UNIVERSITÉ PARIS 8
Master des Sciences de l'Éducation et Formation
parcours « Éducation tout au long de la
vie »
LA MOBILISATION DES SAVOIRS CHEZ LES
RETRAITÉS À TRAVERS LA PRATIQUE
BÉNÉVOLE.
|
Sous la direction de Madame Dan Ferrand-Bechmann.
Anne GOMETZ
Année 2008-2009
N° ÉTUDIANT : xxxxxxxx
À mon père, Laurent Gometz,
décédé le 4 février 2008,
« Au fil des années l'arbre devient plus
fort et la rivière plus large. De même en vieillissant les hommes
gagnent en profondeur, en sagesse et en expérience. C'est pourquoi les
personnes âgées ne devraient pas seulement être
respectées et vénérées, mais leurs
sociétés devraient tirer parti du riche potentiel qu'elles
représentent. »
Kofi Annan, Secrétaire
général des Nations Unies.
Sommaire.
Avant-propos.......................................................................................................................................5
Introduction.........................................................................................................................................6
1.
Problématique................................................................................................................................10
1.1. Réflexion sur le sujet et question de
recherche..........................................................10
1.2. Choix de l'objet de
recherche.....................................................................................12
2. Aspects
théoriques.........................................................................................................................13
2.1. Précisions
terminologiques.......................................................
................................13
2.2. La vieillesse : construction historique et
culturelle....................................................13
2.3. La
retraite...................................................................................................................17
2.4. Le Métier de Bénévole à l'heure
de la retraite............................................................22
3. Méthodologie, terrain et
analyse...........................................................................................32
3.1. Approche qualitative et
compréhensive.....................................................................32
3.2. Le terrain de
recherche...............................................................................................33
3.3. Précisions sur la démarche de recherche et sur
les aspects méthodologiques : pour une analyse de mon implication dans
les entretiens et l'observation participante...........36
3.4. Présentation des sujets
interviewés............................................................................38
3.5. Eléments
d'analyse.....................................................................................................42
Conclusion.........................................................................................................................................51
Bibliographie.....................................................................................................................................54
Résumé..............................................................................................................................................63
Table des matières
Avant-propos.
La problématique qui est ici traitée est le
fruit d'une réflexion que j'ai menée à la suite du
décès brutal de mon père le 4 février 2008, au
moment où j'esquissais mes premiers pas sur le chemin de la recherche.
À cette période, les savoirs construits à travers
l'expérience et la pratique bénévole m'interpellaient
déjà et cet événement inattendu est venu modifier
quelque peu l'orientation d'origine. Ce sont les circonstances de sa mort qui
ont imprimé cette nouvelle direction, focalisant alors mon attention sur
la population des retraités. J'étais alors animée de trois
questions :
- Quelle place notre société attribue t-elle aux
personnes vieillissantes ?
- Une fois mis à l'écart du travail, dans une
société qui identifie utilité sociale et activité
rémunérée, comment les retraités continuent-ils
à exercer un rôle de citoyen actif valorisant ?
- Qu'en est-il de la perspective éducative des
retraités ?
Mon père est décédé trois jours
après son admission en clinique, d'une affection qui relevait certes de
l'urgence chirurgicale, mais dont la prise en charge immédiate et
adaptée devait normalement le mettre à l'abri d'une fin tragique.
Hélas, cette nuit-là, par souci de rentabilité, un seul
chirurgien de garde exerçait sur trois cliniques en même temps. Et
dans l'urgence des malades à traiter, le critère sélectif
retenu fut la date de naissance du patient. « Il était
âgé», expliquera le chirurgien par la suite. Le terme de
«âgé» semblant justifier de manière suffisante
l'issue fatale. Sa mort posa les jalons d'un nouveau cheminement. Cette piste
alternative me conduisit à réinterroger et à
préciser mon objet de recherche. Je décidai aussitôt
d'impulser un nouveau souffle à ma recherche en choisissant de
questionner cette troisième partie de la vie représentée
par la retraite.
Les expériences plurielles accumulées tout au
long de l'existence font de ces personnes parvenues dans la troisième
partie de leur vie, des réservoirs de savoirs et de compétences
qu'il serait dommage d'ignorer. En quoi ces connaissances construites au fil
des ans, tant dans le domaine professionnel que de manière informelle
à travers la vie quotidienne, peuvent-elles être objets
d'intérêt dans l'exercice bénévole ? Et
par-là même, en mettant l'accent sur ce profil
« expert » des retraités, serait-il envisageable que
le regard porté sur ceux qui sont abusivement qualifiés
« d'inactifs » puisse évoluer, autorisant la
reconnaissance de leur utilité sociale à travers leur
contribution gratuite à la vie collective et faisant évoluer les
représentations d'une vieillesse déficitaire parce que
retraitée ?
Auparavant, le séminaire de Dan Ferrand-Bechmann, puis
la lecture de son ouvrage Le Métier de Bénévole
avait suscité prioritairement mon intérêt pour ce domaine
de la mobilisation des savoirs dans l'engagement bénévole. La
volonté de porter un regard attentif sur ce moment de l'existence en
interaction avec le paradigme de l'éducation tout au long de la vie,
s'inscrit dans un défi pédagogique à double objectif.
D'une part comprendre comment cette période de l'existence, du fait d'un
temps libéré du travail contraint peut être le moment
privilégié pour poursuivre des apprentissages voire en reprendre
et d'autre part ajouter une « pierre » à la
réflexion concernant la situation et le devenir des aînés
dans la société contemporaine.
Introduction.
« En Afrique, quand un vieillard meurt, c'est une
bibliothèque qui brûle », dit un philosophe malien
(Amadou Hampâté Ba). Au cours de l'existence, l'activité
professionnelle, la vie quotidienne, les multiples interactions seraient-elles
à l'origine de l'acquisition de connaissances, de savoirs divers ?
Tout au long de la vie, on ne cesserait d'apprendre, et cette
réalité envisagée par des organismes internationaux dont
l'UNESCO précise que l'on apprend aussi en dehors des lieux
habituellement dédiés à la formation et à
l'éducation. Les retraités, parce qu'ils disposent de temps libre
représentent aujourd'hui la catégorie de la population qui
consacrent le plus d'heures au bénévolat. Comment, à
travers cette activité, en produisant et/ou en construisant des savoirs,
compétences et expériences, continuent-ils à jouer un
rôle important dans la société et contribuent ainsi au
bien-être collectif ? A contrario, sont-ils soupçonnés de
voler des emplois ? Telle est la question à laquelle je vais tenter
d'apporter quelques éléments de réponses dans ce travail
de recherche, tant il paraît intéressant d'amorcer une
réflexion autour du bénévolat des retraités afin de
comprendre en quoi l'engagement social « à la
tombée du jour »1(*), sollicite la mobilisation des savoirs
et s'inscrit de fait dans une éducation conçue tout au long de la
vie.
Précisons d'emblée l'impasse d'une terminologie
adéquate à décrire les personnes à la retraite,
l'hétérogénéité de ce groupe d'âge
étant la règle. Contours flous et imprécis
délimitent ce public dont la dénomination est
problématique.
Lors du passage à la retraite, des remaniements
identitaires se produisent, nécessitant des sources de reconnaissances
sociales nouvelles et l'engagement bénévole se présente
comme une voie possible pour accéder à cette reconnaissance.
S'engager en tant que bénévole, c'est mettre au service des
autres et d'un projet sa créativité et son savoir-faire.
Au-delà du plaisir, l'engagement altruiste génère des
savoirs dont certains sont largement inconscients, appris sur le tas, par
l'échange, dans l'action et la confrontation aux problèmes divers
qui vont stimuler chez le participant des capacités d'innovation,
d'imagination pour venir à bout de certaines situations. Ils sont
susceptibles de plus de faciliter cette transition entre monde professionnel et
mise à la retraite en permettant à l'individu de rester acteur de
sa vie.
La diversité des situations au cours desquelles on
apprend est ici attestée par les pratiques sociales, dans des espaces
qui favorisent les apprentissages, tel le bénévolat. Ceux-ci
s'effectuent sur des modes à la fois singulier et collectif, et les
individus engagés dans une pratique commune apprennent en interagissant.
Pour Billett (2004), l'engagement associatif est un « des
éléments moteurs de l'apprentissage »(p.
153)2(*). C'est donc bien
d'un « nouvel apprenant »3(*)dont je souhaite parler,
autonome, en dialogue permanent avec les autres et l'environnement, en
perpétuelle évolution, tout au long de la vie et plus
spécifiquement dans cette période de la retraite qui peut
être représentée non pas comme l'entrée dans le
3ème âge, mais plutôt comme l'entrée dans un
âge d'auto et co-formation (Dacheux, 2008)4(*). Alors, quels sont les savoirs que les
retraités mobilisent à travers le bénévolat, quels
sont ceux qu'ils apprennent, comment se déroule l'acquisition de ces
savoirs à travers l'interaction dans un contexte informel ?
Dans une première partie, je présenterai la
problématique, la raison de son choix ainsi que la question de
recherche qui a servi de guide tout au long de ce travail. Une deuxième
partie sera consacrée aux aspects théoriques et conceptuels
autour de la vieillesse, la retraite et le bénévolat. Enfin,
j'exposerai le terrain de recherche qui fournit un début
d'éclairage et me permet d'apporter des éléments de
réponse aux questions que je me pose. Ces réponses offriront une
ouverture pour s'interroger ultérieurement sur la place de l'autre, son
rôle dans la mobilisation des savoirs et seront reprises dans la
conclusion. Et plus précisément, il sera raisonnable d'envisager
la question de la possibilité d'une spécificité du
bénévolat des retraités en termes de mobilisation des
savoirs concernant essentiellement les savoir-être.
1. PROBLÉMATIQUE.
1.1. Réflexion sur le sujet et
question de recherche.
Ainsi que le mentionne Dan Ferrand-Bechmann (2008)5(*) « on s'engage tout au
long de la vie et tout particulièrement au troisième
âge » et la présence des retraités dans le
paysage bénévole est un fait notable, comme nous l'indiquent
Prouteau et Wolff (2006)6(*)
qui précisent que les seniors sont « des pourvoyeurs
importants de ressources humaines bénévoles notamment dans le
domaine de l'action sociale et caritative ».
La retraite aujourd'hui ne résonne plus chez les
intéressés comme une mise à l'écart et beaucoup de
seniors refusent le verdict d'inutilité sociale. Ils désirent
rester actifs, en ont les capacités cognitives et physiques et
désormais « retraite » ne rime plus avec
« vieillesse ». Les seniors se portent de mieux en mieux,
vivent plus longtemps et en meilleure forme. Pourtant, force est de constater
que la place des retraités dans la société est difficile
à trouver, tant le paradoxe entre allongement de l'espérance de
vie, bon état physique et moral lors du vieillissement et la
représentation négative associée à la situation des
personnes vieillissantes est grand. En effet, les stéréotypes ont
la vie dure, et empêchent de saisir
l'hétérogénéité qui se caractérise
dans le « vieillir » ainsi que la diversité des
situations vécues par les individus lors de la retraite.
Quelle place est faite aux seniors après la retraite ?
Si dans certaines sociétés (africaines et asiatiques) la
vieillesse est appréhendée de manière positive -
l'être vieillissant étant vu comme quelqu'un qui a accumulé
expériences et savoirs - dans notre monde occidental, le grand
âge est perçu comme un handicap, voire une
déchéance, et les personnes âgées sont exclues et
contraintes à l'isolement. L'éducation, l'instruction, la
participation sociale peuvent représenter une alternative à cette
problématique en permettant aux aînés de jouer un
rôle actif tout en conservant leur autonomie.
Dans une perspective interactionniste, l'Autre, les autres
interviennent comme « co-producteurs du sentiment de vieillir et de
la déprise » (Caradec, 2008)7(*). C'est au cours des interactions quotidiennes que la
conscience de vieillir survient, et le décalage entre le regard sur soi
et le regard de l'autre est une des premières caractéristiques du
« devenir vieux ». L'âgisme interactif pousse alors
progressivement les individus à réduire les contacts sociaux
quand inversement, les supports interpersonnels sous formes d'encouragements
à poursuivre telle ou telle activité permettent la conservation
du sentiment de sa propre valeur. C'est dans ce contexte que je pense
l'engagement bénévole capable de modifier simultanément le
regard sur soi et sur l'autre. La possibilité d'une part, de
réinvestir ses compétences professionnelles dans une
activité bénévole, d'autre part de continuer à
apprendre au contact des autres peut contribuer à rehausser l'image et
la perception de la vieillesse et faciliter ainsi la reconstruction identitaire
au moment de la retraite. Le bénévolat à l'heure de la
retraite, en créant du lien social vient rompre avec cette vision
pessimiste de la personne âgée inutile.
La production et la construction des savoirs (savoir-faire,
savoir-être, savoir-agir) concourt à l'autonomie de l'individu
dans une période de la vie (la retraite souvent perçue comme
l'entrée dans la vieillesse avec tous les stéréotypes et
les préjugés que ce terme véhicule) où la perte
d'autonomie est précisément une des conséquences souvent
citée pour décrire cette phase du vieillissement. A contrario, je
crois que l'éducation tout au long de la vie, et plus
particulièrement ici, à travers la pratique du
bénévolat permet à l'individu « d'exercer un
pouvoir sur sa vie, d'être sujet et non-objet, acteur et non-usager,
acteur-auteur »8(*). Aujourd'hui, on se forme tout au long de la vie. La
formation ne concerne plus uniquement les enfants jusqu'à leur
entrée dans la vie adulte et le monde du travail, mais englobe tous les
âges de la vie et tous les groupes sociaux. Et c'est bien en cela que
c'est une révolution, puisqu'elle permet de mettre la culture à
la portée de tous, de la naissance jusqu'à la mort.
Essayer de comprendre quels sont les savoirs mobilisés
par les retraités à travers la pratique bénévole,
telle est la question de départ de ce travail. Ici, je laisserai de
côté les propositions de formations que font certaines
associations spécifiques à l'ensemble de leurs
bénévoles (les associations de lutte contre le Sida qui offrent
des cessions de formation) et je m'intéresserai spécifiquement
aux savoirs mobilisés de manière informelle, à travers la
pratique et dans une certaine mesure inconscients ou non intentionnels si ce
n'est pour résoudre une problématique.
Le questionnement basé sur les éléments
théoriques que je vais exposer par la suite et auquel je me propose
d'apporter un début de réponse est donc :
- Quels sont les savoirs que les retraités mobilisent
à travers la pratique bénévole ?
De cette question globale, en découlent plusieurs :
- Quels sont les savoirs qui leur manquent et ceux qu'ils
acquièrent ? De quelle manière le bénévolat peut-il
bénéficier aux retraités eux-mêmes, notamment dans
la négociation de ce passage à la retraite ? Le
bénévolat des retraités peut-il contribuer à
rehausser l'image et la perception de la vieillesse chez les
intéressés ? Enfin, comment la présence d'autrui
intervient-elle dans la motivation à s'engager et dans la mobilisation
des savoirs ?
1.2. Choix de l'objet de recherche.
La majorité des études consacrées
à l'engagement bénévole et la participation sociale met
l'accent sur les motivations, les domaines de participation, les
caractéristiques socio-démographiques (Prouteau et Wolff, 2002).
Mais à ma connaissance, peu se sont intéressées
directement à la mobilisation des savoirs à travers la pratique
bénévole. La population des retraités auprès de
laquelle s'oriente mon intérêt m'a particulièrement
interpellée, tant pour des raisons personnelles douloureuses que par une
expérience propre dans la sphère associative au sein de laquelle
j'ai côtoyé durablement ces bénévoles
compétents et engagés.
En effet, bénévole dans une association (que
j'appelerai JA tout au long de ce travail), je suis insérée dans
un groupe où se mêlent toutes les générations et
nous oeuvrons collectivement à la réussite d'un des objectifs
prioritaires que s'est donnée l'association : organiser un
périple d'une semaine en VTT (pèlerinage) pour les adolescents
sur les sentiers et routes du département. Cette vaste entreprise
nécessite une main d'oeuvre importante, de la disponibilité, une
présence régulière et fidèle et bon nombre de
compétences et de savoirs divers sont ainsi sollicités pour mener
à bien ce projet. La nécessité de déployer tout au
long de l'année un travail de préparation prenant, implique
presque naturellement de faire appel à des personnes qui disposent de
temps libre et donc de retraités.
Un projet d'une telle envergure, pour qu'il soit mené
à terme nécessite de la part des participants un engagement
certain, une régularité dans le travail et l'assurance qu'ils
répondront présents le moment venu. Car outre la semaine de
juillet qui voit la réalisation effectif du périple, la
préparation quand à elle se fait tout au long de l'année,
directement dépendante de ces retraités actifs et désireux
de s'impliquer.
