2-3- Déterminants de la scolarisation des
enfants
L'éducation sous toutes ses formes en
général et l'éducation formelle en particulier
apparaît de nos jours comme l'un des moyens les plus sûrs pour
qu'un Etat accède à un niveau de développement
économique et social.
Au Bénin, l'examen des statistiques scolaires de ces
dix (10) dernières années a révélé que d'une
manière générale, des progrès ont été
réalisés à tous les niveaux du système
éducatif béninois : pour l'enseignement primaire, le taux brut de
scolarisation (TBS) qui était d'environ 59,5% en 1990, est estimé
à 80% en 1999. Dans l'enseignement secondaire, le TBS qui se situait
à environ 12 % en 1992 a atteint le niveau de 19% en 1999 avec 26% dans
le premier cycle et 8 % dans le second. Pour ce qui est de l'accès
à l'enseignement primaire, il est plus ou moins universel en zone
urbaine alors que dans les zones rurales, le taux d'accès est de l'ordre
de 86 % pour les garçons et seulement de 64 % pour les filles (DSRP,
2002). Bien que ces taux d'accès soient relativement
élevés, la rétention en est un autre problème
surtout dans les milieux ruraux où les enfants, à partir d'un
certain âge, constituent des forces de travail pour leur famille. En
effet, la combinaison des différenciations dans l'accès et celles
dans la rétention dans le cycle primaire donne une forte
diversité entre groupes dans la proportion de la tranche d'âge qui
termine le primaire, avec 70% chez les garçons urbains, 47% chez les
filles urbaines, 39% chez les garçons ruraux et 14% chez les filles
rurales (DSRP, op.cit).
Plusieurs études ont été menées
dans le monde pour analyser l'effet du travail des enfants sur
leur scolarisation, leur rétention à l'école, leur
développement etc. En effet, Akabayashi et Psacharopoulos (1999), en
recourant à des données provenant d'un sondage datant de 1993
en
République-Unie de Tanzanie, ont examiné les
liens entre le travail des enfants et le développement du capital
humain. Ils ont constaté que des facteurs contribuant à
l'augmentation des heures de travail des enfants diminuent également les
heures d'étude dont ils bénéficient et que les heures de
travail ont une corrélation négative avec la capacité
d'étudier.
Canagarajah et Skyt Nielson (1999), dans leur étude sur
l'analyse des éléments déterminant le travail des enfants
en Côte d'Ivoire, au Ghana et en Zambie dans le cadre de la
fréquentation scolaire, ont constaté que la pauvreté et la
composition des foyers ont les plus grands effets sur le travail des
enfants.
Assaad et al (2001) quant à eux, dans leur rapport
présenté à l'Atelier sur l'analyse de la pauvreté
et les facteurs déterminants dans la région Afrique du Nord et
Moyen-Orient, ont décrit la relation entre le travail et la
fréquentation scolaire en Égypte. En se demandant dans quelle
mesure le travail réduit la fréquentation scolaire ainsi que la
façon dont la définition du travail affecte la
compréhension qu'a chacun des implications sexospécifiques, ils
ont constaté que le travail a un effet disproportionné sur les
filles, que ce soit au niveau de la main-d'oeuvre ou au foyer, et est plus
à même de les empêcher de s'inscrire à l'école
ou de fréquenter cette dernière.
Cherchant à souligner le rôle capital de la
famille dans la scolarisation des enfants, Lloyd (1993) soutient que la famille
en général et la famille africaine en particulier est loin
d'être une unité physique, économique et affective. Au
contraire, les familles se séparent souvent pour des raisons
économiques (émigration professionnelle du conjoint,
généralement le père) ou démographique (polygamie,
divorce, veuvage, remariage, etc.). Plusieurs enfants naissent et grandissent
dans ce contexte. Aussi, « les enfants des familles séparées
sont souvent privés d'instruction, parce qu'ils doivent se
débrouiller tout seuls et subvenir aux besoins de leurs parents,
frères et soeurs ».
A partir des données intercensitaires au Togo, Pilon
(1995) constate que les chefs de ménage de sexe féminin
scolarisent davantage leurs enfants que les hommes, et qu'elles donnent
priorité à la scolarisation des garçons que des filles. Il
constate également que les enfants d'un même ménage ne
bénéficient pas de la même instruction selon leur statut
familial, c'est-à-dire selon qu'ils soient des enfants propres aux
conjoints ou des enfants confiés. Il en a conclu qu'il existe des
stratégies familiales dans la scolarisation des enfants qui sont en
défaveur de certaines catégories d'enfants, mais qui sont encore
méconnues.
Pour Lututala et al. (1996), c'est la crise économique
qui rend souvent les parents incapables de faire face aux coûts de la
scolarisation. A partir de cet instant, le choix peut être dicté
par une priorité établie selon les caractéristiques des
enfants. Ainsi, on peut postuler que « les garçons sont plus
scolarisés que les filles» d'une part, et d'autre part, « les
enfants propres du ménage sont plus scolarisés que les autres
enfants ».
