SECTION
V : LA MÉTHODOLOGIE
Par méthodologie, nous entendons à la fois les
techniques de recherche et la grille d'analyse utilisée.
Paragraphe 1 : Les techniques d'enquête :
l'option pour l'analyse
documentaire et l'entretien
Les techniques, selon Madeleine Grawitz, sont des
procédés opératoires rigoureux, bien définis,
transmissibles, susceptibles d'être appliqués pour étudier
un phénomène quelconque (2001 : 352). En effet, les
techniques sont les outils qui nous ont permis de récolter les
informations utiles pour la compréhension et l'explication de
l'activité politique locale des élites urbaines à
Bayangam. Pour ce faire nous avons eu recours aux techniques documentaires et
à l'entretien.
Les techniques documentaires nous ont permis, par le biais
des ouvrages généraux, des articles spécialisés,
des archives de la sous-préfecture, des procès-verbaux de la
mairie de Bayangam, des archives privés de certains acteurs politiques,
des journaux régionaux spécialisés sur l'Ouest Cameroun
(Ouest Échos, Le journal de Douala et Flash Infos) et un journal local
(Les Nouvelles de Bayangam), de faire le point sur l'activité politique
à Bayangam depuis 1990.
Par ailleurs, l'entretien, entendu comme «
procédé d'investigation scientifique, utilisant un processus de
communication verbale, pour recueillir des informations en relation avec le but
fixé » (Grawitz, 2001 : 644), nous a permis avec les
élites urbaines, les autorités traditionnelles, les
autorités administratives, les responsables locaux des partis
politiques, les agents communaux, ainsi que les citoyens ordinaires, de prendre
acte du sens que les acteurs donnent à leur pratique politique au
village.
Pratiquement, nous avons effectué notre enquête
en deux temps.
Le travail a commencé par une enquête de terrain
qui s'est déroulé du 17 septembre au 2 octobre 2006. Lors de
cette phase préliminaire, notre public cible était
constitué par le sous-préfet de Bayangam et ses adjoints, les
responsables locaux des partis politiques, les autorités
traditionnelles, les responsables et les agents communaux, et quelques paysans
ayant pris part de près ou de loin au jeu politique au village. Cette
pré- enquête nous a permis de noter la prégnance des
élites urbaines dans la vie politique locale et d'en identifier les plus
influentes.
L'enquête intensive s'est déroulée
ensuite entre Yaoundé, Douala, Bafoussam et Bayangam, lieux de
résidence des différents protagonistes, entre décembre
2006 et février 2007. L'enjeu était alors d'établir la
biographie sociale des principales élites urbaines identifiées
lors de la phase préliminaire et de recueillir le sens qu'elles donnent
à leur participation à la politique au village. Par ailleurs,
nous avons élargi la palette de nos informateurs aux citadins et paysans
ordinaires. Au total, près de soixante entretiens semi -directifs
intensifs ont été réalisés.
Les informations ainsi recueillies ont été
soumises à deux principales grilles d'analyse, ou deux principaux
« filtre de la connaissance » pour reprendre la belle
formule d'Alfred Grosser (1972 : 8).
Paragraphe 2 : Les méthodes d'analyse :
l'option pour l'interaction politique et l'ethnométhodologie
Notre étude reposera principalement sur l'interaction
politique.
En effet, l'interaction politique en tant que grille
d'analyse permet selon Jacques Lagroye « de comprendre et de
vérifier quel type de relation relie diverses unités sociales et
structure les rapports que les unités entretiennent »
(1991 : 165). C'est ainsi que les métaphores du
« jeu » et de « marché »
permettent de rendre compte des rapports de pouvoir et les relations entre
agents dans une perspective relationnelle et dans des systèmes
d'interaction. Cette démarche cherche à expliquer pourquoi telle
unité sociale participe à l'interaction, ses
intérêts à « entrer dans le jeu », les
comportements qu'elles parviennent à imposer et les ressources dont
elles disposent dans la compétition. La perspective interactionniste
combine ainsi analyse des contraintes et stratégies des acteurs,
pesanteurs structurelles, et dynamiques individuelle ou collective (Olivier de
Sardan, 1995 : 40).
Cette méthode nous permettra ainsi d'analyser
l'ensemble des interactions entre les élites urbaines sur la
scène politique rurale de Bayangam autour du pouvoir local qui constitue
ici l'enjeu principal. Elle permettra par ailleurs de prendre en compte les
rapports de force et les phénomènes d'inégalités,
l'accent étant mis ici comme le relève Olivier de Sardan
(1995 : 40) « sur les ressources des acteurs
sociaux « d'en bas » et leur marge de
manoeuvre ». Elle nous permettra également de
déterminer et de comprendre les relations de coopération, de
domination, de concurrence et d'antagonisme des intérêts qui
s'établissent entre les acteurs sociaux dans l'arène politique de
Bayangam.
L'ethnométhodologie sera mobilisée comme grille
secondaire.
L'ethnométhodologie est un courant de la sociologie
américaine conceptualisé dans les années 60 par Harold
Garfinkel à la suite de ses travaux sur les délibérations
de jurés à l'Ecole de Droit de Chicago. Dans ce concept,
« ethno » désigne le savoir quotidien de la
société à la disposition de tout membre, tandis que
« méthodologie » renvoie à la mise en oeuvre
de savoir-faire et des procédures profanes par ces membres (Durand et
Weil, 1997 : 253). En effet pour Garfinkel, cette démarche
vise :
« La réalité objective des faits
sociaux, en tant que toute société est produite localement, est
naturellement organisée, est réflexivement descriptible, est un
accomplissement continu et pratique, en tant que cette réalité
objective est partout, toujours, seulement, exactement et entièrement le
travail des membres, elle est le phénomène fondamental de la
sociologie » (cité par Coulon, 1987 : 124).
Cette définition permet ainsi de mettre en exergue les
postulats de cette grille d'analyse que sont : la pratique quotidienne,
l'indexicicabilité, la réflexivité, la
descriptibilté (accountability), la localisation et la notion de
membre.
En tant que telle, elle complétera avantageusement
l'interaction politique dans la mesure où son postulat de base est qu'il
faut prendre au sérieux le point de vue des acteurs. Puisqu'en effet
selon Coulon « c'est à travers le sens qu'ils donnent aux
objets, aux gens qui les entourent, que les acteurs fabriquent le monde
social » (1987 : 11). Mieux, il s'agira pour nous d'utiliser le
savoir véhiculé par les acteurs eux-mêmes,
car « l'acteur social n'est pas un idiot culturel ».
Ainsi, accorderons-nous une attention particulière aux sens que les
élites urbaines aussi bien que les élites du
« terroir » et les populations rurales donnent à
leur participation au jeu politique local à Bayangam.
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