes de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples131(*)
L'une des particularités de la Charte et la
paradoxale, on le sait, c'est d'avoir consacré les devoirs de l'individu
aux côtés de ses droits. Cette singularité inhabituelle
suscite, chez les doctrinaires, un certain nombre d'interrogations et
d'inquiétudes.
En effet, l'on pourrait d'entrer de jeu, congrûment se
demander comment les rédacteurs de la Charte avaient pu concevoir
assurer la cohabitation et la compatibilité des concepts
vraisemblablement antinomiques. En d'autres mots, en consacrant les devoirs de
l'individu, les rédacteurs ne reprennent-ils pas d'une main ce qu'ils
donnent de l'autre à la personne humaine en Afrique ? Et comme le
dit si joliment Noël ILUNGA, les droits de l'individu ne risquent-ils pas
d'être sacrifiés sur l'autel des droits des peuples ?
Une autre particularité lacunaire de la Charte, et non
pas la moindre aussi, est l'absence en son sein d'une clause de
dérogation. En fait, à la différence de plusieurs autres
instruments juridiques internationaux des droits de l'homme, la Charte ne
prévoit pas une clause générale de dérogation qui
permet aux Etats, en cas de situation d'urgence nationale ou de circonstance
exceptionnelle, de suspendre momentanément l'application de certains
droits fondamentaux. Ainsi donc « la Charte africaine ne contient pas
de clause d'exception et n'autorise donc aucune dérogation aux droits
qu'elle énonce ».(132(*))
A dire vrai, bien que potentielle, cette lacune est
préjudiciable en ce sens qu'elle permet aux Etats africains d'invoquer
à tout moment cette situation d'urgence, sans qu'elle soit fondée
sur une base légale, pour justifier les restrictions et autres
violations des droits de l'homme.
Bien plus, quoique cette clause fasse objet de controverses,
l'on imagine que si elle aurait été prévue, certains
droits seraient protégés et partant, elle permettrait de savoir
les limites de la circonstance exceptionnelle ou celle de d'urgence
nationale.
Sous un autre registre, le principe de confidentialité
de la procédure de la Commission, tel que prévu par la Charte,
consacre la main mise de la conférence des chefs d'Etats et de
gouvernements sur le fonctionnement de la Commission. L'article 59 de la Charte
prévoit que toutes les mesures prises par la Commission concernant
l'examen de diverses communications resteront confidentielles jusqu'au moment
où la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements en
décidera autrement. Le rapport y relatif est publié par le
Président de la Commission sur décision de la conférence
des Chefs d'Etats et de gouvernement. Pareille disposition « tend
à garder la Commission hors de la portée du citoyen ordinaire et
à noyer l'importance de son rôle ». D'après
Bénoît S. Ngom, par cette disposition, la Charte reconnaît
aux chefs d'Etats et de gouvernements » la faculté d'enterrer
à jamais les résultats des investigations de la Commission des
droits de l'homme et des peuples ».
Il se pourrait qu'il soit vérifiable que les tares de
la Charte aient affecté même le mécanisme de sauvegarde
qu'elle a institué. Ainsi, plusieurs sont les faiblesses qu'affiche la
Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Elles
méritent dès lors que l'on s'y attarde.
B. Les faiblesses de la Commission africaine des droits de
l'homme et des peuples
La Commission africaine, au-delà de ses
mérites, est en proie à un certain nombre des faiblesses et
déficiences qui amenuisent son rendement. L'on peut indiquer, à
maints égards, la dépendance de la Commission à la
Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernements, les faiblesses de sa
compétence et de ses moyens d'action ainsi que les obstacles d'ordre
procédural et matériel.
En effet, il est juridiquement prouvée que, dans
l'accomplissement de sa mission, la Commission est tenue en état par la
Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernements, de l'Union africaine,
s'il faut considérer les pouvoirs exorbitants reconnus à cette
structure par la Charte.
Il en est ainsi en matière d'élection des
membres de la Commission, du caractère confidentiel des décisions
de la Commission, de son budget et, par-dessus-le-marché, de la suite
à réserver aux rapports de la Commission.
Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la
Conférence vient ainsi limiter les pouvoirs de la Commission.
Fonctionnant dans un environnement chargé d'une telle contrainte dont la
pesanteur est imprimée par la pression de la Conférence, la
Commission ne peut disposer que des pouvoirs limités, si non nuls, pour
sanctionner les violations des droits de l'homme perpétrées par
les Etats.
Principalement créée dans l'optique de
régler les conflits à l'amiable dans un souci dans un souci de
sauvegarde de la souveraineté de chaque Etat partie, la Commission peine
à condamner les Etats pour les violations des droits de l'homme,
même les plus avérées.(133(*))
Ceci est inquiétant dans la mesure où sa
compétence n'est que consultative. Il s'en suit qu'elle se contente de
formuler des recommandations dépourvues de toute force exécutoire
et, donc, sans effet sur les auteurs des violations des droits humains.
Et tout état de cause, l'inefficacité de la
Commission s'explique par la faiblesse du cadre institutionnel et
décisionnel qui caractérise le droit international africain dans
son ensemble.
Une autre faiblesse de la Commission est à relever sur
le plan de la procédure. Il convient d'affirmer que
l'intérêt porté pour l'examen des communications par la
Commission est relatif. En fait, le délai d'examen des communications
est très variable, souvent trop long, entre deux (2) et huit (8) ans.
Les Commissaires tentent toujours de privilégier les règlements
à l'amiable au détriment de l'efficacité judiciaire,
malgré l'urgence des cas qui leur sont présentés. Les
délais sont aussi prolongés par le laps de temps accordé
entre la réception de la Communication et la décision
d'admissibilité, la jonction des communications portant sur un
même pays, l'absence de priorité dans l'examen des communication
et la décision d'admissibilité, la jonction des communications
portant sur un même pas, l'absence de priorité dans l'examen des
communications, une procédure imprécise, des sessions
écourtées, des retards dans l'exécution des missions
d'information et la finalisation des rapports.
Plus encore, aux problèmes de procédure
s'ajoutent, de l'aveu même de la Commission, le manque de ressources
humaines, financières et matérielles, du fait d'un budget
inadéquat. La Commission éprouve d'énormes
difficultés pour mettre en place des missions d'enquêtes et de
remplir efficacement plusieurs autres tâches. Elle est, en outre,
paralysée par le manque du personnel à son secrétariat.
Plus loin, en parlant du statut des juges de la Cour
africaine, nous avions évoqué la question des
incompatibilités en précisant que la fonction de juge ne peut
être tenue concurremment avec une autre dans le but d'assurer
l'indépendance de la fonction. A l'opposé, la Commission n'est
pas dotée en son sein, d'une ou des clauses d'incompatibilités
des fonctions à l'encontre de ses membres. Certains auteurs dont
Ouguergouz, ont tenté de trouver une justification pratique à ce
silence de la Charte. Pour lui, à vrai dire, prévoir une
incompatibilité aurait considérablement réduit le champ de
recrutement des candidats dans les pays supposés pauvres en cadres.
A tout point de vue, cet état de chose incite un
pessimisme au sujet de la crédibilité des commissaires ainsi que
de leur indépendance à l'égard de leurs pays d'origine.
Plus loin encore, il nous semple aussi que le travail de la
Commission dans la protection des droits de la Charte manque de réelle
visibilité. Les bulletins et revues de la Commission dans lesquels sont
répertoriés les résolutions, déclarations et
décisions, paraissent très irrégulièrement et sont
peu diffusés.
Quant au site Internet de la Commission, il est rarement mis
à jour. Et les rapports des différentes missions sont peu rendus
publics ou le sont que tardivement.
Bien plus, la Commission est inconnue du plus de la
moitié de gens qu'elle est censée servir, et même ceux qui
la connaissent l'approchent avec scepticisme, certainement à cause de la
nature discrète de son travail. Ce déficit de communication n'est
pas de nature à permettre à la Commission de remplir efficacement
sa mission.