1.3. Hypothèse principale.
L'hypothèse ici posée est que la pratique
bénévole chez les retraités favorise la mobilisation des
savoirs. Les retraités vont d'une part transférer des
connaissances et expériences accumulées au cours de leur vie
professionnelle et personnelle et d'autre part, pour les besoins de l'action
dans laquelle ils sont engagés, ils vont acquérir de nouvelles
connaissances, principalement par le biais du collectif et des multiples
interactions réalisés sur le terrain de la pratique et de
l'engagement.
Par ailleurs, il est envisageable de poser comme
hypothèse supplémentaire que ces savoirs mobilisés
à une période de la vie caractérisée par la
cessation d'activité, en procurant sens et valeur à l'existence,
seront de nature à rehausser l'image de la retraite et celle de la
vieillesse, au moins dans la perception qu'en ont les retraités
eux-mêmes.
2. ASPECTS THÉORIQUES.
2.1. Précisions
terminologiques.
Avant de développer ci-après les
considérations sur la vieillesse et la retraite, il est pertinent de
faire le point sur la terminologie utilisée pour évoquer le
groupe d'âge dont il est question. On a tenté ici et là de
réserver le terme de « seniors » aux
« jeunes personnes âgées » en appliquant la
limite de 75 ou 80 ans comme borne ultime. « Troisième
âge » conviendrait alors pour nommer cette catégorie et
« quatrième âge » serait adéquat
logiquement pour parler des individus qui vivent encore au-delà de 80
ans. Le vocabulaire en effet hésite entre plusieurs options capables de
nommer ce moment de la vie qui se rapproche inéluctablement de la mort.
Personnes âgées, aînés, anciens, seniors,
troisième âge, autant d'appellations incertaines qui en
disent long sur la difficulté qu'il y a à approcher cette
population-là, tant les représentations sociales qui s'y
rattachent sont trop souvent connotées négativement. Et si l'on
n'y prend garde, les dénominations quelles qu'elles soient courent le
risque d'enfermer les individus dans des catégories figées et
inertes donnant une perception statique du vieillissement, alors qu'ici, le
postulat de base impose d'appréhender la vieillesse comme un processus
dynamique qui commence dés la naissance et s'achève avec la mort.
Le choix est donc fait d'utiliser indifféremment l'un ou l'autre terme,
tout en gardant à l'esprit que la définition de la
« personne âgée » est essentiellement une
question de rapports, tant il est vrai que la vieillesse est un
phénomène relationnel (Caradec, 2008).
2.2. La vieillesse : construction historique et
culturelle.
La vieillesse, construction sociale qui varie selon les
personnes, les époques, les cultures n'existe pas en tant que fait
naturel. Selon les périodes et les lieux, les civilisations reposant sur
l'oral et la tradition la valoriseront à travers le savoir et
l'expérience qu'on lui attribue (Moyen-Âge,Afrique...), alors que
dans les sociétés où triomphe le culte de la beauté
(Grèce, Renaissance, Occident contemporain...) elle sera
dépréciée. Création culturelle récente, elle
devient aujourd'hui un problème social qui s'évalue à
travers les termes qui lui sont associés (déclin,
crépuscule...). Les représentations mentales négatives
dont elle fait l'objet, sont à rapprocher de toutes les discriminations
en général car elles conditionnent les modes de pensées
dépréciatifs à l'égard de la personne
âgée.
La perception du vieillissement humain, selon Philibert
(1984)9(*) est
caractérisé par des variations importantes qui peuvent s'observer
dans les différents statuts attribués à la personne
âgée à travers le temps et l'espace. Néanmoins, si
beaucoup des fonctions traditionnellement prêtées aux personnes
âgées sont devenues caduques avec l'avènement de
l'ère de l'industrialisation, le rôle éducatif des
grands-parents persiste à travers ces leçons de vie et
d'humanité qu'ils dispensent du fait de cette expérience acquise
avec les années.
2.1. La vieillesse à travers le temps...
Apologie de la vieillesse, ou mise à l'écart des
personnes âgées, les tenants de la gérontocratie ou leurs
opposants se sont alternés au cours du temps pour assigner un rôle
et une place aux sujets âgés. Des philosophes de
l'Antiquité aux penseurs du siècle des Lumières, la
vieillesse a successivement changé de visage, tantôt
vénérée et respectée, tantôt repoussée
et objet d'exclusion. Léopold Rosenmayr (2001)10(*) évoque les mutations du
rôle et du statut des personnes âgées au sein de la
Grèce Antique, de l'affaiblissement du pouvoir de celles-ci lorsque les
connaissances collectives transmises par les anciens s'effacent devant la
suprématie des savoirs acquis individuellement et de l'avènement
de la raison. Au milieu du XXe siècle on entrait dans la vieillesse
à 60 ans. Aujourd'hui, des nouveaux seuils de la vieillesse apparaissent
avec l'allongement de l'espérance de vie. Les catégories
fondées sur l'âge sont sensibles au temps et par ailleurs les
effets de génération viennent s'y imbriquer et rendre caduques
les supposés seuils d'entrée dans la vieillesse.
...et à travers le monde.
De l'Occident jusqu'en Afrique, en passant par l'Asie et
l'Amérique du Sud, les représentations de la vieillesse
subissent des variations importantes. Vue comme étant inutile
socialement ou appréhendée comme détentrice du savoir et
du pouvoir, la personne vieillissante est l'objet de perceptions
différentes selon les cultures. Dans les pays d'Afrique en milieu rural
traditionnel, l'« ancien », c'est celui qui sait, il
possède une fonction éducative. L'âge chronologique est
l'expression de l'expérience, du savoir et de la sagesse. Arcand
(1982)11(*) examine la
situation des personnes âgées dans une population
amérindienne des plaines colombiennes et observe qu'il est impossible de
distinguer le groupe des individus vieillissants des autres groupes, la
vieillesse chez eux n'existant tout simplement pas. Les plus âgés
continuent de participer à toutes les activités, il n'y a ni
retraite, ni phénomène d'exclusion ou d'isolement, s'opposant en
cela de manière caractéristique à la situation des
personnes âgées dans la société occidentale.
2.2.2. De la vieillesse à l'âgisme.
C'est à Robert Butler (1969)12(*), gérontologue
américain, que l'on doit pour la première fois la
définition de l'âgisme comme représentant « une
forme très répandue de préjugés relatifs au
vieillissement et aux personnes âgées, source de discriminations
sociales et censée reposer, comme le racisme sur des croyances fausses
et une généralisation abusive »13(*). Perceptions erronées,
comportements incivils et discourtois renvoient un message marquant la
différence qui sépare les personnes âgées des autres
en une attitude qui ignore le processus extrêmement
hétérogène propre au vieillissement. L'âgisme est
davantage le fait des sociétés occidentales dans lesquelles la
vieillesse est stigmatisée car liée à la mort, en guise
d'explication partielle de l'exclusion dont elle fait l'objet.
Ici, Goffman14(*) nous aide à comprendre ce qui se joue dans le
« vieillir » et les étiquettes qui y sont
accolées. Pour celui-ci en effet, est stigmatisé celui qui
possède un trait le différenciant des autres et qui jette sur lui
un discrédit l'empêchant d'être accepté par la
société. Goffman distingue l'individu discrédité -
cas où la différence est visible - de l'individu
discréditable - dont le trait le différenciant n'est pas
perceptible par l'entourage. Dans le cas présent, l'âge est un
attribut qui à lui seul paraît suffisant pour désigner
l'individu, lui appliquant ainsi une identité qui l'accompagne dans
toutes les situations sociales auxquelles il sera confronté. La
théorie interactionniste de Goffman permet de comprendre comment la
personne âgée peut être rejetée du seul fait
d'être appréhendée à partir de la catégorie
« âge ». Suzanne Weber (2003)15(*) évoque les
stéréotypes concernant le vieillissement et parle du
« processus de déshumanisation » qui conduit
à gommer la singularité de l'individu, à l'uniformiser en
l'assimilant tout entier à la population globale dont il est issu,
lequel devient un être fictif et abstrait,
« procédé typique de la démarche
raciste » (p. 23).
De même pour Puijalon et Trincaz (2000)16(*), l'âgisme, cette
« forme d'hétérophobie à l'égard des plus
âgés » stigmatise ceux-ci. L'ignorance est à la
base du rejet, de la crainte et des préjugés. L'autre, le
différent, effraie - frayeur provoquée par l'esquisse de la mort
qui approche - et l'attribution de qualités et de défauts
à son endroit permet de se rassurer, d'éloigner le spectre de sa
propre fin. Dire « les personnes âgées sont
râleuses », « les personnes âgées
apprennent moins vite » c'est comme prétendre que
« les jeunes d'aujourd'hui sont mal élevés »,
« les Noirs sont paresseux »; autant de discours qui
utilisent la correspondance physique/moral pour asseoir des certitudes qui ont
comme fonction de maintenir à bonne distance celui qui fait peur. Cette
« logique de refus de l'altérité » est la
même que celle qui est à l'oeuvre dans la doctrine raciste.
Ignorance et crainte.
Ces perceptions et préjugés concernent
également le rapport des seniors aux technologies de l'information et de
la communication (TIC) et selon Caradec (2000)17(*)deux types de discours sont fréquents. Dans le
discours pessimiste de l'incompatibilité, les personnes
âgées seraient dépassées par les technologies
numériques; a contrario le discours de la familiarité, en vogue
aujourd'hui, accrédite l'idée selon laquelle les
« seniors » seraient enthousiastes à l'égard
d'Internet. Ces deux types de discours ont le défaut d'ignorer à
la fois l'hétérogénéité de cette population
de « personnes âgées » ainsi que celle de
l'équipement lui-même. Attitudes positives et négatives des
aînés à l'égard des TIC, renvoient donc aux styles
de vie que les utilisateurs associent à ces outils. Pour maintenir un
lien à distance ou satisfaire aux exigences d'une activité, les
aînés seront incités à apprendre et
développer des compétences dans ce domaine ou non.
2.2.3. Vieillissement : quelques chiffres.
Malgré une forte natalité, le vieillissement de
la population française est une réalité. Aujourd'hui, dans
la France métropolitaine, selon Insee première
(2007)18(*), il y aurait
10,3 millions de personnes âgées de 65 ans et plus, ce qui
représente 16,2% de la population, par rapport à 15% en 1994. Et
cette progression ne cesse de se poursuivre, puisque d'ici 2040, les plus de 75
ans tripleront, et ceux de 85 ans et plus quadrupleront. En effet, les
projections futures prévoient selon Godet et Mousli (2006)19(*), que c'est entre 2005 et 2050
que les plus grandes transformations de la population auront lieu. Ce
vieillissement sans précédent est la conjonction de deux
phénomènes : l'allongement de l'espérance de vie et la
baisse du taux de fécondité, et dans l'avenir ces
éléments iront en s'accentuant. Selon Guérin (2002), le
vieillissement de la population est un signe de richesse, bien que certains le
citent comme étant un facteur de déclin économique, les
seniors étant perçus comme peu intéressés par
l'avenir des autres et insuffisamment mobilisés pour préparer les
conditions économiques du futur.
2.3. La retraite.
2.3.1. Quelques chiffres.
L'évolution démographique initiée
après la seconde guerre mondiale va conduire un nombre impressionnant de
personnes à la retraite à l'horizon 2040. En France, seuls sont
considérés comme actifs les individus qui ont un emploi
rémunéré. De quatre retraités pour dix actifs
aujourd'hui, ils seront sept pour dix demain, selon Alaphilippe et al.
(2001)20(*). Selon
Guérin (2007)21(*)
entre 55-60 ans, il n'y a plus que 54% d'actifs, et entre 60-64 ans, ils ne
sont plus que 13,2%. Sur l'ensemble des 55-64 ans, seuls 37,8% sont encore en
activité (selon l'indicateur Le Monde/Eurostat de
février 2007), contre 69,5% en Suède. Dans l'Europe des 27, le
taux moyen est de 43,4% des 55-64 ans à être actifs. Guérin
(2007) dénonce le choix politique comptable, qui, en conduisant un
certain nombre de quinquagénaires en pré-retraite comme moyen
pour diminuer le taux de chômage, a privé le développement
des entreprises de la contribution en termes de savoir-faire,
savoir-être, d'expériences des seniors, alors que ceux-ci sont
« tout à la fois la mémoire, les détenteurs de
savoir-faire et les passeurs entre les générations »
(p.76)22(*).
Dans de récentes études, Davoine et Méda
(2008)23(*) montrent que
les Français accordent une place importante au travail (92% de
français contre 84% du reste de l'UE 25). Les facteurs explicatifs
seraient à rechercher du côté des valeurs
intrinsèques que sont l'épanouissement personnel et la
réalisation de soi par opposition aux valeurs extrinsèques
(salaire, prestige, sécurité de l'emploi). Ainsi la dimension
affective du travail semble être une spécificité
française. Pour Grosjean (2003)24(*), cet épanouissement attendu serait surtout
lié au besoin d'être dans la norme, d'être reconnu
socialement à travers le salaire que fournit le travail plutôt
qu'en relation avec le contenu de celui-ci. Dans cette perspective, le
bénévolat ne saurait rivaliser tout à fait avec le travail
salarié, tant la reconnaissance sociale passant par le biais d'une
activité rémunérée reste une
référence qui détermine la place qu'occupe un individu au
sein de la société. Il manquerait ainsi la gratification
essentielle que permet le versement d'un salaire. Si l'engagement
bénévole chez le retraité se substitue au travail il ne
peut toutefois le remplacer. Il permet de réemployer des
compétences acquises dans l'activité professionnelle et procure
le sentiment d'être toujours utile dans une société
où la retraite résonne parfois comme une mort sociale. Et ils ne
ravissent pas des emplois puisque les activités associatives prennent en
charges des missions que l'État ne peut ou ne veut plus assurer. Le
bénévolat des retraités permet de revisiter la notion
d'« utilité » autrement qu'à travers une
logique marchande.
2.3.2. Passage à la
retraite.
Dans l'histoire d'une vie, la retraite représente un
moment de transition radicale. Sur ce point, tous les auteurs s'accordent sur
la brisure imposée par la retraite, celle-ci correspondant souvent dans
l'opinion courante à l'entrée dans la vieillesse. Pourtant, ainsi
que cité ci-dessus, avec l'allongement de la durée de la vie, le
découpage ternaire des temps de la vie qui prévalait encore hier
est aujourd'hui remis en cause. Vieillesse (âge chronologique) et
retraite (âge social) se sont progressivement
désynchronisées, les variations des données
démographiques redéfinissant de nouveaux âges de la vie.
Sexagénaires et même septuagénaires ne peuvent plus
êtres appréhendés comme des personnes âgées.
La retraite - limite sociologique - ne correspond plus aujourd'hui à la
limite biologique, et les frontières de la vieillesse sont à
redéfinir (Puijalon et Trincaz, 2000)25(*). Caradec (2008)26(*) souligne que ce passage à la retraite, s'il
s'avère être une crise responsable en plus de la perte du statut,
de la privation d'un rôle instrumental et de la disparition d'un groupe
de pairs, n'est souvent que passagère.
Cette nouvelle phase existentielle à investir
nécessite un réaménagement des conditions de vie; et pour
beaucoup de seniors, la retraite résonne comme une mise à
l'écart dans une société où les valeurs de la
productivité sont prépondérantes. Peu d'études
s'intéressent au vécu entraîné par le passage
à la retraite, les recherches étant surtout orientées par
le problème du manque de main d'oeuvre et la question des pensions
à payer. Pourtant, en tant que moment qui vient rompre la
continuité de l'existence, elle provoque une rupture à la fois au
niveau du statut et au niveau du rapport au temps (Vankemmel, 2006)27(*). Alaphilippe et al.
(2001) partent des trois temps de vie - temps de la formation, de la production
et temps de la retraite - pour s'interroger sur l'âge de passage du
second au troisième qu'ils déclinent en trois niveaux :
l'âge légal qui est arbitraire, l'âge réel soumis
à une importante variation interindividuelle et l'âge idéal
qui fluctue en fonction de la pénibilité du métier, des
histoires de vie et du souhait de prolonger ou non une activité
salariée.
Le passage de la vie active à la retraite serait
illustré par quatre formes de transition (Thierry, 2007) :
transition-reproduction, dans laquelle l'individu reproduit complètement
son mode de vie professionnelle tant au niveau des horaires qu'au niveau des
responsabilités, la transition de transposition qui permet de
réinvestir les compétences et expériences dans de
nouvelles activités bien souvent bénévoles, la
transition-rupture avec la concrétisation d'un projet très
différent mûri longtemps avant la retraite et l'impossible
transition où la personne se disperse dans de nombreuses
activités ou lutte contre la dépression. Toutefois ces phases de
transition seront vécues très différemment selon qu'il
existe une perte de pouvoir pour ceux qui occupaient auparavant des positions
hiérarchiques élevées ou au contraire un gain de
liberté.
