Introduction
Pendant longtemps, le monde occidental considérait
l'enfant naturel haïtien comme un sujet marginalisé qui n'a jamais
su bénéficier du statut socio juridique conféré
à l'enfant légitime, c'est-à-dire être doté
de la personnalité juridique et ayant ses propres droits de
manière équitable et équilibrée . Le fait par les
concepteurs d'avoir eu un enfant hors mariage traduisait leur volonté de
se placer en marge de la société et des règles
matrimoniales. En France le statut juridique de l'enfant naturel a beaucoup
évolué. La loi du 3 janvier 1972 a posé le principe
d'égalité entre l'enfant naturel et l'enfant légitime.
Chaque année environ 30% des enfants naissent hors mariage. A l'heure
actuelle, les réactions de rejet des enfants naturels ont
disparu.1(*) Il n'y a
plus d'enfants illégitimes, il n'y a que des parents illégitimes
affirment les commentateurs de la dite loi.
Le droit subit depuis plusieurs décennies une
influence marquée par les Conventions. Les organisations des Nations
Unies et des Etats Américains (ONU et OEA), dans leurs textes concernant
les droits de l'enfant, ont banni toutes les formes de discriminations entre
enfants, basées sur les conditions matrimoniales de leurs parents.
L'article 2 de la convention relative aux droits de l'enfant adopté le
20 novembre 1989 par l'Assemblée générale des Nations
Unies en est un témoignage.
Selon des auteurs comme Jean Carbonnier, Gabriel Marty et
Pierre Raynaud, pour ne citer que ceux-là, plusieurs solutions en vue de
protéger la filiation naturelle sont possibles. Pourtant en Haïti,
l'inégalité persiste, l'écart entre la juridiction et les
pratiques quotidiennes est trop flagrant.
Le code civil haïtien, qui est un plagiat du code de
Napoléon, est très discriminatoire à l'égard des
enfants naturels. Les données statistiques révèlent qu'en
Haïti les naissances illégitimes sont supérieures à
celles légitimes. Il y a un pourcentage de 75% d'enfants à
naître hors mariage.1(*)
Conscient de ce taux élevé, le
législateur haïtien est plusieurs fois intervenu pour donner un
nouveau statut à l'enfant naturel et lui reconnaître les
mêmes droits que l'enfant légitime. Il a aussi manifesté
son souci de protéger les familles instituées en dehors du
mariage civil ou religieux. Nous en avons pour preuve le décret du 22
décembre 1944, le décret du 27 janvier 1959 et les articles 259
à 262 de la constitution de 1987.
Certains auteurs haïtiens comme Me Grégoire
Eugène, Me Ertha Pascale Trouillot, Me François Latortue... ont
fait des études sur la filiation en Haïti et ont formulé des
propositions en vue d'un relèvement du statut socio juridique de
l'enfant naturel haïtien. Cette question préoccupent les
sociologues, fait écho dans les médias et l'opinion publique.
C'est sur cette base que nous avons choisi le sujet: « L'enfant
naturel haïtien entre le droit et la réalité. »
La question des enfants naturels dans la société
haïtienne soulève des réactions. Elle est un sujet de
réflexion sociologique surtout que la polygamie est l'essence des
structures familiales africaines. Désormais, l'enfant naturel est devenu
un membre à part entière de la société et des
droits fondamentaux lui sont reconnus de manière équitable et
équilibrée. Cependant l'effectivité de ces droits
dépend de la réalité sociale. Les problèmes
posés par cette question sont de divers ordres : juridiques,
sociales, religieuses, morales.
Sur le plan juridique, on ne peut pas présumer la
paternité naturelle. La présomption de paternité
légitime « Pater is est quem nuptiae
demonstrant » ne s'y applique pas. D'ailleurs, la qualité de
père peut-être toujours contestée par la mère
naturelle.
Du point de vue social, la mention d'enfant naturel
portée dans l'acte de naissance représente un accroc. On a une
perception négative de l'enfant qui est souvent gêné
à produire cet acte dans certains milieux. Entre enfants naturels et
enfants légitimes de mêmes géniteurs, il existe des
malentendus, des heurts...
Sur le plan religieux, certaines sectes
développent un certain préjugé contre les enfants
naturels. Certains leaders protestants refusent de les baptiser ou de les
présenter au temple. D'autres ne les présentent pas en même
temps que les enfants légitimes, surtout pendant le culte d'adoration.
Dans certaines églises catholiques, il y a un jour, une heure
spéciale pour le baptême des enfants nés hors mariage.
Certaines écoles congréganistes ne les reçoivent pas. Dans
les séminaires de théologie catholique, on exige même
l'acte de mariage des parents du postulant.
Sur le plan moral, l'enfant naturel connaît des effets
néfastes de sa famille, des causes de déséquilibre
psychologique qui peuvent nuire sa santé. Ces problèmes
soulèvent quelques interrogations :
La question de filiation naturelle ne constitue-t-elle pas un
véritable dilemme pour la société haïtienne ?
Une solution à ce problème n'est-elle pas une
urgence de l'heure ?
Quels sont les voies et moyens à utiliser à
cette fin ?
Les hypothèses de travail sont :
1- La filiation naturelle est un des grands dilemmes de la
société haïtienne.
2-Il est urgent de trouver une solution.
L'objectif principal ou la finalité de l'étude
est l'élimination de toutes les formes de discriminations à
l'égard des enfants naturels.
Nous nous fixons les objectifs secondaires suivants :
1- Présenter un aperçu sur la filiation
naturelle en France.
2- Présenter la situation socio juridique de l'enfant
naturel en Haïti.
3- Jeter un regard critique sur la filiation naturelle et sa
réglementation
4- Envisager des perspectives de solution
Pour réaliser ce mémoire, nous avons
utilisé une méthodologie scientifique, rigoureuse et diverse.
La première démarche a été pour
nous de constituer une masse de données à partir des sources
bibliographiques étrangères et haïtiennes et d'après
la mémoire collective.
A partir d'interviews libres, nous avons cherché
à saisir les mécanismes de la filiation naturelle en Haïti.
Nous avons eu des entretiens avec des prêtres, des pasteurs de
différentes congrégations, des couples mariés, des
concubins, des associations féministes et enfin des juristes.
Le travail comporte deux parties. La première sous le
titre: « La filiation naturelle en France et en
Haïti » réunit les deux premiers chapitres dont l'un
donne une vue sur le phénomène en France ; l'autre
l'étudie dans le contexte socio juridique haïtien.
La deuxième partie
titrée : « Critique de la situation de l'enfant
naturel en Haïti et éléments de solution »
regroupe les deux derniers chapitres pressentant l'un un regard critique sur
la filiation naturelle en Haïti, l'autre des éléments de
solutions.
PREMIERE PARTIE
VUE SOCIOLOGIQUE SUR LA FILIATION NATURELLE EN FRANCE ET
EN HAITI
Le terme filiation désigne le
rapport entre une personne et ses descendants. On distingue trois sortes de
filiations : la filiation légitime désignant la situation de
l'enfant né de parents mariés « ensembles »,
la filiation adoptive dépendant d'un acte de volonté et la
filiation naturelle qui désigne la situation de l'enfant né de
parents qui ne sont pas mariés. C'est cette filiation qui fera l'objet
de notre étude.
Parmi les filiations naturelles on distingue : L'enfant
naturel simple né de parents tous deux libres matrimonialement, l'enfant
adultérin dont l'un des auteurs est marié avec une tierce
personne et l'enfant incestueux dont les auteurs ont un lien de parenté
ou d'alliance.
Cette première partie regroupera les deux premiers
chapitres de l'étude. Le premier chapitre traitera de la filiation
naturelle en France, le second de la filiation naturelle en Haïti.
CHAPITRE I
APERCU SUR LA FILIATION NATURELLE EN FRANCE
En raison des affinités historiques, culturelles et
même juridiques entre la France, notre ancienne Métropole et
Haïti, nous croyons opportun devoir jeter un coup d'oeil sur la question
de la filiation naturelle en France avant de l'étudier en Haïti.
Ce chapitre sera divisé en deux sections dont la
première donnera une vue sociologique de l'enfant naturel en France et
l'autre en présentera le statut juridique.
Section 1- Vue sociologique sur la filiation naturelle
Dans cette section, nous donnerons une vue théorique
sur la filiation naturelle. Nous présenterons d'abord le cadre
conceptuel de l'étude puis la perception sociologique du
phénomène en France.
Cadre conceptuel
Il s'agit dans ce segment de définir les principaux
concepts qui seront utilisés dans l'étude.
1- concepts liés
à la thématique
Adultère :
Le fait par un époux d'avoir des relations sexuelles
avec une autre personne autre que son conjoint.
Enfance :
Première période de la vie humaine de la
naissance à l'adolescence.
Enfant naturel :
Enfant né de parents qui ne sont pas marié
ensemble.
Coutume :
Norme de droit objectif fondé sur une tradition
populaire qui prête à une pratique constante, à un
caractère juridiquement contraignant.
Concubinage :
Liaison de fait établie, généralement
avec communauté de vie, entre un homme et une femme non mariés et
a laquelle le droit attache diverses conséquences.
Femme :
Etre humain appartenant au sexe capable de concevoir les
enfants a partir d'un ovule fécondé.
Filiation :
Lien de parenté unissant l'enfant à son
père ou à sa mère.
Filiation naturelle :
Situation de l'enfant né de parents qui ne se sont pas
mariés ensemble.
Inceste :
Union en vue du mariage que la loi
interdit entre les parents ou alliés qu'elle
détermine.
Moeurs :
Habitude d'une société, d'un individu relatif
à la pratique du bien et du mal.
Polygamie:
Le fait pour un homme d'être marié
simultanément à plusieurs femmes ou fait d'être
marié à plusieurs conjoints soit pour un homme (polygamie) soit
pour une femme (polyandrie).
Post nuptias :
Expression latine signifiant postérieurement à
la célébration du mariage
Réalité :
Caractère de ce qui ne constitue pas seulement un
concept, mais un fait.
Société :
Etat particulier à certains êtres qui vivent en
groupes plus ou moins et organisés.
Subside :
Don, subvention.
Succession :
Le fait pour une personne de prendre la place d'un autre
à la mort de celui-ci ou après cessation de son activité.
Lorsqu'il s'agit de succéder à un
défunt à la tête de ses biens, la succession désigne
surtout la dévolution du patrimoine héréditaire et ce
patrimoine même.
Taux d'illégitimité :
Rapport du nombre de naissances hors mariage au nombre total
des enfants nés vivants.
2- concepts juridiques
Ab intestat :
Formule dérivée du latin ab intestato,
qualifiant soit la succession légale qui s'ouvre à défaut
de testament, soit l'héritier d'un intestat appelé par la loi.
Adaptation :
Terme doctrinal servant à désigner les moyens
qui tendent à assouplir le mécanisme des règles de conflit
de lois.
Code :
Corps cohérent de textes englobant selon un plan
systématique l'ensemble des règles relatives à une
matière et issu, soit de travaux législatifs, soit d'une
élaboration réglementaire, soit d'une codification formelle de
textes préexistant et reclassés selon leur origine.
Convention :
Accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes
destiné à produire un effet de droit quelconque.
Devoir :
Certaines règles de conduite d'origine légale et
de caractère permanent.
Droit :
Ensemble de règles de conduite socialement
édictées et sanctionnées, qui s'imposent aux membres de la
société.
Droit coutumier ou droit informel:
C'est un ensemble de règles coutumières ou de
coutumes a valeur juridique qui régissent la vie des populations
rurales.
Legs :
Action de céder la possession d'un bien à
quelqu'un par testament.
Loi :
Toute norme ou système de normes d'ordre juridique.
Post nuptias :
Expression latine signifiant postérieurement à
la célébration du mariage
Ratification:
Acte juridique unilatéral par lequel une personne
approuve.
Reconnaissance :
Déclaration faite par un homme ou une femme dans
certaines formes destinées a en assurer le caractère
sérieux et la conservation relatant le lien de filiation qui unit
l'auteur de la déclaration ont un enfant naturel.
B- Perception sociologique et ampleur du
phénomène en France
1- perception sociologique.
La thèse classique voit dans
l'illégitimité ou p1utôt dans l'union libre qui en est la
source, un phénomène de déviance. L'union sexuelle
ritualisée par le droit et les moeurs, le mariage constitue la norme
sociale. L'enfant né en dehors de la norme est frappé d'un
stigmate par la société.
Au sein de cette thèse, on note cependant une
divergence entre sociologues : Pour les uns comme W. Goode, les parents
naturels eux-mêmes perçoivent
leur situation comme déviante, ils n'y donnent aucune
approbation, ils portent respect au mariage ; Pour les autres comme
Rodman, le milieu déviant a sa propre échelle de valeurs, il
sécrète un contre norme, un contre droit au regard duquel devient
légitime ce que le droit étatique tient pour
illégitime.1(*)
La statistique des naissances renseigne peu sur l'appartenance
socioprofessionnelle des géniteurs. C'est quelque fois avec une autre
signification que l'illégitimité est analysée comme un
phénomène de classe ; on veut dire par là qu'elle a
sa cause dans une inégalité de classe entre les deux parents de
l'enfant ; que de cette inégalité de classe résulte
un empêchement à mariage non moins contraignant que ceux de la
loi, bien qu'il ne soit édicté que par les moeurs. A l'appui, on
affirme que les pères naturels se retrouvent à égale dose
dans toutes les catégories sociales, alors que les mères
naturelles viennent pour la plupart du prolétariat. Mais l'affirmation
doit peut-être plus, au souvenir historique du concubinage romain
qu'à une recherche rigoureuse.
Tant qu'il existe la présence des enfants naturels dans
une société, les réflexions sociologiques vont
s'intensifier. On s'attendrait à découvrir constamment dans
l'histoire, comme par une conséquence du rapport de forces, une
réaction de discrimination et de rejet. C'est pourtant un fait que, dans
certaines conjonctures qui se sont rencontrées de l'Antiquité
grecque à notre époque, la société dominée
par les enfants illégitimes en est venu de proclamer très
haut.
Plusieurs explications sont possibles :
Soit que la société ait la volonté de
rompre la continuité du statut social, selon le modèle
révolutionnaire, ou qu'elle chérisse les valeurs de
l'individualisme, place la réussite. Donc il faut donner à chaque
enfant son égalité au départ. Il y a eu de cela dans les
réformes du début de ce siècle;
Soit que la société des légitimes par
instinct ait un comportement empirique;
Soit que les dirigeants, par calcul, sentent ou jugent le
phénomène de l'illégitimité comme inoffensif. Cette
réaction concerne des milieux où la transmission des biens et des
privilèges des parents aux enfants, est dénuée
d'importance ou provisoirement inactuelle. Joint que ces milieux restent
suffisamment minoritaires pour que le système de stratification sociale
ne soit pas menacé par leur promotion.1(*)
La filiation naturelle tend donc à devenir une
situation qui n'a rien d'anormal socialement, ce que traduit l'augmentation
considérable des naissances spontanées. Cette évolution
démontre un rapport direct entre les droits de l'enfant naturel et la
difficulté de la preuve de la filiation.
Après 1972, les interprètes ne tardèrent
pas à soulever le problème. Si au delà des nombreuses
applications spéciales qu'elle avait faite de la notion, la nouvelle loi
n'avait pas entendu, implicitement attribuer à la possession
d'état un rôle général de preuve dans la filiation
naturelle. Voyons maintenant l'ampleur de ce phénomène en
France
2- ampleur
La filiation naturelle est longtemps apparue comme une
situation anormale tant socialement, parce qu'elle traduit un rejet des cadres
traditionnels de la famille, que statistiquement parce qu'elle est beaucoup la
moins fréquente. Le taux d'illégitimité est le rapport du
nombre de naissances hors mariage au nombre total des enfants nés
vivants. Ce taux, en France peut être suivi à travers les
statistiques de l'état civil depuis le début du 19e
siècle.
De 6,90 % (ou peut-être 5 %), pour la
période de 1895-1830), il est passé en 1917 à 14,2 %).
Puis on assiste à une décrue. 6.7 %) en 1936, 6,4 en 1955, 5, 9%
en 1962-1965). A partir de 1965 il y a une remontée continue et
très forte : 8,5 en 1976, 12,7 en 1981, 2, 8.2 % en 1989, 31,8 % en
1991.1(*)
Une part importante de ces enfants naturels ne le restera que
quelque temps. Une statistique précise des légitimations par
mariage subséquent qui aplatirait sans doute la courbe ascendante de
l'illégitimité fait défaut. Pour les années
récentes, des sociologues ont cru observer une moindre propension des
cohabitants à revenir au mariage dès l'arrivée du premier
enfant. Au demeurant, le taux d'illégitimité est une mesure qui
appelle des analyses plus fines parce que :
1e) tel qu'il est construit, il est
influencé par les variations propres de la natalité
légitime, croissant ou décroissant.
2e) c'est une moyenne nationale qui peut recouvrir
des disparités considérables, géographiques ou sociales.
Par exemple en 1969 Paris en avait 14,4 %, Aveyron, 2,5 %, Vendée, 2,6
% ; en 1991 0n enregistrait 2,5 % en Alsace, 36 % en Normandie). Les
reconnaissances paternelles n'ont jamais été rares : 35 %
des illégitimes vers 1850, 47 % vers 1900 et elles ont beaucoup
augmenté au 20e siècle.