Enfin, ces faiblesses et déficiences dans
l'accomplissement du mandat de la Commission s'expliquent par une absence de
capacité et de volonté à remplir pleinement son
rôle. Il se comprend donc sans peine que même si les
décisions de la Commission concernant les communications sont
intéressantes et progressistes en matière de protection des
droits de l'homme, leurs effets sont nuls car en générale, les
décisions de la Commission sont inappliquées par les Etats
condamnés, notamment par manque de volonté politique. Ni la
Charte, ni la Commission ne prévoit les moyens de recours assortis des
garanties effectives, moins encore des mécanismes chargés
d'encourager des Etats à appliquer des décisions rendues par la
Commission et contrôler le suivi.
En définitive, c'est pour pallier la plupart de ces
faiblesses, et de tant d'autres que l'idée de la création d'une
Cour africaine des droits de l'homme a été relancé et
concrétisée. Malheureusement, comme il fallait s'y attendre s'y
attendre, et avant même qu'elle n'ait eu l'occasion de connaître de
sa première affaire, les voix se sont levées pour évoquer
certaines limites et obstacles à son efficacité. Il en est ainsi
donc de sa fusion avec la Cour de Justice de l'Union Africaine.
C. La fusion de la Cour africaine avec la Cour de
Justice
de l'Union
Nous l'avions dit un peu plus haut, la Cour africaine n'est
pas la seule instance juridictionnelle régionale africaine.
En effet, une Cour de Justice (CJ) a été
prévue à l'article 5 de l'Acte Constitutif de l'U.A. en tant que
« organe judiciaire principal de l'Union ». En parlant de
cette Cour, nous avions souligné que le mandat et le fonctionnement de
cette Cour de Justice sont régis par le Protocole adopté le 11
juillet 2003 par les Chefs d'Etat et de gouvernement.
Ensuite pour ce qui concerne sa compétence. Cette Cour
de Justice règle les différends relatifs à
l'interprétation et à l'application de l'Acte Constitutif de
l'Union africaine, des traités de l'U.A et des décisions prises
par les organes de l'U.A.
Un peu plus loin dans l'analyse de la C.J, nous avions dit
que certaines dispositions de l'Acte Constitutif font explicitement
référence aux droits de l'homme, notamment son article 3.h qui
attribue entre autre comme objectif aux Etats membres de l'U.A. « la
promotion et la protection des droits de l'homme et des peuples et des autres
instruments pertinents relatifs aux droits de l'homme ». Egalement,
la Cour de Justice pourrait sur ce fondement être appelée à
statuer sur l'inapplication de cet objectif par un Etat membre. Il est vrai que
cette dualité de juridiction peut poser des difficultés,
notamment des interprétations et jugements différents sur un
même point de droit. Ce qui créerait des confusions et
entretiendrait certains flous juridiques. De ces constatations, est alors
née l'idée de fusionner les deux cours. De même, des
juristes ont appuyé cette position lors des réunions
préparatoires au Protocole de la CJ en avril et juin 2003, en discutant
de l'article 56(2) sur les chambres spéciales. En fin de compte, le
Conseil exécutif de l'U.A a décidé de conserver deux cours
distinctes compte tenu de leurs mandats particuliers.
Par ailleurs, malgré cet arbitrage, les Chefs d'Etat et
de gouvernement de l'UA ont pris, en juillet 2004, la décision de
« fusionner la Cour africaine et la Cour de Justice en une seule
Cour »
Ceci n'a pas été à l'abri des critiques
jadis formulées à l'encontre de la situation de la dualité
de Cours. L'on peut estimer que si l'on admet d'une part que la décision
de fusion peut être expliquée pour des motifs de simplicité
institutionnelle et de restrictions financières, l'on considère
d'autre part qu'elle est préjudiciable non seulement à la mise en
place effective de la Cour africaine mais aussi aux intérêts des
victimes.
En effet, rien qu'à ne regarder les structures
prévues pour l'organisation et le fonctionnement de la Cour africaine,
pour se convaincre qu'elles répondent à la
« compétence et expérience juridique, judiciaire ou
académique reconnue dans le domaine des Droits de l'homme et des
Peuples ».
Une autre illustration est tirée de la
possibilité que la Cour donne aux individus et aux ONG ayant le statut
d'observateur auprès de la Commission africaine de contester directement
devant elle la violation des droits de l'homme par un Etat sans omettre la
place importante que la Cour réserve à la participation,
protection, représentation et réparation des victimes. Retenons
à cette occasion que toutes ces dispositions ne sont pourtant pas
prévues dans le Protocole sur la Cour de Justice.
Alors, une fusion pure et simple ne supposerait-elle donc pas
la rédaction d'un nouveau texte (Protocole) pour cette nouvelle
juridiction de fusion? Nous répondrons sans fausse modestie, par
l'affirmative en renchérissant qu'au-delà d'un nouveau Protocole
il irait sans dire qu'on devrait faire appel à un nouvel engagement des
Etats africains à se soumettre à la nouvelle juridiction. Or, il
nous semble que ces derniers ne sont pas toujours pas d'humeur à
céder une portion de leur souveraineté, fût-ce-t-elle
minime. De toute évidence, il sied de relever aussi que la fusion
pourrait également retarder la mise en place de la Cour africaine
puisque la Cour de Justice n'a pas toujours obtenu le nombre de ratifications
suffisantes à son fonctionnement réel.
Somme toute, nous nous rangeons du côté de
l'opinion de la FIDH qui considère que la particularité des
droits de l'homme exige que toutes les affaires fondées sur leur
violation doivent rester de la compétence première de la Cour
africaine, spécialement habilitée à les trancher. Si la
décision de fusion administrative peut se comprendre pour le
siège des deux cours, la Cour africaine doit rester une instance
juridictionnelle à part entière, indépendante de la Cour
de Justice, aux attributions spécifiques.(134(*))
En définitive, cette fusion, obstacle à
l'efficacité de la Cour africaine vient se greffer aux insuffisances
réelles ou, supposées, objet de critiques formulées
à l'endroit de la Cour africaine.
§2. Les déficiences structurelles de la Cour
africaine des
droits de l'homme et des peuples
« Les droits de l'homme civils et politiques, et
plus encore économique, sociaux et culturels sont conditionnés,
dans chaque pays, par les rapports de forces dans le monde. Certes, l'individu
y est de moins en moins en exil, en raison de la reconnaissance progressive des
instruments internationaux protecteurs de droits de
l'homme ».(135(*)) en l'occurrence, in specie, la Cour africaine.
Or la grande interrogation, au sujet de cette
dernière, reste celle de savoir si elle porte en elle la masse critique
d'un mécanisme qui puisse assurer, de manière réellement
efficace, la mise en oeuvre de la protection des droits de l'homme à
l'échelle continentale.
S'il est vrai qu'il convient de se garder d'y réserver
une réponse hâtive, il est aussi avéré que la Cour,
dans sa configuration actuelle, n'est pas exempte de critiques. Ces
dernières se conçoivent en termes de déficiences ou
insuffisances liées à la structure de la Cour ou à
certains de ses éléments.
Il s'agit en premier lieu de déficiences liées
à la composition de la Cour.
A. De la composition de la Cour
Le Protocole relatif à la création de la Cour a
retenu que le droit de présenter les conditions juge est
réservé aux seuls Etats parties au Protocole alors les juges sont
élus par la Conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement de
l'Union africaine, dans son ensemble.
Conséquemment, les Chefs d'Etats et de gouvernement des
Etats tiers au Protocole participent à l'élection des juges d'une
Cour dont il n'ont pas ratifié le traité créateur,
c'est-à-dire, une Cour dont ils n'ont pas voulu l'existence et dont la
juridiction ne leur sera pas opposable. Inversément, comment
digérer le refus opposé aux Etats non parties au Protocole de
à pouvoir présenter des candidats alors que leurs dirigeants
participent à l'élection des juges ? (136(*))
Nous estimons que, dans ces conditions, l'article 12 du
Protocole ferme la porte à d'autres compétences africaines
ressortissant des Etats non parties au Protocole. A quelque point d'opinion,
cette observation peut manquer de pertinence dans la mesure où les 11
premiers juges de la Cour ont déjà été élus.
Néanmoins, elle a le mérite de poser le problème, pour une
perspective futuriste.
Ensuite des inquiétudes surgissent sur des
compétences que la Cour exercent concurremment avec la Commission.