L'investissement dans une activité
bénévole pourrait bien représenter une solution qui aide
le retraité à se recomposer une identité et se
reconstituer un réseau de sociabilité (Vankemmel, 2006). Les
évènements de vie et les infléchissements dans le parcours
des individus sont souvent cités pour expliquer l'engagement
bénévole, et que celui-ci marque une rupture ou s'inscrive dans
la continuité, il est toujours en lien avec un cheminement dans la vie
des sujets. L'entrée dans la retraite serait particulièrement
facilitée lorsque les activités nouvellement entreprises seraient
en continuité avec les anciennes, permettant de mobiliser des
compétences reconnues socialement utiles (Caradec, 2008).
Donc, la retraite constitue bien une rupture ainsi que le
révèle Georges Lapassade (2007)28(*) au cours de l'entretien qu'il a avec Lucette Colin.
Ce sont des « dilemmes perturbateurs »29(*) qui vont entraîner des
« transformations de perspectives »30(*), des nouvelles manières
de comprendre et de percevoir l'existence. Ainsi l'affirme également
Lapassade (2007) « Pour qu'il y ait des innovations, il faut qu'il y
ait des ruptures » (p. 147). Si la retraite est une rupture, c'est
qu'elle représente un passage vers l'étranger, car en
bouleversant un quotidien rassurant rythmé par l'activité
professionnelle, elle conduit à une relecture des schémas
habituels de l'existence. On peut parler de mobilité, construction de
soi et donc d'éducation parce qu'il y a
« engendrement de rapports inédits à l'existence
et donc traversée de frontières »31(*).
2.3.3. L'éducation tout au long de la vie
à l'heure de la retraite.
« Apprendre à connaître, faire, vivre
et apprendre à être » sont les piliers de
l'éducation des adultes définie en 1996 par Jacques Delors
à la suite de la promulgation du « concept de l'apprentissage
tout au long de la vie » par l'UNESCO (1976) (Deriaz, 2005)32(*). Certaines personnes
âgées ont la volonté de continuer à se former, se
développer dans un domaine qui leur agrée. Ceci rejoint le
concept allemand de la Bildung qui considère l'être
humain comme étant toujours perfectible, responsable de sa propre
formation, concept résolument humaniste et qui porte en lui
« une lutte pour l'émancipation »33(*).
Cependant, malgré la volonté de l'UNESCO d'une
éducation pour tous tout au long de la vie, et bien que la plupart des
pays industrialisés se soient dotés de politiques
éducatives pour les adultes, celles-ci concernent essentiellement le
domaine de la formation de base et de la formation professionnelle. Selon
Jean-Louis Le Grand (2008)34(*) il devient urgent « de penser
sérieusement l'articulation de tous les âges de la vie, de se
situer dans une pluralité de registres temporels et de
moments » (p. 124) et la stigmatisation des personnes
âgées, en véhiculant une image déficitaire des
capacités cognitives du sujet vieillissant entraîne des attitudes
de discrimination concernant l'intérêt qu'aurait celui-ci à
poursuivre toute instruction. Ces stéréotypes sont
injustifiés et il serait plus approprié de parler en termes de
spécificités physiologiques, psychologiques et comportementales
présentes par ailleurs dans le reste de la population, en somme de tenir
compte de l'intervention de facteurs plus complexes, telle l'expérience
et considérer la pluralité des publics (Boutinet, Carré et
Kern, 2007)35(*).
Aujourd'hui, beaucoup de retraités ont à coeur
de profiter de leur retraite, de s'instruire, d'acquérir de nouvelles
compétences ce qui passe par un intérêt de plus en plus
marqué envers les technologies numériques. Vidal
(2003)36(*) fournit
d'ailleurs des exemples d'initiatives originales, dont celle de la maison du
savoir de Saint-Laurent-de-Neste qui a fait appel à des retraités
pour endosser le rôle de médiateur dans un objectif
d'appropriation des TIC par le plus grand nombre; ou CYBERPAPY, site
fondé sur un principe de forums où les seniors répondent
aux questions que posent des jeunes. Les compétences
numériques permettent l'enrichissement personnel au moment de la
retraite (Anna Terzian, 2008)37(*).
L'allongement de la durée de la vie,
l'amélioration du niveau de vie des personnes âgées et la
démocratisation des études plus longtemps constituent autant de
phénomènes qui justifient l'importance à accorder à
l'éducation des seniors et le refus d'une conception utilitariste de
l'éducation dédiée essentiellement à l'insertion
professionnelle. Le bénévolat à l'heure de la retraite se
présente comme une traversée de frontières
particulièrement apte à susciter innovation, production et
construction de savoirs et donc éducation dans une période de
l'existence qui correspond à une rupture, un « dilemme
perturbateur »38(*). La pratique du bénévolat permet
au sujet de s'éduquer en restant acteur de sa vie et d'exercer ainsi un
certain pouvoir (Ferrand-Bechmann, 2007).
2.4. Le Métier de Bénévole39(*) à l'heure de la retraite.
2.4.1. Le
bénévolat.
Selon Dan Ferrand-Bechmann (1992)40(*), toute action non
rétribuée financièrement, qui s'exerce sans contrainte
sociale et qui est dirigée vers autrui ou vers la communauté
(p.35) peut être qualifiée de bénévole. Dans cette
définition, le bénévolat fait référence
à un acte gratuit, librement consenti et en lien avec d'autres personnes
que soi. La présence de la tierce personne est aussi un critère
retenu par Edith Archambault (2002)41(*) pour différencier le simple adhérent
à une association, du bénévole qui y accomplit un travail.
Conceptuellement, le bénévolat s'oppose au travail, comme le
montre Maud Simonet-Cusset (2004)42(*) qui évoque l'ambivalence sémantique
éprouvée par les bénévoles lorsqu'ils parlent de
travail pour désigner leur activité. Pour Dan Ferrand-Bechmann
(2007), « [...] les bénévoles ont une activité
proche du travail avec toutes les dimensions décrites par le
travail »43(*),
autorisant l'analyse de l'activité des bénévoles avec les
concepts de la sociologie du travail. Ce qui distingue le travail
bénévole du travail salarié, c'est peut-être la
bonne volonté et sûrement l'absence de salaire autre que
symbolique. Dans « bénévolat », il y a
« bonne volonté », la volonté de faire le
bien et c'est bien sous « l'impulsion de leur bonne
volonté » (Vermeersch,2004)44(*)que les individus se mettent au service d'autrui. Il
s'agit d'un « don entre étrangers » supposant
l'existence d'un tiers qui n'appartient pas au cercle familial ou amical
(Godbout, 199445(*);
Gagnon et Fortin, 2002)46(*)
On pourrait en effet comprendre le bénévolat
comme l'expression du besoin de l'Autre, besoin qui selon Lévinas
(1984)47(*) serait
inné. Ce besoin d'altérité serait un des moteurs de
l'engagement et le bénévolat comme une modalité de
l'engagement répond à cette attente. Lipovetsky (1983) parle du
narcissisme qui serait « inséparable d'un engouement
relationnel particulier »48(*), narcissisme collectif qui fait se regrouper entre
eux les individus qui se ressemblent. Vermeersch (2004) l'atteste :
l'engagement bénévole offrirait à l'individu le cadre
collectif qui viendrait remplacer le rôle autrefois joué par les
institutions. Amorce d'explication peut-être de l'ampleur du
phénomène bénévole qui s'exprime dans la
sphère associative par une augmentation de 5% chaque année
particulièrement dans les domaines humanitaire et culturel (Bulletin de
statistiques et d'études édité par le Ministère de
la Santé de la Jeunesse et des Sports)49(*). L'enquête publiée estime à 18
millions le nombre de bénévoles dans les associations et à
14,2 millions ceux qui sont actifs dans plusieurs associations à la
fois, représentant ainsi 935 000 emplois en équivalents temps
plein. Parmi cette population, Lionel Prouteau et François-Charles Wolff
(2007)50(*)font le constat
d'une forte participation des seniors à la vie associative, les
sexagénaires représentant la part la plus importante des
bénévoles (57,8%), participation sensible à
différentes caractéristiques concernant le niveau de
diplôme et de formation élevés, un revenu domestique
confortable, des antécédents associatifs familiaux et une
pratique religieuse régulière (Enquête « Vie
associative », INSEE, 2002).
De manière générale tous âges
confondus, parmi les motivations à faire du bénévolat, Dan
Ferrand-Bechmann (2007) cite le besoin d'échanges et de liens sociaux,
la volonté de découvrir de nouveaux horizons, la perspective
d'acquérir des savoirs, de les transmettre et celle de rompre avec la
solitude ainsi que le souhait de rester actif. « Rendre à la
communauté ce qu'elle vous a donné »51(*) est une réponse
fréquente, selon l'auteur. De manière identique les recherches de
Suzie Robichaud (2003)52(*) aboutissent aux mêmes conclusions : se sentir
utile, partager avec les autres, rendre ce qui a été reçu
et elle précise en outre que le sentiment d'appartenir à une
communauté et de s'attacher au groupe accroit la motivation. Pour mieux
saisir les raisons de faire du bénévolat, il faut en comprendre
les intérêts inséparables de la communauté ou du
groupe social. La reconnaissance est certainement une des conséquences
espérée consciemment ou non de cet acte gratuit et tourné
vers l'autre. Et cette reconnaissance passe par le souci de mesurer l'effet de
leur action, la proximité entre donneur et receveur étant ici
essentielle. Le bénévole « donneur de temps »
trouve au contact de l'autre et du groupe sa motivation centrale. Il y puise
son énergie à donner et à durer, très souvent
animé d'un « projet militant » (Ferrand-Bechmann,
1988)53(*) qui le fait
agir « pour » et « avec » l'autre.
2.4.2- Production et construction des savoirs à
travers la pratique bénévole.
Le lien entre autonomie et apprentissage, permet selon Dan
Ferrand-Bechmann d'explorer la question de l'autoformation. L'individu
s'approprie ses savoirs, apprend en agissant, apprend de l'expérience
à travers sa participation associative. Et dans ce contexte, il
n'apprend pas uniquement pour apprendre, mais pour solutionner des
problèmes, pour mieux maîtriser son environnement, ce qui
constitue un moteur puissant. Il est motivé à apprendre, parce
qu'il est intégré dans une association pour laquelle il oeuvre en
tant que bénévole et que son activité rend
nécessaire l'acquisition de connaissances nouvelles pour les besoins de
l'action.
On apprend sur le tas à travers des situations
inédites, par imitation, par l'identification à travers
l'échange au sein d'une communauté. Le regard porté
à l'expérience de l'autre conduit à des questionnements et
réflexions qui sont sources d'apprentissage. D'après Dan
Ferrand-Bechmann (2008)54(*) l'individu apprend en agissant, à travers un
réel engagement. La motivation et l'intentionnalité sont ici des
facteurs indispensables dans l'appropriation des savoirs, moteurs suscitant le
désir d'apprendre pour mieux faire. Ces savoirs acquis à travers
l'expérience sont d'ordre diffus, souvent cachés, difficiles
à expliciter, ce que Illich nomme le travail de l'ombre.
Lochard et Simonet-Cusset (2003)55(*) évoquent les savoirs
produits par l'acteur associatif, ce dernier disposant de savoirs de vie,
savoirs d'action directement issus de l'expérience. L'expert militant,
ainsi que le désigne Jacques Ion (2003)56(*) est aujourd'hui une réalité
présente au sein des associations, concourant de par la mobilisation
même de savoirs divers, de compétences complexes et multiples,
d'expériences partagées, à une nouvelle
redéfinition des rapports au savoir. Lochard (2003) cite le processus
qui a conduit les associations de solidarité à produire leurs
propres connaissances sur le monde de la pauvreté, en occupant une
position d'expert sur ces différentes questions et leur assurant ainsi
une reconnaissance de leur savoir. Les mouvements associatifs (ATD Quart Monde,
Secours Catholique, Emmaüs) participent activement à la
construction des connaissances sur les nouvelles formes de
précarité au sujet desquelles il existe un déficit.
L'expérience du mouvement ATD Quart Monde (Claude Ferrand57(*)) souligne bien l'existence de
savoirs alternatifs produits par la sphère associative parce que au plus
près des réalités sociales et fait la preuve de la
nécessité de croiser ces connaissances avec celles issues de la
recherche académique. La mobilisation des savoirs des
bénévoles peut être alors conçue sous l'angle de la
participation commune favorisant échanges, co-réflexion,
coopération pour élaborer le sens de certaines expériences
dans une « connaissance qui se construit par des allers-retours
entres les groupes d'acteurs »58(*).
Dan Ferrand-Bechmann (2008) décrit bien les
capacités mises en oeuvre chez les bénévoles au sein du
milieu associatif. Il s'agit des capacités à échanger,
recevoir de l'autre, donner, créer du lien, des capacités
à assumer des responsabilités et celles de flexibilité
pour innover, anticiper, toutes capacités qui ne sont pas
forcément développées ailleurs. À travers
l'expérimentation, les savoirs acquis s'exercent dans trois domaines en
constante interaction :
- des savoir-faire, surtout techniques et pratiques
pour solutionner des problèmes particuliers, savoirs
transférables d'un lieu à l'autre, d'une activité
bénévole à une autre;
- des savoir-agir, compétences
organisationnelles, afin de faire évoluer une situation qui va motiver
l'acteur à assumer de nouvelles responsabilités et
acquérir du pouvoir;
- des savoir-être, permettant le
développement de capacités relationnelles, des qualités
telles que l'écoute, l'empathie, la négociation. Appartenant aux
compétences sociales, la compétence interculturelle
s'élabore en relation avec le vécu de la personne, en fonction de
ses diverses expériences. Elle signifie la capacité d'ouverture
à l'altérité, à la richesse de l'autre au cours des
rencontres, des interactions et pose de fait, la reconnaissance de l'Autre
comme indispensable au développement de l'individu. Rappelons que selon
Abdallah-Pretceille (1999), pour avoir accès à la richesse
d'autrui, il faut admettre sa propre diversité, puisque celle-ci "est
constitutive de la nature de l'homme"59(*).
Les connaissances produites par les organisations associatives
sont multiples et issues de l'expérience du terrain. Ces savoirs et
connaissances mobilisés par les bénévoles sont
différents de ceux produits par le monde scientifique ou par l'Etat
(Simonet-Cusset, 2003) car au plus près des réalités
sociales et méritent alors d'être reconnus.
2.4.3 La nécessité de l'Autre dans la
motivation et les apprentissages.
Le rapprochement d'individus a priori distincts provenant de
milieux socio-culturels différents, en somme
« l'altérité devient source d'enrichissement personnel
et collectif » (Claude Ferrand, 2008 : 23)60(*). La participation à une
activité commune en milieu associatif nécessite de croiser des
savoirs, et donc d'échanger, de négocier, d'apprendre l'un de
l'autre. Il est un fait que les interactions multiples possèdent des
effets transformateurs.
Une des dimensions fondamentales du bénévolat
est le rapport à autrui (Ferrand-Bechmann, 1992). « Le
bénévolat est une relation d'aide, de service à autrui,
à son prochain »61(*). Les multiples interactions relatives à la
fréquentation du monde bénévole peuvent permettre le
développement « d'un travail réflexif
d'interprétation enrichi par le cadre collectif »62(*). Par exemple, le
dépassement des conflits souvent présents dés qu'il y a
collaboration autour d'une oeuvre commune, contraint à un recul
réflexif qui est formateur, puisque la compréhension des
situations sociales requiert des capacités « d'observation et
d'analyse de soi et de l'autre »63(*). Ainsi Knowles (1990)64(*) identifie comme facteurs d'apprentissage de l'adulte,
outre l'expérience à laquelle le sujet cherche à donner un
sens et les situations auxquelles il est confronté, ses rencontres avec
les autres.
Le regard posé sur l'expérience et le
fonctionnement des autres est un puissant levier qui incite à
l'apprentissage. La confrontation à l'altérité, en
sollicitant l'expérience du « sentiment d'ouverture-fermeture
aux autres »65(*) interroge le sociocentrisme de l'individu et
constitue en soi un apprentissage. Ainsi, la pratique et la participation
à une activité favorisent la production des savoirs; interactions
et communication intersubjective interviennent dans cette construction.