3e) Les reconnaissances sont passées de 23 %
en 1971 à 40 % en 1981, puis à 70% en 1992.Ce qui montre, qu'il
s'agit bien d'un choix délibéré.1(*) Mais il faudrait suivre et
rechercher dans quelle mesure ces reconnaissances ne préparaient pas une
légitimation. En 1990, 397 constatations de reconnaissances ont
été accueillies, 226 rejetées. En 1990, 155 actions en
recherche de paternité ont été accueillies, 57 ont
été rejetées. Par rapport à 180.000 naissances
illégitimes, environ 212 actions c'est infirme q'un certain nombre de
pères naturels sont incités à reconnaître
volontairement leurs enfants.1(*)
On a incriminé tantôt l'étroitesse des
cas d'ouverture tantôt l'ignorance et la pauvreté des mères
naturelles. Probable aussi que beaucoup de mères abandonnées
répugnent à engager une procédure qui aboutirait à
conférer au père, déserteur des pouvoirs sur
l'éducation de l'enfant. Et depuis 1990, l'attrait pour la
maternité sans paternité a pu s'accroître dans quelques
cercles intellectuels.
A l'heure actuelle, il faut surtout faire entrer en ligne de
compte la cohabitation juvénile á laquelle doit être
attribuée la très grande majorité des naissances hors
mariage. Le développement de la cohabitation juvénile a dû
contribuer au développement de la légitimation bien que l'on
manque de données précises. Anizard et M. Maksud estimaient que
de 1900 à 1971, la proportion des légitimités est
passée de 27 à 55 % des enfants nés dans la condition
d'enfants naturels. En 1990, il y a eu 105 légitimations post-nuptias,
64 légitimations par autorité de justice.
Nous avons présenté dans cette section, le cadre
conceptuel et la perception sociologique du phénomène de la
filiation naturelle en France. La section suivante présentera le statut
juridique de l'enfant naturel dans ce pays.
Section 11- Le statut Juridique de l'enfant naturel en
France.
Le statut juridique de l'enfant naturel en France tel est
l'objet de cette section. Nous considèrerons ce statut juridique d'abord
dans l'ancien droit et dans le code civil de Napoléon, ensuite
d'après les lois de 1972 et de 8 janvier 1993.
A- dans l'ancien droit et le code
civil
Sous ce sous-titre sera étudiée la filiation
naturelle d'abord dans l'ancien Droit, ensuite dans le code civil.
1- 1 dans l'ancien droit
Dans l'ancien droit fortement influencé par le droit
canonique, l'existence même d'une famille naturelle était
contestée par une partie importante de la doctrine qui ne pensait pas
qu'il puisse avoir d'autre famille que celle qui se fonde sur le mariage.
La double règle que les bâtards ne pouvaient ni
succéder, ni laisser une succession, avait probablement des racines dans
la conscience collective. L'enfant qui était né à l'ombre
du sacrement de mariage, était rejeté hors de la famille et
même hors de la société. Mais les moeurs vont orienter le
droit, et le droit lui-même était devenu plus nuancé.
Quelques coutumes admettaient le bâtard à
l'héritage de sa mère ; il lui arrivait de réserver
les legs de ses parents, des legs et que la jurisprudence du
royaume avait fini par les valider. Les lois de Brumaire et
Nivôse an II accueillirent les enfants naturels à
égalité de vocation ab intestinat avec les enfants
légitimes. De cette égalité la Révolution
espérait une division accrue des patrimoines, une méthode pour
résoudre en douceur la question sociale.
Toutefois le droit révolutionnaire n'accueillit les
adultérins qu'avec réserve. Il leur accorda dans la succession de
leurs parents, le tiers de la portion qu'il aurait eue s'ils avaient
été légitimés mais c'était à
titre d`aliments et non d'héritage; et l'on vit la convention, par un
décret du 19 Floréal II, censurer comme immoral la
déclaration d'une femme mariée que son enfant était d'un
autre homme que son mari.1(*)
La défiance vis-à-vis des adultérins
s'explique par le fait que l'adultérine va contre le mariage, que le
mariage civil est une institution fondatrice de la République, et que
faire des adultérins avait été naguère plaisir
aristocratique, est monarchique.
C'était à eux qu'aboutissaient, faute de droits
successoraux, les actions en recherche de la paternité de l'ancien
droit, qui n'étaient guère plus que des actions à fins de
subsides. Les officialités, primitivement compétentes,
admettaient ces actions sur un fondement pénal, toute conjonction hors
mariage était illicite. La prise en charge matérielle de l'enfant
figurait parmi les dommages intérêts que pouvait réclamer
la fille séduite.
Le rapprochement constaté à l'enfant naturel
n'eût pour conséquence le développement de ses scandales,
écarta toute preuve de la paternité naturelle autre que celle
résultant de la reconnaissance du père exprimée dans un
acte authentique.
La recherche de la paternité était libre.
Certes, elle pouvait être inspirée par le désir de
recueillir une succession, son seul but était d'obtenir des aliments. En
fait, les actions en recherche de paternité s'ajoutaient celles
dûes à l'action par laquelle la mère réclamait
simplement les frais de gésine et d'entretien. Cette action qui n'avait
d'ailleurs pas pour résultat d'établir la paternité, la
dénonciation sous serment, de son prétendu séducteur pour
une fille mère qui accouchait pour la première fois obligeait
l'homme à pourvoir provisoirement aux frais. Le législateur
révolutionnaire craignait que l'octroi qu'il faisait de droits beaucoup
plus considérables.
1-2 Dans le code civil
En ce qui concerne l'établissement de la filiation
naturelle, il fallut une reconnaissance de la part de chacun des parents. Si
aucune ne veut reconnaître l'enfant, pour établir un lien de
filiation à l'égard de la mère, l'enfant ne pouvait
qu'agir en justice. Dans l'établissement de cette filiation, l'action en
justice est purement et simplement interdite jusqu'en 1912.
Le code civil est défavorable à l'existence de
la famille naturelle. Les rédacteurs de ce code ont ignoré ses
composantes ou mis en doute sa constatation en ce qui concerne le lien entre
les parents ou les rapports de ceux-ci avec leurs enfants.
En ce qui concerne les rapports entre le père ou la
mère de l'enfant naturel et celui de la famille naturelle n'avaient pas
en 1804, un rayonnement semblable à celui de l'enfant légitime.
Le code civil prohibait en principe la recherche de paternité naturelle
sauf le cas d'enlèvement de la mère. Puisque l'enfant naturel est
rattaché de façon divisible à chacun de ses parents, la
présomption de paternité est inexistante.
Le titre de naissance est insuffisant pour établir la
filiation, il faut donc un acte volontaire de reconnaissance. A cette
époque, il était difficile d'établir la filiation
adultérine ou naturelle simple. Pourtant il existe une exception de la
filiation illégitime : la filiation incestueuse où l'enfant
est rattachée à sa mère.1(*)
Par ailleurs, pour qu'un enfant puisse être
rattaché à son père ou à sa mère
naturelle, il faut que l'enfant ne soit pas de filiation
pré-établie. Si le père veut reconnaître l'enfant,
il faut contester la filiation précédente par la reconnaissance.
Celui-ci est un acte unilatéral et solennel, Il existe pour la
validité de la reconnaissance des conditions de fond et des conditions
de forme : En ce qui concerne les conditions de fond, il faut une
manifestation de volonté réelle et consciente, l'acceptation de
l'enfant n'étant pas obligatoire. Antérieurement à 1972,
l'enfant naturel était empêché de recevoir de son
père ou de sa mère naturel des donations ou des legs.2(*)
En ce qui a trait aux conditions de forme, l'acte solennel
s'effectue en mairie, devant l'officier d'état civil, lors de la
naissance de l'enfant, postérieurement ou antérieurement. La
reconnaissance peut se faire aussi par acte authentique devant notaire, il
n'est pas soumis à véracité et peut être le
fait du père biologique ou de tout autre homme. Aux termes de l'article
335 du code civil, pour la mère, la reconnaissance est plus simple,
l'acte de naissance portant l'indication de la mère suffit. Les effets
de la reconnaissance sont rétroactifs, absolus et irrévocables.
Ainsi, l'annulation de l'acte juridique nécessite la rupture de l'acte
de volonté. La reconnaissance ne pourra être frappée de
nullité que s'il y a vice du consentement (dol ou erreur) selon
l'article 339.
Elle peut être contestée par toute personne y
ayant intérêt. L'action est également ouverte au
Ministère public d'après l'article 339 alinéa.1
Quand il existe une possession d'état conforme à
la reconnaissance et pour une durée minimum de 10 ans, aucune
contestation n'est recevable. S'il y a rupture de la reconnaissance, l'effet
est rétroactif, mais l'auteur de la reconnaissance, de complaisance qui
rompt ses engagements envers l'enfant, doit lui verser des dommages et
intérêts.
La possession d'état est ce mode d'établissement
de la filiation naturelle prévu par l'article 334-8 et il doit
être continu et paisible, il ne fait que présumer la filiation
naturelle jusqu'à preuve du contraire.
La relation judiciaire pour établir la filiation
naturelle est:
1e) Si la mère n'a pas accouché
sous X, l'enfant peut intenter une recherche de maternité naturelle
fondée sur une présomption, des indices et dans un délai
de 30 ans.
2e) Par l'intermédiaire de l'action en
recherche de
Paternité simple et l'action à fin de subsides
largement ouverte, mais aux effets restreints, l'enfant seul peut
l'entreprendre sauf s'il est mineur.1(*)
Aux termes de l'article 340-5, 1382 à 1385, lorsque le
juge accueille l'action et établit la paternité, le tribunal
peut condamner le père à rembourser toute une partie des frais
sans préjudices de dommages et intérêts auxquels il
pourrait prétendre. Si le tribunal déroute l'action, le juge peut
néanmoins allouer des subsides à l'enfant si les relations entre
la mère et le défenseur ont été
démontrées au moment de la conception de l'enfant d'après
l'article 340-7.
Au regard de l'article 908 et 1097, l'enfant ne peut
bénéficier que de libéralités réduites.
Quant à la légitimation des droits
naturels, un enfant naturel ne devient légitime que du fait de mariage
des parents ou sur décision judiciaire. On considère trois
cas :
1e) La légitimation par le
mariage : aux termes de l'article 331, tous les enfants nés hors
mariage sont légitimés de plein droit, subséquent de leur
père et mère. Cette légitimation est automatique si trois
conditions sont remplies : mariage des parents, filiation établie
et filiation antérieur au mariage.
2e) Légitimation post-nuptias :
elle ne peut y avoir lieu qu'en vertu d'un jugement constatant que l'enfant a
eu depuis la célébration du mariage la possession d'état
d'enfant légitime. Si cette légitimation n'a été
établie qu'après la célébration du mariage, le
législateur la considère comme douteuse, et elle ne peut y
résultée d'une adoption ou d'une reconnaissance de complaisance.
Le changement de nom se fait de plein droit si l'enfant est mineur.
3e) Légitimation par autorité
judiciaire : Il faut que les parents réclament la
légitimation après avoir établi la filiation de l'enfant,
et l'impossibilité de mariage des parents. La légitimation par
effets de justice n'a pas d'effets rétroactifs.
Pour le législateur, il s'agit de donner
volontairement aux femmes fécondées hors mariage, la
possibilité d'agir à l'égard du père, soit en
dirigeant contre lui une action en recherche de paternité, soit en
réclamant des subsides, à celui ou ceux qui auraient eu des
relations sexuelles au moment de la période légale de la
conception de l'enfant.
Il existe aussi des conditions pour l'action aux fins
subsides : Tout enfant naturel peut réclamer des subsides aux
hommes ayant eu des relations sexuelles avec la mère pendant la
période légale de conception. La mère n'a pas besoin
d'apporter la preuve que le défenseur est le père de l'enfant. Il
lui suffit de prouver par tous moyens qu'elle a eu des relations sexuelles avec
lui. Le défenseur, de son côté peut prouver qu'il n'est pas
le père biologique de l'enfant. Cette action peut-être
intentée pendant toute la durée de la minorité de l'enfant
et peut-être l'objet d'une fin de non recevoir.
En ce qui concerne les effets de l'action, aucun lien de
filiation n'est établi juridiquement entre le père possible de
l'enfant. Le tribunal condamne le ou les pères à payer des
subsides, ou une pension alimentaire. L'action n'a aucun effet sur le plan
personnel attaché à la filiation.
B - D'après les Lois du 3 janvier 1972 et
du 8 janvier 1993
1-1 D'après la loi du 3 janvier
1972
La vraie réforme en matière de filiation
réside en la loi du 3 janvier 1972. Cette loi a posé le principe
de l'égalité devant la loi des enfants naturels et des enfants
légitimes; elle a effacé, dans toutes les mesures du possible,
les discriminations défavorables à ces derniers. Cette
volonté égalitaire est affirmée par l'article 334 :
« l'enfant naturel a, en général, les mêmes
droits et les mêmes devoirs que l'enfant légitime dans ses
rapports avec père et mère. Il entre dans la famille de son
auteur. »
Cet article a consacré l'avènement de la famille
naturelle. Depuis cette loi, la famille naturelle est aussi large que la
famille légitime.1(*) Pour les rapports d'ordre patrimonial, la loi
restreint les droits successoraux de l'enfant adultérin, ne lui donnant
droit qu'à la moitié de ceux auxquels il aurait eu droit s'il
avait été légitimé.
La dite loi a entraîné l'abandon de la
prohibition antérieure.
Quant aux catégories d'enfants, le principe n'est
pleinement respecté qu'en ce qui concerne les enfants adultérins.
En outre, il existe une autre limite : la filiation d'un enfant naturel ne
peut en principe, être établie lorsqu'il a déjà une
autre filiation. Cette loi a, cependant, maintenu le rôle
traditionnellement dévolu à la volonté individuelle
dans l'établissement de la filiation naturelle. Cette solution
surprenante de prime abord en ce qu'elle contredit le souci qu'a la loi de
consacrer plus étroitement que jadis la vérité biologique,
s'explique par le désir qu'a eu le législateur, de ne pas
empêcher les reconnaissances de complaisance dont, selon l'exposé
des motifs, la pratique est soutenue par une sorte de tradition populaire. Au
demeurant, la prohibition de cette reconnaissance serait difficile à
faire respecter.
Le maintien de cette conception n'a cependant pas
empêché le législateur d'apporter quelques
améliorations au droit antérieur. Un certain rôle a
été accordé à l'acte de naissance; le
contrôle a posteriori de la véracité de la reconnaissance,
par la voie de l'action en constatation a été
conservé ; la loi s'efforce de limiter les inconvénients
d'un changement d'état consécutif à une constatation de
reconnaissance. Le rapprochement con staté entre famille naturelle et
légitime s'est accentué en une décennie.
Signalons un relatif alignement en matière
d'autorité parentale, du moins lorsque l'établissement de la
filiation naturelle découle des reconnaissances des pères et
mères.
1-2 d'après la loi du 8 janvier 1993
La loi du 8 janvier 1993 a apporté diverses
modifications d'importance variable au droit de la filiation, non sans
contradiction d'ailleurs : parfois dans le sens d'une importance accrue de
la vérité biologique, parfois dans le sens d'une
singulière protection du secret. Une mère peut reconnaître
l'enfant dont elle a accouché et qu'elle a remis par
l'intermédiaire d'une association à un homme marié qui l'a
déclaré et reconnu, sans que l'auteur de la reconnaissance puisse
lui opposer ; l'article 338 est inapplicable lorsque la prétendue
mère est une femme mariée.
Consacrant les solutions dégagées par la
jurisprudence, la loi du 8 janvier 1993, en son article 22, a modifié et
complété l'article 335 du code civil, désormais
rédigé de la manière suivante : La reconnaissance
d'un enfant naturel peut être faite dans l'acte de naissance, par acte
reçu par l'officier de l'état civil ou par tout autre acte
authentique.
La dite loi, en matière de preuve de la filiation,
s'est inspirée, du moins dans l'intention des auteurs, du projet de loi
initial par le désir de faciliter l'établissement de la filiation
naturelle. Mais le cours des débats parlementaires a transformé
ce désir d'une stupéfiante manière parce
qu'antérieurement à la réforme de 1993, l'article 341 du
code civil, après avoir disposé qu'en principe la recherche de la
maternité est admise en son premier alinéa ; principe
paraissant naturel, absolu, et immuable, disposait en son alinéa 2 que
l'enfant qui exercera l'action sera tenu de prouver qu'il est celui dont la
mère prétendu est accouchée et qu'il sera reçu
à le prouver en établissement qu'il a, à l'égard de
celle-ci, la possession d'état d'enfant naturel, qu'à
défaut, la preuve de la filiation pourra être faite par
témoins; s'il existe, soit des présomptions ou indices graves,
soit un commencement de preuve par écrit au sens de l'alinéa 4 de
l'article 324 du code civil.
La loi du 8 janvier 1993 a supprimé l'exigence du
passage par des cas d'ouverture à l'action en recherche judiciaire de
paternité naturelle. Ce qui ouvre la porte à des
possibilités selon l'article 25.
Toutefois, si le père prétendu et la mère
ont vécu pendant la période légale de la conception en
état de concubinage impliquant, à défaut de vie, des
relations stables ou continues, l'action peut être exercée
jusqu'à l'expiration des deux années qui suivent la cessation du
concubinage. Si le père prétendu a participé à
l'entretien, à l'éducation ou à l'établissement de
l'enfant en qualité de père, l'action peut être
exercée jusqu'à l'expiration des deux années qui suivent
la cessation de cette contribution.1(*)
Cette section a été consacrée à
l'étude du statut juridique en France d'abord dans l'ancien droit et le
code civil ensuite d'après les lois du 3 janvier 1972 et du 8 Janvier
1993. Ainsi s'achève ce premier chapitre du travail.
Le chapitre suivant traitera de la filiation naturelle dans le
contexte socio juridique haïtien.