B. Une compétence concurrente entre la Cour et
la Commission
Dans le cadre du mécanisme tel que
prévu par la Charte et complété par le Protocole, le
problème qui risque de surgir en matière consultative est
l'attribution concurrente de cette compétence à la Commission et
à la Cour. Les deux organes pourraient, en exerçant cette
compétence, aboutir à des interprétations contradictoires.
Mais comme la Cour est censée compléter la Commission et que la
compétence de cette dernière est essentiellement consultative, il
eut fallu, nous semble-t-il, la lui laisser. Ce faisant, la Cour ne garderait
pour elle que la fonction contentieuse.
En cette dernière, nous l'avions vu, contrairement aux
Etats, et à la Commission ainsi qu'aux organisations
intergouvernementales, les individus et ONG ayant le statut d'observateur
auprès de la Commission en peuvent pas saisir directement la Cour en se
fondant sur une violation imputable à l'Etat sans que ce dernier ne se
soit engagé au terme d'une clause facultative acceptant la
compétence de la Cour pour recevoir de telles requêtes. Une autre
déficience qui trouve son origine dans cette clause facultative
mérite une attention soutenue.
C. Une limite qui se fonde sur la clause facultative
d'acceptation de la compétence de la Cour
En matière contentieuse, nous considérons que
la clause facultative que les Etats concernés en cas d'un recours
individuel doivent faire, est de nature à paralyser l'exercice de ce
droit reconnu aux individus. En effet, pour la recevabilité d'une
requête individuelle ou celle émanant d'une ONG dotée du
statut d'observateur, il faut, préalablement, que l'Etat mis en cause
fasse une déclaration par laquelle il reconnaît à la Cour
cette compétence.
Il est impensable d'imaginer, à juste titre, que les
Etats devraient se livrer, avec faste et enthousiasme, à cette
formalité de procédure.
Et pour en avoir le coeur net, à ce jour, seuls le
Burkina Faso,le Mali, la Gambie et le Sénégal l'ont fait. Outre
la clause facultative, plusieurs autres conditions
« drastiques » imposées aux requêtes
individuelles et des ONG par l'article 56 de la Charte allongent la liste des
incohérences qui pourraient relativiser les résultats
escomptés.
D. L'Insuffisance fondée sur
l'exécution volontaire des arrêts de la Cour
Cette insuffisance est rangée parmi les
déficiences les plus criantes dont souffre la Cour africaine. En effet,
nous ne le dirons jamais assez, l'effectivité de la mission d'une
juridiction s'apprécie à travers le respect et la mise en
exécution de ses décisions.
Or, malgré les vertus charismatiques des dispositions
des articles 29 et 30 du Protocole, aux termes desquels les Etats parties
s'engagent à exécuter les arrêts rendus par la Cour et que
le suivi de l'exécution de ceux-ci revient au Conseil des Ministres, et
après analyse combinée des dispositions de deux articles
précités, il ressort que l'exécution des arrêts de
la Cour est essentiellement volontaire. Il est pourtant vrai que la Cour
adresse à la Conférence des Chefs d'Etats et de gouvernements un
rapport annuel de ses activités, dans lequel rapport elle mentionne,
à l'instar des deux autres Cours régionales, les cas
d'inexécution de ses décisions. Mais que faire, quelle contrainte
exercée à l'endroit d'un Etat «
Récalcitrant » qui refuse de s'exécuter ? A cette
question, les tenants de la théorie volontariste semblent prendre le
dessus lorsqu'ils affirment sans peur d'être contredits que la
société internationale et le droit international sont des
donnés substantiellement relevant du consentement du
« sujet-majeur par excellence » du droit des gens à
savoir les Etats. Cet état de chose est considéré comme un
effet logique de la bribe de phrase tirée du célèbre
arrêt rendu dans l'affaire du Lotus selon laquelle les Etats
« étant les seuls maîtres des normes dont ils sont
auteurs, ils en apprécient eux-mêmes la signification et la
portée. Ils sont ainsi les interprètes des obligations auxquelles
eux-mêmes comme les autres partenaires et les autres sujets se sont
soumis ».
Or, pour une certaine catégorie des droits de l'homme,
particulièrement les droits civils et politiques faisant partie du jus
cogens, le Protocole aurait dû prévoir un mécanisme
sanctionnateur à l'encontre des Etats qui ne respecteraient pas
l'engagement prévu à l'article 30. S'il en allait autrement, les
arrêts de la Cour courent le risque d'être de simples constatation
ou des purs voeux pieux.
Bien aussi, l'on ne saurait concevoir une justice juste sans
voies de recours.
E. Le silence du Protocole sur la question des voies de
recours
Il est à déplorer le silence que le Protocole
instituant la Cour a affiché au sujet de la question des voies de
recours.
Au vrai, la justice humaine n'étant pas à l'abri
de certaines erreurs, l'indépendance des juges étant
déjà sujette à caution, et face à tous les
aléas dont nous avions parlé haut et que nous évoquerons
un peu plus bas, lesquels aléas entourent la problématique de la
protection des droits de l'homme en Afrique, il aurait été
prudent de prévoir une soupape de sûreté en
prévoyant un second degré au sein de cette instance.
Ni les besoins de la célérité, ni
l'insuffisance des moyens financiers moins encore, ni les impératifs
d'une bonne administration de la justice ne peuvent être invoqués
pour justifier l'absence des voies de recours, garantie d'une justice efficace.
(137(*)) Nous pensons
que l'exemple de la Cour européenne en cette matière est
très édifiante.
Il est vrai que la Cour africaine, à l'article 28 (3)
du Protocole peut réviser son arrêt en cas de survenance des
preuves dont elle n'avait pas connaissance au moment de sa décision.
Toutefois, comme l'on peut s'en rendre compte, cette exception n'est pas,
à proprement parler, une voie de recours.
Et en l'absence de toutes ces insuffisances, le manque de
ressources financières reste une déficience de taille pour les
institutions africaines en général et pour la Cour africaine en
particulier.
F. L'absence ou le manque de ressources
financières
adéquates.
Il faut dire que le manque des moyens financiers demeure,
à tout jamais, le droit commun et la boîte de Pandore de toutes
les institutions internationales africaines. Concernant particulièrement
la Cour, son budget, les émoluments et les indemnités des juges,
y compris les dépenses du Greffe sont fixés et pris en charge par
l'Union africaine.
Il est donc clair que cette disposition livre l'organisation,
le fonctionnement ainsi que le rendement de la Cour en pâturage aux
éternels aléas financiers de l'Union africaine.
Nous estimons qu'il faudrait que la Cour ait un budget
autonome qui sera supporté principalement par les Etats parties au
Protocole. Ceci pourrait éviter à la Cour le naufrage
annoncé par les afro-pessimistes.(138(*))
Pour avoir milité en faveur de la création de la
Cour et accepté sa juridiction, les Etats parties au Protocole visent,
c'est le cas de le dire, l'effectivité de cette instance judiciaire.
Ainsi, l'intérêt qu'ils portent pour la Cour devrait les inciter
à lui doter d'un budget conséquent pour lui permettre de
fonctionner effectivement, efficacement et de façon autonome.
Les limites à l'effectivité de la protection
des droits de l'homme en Afrique ne concernent pas que les instruments
juridiques et leurs mécanismes de sauvegarde et de mise en oeuvre.
Nous les avions qualifiés de limites juridiques et
institutionnelles. A celles-ci s'ajoutent d'autres, plus
générales, liées à la fois à la situation
interne des Etats africains et à l'environnement international inter
africain. Ce sont celles qui reçoivent la dénomination de
« politiques et conjoncturelles ».
Section 2ème : Des limites
politiques et conjoncturelles à l'efficacité de la protection
des droits de l'homme en Afrique
Les limites juridiques ou juridictionnelles ont sans nul
doute aussi une incidence majeure sur l'action de la Cour. Il s'agit tout
d'abord du manque de volonté politique affiché par les Etats
africains.
§1. Le manque de volonté politique des Etats
africains
réfractaires à la question des
droits de l'homme
Les Etats africains, d'une manière
générale, accusent sur moult plans un dysfonctionnement
relativement inquiétant. En plus, les relations internationales
africaines ne sont pas toujours harmonieuses. De cet état des choses
découlent plusieurs autres obstacles au rayonnement de la protection des
droits humains en Afrique.