Guylaine Racine (2000)66(*) examine la construction des savoirs
d'expériences chez des intervenantes qui travaillent au sein
d'organismes s'occupant de femmes sans-abri, et elle montre le rôle
important de la communauté d'intervenantes dans les apprentissages
réalisés. Dans un premier développement l'auteure
évoque des formules que citent les intervenantes, telles que
« apprendre sur le tas », « apprendre en
étant dedans ». Une large place serait ainsi faite à la
participation commune pour un même projet, et les échanges
informels seraient les moments où elles auraient le plus appris. La
place de la réflexion est centrale. L'apprentissage à travers la
pratique est contributif d' « un processus d'analyse
réflexive »67(*). Ceci n'est pas sans rappeler le sujet
réflexif, maître de ses apprentissages cher à Kölb
(1984). Et Balleux (2000) cite deux aspects du modèle d'apprentissage de
Kölb (1984) : l'accent mis sur « l'ici et maintenant »
et le processus de rétroaction qui relie trois facteurs :
« l'expérience telle qu'est est vécue subjectivement
par la personne dans des situations singulières, la compréhension
de cette situation et la construction de savoirs à partir de ce
contexte » (p. 271)68(*).
Dans un deuxième développement de l'étude
pré-citée, il est question de la réflexion à
laquelle les pairs participent pour « transformer une
expérience en un apprentissage » (p.78). L'auteure discerne
quatre apports relatifs au collectif : le sentiment de sécurité
que procure le groupe lorsqu'il faut intervenir, une fonction
régulatrice de la subjectivité qui permet la prise de distance et
de recul par rapport à l'expérience personnelle, la confrontation
des différents points de vue qui en provoquant la déstabilisation
oblige le sujet à se décentrer et donc à apprendre, le
développement personnel fruit « du travail collectif qui
favorise la critique et le développement de sa propre
pratique » (p. 79). En accord avec Schön (1994)69(*), si réfléchir
sur l'action permet de construire ses savoirs, l'étude de Racine (2000)
met en évidence le rôle capital du collectif dans ce processus de
réflexion. Par ailleurs, elle cite Pineau (1989 : 26) pour qui
« la rupture dans l'expérience ouvre une
brèche » (p.82). Des bruits nouveaux créent une
nouvelle situation, nouvelle expérience source d'apprentissage.
L'intérêt de cette étude est bien de montrer que la
réflexion sur l'expérience est dépendante des interactions
dues à la pratique commune. Ce point est également clairement
identifié par Catherine Clenet (2006)70(*) pour qui les pairs « contribuent à
la construction d'une identité d'apprenant
autonome ».
2.4.4 - Un exemple.
L'exemple des Réseaux d'Echanges réciproques de
Savoirs (RERS)71(*) me
permet d'illustrer la question de la construction des savoirs à travers
la pratique bénévole. Basés sur la
réciprocité et l'entraide, les réseaux mettent en
lumière cette présence de l'autre dans la réalisation des
apprentissages. Cette pratique née à l'initiative de Claire et
Marc Héber-Suffrin en 1971 à Orly postule la
complémentarité des savoirs avec comme objectif de permettre
à des citoyens de tous âges à travers un processus
d'échange, d'accéder à des savoirs et savoir-faire
divers.
Dans les RERS, chacun apprend au cours de l'échange :
sur l'objet de l'échange, pour le demandeur; sur le savoir avancé
pour l'offreur qui apprend pour répondre aux questions qu'il se pose
lui-même ou par le demandeur. Ici les participants facilitent la
circulation des savoirs. À travers la relation de
réciprocité demandeur/offreur, ce sont les modes d'apprentissage,
les relations au monde et aux autres qui sont modifiées et participent
à la transformation personnelle des sujets et donc à leur
autonomie et émancipation. Par ailleurs, l'autre devient
nécessaire dans cet acte d'apprentissage qui loin d'être un acte
solitaire repose au contraire sur la nécessaire présence du
collectif et la dynamique de l'échange.
Les « RERS » favorisent à la fois
l'émergence de savoirs nouveaux, la prise en compte de savoirs
déjà existants et la certitude que tout le monde peut participer
à la circulation des savoirs. Ils reprennent les grands thèmes
chers à l'éducation populaire en valorisant les savoirs de
l'expérience en dehors des cadres scolaires et universitaires,
l'autoformation par la confrontation des façons d'apprendre,
l'éducation de « chacun par chacun » à
travers un système horizontal de partage des savoirs et favorisent
l'apprentissage de la citoyenneté.
Cet exemple montre que ces apprentissages en marge des
systèmes dits formels, ne s'inscrivent pas dans un programme
structuré d'acquisition de connaissances. Dans un article de
Sociologie et sociétés, « Acquisition des
savoirs et pratiques de groupe »72(*), Lave (1991) explique que la participation
régulière des nouveaux venus à un groupe qui partage des
pratiques communes les fait devenir progressivement des anciens. En plus
d'apprendre, les participants acquièrent une identité et une
compétence en étant membre du groupe. En effet, la perception de
soi est modifiée par la transformation de la participation. Dan
Ferrand-Bechmann (2000)73(*) mentionne par ailleurs, l'existence
d'identités plus positives à travers des activités
socialement utiles telles que le permet la pratique bénévole. Les
nouveaux venus passent d'une « participation
périphérique légitime » à une
participation à part entière. Il ne semble pas qu'il y ait
enseignement; l'apprentissage se fait au cours de la vie quotidienne, de
façon improvisée, par la pratique continue. Ici
l'évaluation des progrès réalisés par l'apprenti
est directement visible à travers le travail lui-même, et il n'y a
ni réprimandes, ni félicitations, ni directives, ni examens.
D'emblée, les nouveaux ont une vision globale de l'ensemble de
l'activité à réaliser ainsi que les nombreux exemples de
travail de leurs pairs - les anciens - sous les yeux.
2.4.5- L'engagement bénévole à
l'heure de la retraite.
Dans le contexte de l'éducation tout au long de la vie,
l'UNESCO (1997)74(*)insiste sur l'engagement et l'expérience comme
points positifs relatifs au vieillissement qui méritent d'être
amplement diffusés; les seniors possèdent des compétences
didactiques fruits de leurs expériences de vie qui se
révèlent d'un grand profit pour les autres
générations. Cet engagement souvent associatif, en permettant de
mobiliser des compétences reconnues utiles socialement peut faciliter
« l'entrée dans la retraite » et
simultanément, l'immersion dans le bénévolat va
médiatiser la rencontre avec l'Autre.
Libérés des contraintes du travail, les
retraités consacrent beaucoup de temps libre au bénévolat.
Et ils sont poussés à garder une activité, après
que la société leur ait donné le goût du travail
(Ferrand-Bechmann, 2000). En plus de transférer des savoirs, ils en
acquièrent. Désireux de se cultiver, d'apprendre, de
s'émanciper par le savoir, les aînés, on l'a vu
précédemment, revendiquent le droit à la formation et
à l'éducation après la retraite. Dans cette perspective,
l'engagement bénévole est un moyen d'apprendre et a un impact
certain sur le rapport au savoir. Il assure et négocie ce difficile
virage qu'est la retraite et que l'on peut représenter tel un voyage,
une plongée vers l'inhabituel auquel il faudra s'adapter. S'accommoder
au nouveau, à l'étrange sont des capacités qui vont se
développer lorsqu'on brise avec le quotidien. Et si, comme le cite Dan
Ferrand-Bechmann75(*),
« les situations de rupture sont aussi des moments où
l'individu est amené [...] à faire des choix nouveaux et surtout
à rechercher d'autres réseaux de socialisation et même
à s'engager » (p. 51), les activités de
bénévolat, en leur reconnaissant en plus une expérience de
vie qui peut être partagée, deviennent alors véritablement
gratifiantes pour les aînés.
Les motivations des retraités à exercer des
activités bénévoles au moment de la retraite seraient
communes aux autres groupes d'âge mais s'en dissocieraient quelque peu
par l'absence d'envie exprimée de développer ou d'acquérir
compétences et connaissances (Richard et al.,2006)76(*). Toutes les études
s'accordent sur ce point. Utiliser son savoir-faire, retrouver un noyau de
sociabilité et rester utile tout en rendant ce qu'on a reçu,
seraient les principaux moteurs de l'engagement (Ferrand-Bechmann, 2000). Dans
une étude consacrée aux motivations des bénévoles
retraités qui participent à un projet de recherche-action,
Richard & al. (2006) confirment comme sources de leur implication, la
volonté d'utiliser les compétences et l'expérience
développées au cours de la carrière professionnelle, celle
de reproduire le mode de fonctionnement similaire au climat de travail et de
continuer à jouer un rôle dans la société. Prouteau
et Wolff (2007)77(*)
rapportent des éléments identiques sur la base de l'enquête
« Vie associative » menée par l'INSEE en 2002, en
montrant par ailleurs que la dimension relationnelle comme motif essentiel de
l'adhésion à une association au moment du départ à
la retraite est essentielle.
On peut distinguer trois types de postures des
retraités lorsqu'ils s'engagent (Thierry, 2007)78(*). Il y a en effet ceux qui ont
toujours fait du bénévolat et le poursuivent une fois qu'ils
cessent leur activité professionnelle, ceux qui vont s'y engouffrer par
crainte du vide laissé par la fin de la carrière, et ceux qui
hésitent à s'engager soit parce qu'ils ont peur d'être
accaparés, soit par repli sur la sphère intime. Selon l'auteur,
des dispositifs d'accompagnement sont dans ce cas nécessaires pour
susciter l'investissement bénévole, une véritable
« pédagogie de l'engagement » visant à
rassurer une population qui redoute d'être impliquée sans limites
et de reproduire l'effervescence et les contraintes propres au monde du
travail. Mais être bénévole, pourrait-on dire, c'est pas
automatique ! Thierry (2007) et Maud Simonet-Cusset (2004)79(*) estiment que devenir
bénévole relève d'un apprentissage. Celui-ci peut
être précoce en lien avec le milieu familial, les engagements de
jeunesse, le réseau relationnel (Thierry, 2007) et de plus, certains
rôles exercés par le bénévole nécessitent une
formation, un suivi, voire même une évaluation (Simonet-Cusset,
2004 : 250).
2.4.5 - Engagement bénévole et
mobilisation des savoirs chez les retraités.
Si savoir et pouvoir sont liés, c'est parce que le
savoir confère le pouvoir. Et c'est précisément la perte
de pouvoir qui caractérise la situation des personnes retraitées.
Ainsi qu'énoncé ci-dessus, si autrefois savoir et donc pouvoir
caractérisaient les personnes âgées, aujourd'hui, leur
place au sein de la société contemporaine est devenue
précaire. Et bien que retraite et vieillesse ne riment plus de concert,
l'imaginaire populaire est encore nourrie de ces anciennes images que
véhiculaient les retraités d'hier, celles que
précisément ils redoutent et réfutent. La production et
la construction des savoirs (savoir-faire, savoir-être, savoir-agir)
concourt à l'autonomie de l'individu dans une période de la vie
où la perte d'autonomie est une des conséquences souvent
citée pour décrire cette phase du vieillissement. Le monde du
bénévolat est alors un lieu de socialisation où il est
possible d'agir et même d'exister. « Le bénévolat
est une troisième voie de promotion sociale qui permet [...]
d'accéder à un nouveau pouvoir, soit la redondance du milieu
professionnel » (Ferrand-Bechmann, 1992 : 130)80(*). Réinvestir ses
compétences professionnelles devient pour ces retraités
l'occasion d'exercer un pouvoir qui vient pallier à la perte de statut
liée à l'emploi.
3- MÉTHODOLOGIE, TERRAIN ET ANALYSE.
3.1 - Approche qualitative et
compréhensive.
S'engager dans un travail de recherche, c'est emprunter un
chemin incertain, surtout lorsqu'il s'agit comme ici d'une première
aventure. Le cadre collectif dans lequel s'ancre cette expérience
suppose de s'affilier à un champ de pratiques sociales et permet de
bénéficier de l'appui de l'équipe pédagogique et
des supports méthodologiques en ligne. Ceux-ci fournissent des
repères, délimitent et précisent les étapes
successives de ce travail.
La méthodologie retenue est celle d'une recherche
qualitative qui vise essentiellement la compréhension en profondeur du
phénomène analysé ici, à savoir la mobilisation des
savoirs chez les retraités à travers leur activité
bénévole. Elle s'inscrit dans une approche interactionniste et
compréhensive avec un aller et retour constant entre le terrain et la
théorie. La richesse du terrain est ici privilégiée. En
accord avec les théories interactionnistes, je pense que la
réalité sociale est en permanence construite par les groupes et
les individus, lesquels échangent du sens à travers les multiples
interactions, se livrent à des interprétations, deviennent
acteurs de leur existence, et sont alors les mieux à même de
partager leur compréhension des phénomènes sociaux. Le
groupe dans cette approche ne peut être considéré comme un
tout homogène. Pour Kaufmann (2007), les individus sont « des
producteurs actifs du social, donc dépositaires d'un savoir important
qu'il s'agit de saisir de l'intérieur » (p.26)81(*). La relation
hiérarchique qui peut exister classiquement entre l'enquêteur et
l'enquêté est ici mise de côté, pour un partage plus
fécond des connaissances.
La posture compréhensive conduit le chercheur à
construire sa problématique à partir des hypothèses qui
jaillissent au fur et à mesure de la progression de son travail sur le
terrain et se nourrit des observations ainsi que des significations des acteurs
eux-mêmes obtenues à partir du matériel discursif issu des
entretiens. Ici est donc privilégiée l'observation participante,
des entretiens semi-directifs, des conversations informelles ainsi que la tenue
d'un journal de terrain et d'un journal de recherche, ces derniers étant
pris comme outils de travail.
- Observation participante : dans un premier temps,
celle-ci s'est déroulée dans l'Association JA qui sera
présentée plus bas, au sein de laquelle j'ai participé en
tant que bénévole, ce qui m'a permis de procéder à
l'observation de 3 réunions de préparation de 2 heures environ
chacune, de 6 temps de préparation du camp, dont 4 journées
entières consacrées à l'organisation du parcours, et 3
journées lors du déroulement du camp lui-même.
- Entretiens semi-directifs hors du cadre associatif,
en privilégiant les rencontres au domicile des personnes qui ont eu la
gentillesse de répondre à mes questions. Cependant et pour des
raisons d'ordre pratique, j'ai effectué quelques entretiens avec
d'autres personnes étrangères à cette association.
- Conversations informelles, avec les
bénévoles rencontrés sur le terrain, donc l'Association JA
pendant les temps de préparation, temps de pause, temps de repas au
cours du déroulement du camp lui-même et avec Fanny, enseignante
à la retraite qui m'a longuement raconté ses
pérégrinations sur le chemin du bénévolat et dont
j'ai choisi de réaliser le portrait en guise d'exemple.
- La rédaction d'un journal de terrain, dans
lequel j'ai annoté les observations réalisées au cours des
réunions de participation, pendant la reconnaissance du parcours et lors
du déroulement du camp. Parallèlement la tenue d'un journal de
recherche que j'avais déjà bien entamé avant de
rédiger le journal de terrain dans lequel les questions et
réflexions issues des lectures préalables ou d'interrogations
diverses qui ont jailli de ma pratique.
3.2 - Le terrain de recherche.
3.2.1- Présentation de
l'association JA.
L'association JA82(*), est une association loi 1901, association à
caractère récréatif et éducatif qui a pour
finalités de développer l'éducation dans les milieux
ruraux, de permettre un temps de vacances et d'activités culturelles et
de favoriser le développement des liens entre les jeunes de
différents lieux culturels européens. Le projet éducatif
exprime la volonté de développer chez les jeunes, l'esprit
critique, l'autonomie, la tolérance et de favoriser les liens
intergénérationnels et interculturels ainsi que l'expression de
la solidarité et la reconnaissance de la diversité. Bien que
montrant une façade « laïque », elle est
pourtant catholique d'inspiration et de direction.