CHAPITRE II
LA FILIATION NATURELLE : VUE SOCIOLOGIQUE ET STATUT
JURIDIQUE
Le droit de la filiation est gouverné par un principe
essentiel, celui de la primauté légitime. Le seul enfant qui
intéressait le législateur, la société et
l'église en particulier, est l'enfant du mariage.
La primauté de la filiation légitime se
traduisait par une très forte inégalité quant à
l'établissement et aux effets de la filiation. Cet établissement
est bien plus facile que celui de la filiation naturelle. Une étude sur
la condition sociale et juridique de ces enfants revêt une importance
capitale en Haïti , une ancienne colonie française où les
relations légales étaient rares et où des unions libres
résultaient des naissances illégitimes. Ce chapitre comportera
deux sections dont la première étudiera la perception
sociologique de la filiation naturelle en Haïti et la seconde, son statut
juridique.
Section 1
L'enfance naturelle en Haïti du point de vue
sociologique.
Nous présenterons dans cette section, d'abord l'ampleur
et la perception du phénomène des enfants nés hors mariage
en Haïti ensuite les divers courants de pensée y relatifs.
A- Ampleur
1- avant l'indépendance.
A la veille de la Révolution française, la
population blanche de Saint Domingue, sans compter les troupes
cantonnées dans les villes et les marins des navires de guerre qui
stationnaient dans les ports de la colonie, s'élevait à 30.826
habitants dont 21.166 hommes et 9660 femmes. Ce qui faisait plus de deux hommes
pour une femme.
Ce chiffre donnant par un tableau datant de 1789, n'est pas
sensiblement différent de celui qu'a fourni, pour le même temps,
Moreau de St-Méry, Malhouet M. de la Luzerne.1(*) D'où une
prolifération des enfants issus d'unions illégales et des
négresses. On comprend que les sang-mêlés aient
été si nombreux à St Domingue. Aux 21.166 hommes de la
population permanente, il faut ajouter les soldats et les officiers de
l'armée et les nombreux marins de la flotte qui visitaient
fréquemment certaines villes d'Haïti. Sur toute la population libre
de la colonie, montant à peu près à 58.000 âmes, il
n'y avait d'après Hilliard d'Auberteuil, que 3000 femmes mariées,
dont 2000 blanches et 1000 mulâtres et négresses libres.2(*)
Plus de 1200 blanches et 2000 mulâtresses ou
négresses étaient livrées à la prostitution ou
vivaient en concubinage, sans compter la foule innombrable des esclaves noires
soumises aux caprice libidineux du maître.
Les facilités de débauches empêchant les
jeunes gens de se marier, un nombre considérable d'honnêtes et
vertueuses filles restent sans établissement.
Il y avait à saint Domingue une grande quantité
de blancs mariés à des personnes de couleur. On accabla ces
blancs de si cruels mépris, qu'on arrêta subitement ces
associations dictées par la nature et qui auraient fait rapidement
peupler et prospérer ces îles auprès du gouvernement
métropolitain.
Comme d'année en année augmentait le nombre des
affranchis et que cet accroissement paraissait mettre en danger l'avenir de la
colonie, on voulut y apporter des entraves. Malgré divers
règlements locaux et les difficultés créées par une
ordonnance de 1775 qui essaya de restreindre les libertés non
justifiées, le nombre des affranchissements suivit une progression
ascendante.
D'après Moreau de St Méry, les affranchis
étaient passés de 500 en 1703, à 1590 en 1770, à
6000 en 1775, à 25000 en 1780, à 28000 vers 1789.1(*) A ce chiffre, il faudrait
ajouter ceux qui restèrent occultes. Combien une pareille marche a
dû faire propager le concubinage dont les blancs veulent faire rejaillir
maintenant la peine sur les fruits innocents qui en sont provenus.
Plusieurs blancs, ayant eu des enfants avec des filles de
couleurs voulant s'arracher, eux et leurs enfants, à ce mépris
injuste, s'établirent en France avec elles et par un nouveau mariage,
ils légitimèrent leurs enfants.
Un arrêt du conseil défendait ces mariages
même en France, et depuis, on vit des curés à Paris,
refuser de marier des hommes de couleur avec des blanches. Ces mariages se
multipliaient et le nombre des affranchis, ces alliés naturels de
l'esclave augmentait d'année en année. D'ou les doléances
des colons.
A l'époque coloniale, le degré de polygamie est
en rapport avec le statut social.
2- à partir de l'indépendance
Les statistiques confirment l'observation courante : on
compte, dans l'ensemble de la population rurale, trois fois plus de
ménages placés que de ménages mariés. Et cette
population semble avoir été largement faussée. Lors du
recensement de 1950, entre 20 et 50 ans, ou dénombrerait six fois plus
de placés que de mariés : placés 60% ;
mariés 10% célibataires et autres 30 %.1(*)
Entre 20 et 30 ans, on dénombre encore près de
1/3 de célibataires dans la population rurale.
L'enquête démographique menée avec
quelque précision dans les communes de Grand Gosier et d'Anse à
Pitre indique que 8% seulement des chefs de ménage ont entre 20 et 30
ans. Le paysan n'envisage de fonder un foyer qu'à partir de 25 ou 30
ans.
Au regard des statistiques, il semble qu'entre 20 et 50 ans il
y avait en moyenne 58 femmes pour 42 hommes sur 100 individus placés, ce
qui représenterait environ un cas de polygamie pour 3
ménages.1(*)
Les statistiques du centre de Recherches Caraïbes,
montrent que malgré l'augmentation rapide du nombre de mariages, un
homme sur trois, âgé de 30 ans au moins, se
mariait soit 80 % des enfants sont illégitimes.
Selon d'autres données statistiques fiables, en ce qui
a trait aux enfants baptisés à la paroisse de Sainte
Thérèse entre l'année 1947 et 1948, il y a eu 247 enfants
dont 75 légitimes. Ce qui donne un total de 172 enfants naturels.
Selon l'enquête de l'institut haïtien de
statistique et d'informatique, sur le statut matrimonial par sexe, le nombre de
placés est supérieur à celui des mariés.
En outre les gens ont toujours tendance à cacher la
vérité en disant qu'ils sont célibataires, veufs,
divorcés ou séparés, alors qu'ils vivent dans le
concubinage. Ce qui fait que le nombre de placés est
conséquemment de beaucoup supérieur à ceux accusés
par l'enquête. Ces derniers donnent aussi des enfants naturels.1(*)
B- Perception sociologique
1- Avant l'indépendance.
Le plus superficiel examen de la société de
Saint Domingue révèle immédiatement l'existence de trois
éléments aux caractères nettement tranchés,
formant les trois classes de la population coloniale : les blancs, les
affranchis et les esclaves. Les premiers étaient les maîtres et
les deux derniers n'avaient que des droits limités. Ces trois groupes,
par suite des barrières dressées entre elles par les
règlements coloniaux, par leur mode de vie, par leurs habitudes, par
l'opposition de leurs idées et de leurs intérêts,
présentent des différences remarquables.
Les blancs créoles, comme les historiens s'accordent
à le reconnaître, se distinguaient par leur élégance
et la beauté de leur corps. Ils étaient vifs et impétueux.
Un contemporain, Ducoeurjolly, dit qu'ils présentent à
l'imagination ardente aux sens surexcités et dans les veines desquels,
pour employer l'expression du romancier haïtien Amédée Brun,
coûtait véritablement du sang. Selon un auteur
haïtien, Hannibal Price bien peu de ces hommes si entichés de leur
qualité, avaient pur sang dans les veines.
Les premiers n'avaient pas fait délicats. Ils
s'étaient unis, légalement ou illicitement à leurs
négresses. De ces unions étaient nés des mulâtres.
Ceux-ci par des unions successives avec des personnes de teint clair, tachaient
de se rapprocher de cet idéal de peau blanche qui, atteint, devait leur
procurer le bonheur parfait sous la forme d'avantages positifs.1(*)
Ces blanches créoles ne manquaient pas cependant de
charmes, elles étaient très passionnées et poussaient la
tendresse maternelle jusqu'à l'extravagance. Mais les blancs les
accusaient tout de même de manquer d'affection comme épouses. Les
hommes préféraient porter leurs hommages monnayés aux
sémillantes mulâtresses ou abuser, pour répéter le
mot du Père Du Tertre, de leurs servantes noires, plantureuses et
saines.
Bref, le mariage n'a jamais été le mode d'union
privilégié. Le concubinage était la règle et le
mariage l'exception. Hilliard d'Auberteuil constate le fait pour le
blâmer. Un blanc, dit-il, qui épouse une mulâtresse descend
du rang des blancs et devient légal des affranchis : Ceux-ci
regardent même comme leur inférieur.
Cet auteur va encore plus loin : « non
seulement il ne doit pas être permis aux négresses,
mulâtresses quarteronnes de se marier à des blancs, il est
nécessaire qu'à l'avenir tous les nègres, griffes et
marabouts restent dans l'esclavage ».
Un homme de couleur, Julien Raymond né à Aquin
et issu de l'une de ces unions si véhémentement condamnées
par Hilliard d'Auberteuil, avait été envoyé en France et
avait reçu une brillante éducation. Le mélange des races,
dit Lucien Peytraud, avait trop d'occasions fatales de se produire pour qu'il
n'en fût pas ainsi. Il suffit de rappeler que, sous ce climat chaud, les
négresses étaient à peine vêtues, qu'elles
étaient de moeurs naturellement douces et qu'elles ne s'appartenaient
pas.1(*)
Les négresses y trouvaient d'ailleurs leur
intérêt, sinon leur plaisir. Leurs enfants, nés de ce
commerce immoral, étaient le plus souvent affranchis, pendant qu'elles
voyaient elles mêmes leur situation s'améliorer.
Beaucoup de sang-mêlé sautaient la
barrière. L'appellation de sang mêlé constituait la plus
grave injure qu'on pût faire à un blanc ou à un homme libre
se prétendant de race pure.
Défense était faite à ceux, issus de
mulâtresses, négresses quarteronnes non mariées, de porter
les noms des blancs. Ils devaient avoir un surnom titré de l'idiome
africain ou de leur métier et couleur, qui ne pourrait jamais être
celui d'une famille blanche de la colonie. Les Unions légitimes entre
blancs et gens de couleurs étaient rares. L'administration locale, de
même que le gouvernement métropolitain, mettait tout en oeuvre
pour les empêcher. L'autorité coloniale, approuvée par le
pouvoir royal, refusa maintes fois l'autorisation nécessaire à
des négresses affranchies qui étaient sur le point de se marier
avec des blancs, elles ne pouvaient ni ne voulaient épouser des
nègres esclaves, parce qu'un pareil mariage les eût
entraînées dans la servitude.
Elles ne pouvaient s'unir aux blancs à cause du
préjugé de couleur. Elles n'avaient devant elles que deux voies
à suivre : ou se marier à des affranchis comme elles, qui ne
s'en souciaient guère de leur côté dans leur désir
de se rapprocher du blanc ; ou se livrer â la prostitution.
Les sang-mêlé ne pouvaient être
nommés à aucun emploi ou dignité dans les colonies. Les
charges dans la judicature et les milices étaient interdites aux
affranchis. Ils n'avaient pas le droit d'exercer certains métiers ou
d'occuper certains offices. Ils ne pouvaient être ni prêtres, ni
avocats, ni médecins.
2- à partir de
l'indépendance.
Tous les chefs d'Etat qui se succédaient au pouvoir
n'étaient pas insensibles à la question de l'accroissement des
naissances hors mariage. Les enfants illégitimes restent majoritaires,
et il y a plusieurs facteurs qui sont à la base : les facteurs
économiques, sociologiques, culturels.
2-1 facteurs économiques
Une grande partie de nos masses rurales évoluent dans
la polygynie. Ceci s'explique par la politique agraire mis en place par nos
premiers dirigeants. Ce système, oblige l'homme à avoir une
concubine sur chacune de ses parcelles de terre en vue de la préserver
et de la fructifier.
Le plaçage offre aux cultivateurs le moyen de conserver
cette semi clandestine dont l'expérience séculaire
démontre les avantages. Et il arrive souvent que cet homme soit
déjà engagé dans les liens du mariage avec une de ses
femmes d'où la naissance des enfants de toutes conditions sociales et
juridiques.
Les conditions pécuniaires des gens sont encore plus
déterminantes dans le régime des unions illégitimes. Les
préparatifs et les cérémonies en vue du mariage sont
très coûteux.1(*) Pour éviter des dépenses ils n'avaient
pas d'autre choix que de se placer. Car, on se répète souvent un
bon ménage vaut mieux qu'un bon mariage.
Il arrive très souvent que l'homme marié
profitant de sa situation économique, à d'autres jeunes filles
à coté de son épouse. Ces jeunes filles, à cause de
leurs faibles ressources économiques, acceptent d'entretenir des
relations sexuelles avec l'homme marie. Et pour retenir ce dernier afin de ne
pas perdre son assistance économique, se réjouissent d'une
grossesse. De là est né un enfant répute adultérin
d'après la loi.
2-2 facteurs sociologiques et
culturels.
Le mariage, institution d'origine aristocratique, est un
facteur de promotion sociale : le passage d'une classe pauvre à une
classe plus ou moins aisée. Il est considère comme un
événement considérable, attestant une émancipation
effective de la commune condition, et qu'à ce titre, il doit être
entouré de jouissances particulières. Toutefois, on ne peut nier
le plaçage polygynique qui est un signe déterminant dans la
recherche du statut social de l'individu.1(*)
Le plaçage reste, dans les campagnes haïtiennes
aussi bien que dans les milieux populaires urbains, le moyen le plus
répandu de fonder un foyer. Il répond aussi à une ancienne
tradition dont on retrouve les racines à l'époque coloniale, dans
les moeurs de la masse servile. Cette situation de polygynie se rencontre
souvent chez une catégorie des gens tels les chefs de section, les
hougans, certains militaires. La polygynie est le modèle essentiel des
structures familiales africaines. Pour ainsi dire nous sommes des descendants
d'Afrique. Dans ces conditions, les unions libres offrent plus
d'intérêt au couple que le mariage. Autant de facteurs qui ont
concouru a cette affluence de naissances illégitimes. En Haïti,
traditionnellement la majorité des unions ne sont pas sanctionnes par le
mariage. Le placage est encore pour diverses raisons la forme d'union la plus
répandue dans les villes et dans les campagnes.2(*)
Cette section a présenté l'ampleur et de la
perception du phénomène de l'enfance naturelle en Haïti tant
avant qu'à partir de l'indépendance. La prochaine section
traitera du statut juridique de l'enfant naturel en Haïti.
Section 11
Le statut juridique de l'enfant naturel en
Haïti.
Le statut juridique des enfants nés hors mariage en
Haïti sera étudié d'une part avant le code civil et d'apres
les lois de 1805 et de 1813, d'autre part à travers le code civil, les
décrets et les conventions ratifies par l'état
haïtien.
A- Avant le code civil.
1- d'après le code noir
Il ne semble pas qu'il y ait eu avant Mars 1685, date de la
publication du code Noir, des dispositions légales relatives à
l'affranchissement des esclaves, bien que cet édit royal eut, dans une
certaine mesure, adopté les principes humanitaires déjà
contenus dans les lois espagnoles des 15 Avril 1541, 31 Mars 1563, et 26
Octobre 1641.
L'on doit reconnaître cependant que ce code fut
très libéral en matière d'affranchissement. Au moment
où l'esclavage avait atteint son exaspération dans les Antilles,
l'édit de 1685 ou Code noir fut publiée.
Cette oeuvre législative, promulgué par Louis
XIV en 1685, le Code noir réglemente l'esclavage des noirs. Louis
Salas Molin fut l'exégète impitoyable du texte et pourfendeur de
toutes les hypocrisies abolitionnistes. Le code noir se compose de soixante
articles qui gèrent la vie, la mort, l'achat, la vente,
l'affranchissement et la religion des esclaves. Il définissait de
manière stricte et précise les relations entre les maîtres
et leurs esclaves, considérés comme des biens
« meubles ». Les soixante articles peuvent être
compartimentés en fonction thématique allant de la religion
unique, qui condamne le concubinage, impose le baptême et régit le
mariage et l'inhumation des esclaves, à la réglementation de
leurs allées et venues, de leur nourriture et de leur habillement, en
passant par l'incapacité de l'esclave à la
propriété.
Les principes essentiels de ce Code établissent la
déshumanisation de l'esclavage tant sur le plan juridique que civil, et
la contrainte théologique qui s'exerce sur sa volonté. Ses
articles 8 à 13 sous le titre « Le concubinage/ Le
mariage » régissent le statut juridique des esclaves et leurs
effets civils sur les esclaves. Aux termes de l'article 8, l'obligation est
faite, aux esclaves d'être catholiques. Le mariage est reconnu comme la
seule forme d'union légitime. Mais pour avoir y accès, il faut
être baptisé dans la région catholique, apostolique et
romaine. Les enfants en dehors du mariage, tel établi par cet article,
sont réputés bâtards.
Le code noir avait admis l'esclave à la jouissance de
certains droits naturels et l'avait rendu capable de liberté. Selon le
prescrit de l'article 9, les enfants nés du concubinage des esclaves
avec leurs maîtres étaient adjugés à l'hôpital
sans pouvoir jamais être affranchis. Mais le cas du mariage
régulier d'une personne libre avec un esclave, l'esclave est affranchi
et ses enfants rendus sont libres et légitimes. Les hommes libres qui
auront un ou plusieurs enfants de leur concubinage avec des esclaves ensemble
les maîtres qui l'auront souffert, seront chacun condamné à
une amande de 2000 livres de sucre, et s'ils sont les maîtres de
l'esclavage de laquelle ils auront eu les dits enfants, outre l'amende, qu'ils
soient privées de l'esclave et des enfants. Cet article se prononce en
faveur du mariage sans toutefois envisager des unions légales entre les
blancs et les esclaves.1(*)
Les enfants, selon l'article 12 du code noir, qui
naîtront des mariages entre esclaves, seront esclaves, et appartiendront
aux maîtres des femmes esclaves, et non a ceux de leurs maris, si le mari
et la femme ont des maîtres différents. Plus loin, si le mari
esclave a épouse une femme libre, les enfants, tant males que filles,
soient de la condition de leur mère, et soient libre comme elle,
nonobstant la servitude de leur père ; et que si le père est
libre et la mère esclave, les enfants soient esclaves également.