Comme premier élément, il s'agit bel et bien de
la nature des régimes politiques des pays africains. En effet, cette
dernière dans la plupart des pays d'Afrique, elle-même tributaire
des modes d'accession au pouvoir, est une entrave à la protection et la
promotion des droits de l'homme sur le plan continental. Il est vain et
malaisé, en effet, d'imaginer que les Etats à régimes
autoritaires caractérisés par un déficit
démocratique et par des violations régulières des droits
de l'homme seront enclins à oeuvrer en faveur de la protection de ces
mêmes droits au niveau africain, par exemple, en souscrivant à la
clause facultative, en s'acquittant régulièrement des
contributions financières, en adoptant les mesures législatives
internes exigées par les instruments internationaux des droits de
l'homme et, par-dessus tout, en exécutant de bonne foi les
recommandations, les décisions et les arrêts des instances
judiciaires africaines.
A cela s'ajoute bien aussi la conception
« africaniste » de souveraineté qui, il convient de
le dire, est souvent éronnée.
§2. « Une fameuse conception de
souveraineté » en
Afrique
A l'autre côté de l'absence de volonté
politique, apparaît la notion de souveraineté. Conjointement avec
le manque le volonté politique, les ambitions démesurées
des certains dirigeants, la souveraineté servira toujours « de
prétexte à certains régimes particulièrement
réfractaires à la question des droits de l'homme pour rejeter
toute idée de mise en oeuvre d'un mécanisme régional
africain de protection des droits de l'homme. A ce sujet, l'appartenance des
droits de l'homme au jus cogens, le droit de l'Union à intervenir dans
les Etats membres, la primauté du droit international sur le droit
interne deviennent illusoires face à l'alibi de
souveraineté ». (139(*))
L'usage abusif de la notion de souveraineté au plan
interne influe sur l'extérieur. En effet, il engendre les
rivalités, des conflits de leadership et ainsi donc le caractère
conflictuel dont les relations entre Etats sont revêtues peuvent,
logiquement, avoir des répercussions sur les mécanismes de
protection des droits de l'homme. Le Professeur Ntumba Luaba prédisait,
en commentant la Charte en 1982, au fait bien avant son entrée en
vigueur, que le droit de recours ouvert aux Etats sera rarement utilisé
car d'une part, les liens d'amitié et d'intérêt unissant
certains Etats pourraient en constituer une entrave, d'autre part,
l'inimitié existant entre deux Etats pourrait faire croire à de
la propagande hostile. Les agressions et les luttes que les Etats africains se
livrent entre eux ne présagent pas une volonté de s'unir pour une
protection efficace des droits de l'homme en Afrique.
En définitive, si donc le nombre des limites à
l'effectivité des droits de l'homme en Afrique est important, leur
nature fait penser incontestablement à l'ampleur des défis
à relever et à des éventuelles suggestions à
formuler pour un contrôle des droits de l'homme plus efficace par la
Cour.
Section 3ème : Les défis de la
protection des droits de
l'homme en Afrique par la
Cour africaine
Le système africain de protection et de promotion des
droits de l'homme repose essentiellement sur la Charte africaine et son
mécanisme trinitaire reposant sur la Commission, la Conférence et
la Cour soit les trois C. Cette dernière, organe judiciaire, est
responsable au premier chef de l'application, du contrôle de
l'application et de la répression des violations portées en
l'encontre des instruments juridiques des droits de l'homme ratifiés par
les Etats africains.
Après l'entrée en vigueur du Protocole
créant la Cour et l'élection de ses premiers juges, le seul vrai
défi auquel elle doit faire face est celui de l'effectivité comme
d'ailleurs se présente la problématique de ce travail.
Ce défi est à observer à deux points de
vue. Tout d'abord aux niveaux des africains eux-mêmes et ensuite sur le
plan continental.
§1. Au niveau des africains
L'effectivité implique, à titre principal, la
connaissance de la Cour, de son droit et des droits qu'elle garantit, par les
africains.
L'effectivité se conçoit aussi dans la mise en
oeuvre de la protection des droits de l'homme efficace au niveau national ainsi
que l'indépendance effective des juges, les moyens financiers et humains
adéquats et, enfin, la volonté politique. Il se comprend donc
sans peine que les droits de la personne humaine n'ont aucun sens s'ils ne sont
pas connus des personnes qui en sont les bénéficiaires. Il est
important qu'ils soient enseignés et que leur dissémination soit
la plus large possible.
Par ailleurs, la Cour devra, pour sa
crédibilité, gagner la bataille de sa visibilité,
c'est-à-dire, communiquer à son propre sujet. Il s'agit en effet
pour elle de se faire connaître au public, les sources de droit qu'elle
applique et les différents droits dont elle assure la protection. La
Cour devra, en plus, publier régulièrement les bulletins de ses
arrêts et décisions et mettre à jour son site internet.
C'est donc à ces conditions et à celles-ci
seulement qu'elle sera connue du grand public, qu'elle pourra participer
à la dissémination des droits et susciter l'enthousiasme des
peuples africains et des organisations de la société civile.
§2. A l'échelle nationale et continentale
La protection des droits de l'homme à l'échelle
continentale ne peut aboutir que si, à la base, c'est-à-dire au
niveau national de chaque Etat, il y a une véritable culture de
protection des droits de l'homme. La protection des droits humains au niveau
continental doit être subsidiaire à la protection nationale et non
l'inverse. Les principaux efforts sont à fournir d'abord au niveau
national. Il faut, à cet effet, renforcer les capacités des
structures et institutions nationales de protection des droits de l'homme,
instaurer les régimes démocratiques et l'Etat de droit dans les
différents Etats. Ce faisant, le recours aux instances judiciaires
africaines ne sera pas considéré comme une activité
subversive mais plutôt comme l'exercice d'un droit normal dans un
contexte démocratique. L'Etat mis en cause sera plus ou moins
disposé à exécuter toutes les obligations de la Charte, y
compris même en cas de condamnation.
Nous ne saurons terminer cette section relative aux défis
sans reparler du pied d'Achille des défis de protection des droits de
l'homme en Afrique à savoir la volonté politique.
§3. La nécessité d'une volonté
politique plus positive
Cette nécessité constitue, à notre avis,
le dernier défi qu'il faudra relever pour que la Cour africaine ne
subisse pas le sort de la Commission.
A la pure vérité, les progrès d'une
entreprise unitaire continentale dépendent, dans une large mesure, de
la volonté politique des Etats membres à respecter leurs
engagements et à respecter rigoureusement les décisions prises
ensemble. En effet, cette condition est fondamentale pour l'effectivité
et efficacité de la Cour Africaine des Droits de l'homme et des
Peuples.
S'il est généralement admis qu'il n'existe aucun
instrument pour mesurer la température de la volonté politique
des Etats, un fait reste pourtant vrai : c'est grâce à la
volonté politique que les trois quarts des Etats africains
réticents pourraient ratifier on adhérer au Protocole et, le cas
échéant, souscrire à la clause facultative sur base des
articles 5, alinéa 3 et 34, alinéa 6 du Protocole. Les Etats
peuvent aussi rendre la Cour efficace et viable en exécutant
volontairement leurs obligations financières, en lui dotant des moyens
matériels et humains adéquats. Mais déjà la prise
de conscience qu'il faut doter le continent d'un mécanisme judiciaire
efficace dénote et augure déjà d'une certaine
volonté politique. L'entrée en vigueur du Protocole, la naissance
officielle de la Cour, l'élection de ses premiers juges (Dr Fatsah
Ouguergouz (Algérie), Jean Emile Somda (Burkina Faso), Dr Gérad
Niyungeko (Burundi), Sophia A.B. Akuffo (Ghana), Kellelo Justina Masafo-Guni
(Lesotho), Hamdi Faraj Fanoush (Libye), Midibo Tounty Guindo (Mali), Jean
Mutsinzi (Rwanda), El Hadji Guissé (Sénégal), Bernard
Ngoepe( Afrique du Sud) et Geroge W. Kanyeihamba (Ouganda). J(140(*)) la tenue de la
première réunion le 02 juillet à Banjul en Gambie
(141(*)) peuvent
être cités à la faveur de cette prise de conscience.