La principale activité de l'association est d'organiser
un camp itinérant en VTT déclaré auprès de la
DDJS83(*) qui se
déroule chaque année la première semaine de juillet. Il
s'agit d'un pèlerinage qui accueille deux types de public jeunes : 180
pédalants âgés de de 11 à 15 ans et 50 jeunes de 16
ans et plus qui ont en charge une partie de l'animation de certains temps du
camp (notamment les veillées), ainsi que l'organisation logistique
(montage et démontage des tentes, accueil le soir des jeunes
pédalants, etc...). Une des spécificités de ce camp est le
mélange des générations (au total 360 personnes environ
sur le camp), car outre les deux groupes de jeunes présentés
ci-dessus, l'équipe d'organisation est également
constituée de personnes adultes dont l'âge varie entre 18 et 75
ans qui ont en charge toute la partie logistique de la confection des repas, au
transport du matériel, à l'organisation de l'itinéraire
qui sera emprunté en VTT, le secrétariat, en passant par la
sécurité, les soins divers, etc... Tous sont
bénévoles. Toutes les professions se côtoient. Si certains
postes nécessitent des personnes diplômées
(infirmières, médecins) et donc encore en activité
professionnelle, la plupart sont occupés par des retraités hommes
et femmes qui exercent des fonctions qui n'ont bien souvent rien à voir
avec les compétences antérieures acquises dans leur
métier. Presque tous réinvestissent ici des expériences
diverses, des connaissances développées tout au long de leur vie
de manière bien souvent informelle, des savoirs quotidiens; et
parallèlement, ils innovent, inventent, créent pour les besoins
de l'action et mènent à terme le projet pour lequel ils
participent et dans lequel ils se sont engagés.
3.2.2 - L'observation
participante : Association JA.
C'est en tant que membre du conseil d'administration de
l'association JA (décrite ci-dessous) et participant à
l'organisation d'une de ses activités principales depuis 7 ans que j'ai
amorcé l'entrée sur le terrain. Les relations tissées avec
les retraités qui oeuvrent à la mise sur pied du projet phare de
l'association a sans doute facilité mon observation. Ma présence
lors des réunions de travail, pendant les journées de
repérage sur le terrain de l'itinéraire, la collaboration
préexistante à cette note de recherche de plusieurs années
avec eux avait déjà permis d'instaurer un lien de confiance.
Cette relation durable, bien antérieure à la recherche
elle-même a contribué simultanément à simplifier les
étapes de mon travail - l'entrée sur le terrain et l'acceptation
de ma présence - mais parallèlement à rendre plus complexe
l'analyse des faits observés, du fait d'une proximité peu propice
au recul et à l'impartialité. C'est au cours des réunions
de préparation que j'ai observé ces retraités actifs, et
avec qui j'ai étroitement collaboré.
3.2.3 - Entretiens semi-dirigés et
conversations informelles.
Une précision d'importance doit être
mentionnée ici sur les questions d'usages autour de l'état civil
des personnes interrogées. En effet, m'inscrivant dans une approche
résolument interactionniste, j'ai défini la vieillesse
précédemment comme un processus et non comme un état, ce
qui m'interdit d'approcher celle-ci de manière figée ; par
ailleurs, l'objet de la recherche s'intéresse aux retraités, ce
qui fait référence à une étape de la vie, bien plus
qu'à un âge. Dans cette perspective, j'ai décidé de
ne pas demander l'âge des personnes avec qui je me suis entretenue, le
choix de la retraite en tant que critère définissant
l'échantillon étant le seul à retenir. J'ai de plus
discuté de ce point avec les principaux intéressés, qui
ont tous manifesté leur approbation, satisfaits de voir que retraite et
vieillesse étaient dissociées.
La grille d'entretien qui a été
élaborée a pris en compte mes observations sur le terrain, au
contact régulier des bénévoles retraités, contact
inscrit dans la durée. C'est au fil des entretiens que la prise de
conscience de l'intérêt d'une attention flottante m'est apparue.
Cette attitude particulière d'écoute attentive, écoute
sensible n'est venue qu'avec l'entraînement et la familiarisation avec ce
type particulier d'échanges propres à libérer la
parole.
Ainsi qu'énoncé ci-dessus, pour des questions de
faisabilité, j'ai procédé à des entretiens de
personnes étrangères à cette association. Ma propre
participation en tant que bénévole sur le terrain, mon
implication, des difficultés relationnelles avec certains membres, et la
charge de travail des uns et des autres a compliqué quelque peu le
déroulement formel des entretiens. Comme je l'ai expliqué,
ceux-ci ont eu lieu préférentiellement au domicile des
intéressés. S'agissant des conversations informelles - riches
d'enseignements - elles se sont déroulées dans le décours
de l'action, pendant les pauses, les repas partagés, les moments
volés ici et là et surtout lorsque l'instant s'y prêtait.
Il m'est apparu que cette façon de procéder permettait d'obtenir
un matériau fécond en termes de réponses inattendues et
moins conformistes de la part des interviewés. Et pour moi-même,
l'absence du canevas à suivre a permis que je me concentre davantage sur
l'échange, sans cette impérieuse nécessité de
formuler chacun des thèmes. Ceci a constitué par ailleurs, un bon
entraînement pour mener ensuite les entretiens semi-directifs. Je
connaissais et maitrisais davantage les différentes questions à
aborder dans un style plus conversationnel.
a) Les conversations informelles :
Il est rapidement apparu que l'appareil d'enregistrement
était de nature à contraindre la parole. Pour certaines
personnes et essentiellement dans le cadre précis de l'Association JA,
la présence du MP3, aussi discret soit-il, a provoqué une
rétention verbale manifeste. Les raisons majeures
présumées sont à attribuer à la crainte de certains
bénévoles à l'idée d'être
évalués bien que j'eus expliqué auparavant les enjeux de
l'entretien et l'utilisation qui allait en être faite (anonymat, ...). Ce
constat était par ailleurs absent au cours des conversations
informelles.
Si l'utilisation d'un magnétophone (ici MP3) est
incontournable à des fins d'analyse du matériau ainsi recueilli,
j'ai jugé bon d'y adjoindre les bribes relevées ici et là
au hasard des échanges qui ont eu lieu dans des moments plus propices
à la parole, lors des repas pris en commun, dans les périodes
actives où nous débattions autour d'une problématique
particulière en lien avec l'action en cours. Ces fragments de
discussions prélevés « sur le vif » ont
ensuite été annotés dans le journal de terrain, en
général et lorsque cela avait été possible, le soir
même du jour où ces échanges avaient eu lieu. Toutefois,
l'enregistrement des entretiens a constitué l'essentiel du
matériel de recherche, et les échanges informels ont surtout
servi à définir les thèmes développés dans
la grille d'entretien.
b) Le choix des interlocuteurs.
Je m'intéresse au point de vue des interlocuteurs, aux
représentations et au sens que les bénévoles prêtent
à leur engagement, à leurs motivations, aux diverses situations
dans lesquelles ils sont impliqués et l'approche compréhensive
est ici privilégiée. En dehors de l'association JA dans laquelle
je suis moi-même bénévole, les autres personnes avec qui je
me suis entretenue appartenaient pour certaines d'entre elles à mon
entourage; pour d'autres, le hasard de la rencontre m'a orienté vers une
autre personne et ainsi de suite. C'est donc sur le terrain, à travers
l'observation participante que j'ai découvert mes futurs interlocuteurs
sans établir a priori d'échantillon.
Cinq entretiens intégralement enregistrés ont eu
lieu. En fonction de la situation et des personnes elles-mêmes, les
durées varient de ½ heure à 1 heure environ.
Je précise que pour respecter l'anonymat des personnes
interrogées tous les prénoms ont été
modifiés. J'ai conversé avec autant d'hommes que de femmes, et
les entretiens plus formels se sont déroulés avec trois hommes et
deux femmes. Leurs caractéristiques sont conformes aux statistiques
exposées ci-dessus : tous appartiennent en effet à un milieu
socio-culturel favorisé, possèdent un niveau d'études et
de formation supérieure.
3.3 - Précisions sur la démarche de
recherche et sur les aspects méthodologiques : pour une analyse de mon
implication dans les entretiens et l'observation participante.
La pratique sur le terrain revêt quelques aspects
« techniques » qu'il me semble utile de mentionner ici. En
effet, en tant qu'apprenti-chercheur, mes premiers pas sont forcément
aléatoires, incertains; je trébuche, me reprends et même
ainsi, il apparaît vite que seul, le recul temporel me permettra de poser
un regard distancié capable d'analyser ma démarche
méthodologique, les erreurs, les manques et les faiblesses.
Ces difficultés ou aléas de la recherche
concernent l'observation participante, les conversations informelles et la
conduite des entretiens semi-dirigés. Le moment de l'entretien est un
exercice périlleux qui nécessite un questionnement permanent afin
de mesurer les effets de la rencontre sur l'autre et ses répercussions
éventuelles sur la richesse et/ou la qualité du matériau
qui en résulte. L'attitude critique prévaut ici pour mener
à bien ce travail de terrain. Et au centre de cette réflexion, le
journal de recherche occupe une place intéressante en tant qu'outil
d'analyse de mon implication. Il représente une nouveauté pour
moi et un élément du processus méthodologique dans lequel
je me suis engagée.
Nécessaire dans toute démarche scientifique,
l'analyse implicationnelle se doit « d'être
cumulative, pouvoir être critiquée, reconstruite,
revisitée »84(*) puisque tout chercheur en sciences humaines et
sociales établit des relations importantes d'ordre divers (affectif,
émotionnel...) avec son objet de recherche. La démarche
heuristique d'analyse de ma propre implication (notion inséparable de
celle d'interaction et donc opposée à l'objectivité pure)
s'effectue à travers la rédaction du journal de terrain, qui, en
plus de conserver une trace écrite de la construction de mes
connaissances au fil des explorations, oblige au questionnement sur les
difficultés rencontrées et facilite selon Ardoino (1992)85(*) le travail du
« rapport complexe
implication-distanciation » qui relie le chercheur à
son objet. Pour Rémi Hess (2008), « le journal est un
outil efficace pour celui qui veut comprendre sa pratique, la
réfléchir, l'organiser »86(*). Et ce journal
« extime », parce qu'il suscite diverses réactions,
fait évoluer la pensée en stimulant lors de la relecture, un
recul réflexif et critique, une compréhension a postériori
des faits par une analyse dans l'après-coup des éléments
marquants. Son procédé cumulatif ainsi que l'indexicalisation des
réflexions offrent un gain de temps appréciable au moment
d'effectuer un retour sur des écrits antérieurs
éventuellement réfléchis sous un éclairage nouveau.
Cette posture réflexive qui évite des interprétations
hâtives, se révèle être dans ma pratique
hésitante d'apprenti-chercheur, un outil de choix qui mérite de
s'améliorer encore pour mieux élucider mon implication dans la
recherche.
Enfin, je précise que l'incursion sur le terrain de
recherche, la rencontre des acteurs principaux, les conversations nombreuses
ont apporté des corrections à ma vision de départ et
enrichi la problématique. Toutefois, mon inexpérience dans le
domaine a ralenti la progression optimale de ce travail en donnant dans un
premier temps une place prééminente à la théorie au
détriment de la recherche empirique.
3.4 - Présentation des sujets interviewés.
Claude.
Retraité depuis 10 ans, Claude a exercé
successivement différentes professions dont celle d'entrepreneur.
Mobilité et adaptation le caractérisent. C'est un
bénévole régulier qui y consacre une moyenne de plus de 4
heures par semaine. Claude est bénévole dans l'association JA;
c'est lui le responsable du parcours en VTT, organisé annuellement sur
une période d'une semaine (tracé de l'itinéraire et
sécurité).
Pierre.
Retraité depuis 15ans, il a exercé la profession
d'ingénieur à EDF. Engagement et fidélité sont des
qualificatifs qui résument son parcours. Il a en effet toujours
été bénévole et cela dans de multiples associations
au sein d'un mouvement syndical pendant sa vie professionnelle, et après
sa retraite dans diverses associations (JA, accompagnement des malades, visites
dans les maisons de retraite, etc...). C'est un bénévole
régulier (environ 4 heures par semaine) mais qui a réduit
progressivement ses activités, l'âge et la fatigue venant.
Annie.
Épouse de Pierre. Retraitée. Elle a
exercé la profession d'enseignante, activité qu'elle a
abandonné ensuite lorsqu'elle a déménagé en
Martinique pour se consacrer à l'éducation de ses enfants. Elle
a, à l'instar de son mari, été bénévole sa
vie durant. Tour à tour ou parfois même simultanément, elle
a été bénévole au Secours Catholique en tant que
trésorière, aux AVF (Accueil des Villes de France), dans sa
paroisse, en tant que catéchiste, assure aujourd'hui des visites dans
les maisons de retraite et accompagne les familles endeuillées ainsi que
l'aide à la préparation des funérailles.
Georges
Retraité depuis 18 ans, après avoir
exercé la profession de juriste. Il est devenu visiteur de prison
bénévole au moment de la retraite. C'est un
bénévole occasionnel qui espace de plus en plus sa participation
bénévole du fait de son âge avancé et de troubles de
santé.
Jean
Jeune retraité depuis 5 ans, il est
bénévole dans une association « Neuville
Tiers-Monde » qui collecte des médicaments pour les envoyer
dans les pays d'Afrique. Il a travaillé toute sa vie pour le même
employeur en tant que préparateur en pharmacie. Régularité
- il consacre trois demi-journées par semaine à l'association -
et équilibre ont rythmé son existence tant personnelle que
professionnelle. Passionné de botanique, il a eu à coeur de
parfaire son savoir, de poursuivre sa formation en s'instruisant lui-même
à travers de nombreux ouvrages. C'est lors de l'entrée en
retraite - qu'il a anticipé et attendu avec impatience - qu'il a
décidé d'employer son temps en offrant ses services à une
association qui récolte et expédie des médicaments aux
populations africaines. Son recrutement est en lien avec l'exercice
professionnel de toute une vie.
Fanny (E5)87(*).
Retraitée depuis moins de dix ans, elle n'a repris un
engagement bénévole que depuis deux ans. Lorsque la retraite est
intervenue, elle a émis le désir de prendre un temps de
réflexion qui a duré presque 4 ans durant lequel elle n'a
« absolument rien fait ». Selon elle, cette
suspension dans ses activités était nécessaire afin de
faire le point sur sa vie, sur une existence hors du commun et les divers
bouleversements qui ont jalonné sa route. Un vif besoin de transmettre
caractérise son engagement. « Faire passer quelque
chose » résume sa motivation à être
bénévole.
3.4.1- Arrêt sur image : la participation
bénévole de Fanny au CCFD (Comité Catholique contre la
faim et pour le Développement) et le camp VTT organisé par
l'association JA.
a) Portrait d'une
bénévole au CCFD88(*) :
Fanny.
Le CCFD est une ONG (Organisation non gouvernementale)
française, association Loi 1901, reconnue d'utilité publique.
Elle se compose de 28 mouvements et services D'Église (MSE). Pour mener
à bien les diverses actions qu'elle entreprend à travers le monde
entier, elle s'appuie sur une minorité de salariés (170) et sur
une majorité de bénévoles (15000). Deux missions
principales figurent à leurs objectifs :
- appuyer des programmes de développement.
L'association vient en aide aux populations les plus vulnérables de
différentes manières;
- sensibiliser l'opinion publique à la situation
précaire que vivent les habitants des pays les plus démunis.
Fanny, retraitée de l'enseignement est
bénévole au CCFD. En évoquant les projets mis en oeuvre
dans les 5 continents, elle témoigne de la nécessité d'une
intervention solidaire auprès des plus démunis et contribue
à assurer la promotion de la solidarité internationale. Cette
année accompagnée d'un indien - un intouchable - elle est venue
exposer le rôle et les actions du CCFD à des classes de
collégiens. Pour Fanny, la dimension éducative est
prégnante, elle se veut focalisée sur le partage d'une
expérience humaine d'une grande richesse pour éveiller les
consciences. Les associations de solidarité internationale doivent
participer à l'éducation au développement pour que le
monde évolue vers plus de justice et de solidarité.
« Avant même que d'agir, il faut
comprendre », dit Fanny. Elle milite pour cela, afin que par la
connaissance de l'autre, du monde, des peuples, les attitudes se modifient pour
faire de tout individu un citoyen actif qui soit encouragé à
agir.
Chaque année au moment du carême, une collecte
est organisée afin de recueillir des fonds pour financer des projets de
développements sur les 5 continents. Dans le cadre d'une action
éducative sensibilisatrice, des responsables associatifs
témoignent de leurs expériences, de leur travail dans les
différents domaines du développement en soutien aux populations
les plus pauvres. Par ailleurs des démarches pédagogiques sont
menées pour inciter à questionner leurs modes de vie et de
consommation.
Fanny a passé une partie de sa vie au Cameroun,
débutant déjà ses activités bénévoles
auprès des femmes qu'elle assiste dans diverses démarches
administratives ou en venant en aide aux jeunes enfants pour pallier leurs
insuffisances scolaires. Ses années africaines lui ont permis
d'acquérir et de consolider grâce au bénévolat, des
capacités d'adaptation, d'accroître sa confiance en elle, et
d'apprendre patience et écoute. Sa mise à la retraite est suivi
d'un intervalle de 4 ans « pour
réfléchir » dit-elle, avant de décider
qu'elle ferait oeuvre utile dans l'action bénévole parce qu'elle
des « choses à transmettre ». Aujourd'hui,
elle milite pour « l'intergénérationnel »
comme autrefois au Cameroun pour « l'interculturel », afin
de « réussir à mieux vivre
ensemble ».
b) Association JA et camp VTT.
