SECTION I- LA RESPONSABILITÉ CIVILE DE
L'AUDITEUR EXTERNE :
La responsabilité civile des commissaires aux comptes
est régie par le droit commun. Les commissaires aux comptes sont
responsables tant à l'égard de la société
qu'à l'égard des tiers et de l'ordre des conséquences
dommageables des négligences et fautes par eux commises dans l'exercice
de leurs fonctions.46
Généralement experts -comptables, les
commissaires aux comptes agissent dans l'intérêt des actionnaires
à qui ils doivent fournir leurs rapports, assument toutes leurs
responsabilités dans la divulgation de ces opinions.
C'est en effet, l'article 6 de la loi n° 88-108 du 18
Août 1988 relative à la réglementation de la profession de
l'expert -comptable dispose que « les personnes inscrites au tableau de
l'ordre assument la responsabilité de leurs travaux ».
La responsabilité civile des auditeurs est une
responsabilité classique pour faute, sanctionnant la mauvaise
exécution d'une obligation de moyens lorsque celle-ci est causée
d'un préjudice. Elle est sanctionnée par des dommages-
intérêts.47
C'est dans ce courant que la responsabilité civile de
l'auditeur naissant d'une obligation de moyens explique notamment que sa
mission soit un travail de révision par sondages et non une validation
exhaustive. Sa responsabilité n'est engagée que sur la base de
cette obligation de moyens.48
Ajoutant que le commissaire aux comptes est tenu à une
obligation de moyen, c'est-à-dire qu'il est tenu d'effectuer sa mission
avec compétence et soin mais, il n'est pas tenu à une obligation
de résultat. Par exemple, on ne peut lui reprocher de ne pas avoir
détecté une fraude dans l'entreprise à partir du moment
où il a mis en oeuvre toutes les règles habituellement
acceptées par la profession pour ce type de
contrôle.49
D'ailleurs, Danièle BATUDE indique que
le commissaire aux comptes n'a pas l'obligation de détecter toutes les
irrégularités ou inexactitudes qui entacheraient
significativement les comptes dont il certifie la sincérité, mais
il a l'obligation de mettre en oeuvre toutes les diligences prévues par
les normes professionnelles.50
46 Habib DAHDOUH & Christiane LABESTIE DAHDOUH,
même ouvrage, p360.
47 Danièle BATUDE, op, cit, p 104.
48 Alberto SILLERO, « Audit et révision
légal » Ed Eska, 2000, p13.
49 Bernard GRAND & Bernard VERDALLE, op, cit,
p26.
50 Danièle BATUDE, op, cit, p105.
Donc, la responsabilité civile du commissaire aux
comptes est mise en cause lorsque ce dernier a effectué une faute
à l'égard des tiers (exemple : société,
actionnaires...) sous des conditions bien précises.
En se basant sur le code des obligations et des contrats,
toute faute commise par une personne est sanctionnée civilement si elle
a causé un dommage en liaison directe avec elle. Ce régime de la
responsabilité civile délictuelle introduit par les articles 82
et 83 du C.O.C exige ainsi la réunion de trois conditions essentielles
à savoir la faute, le dommage et le lien de causalité entre la
faute et le dommage.
Cela signifie que la responsabilité de l'auditeur ne peut
être valablement engagée que si sont démontrés
à la fois :
- Une faute dans la réalisation de sa mission ;
- Un préjudice subi par celui qui cherche à engager
la responsabilité de l'auditeur ;
- Un lien de causalité entre le préjudice subi et
la faute commise par l'auditeur.
Par ailleurs, la responsabilité civile du commissaire
aux comptes peut être engagée dans les conditions plus
spécifiques définies à l'article 272 du code des
sociétés commerciales qui dispose que les commissaires aux
comptes sont responsables tant à l'égard de la
société qu'à l'égard des tiers des
conséquences dommageables, des négligences et fautes par eux
commises dans l'exercice de leurs fonctions.