Pour finir, les Etats africains devront donc cultiver
davantage cette volonté politique, en commençant par ratifier le
Protocole et souscrire (à) la clause facultative afin de favoriser
l'émergence d'une justice panafricaine viable.
CONCLUSION GENERALE
Le contrôle juridictionnel des droits de l'homme en
Afrique est un problème assez délicat et fait l'objet de vives
critiques. Cette mission qui a été assignée à la
Cour africaine des droits de l'homme et des peuples fait l'objet de plusieurs
interrogations. La principale de toutes est celle de son effectivité.
Celle-ci a engendré plusieurs autres. La
première est celle de l'exécution réelle des arrêts
de la Cour par les Etats qui se sont engagés au terme du Protocole. La
deuxième est celle de l'accès direct des individus (ou le jus
standi) à la Cour au regard de la procédure devant elle ainsi que
du formalisme que prévoit la Protocole portant son institution.
En effet, nous avons démontré que la structure
de la Cour est particulière. L'accès des individus à la
Cour est soumis tout d'abord à la déclaration par l'Etat de
l'acceptation de la compétence de la Cour pour recevoir des
requêtes individuelles.
Vient ensuite l'interrogation liée à
l'indépendance budgétaire réelle de la Cour.
Plus loin, il s'agit de savoir si, au regard de
l'expérience de la Commission africaine qui est et demeure un organe non
juridictionnel, la Cour, organe juridictionnel, saura assurer la protection des
droits de l'homme en Afrique et rendre effective l'exécution de ses
arrêts.
Nous avons montré qu'en Afrique, les droits de l'homme
ont été bafoués et violés systématiquement
et continuent à l'être jusqu'à présent. La
dignité, l'honneur de la personne humaine ont connu une transgression
sans pareil à travers la colonisation imposée aux africains par
les pays occidentaux. Peu après les indépendances, le tour des
régimes dictatoriaux est venu ; plus d'un individu ont subi torture
et discrimination. Plusieurs encore ont été privés du
droit à l'éducation, à la santé et, dans des
régimes autoritaires et militaires leur droit à un procès
équitable n'a pas connu bel accueil.
Face à ce constat, la Communauté Internationale
africaine s'est soulevée pour manifester son indignation. Dans ce cadre,
une avalanche des textes consécrateurs des droits fondamentaux y compris
la Charte africaine, à titre principal, ont été
adoptés par l'Union Africaine et auxquels les Etats se sont
engagés.
Et pour rendre plus efficace cette consécration des
droits et cet engagement des Etats plus rigoureux, l'Union Africaine a, au
terme de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, prévu
un organe de surveillance et de contrôle, la Commission africaine,
chargée de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer
leur protection en Afrique.
Mais il s'est avéré que la mission de cette
Commission africaine et les résultats escomptés se sont
révélés par la suite, mitigés. En fait, on a
reproché à ses décisions leur caractère
non-contraignant à l'endroit des Etats auteurs des violations des droits
humains. A côté de ce premier reproche, il lui est imputé
plusieurs autres déficiences liées par exemple au délai
d'examen des requêtes, à la mobilisation des ressources
nécessaires indispensables à l'accomplissement de sa mission et
à sa tendance à vouloir toujours privilégier un
règlement à l'amiable au détriment de l'efficacité
des voies judiciaires.
Bien plus, il a été établi que la
Commission africaine fut incapable d'assurer son double travail : à
savoir promouvoir et protéger les droits de l'homme en Afrique. Si l'on
admet d'une part que brillant fut son acharnement quant à la
reconnaissance des droits de l'homme et donc à leur promotion, d'autre
part il urgeait de mettre en place un organe de contrôle de nature
juridictionnelle pour la protection réelle de ces dits droits.
Voilà comment, l'idée de la création
d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, après avoir
fait l'objet des débats bien avant c'est-à-dire contemporainement
à l'époque de la naissance de la Commission, réapparut et
fut concrétisée.
Sa mission a été bien précisée
à savoir compléter les fonctions de la Commission soit assurer la
protection des droits de l'homme en Afrique, par un contrôle, cette
fois-ci juridictionnel.
Après l'entrée en vigueur du Protocole portant
sa création le dimanche 20 janvier 2004, nous nous sommes
interrogés sur les possibilités pour la Cour d'assumer
réellement sa mission.
La plus importante de ces interrogations, et la plus
essentielle de toutes d'ailleurs, est celle qui porte sur la question de savoir
les obstacles qui pourraient bâillonner l'action véritable de la
Cour.
En réponse à cette interrogation, il a
été observé que moult obstacles se dressent devant la
Cour. Ils sont tout d'abord identifiables dans le système africain de
promotion et de protection des droits de l'homme en général et
qualifiés de juridiques et/ou institutionnelles (Insuffisances de la
Charte africaine, faiblesses de la Commission, tentative de fusion des Cours de
Justice de l'Union et africaine). Ensuite, ils sont à retrouver dans les
déficits et inaptitudes que la Cour accuse. C'est notamment ce manque
identifié dans plusieurs systèmes de contrôle
juridictionnel international. En effet, au regard de l'appel lancé aux
Etats de se conformer aux décisions rendues par la Cour dans tout litige
où ils sont en cause et de s'engager à en assurer
l'exécution, il ressort que, au pied de l'article 30 du Protocole,
l'exécution reste et demeure volontaire. Cependant, connaissant bien le
caractère de « mauvais élèves » de
plusieurs dirigeants africains au regard du manque de volonté politique
qu'ils affichent, des doutes sérieux subsistent encore au sujet de
l'effet réel ou mieux de l'effectivité des arrêts de la
Cour, et du souci de les voir souscrire à la clause facultative de
l'art. 34 (6) du Protocole. A cette effectivité de l'exécution
volontaire des arrêts de la Cour s'ajoute la problématique de
l'indépendance des membres de la Cour et de son autonomie
financière. Cette dernière doit être comprise en termes
d'efficacité et de suffisance. Ceci rencontre encore la volonté
politique recherchée dans le chef des dirigeants d'Etats africains et
plus concrètement dans leur engagement à apporter
régulièrement leurs contributions financières sans
lesquelles le travail de la Cour serait voué à l'échec.
De la présente étude, nous avons
dégagé que l'une de grandes questions sur lesquelles la Cour
Africaine devra s'étendre, devra être précisément
celle de l'accès à la justice au niveau international, à
sa hauteur donc, par la mise en oeuvre du droit de recours individuel tel que
posé par l'article 5 (3) du Protocole. A nos yeux, ce droit de recours
individuel le jus standi-véritable pierre angulaire de la protection
internationale des droits de l'homme- est si important que toute
démarche visant à l'affaiblir menacerait le fonctionnement et
partant, l'effectivité, de l'ensemble du système africain de
protection des droits de la personne. Nous disons même plus, cette
disposition relative au « jus standi » constitue le
principal pilier du mécanisme qui permet à l'individu de
s'émanciper à l'égard de son propre Etat.
Au jour d'aujourd'hui, il nous est difficile
d'apprécier, à leur juste valeur, les actions de la Cour car elle
n'a pas encore eu l'occasion de recevoir, pour examen, une quelconque affaire.
Nous ne pourrons donc pas savoir concrètement si les questions
soulevées avec acuité seront posées, durant
l'accomplissement de sa mission, avec une aussi grande ferveur.
Eu égard à cela, nous estimons que c'est de
bonne logique que des recherches ultérieures pourront se pencher
à cette besogne et partant, apprécier le travail de la Cour au
regard de la mission lui assignée et ce, face aux critiques que nous
adressons aujourd'hui et aux diverses interrogations qui animent
présentement nos esprits. Le champ est donc ouvert aux recherches
ultérieures sur notamment les mécanismes que la Cour mettra en
oeuvre pour assurer, de manière efficiente, l'exécution de ses
arrêts.