Mabika et Dimbuene (2002), en recherchant les
déterminants familiaux de la scolarisation en République
Démocratique du Congo à partir d'un modèle de
régression logistique, ont constaté que la scolarisation des
enfants dépend du niveau d'instruction du chef de ménage et de
son conjoint, du niveau socio-économique du chef de ménage, de
son degré d'activité, selon qu'il travaille ou non.
2-4- Déterminants de la santé des enfants
L'un des thèmes les plus répandus dans les
études épidémiologiques est le lien entre le statut
socio-économique et l'état de santé. Selon Scott (2002),
ce facteur joue un rôle déterminant en matière de
santé. En effet, bien que les politiques de santé des pays
africains au sud du Sahara aient connu, depuis ces trois dernières
décennies, de nombreuses réformes dont le renforcement de l'offre
publique de soins de premier niveau, les taux d'utilisation des structures de
soins sont restés faibles dans l'ensemble de ces pays et oscille, en
2003, entre 0,10 et 0,30 contact/personne/an (Audibert et al., 2004). Dans le
cas spécifique du Bénin, ces taux sont inférieurs à
0,4 visite par personne par an (DSRP, 2002). Selon de Sardan (2004), les
facteurs économique et culturel sont souvent invoqués pour
expliquer ce faible taux observé. D'une part, la paupérisation de
plus en plus poussée de la population rurale fait que les centres de
santé sont peu fréquentés, et les chefs de ménages,
dans ces conditions investissent moins dans la santé des membres de leur
ménage. Et d'autre part, la culture locale est incriminée en ce
que des coutumes, des habitudes ou des représentations et pratiques
populaires, voire l'ignorance des populations dissuaderaient les malades de se
rendre à temps dans les structures de santé, par un recours
excessif aux traitements dits « traditionnels » ou aux
guérisseurs.
L'Agence de Santé Publique de Canada (ASPEC) (2004), en
utilisant une approche axée sur la santé de la population pour
examiner une vaste gamme de facteurs interdépendants
qui déterminent la santé des enfants et des jeunes, incluant
des capacités individuelles, des habiletés
d'adaptation et des déterminants sociaux et
économiques là où les jeunes vivent, apprennent,
travaillent et se divertissent, a abouti à la conclusion selon laquelle
les facteurs déterminants les plus significatifs de la santé
physique et émotionnelle des jeunes sont le genre, l'aisance
financière de la famille (statut économique), le milieu scolaire
et l'influence des pairs au regard des comportements à risque.
Malgré le nombre d'études (Becker, 1974; Haveman
et Wolfe, 1995 ; cités par ASPC, 2004) ayant révélé
qu'il existe des liens considérables entre le revenu familial et la
santé des jeunes, d'autres études (Curtis et al., 1998; Dooley et
al., 1998a,b) par contre ont révélé que les relations
entre ces deux facteurs sont peu marquées et même parfois
négligeable. Ces résultats semblent contredire la théorie
économique selon laquelle le niveau de revenu est une composante
essentielle du bien-être des enfants.
Le peu d'importance empirique relative du revenu pour le
bien-être des enfants peut aussi s'expliquer comme suit (ASPC,
op.cit):
a) le revenu et/ou la pauvreté sont sujets à des
erreurs de mesure, ce qui biaise les coefficients;
b) il peut y avoir des problèmes
d'endogénéité (par exemple, il pourrait être
difficile pour une mère seule avec un enfant gravement malade de
travailler à plein temps);
c) le revenu et/ou la pauvreté peuvent être en
corrélation étroite avec d'autres variables
socio-économiques habituellement incluses dans les modèles de
régression des déterminants du bien-être de l'enfant,
affaiblissant ainsi les niveaux de signification (par exemple, le faible revenu
et le statut de mère seule sont en corrélation très
étroite). Ces préoccupations, quoique très valables, sont
difficiles à isoler lorsqu'on étudie les relations
socio-économiques et leurs conséquences pour la santé dans
un ensemble de données transversales.
Selon Korenman et al. (1995), l'évolution de la
pauvreté à long terme aurait un impact modéré sur
le développement cognitif des enfants.
Mayer (1997) quant à elle a examiné la
documentation existante et a utilisé plusieurs ensembles de
données américaines pour conclure que l'impact des hausses du
revenu parental sur les résultats des enfants, toutes autres
considérations étant égales, « est loin d'être
aussi important que de nombreux adeptes du libéralisme politique
l'imaginent, sans pour autant être nul comme de
nombreux adeptes du conservatisme politique semblent le croire
». Elle ajoute que, même si le revenu a peu d'impact sur un
résultat donné, il semble affecter la plupart des
résultats dans une certaine mesure, de sorte qu'une hausse de revenu
pourrait avoir un impact cumulatif substantiel. Par conséquent, modifier
la distribution des revenus (en augmentant le revenu des familles pauvres)
pourrait être aussi rentable qu'une autre politique.
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