(Art.13).
Cependant, la situation sociale du milieu va subir une
transformation radicale qui sera commandée par le mouvement
révolutionnaire concrétisé par la guerre de
l'indépendance dont les effets réels seront enregistrés
des 1804. La situation sociale des enfants naturels sera prise en compte et
observée avec un peu plus de considération avec les lois
particulières.
2- d'après la Loi du 28 Mai
1805
A partir de 1804, Il était impérieux de doter la
République de lois répondant aux aspirations et aux coutumes de
son peuple. Le premier chef d'Etat d'Haïti, l'Empereur Jean Jacques
Dessalines, avait publié la loi du 28 Mai 1805 régissant la
situation des enfants nés hors mariage. Soucieux de la
prolifération des naissances hors mariage, l'empereur a oeuvré de
façon à garantir leurs droits. Cette loi spéciale à
référence constitutionnelle, comprend cinq titres ayant chacun
plusieurs articles.
Le premier titre contient 19 articles traitant de
l'état des enfants nés hors mariage et dont les auteurs sont
vivants. « La recherche de la paternité est interdite alors
que celle de la maternité est permise dans la mesure ou l'enfant
pourrait établir la preuve de l'accouchement de sa
mère ».
Selon l'article 5, la reconnaissance de l'enfant est faite par
le père devant l'officier de l'état civil. Cette reconnaissance
doit être confirmée par la mère, ce qui constitue son
aveu.1(*)
Ce même titre admet en son article 12 la reconnaissance
d'un enfant naturel né pendant le mariage. Ainsi, l'aspect le plus
remarquable de cette loi résultait du contenu de cet article 12 qui
reconnaît au père, même engagé dans les liens du
mariage, la possibilité de reconnaître un enfant naturel né
pendant le cours du dit mariage. La préoccupation du législateur
était d'organiser la famille hors mariage et de protéger les
enfants qui en étaient issus.
Les cinq articles du deuxième titre concernent le cas
des enfants nés hors mariage reconnus par leurs auteurs
antérieurement à la promulgation de cette loi. Ces enfants
doivent confirmer par des actes authentiques leurs qualités s'ils
avaient été déjà en possession des biens de leur
père.
Le titre suivant envisage les procédures en ce qui a
trait aux enfants illégitimes qui n'avaient pas été
reconnus par leur père avant la publication de cette loi. Le
quatrième titre ne comporte qu'un seul article éliminant toute
distinction entre enfant légitime et enfant naturel.
Enfin, le dernier titre contenant trois articles concerne les
enfants adultérins et incestueux. Ces derniers pouvaient être
l'objet d'un désaveu de leur père. Toutefois, l'obligation
était faite au père de pourvoir à leur entretien et
à leur éducation. 1(*)
Nous en étions à cette phase avec le
gouvernement de Dessalines quand, par suite du soulèvement on assista
à l'accession de Pétion son successeur. Le gouvernement de ce
dernier a laisse à la postérité une législation sur
la matière dénotant une contribution certes, la loi du 10
Novembre 1813, mais teintée d'une certaine restriction.
3- d'après la loi du 10 Novembre 1813
Il fallait attendre la loi du 10 novembre 1813 pour voir fixer
le statut des enfants dits illégitimes. Preuve d'un souci
d'équité, geste politique aussi, cette loi apparaît
à la fois comme la manifestation d'une volonté de protéger
les enfants naturels et d'éviter le divorce entre l'ordre social et
l'ordre juridique.
La célérité du législateur a
élaboré un droit familial répondant incontestablement
à une situation d'urgence qu'expliquent les circonstances de la
formation de la nation haïtienne au lendemain de1804.
Il n'y avait pas vraiment une nouveauté. Pétion
a adopté, en cette matière presque les mêmes mesures
envisagées par Dessalines, mais avec quelques restrictions. L'origine
bâtarde des habitants du pays est prise en compte et la loi mise en
harmonie avec elle.
Le législateur instituait une différence entre
les enfants nés hors mariage. Il octroyait à l'enfant naturel le
droit de venir à la succession des parents avec les enfants
légitimes. (Article 13) ; excluait de celle-ci la catégorie
des enfants naturels non reconnus.
Si un père a eu un enfant, sans être
engagé dans les liens du mariage, vient à se marier, l'enfant
jouira des mêmes droits sur les biens de son père, que les enfants
qui naiteront de ce mariage selon l'article 14 de cette loi.1(*)
Ainsi, cette loi comme celle de 1805 permet au père de
reconnaître son enfant naturel conçu et né
pendant le mariage ; mais dans la succession, l'enfant naturel n'a
que le quart de la portion allouée à l'enfant
légitime. Par contre va-t-on retrouver ces
caractères particuliers dans le code civil ?
B- A partir du code civil.
1- d'après le code
1-1 état civil de l'enfant naturel.
Les articles 302 à 304 traitent de la
légitimation des enfants naturels. Les enfants nés hors mariage
dits enfants naturels, à l'exception des enfants incestueux ou
adultérins peuvent, aux termes de l'article 302 peuvent être
légitimes par le mariage subséquent de leur père et
mère si ces derniers les ont reconnu avant leur mariage ou les
reconnaissent dans l'acte de célébration.
Les enfants naturels décédés qui ont
laisse des descendants peuvent être ainsi légitimes et cette
légitimation profite aux dits descendants. (Art. 303) Comme le prescrit
l'article 304, la légitimation par le mariage subséquent
confère les mêmes droits que la naissance dans le mariage. La
reconnaissance d'un enfant naturel sera faite par un acte spécial devant
l'Officier de l'état civil, lorsqu'elle n'aura pas été
dans son acte de naissance. Cette reconnaissance ne pourra avoir lieu au profit
des enfants nés d'un commerce incestueux ou adultérin. (Article
306). En aucun cas cette reconnaissance ne peut donc nuire au conjoint ni aux
enfants issus du mariage. (Art 308)
Le code civil ne reconnaît pas à l'enfant naturel
reconnu les mêmes droits que les enfants légitimes. (Art. 309)
Toute personne au prescrit de l'article 310 qui y a intérêt ne
peut contester une reconnaissance faite par le père ou la mère,
une réclamation faite par l'enfant naturel. Le législateur
interdit a l'enfant naturel la recherche de la paternité seulement dans
le cas d'enlèvement lorsque l'époque de cet enlèvement se
rapporte a celle de la conception. Suivant une modification apportée
à cet article, la recherche de la paternité peut se faire aussi
dans le cas de concubinage notoire pendant la période légale de
la conception. Et plus loin il déclare que cette action ne sera pas
recevable si pendant la période légale de la conception, la
mère était d'une inconduite notoire ou a eu un commerce avec un
autre individu et aussi si le père prétendu était dans
l'impossibilité physique d'être le père de l'enfant. (Art.
311).
La recherche de la maternité naturelle est admise et
l'enfant qui réclame sa mère doit prouver qu'il est bien l'enfant
indique dont la mère avait accouchée à l'époque
indiquée. Il ne sera admis à en faire la preuve par
témoins que s'il existe un commencement de preuve écrite. (Art.
312).1(*)
Un enfant, prescrit l'article 313 ne sera jamais admis
à la recherche de la maternité. Nous passons à la
dévolution successorale des enfants naturels.
1-2- enfant naturel et dévolution
successorale
La succession a lieu quand il existe la transmission du
patrimoine après la mort. Elle consiste également au maintien du
bien-être sur le plan socio économique de l'enfant. Ainsi
laissons-nous la réglementation du code civil en matière de la
succession à l'égard des enfants naturels.
Les enfants naturels légalement reconnus
héritent de leur père ou mère, ou de leurs ascendants
naturel, mais non des ascendants légitimes de leurs père ou
mère. (Article 606). D'après l'article 608 la part de l'enfant
naturel devra être le tiers de la part de l'enfant légitime. La
succession sera partage en autant de lots qu'il y a d'enfants légitimes
multipliés par trois auxquels nombres sera ajoute a celui des enfants
naturels. Chaque enfant légitime en prendra trois lots et chaque enfant
naturel en prendra un.
La totalité de la succession, à défaut de
descendants légitimes, appartient aux enfants naturels. (Art. 609).
Les enfants ou descendants d'un enfant légitime ou
naturel prédécédés viennent dans tous ses droits.
(610). Il reste entendu que l'enfant adultérin ou incestueux n'a pas
droit à l'héritage. Il n'a droit qu'à des aliments qui ne
peuvent être imputés que sur la portion dont la loi sur les
donations et testaments permet aux père et mère de disposer.
(611).
Le code civil attribue la succession de l'enfant naturel,
décédé sans postérité légitime ou
naturelle, et sans frère ni soeur naturelle ni descendants d'eux, au
père ou a la mère qui l'a reconnu ; ou par moitie à
tous les deux, s'il a été reconnu par l'un et par l'autre. Les
ascendants légitimes de l'enfant naturel même reconnu, n'ont aucun
droit à sa succession.
En cas de prédécès, des père et
mère d'un enfant naturel, décède sans
postérité, mais laissant des frères ou soeurs, les biens
qu'ils avaient reçu d'eux passent a ses frères et soeurs
légitimes s'ils se retrouvent en nature dans la succession, les actions
en reprise, s'il existe, ou le prix de ces biens aliènes, s'il est
encore du en tout ou en partie, retournent également aux frères
et soeurs légitimes. Tous les autres biens passent aux frères et
soeurs naturels, légalement reconnus, ou à leurs descendants.
(625).
Aux frères et soeurs naturels légalement
reconnus, ou à leur décédant, viennent tous les autres
biens. Enfin, les dispositions des 618, 619, 620,621, 622 ,623 sont applicables
aux frères et soeurs ou autres collatéraux naturels venant, soit
entre eux, soit avec des descendants naturels à la succession d'un
frère, soeur ou autre collatéral naturels.
2- d'après le décret- loi du 22
décembre 1944
Le décret-loi du 22 décembre 1944 fut pris sous
la présidence d'Elie Lescot sur les enfants naturels. Ce décret
établit l'existence et la distinction de trois catégorie
d'enfants : l'enfant légitime, l'enfant naturel simple et l'enfant
adultérin ou incestueux.
Il est de principe que la loi, tout en sauvegardant les
préceptes universels de la morale et en visant à y plier
l'état social, doit, dans toute la mesure du possible, épouser
les contours des faits et des situations qu'elle est appeler à
réglementer. Ce décret, évitant de troubler l'ordre public
et de nuire à la concorde nécessaire entre les citoyens, a
abrogé et modifié certains articles du code civil se rapportant
à l'enfant naturel notamment ceux de 302, 305, 308, 309, 311,608 et
625. 1(*)
Il a reconnu aux enfants naturels simples, nés d'un
homme et une femme non engagés dans les liens du mariage le droit
à la légitimation.( art. 302) Cette reconnaissance sera faite par
un acte spécial devant l'Officier d'Etat civil, lorsqu'elle n'aura pas
été dans son acte de naissance. Et elle ne pourra nuire à
l'enfant ni aux enfants nés de ce mariage. Cet enfant reconnu aura les
mêmes droits que l'enfant légitime, sous la réserve des
dispositions des articles 306 et 606 du code civil.
Le décret du 22 Décembre 1944 a abrogé
définitivement l'article 608 et s'énonce ainsi : s'il y a
concours des descendants légitimes et naturels, la part de l'enfant
naturel sera égale à celle de l'enfant légitime.
En cas de prédécès, les père et
mère naturel, selon l'article 625, les biens qu'ils avaient reçu
d'eux passent à ses frères et soeurs légitimes même
dans le cas de reprise s'ils se retrouvent en nature dans la succession.
Quant aux frères et soeurs naturels, légalement
reconnus, ou à leur dé cédants, tous les autres biens leur
revient. Qu'en est-il du décret du 27 Janvier 1959 ?
3- d'après le décret-loi du 27 janvier
1959.
L'unique objectif du décret du 27 Janvier 1959
était de mettre fin à toute inégalité entre la
condition juridique des enfants naturels et celle des enfants légitimes.
Pour ainsi dire l'égalité des droits et des devoirs entre les
enfants naturels et les enfants légitimes est sacrée dans les
articles de ce décret. La filiation naturelle engendre les mêmes
droits et les mêmes devoirs que la filiation légitime. Ce
décret contenant trois articles dont le premier s'énonce
ainsi : « La filiation naturelle engendre les mêmes droits
et les mêmes obligations que ceux dérivent de la filiation
légitime. Néanmoins, la preuve de la filiation naturelle ne peut
résulter que d'une reconnaissance volontaire ou judiciaire
autorisée par la loi. Le deuxième parle de
l'inapplicabilité du premier alinéa de l'article
précédent aux successions définitivement partagées,
soit à l'amiable par un acte ayant date certaine, soit en justice par
une décision passée en force de chose souverainement
jugée. Et le troisième article de ce décret abroge toutes
lois qui lui sont contraire, notamment les articles 308, 606, deuxième
alinéa et 624 du code civil sur la filiation naturelle.
Depuis une époque récente, la protection de
l'enfance fait l'objet d'une sensibilisation au niveau international. Cela se
traduit par la mise au point de divers traités internationaux
ratifiés par Haïti qui sont applicables au besoin contre la loi
interne.1(*)Proposons-nous
donc de contempler les grandes caractéristiques et la portée de
ces conventions ratifiées par Haïti.
4- d'après la convention relative aux droits de
l'enfant.
L'enfant étant un être humain complet, a besoin
d'une protection spéciale. Souvent on pense qu'il n'a pas de droit
puisqu'il n'exerce pas encore sa liberté. La convention internationale
relative aux droits de l'enfant a fait ressortir dans son préambule les
principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien
être des enfants, adoptée le 20 Novembre 1989 par
l'Assemblée générale des Nations Unies, elle a
été signée par l'Etat Haïtien le 26 Janvier 1990 et
ratifiée le 23 Décembre 1994 par le parlement haïtien et
publiée le 31 Juillet 1997 dans le Journal officiel, Le Moniteur #
59.
La convention est un ensemble de normes et d'obligations
universelles acceptées et non négociables. Ces normes
fondamentales que l'on appelle aussi les droits de l'homme définissent
des droits de l'homme et des libertés essentiels que les gouvernements
doivent respecter. Elles se fondent sur le respect de la dignité et de
la valeur de chaque individu, indépendamment de sa race, de sa couleur,
de son sexe, de sa langue, de sa religion, de ses opinions, de ses origines, de
sa fortune, de sa naissance ou de ses facultés, et s'applique à
chaque être humain, partout dans le monde.1(*)
Dans cinquante quatre articles et deux Protocoles facultatifs,
la convention énonce les droits fondamentaux qui sont ceux de tous les
enfants du monde. Les articles sont divisées en trois parties dont la
première fait obligation aux Etats parties de respecter les droits qui
énoncés dans la présente convention et de les garantir
à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune. Les
états partis s'engagent à prendre toutes les mesures
législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour
mettre en oeuvre les droits qui sont reconnus.
Cette convention définit l'enfant s'étend de
tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la
majorité est atteinte plutôt en vertu de la législation qui
lui est applicable.
Les Etats parties doivent respecter leurs droits et les
garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction de
race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou
autre.
L'intérêt supérieur de l'enfant doit
être une considération primordiale dans toutes les
décisions qui le concernent. (Article 3).
En 1989, les dirigeants du monde ont décidé que
les enfants devaient avoir une convention spéciale juste pour eux, car
les moins de dix huit ans ont souvent besoin d'une protection et d'une
assistance spéciales.1(*)
Les enfants naturels n'étaient pas les seuls victimes.
Les parents en l'occurrence la mère faisait l'objet de mépris et
d'exclusion sociale. La non observance de la convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes est évocatrice.
5- d'après la convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes.
La déclaration des droits de l'homme affirme le
principe de la non discrimination et proclame que tous les êtres humains
naissent libres et égaux en dignité et en droit sans distinction
aucune notamment de sexe. Cette égalité est
réaffirmée par la convention sur l'élimination de toutes
les formes de discrimination à l'égard des femmes, est
entrée en vigueur le 3 septembre 1981 et ratifiée par Haïti
le 3 Avril 1996, publiée le 9 septembre
1996 dans le Moniteur au # 66A. Elle est composée de
six parties dont
La première comprend 6 articles, la deuxième 3,
la troisième 5, la quatrième 2, la cinquième 6 et la
sixième 8 articles.
L'expression « discrimination à
l'égard des femmes » en son article premier, vise toute
distinction, exclusion ou restriction fondée sur le sexe dont le but est
de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice par les
femmes, quel que soit leur état matrimonial, sur la base de
l'égalité de l'homme et de la femme ou dans tout autre
domaine.
Les états partis condamnent cette discrimination et
tendent à l'éliminer par des moyens appropriés et des
dispositions législatives à assurer le développement et le
bien-être des femmes :
1e) en éliminant les préjuges
fondés sur l'idée d'infériorité ou de
supériorité de l'homme ou de la femme.
2e) en faisant reconnaître la
responsabilité de l'homme et de la femme dans l'éducation
familiale.