Au demeurant, malgré les limites et les faiblesses de
la Cour africaine aujourd'hui, nous affirmons qu'elle a le potentiel de se
développer comme un instrument important de protection des droits de
l'homme. Toutefois, cette évolution nécessite des gages quant
à l'indépendance et la volonté ferme des juges pour
s'affirmer sur le plan du droit contre des Etats souvent réticents
à ces mécanismes supranationaux. En définitive, il est
également urgent que la Cour africaine se dote d'un Règlement
Intérieur susceptible de combler les lacunes du Protocole portant
création de la Cour Africaine. Un travail de promotion et de
sensibilisation de la part de tous les défenseurs des droits de l'homme
est nécessaire pour affirmer le rôle crucial de cette Cour dans la
lutte contre l'impunité en Afrique.
BIBLIOGRAPHIE
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et international des droits de l'homme, 6ème
édition confondue, P.U.F, Paris, 2003
14. VAN PARYS Jean- Marie, Dignité et droits de
l'homme, NORAF,
OTTIGNIES-LOUVAIN-LA-NEUVE, 1989
III. ARTICLES ET REVUES
1. ATANGANA AMOUGOU, « Avancées et
limités du système africain de protection des droits de
l'homme : la naissance de la Cour africaine des droits de l'homme et des
peuples » in Revue Droits Fondamentaux, 2004,
www.Droits-fondamentaux.org
2. AYISSI Anatole, « Indépendance et
territoire politique en Afrique : Illusion de paix et fatalité du
Chaos. »
3. BOKATULA OMANGO Isse, « La Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples », in Vues
d'Afrique n°1.
4. CIFENDE KACIKO Moïse, « Les conditions de
recevabilité des communications individuelles devant la Commission
africaine es droits de l'homme et des peuples : portée
jurisprudentielle », in Revue de droit International et de Droit
comparé, Bruylant, Bruxelles, 2004.
5. KABEYA ILUNGA Noël, De l'OUA à l'Union
Africaine : évolution, limites et défis de la protection des
droits de l'homme en Afrique, in
www.google.fr
6. MUTOY MUBIALA, « Les Etats Africains et la
promotion des principes humanitaires », in CRIDHAC- Mars - Avril
1989, Fac.Droit, UNIKIN, 1989
7. OULD CHENA ch. Sidi Mohamed, « La Cour
Africaine des droits de l'homme et des peuples : un processus de longue
haleine »,
www.google.fr/search
, s.l, s.d.
8. SIDIKI KABA, « La Cour africaine des droits de
l'homme et des peuples », in
www.Fidh.org
IV. MEMOIRE ET NOTES DE COURS
1. CIFENDE KACIKO Moïse, Le Droit international
public, Notes de cours, inédit, G3 Droit, Fac Droit - U.C.B
2. KADOGO Ali, Le système africain de protection
des droits de l'homme, Mémoire, Fac. Droit, UNIKIN, 2004-2005
3. MULENGEZI M. Jean-Soleil, L'Organisation et la
compétence judiciaires, notes de cours, inédit, G1 Fac.
Droit - UCB, 2003-2004
4. NYALUMA M. Arnold, Cours des méthodes et
techniques de recherche, notes de cours, inédit, G1 Droit, UCB,
2003-2004
V. SITES INTERNET OU WEBOGRAPHIE
1.
www.Africancourtcoalition.org
2. www.afrik.com
3. www.Conflits.org
4. www.Droishumains.org
5.
www.Droits-fondamentaux.org
6. www.Echr.coe.Int/FR
7. www.fidh.org
8. www.lip-cifedhop.org
9. www.yahoo.fr
* 1 Antoine RUBBENS, Le
Droit judiciaire zaïrois, Tome II, P.U.Z, Kinshasa, 1978, p. 9
* 2 Ali KADOGO, Le
système africain de protection des droits de l'homme: Pratiques et
procédures, Mémoire, Fac. Droit UNIKIN, 2004 - 2005. p. 1.
* 3 Ch. Sidi Mohamed OULD CHENA,
La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples : un processus
de longue haleine, www. Google.fr /Search, (accédé le 17
janvier 2008) s.l, s.d.
* 4 Frédéric
SUDRE, Droit Européen et International des droits de l'homme,
6ème édition confondue, P.U.F, Paris 2003, p. 591.
* 5 Moïse CIFENDE KACIKO,
« Les conditions de recevabilité des communications
individuelles devant la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples : portée jurisprudentielle », in
Revue de Droit International et de Droit Comparé, Bruylant,
Bruxelles, 2004, p.267.
* 6 Ch. Sidi Mohamed OULD
CHENA, Op. Cit.
* 7 Centre for Human Rights,
Sélection de documents-clé de l'Union Africaine relatifs aux
droits de l'homme, Pretoria University Law Press (PULP), Pretoria, 2008,
p.33
* 8 Jus standi : droit
d'accès direct reconnu aux individus devant la Cour européenne
des droits de l'homme , Discours de Antonio Augusto Cançado
Trindade, Audience solennelle de la Cour européenne des droits de
l'homme, Ouverture de l'année judiciaire, 22 janvier 2004, www . Echr.
coe. Int/ FR, accédé le 17 janvier 2008
* 9 Frédéric
SUDRE, Op.Cit., p. 491
* 10 Arnold NYALUMA M.,
Cours de méthodes et techniques de recherche, Notes de Cours Droit,
UCB, G1 Droit, Inédit, 2003 - 2004.
* 11 Jean- Marie VAN PARYS,
Dignité et droits de l'homme, NORAF,
OTTIGNIES-LOUVAIN-LA-NEUVE, 1989, p.19
* TABLE DES
MATIERES
EPIGRAPHE I
DEDICACE II
AVANT-PROPOS III
SIGLES ET ABBREVIATIONS IV
NOTE PERSONNELLE DE L'AUTEUR A L'INTENTION DU
LECTEUR..........V
INTRODUCTION GENERALE 1
I. PROBLEMATIQUE 1
II. HYPOTHESES 6
III. INTERET DU SUJET 7
IV. METHODOLOGIE 8
V. DELIMITATION 9
VI. PLAN SOMMAIRE 9
CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE CREATION DE LA COUR
AFRICAINE DES
DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES
10
Section 1ère : Du contexte historique et
institutionnel de création de la
Cour Africaine au sein du système
Africain de protection de
droits de l'homme. 10
§.1. L'Afrique et l'O.U.A. 10
A. Le vent des indépendances : précurseur
de l'édifice africain de protection des droits de l'homme. 11
B. L'Organisation de l'Unité Africaine (l'O.U.A) :
fondement et édifice
régional de protection des droits de l'homme en
Afrique. 12
§.2. La Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples. 15
A. Caractéristiques ou originalités de la
Charte. 16
B. Le mérite de la Charte. 18
§.3. La Commission Africaine des droits de l'homme et
des peuples 19
A. Création, nature et siège. 19
B. Composition. 19
C. Compétences. 20
Section 2ème : Vers des changements
institutionnels beaucoup plus
significatifs 22
§1. L'U.A : Le nouveau visage de l'O.U.A. 22
§2. La Cour de Justice de l'U.A 25
A. Mission et compétence 25
B. La Cour de Justice de l'Union et les droits de l'homme 27
CHAP. II : ORGANISATION, FONCTIONNEMENT,
COMPETENCES PROCEDURE DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME
ET
DES PEUPLES 28
Section 1ère : Nature, ressort et
siège 30
Section 2ème : Terminologie de la Cour
30
Section 3ème : Composition 32
§1. Composition proprement dite de la cour 33
§2. Procédure d'élection des juges 33
§3 : Mandat des juges et organisation du
siège 34
§4. Le Statut des magistrats de la Cour 35
A. Indépendance des juges 35
B. Incompatibilités 36
§5. Fin du mandat et vacance du siège 36
Section 4ème : Fonctions 37
§1. Une fonction contentieuse 37
§2. La Fonction consultative de la Cour 39
§3. Le Règlement à l'amiable des
différents 39
Section 5ème : Compétences de la
Cour 40
§1. Compétence territoriale de la Cour (Ratione
loci) 40
§2. Compétence temporelle ou ratione temporis de
la Cour 41
§3. Compétence matérielle ou ratione
materiae 42