L'organisation du camp VTT exige de la part des
bénévoles engagés et impliqués des
compétences plurielles qu'il faut mobiliser. Les nombreux postes
nécessaires au fonctionnement du périple sont tous occupés
par des bénévoles - pour la majorité, retraités -
et pour la plupart d'entre eux, si ce n'est tous, il s'agit d'une
première expérience dans le domaine. Le savoir-faire
déployé au sein de l'association est bien souvent le fait de
personnes qui découvrent et innovent.
Quelles compétences, quels savoirs pour mener à
bien les différentes activités développées dans le
camp VTT ?
Une certaine technicité est requise aujourd'hui au sein
des associations et celles-ci ne peuvent plus se satisfaire d'amateurisme. Il
en va de même pour l'association JA qui développe des
stratégies voisines de celles mises en oeuvre dans n'importe quelle
entreprise. Il est impossible de parler d'improvisation puisqu'ils prennent en
charge des tâches complexes et s'appuient sur une organisation collective
qui joue un rôle central. Et c'est parfois aussi un manque d'organisation
qui est reproché au cadre de travail. Les bénévoles
peuvent se sentir lassés, isolés, insuffisamment
écoutés face à la lourdeur des tâches
demandées. Leurs revendications sont très proches de celles des
travailleurs au sein de n'importe quelle entreprise. L'absence de
reconnaissance, le sentiment de transparence viennent parfois s'ajouter
à un « ras-le-bol » intermittent face à des
insuffisances du cadre organisateur.
Le « choc culturel » que provoque la
rencontre avec l'autre est bien une réalité dans le travail en
commun. Que ce choc résulte des relations
intergénérationnelles ou du croisement des points de vue, il
nécessite dialogue, échange et ouverture réciproque. La
compréhension de logiques différentes est convoquée dans
l'action commune et de la même façon, le travail collectif va
encourager la connaissance réciproque. Accords et désaccords
seront mis au travail régulièrement pour mener à bien
l'action.
Les savoirs sont répartis à travers plusieurs
équipes qui travaillent en synergie et leur collaboration est
discutée et orchestrée dans les fréquentes réunions
de préparation. Les « postes » ont été
attribués sur la base d'un volontariat en étroite
dépendance avec les disponibilités de chacun. Les premiers temps,
il y avait peu de bénévoles; il a fallu composer avec les
personnes qui se présentaient, à partir d'engagements reposant
sur le bouche à oreille, des retraités séduits par le
projet proposé. C'est à travers l'expérimentation sur le
terrain que les connaissances se sont développées. Le groupe a
grossi d'années en années et les premiers bénévoles
ayant fait la preuve de leur compétence se sont maintenus aux
mêmes postes, devenant responsables et en charge du recrutement de
nouveaux bénévoles. Ceux-ci ont bénéficié de
l'expérience des anciens, imitation et identification ont
été les modes d'apprentissages privilégiés,
conformément aux analyses, de Dan Ferrand-Bechmann (2008 : 53). Regarder
l'autre faire, échanger avec lui, prendre connaissance des situations
passées dans lesquelles telle ou telle action a ou non
fonctionné, s'en inspirer pour améliorer les dispositifs,
apporter des modifications salutaires dans certains cas, contribuer à
faire progresser l'ensemble. Sans dialogue, sans confrontation de points de
vue parfois contradictoires, sans une construction harmonieuse et
concertée des savoirs, rien n'aurait été possible. La
gestion du camp a ceci de spécifique et en même temps de
remarquable qu'elle a été le fait d'amateurs certes
motivés, mais sans connaissance spécifique avec le projet. Ils
ont bel et bien faits preuve de créativité, d'invention au terme
de maintes réflexions collectives où la convivialité et le
plaisir occupaient la place centrale.
Par exemple, le responsable de parcours doit mobiliser des
capacités de repérage spatial et une bonne connaissance
topographique des lieux, des capacités d'orientation, d'anticipation de
la difficulté du parcours afin de l'adapter au public accueilli (des
adolescents filles et garçons de 11 à 15 ans) s'avèrent
indispensables. En amont, les longs préparatifs exigent la maitrise de
l'outil informatique (reproduction des cartes, le tracé et l'insertion
du profil de l'itinéraire dans des carnets). Ces savoir-faire
techniques sont pour une part appris sur le tas et d'autre part acquis au cours
de l'échange.
L'envergure du projet et le nombre croissant de participants
ont suscité dans la « hiérarchie » le
désir de s'associer l'expérience de professionnels rompus aux
techniques de l'animation et de la direction de camps de jeunes. Alors que les
retraités jouissaient dès les premières heures d'une
grande liberté dans leurs décisions, l'intervention d'un membre
plus jeune à la tête du camp, a provoqué des frictions, des
heurts, des désaccords qui ont amené quelques
désaffections et démissions de bénévoles
retraités. Ils possédaient un pouvoir qu'ils entendaient
conserver; la passation de celui-ci entre des mains juvéniles semble
avoir résonné comme un jugement défavorable de leur
activité.
De l'association JA qui organise un pèlerinage en VTT
sur les routes du département, il est possible de parler d'un travail
communautaire et l'analyse qui peut être faite de son fonctionnement est
très proche de celle établie par Dan Ferrand-Bechmann (1992 : 69)
au sujet des mouvements scouts. Ils possèdent également un
« système de représentation propre », puisque
chacun est tenu d'endosser un tee-shirt dont la couleur spécifique
détermine le rôle et la place occupée dans la
hiérarchie toute pyramidale de l'organisation; ils ont leurs rites,
leurs chants, leurs cris qui les identifient de façon certaine, ces
éléments assurant la cohésion du groupe et leur
clôture par opposition à l'out-group qui ne
véhicule pas les mêmes valeurs.
3.5. Éléments d'analyse.
Ces premiers éléments d'analyse
prélevés à partir des entretiens évoquent la
pratique de ces bénévoles retraités qui sont actifs en
milieu associatif, (dont l'association JA décrite ci-dessus, le Secours
catholique, le CCFD, Neuville Tiers-Monde), association de solidarité ou
de loisirs.
3.5.1. Le bénévolat à l'heure de
la retraite.
a) Motivations à s'engager
?
Au départ, il y a une demande, une sollicitation
extérieure, bien souvent parce que les compétences
professionnelles du nouveau retraité sont connues, tel Pierre :
« plutôt que d'aller au Secours Catholique où tout
le monde peut faire quelque chose, viens là et moi je m'étais
spécialisé dans le domaine de la gestion
financière » ou encore Fanny qui exprime comment cette
demande coïncidait avec ses attentes : « Cela m'a
été demandé, ce n'est pas moi qui l'ai demandé, on
me l'a demandé et lorsqu'on me l'a demandé, j'ai dit oui de suite
et j'ai dit : j'attendais ça ». Le point commun aux
situations rencontrées, c'est l'intervention d'un autre, amorce de
l'engagement, moteur sans lequel les retraités tergiverseraient sans
doute un moment avant de se lancer dans cette aventure existentielle. Des
manques parfois qui agissent tel des appels d'air dans lesquels on se laisse
happer, telle Annie : « Au départ, j'y étais comme
participante, (AVF - Accueil des Villes de France) je payais mes
cotisations, je prenais des cours d'anglais et un jour s'est posé la
question du renouvellement du bureau et je me suis présentée
comme trésorière ». Ensuite les réponses
restent conformes aux études citées plus haut qui font intervenir
comme facteurs à la source de l'engagement, le besoin de se rendre
utile, de « rendre à la communauté ce qu'elle vous a
donné », de réinvestir des compétences
professionnelles, et même pour l'un d'entre eux « pour ne
pas rester à écouter la pendule égrener ses
coups »89(*). Relevons que ce type de bénévolat
là, ressemble à ce que Dan Ferrand-Bechmann (2000 : 68)90(*) décrit comme
étant « à la frontière de l'égoïsme
quand il se 'donne' par ennui, solitude... ».
La place de l'héritage familial est considérable
dans les parcours des individus interrogés. Presque tous admettent
l'influence de l'engagement parental sur leur propre engagement, une sorte de
tradition inscrite dans leur éducation, une culture de l'engagement
qu'il soit religieux ou politique semble en effet intervenir comme facteur
prépondérant pour expliquer leur bénévolat. Ainsi
Claude et Jean qui soulignent les racines de leur bénévolat dans
le scoutisme de leur enfance : « Çà vient de papa
qui était directeur d'école, donc il a aussi quelquefois
orienté les garçons en leur disant « pourquoi t'irais
pas dans les scouts ? » explique Jean.
« J'étais comme programmé ! ». Et
pour Claude, il est question de ses « gênes
familiaux ». L'acte bénévole n'est pas
rémunéré certes, mais il rapporte beaucoup sur un plan
personnel, même si ici et là on se défend de le faire pour
ça. « Il y a des gens qui se demandent pourquoi on le
fait, mais ça nous apporte quelque chose...[...] mais on s'en fout du
retour ! » dit Pierre, à quoi il précise plus tard
« ...on a l'impression de leur apporter quelque chose ! [..]
il y a les remerciements, on est heureux, parce qu'on se dit, bon on leur a
permis de ... mais, c'est pas du tout ça qu'on
recherche ».
Quoiqu'il en soit, le bénévolat permet
l'expression de l'individu, la réalisation de soi,
l'épanouissement personnel dans un monde qui encourage les valeurs
narcissiques. Et cette expression de soi est liée à l'aide
apportée à l'autre, à la communauté. Cette aide
cependant se doit d'être utile. En apportant à l'autre, c'est
aussi à soi que l'on fait du bien. Altruisme teinté
d'individualisme donc, ainsi se côtoient motivations altruistes et
motivations plus égoïstes dans une définition plus moderne
du bénévolat. Mais ces raisons ne sont pas citées, car
sans doute est-il bien difficile de l'admettre. Il semble plus aisé de
se persuader que l'activité bénévole est avant tout
orientée vers l'autre et pour l'autre. Ils inscrivent « ce
faire dans un faire pour - (ceux pour qui ils font) et dans un faire
avec (ceux avec qui ils font) », relève Maud
Simonet-Cusset (2004 : 249)91(*). En filigrane cependant, la dimension religieuse se
profile toujours derrière ce rapport à l'autre, digne
héritier de la charité chrétienne. Liberté et
gratuité du geste l'attestent et les personnes que j'ai
rencontrées exercent d'ailleurs leurs talents bénévoles
dans la sphère religieuse.
Les freins à l'engagement concerneraient surtout la
peur de manquer de temps, la crainte d'être exploité plus que de
mesure et de perdre cette liberté revendiquée après toute
une existence de contraintes horaires professionnelles. C'est à cela
précisément que sont farouchement attachés les
retraités. Le manque de temps en effet est invoqué pour expliquer
en quoi leur motivation serait susceptible de révision, justification
présente dans les discours des retraités qui veulent
réserver un espace temporel à leurs petits-enfants. Et puis il y
a les limitations physiques, la santé précaire qui pourrait
affecter le rythme de l'engagement et freiner les ardeurs
bénévoles, comme le reconnaît Claude :
« À partir du moment où on se sent en bonne
santé et où il n'y a pas de problèmes physiques, il n'y
pas d'appréhension alors que quand tu commences à avoir quelques
problèmes de ci, de là, tu commences à te dire que
ça va peut-être effectivement être plus difficile, alors bon
on est obligé de ralentir le rythme et d'en tenir
compte... ».
Pour Pierre, pour Claude et Jean, le bénévolat
à la retraite s'inscrit dans une logique du don ancrée dans leur
éducation religieuse. Les termes de
« devoir »,
« réciprocité » sont centraux dans
leur discours.
b) Passage à la retraite : craintes ?
La retraite de par la rupture qu'elle impose, serait-elle un
événement incitatif à l'engagement bénévole
?
Dans les différents entretiens et les conversations, le
passage de la vie active à la retraite n'est pas présenté
comme une épreuve difficile pour ces personnalités dynamiques. Si
certains l'ont anticipé, préparé, Jean l'a même
espéré : « [...] j'étais bien content. Et
j'ai regretté qu'une seule chose, c'est de ne pas avoir pu le faire
avant ! », exprime-t-il au sujet de sa mise à la
retraite. Pour Claude, ni cassure, ni rupture, mais continuité entre ses
activités professionnelles et bénévoles. Retraite un peu
à la carte, il a changé de profession au cours de sa
carrière et les dernières années précédant
sa retraite ont préparé celle-ci. Passage en douceur qui n'a rien
modifié à son emploi du temps, conforme au modèle de la
transition-reproduction décrit par Thierry (2007). L'existence de Pierre
quand à elle, a toujours été rythmée par des
activités bénévoles ou militantes à travers
l'engagement syndical et dit-il « il a toujours relativisé
le sens de son travail ».
c) Bénévolat = travail ?
Pour distinguer travail et bénévolat, l'absence
de contrainte horaire et la marge de liberté inexistante dans le monde
professionnel semblent être les critères déterminants. Les
bénévoles n'évoquent aucunement la qualification ou des
compétences spécifiques comme éléments de choix
pour opposer travail et bénévolat. Être
bénévole c'est travailler, sans rémunération. Jean
aime d'ailleurs à souligner comment son engagement suscite
interrogation, voire même suspicion : « [...] la plupart
des personnes ne comprennent pas que cela puisse être fait gratuitement.
Ils s'imaginent qu'on est payés ! ». Il est un
« outsider » au monde du travail, un dissident qui attise
les regards soupçonneux (Ferrand-Bechmann, 2000; Simonet-Cusset, 2004).
Pour lui, aucune différence entre sa profession de préparateur en
pharmacie et son activité bénévole au sein de
l'association où il a également affaire avec les
médicaments, si ce n'est le temps moindre qu'il y consacre : trois fois
par semaine. Il en parle comme d'un travail, et pour unique salaire, la
reconnaissance, « des grâces ! », dit-il en
riant.
d) Retraite = vieillesse ?
Ils ne se sentent pas âgés, les retraités
bénévoles que j'ai rencontré et pour eux, la vieillesse
est un processus dont la dynamique est dépendante des activités
exercées, lesquelles sont largement sensibles aux capacités
physiques et intellectuelles. Les limitations du corps, la dégradation
de l'état de santé, les difficultés de mobilités
sont signalées en premier comme étant les marqueurs qui font
basculer dans le vieillissement et viennent freiner de fait l'engagement
bénévole. Tant qu'on peut rester actifs, vieillir se rapproche
davantage d'une accumulation des ans plutôt que d'un changement
d'état (Caradec, 2008), dans une perception du vieillissement
étroitement dépendante du regard d'autrui (Puijalon et Trincaz,
2000), comme le souligne Pierre « personnellement,
vis-à-vis de ceux qui nous entourent, on sent qu'on prend de
l'âge ». Étant donné que la personne
âgée, c'est celle qui ne fait rien et qui réduit ses
contacts sociaux, leur activité bénévole semble les
exclure de cette catégorie. Les stéréotypes de repli, de
retrait, d'apathie sont très accrochés à la vision
négative de la vieillesse et les bénévoles luttent contre
ces images en revendiquant une jeunesse d'esprit. La personne
âgée, c'est l'autre. Fanny porte un regard plein d'optimisme sur
cette question du vieillissement : « Je ne suis pas dans une
étape où je me dis, bon ça y est je vais tomber par terre.
Je sais que je vais tomber par terre, ça c'est prévu, pour tout
le monde. Il n'y a pas d'âge. J'ai perdu un enfant qui n'avait que 25
jours et lui n'attendait qu'une chose, c'était de vivre. J'ai pas peur
de la mort. J'ai peur de souffrir. Je ne suis pas dans un état de dire,
je ne sers plus à rien. Non, je ne suis pas dans cet
état-là. Or, je sais qu'il y en a pas mal qui sont comme
ça. »
L'exemple de l'association JA, est suffisamment
éclairant de cette volonté qu'ont les retraités à
refuser l'étiquette de «personne âgée». Dans le
camp VTT qu'ils organisent, chacun des acteurs bénévoles, du plus
jeune au plus ancien a été
« rebaptisé » d'un nom assorti d'une couleur
spécifique de tee-shirt, sorte de titre teinté d'une touche
humoristique pour marquer le rôle et la fonction occupée dans le
camp. Ainsi, les tee-shirts rouges correspondent aux
« TTV » acronyme de « Très très
vieux », titre décerné au groupe majoritairement
constitué de bénévoles retraités. Le
mécontentement de ces derniers est palpable, à demi avoué.