Une faute consiste soit à omettre ce qu'on était
tenu de faire, soit à faire dont on était tenu de s'abstenir. A
partir de cette précision générale établie par
l'article 83 du COC, c'est au juge d'apprécier, au cas par cas,
l'existence ou non d'une faute. 51
Donnant un exemple des fautes qui peuvent être commis par
le commissaire aux comptes, on peut citer particulièrement :
- L'absence effective de vérification des comptes.
- L'absence de rapport et notamment le rapport spécial.
- L'insuffisance des contrôles.
- L'absence de vérification de la sincérité
des informations données dans le rapport du conseil
d'administration....
Cependant, le commissaire ne sera responsable vis-à-vis
des actionnaires et vis-à-vis des tiers que dans la mesure où
sa faute aura causé un préjudice. Donc, si la faute n'a pas
directement
causé par le préjudice constaté ou si
celui-ci ne résulte pas de la faute, la responsabilité du
commissaire ne peut pas être engagée.52
Dans un autre contexte, les commissaires aux comptes sont de
même responsables de leurs salariés et
collaborateurs53.
En effet, l'article 245 COC prévoit qu'en
matière de responsabilité contractuelle « le débiteur
répond du fait et de la faute de son représentant et des
personnes dont il sert pour exécuter son obligation dans les mêmes
conditions où il devrait répondre de sa propre faute, sauf son
recours tel que de droit contre les personnes dont il doit répondre
».
Responsables de leurs propres fautes et de celles commises par
les personnes qu'ils emploient ou se substituent, le sont- ils également
en raison des infractions commises par les dirigeants des
sociétés qu'ils contrôlent ?
La réponse est indiquée dans l'article 272 du
CSC qui stipule expressément que les commissaires aux comptes ne sont
pas civilement responsables des infractions commises par les membres du conseil
d'administration ou du directoire de fautes sauf si en ayant eu connaissance,
ils ne les ont pas révélé dans leurs rapports à
l'assemblé générale.
Cependant, le fait de ne pas avoir eu connaissance de ces
infractions n'est pas pour autant automatiquement libératoire. Il faut
savoir si l'ignorance elle-même ne provient pas d'un contrôle
insuffisant ou inefficace.54
En pratique, compte tenu des compétences juridiques et
comptables des commissaires, dés qu'une défaillance
financière est imputable aux fautes des dirigeants ou dés qu'une
irrégularité fiscale se traduit par un redressement fiscal, les
commissaires seront mis en cause et auront à
s'expliquer.55
Par ailleurs, leur responsabilité pourra être
recherchée dans le cadre d'une procédure d'alerte interne lorsque
l'entreprise est en difficulté et que le commissaire au compte constate
l'existence d'actes qui sont de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation. La loi n° 95-34 du 17 avril 1995,
relative au redressement des entreprises en difficultés
économiques impose au commissaire aux comptes des démarches de
nature à engager sa responsabilité s'il ne déclanche pas
une alerte alors qu'il aurait dû le faire ou s'il la déclanche
tardivement.
Il y a lieu de noter que l'action en responsabilité contre
le commissaire aux comptes peut être de deux formes :
52 Journée annuelle des experts- comptables
stagiaires 2004 ; thème : « Les aspects juridiques et techniques de
commissariat aux comptes » présenté par Mr Rachid TMAR &
Mr Fathi MIMOUNI.
53 Art 267 du CSC.
54 Habib &Christiane DAHDOUH, même ouvrage,
p361.
55 Art 22 de la loi n° 88-108 du 18-08-1988.
- Une action sociale qui consiste à réparer un
préjudice à toute la société et qui est
intenté par ses représentants légaux (PDG, DG,...).
- Une action individuelle tendant à réparer un
préjudice individuel à la demande de tout
intéressé.
Ajoutant ici qu'en cas de pluralité de commissaire,
leurs responsabilités est, en principe individuelle, peuvent être
néanmoins, tenus solidairement de réparer le préjudice
qu'ils ont causé (c'est notamment le cas de toute société
devra publier ses comptes consolidés).56
Enfin, l'action en responsabilité se prescrit par 3 ans
à compter de la découverte du fait dommageable. Toutefois,
lorsque le fait est qualifié de crime, l'action se prescrit par 1
0ans.57
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