A. Les violations de la Charte africaine 43
B. Les violations d'autres instruments pertinents de
protection des
droits de l'homme. 47
Section 6ème : Des conditions de
l'exercice de l'action devant la Cour 48
§.1. Les conditions relatives à la qualité
49
A. La Commission Africaine des droits de l'Homme et de Peuples
49
B. Les Etats parties 49
C. Les organisations intergouvernementales africaines 50
D. Les organisations Non Gouvernementales (ONG)et
E. les individus. .51
§.2. Les conditions liées à la
recevabilité d'une communication
ou requête 52
A. Les conditions générales de
recevabilité 52
B. Les conditions spécifiques 53
§.3. Les conditions relatives à la forme de la
communication 61
Section 7ème : Le déroulement du
procès devant la Cour Africaine 64
§.1. La recevabilité de la requête 65
§.2. Le traitement de l'affaire 65
A. Le règlement à l'amiable 66
B. La procédure contradictoire de l'examen de l'affaire
66
C. L'arrêt de la Cour 68
Section 8ème : Des décisions de la Cour
et de leur portée 69
§.1. Types de décisions 69
A. Les mesures provisoires 69
B. Les arrêts de la Cour 70
C. L'exécution des décisions de la Cour 73
D. Le Rapport 74
Section 9ème : La place des victimes dans
la procédure devant la Cour.. 75
§.1. La participation des victimes 75
A. La saisine de la Cour par les victimes 75
B. La représentation légale des victimes 76
C. Le rôle des victimes parties dans la procédure
76
§.2. Le témoignage des victimes 76
§.3. La protection des victimes 77
§4. Le droit des victimes à une réparation
78
CHAP. III. LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET
DES
PEUPLES ET LES AUTRES COURS DE TYPE
REGIONAL 79
Section 1ère : Institutionnalisation et
place des Cours dans le système
régional type de protection des droits
de l'homme 79
§1. La Cour européenne des droits de l'homme 80
A. Caractéristiques et spécificités
81
B. Droits protégés par la Cour européenne 81
§2. La Cour interaméricaine des droits de l'homme
82
A. Caractéristiques et spécificités 82
B. Les droits protégés par la Cour
américaine 83
Section 2ème : La Composition des Cours
européenne et
Interaméricaine... 85
§1. De l'élection des juges 85
§2. Du Statut et de l'indépendance des juges 86
§3. Du mandat des juges 87
Section 3ème : Des procédure et
saisine 88
§1. De la procédure devant les Cours
Européenne et Interaméricaine.. 88
§2. De la saisine des Cours européenne et
interaméricaine 89
Section 4ème : Des décisions des
Cours : Caractère et portée. 91
§1. Exécution des arrêts de la Cour
européenne 92
§2. Exécution des arrêts de la Cour
interaméricaine 93
Section 4ème : Tableau de comparaison
à titre récapitulatif. 95
CHAP.IV : DES LIMITES, OBSTACLES ET DEFIS DE LA
PROTECTION DES
DROITS DE L'HOMME EN AFRIQUE
97
Section 1ère : Des limites Juridiques
et/ou institutionnelles à la
protection des droits de l'homme en Afrique
97
§1. Les limites propres au système africain 98
A. Les lacunes de la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples 98
B. Les faiblesses de la Commission africaine des droits de
l'homme et des peuples 100
C. La fusion de la Cour africaine avec la Cour de Justice
de l'Union ... 103
§2. Les déficiences structurelles de la Cour
africaine des droits de
l'homme et des peuples 105
A. De la composition de la Cour 106
B. Une compétence concurrente entre la Cour et la
Commission 106
C. Une limite qui se fonde sur la clause facultative
d'acceptation de la compétence de la Cour 107
D. L'Insuffisance fondée sur l'exécution
volontaire des arrêts de la Cour 108
E. Le silence du Protocole sur la question des voies de recours
109
F. L'absence ou le manque de ressources financières
adéquates. 109
Section 2ème : Des limites politiques et
conjoncturelles à l'efficacité de la protection des droits de
l'homme en Afrique 110
§1. Le manque de volonté politique des Etats
africains
réfractaires à la question des droits de
l'homme 111
§2. « Une fameuse conception de
souveraineté » en Afrique 111
Section 3ème : Les défis de la
protection des droits de l'homme en Afrique
par la Cour africaine 112
§1. Au niveau des africains 113
§2. A l'échelle nationale et continentale 114
§3. La nécessité d'une volonté
politique plus positive 114
CONCLUSION GENERALE 116
BIBLIOGRAPHIE 120
TABLE DES MATIERES
* 12 Nöel KABEYA
ILUNGA , De l'OUA à l'Union Africaine : évolution,
limites et défis de la protection des droits de l'homme en Afrique,
www.Droitshumains.org
* 13 Nöel KABEYA
ILUNGA, Op.Cit.
* 14 Anatole AYISSI,
Indépendance et territoire politique en Afrique : Illusion de paix
et fatalité du Chaos,
WWW.google.fr, 9 septembre 2000, 18
heures.
* 15 Noël KABEYA ILUNGA,
Op. Cit.
* 16. Noël KABEYA
ILUNGA, Op. Cit.
* 17. SIDIKI KABA, Op.Cit,
sl, sd.
* 18 Noël KABEYA
ILUNGA, Op. Cit, sl, sd.
* 19 Noël KABEYA ILUNGA,
Op. Cit, sl, sd..
* 20. Idem
* 21 . ISSE OMANGO BOKATULA,
« La Charte africaine des droits de l'homme et des
peuples », in Vues d'Afrique n°1,
www.eip-cifedhop.org , 12
Septembre 2008.
* 22. Noël KABEYA
ILUNGA, Op. Cit., sl, sd.
* 23. Noël KABEYA ILUNGA,
Op. Cit, sl, sd.
* 24.Idem
* 25 Moïse CIFENDE
KACIKO, Op. Cit, p. 269.
* 26 Centre for Human
Rigths, Op. Cit, p. 4.
* 27 Article 3 de l'Acte
Constitutif de l'Union Africaine
* 28 Article de l'A.C.U.A
* 29 Noël KABEYA ILUNGA,
Op.Cit, sl, sd.
* 30 Article 18 de l'A.C.U.A
* 31 Article 19 du Protocole de
la Cour de Justice de l'Union Africaine
* 32 Article 18 du Protocole de
la C.J.U : 1 Peuvent saisir la Cour : (a) les Etats parties au
présent Protocole ; (b) la Conférence, le Parlement et les
autres organes de l'Union autorisés par la Conférence ; (c)
un membre du personnel de la Commission de l'Union, sur recours, dans un litige
et dans les limites et les conditions définies dans les Statuts... (d)
les tierces parties....2. Les conditions auxquelles la Cour est ouverte aux
tierces parties sont, sous réserve des...; définies par la
conférence.....3. Les Etats qui ne sont pas membres de l'Union ne sont
pas recevables à saisir la Cour ; (...)
* 33 Kéba MBAYE, Les
droits de l'homme en Afrique, 2ème édition,
Pedone, Paris, 2002, p. 188
* 34 Mény Y., La
greffe et le rejet. Les politiques du mimétisme
institutionnel, L'Harmattan, Paris, 1993,
pp. 14-15, in
www.conflits.org.
* 35 SIDIKI KABA, La Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples, in
www.fidh.org, consulté le 11
septembre 2008.
* 36 Noël KABEYA ILUNGA,
Op. Cit, sl, sd.
* 37 Idem
* 38 Jean-Louis ATANGANA
AMOUGOU, « Avancées et limites du système africain de
protection des droits de l'homme : la naissance de la Cour
africaine des droits de l'homme et des peuples », in Revue Droits
fondamentaux, www. Droits-fondamentaux.org, (c) 2004, consulté le
16 janvier 2008.
* 39 Article 25 du Protocole
relatif à la Cour africaine
* 40 Article 11 du Protocole
* 41 Article 13
* 42 Article 12
* 43 Article 13 (2)
* 44 Interprétation de
l'article 14 (1 et 2) par la coalition pour la Cour africaine,
www.Africancourtcoalition.org
* 45 Article 16
* 46 Article 15
* 47 Article 21.
* 48 Article 24.
* 49 Article 23.