Ils rechignent toutefois à l'exprimer
« officiellement », bien qu'en coulisses, ils
déplorent cette appelation jugée stigmatisante.
3.5.2 - Savoirs mobilisés à travers
l'engagement bénévole.
L'engagement bénévole implique la mobilisation
de savoirs, de capacités pour mener à bien un projet, une
entreprise, réaliser des objectifs. On apprend mais on réinvestit
et on transmet également des compétences acquises ailleurs. Les
acteurs engagés sur le terrain qu'il soit associatif ou informel n'ont
pas toujours conscience que ces apprentissages ont lieu. Il n'y a pas
d'intention d'apprendre. Et lorsqu'ils apprennent ou expriment le désir
d'acquérir des connaissances, c'est à des fins utilitaires, pour
mener à bien l'action dans laquelle ils se sont engagés.
De toute évidence, les retraités
possèdent de l'expérience, des compétences qu'ils vont
exploiter à travers leur pratique bénévole. Que cette
réalité soit explicitement formulée, en tant que
volonté annoncée de transmettre quelque chose ou qu'elle
fonctionne comme moteur à l'engagement, comme c'est le cas pour Fanny :
« Lorsque j'ai pris ma retraite, je suis venue ici dans le
département et je ne me voyais pas tellement rester là (j'ai
encore la tête, j'ai des bras, des mains) j'ai des choses à donner
ou peut-être à communiquer ou à transmettre, (je ne sais
pas) sur plusieurs points de vue. C'est pas à donner des choses et
obliger les gens, mais à parler, discuter et à dire d'autres
choses que ce qu'on connait dans nos coins; c'est pour cela que j'ai voulu
m'occuper des jeunes ». Pour Dan Ferrand-Bechmann
(2008)92(*),
« les capacités et les savoirs acquis dans des engagements
sont d'ordre diffus et confus » (p. 58). Confrontés à
des problématiques diverses, les bénévoles que j'ai
rencontré ont développé, consolidé et/ou transmis
des compétences dans trois domaines divers étroitement
liés et qui interagissent (Ferrand-Bechmann, 2008) : des savoir-faire,
des savoir-agir, des savoir-être et parmi ces derniers, des savoir-passer
(Lesourd, 2008).
a) Des savoir-faire...
Ils sont de l'ordre des savoir-faire techniques, des
« trucs », des idées innovantes soudain
nécessaires pour résoudre un problème ou conduire une
action précise, savoirs appris nulle part qui résultent ici
même de l'interaction entre une situation précise et une solution
à trouver. Par exemple, Claude, retraité bénévole
dans l'association JA et responsable du tracé du parcours en VTT et de
son bon fonctionnement met au point un système de gommettes multicolores
qu'il colle sur les cartes routières distribuées aux
différentes équipes en charge de la sécurité des
pédalants. Les équipes sont nombreuses - toutes composées
de bénévoles - qu'il faut « manager »
impérativement et les aiguiller vers des sentiers sur lesquels ils sont
susceptibles d'intervenir. Claude n'était pas spécialisé
dans ce domaine auparavant. Certes, il avait l'habitude de diriger une
équipe lorsqu'il était entrepreneur, et il puise dans ses
ressources acquises au cours de sa carrière professionnelle pour
conduire sa tâche. Mais il doit accepter aujourd'hui de confronter son
savoir à un alter ego, puisque son poste de responsable ne lui
octroie plus les mêmes droits officiels qu'il était
légitimé à revendiquer dans sa carrière
professionnelle. En tant que bénévoles, les voilà tous sur
un « même pied d'égalité ».
Certains transfèrent des compétences
professionnelles qu'ils réinvestissent dans la pratique
bénévole, à l'image de Jean, jeune retraité qui a
officié pendant une quarantaine d'années comme préparateur
en pharmacie et qui aujourd'hui collecte des médicaments pour les
envoyer dans les pays du Tiers-Monde, l'Afrique essentiellement. Il supervise
le tri des médicaments, enseigne à ses collaborateurs
bénévoles. Les liens tissés au sein de l'association l'ont
même récemment incité à participer en tant que
brancardier à l'accompagnement des malades au pèlerinage de
Lourdes où il était responsable de la distribution des
médicaments tous les matins. Ou encore Georges, sémillant
septuagénaire, demain octogénaire, devenu visiteur de prison
lorsqu'il prend sa retraite de juriste, venant exercer là une
activité complémentaire voire compensatoire à son ancienne
profession, en passant de l'autre côté des barreaux :
« Le plus mauvais souvenir de mes études juridiques, c'est
le droit pénal. Le droit pénal, ça c'est pas
intéressant ! ». En revanche, son expérience du
bénévolat lui a apporté beaucoup. Sa connaissance du
milieu carcéral a fait de lui une personne toute désignée
pour visiter des détenus dont il est même devenu proche, quand sa
profession d'hier l'empêchait de cultiver cette proximité
relationnelle. Compétences différemment exploitées
aujourd'hui, mais qui n'en constituent pas moins des bases favorisant un
authentique dialogue avec des prisonniers reconnaissants.
b) Des savoir-agir...
Le savoir-agir est « une capacité à
exercer un changement sur la structure sociale dans laquelle on évolue
et à diriger ce changement » (Dan Ferrand-Bechmann, 2008 :
55). La prise de décision dans les moments opportuns, les
responsabilités engagées à travers l'action sont
sollicitées et requises dans la pratique bénévole à
chaque étape de l'action. Au départ, il n'y a pas
forcément de résultat. C'est un peu une plongée dans
l'inconnu comme le formule Pierre : « Moi j'étais bon face
à un industriel pour lui vendre mon gaz ou mon
électricité, mais j'étais très mauvais concernant
le Conseil Général ». Puis, il y a les
apprentissages, l'observation des autres, ceux qui ont l'expérience :
« Il y a le savoir et la découverte de talents
insoupçonnés de l'expérience de négociatrices de
ces femmes qui me dépassait énormément face à ce
type d'interlocuteurs », dit-il encore.
c) Des savoir-être...
D'après Martine Dorange (2003)93(*), ce que peuvent transmettre
les aînés, bien plus que les savoir-faire qui sont dans une
société du progrès rapidement obsolètes et
dévalorisés, ce sont des savoir-être, fruits de
l'expérience de toute une vie. Selon l'enquête
réalisée par l'auteur, les jeunes exprimeraient leurs souhaits
dans ce sens : compréhension, tolérance, écoute, conseils,
des attentes essentiellement axées autour du comportement. Et cela vient
confirmer les propos de Fanny « je crois que les jeunes ont
besoin de plus d'écoute », dit-elle. La majeure partie de
son discours repose sur ce point fondamental. L'écoute, l'apprentissage
du respect, celle de la patience pour accepter l'autre, voilà ce qu'elle
a glané au cours de son existence et ce dont elle entend faire profiter
autrui, c'est-à-dire le groupe de jeunes qu'elle accompagne :
« L'expérience, des trucs de la vie, des trucs où
tu te casses le nez. Moi c'est l'Afrique qui m'a beaucoup ouvert l'esprit.
D'autres civilisations en face de moi, des façons d'être heureux
différemment de moi, de vivre différemment de moi. [...] ils
m'ont donné une ouverture d'esprit terrible. Là, ils m'ont fait
un bien immense, immense ! Et puis, l'expérience de la vie... Des trucs
qui me sont tombés sur la figure, plein de choses, qui font qu'à
un moment donné, tu vois autrement. ».
Entre les bénévoles eux-mêmes, les
savoir-être sont requis pour articuler des logiques d'actions distinctes
voire contradictoires et qu'il convient d'agencer de manière optimale.
L'apprentissage de la négociation, la discussion, la confrontation des
points de vue, toutes capacités convoquées lors du travail
collaboratif entre bénévoles, mais également entre
bénévoles et bénéficiaires. « Le rapport
au savoir est souvent affectif et relationnel dans les associations »
(Ferrand-Bechmann, 2008 : 59). L'émotion intervient dans l'acte
d'apprendre; le bénévole s'implique dans ses activités et
les obstacles rencontrés tout comme les réussites ont une
résonance particulière pour le sujet qui va devoir articuler
désir et frustration en fonction du succès ou non de ses projets.
Présence attentive, écoute sensible, encouragements, autant
d'attitudes qui viendront renforcer et maintenir une motivation parfois
défaillante. « On forme une équipe
! », m'a dit un bénévole au sein de l'association
JA. « Heureusement qu'il y a avait R... pour m'aider, sinon, je
ne sais pas comment j'aurais pu me débrouiller » a dit un
autre de la même association en évoquant une situation complexe
à gérer.
Fanny véritable « passeur »,
construit un pont entre les générations, entre les
retraités qu'elles côtoient au MCR et les jeunes qu'elle
accompagne à l'aumônerie. Ici, non seulement elle puise dans les
« savoir-passer » (Lesourd, 2008)94(*) qu'elle a acquis au cours de
sa vie, lorsqu'elle a dû s'adapter aux « accidents
existentiels », mais elle tente surtout de les transmettre aux autres
en utilisant du bricolage créatif à sa façon :
« C'est comme des graines que tu vas lancer. L'action n'est pas
de suite. Ces graines vont mourir. Et plus tard, ces graines, elles reviennent,
elles sont là. », dit-t-elle pour expliquer sa
façon de gérer les conflits rencontrés dans la vie.
d) Des savoirs qui manquent ?
Au fil du temps, quelques bénévoles bien que
portés par une longue expérience existentielle et
professionnelle, admettent que certaines connaissances leur font défaut.
C'est le cas de Pierre qui a dû se plonger dans différentes
lectures et parfaire sa culture juridique « J'ai dû d'abord
m'acheter les livres de comptabilité (rires) et puis les livres de
droit pour connaître les responsabilités des uns et des autres en
tant que conseil d'administration, c'est sûr ! », ou Jean
qui avoue parcourir plus régulièrement le Vidal pour
vérifier le nom de certains médicaments ce qui a permis, alors
qu'il a effectué toute sa carrière en pharmacie d'acquérir
de nouvelles connaissances, « ...ce qui m'embête le plus,
ce sont les génériques, parce que c'est le nom de la
molécule... [...] j'ai fait beaucoup de progrès pour
ça, parce que maintenant j'en connais énormément de noms
!». Ou Claude enfin, qui déplore l'insuffisance de son savoir
en informatique dans« l'utilisation de l'ordinateur pour me
servir du logiciel du profil en long ou des trucs comme ça, je sais que
ça existe, je sais comment ça fonctionne, mais je ne sais pas
l'utiliser... ». Tôt ou tard, il l'affirme, il faudra
qu'il s'y mette. Parfois, ce sont les autres qui incitent à l'effort
telle que Fanny qui est devenue une « manie net »,
surfant allègrement sur la toile, parcourant les sites
dédiés aux adolescents pour affiner ses conceptions du monde de
la jeunesse, se documenter sur les préoccupations des filles et
garçons d'aujourd'hui, s'approcher au plus prés de leur vision
actuelle afin de mieux les comprendre, pour mieux les aider.
3.5.3 - De l'importance de la présence de
l'Autre.
« Le sujet se construit dans des interactions avec
l'autre, car il n'y a pas d'auto, de je sans
inter », (Barbot, 2008)95(*). L'autre est source d'enrichissement, bien que les
contacts soient insuffisants à créer la véritable
rencontre (Abdallah-Pretceille, 1999)96(*). De tous ces savoirs mobilisés, ceux qui
apparaissent dans les discours des bénévoles comme étant
les plus importants sont les savoir-être. Les capacités
d'écoute sont mentionnées dans chaque entretien comme
étant primordiales pour établir la relation à l'autre. Et
elles se construisent par l'expérience, la confrontation aux personnes
dans de multiples contextes à travers la diversité des
rencontres. Il semble presque évident aux bénévoles que
leurs activités altruistes convoquent la figure de
l'altérité comme le coeur de leurs actions et l'origine de leurs
motivations. « Si il n'y avait pas l'autre, il n'y aurait pas de
bénévolat. L'autre explique notre
bénévolat », affirme Annie avec conviction.
La compétence interculturelle ne peut s'exercer qu'au
sein des communications interpersonnelles dans des expériences
partagées avec d'autres individus. Ici, il faut évoquer
l'interactionnisme comme théorie car ainsi que le rappelle Barbot
(2006)97(*) "l'autre me
révèle à moi-même et me modifie et l'autre se
modifie en regard" (p.173). Être compétent sur un plan
interculturel implique d'être capable de se décentrer pour entrer
en contact avec un autre, opération qui exige des qualités
d'empathie. Les savoirs élaborées dans ce domaine sont
peut-être alors les savoirs qui comptent le plus. Échange,
dialogue, rencontres, convivialité, contacts, être membre d'une
équipe sont des termes récurrents qui témoignent de
l'accent particulier que mettent les retraités dans leurs fonctions
bénévoles. Ce moment de la vie est privilégié
à cet égard; il semblerait en effet, que les différents
témoignages confirment cette tendance de la prégnance de l'autre
et des espaces nouveaux de sociabilité qu'offrent le terrain associatif,
dans cette période de rupture que représente la retraite.
L'autre également est à l'origine des
gratifications symboliques. Ainsi que le formule Gagnon & co.
(2004)98(*), le
bénévolat serait une expression de l'individualisme. Le monde
moderne impose de se recomposer sans cesse une identité et pousse
l'individu à rechercher la confirmation des ses choix et de ses valeurs
à travers la reconnaissance. La pratique bénévole pourrait
remplir ce rôle de recomposition de l'identité; motivations
altruistes et plus personnelles (acquisition de compétences,
relations...) participeraient de « cette recherche de construction de
soi dans et par la relation à l'autre »99(*). Jean l'explique bien
lorsqu'il dit recevoir « des grâces » en
faisant référence à la présence de l'autre, cet
autre sans qui, exercer des activités parfois très fatigantes
n'aurait pas d'intérêt. Jean s'investit dans des actions
bénévoles « par amour du prochain »
dit-il, et pour lui « c'est vraiment du bénévolat,
du bénévolat à 120% ».
Pour Abdallah-Pretceille (1999)100(*),
l'hétérogénéité au sein des groupes est la
norme et la diversité culturelle se vit au quotidien dans toutes les
structures et organismes, lieux de rencontres multiples et d'échanges
sociaux. Il devient nécessaire d'en tenir compte, de la prendre en
considération afin de permettre dialogue et vraie rencontre pour une
reconnaissance mutuelle de l'altérité envisagée comme une
richesse et une possibilité de croissance de l'être humain. La
prise en compte du fait interculturel est ici centrale puisqu'il ne s'adresse
pas uniquement aux contacts entre nationalités différentes, mais
il est le fait de tous les groupes sociaux : cultures
générationnelles, sociales, professionnelles, religieuses. Toute
personne est concernée, chaque individu se situant au carrefour de
cultures multiples qui s'enchevêtrent incessamment. Notion dynamique, la
culture s'exprime à travers les individus, et il serait plus juste de
parler de cultures au pluriel, tant il est vrai que les individus appartiennent
simultanément à plusieurs groupes. Et le groupe favorise et
facilite cette élaboration commune de savoirs construits dans
l'action.
Conclusion.
Les retraités en s'engageant dans une pratique sociale
telle que le bénévolat, contribuent au bien-être collectif.
Ils mettent à disposition d'autrui des savoirs - savoir-faire,
savoir-être, savoir-agir - des compétences, des
expériences, en acquièrent également pour les besoins de
l'action. La vie ne s'arrête pas avec la retraite, et l'éducation
se poursuit jusqu'à la mort.
Si les retraités s'engagent dans une activité
bénévole, c'est avant tout pour se rendre utile aux autres,
« rendre ce que l'on a reçu », étant le
leitmotiv qui revient dans chaque entretien. Ce souhait de se rendre utile
correspond à celui avoué ou non de continuer à jouer un
rôle dans une société qui exclut rapidement ceux qui
sortent du circuit du travail. Il ne s'agit pas uniquement de
« remplissage », de combler un vide consécutif
à l'arrêt d'un métier prenant ou de s'imposer un cadre
temporel. Il y a de l'ordre de quelque chose d'autre, tel que donner du sens
à sa vie, dans une période définie par une rupture, la
retraite. Toutes les personnes que j'ai rencontrées évoquent
leurs compétences, expériences professionnelles mais
peut-être plus encore cette expérience de la vie qu'ils entendent
mettre à profit intelligemment et surtout qu'ils souhaitent transmettre.
Car quelle que soit l'activité bénévole qu'ils ont
choisie, s'esquisse en toile de fond cet impérieux besoin de donner,
d'échanger, de « faire part ».