Ils reconnaissent également à la femme
l'égalité avec l'homme devant la loi.
3e) éliminer la discrimination à
l'égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage
et dans les rapports familiaux. 1(*)
Nous avons, dans cette section, présenté le
statut juridique de l'enfant naturel en Haïti d'abord avant et avec le
code civil, ensuite d'après les lois particulières et les
conventions ratifiées par Haïti. Nous terminons ainsi ce second
chapitre de la première partie.
La seconde partie fera la critique de la situation socio
juridique de l'enfant naturel en Haïti et ouvrira des perspectives de
solution.
DEUXIEME PARTIE
Critique de la situation socio juridique de l'enfant
naturel et
Perspectives de solutions.
Le mot critique vient du mot latin criticus ou du grec
kritikos qui signifie jugement. C'est l'appréciation de la valeur d'une
oeuvre, l'art de distinguer les qualités et les défauts d'une
oeuvre littéraire ou artistique. Faire l'analyse critique de quelque
chose, c'est en dégager les faiblesses et les lacunes.
La problématique est l'ensemble des questions qu'une
science ou une philosophie se pose relativement à un domaine
particulier, l'ensemble de problèmes posés par le
phénomène ou la question sous étude.
Cette partie réunira les deux derniers chapitres de
l'étude. Le premier consistera en la critique de la situation socio
juridique de l'enfant naturel en Haïti, le second présentera des
éléments de solutions.
CHAPITRE I
REGARD CRITIQUE SUR LA FILIATION NATURELLE EN
HAITI
Il existe en Haïti certaines discriminations à
l'égard de l'enfant naturel. La société haïtienne en
a une perception négative et la législation haïtienne est
restrictive à son égard. Ce chapitre, sera divisé en deux
sections dont l'une présentera la perception négative de la
filiation naturelle et ses conséquences, l'autre fera la critique de son
statut juridique.
Section 1
1- Perception négative de la
filiation naturelle et ses conséquences.
Toute société a son fondement culturel, un
idéal qui lui est propre; les modes de pensée varient suivant les
peuples, les tribus et les clans. Ainsi, une entité sociale ne peut pas
s'accommoder à toutes les sociétés. Il demeure entendu que
la société haïtienne a son fondement moral et les normes
réglementant la conduite de ses membres. Une analyse sur la
manière dont la société haïtienne perçoit le
phénomène de la filiation naturelle devra nous donner une juste
idée en ce sens.
A- Perception négative.
L'ignorance d'un fait de société, pour quelque
raison que ce soit, rend le tissu social très perméable à
toute sorte de rumeurs et de préjugés. Ces rumeurs inondent le
monde de la raison et de la réflexion. Leur propagation est même
une des conséquences les plus évidentes d'un savoir trop oriente,
voire doctrinal. Autour de l'inceste, l'adultère, les
préjugés populaires se côtoient.
1- position de l'église
Le droit canonique contraint les gens
à se marier pour assurer leur salut. Ainsi, les prêtres refusent
de baptiser un enfant dont le père n'est pas déclaré ou du
moins limitent le nombre d'enfants naturels d'une même famille à
baptiser. Ceci dans le but d'encourager les gens à se marier.
Car les croyances religieuses sont l'un des
éléments important de la civilisation d'un peuple. Elles priment
sur les lois nationales. Le droit canonique contraint les gens à se
marier pour assurer leur salut. Il parait comme une condition peu respectable
d'avoir des enfants naturels en Haïti. Certains protestants
négligent toute leur vie sociale afin de préparer la venue
prochaine du Christ. De nos jours l'église présente la grandeur
du mariage surtout en aidant les concubins à régulariser leur vie
par le mariage. Pour l'église se marier par devant l'officier
d'état civil est un acte contraire au droit canonique. Cela constitue un
péché et pour trouver le pardon il faut faire une
cérémonie religieuse par la bénédiction de
l'alliance.
Les pasteurs de leur côté, ne présentent
pas les enfants naturels au temple. L'enfant qui n'est pas ne à l'ombre
du sacrement du mariage est rejeté hors de la famille, et même
hors de la société.
2- perception sociale.
Il existe dans la société haïtienne une
hiérarchie entre les gens aisés et moins aisés. Si la
richesse est un étalon important pour l'échelonnage des
différences sociales, le type d'union qui prévaut en est un
autre.
Le droit comme la société, se montrent
très répressifs contre les relations sexuelles hors mariage
surtout pour les femmes. Ces dernières tant qu'elles ne soient pas
mariées se considèrent comme vivant en marge de la
société.
Le mariage pour elles confère une valeur sociale
à l'homme. Après vingt six ans, elles pensent qu'elles ont une
chance minimale pour se marier.
Le plaçage, n'existe presque pas dans la bourgeoisie
haïtienne. Pour elles, le mariage est une tradition, le seul état
matrimonial normal.1(*)
Dès 1804, le mariage était
considéré comme l'unique modèle de la famille. Christophe,
dans le royaume du Nord interdit même le plaçage.
En Haïti, les enfants naturels sont vus d'un mauvais
oeil. Paul Moral associe le plaçage à la
médiocrité générale des niveaux de vie. Le luxe du
mariage coûte très cher.1(*)
Les préjugés contre le plaçage
gênent tellement les femmes que celles qui sont placés sont peu
disposes à exposer au premier venu leur situation. Jusqu'à un
certain point, la femme porte une souillure. Dans les categories sociales
aisées, les couples non légaux répugnent à
être qualifies de places. Cette attitude manifeste non une
désapprobation en soi du plaçage, mais révèle
l'existence d'une adéquation entre un rang social
privilégié et le statut matrimonial.
Dans une société non encore
libérée de certains tabous, les enfants naturels qui sont les
plus frappés sont ceux issus de l'adultère et de l'inceste.
Le terme ` adultère' suscite beaucoup de
réactions dans les esprits avec l'évolution des
sociétés. Les réactions sont multiples et diverses. Ces
réactions produisent surtout dans les sociétés
monogamiques où il impose à chaque homme un seul époux ou
à chaque femme une seule épouse.
Chez les Hébreux les deux coupables étaient
lapidés, chez les Romains dans les premiers temps de la
République, l'adultère était jugé par un tribunal
domestique ou par le mari qui prononçait la peine qu'il voulait. Les
coupables étaient traduits devant le peuple à cause des moeurs
violées. Constantin prononça contre les adultères la
peine du parricide et Justinien laissa subsister la peine de mort contre
l'homme, celle de la fustigation Contre la femme et la réclusion pendant
deux ans dans un monastère.
En Haïti, l'adultère de l'homme semble faire bon
ménage avec la culture qui nous trempe, tandis que l'adultère de
la femme fait l'objet de raillerie et de châtiment d'ordre social et
moral. Cette analyse nous a conduit a nous poser des questions sur les
conséquences d'une telle perception. Nous allons donc sur les lignes
suivants étudier les retombés de cette attitude sur le tissu
social haïtien.
B- Conséquences
La perception négative des enfants naturels a des
conséquences sociales, religieuses et morales.
1- conséquences sociales.
Par rapport aux enfants légitimes, les enfants naturels
sont l'objet d'une discrimination. C'est comme si eux et leurs parents nagent
dans l'immoralité. Cette inégalité entre les enfants est
l'une des causes des inégalités sociales. Jusqu'à nos
jours, l'enfant naturel ne cesse de payer les conséquences des
inconséquences de leurs auteurs. La mère peut être
exclue de son groupe social.
Dans toutes les sociétés, l'inceste de son
côté, fut prohibé, et l'infraction à la règle
est sévèrement châtiée. L'interdiction pour un homme
d'avoir des relations sexuelles avec des parents, apparaissait comme une loi
universelle et, par conséquent liée à la nature humaine
elle-même.
L'inceste, pour certains, c'est la forme la plus connue d'abus
sexuel sur un enfant par une personne de confiance. Elle est toute utilisation
d'un enfant mineur pour satisfaire des besoins sexuels ou émotionnels
d'une personne dont l'autorité s'appuie sur des liens affectifs avec
l'enfant. D'autres chercheurs ont apporté les explications les plus
diverses pour montrer le caractère positif de la prohibition de
l'inceste. H Orlogan et Henry Maine pensent que la prohibition de l'inceste
constitue une mesure de protection contre les effets néfastes des
mariages consanguins. E. Westermarck parle de la répulsion peut
éprouver les uns les autres, quand ils sont liés par une vie
commune.
Les auteurs des enfants naturels sont considérés
comme irresponsables, immorales quand aux circonstances de son évolution
au sein de la société haïtienne. Ses enfants y sont des
exclus condamnes à vivre dans l'indignité.
Les portes de certaines écoles congréganistes
sont presque fermées pour ces enfants. L'épithète
d'oeuvre naturelle qui est porté dans l'acte de naissance de l'enfant
lui cause des problèmes psychiques.
Pendant longtemps, de façon discriminatoire, il
existait deux formats d'acte de naissance : un pour les enfants naturels
et un pour les enfants légitimes.
Dans certaine famille, un homme n'est pas admis à
épouser une fille naturelle. Parler publiquement du concubinage serait
une insulte aux yeux de la société et de l'église.
Généralement, les enfants naturels sont
considérés comme des agents de la délinquance. Pour
certains, la filiation naturelle est source de la criminalité, de la
prostitution et de la mendicité,
Les mauvaises relations existantes entre les parents naturels
seraient la cause d'un nombre accru d'enfants dans les rues. Quant l'enfant
réalise l'anormalité de ce qu'il vit, il est envahi par la honte
et la culpabilité. La réalité de l'inceste est bien plus
fréquente qu'il n'y parait. Ils sont nombreux à souffrir en
silence, dans le secret.
Dans notre société de plus en plus
monoparentale, les enfants sont à la charge de leur mère. ;
Le pourcentage de mère élevant seul leur fils sans la
présence d'homme dans la maison est très élevé.
2- conséquences
religieuses.
La croyance religieuse est l'un des éléments
composants de la civilisation d'un peuple. L'église joue une très
grande influence sur la société. C'est d'elle que viennent les
préjuges contre les enfants naturels. La bible considère comme
un péché le fait d'avoir des enfants pour un parent. Ellen G.
White dans son livre titre « Conseil sur la Conduite sexuelle,
l'Adultère et le Divorce » parle de la triste
conséquence de la polygamie qui assombrit la vie. Pour elles
posséder plusieurs femmes était considéré par les
peuples idolâtres comme un surcroît d'honneur et de dignité,
et dans la bible David adopta ce point de vue. Mais la discorde regrettable et
la jalousie qui opposèrent ses multiples femmes et leurs enfants lui
firent voir la malheureuse conséquence de son attitude.1(*)
Au grand séminaire catholique, on ne reçoit
pas cette catégorie d'enfants. Pour la présentation sur les
fonds baptismaux, s'il ne s'agit pas d'un enfant légitime, ses parents
ont le choix d'un jour et l'enfant peut recevoir le sacrement en son domicile.
S'il s'agit d'enfants naturels, ils reçoivent ce sacrement surtout le
samedi de très tôt en groupes. D'une autre coté, les
églises protestantes ne les reçoivent pas en assemblée
générale.
Les sanctions prises contre l'enfant qui n'a pas
demandé à naître suscitent des réflexions. Cette
punition a des répercussions psychiques sur l'enfant.
3- conséquences morales.
La mention d'oeuvre naturelle portée dans son acte de
naissance lui cause des problèmes psychiques. Ils se croient
inférieurs aux enfants dits légitimes. Souvent les enfants
légitimes ne reconnaissent pas leurs frères et soeurs naturels
pour éviter des problèmes au niveau de la famille dite vraie.
Les sanctions affectent la personne de l'enfant. L'enfant
n'est nullement responsable quant à la condition de sa naissance.
L'enfant prive d'une protection physique, de
sécurité et connaît les effets néfastes du stress
familial environnemental, il est victime d'une maltraitance psychologique. A
l'inverse, on connaît les effets néfastes du stress familial
environnemental qui réalise une maltraitance psychologique.
La fréquence grandissante des séparations
parentales, l'indisponibilité
des parents sont de plus en plus pour l'enfant des causes de
carence affective et de déséquilibre psychologique de
l'enfant. Lorsqu'une incompatibilité se manifeste entre le
père et la mère de l'enfant, ce dernier s'en trouve atteint, il
est le témoin visuel et affectif des bonnes ou mauvaises relations
qu'entretiennent ses parents.
Les auteurs des enfants naturels sont considérés
comme des irresponsables, des immoraux. Ces enfants sont des exclus condamnes
à vivre dans l'inégalité.
L'inceste, pour un témoin de
Jéhovah est tout attentat à la pudeur commis sur la
personne d'un enfant par un membre plus age de sa famille. Le plus souvent le
coupable est un homme. Les rapports incestueux peuvent revêtir diverses
formes.1(*)
A mesure que le monde actuel sombrera dans la
déchéance, ce problème ira sans doute en s'aggravant. De
nombreuses femmes victimes d'inceste souffrent de troubles affectifs et ne
peuvent pas y penser. En effet ce drame laisse parfois une marque
indélébile sur la conscience. Bref, les blessures affectives
laissées par l'inceste sont aussi réelles que des plaies
physiques.
Conformément à notre hypothèse nous
venons montrer que la société haïtienne a une perception
négative de l'enfant naturel et cela a de conséquences
très graves pour l'enfant. La section suivante fera la critique du
statut juridique.
Section II
Critique du statut juridique.
Après avoir fait la critique des dispositions
relatives à la filiation naturelle du code civil, des décrets du
23 décembre 1944 et du 27 janvier 1959, nous verrons la
régression de la législation haïtienne par rapport à
d'autres lois antérieures et son retard par rapport à des
législations étrangères.
A- Critique des dispositions du code civil, des
décrets du 23Décembre 1944 et du 27 Janvier 1959.
1- critique du code Civil.
Sous le régime du code civil, l'enfant naturel ne
bénéficiait d'aucun privilège. La législation
haïtienne est trop discriminatoire à l'égard de l'enfant
adultérin et incestueux. Il ne dispose aucun moyen de contrainte pour
faire respecter leur droit d'aliments. Contrairement aux textes internationaux
qui reconnaissent les mêmes droits et les mêmes devoirs à
tous les enfants sans aucune considération de race, de sexe, de langue
et de religion.
Les articles 302, 306 et 313 privent de tous les droits
l'enfant adultérin ou incestueux. Les enfants nés pendant le
mariage et ceux du commerce incestueux ne peuvent jamais
bénéficier de la reconnaissance. Ce sont des enfants
adultérins et incestueux. La reconnaissance est nulle et de
nullité absolue si au moins l'un des auteurs se trouvait engagé
dans les liens du mariage au moment de cette reconnaissance. C'est une
injustice que le législateur fait aux enfants adultérins et
incestueux. Cette injustice concerne également la mère. Car cette
filiation adultérine n'engendre aucune obligation à la charge du
père. Le code civil ne prévoit aucune solution juridique des
problèmes crées par l'union entre l'homme et la femme quelle que
soit leur position sociale et leur statut précédent. Il
prévoit la recherche de la paternité naturelle.
Selon l'article 307, il s'agirait de deux naissances
différentes avec deux actes de naissance. Donc il n'est pas permis
à l'enfant adultérin d'être légalement reconnu par
son père et sa mère dans un seul acte de naissance.
Le législateur est trop strict avec l'interdiction de
la recherche de la paternité qu'il édicte en son article 311.
Dans la pratique, l'enfant naturel peut difficilement réaliser son droit
de recherche de paternité. Il aurait pu agir avec beaucoup de souplesse
face aux enfants naturels. Cette disposition a bouleverse entièrement
les esprits des juristes des années 1934 qui assimilaient l'article 311
a une injustice criante. A ce sujet, le père n'est-il pas tenu, par le
seul fait de la génération, d'une obligation naturelle envers
l'enfant, obligation qui nous parait inhérente à la
qualité du père ?
Contrairement au code civil le droit coutumier n'écarte
pas de la succession paternelle l'enfant non reconnu ni l'adultérin ou
incestueux. L'article 611 est incomplet car il ne permet pas a l'enfant
adultérin et incestueux de jouir pleinement les mêmes droits que
les enfants légitimes et les enfants naturels simples.
Le code civil ne prévoit aucune solution juridique des
problèmes crées par le concubinage. La situation de la concubine
dépend de la passion de l'homme marié et de la conscience et de
la moralité de l'époux.
Le code civil ne fournit aucun moyen à la concubine de
revendiquer la part qui devrait lui revenir des biens acquis pendant le
concubinage sous prétexte que son union est illégale.
Le code civil prévoit la recherche de la
paternité naturelle seulement dans les cas prévu par l'article
302 du code civil. Cela signifie qu'un ravisseur peut se déclarer
être le père d'un enfant une fois les parties intéresses.
Alors qu'on sait très bien qu'un ravisseur sera toujours
recherché par la justice. Ce qui n'arrivera jamais à se faire
puisque la future mère, dans le cas d'enlèvement peut avoir eu
des relations avec les autres complices. Face à une telle situation, on
n'arriverait jamais à trouver le vrai père.
«S'il est une loi qui m'a paru la honte dans
l'humanité s'est écrié naguère le bâtonnier
JULES Favre, devant la chambre d'appel de la cour de Paris, c'est bien celle
qui interdit la recherche de paternité naturelle, qui met ainsi le sexe
le plus faible à la disposition du plus fort et permet à l'homme
de chasser impunément celle qu'il a séduit avec le fruit de ses
entrailles ».1(*)
La recherche de la paternité qui est interdite par le
code civil est une injustice criante de notre législation qui en
édictant l'irresponsabilité du séducteur et
l'impunité de l'abandon, livre fatalement la fille mère à
toutes les pernicieuses suggestions de la misère qui la conduit droit
à la déchéance morale. JF Fanfan.