* 50 Article 22
* 51 Article 19
* 52 Article 20(2)
* 53 Article 15 (3)
* 54 Article 15 (3)
* 55 Article 3(2) du
Protocole
* 56 Article 60 du Protocole
* 57 Article 61 du Protocole
* 58 « la Cour, dont
la mission est de régler conformément au droit international les
différends qui lui sont soumis applique :
a. Les conventions internationales, soit générales,
soit spéciales, établissant des règles expressément
reconnues par les Etats en litige ;
b. La coutume internationale comme preuve d'une pratique
générale, acceptée comme étant le droit ;
c. Les principes généraux de droit reconnus par les
nations civilisées ;
d. Sous réserve de la disposition de l'article 59, les
décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus
qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de
détermination des règles de droit », in Dominique
CARREAU, Droit international, 6ème édition,
Pedone, Paris, 1999, p. 70
* 59 Article 4(1)
* 60 Article 4(2)
* 61 Kéba MBAYE, Op.
Cit, p. 262
* 62 Jean-Soleil MULENGEZI M.,
L'Organisation et la compétence judiciaires, notes de cours,
inédit, G1 Fac. Droit - UCB, 2003-2004
* 63 Article 3 du Protocole
* 64 SIDIKI KABA, Op.Cit,
.sl, sd.
* 65 SIDIKI KABA,
Op.Cit, sl, sd.
* 66 SIDIKI KABA,
Op.Cit.
* 67 SIDIKI KABA, Op.Cit,
sl, sd.
* 68 SIDIKI KABA, Op.
Cit,sl, sd.
* 69 (Voir) Kéba MBAYE,
Op.Cit., p. 261.
* 70 Les organisations
intergouvernementales africaines,
www.fidh.org , consulté le 13
mars 2008.
* 71 SIDIKI KABA, Op.
Cit., sl, sd.
* 72 Malawi African association
contre Mauritanie, 54/91 ; Amnesty international contre Mauritanie,
61/91 ; Mme Saar Diop, Union Interafricaine des droits de l'homme et
RADDHO contre Mauritanie, 98/93 ; Collectif des veuves et ayants droits
contre Mauritanie, 164/97 ; Association Mauritanienne des droits de
l'homme contre Mauritanie, 210/98, 11 mai 2000, § 79, in Moise CIFENDE
KACIKO, Op. Cit, p. 276
* 73 Moise CIFENDE KACIKO,
Op.Cit, p. 275, 276, 277-278.
* 74 Communications 57/91 et
1/88
* 75 SIDIKI KABA,
Op.Cit, sl, sd.
* 76 Moise CIFENDE KACIKO,
Op.Cit., p. 282.
* 77Idem, p. 283.
* 78
Www.fidh.org, 13 mars 2008, 15
heures.
* 79 SIDIKI KABA, Op.
Cit.
* 80 Moïse CIFENDE KACIKO,
Op.Cit, p. 289, 292, 293, 302, 303
* 81 SIDIKI KABA,
Op.Cit.
* 82 Moïse CIFENDE KACIKO,
Op.Cit, p.303.
*
83 Article 35 de la convention
européenne des droits de l'homme. Pour un commentaire de cette
disposition cfr.
PETTITI, L-E, DECAUX, E., IMBERT, P-H., La convention
européenne des droits de l'homme, commentaire article par article,
2e édition, Paris, Economica, 1999, p.591-620, cité
par Moïse CIFENDE K., Op. Cit, p. 305.
* 84 Moïse CIFENDE
KACIKO, Op.Cit, p. 307.
* 85 SIDIKI KABA, Op.
Cit., sl, sd.
* 86 SIDIKI KABA, Op.
Cit.
* 87 Ibidem.
* 88 Article 6, 1. La
Cour, avant de statuer sur la recevabilité d'une requête
introduite en application de l'article 5 (3) du présent protocole, peut
solliciter l'avis de la Commission qui doit le donner dans les meilleurs
délais.
* 89 SIDIKI KABA, Op. Cit,
sl, sd.
* 90 SIDIKI KABA,
Op.Cit., sl, sd.
* 91 Article 10(1)
* 92 SIDIKI KABA, Op.Cit,
sl, sd.
* 93 Idem
* 94 SIDIKI KABA,
Op.Cit, sl, sd.
* 95 SIDIKI KABA,
Op.Cit, sl, sd
* 96 Raymond GUILLIEN et Jean
VINCENT, Lexique des termes juridiques, 15 édition, Dalloz,
Paris, 2005, p. 51.
* 97 Article 28 (3) du
Protocole
*
98 Article 28 (4) du
Protocole
* 99 SIDIKI KABA,
Op.Cit., sl, sd.
* 100 Article 27 (1) du
Protocole
* 101 SIDIKI KABA,
Op. Cit., sl, sd.
* 102 Moise CIFENDE KACIKO,
Droit international public, Notes de cours, inédites, G3, Fac
Droit, U.C.B.,
2005-2006.
* 103 L-E PETITI, E. DECAUX,
P-H IMBERT, La Convention européenne de droits de l'homme,
Commentaire article par article, 2e édition, Economica, Paris,
1999, p. 847.
* 104 SIDIKI KABA,
Op.Cit., sl, sd
* 105 Article 29 (2) du
Protocole
* 106 Article 31 du
Protocole
* 107 SIDIKI KABA,
Op.Cit., sl, sd.
* 108 SIDIKI KABA,
Op.Cit., sl, sd
* 109 SIDIKI KABA,
Op.Cit, sl, sd.
* 110 SIDIKI KABA,
Op.Cit., sl, sd..
* 111 Conseil pour le
Développement Intégré (CODI), Droits de l'homme :
recueil de documents internationaux et nationaux, Bruylant - A.E.D.L,
Bruxelles et Louvain - la- Neuve, 1989, p. 19.
* 112 Ibidem
* 113 Article 45 de la
Convention de sauvegarde.
* 114 Article 48
* 115 Article 49
* 116 Article 62 (3) de la
Convention américaine.
* 117 Article 38 de la
Convention de sauvegarde
* 118 Article 58 de la
Convention américaine.
* 119 Article 39 de la
Convention de sauvegarde, 53 de la Convention américaine, 14 du
Protocole à la Charte africaine
* 120 Article 39 (3) de la
Convention de sauvegarde et 52 de la Convention américaine, Henri
Oberfoff et Jacques Robert, Libertés fondamentales et droits de
l'homme.
* 121 Article 59 de la
Convention de sauvegarde
* 122 Article 40 (1, 2, 5,6)
de la Convention de sauvegarde.
* 123 Article 34 (6) du
Protocole relatif à la Charte africaine
* 124 SIDIKI KABA,
Op.Cit., sl, sd.
* 125 SIDIKI, KABA,
Op.Cit, sl, sd.
* 126 Article 52 de la CEDH et
Article 67 de la CIADH
* 127 MUTOY MUBIALA,
« Les Etats Africains et la promotion des principes
humanitaires », in CHRIDHAC- Mars - Avril 1989, FAC Droit
UNIKIN, 1989
* 128 SIDIKI KABA,
Op.Cit, sl, sd.
* 129 L-E PETITI et Alii,
Op.Cit, p. 869
* 130 Ch. SIDI Mohamed OULD
CHEINA, Op.Cit ,
www.Google.fr/search,
19/07/08.
* 131 Noël KABEYA
ILUNGA, Op.Cit., sl, sd..
* 132 Amesty International,
Pour des procès équitables, EFAI, Paris, 2001, p. 160
* 133 Noël KABEYA
ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.
* 134 SIDIKI KABA, Op.
Cit, sl, sd.
* 135 Robert CHARTIN et
Jean-Jacques SUEUR, Droits de l'homme et libertés de la
personne, 4e éd., Litec, Paris, 2002, p. 7
* 136 SIDIKI KABA,
Op.Cit. sl, sd.
* 137 Noël KABEYA ILUNGA,
Op.Cit. sl, sd.
* 138 Noël KABEYA
ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.
* 139 Noël KABEYA
ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.
* 140 Noël KABEYA
ILUNGA, Op.Cit., sl, sd.
* 141
www.afrik.com, consulté, le 04
octobre à 14 heures.
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