Ils sont retraités dit-on; mais pas retraités de
la vie. Au contraire, leur engagement dans toutes les formes qu'il peut prendre
est profond, et si plaisir et convivialité sont mentionnés, il
n'y a pas là que la recherche d'un loisir un peu original qui viendrait
compenser un besoin narcissique insatisfait ou éventuellement mis
à mal par le fait d'être écarté du monde du travail,
mais bien une volonté réelle et sincèrement
exprimée de « servir encore à quelque
chose », et peut-être surtout d'expérimenter une
nouvelle façon d'exister, de procurer un sens à cette
troisième partie de la vie par la recherche d'une
« reconnaissance dans une société qui demeure
foncièrement productiviste » (Puijalon et Trincaz, 2000 :
235). Car ces bénévoles sont ancrés dans le concret,
acteurs de terrain proches et attentifs aux autres, directement aux prises avec
les réalités sociales dont ils deviennent, de par les multiples
savoirs mobilisés, des « experts ».
Gardons-nous toutefois de tout angélisme autour du
bénévolat des retraités, lequel ne serait qu'altruisme et
solidarité et ne négligeons pas le poids des normes sociales,
l'intervention des représentations autour du « bien
vieillir », ainsi que la crainte toujours vivace d'être exclu
de la société. Ces éléments sont actifs dans
l'engagement bénévole, qu'ils soient explicitement cités
ou en filigrane dans les motivations. Et finalement, la diversité des
processus à l'oeuvre dans le social, celle des trajectoires
individuelles n'autorisent pas la formulation d'une conclusion explicative sur
les raisons de s'engager.
Grâce à l'approche compréhensive qui est
ici privilégiée, j'ai cherché à saisir à
travers les discours des retraités quels savoirs étaient
mobilisés. Ils sont, on l'a vu, multiples et variés, mais tous
ont en commun de participer à construire du lien social à une
période de la vie souvent assimilée avec retrait social.
Apports de cette note de
recherche.
Interroger la construction/production des savoirs chez les
retraités dans leur engagement bénévole, c'est explorer le
paradigme de l'éducation tout au long de la vie autrement qu'à
travers l'éducation permanente des adultes. Les personnes
retraitées que j'ai rencontrées considèrent que leur vie
sociale n'est pas mise entre parenthèses avec l'arrivée de la
retraite. Il ne s'agit nullement d'une mise en retrait puisque aujourd'hui
retraite et entrée dans la vieillesse ne correspondent plus. Leur bonne
santé, leur dynamisme intact les poussent à faire quelque chose
de ce temps de vie dégagé des responsabilités
professionnelles et familiales (souvent les enfants ont quitté le
domicile). Ils ont plus que jamais envie d'être acteur de la
société, d'y exercer un rôle parce qu'ils
considèrent que leur expérience de vie peut être un apport
intéressant pour autrui. Et un des espaces privilégiés
pour que puisent s'exprimer ces connaissances qu'ils revendiquent est le monde
du bénévolat, le cadre associatif, la participation citoyenne. En
même temps, il y a cette volonté avouée ou non de contrer
les stéréotypes de la personne âgée, du
retraité qui sont toujours actifs dans l'imaginaire et auxquels ils ne
veulent plus correspondre. Enfin, dans une société dite
individualiste, force est de constater que l'impératif de
l'épanouissement personnel, de la réalisation de soi, de cette
nécessité d'être autonome atteint également ce
moment de la vie, encourageant à saisir l'espace et le monde
bénévole pour satisfaire ces exigences existentielles.
Le monde du bénévolat, le monde associatif
réservent des espaces qui sont l'occasion formelle (réunions de
travail, réunions de préparation autour d'un projet) et
informelle (conversations) de transmettre et d'acquérir des savoirs.
Pistes de recherche pour le M2.
Cette note de recherche n'est qu'une première
étape d'un travail plus complet sur les savoirs que mobilisent les
retraités bénévoles et à partir de laquelle, il est
possible de dégager une piste de recherche supplémentaire qui
pourrait être idéalement explorée dans le cadre du
mémoire de Master 2. Il est ainsi clairement apparu que les
savoir-être constitués par les compétences sociales et
interculturelles, les capacités relationnelles, occupent une place
primordiale dans la pratique bénévole puisqu'ils interviennent
au niveau de l'incitation à s'engager et ce sont ceux-là de plus
qui sont prioritairement mobilisés et privilégiés lors des
différentes activités.
En lien avec l'hypothèse principale qui suppose que le
bénévolat à l'heure de la retraite mobilise une
diversité de connaissances, compétences, expériences, et
cela, essentiellement à travers les interactions qui ont lieu au cours
de l'action et pour les besoins de celle-ci, je m'intéresserai à
la place de l'autre, au rôle qu'il est amené à jouer dans
la construction de ces savoirs diffus. Autrui se situe d'emblée, on l'a
vu, au coeur de l'engagement, puisqu'il en est le moteur, une des motivations
premières, une incitation à l'action et le garant de la
pérennité du bénévolat. Mais il intervient
également dans la mobilisation de ces savoirs, ceux-ci étant
co-construits au sein d'un collectif qui apporte à la fois
sécurité et soutien et la condition pour la réalisation
des diverses actions entreprises par les bénévoles. C'est
l'accent sur les aspects de ce travail collaboratif des bénévoles
que je souhaite marquer en questionnant le rôle joué par l'autre,
la place de la communauté dans les apprentissages liés au travail
bénévole.
Postuler une spécificité de la pratique
bénévole des retraités en termes de mobilisation de
savoirs axés sur les savoir-être, les compétences sociales
et interculturelles, est la voie que je me propose donc d'explorer dans le
mémoire prochain du Master 2. Même si les retraités que
j'ai rencontrés ont toujours à coeur de connaître, de
découvrir de nouveaux savoir-faire, d'autres tours de mains, ce qu'ils
paraissent rechercher avant tout, c'est bien le contact humain et à
travers lui, la mise en acte d'une solidarité effective qui passe par un
besoin de transmettre à l'autre de l'expérience de vie.
Peut-être que la retraite au niveau des représentations s'esquisse
comme la « dernière ligne droite » de l'existence,
l'ultime chemin où il est possible de faire quelque chose d'utile, de
servir à quelque chose et surtout à quelqu'un, à quelques
uns.
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ANNEXES
Annexe n°1 : Grille d'entretien.
OBJECTIFS
|
QUESTIONS
|
EXEMPLES
|
Retraite et vieillissement
|
Passage à la retraite (depuis combien de temps...)
|
Choix, départ forcé ?
Vécu, préparation, appréhension
|
|
Images de la vieillesse et auto-perception
|
Vieillesse vue comme un processus, état,
altération des capacités...
|
Motivations du bénévolat
|
Lesquelles ?
Depuis combien de temps ?
|
Bénévolat avant la retraite, à partir de
la retraite...
|
|
Pourquoi le faisiez-vous/le faites-vous, type
d'activités
|
Freins ?
Pour aider d'autres personnes, pour le plaisir, pour rencontrer
des gens ? Pour être utile, donner du sens
|
|
L'engagement, une occasion de créer des liens,
d'apprendre, de développer des habiletés ?
|
Apprendre à fonctionner en groupe, apprendre quelque
chose,assumer de nouvelles responsabilités
|
|
Temps consacré au bénévolat ?
|
Rôle du conjoint, de la famille, place pour autres
activités
|
Apprentissages et bénévolat
|
Types d'apprentissages réalisés?
Investissement dans une activité
rémunérée ou défrayée
|
Savoir-faire pratiques (Internet, TIC...), savoir-être
négociation, compétences sociales, dialogues), savoir-agir (prise
de décisions, responsabilités nouvelles...)
|
|
Liens avec compétences antérieures et/ou
professionnelles
|
Savoirs transférés
Dispositions acquises antérieures recyclées
|
|
Savoirs qui manquent ?
|
Internet, TIC...
|
Interactions avec autrui
|
Rôle de l'autre dans les apprentissages ?
|
Donne envie d'apprendre, aide, conseil, soutien...
|
|
Présence d'autrui : motivation ?
|
|
Résumé.
Cette note de recherche s'intéresse aux savoirs
mobilisés dans l'engagement bénévole chez les
retraités. Le moment de la retraite souvent vécu comme une
rupture est en effet l'occasion de mettre au service des autres, les
expériences et les compétences accumulées au cours de
l'existence tout en faisant l'acquisition de nouveaux savoirs. L'accent ici,
est mis sur la place d'autrui tant dans les motivations à s'engager que
dans la mobilisation des savoirs.
En amorçant une réflexion autour du
bénévolat des retraités, il s'agit surtout de comprendre
comment le bénévolat « à la
tombée du jour »101(*) en favorisant la production/construction de
savoirs à travers l'interaction dans un contexte informel, s'inscrit de
fait dans une éducation conçue tout au long de la vie et permet
aux aînés de continuer à jouer un rôle actif dans la
société.
Mots-clés : bénévolat -
retraite - savoirs - vieillesse - éducation tout au long de la vie -
âgisme - autrui
TABLE DES MATIÈRESSommaire. 4
Avant-propos. 5
Introduction. 7
1. PROBLÉMATIQUE. 9
1.1. Réflexion sur le sujet et question de
recherche. 9
1.2. Choix de l'objet de recherche.
11
2. ASPECTS THÉORIQUES. 12
2.1. Précisions terminologiques.
12
2.2. La vieillesse : construction historique et
culturelle. 13
2.1. La vieillesse à travers le temps... 13
...et à travers le monde. 14
2.2.2. De la vieillesse à l'âgisme. 14
2.2.3. Vieillissement : quelques chiffres. 16
2.3. La retraite. 16
2.3.1. Quelques chiffres. 16
2.3.2. Passage à la retraite. 17
2.3.3. L'éducation tout au long de la vie à l'heure
de la retraite. 19
2.4. Le Métier de Bénévole
à l'heure de la retraite. 21
2.4.1. Le bénévolat. 21
2.4.2- Production et construction des savoirs à travers la
pratique bénévole. 23
2.4.3 La nécessité de l'Autre dans la motivation et
les apprentissages. 25
2.4.4 - Un exemple. 27
2.4.5- L'engagement bénévole à l'heure de la
retraite. 28
2.4.5 - Engagement bénévole et mobilisation des
savoirs chez les retraités. 29
3- MÉTHODOLOGIE, TERRAIN ET ANALYSE.
30
3.1 - Approche qualitative et compréhensive.
30
3.2 - Le terrain de recherche. 32
3.2.1- Présentation de l'association JA. 32
3.2.2 - L'observation participante : Association JA. 33
3.2.3 - Entretiens semi-dirigés et conversations
informelles. 33
a) Les conversations informelles : 34
b) Le choix des interlocuteurs. 35
3.3 - Précisions sur la démarche de
recherche et sur les aspects méthodologiques : pour une analyse de mon
implication dans les entretiens et l'observation participante.
35
3.4 - Présentation des sujets
interviewés. 37
Claude. 37
Pierre. 37
Annie. 37
Georges 37
Jean 38
Fanny (E5). 38
3.4.1- Arrêt sur image : la participation
bénévole de Fanny au CCFD (Comité Catholique contre la
faim et pour le Développement) et le camp VTT organisé par
l'association JA. 38
a) Portrait d'une bénévole au CCFD : Fanny. 38
b) Association JA et camp VTT. 40
3.5. Éléments d'analyse.
42
3.5.1. Le bénévolat à l'heure de la
retraite. 42
a) Motivations à s'engager ? 42
b) Passage à la retraite : craintes ? 44
c) Bénévolat = travail ? 44
d) Retraite = vieillesse ? 45
3.5.2 - Savoirs mobilisés à travers l'engagement
bénévole. 46
a) Des savoir-faire... 46
b) Des savoir-agir... 47
c) Des savoir-être... 48
d) Des savoirs qui manquent ? 49
3.5.3 - De l'importance de la présence de l'Autre. 50
Conclusion. 51
Apports de cette note de recherche. 52
Pistes de recherche pour le M2. 53
Bibliographie. 55
Annexe n°1 : Grille d'entretien.
59
Résumé. 60
* 1 Ferrand-Bechmann, D.
(2008) « Se former en s'engageant dans la vie
associative », in Colin, L. et Le Grand, J-L. (2008) [dir.]
L'éducation tout au long de la vie, Economica Anthropos.
* 2 Cité par
Brougère G., Bézille, H. 2007, "De l'usage de la notion
d'informel dans le champ de l'éducation", Note de synthèse,
Revue Française de pédagogie, n°158, Janvier-
février -mars 2007, pp. 117-160.
* 3 Op. Cit. ,
Brougère G., Bézille, H. 2007, p. 154.
* 4 Dacheux, J-P. (2008)
« Vieillissement et formation », in le Journal des
Chercheurs, Intervention au cours du Séminaire DUFA, de
l'Université Paris VIII ayant pour thème : « Le
formateur d'adulte face à la formation continue des personnes
âgées ».
* 5 Ibid., p. 41
* 6 Prouteau, L. et Wolff, F-C,
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seniors, Retraite et Société.
* 7 Caradec, V. (2008)
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* 8 Ferrand-Bechmann, D.
(2007) Vie associative et engagement. Éducation tout au long de la vie.
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* 9 Philibert, M. (1984)
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Site :
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* 10 Rosenmayr, L.
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* 11 Arcand, B. (1982)
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Site :
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* 12 Cité par Kern,
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Urbain non publié, Université d'Evry. :
http://perso.numericable.fr/sitedurtf7/publications.htm
* 13 Coudin G. Beaufils B.
et Henrard J-C. «Au-delà des stéréotypes »,
Le Journal des Psychologues, avril 98, No 156 pp. 26-29, p. 17, cité par
KERN.
* 14 Goffman, E. (1963/1975)
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* 15 Weber, S.(2003)
Avec le temps... De la vieillesse dans les sociétés
occidentales et de quelques moyens de la réhabiliter, Les Editions
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* 16 Puijalon, B. &
Trincaz, J. (2000) Le droit de vieillir. Éditions Fayard.
* 17 Caradec, V. (2000)
La diversité des usages des technologies. Étude auprès
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DREES-MiRe, la CNAV et le GRETS/EDF, janvier 2000.
* 18 Cité par
Guérin, S.(2002) L'invention des seniors, hachette
Littérature, 2007;
* 19 Godet, M. et Mousli,
M. (2006) « Vieillissement, activités et territoires à
l'horizon 2030 », Rapport du conseil d'analyse économique
n°63 (CAE). Paris, La Documentation française, 2006
* 20 Alaphilippe, D. Gana,
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Connexions, 76/2001-2
* 21 Guérin, S. (2007)
L'invention des seniors, Hachette Littératures.
* 22 Ibid.,
Guérin (2007)
* 23 Davoine, L., et
Méda, D., Place et sens du travail en Europe : une singularité
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Centre d'études de l'emploi. Site :
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* 24 Grosjean, M-F. (2003)
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sociologie et sciences sociales sous la direction de Claude Giraud,
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* 25 Op. Cit.,
Puijalon et Trincaz, 2000.
* 26 Caradec, V. (2008)
Sociologie de la vieillesse et du vieillissement, Armand Colin, 2
ème édition.
* 27 Vankemmel, A. (2006)
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: le cas des retraités du milieu associatif », Dire le
monde social : les sociologues face aux discours politiques, économiques
et médiatiques, Bordeaux, du 5 au 8 septembre 2006.
* 28 Colin, L. et
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Lapassade, in Colin, L. et Le Grand, J-L. (2008) [dir.] L'éducation
tout au long de la vie, Economica Anthropos.
* 29 Mezirow, J. ((2001)
Penser son expérience, développer l'autoformation. Lyon
: Ed. De La Chronique Sociale.
* 30 Ibid., p. 184
* 31 Colin, L. (2008)
« Passer les frontières : une éducation tout au long de
la vie ? » in COLIN, L. et Le GRAND, J-L. (2008) [dir.]
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* 32 Deriaz, M. (2005)
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* 33 Weigand, G. (2008) La
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* 34 Le Grand, J-L. (2008)
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* 60 Ferrand, C. [dir.] (2008),
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* 61 Op. Cit.,
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* 62 Op. Cit.,
Colin, 2007
* 63 Op. Cit., Colin,
2007
* 64 Cité par Boutinet,
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* 87 Dont il sera
réalisé un portrait si-dessous.
* 88 Voir le site :
www.ccfd.asso.fr
* 89 Réponse d'un
bénévole anonyme.
* 90 Op. Cit.,
Ferrand-Bechmann, 2000.
* 91 Op. Cit.,
Simonet-Cusset (2004)
* 92 Op. Cit.,
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* 99 Ibid., p. 51.
* 100 Op. Cit.,
Abdallah-Pretceille, 1999.
* 101 Ferrand-Bechmann, D.
(2008) « Se former en s'engageant dans la vie
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