Ce code ne reconnaît pas à l'enfant
adultérin le droit : à la reconnaissance, à la
légitimation, à la recherche de la paternité et de la
maternité, à un nom. Ainsi, des milliers d'enfants, du fait de
ces discriminations, demeurent sans état civil et du même coup
sans protection juridique. Les articles y relatifs sont incohérents et
discriminatoires car ils ne visent pas au bien être des enfants
adultérins.
Est-il possible que la démocratie haïtienne qui se
dit humanitaire et libérale s'inflige plus longtemps de la honte de
renier en face du monde deux principes fondamentaux de toutes
sociétés civilisées.
La loi qui interdit la recherche de la paternité est
donc une loi d'immoralité de destruction de l'ordre sociale et celle qui
l'autorise, une loi de protection des faibles de conservation et
d'équilibre. Et celle qui oblige un commencement de preuve par
écrit non pas seulement de la mère mais aussi des témoins
pour la recherche de la maternité est très rigoureuse car dans
un pays comme le notre ou 85% de la population sont analphabètes, on
comprend comment devient difficile l'obtention du commencement de preuve par
écrit exigé par le législateur.
Le législateur a des attentions
généreuses pour les femmes mariées qui ont droit à
la moitie des biens acquis au nom du mari pendant le mariage, même
lorsqu'il n'existe pas d'acquis de communauté il réserve à
l'épouse survivante un droit d'usufruit sur une partie des biens propres
du défunt
La concubine au contraire n'est l'objet d'aucune
considération au regard de la loi.
Le fonctionnement et la dissolution du concubinage quant aux
effets civils ne sont pas règlementés. En effet il est
incontestable que la primauté du mariage prévaut dans la
succession. L'article 606 en son 2ème alinéa limite le
droit à la succession des enfants naturels. Selon l'article 608 quand
il y a concours des descendants légitimes et naturels, le partage se
fait de façon inégale. La part de l'enfant naturel devra
être le tiers de la part de l'enfant légitime. Et cette part
même fait retour aux héritiers légitimes si l'enfant
naturel décède sans postérité et que les biens
reçus de ses parents se retrouvent en nature dans sa succession. Le
législateur, en accordant que le droit d'aliments aux enfants naturels
en l'article 611, laisse penser que ces enfants ont fait pitié. Donc
c'est une succession basée dur la discrimination entre les enfants. Et
c'est ce qui détériore la situation des enfants en Haïti. Il
existe une certaine lacune à l'article 613 où le code a omis de
régler la situation des grands parents naturels venant à la
succession de leurs petits enfants naturels, Alors qu'en l'article 616, il a
envisagé spécialement celle de l'enfant naturel
décédé sans postérité légitime et
naturelle, sans frères ni soeurs naturels ni descendants d'eux. Selon
cet article, la succession de l'enfant naturel décede sans
postérité légitime ou naturelle, et sans frère, ni
soeur naturel ni descendants d'eux, est dévolue au père ou a la
mère qui l'a reconnu ; ou par moitie à tous les deux s'il
été reconnu par l'un ou par l'autre.
L'injustice de notre code civil envers les enfants naturels
résulte des dispositions de ses articles 608 et 625. Le
législateur prétend déterminer l'ordre des
héritiers d'après l'ordre probable des affections du
défunt ; dans le cas de l'article 625, il écarte les parents
naturels de l'enfant ne hors mariage au profit de ses frères et soeurs
légitimes. La il y a une sorte de préjuge qui domine. Le
législateur a fait beaucoup de restrictions des droits aux enfants
naturels.
Priver de ce grand privilège qu'est la succession,
c'est être hormis de tout soutient matériel et social qui
conditionne la vie de l'enfant. Bref, Le code civil suscite trop de
contradictions. C'est ce qui a fallu la parution des deux protection des
enfants naturels n'a pas respecter le parallélisme qu'il consacre en
matière de succession et ainsi tenir compte des réalités
originales de notre milieu social. Apres avoir passé au crible le code
civil haïtien nous allons donc apprécier à sa juste valeur
les décrets en date du 22 décembre 1944 et du 27 Janvier 1957.
2- relativement aux décrets du 22
décembre 1944 et du 27 janvier 1959.
Le décret-loi du 22 décembre 1944 a
modifié certains articles du code civil notamment ceux de 302, 305,308,
310, 608 et 625.
Le législateur de 1944 ne reconnaît pas à
l'enfant naturel non reconnu de faire aucun acte contre son auteur. L'article
311 n'a pas modifié totalement le statut juridique de ces enfants. Il
maintient toujours les interdictions relatives aux enfants adultérins.
La filiation naturelle qui engendre les mêmes droits et les mêmes
devoirs que ceux dérivant de la filiation légitime est interdite
à l'enfant adultérin. Ce dernier ainsi que l'enfant naturel n'ont
pas le droit non plus à la recherche maternelle et paternelle. On peut
dire que les articles 308, 508, 606 alinéa 2, 617 premiers
alinéas, 624 et 742 du code civil qu'il avait abrogé ne
concernent pas cette catégorie d'enfant qui n'est autre que l'enfant
adultérin. Le décret de 1944 n'a visé que les enfants
naturels simples. Selon lui, l'enfant adultérin et incestueux n'ont
aucune place sérieuse dans la législation haïtienne, il ne
sera jamais légitime. Malgré les efforts déployés
par le législateur de 1944 pour donner un nouveau statut favorable a
l'enfant naturel leur sort n'a pas pu être égal a celui de
l'enfant légitime. Le législateur n'a établi aucun
changement sérieux entre l'enfant naturel non reconnu et l'enfant
adultérin être incestueux. En ce qui a trait aux articles du code
civil face aux enfants adultérins, il maintient les mêmes
interdictions. Bref il n'a apporté aucun changement au statut juridique
et aux droits inhérents à l'enfant adultérin.
Ce décret fait la différence des trois
catégories d'enfants avec des privilèges inégaux. Le
texte comporte des exceptions qui peuvent être considérés
comme des clauses discriminatoires. En matière de succession plusieurs
modifications ont été apportées, des réserves ont
été faites sur les dispositions des articles 308 et 606.
Malgré tout, le législateur n'a pas pris en compte l'enfant
naturel non reconnu. Donc, il ne fait que soulager la misère des enfants
naturels simples. Bref son statut socio juridique demeure instable. A ce sujet
Antoine Salgado opine « Heureusement qu'il n'y a rien d'absolu,
d'immuable et de sacré dans les textes de lois.»
Le législateur de 1944 n'a pas su arriver jusqu'au bout
et c'est pourquoi celui de 1957 était venu mettre fin a toute
inégalité entre la condition juridique des enfants naturels et
celles des enfants légitimes. C'est dans cette optique que le
décret du 27 janvier 1959 est venu abroger expressément les
articles 308, 583, 606 alinéa 2, 617 alinéas 1, 624 et 742 du
code civil. Le législateur de 1959 est conscient des discriminations
dont sont victimes les enfants naturels, pourtant il n'a pas effacé
entièrement les discriminations entre les enfants naturels et
légitimes. Pour la reconnaissance de l'enfant naturel il faut encore un
aveu de paternité. Ainsi la possession d'état est exclue comme
mode de preuve en matière de la filiation naturelle. Ce décret a
gardé presque les mêmes erreurs que ses
prédécesseurs. Il a consacré l'exclusion des enfants
adultérins dans la résolution du problème de
l'inégalité entre les enfants légitimes et naturels.
En définitive, à l'analyse de l'état
civil de l'enfant naturel l'évolution ne s'étend pas à
toutes les catégories d'enfants naturels puisque la loi demeure encore
vierge sur le sort des enfants adultérins et incestueux. Alors, comment
faire répandre l'égalité au sein de notre
société si l'on maintient la discrimination entre les
enfants ? A ce stade, nous devons nous intéresser à
l'étude des caractéristiques et de l'état d'avancement de
la législation haïtienne en comparaison à celles de
certaines législations étrangères. Ainsi, faut-il se
demander si la legislation haïtiennes est en avance ou en retard par
rapport à la législation des pays étrangers tels la
France, l'Espagne, la Belgique et le Danemark.
B- Régression et Retard de la législation
haïtienne.
1- Régression
1-1 par rapport à la loi de 1805
Les enfants nés hors mariage non reconnus
étaient admis à prouver leur filiation, qu'un père
même engagé dans les liens du mariage pouvait reconnaître un
enfant naturel né pendant le cours du dit mariage et qu'une fois
reconnu, cet enfant avait les mêmes droits que les enfants
légitimes. Cette loi exprimait la volonté du législateur
d'harmoniser la famille haïtienne, d'éliminer toutes
discriminations entre frères et soeurs.
Le code civil de 1826 est venu enlever aux enfants nés
hors mariage les privilèges que leur reconnaissait cette loi.
Le décret du 22 Décembre 1944 a maintenant la
régression par rapport à la loi du 28 mai 1805 par la distinction
qu'il fait entre l'enfant naturel et l'enfant adultérin. Ce
décret mettant fin à toute inégalité entre la
condition juridique des enfants naturels et celle des enfants légitimes,
conserve pourtant les dispositions discriminatoires à l'égard de
l'enfant adultérin. Il ne réhabilite pas la loi de 1805 ayant
reconnu les droits a la naissance, à la létigimation, à la
recherche de la paternité et à la succession des enfants
naturels.
1-2 par rapport à la loi du 10 novembre
1813.
Il nous faut rappeler les dispositions de cette loi favorable
aux adultérins qui pouvaient être reconnu par leur père
selon l'article 15. Ces enfants ainsi que leurs descendants
bénéficiaient de la succession de leurs parents. (Art.13). Ils
pouvaient jouir de la totalité de la succession de leurs mères.
(Art. 16).
Les dispositions du code civil haïtien tirées
directement du code civil de Napoléon de 1804 sont venues enlever aux
enfants adultérins le droit a la succession de leurs auteurs. Il existe
toujours des discriminations à l'égard des enfants
adultérins avec la modification du code civil par le décret-loi
de 1944. Ce décret ne fait qu'établir des règles qui
placent l'enfant adultérin sur le même pied
d'égalité avec l'enfant légitime. Le code civil a ravi les
droits qui lui étaient reconnu par les lois du 28 mai 1805 et du 10
novembre 1813.
2- Retard par rapport à certaines
législations étrangères.
La législation civile a graduellement progressé
en France. Le 5 Janvier 1972, le journal officiel a rapporté qu'il
n'existe plus d'enfants adultérins et incestueux mais des enfants
naturels qui ont généralement les mêmes droits et les
mêmes devoirs que ceux légitimes. La société
française a grandement évolué tenant compte des formes
d'union qui sont acceptés tant par la société que par la
législation.
Les législateurs français ont
réformé la loi du 3 janvier 1972 sur la filiation afin de
conformer la législation française au progrès scientifique
et aux instruments internationaux telle la convention de l'ONU sur les droits
de l'enfant du 8 Janvier 1993 qui est venue apporter quelques modifications
notamment libéralisant la
recherche judiciaire de la filiation.
La recherche de la paternité est admise aujourd'hui par
presque la généralité des législations
étrangères.
De toutes les législations sur la matière, la
plus séduisante est celle de la Belgique. En effet, la loi Belge sur la
recherche de la paternité et de la maternité naturelle constitue
l'une des plus importantes innovations de ce peuple. Aux termes de la loi du 6
Avril 1908, la recherche de la paternité est admise :
1e) S'il y a possession d'état d'enfant
naturel.
2e) Si durant la période légale de la
conception, la mère a été victime d'enlèvement par
violence, ruses, menaces, détention, séquestration arbitraire ou
viol.1(*)
Deux lois sont entrées en vigueur le 1er
Avril et le 1er Juillet 1998 ont assimilé les enfants
naturels aux enfants légitimes respectivement en matière de
succession et de filiation. Le code civil belge a modifié afin de
supprimer les discriminations pouvant exister entre les enfants
légitimes, les enfants naturels et les enfants adultérins. Quel
que soit le mode d'établissement la filiation, les enfants et leurs
descendants ont les mêmes droits et les mêmes obligations à
l'égard des parents.1(*)
La législation allemande n'exclut aucun mode de
reconnaissance de l'enfant naturel.
Une évolution s'est produite en France, le concubinage
est arrivé à produire des effets juridiques à un point tel
que certains auteurs se sont demandés si on n'assistait pas à un
retour au concubinat du droit romain. L'union libre prend une certaine
consistance et se rapproche du mariage. L'ancienne loi frappait les concubines
de la double incapacité de donner et de recevoir. Aujourd'hui, les
libéralités sont appréciées par les tribunaux.
Le droit néerlandais ignore la notion d'enfant
adultérin, De plus, depuis le 1er Avril 1998, date d'entrer
en vigueur de la loi du 24 Décembre 1997 n'établit plus la
distinction entre enfant légitime et enfant illégitime.2(*)
Le droit danois ignore également la notion d'enfant
adultérin et d'enfant naturel. Les deux lois de 1937 abrogées des
1960 ont été remplacées par la loi sur le statut juridique
des enfants. Cette loi s'applique à tous les enfants, quelle que soit
leur filiation. La loi sur les successions énonce que : Les
enfants héritent de la même façon.1(*)
Le droit espagnol ne reconnaît pas non plus la notion
d'enfant adultérin. L'article 39-2 de la constitution de 1978 a
établi l'égalité de traitement entre les enfants
légitimes et ceux nés hors mariage.1(*)
La législation la plus attardée est celle
d'Haïti. En Haïti plus que partout ailleurs, personne, jusqu'à
cette heure, n'a encore pense à prendre la défense des enfants
naturels non reconnus. La disposition qui interdit la recherche de la
paternité est plus que bicentenaire, parce que remontant à mars
1925, date de la promulgation de notre code civil qui a consacré cette
interdiction. Contrairement aux autres législations, le
législateur haïtien a gardé le silence le plus complet.
Nous avons critiqué la le statut juridique de l'enfant
naturel en faisant ressortir les discriminations à son égard, du
code civil et des lois spéciales. Ainsi se termine ce chapitre. Le
prochain et dernier chapitre apportera des éléments de solutions
CHAPITRE II
Eléments de solution au problème de
l'enfant naturel
Il n'existe pas de société sans
problèmes. Le fait de les identifier et les de poser est
déjà un moyen d'affirmer une certaine responsabilité
surtout lorsqu'il s'agit de sujets tabous. Nous avons étudié la
situation socio juridique de l'enfance naturelle. Il nous revient maintenant
d'apporter des mesures pour stabiliser l'enfant naturel le plus tôt
possible. Ce chapitre sera divisé en deux sections dont la
première présentera les mesures sociologiques et la seconde des
mesures juridiques.
Section 1 Mesures sociologiques
Ces mesures porteront sur une nouvelle perception sociologique
de l'enfant à créer par des actions sur le plan national et sur
la base de certains modèles étrangers.
A- Actions au plan national
Ces actions porteront sur un changement de mentalité,
une campagne d'information et d'éducation, une nouvelle conception de la
femme, une nouvelle conception de la filiation naturelle et de la
sexualité.
1- Changement de mentalité
Dans les pays beaucoup plus industrialisés et plus
avancé, les questions d'enfants naturels ne se posent pas avec le
même aspect. Le marché du travail se développe, la jeunesse
a de larges possibilités de s'orienter. Il nous faut un changement de
mentalité à l'égard des enfants naturels. Il faut que les
hommes donnent plus d'attention à leurs enfants, qu'ils soient naturels
ou légitimes.
Il faut rejeter certains préjugés qui aveuglent
et qui empêchent d'être en accord avec les moeurs. Les
églises doivent cesser d'établir la différence entre
enfants naturels et enfants légitimes. Toutefois, pour arriver à
changer la mentalité de toute une société, il est
nécessaire de mener une campagne d'information et d'éducation.
2- Campagne d'information et
d'éducation.
Le changement de mentalité se fera par une campagne
d'information et d'éducation permanente destinée à
recoudre le tissu social haïtien.
La population doit être informé des divers modes
de constitution de la famille. Elle doit savoir que les familles
constituées hors mariage sont reconnues par la constitution qui fait
obligation à l'Etat de les proteger ainsi que les enfants qui en sont
issus. L'accent doit être mis sur l'information des jeunes qui se
préparent à fonder les familles. Ils doivent savoir que les
enfants, quelle que soit la condition matrimoniale des parents sont
égaux et ont besoin, pour se développer de l'affection.
Les écoles et les familles de leur côté,
ont un très grand rôle à jouer.
Les discriminations contre les enfants et les femmes sont
rarement médiatisées. Ainsi, la presse a pour mission aussi
d'informer et d'éduquer la population en ce qui concerne les droits des
enfants, en sensibilisant sur l'égalité de tous les enfants. De
même pour les organisations des droits humains qui doivent oeuvrer
à promouvoir l'unité de la nation haïtienne. Il faut une
campagne de sensibilisation en ce sens. Toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes placées doivent être
éliminées. Donc, une nouvelle vision de la femme s'impose.
3- Nouvelle conception de la femme
D'une manière générale, les femmes sont
méprisées. La nouvelle conception de la femme dépendra de
l'idée que la femme elle-même se fera de son rôle et de ses
responsabilités. L'une des responsabilités de la
société c'est de faire en sorte que la femme reflète mieux
son univers et ses attentes, Il lui faut une meilleure connaissance de
soi-même et une meilleure compréhension du monde extérieur.
Il faut avoir une nouvelle conception de la femme qui est le centre de la
famille.
Il nous faut une société où la femme
est épargnée par les clivages sociaux. Car la perception
sociologique de l'enfant naturel est liée à la situation sociale
de sa mère. Pour répéter Belmondo Blackson Ndengue, en ce
début de siècle, un code de conduite digne d'une
société indépendante depuis plus de deux cent ans devrait
accorder à la femme haïtienne la place qu'elle mérite. Car,
elle a participé à toutes les luttes : depuis les sombres
nuits de l'esclavage jusqu'à nos jours.1(*)
Il faut mettre un terme à la mauvaise tendance qui
consiste à déconsidérer la femme concubine, à faire
d'elle un être inférieur à la femme mariée. La
femme qui vit en concubinage doit avoir possibilité de faire valoir ses
droits.
A l'heure actuelle, dans le monde, des études ont
montré que ce sont les mêmes types de situations qui sont à
l'origine d'actes de violence à l'égard de la femme. Force est de
constater que dans bon nombres de pays, ces stéréotypes ne
correspondent plus à la réalité. Voila près de
trois générations que le rôle de l'homme, en tant que
maître du foyer, a changé et a évolué vers plus de
partage des tâches et des responsabilités. En fait, la cause
véritable de cette prédominance masculine générale
sur les femmes résulte d'un douloureux manque réciproque de
communication.
La prise de conscience des hommes du rôle et de la
responsabilité qu'ils ont sur la santé physique et psychique des
femmes jettera un faisceau de lumière sur cette ombre encore
épaisse qui stagne au dessus de leur tête et leur coeur.
Elles doivent mener une lutte complète pour la
promotion de toutes les femmes et de leurs progénitures.
Elles doivent :
1e) faire rayonner une nouvelle et noble conception
de la femme.
2e) émanciper la femme sur le plan
socioculturel.
3e) porter un intérêt particulier aux
questions de la femme dans le monde rural.
5e) appuyer les démarches des femmes en vue
de l'application des conventions relatives aux droits de la femme et aux
droits de l'enfant.
Cette nouvelle conception de la femme entraîne
automatiquement une nouvelle définition de la filiation naturelle.
4- Nouvelle conception de la filiation
naturelle
Les naissances hors mariage sont entrées dans nos
moeurs, donc il n'existe plus de raison de créer des distinctions entre
la famille légitime et la famille naturelle. La filiation naturelle est
l'objet d'une agression violente de notre société. Il est grand
temps que l'haïtien sache que la filiation naturelle est un choix lie a un
mode de vie.
Pour le progrès de notre société, la
protection de la famille naturelle est une extrême urgence. Dans toute sa
diversité, elle ne doit faire l'objet d'une différence avec la
famille légitime. Enfin, une nouvelle conception de la
sexualité doit être envisagée.
5- Nouvelle conception de la
sexualité
Les conséquences des rapports sexuels hors mariage
pèsent uniquement sur les femmes. Le concubinage, la polygamie font
partie de nos moeurs, de nos coutumes. Inutile de croire qu'elles peuvent
être facilement supprimées, car ce sont des traditions anciennes
profondément enracinées.
L'émancipation sociale de la femme, l'avenir
économique de la nation dépend de l'importance qu'on leur
accorde. Tant que l'homme pourra impunément avoir des enfants, ici ou
la, sans en prendre l'entière responsabilité, tant qu'il pourra
partager ses faveurs entre plusieurs concubines sans en avoir aucune
responsabilité, la femme sera toujours une esclave obligée de
peiner durement pour l'entretien de ses enfants et exposée à la
misère, aux chutes les plus lamentables. Il faut qu'il y ait une
nouvelle conception de la sexualité en Haïti. Les hommes doivent
cesser de chercher à satisfaire uniquement leurs désirs sexuels
sans penser aux conséquences que ces rapports pourraient engendrer.
La femme doit être libre de s'unir a l'homme qu'elle
aime. Elle a le droit au respect de la dignité inhérente à
sa personne, au mode d'union qu'elle a choisi et à la protection de sa
famille.
L'objet de cette section a été d'établir
des mesures dans lesquelles on pourrait orienter la législation
haïtienne afin de la rendre plus sociale. Nous avons proposé des
mesures sociologiques à savoir un changement de mentalité, une
campagne d'information et d'éducation et une nouvelle conception de la
femme haïtienne.
B- Modèles étrangers de perception de
l'enfant naturel.
Le monde évolue, les mentalités changent. A
l'intention des haïtiens nous présentons ces nouvelles perceptions
des naissances au mariage dans les pays européens et dans les Etats
américains. Nous allons sur les deux points suivants apprécier la
situation.
1- La filiation naturelle, une filiation
normale.
En France, la filiation naturelle tend à devenir une
Í situation qui n'a plus rien d'anormal socialement ; ce que
traduit l'augmentation considérable des reconnaissances
spontanées. Le taux d'enfants non reconnus lors de la naissance est
tombé de 44% en 1974, à 35% en 1980 et à 27% en 1988,
tandis que celui des enfants reconnus par leurs deux parents des la naissance
est passe de 15% en 1974, à 22% en 1980 et à 32% en 1988.1(*)
En 2000, en France, sur les 775 000 enfants nés, un
peu plus de 300 000, soit 40%, ont des parents non mariés. Il y a trente
ans, ils n'étaient que 50 000 et ne représentaient que 6% du
total des naissances.
Ce qui était autrefois contraire aux normes sociales
est devenu aujourd'hui banal, en liaison avec le développement
considérable des unions de fait.2(*) Désormais, la venue d'un enfant
n'entraîne plus nécessairement le mariage. Dans une revue
titrée « Reflets et perspectives de la vie économique
en France », Godelive Massuy-Stroobant a consacré un article
aux enfants nés hors mariage.
Aujourd'hui, on les appelle enfants nés hors mariage
alors qu'ils étaient qualifiés d'illégitimes, il y a moins
de vingt ans. Cette nouvelle dénomination témoigne à la
fois de la banalisation de la naissance survenant hors mariage
légalement reconnue, mais aussi du changement des mentalités
à leur égard, changement qui se manifestent dans plusieurs pays
européens par une adaptation de la législation tendant de plus en
plus à leur reconnaître des droits équivalents à
ceux des enfants légitimes.
La cohabitation en union de fait se transforme, devient un
mode de vie durable tandis que les mariages sont moins nombreux. Au
début des années 90, plus d'un million de personnes se sont mises
en couple chaque année. En moyenne, les 550.000 nouveaux couples se sont
repartis entre 480.000 unions sans mariage et 65.000 mariages sans cohabitation
préalable.
Comme dans la plupart des Etats américains, au
Massachusetts par exemple la proportion des enfants illégitimes a
beaucoup augmenté dans les années 1960, passant de 2% en 1961
à 4,18% en 1968 chez les Blancs et de 16,5% à 29,7% chez les
Noirs. De nombreuses études ont insisté sur les
désavantages matériels et moraux dont souffrent les enfants
illégitimes.
Le nombre des enfants nés hors mariage a beaucoup
augmenté.
2 - Atténuation des différences entre
enfant naturel et enfant légitime.
Les différences sociales entre enfant naturel et enfant
légitime se sont atténuées. Ce n'est plus aujourd'hui un
handicap social de naître de parents non mariés.
On a enregistré en 1990, 762 407 au total des
naissances dont 229 107 soit 30,1% de naissance hors mariage. En 1994, 711 610
dont 248 331 soit 34,9% hors mariage. En 1998, 738 080 dont 300 546 hors
mariage soit 40,7% selon la source de l'INSEE.
Dans les années 1960 et 1970, les naissances hors
mariage à l'époque peu nombreuses survenaient surtout dans
certains milieux sociaux (ouvriers vivant en concubinage ou forains), ou
étaient dues à des circonstances particulières (grossesses
accidentelles), (difficulté d'obtenir le divorce...). Dans le premier
cas, la reconnaissance était rapide mais moins souvent suivie d'un
mariage. Dans le second cas, au contraire, la légitimation par mariage
des parents était presque systématique après une
reconnaissance tardive.
Aujourd'hui, avec la généralisation de la
cohabitation, ces naissances se sont répandues dans tous les milieux
même si elles restent un peu plus fréquentes dans les milieux
populaires. En outre, les naissances non désirées se sont
ratifiées. Il en résulte une atténuation des
différences sociales de comportement vis-à-vis de la
reconnaissance et de la légitimation.
La hausse des naissances hors mariage s'est accompagnée
d'une augmentation du nombre des reconnaissances d'enfants. Actuellement, 6
enfants nés de parents non mariés sur 10 sont reconnus par leurs
deux parents avant ou après la naissance et une filiation paternelle est
établie dans 8 cas sur 10. Les enfants le moins souvent reconnus par
leur père sont ceux dont la mère n'a pas d'activité
professionnelle et est âge de moins de vingt ans ou de plus de trente
cinq ans. Les reconnaissances par la mère seule sont en recul et
concernent 7% des enfants nés hors mariage.
La reconnaissance par l'un au moins des parents
précède la naissance par 58% des naissances hors mariage et elle
est plus fréquente pour l'enfant premier né du couple.
Le milieu social a également un impact sur le moment de
la reconnaissance: les enfants de mère cadre ou exerçant une
profession intermédiaire sont plus souvent reconnus avant de
naître
En France métropolitaine, 46,4% des naissances
étaient le fait du couple non marié en 2004, contre seulement
8,5% en 1974. Dans le même temps, reconnaître son enfant est devenu
un acte de plus en plus fréquent1(*).
Comme dans tous les pays d'Europe occidentale, la hausse des
naissances hors mariage correspond à la dissociation entre la
procréation et le mariage intervenue dans la seconde moitie du XXe
siècle.
En Haïti, il faut rompre avec des mentalités qui
appartiennent au passe faire siennes les nouvelles conceptions de la
procréation, de l'enfance, de la cohabitation, de l'union de fait dans
les Etats américains et dans les pays européens.
Section 11
Mesures juridiques
Il est regrettable que notre le civil haïtien ne
comporte aucune disposition vis-à-vis de l'enfant adultérin et de
l'enfant incestueux. La prise en compte de la filiation naturelle et de ses
effets quand aux biens, aux relations entre les enfants naturels et
légitimes et au sein de la société, doit conduire à
l'élaboration d'un ensemble de règles qui protégent les
mineurs, la concubine, le concubin, leurs biens et leurs relations avec les
tiers, pour donner une assise juridique à cette union. Les lois qu'il
comporte sont contraires à la convention. Bref, il faut une humanisation
progressive des lois haïtienne et une assimilation du concubinage au
mariage ; l'intégration du droit international relatif aux enfants
à la législation nationale reste une tâche prioritaire.
Il faut un changement du statut juridique de l'enfant naturel.
L'Etat haïtien a un rôle primordial à jouer. Comme mesures
juridiques nous envisagerons le rétablissement des lois de 1805 et de
1813, ensuite des modifications apportées au code civil, et nous ferons
des suggestions relatives aux décrets de 1944 et de 1959, une nouvelle
législation adaptée aux normes internationales.
A- Suggestions relatives aux lois particulières et
au code civil
1- rétablissement des lois de 1805 et du 10
Novembre 1813
La législation haïtienne actuellement doit
s'inspirer des lois de 1805 et celles de 1813 pour une meilleure adaptation des
enfants naturels au niveau de la société. Ces lois
considéraient les enfants naturels comme des égaux sur le plan
juridique. Le législateur de 1805 a élaboré un droit
familial qui répondait aux circonstances de la nation haïtienne.
Cette loi, comme le dit Madiou, était en harmonie avec les moeurs des
haïtiens qui, presque tous, étaient des enfants naturels.
Vu l'état actuel des moeurs haïtiennes, le fort
pourcentage de familles hors mariage, il faut sinon rétablir ces lois,
du moins prendre une législation inspirée d'elle.
2- modifications au code civil
Il lui incombe de modifier les dispositions légales
discriminatoires du code civil à l'égard des enfants naturels
notamment ceux de 302, 306, 313, 611 et de promulguer une législation
propre à protéger la famille, à garantir les droits de
tous les enfants. Car les enfants adultérin et incestueux devront
être légitimés par le mariage subséquent de leurs
père et mère. Les dispositions des articles 606, 607, 608, 609 et
610 relatifs aux enfants naturels et incestueux doivent être
éliminés. Ces enfants devront hériter de leurs père
et mère. L'article 611 doit inclure les enfants naturels et incestueux
de la succession de leurs auteurs. Ces modifications sont inspirées des
articles 260 a 262 de la constitution et des articles 1, 3 paragraphe 1, 18 de
la convention relative aux droits de l'enfant.
Il faut que l'état haïtien oblige l'homme
haïtien à endosser ses responsabilités paternelles, car les
lois ne doivent pas toujours se contenter de refléter les moeurs, elles
doivent aussi exercer une action contraignante. Le ministre a la condition
féminine et aux droits de la femme, Mme Marie Laurence Jocelyn
Lassègue, de concert avec les ministres de la justice, des affaires
sociales et de l'éducation nationale doivent oeuvrer à
l'amélioration de la condition féminine.
Ces trois documents sur le travail domestique, le concubinage,
la paternité en matière de filiation. L'un des textes visent a
modifier le chapitre premier de la loi #8 du code civil haïtien.
D'après le ministre, en désaccord avec la tradition juridique
haïtienne, ce présente plusieurs innovations. Parmi lesquels il
faut citer la déclaration de naissance à l'office de
l'état civil par les deux parents, ou par l'un ou l'autre.1(*) Proposons d'autres suggestions
à la lumière des décrets du 22 Décembre 1944 et du
27 Janvier 1957.
3- Suggestions relatives aux décrets du 22
Décembre 1944 et du 27 Janvier 1959
Le décret du 22 Décembre 1944 a accorde les
mêmes droits aux enfants naturels, mais il n'a pas modifie les articles
du code civil qui portent préjudice aux enfants adultérins et
incestueux.
Le décret du 27 Janvier 1959 doit être modifie en
proclamant l'égalité de tous les enfants sans aucune distinction
conformément à l'article 2 de la convention relative aux droits
de l'enfant. Les dispositions de ces deux décrets méritent
d'être étendues aux enfants adultérins et incestueux. Les
décrets-lois méritent d'être modifiés. Le
gouvernement de Lescot n'a pas su arriver jusqu'au bout. Le législateur
de 1959 de son côté n'a pas éteint
B- Nouvelle Législation
La loi étant la concrétisation des faits vise le
général. On comprend qu'il est impérieux de doter le pays
d'une nouvelle législation adaptée au droit international et
à certaines législations étrangères.
1 - adaptation au droit
international
Le droit international est en évolution constante et
s'adapte aux nouveaux défis imposés par les changements sociaux
et culturels. Ceci est d'autant plus valable qu'il s'agit de textes concernant
les droits de l'enfant. L'Etat haïtien doit oeuvrer à
l'édification d'une nouvelle structure de sécurité
destinée à empêcher la formation de nouvelles lignes de
division. L'enfant étant une personne au sens juridique, une personne
à des droits et à des obligations dès sa naissance pourvu
qu'il naisse vivant et viable, ses droits comprennent tout à la fois le
droit de la filiation.
Une convention une fois ratifiée par un pays doit
être mise en application. T Il nous faut adapter la législation
haïtienne au droit internationale. Ceci est un fait indiscutable.
L'intégration du droit international relatif aux enfants à la
législation nationale reste une tache prioritaire.
Le droit haïtien ne doit pas être à
l'écart de l'évolution qui se produit dans la
société et ne peut pas rester indifférent aux changements
qui s'y manifestent.
Enfin, nous pourrions plaider pour une mise en oeuvre du test
d'ADN pour la recherche de la paternité en Haïti Ce test est
pratiqué dans plus de 130 pays.
Le test d'ADN peut aider une mère et son enfant
à succéder à un meilleur niveau de vie en désignant
le père biologique de cet enfant. Le père devra probablement
prendre ses responsabilités. De plus, le père pourrait aussi
décider de s'impliquer davantage dans la vie de l'enfant.1(*)
Pour permettre à l'enfant naturel de prouver sa
filiation, il faudrait admettre la possession d'état comme un mode de
preuve de filiation.
1-1 suggestions relatives à la convention aux
droits de l'enfant
La convention internationale relative aux droits de l'enfant
a pour base justice pour tous les enfants sans aucune distinction, aucune
exclusion.
La convention a une valeur supra nationale c'est- à-
dire elle se place au dessus des lois régissant le statut des enfants.
Haïti l'a intégrée officiellement dans la
législation nationale par sa ratification. Cet acte engendre pour l'Etat
haïtien certaines obligations légales, sociales et administratives.
Il est clairement dit à l'article 273-2 de la constitution de 1987 que
les traités ou accords internationaux, une fois sanctionnés et
ratifiés dans les formes prévues par la constitution, font partie
de la législation du pays et cette ratification abroge toutes les lois
qui lui sont contraires.
Après la ratification, Haïti devrait modifier
toutes les lois contraires à cette convention. Cette convention en son
article 2 paragraphe 1 déclare que les états parties s'engagent
à respecter les droits d'opinion politique ou autre de l'enfant de ses
parents ou représentants légaux énonces dans la pressente
convention et à les garantir à tout enfant relevant de sa
juridiction, sans distinction de race, de couleur, de langue, de religion,
d'opinion politique ou autre de l'enfant, de ses parents ou représentant
légaux.
Il a posé toute une série de principes relatifs
aux droits fondamentaux de l'enfant tels le droit au développement de
ses capacités, de vivre avec ses parents, de retrouver sa famille,
etc... Ces normes sont à la fois interdépendantes et
indivisibles ; on ne peut pas garantir certains droits en laissant de
cote ou en sacrifiant d'autres. Par la ratification, le gouvernement
haïtien s'est engage à défendre et a garantir les droits des
enfants, ainsi qu'a répondre de ses engagements devant la
communauté internationale. Le gouvernement est tenu de prendre des
mesures, de mettre en oeuvre des politiques qui tiennent comptent des
intérêts supérieurs de l'enfant. Il faut abroger les
dispositions de la législation haïtienne qui sont contraires a
cette convention et élaborer d'autres ayant pour objectif de
protéger tous les enfants.
Il est important que la législation considérer
le cas des enfants naturels dont le nombre ne fait qu'augmenter de jour en
jour.
L'UNICEF est l'un des organismes internationaux qui travaille
en Haïti depuis 1949. Sa mission est de défendre les droits des
enfants, d'aider à répondre à leurs besoins essentiels et
de leur donner davantage d'opportunités de s'épanouir pleinement.
Il doit contribuer à modifier les cadres juridiques et politiques des
Etats parties et à rappeler l'obligation qu'ont les gouvernements, les
familles, les communautés et les individus de respecter ces droits et
les aider à le faire.1(*)
1-2 suggestions relatives à la convention sur
l'élimination de toutes les formes de discriminations a l'égard
des femmes.
Une femme est un individu de sexe féminin de
l'espèce humaine dont l'anatomie lui permet de porter et de mettre au
monde des enfants, hors problème d'ordre médical. Outre la
biologie, la perspective historique et culturelle peut rendre compte de
certaines spécificités féminines, permettre de comprendre
leurs places dans les sociétés traditionnelles ou
contemporaines.
La place des femmes dans les différentes
sociétés a été souvent étudiée au
vingtième siècle et des mouvements féministes ont
cherché à comprendre et à combattre les raisons de
l'inégalité de condition entre les hommes et les femmes qui sont
souvent au fondement même des sociétés traditionnelles, et
dont on retrouve la trace jusque dans les sociétés contemporaines
les plus évoluées. Celle-ci en tant que personne humaine, doit
conquérir ses droits et privilèges que lui reconnaît la
déclaration universelle des droits de l'homme et la convention relative
aux droits de la femme.
La convention sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination à l'égard des femmes affirme
l'égalité des droits fondamentaux des hommes et des femmes dans
la société et dans la famille. Cette convention revêt d'une
place importante parmi les traités internationaux de protection de ses
droits fondamentaux. Il existe d'autres instruments qui confèrent
beaucoup d'importance à la famille et reconnaissent à la femme
une grande place à l'intérieur de la cellule familiale.
La convention sur l'élimination de toutes formes de
discrimination a l'égard des femmes ratifiée par Haïti
rappelle les droits inaliénables des femmes, Haïti doit adopter
toutes les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination
à l'égard des femmes dans toutes les questions découlant
du mariage et dans les rapports familiaux, assurer à l'homme et à
la femme les mêmes droits et les mêmes responsabilités en
tant que parents, quelque soit leur état matrimonial, pour les questions
se rapportant à leurs enfants; dans tous les cas, l'intérêt
des enfants sera la considération primordiale ;
La convention internationale au droit de l'enfant, dans son
préambule, reconnaît la contribution des femmes au bien-être
de la famille et au progrès de la société, mais rappelle
que le rôle traditionnel de l'homme dans la famille et la
société doit évoluer autant que celui de la femme si l'ont
veut parvenir a une réelle égalité de l'homme et de la
femme.
Le code civil haïtien, malgré les fondements
juridiques, laisse persister un écart entre ce qui est prescrit par les
lois et la réalité vécue par les femmes. Aujourd'hui, bien
qu'un nombre sans précèdent de femmes élèvent une
famille et jouent un rôle actif au sein de la société,
elles sont toujours confrontées à des obstacles. Ces obstacles
les empêchent qu'elles soient autochtones, handicapées,
célibataires, parents uniques ou qu'elles vivent dans la
pauvreté, de se réaliser pleinement.
2- adaptation aux législations
étrangères
Les droits des certains pays étrangers ignorent la
notion d'enfant adultérin, soit parce qu'ils considèrent ce
dernier comme un enfant naturel, soit parce qu'ils ont supprimé toute
différence entre enfants naturels et enfants légitimes.
En France, la filiation naturelle, pendant très
longtemps a été considéré comme une situation
anormale. Le fait par un couple d'avoir un enfant hors mariage semblait
traduire la volonté de ce couple de se placer hors de la norme
c'est-à-dire le mariage. Le législateur français
soumettait l'enfant naturel à un statut d'infériorité.
C'était une situation statistiquement anormal : le bâtard.
Depuis plus de vingt ans cette situation a beaucoup
évolué. La loi du 3 Janvier 1972 a posé le principe
d'égalité entre enfant légitime et naturel. Celle du 8
Janvier 1993 a considérablement modifie certains articles du code civil
ayant rapport à la filiation naturelle.
Ce qui était autrefois contraire aux normes sociales
est devenu aujourd'hui banal, en liaison avec le développement
considérable des unions de fait et de l'évolution du temps. Le
Pacte civil de solidarité crée en 1999, est un contrat conclu
entre deux personnes majeures, quel que soit leur sexe, pour organiser leur vie
commune Cette création législative est née de la
nécessite de combler le vide juridique entourant les couples non
mariés et notamment les homosexuels en mal d'une reconnaissance de leurs
unions au cours des années 1990.1(*)
Nous ne demandons pas à notre législation de
copier à la lettre la législation française comme il avait
fait pour le code de Napoléon puisque chaque pays a ses moeurs, ses
coutumes qui lui sont propres.
Dans le Pacte, les partenaires ne sont pas tenus au devoir de
fidélité, ils se doivent une assistance mutuelle et
matérielle, ils sont tenus solidairement l'égard des tiers. Les
biens acquis a titre onéreux sont soumis à l'indivision.
Le Pacte constitue une nouvelle solution pour organiser
contractuellement une vie commune parallèlement et différemment
au mariage et il est moins formel que le mariage. Cette évolution est
faite en vue de mieux structurer la famille car l'évolution des moeurs
consacre de nos jours, un autre modèle de famille. Pour le
législateur français, il ne suffit pas de se marier mais d'avoir
aussi des liens affectifs et biologiques.2(*)
La législation haïtienne pourrait en quelque sorte
suivre l'exemple français et s'adapter à nos coutumes. Cette loi
serait garante de la sauvegarde des droits de l'enfant qui demeure au centre
du droit de la famille. Les termes d'enfants naturels, incestueux,
adultérins seraient bannis comme dans la terminologie juridique
française.
Le droit Danois ignore les notions d'enfant adultérin
et enfants naturels. Les deux lois de 1937 qui s'appliquent respectivement aux
enfants nés hors mariage et aux enfants légitimes, et
établissent une distinction nette entre les deux catégories
d'enfants, ont été abrogées dès 1960. Elles ont
été remplacées par la loi sur le statut juridique des
enfants quelle que soit leur filiation.
Pourquoi la législation haïtienne ne suit- t-elle
pas le modèle danois ?
Le droit espagnol ignore la notion d'enfant adultérin.
L'article 39-2 de la constitution de 1978 a établi
l'égalité de traitement entre les enfants légitimes et
ceux nés hors mariage. La loi du 13 mai 1981 a donc adapté le
code civil aux prescriptions constitutionnelles. Dans son article 108-2, il est
précisé que la filiation, qu'elle soit légitime ou
naturelle, produit les mêmes effets.
En Allemagne, la distinction entre la filiation naturelle et
la filiation légitime a été abolie par la loi du 16
Décembre 1997 concernant la réforme du droit de l'enfant et de la
filiation.
Différence selon que les parents détenteurs de
l'autorité parentale commune ou non. Si les parents n'ont pas de nom de
famille commun, mais ont l'autorité parentale en commun, ils
décident par déclaration devant l'officier de l'état
civil, du nom de celui du père ou de la mère. Si les parents
n'ont pas pris de décision dans un délai d'un moi après la
naissance de l'enfant, le tribunal de famille donnera à un des parents
le droit d'en décider.1(*)
Dans le cas où l'autorité parentale deviendrait
commune lorsque l'enfant a déjà un nom patronymique, la
possibilité existe pendant un délai de trois mois, de
décider d'un nouveau nom pour l'enfant.
Face à cette progression, Le législateur
haïtien doit envisager des solutions adéquates pour
améliorer le sort des enfants naturels.
Nous avons essayé, dans cette section d'apporter d'une
part, des éléments de solution d'ordre juridique au
problème de l'enfant naturel en Haïti. Nous avons envisagé
un changement au niveau de la législation haïtienne, son adaptation
aux normes internationales relatives aux droits de l'enfant et de la femme.
Conclusion
Ce mémoire est une étude de la filiation
naturelle en Haïti. Nous nous sommes évertuée à
présenter le phénomène de l'enfant naturel sur le double
plan sociologique et juridique en France et en Haïti. Nous avons
montré la perception sociale et l'ampleur du phénomène en
Haïti pendant la dernière décennie.
Tout au long de la démarche, nous avons posé
la problématique de la filiation naturelle comme un grand
problème social. La société haïtienne a subi des
transformations auxquelles auraient dû s'adapter les mentalités
haïtiennes. En effet, certains gouvernements comme celui de Dessalines et
de Pétion ont plus ou moins corrigé la situation des enfants
naturels à partir des lois qu'ils ont créées
respectivement en 1805 et en 1813. Il faut mentionner toutefois les travaux
réalisés sous Boyer qui, dans leur portée peuvent
être considérés comme contraire à l'avancement de la
cause des enfants naturels. Vers les années 1900, les gouvernements de
Lescot et de Duvalier ont apporté une amélioration tardive et
incomplète de la situation de ces enfants.
Nous avons essayé de faire une critique de la situation
sociale et juridique des enfants naturels en Haïti. La filiation naturelle
ainsi que les enfants qui en sont issus, comme nous l'avons constaté
tout au cours de notre analyse, sont marginalisés, et doublement
victimes de discriminations sociales, de négligences et faiblesses de
l'appareil judiciaire. Nous avons étayé notre démarche sur
une étude comparative de la législation haïtienne en
matière de filiation naturelle avec les législations
française, espagnole, belge, danoise.
D'après notre observation, la législation au
niveau de ces pays a du subir des modifications le plus souvent assez profondes
pour s'adapter à la volonté et à l'évolution des
moeurs. Ce qui fait que les dispositions légales ont toujours servi
à la cause de la société et suivant l'aspiration et la
conception des hommes de lois des différentes périodes
historiques. Nous en prenons pour preuve les lois en vigueur à
l'époque dans ces différents pays. La lecture de ces lois permet
d'observer qu'elles reflétaient les opinions et la conscience des
sociétés de l'époque.
Ces législations ont été
repensées en fonction de la place que les enfants naturels y occupent.
Ce qui fait la valeur de ces législations étrangères est
qu'elles ont toujours été adaptées avec le temps et
suivant la mouvance sociale et surtout toujours en harmonie avec
l'évolution de leur société. Le législateur
haïtien de son coté, d'après ce qu'il nous a
été donné d'observer, se laisse toujours mené par
les événements. Ce qui engendre une situation incommode aux
enfants incestueux et adultérins auxquels il finit par ne pas
reconnaître le droit à la légitimation, à la
reconnaissance, à la succession.
Il s'agit pour nous de tenter d'apporter, dans le cadre de
notre travail, des pistes de solutions à ces problèmes
épineux et graves qui s'imposent a la justice haïtienne actuelle. A
notre sens, consciente de l'importance du problème, nous avons dans le
dernier chapitre du travail, proposé des suggestions qui pourront servir
de base à toute volonté d'améliorer la situation de
l'enfant naturel en Haïti. Il faut donc, des mesures sociologiques et
légales, urgentes et rationnelles pour régler les questions de
fait et les situations dérivées de cette filiation.
Nous avons proposé une nouvelle perception sociale
et un nouveau statut juridique de la filiation naturelle en Haïti. Ce qui
permettrait à l'enfant naturel de connaître des jours moins
assombris de tristesse et d'angoisse.
Les parents doivent être rendus responsables de
l'avenir de leurs enfants qu'ils soient issus de leurs oeuvres naturelles ou
légitimes. Cette responsabilité ne se limite pas seulement aux
seuls actes domestiques mais s'étend également aux domaines
social et juridique.
Ceux qui défendent la famille, ses valeurs, son
rôle dans la société comme les organismes de droits
humains, la presse, les associations féministes, les juristes, doivent
faire entendre leur voix partout où l'on décide de l'avenir des
enfants. Il s'agirait là d'un service rendu à la nation
haïtienne et à l'humanité toute entière. Ce travail
devra profiter tant à soi-même qu'aux générations
futures.
La convention relative aux droits de l'enfant
représente, de ce point de vue un instrument précieux de
référence. Nous sommes convaincue que par leur engagement,
l'enfant naturel arrivera à trouver sa place dans la
société. L'amélioration des conditions de vie des enfants
naturels leur permettra d'accéder à une vie plus ou moins
décente aux yeux de la société.
Dans le but d'harmoniser l'ordre social et de garantir le
droit de tout individu, l'Etat doit remplir ses devoirs constitutionnels qui
sont la protection de la maternité, de l'enfance et de la famille. Dans
le cadre d'une politique de justice sociale, il doit mettre tout en oeuvre pour
réhabiliter la filiation naturelle et garantir une vie sociale propre
à contribuer à l'épanouissement de ces enfants aussi bien
dans leur vie d'enfant que dans leur vie d'adulte. C'est le seul moyen qui,
selon notre analyse, pourra garantir la possibilité d'avoir un citoyen
honnête, paisible... et disposé à travailler valablement au
développement de son pays.
Pour cela, il y a toute une série de dispositions et
d'attitudes qui doivent être adoptées par l'Etat haïtien. Il
faut harmoniser et adapter la législation du pays aux exigences du
moment et au nouvel ordre mondial qui se veut garant du respect des droits de
l'homme.
Une intervention pareille sera certainement efficace; mais
pour être efficiente, ne devrait-on pas en envisager d'autres aussi
pertinentes sur les plans environnemental et économique ?
* (1)
http://plymendroit.free.fr/droit _civil .p, 1.
* 1 Serge Henri, Vieux: Le
plaçage, Droit coutumier et famille en Haiti, p.84.
* (1) Carbonnier, Jean :
Droit civil, La famille, p.455.
* (1) Jean Carbonnier : op.
cit. p.480.
* (1) Carbonnier,
Jean :Droit civil, La famille, op.cit., p455.
*
* (1) Carbonnier, Jean :
Droit civil, La famille,op.cit., p.456.
* (1)Jean Carbonnier :
op.cit, p.512.
* (1) Benabent, Alain : La
famille, p.4eed.p.418
* (2) ibidem.
* (1) Benabent, Alain :
Droit civil, La famille, 4ed., op.cit., p.430.
* (1) Gabriel, Marty et Pierre,
Raynaud : Les personnes, 3e ed. p.546.
* (1) Carbonnier, Jean :
Droit civil, La famille,op.,cit.p.493.
* (1) Dantes, Bellegarde:
Histoire du peuple haitien, p. 34.
* (2) Ibidem.
* (1) Dantes, Bellegarde :
op.cit., p.56.
* (1) Moral, Paul : Le
paysann haïtien,p.172.
* (1) Ibidem : p.173.
* (1) Enquete sur les
conditions de vie en Haïti ( ECVH-2001) Volume I, Juillet 2003.p.73-75.
* (1) Bellegarde, Dantes :
Histoire du peuple haïtien, p.33.
* (1) Bellegarde, Dantes :
Histoire du peuple haïtien, op.cit., p.34.
* (1) Vieux Serge,Henri :
Le plaçage, droit coutumier et famille en Haïti,p.59-62.
* (1) Vieux Serge, Henri :
Le placage, droit coutumier et famille en haiti, po.cit., p.55.
* (2) ibidem : p.59.
* (1) Sala, Molin : Code
noir, p. 106.
* (1) Vieux, Serge Henri :
op.cit., p.237.
* (1) Vieux Serge, Henri :
Le placage, droit coutumier et famille en Haiti, p.235-239.
* (1) Louis, Joseph
Janvier : Les constitution d'Haiti.
* (1) Leger Abel, Nicolas: Code
Civil, p. 170-177.
* (1) Journal, Le Moniteuer #
19.
* (1) Journal, Le moniteur, #
59.
* (1) Compilation des textes
internationaux, p.13.
* (1) Compilation des textes
internationaux, op. cit., p.226.
* (1) Compilation des textes
internationaux, op. cit., p. 227.
* (1) Moral, Paul : Le
paysan haitien, op.cit., p.172.
* (1) Paul, Moral : Le
paysan haitien, op.cit., p.172.
* (1) White, G. Ellen: Conseil
sur la conduite sexuelle, l'adultere et le divorce, p.108.
* (1) Tour de Garde,
1e Janvier 1984, p.27-30.
* (1) Fanfant, J.E : De la
recherche de la paternité, p.6.
* (1) http//www.senat.fr/droit
francais.
* (1)
http://wwww.senat.fr/droit belge..
* (2) Ibidem: droit
neerlandais.
* (1) http//www.senat.fr/droit
espagnol.
* (1) Amina :# 433,
p.II.
* (1) Benabent, Alain :
Droit civil, La Famille, 5e ed. p.378.
* (2) http://www.ined.fr/tout
_savoir_population, p.1.
* (1) Instititut national de
statistique et des etudes economiques,, Première : no 1105, octobre
2006.
* (1)
http://www.lenouvelliste.com/article.php., 2006.
* (1) www.avocat/juriste/test
d'ADN-information.
* (1) www.unicef.fr, p.2.
* (1) Code civil, Dalloz,
103e ed.p522-530.
* (2) Ibidem.
* (1) http://www.senat.fr/droit
allemand.
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