I.3. Aperçu sur la géologie de la dorsale
Réguibat
La dorsale Réguibat, partie septentrionale du craton
ouest-africain, est une vaste boutonnière allongée SW-NE qui
affleure pour l'essentiel en Mauritanie, au Maroc et en Algérie. Elle se
situe entre les méridiens 3° et 16° Ouest d'une part et les
parallèles 20° et 27° Nord d'autre part et couvre une zone de
1500 km de long sur 250 à 400 km de large. Elle est limitée,
à l'Est par la chaîne mobile de l'Afrique centrale à
l'Ouest elle est limitée par la chaîne des mauritanides et par le
bassin côtier sénégalo-mauritanien. Au sud et au nord, elle
s'ennoie sous la couverture sédimentaire des bassins de Taoudeni et de
Tindouf respectivement.
Comme son équivalent méridional (dorsale de
Léo), la dorsale Réguibat est formée en grande partie de
terrains catazonaux plissés et de granites anté 1600 Ma. Elle se
divise en deux grands domaines, où les âges varient entre 3,5 Ga
et 1,6 Ga:
? un domaine Archéen à l'ouest et sud-ouest, qui
regroupe les formations de TasiastOumabanna, Amsaga-Tiris et ghalaman,
formé par un socle granito-gneissique affecté
par un métamorphisme catazonal ainsi que des ceintures
de roches vertes et des quartzites ferrugineux (figure 3);
> un domaine Birimien (protérozoïque
inférieur) relativement peu métamorphique, qui regroupe les
régions de Karets, Yetti et Eglab., composé de ceintures
volcanosédimentaires à formations ferrifères et de
granitoïdes extrêmement variés, séparées par
deux cortèges d'intrusions de granitoïdes recoupés par un
épisode plutonique alcalin (figure 3).
I.4. l'Archéen da la dorsale Reguibat
L'Archéen est la période de temps
âgée de 2,5 à 4 Ga, il s'agit d'un épisode d'intense
activité magmatique pendant lequel presque 3/4 du volume de la
croûte continentale à été extrait à partir du
manteau. Les TTG (Tonalites-Trondhjemites-Granites), les ceintures des roches
vertes et la tectonique verticale (sagduction) sont les caractéristiques
majeures de l'Archéen.
Actuellement les gneiss du Canada datés à 4,0 Ga
sont les roches terrestres les plus anciennes, parallèlement en
Mauritanie les formations archéennes, où les âges peuvent
atteindre 3,6 Ga (Chardon, 1996), sont les roches les plus anciennes dans le
pays.
A l'exception des formations dunaires (d'Akchar et d'Azefal)
au sud, des formations de la Kédia d'Idjil (d'âge
protérozoïque inferieur) au nord et des terrains allochtones de la
chaîne des Mauritanides à l'ouest, le domaine occidental de la
dorsale Réguibat est quasiment constitué par les formations
archéennes (Figure 3).
L'Archéen de la dorsale Réguibat, correspond
à un socle formé essentiellement de granites, de gneiss et de
ceintures de roches vertes. Il est affecté par un métamorphisme
catazonal et une tectonique à dominante diapirique. L'ensemble est
recoupé par des granites tardifs (2.6 Ga).
I.4.1. Lithostratigraphie
L'Archéen de la dorsale Réguibat peut être
regroupé en trois grands domaines (Rocci et al., 1991):
> Le domaine Tasiast-Lebzenia-Oumabana
caractérisé par les ceintures de roches vertes
et une structure en «mantled gneiss domes«, cette
structure est bien visible dans la région de Tasiast. Il s'agit d'un
socle granito-gneissique surmonté par un complexe
volcanosédimentaire et par des quartzites ferrugineux. L'ensemble est
souligné par des intrusions ultrabasiques et recoupé par des
pegmatites béryllifères, plus récentes, datées de
2.8-2.6 Ga.
- Le domaine Amsaga-Tiris-Ouassat caractérisé par
l'abondance de gneiss très
métamorphiques et par le développement des
formations ferrifères (à magnétite) notamment au Tiris.
Les formations d'Amsaga, ont été définies
par Blanchot (1953). Elles sont limitées au Sud par les Mauritanides
panafricaines (600 Ma) et surmontées à l'Est par la succession
sédimentaire protérozoïques d'Atar non
déformées. Elles regroupent trois unités lithologiques
majeures: i) des gneiss charnokitiques (Qtz+KF+Pl+Opx+Bt+-Cpx+-Amph); ii) des
paragneiss qui correspondent à des leptynites et des
métapélites (Qtz+KF+Pl+Crd+Grt+Sill=-Bt+-Graph); iii) des
orthogneiss migmatitiques à composition de trondjhemite et de
granodiorite (Qtz+KF+Pl+-Bt+-0px+-Cpx) non plissés et associés
aux ceintures volcanoclastiques (Pl+Qtz+Amph+-0px+-Cpx+-Bt). Toutes ces
formations ont été affectées par un métamorphisme
granulitique. Les relations de phase dans les paragneïss et les calculs
thermobarométriques indiquent un chemin PTt horaire avec des conditions
paroxysmales correspondant à 800°C +-50°C et 5 +-1Kb. Les ages
de 3 Ga obtenus sur les zircons sont interprétés comme
correspondant aux âges des protolithes magmatiques des charnockites
(Potrel, 1994). Des venues magmatiques tardives recoupent ces formations
granulitiques. Elles correspondent aux granites de Touijenjert et aux gabbros
de Iguilid d'age correspondant à 2.7 Ga (zircon et age modèle
Sm-Nd) marquant la fin de l'épisode de métamorphisme de haut
grade (Potrel, 1994 ; Potrel et al. 1996).
Plus au nord, les formations du Tiris sont constituées
par la succession, de plus de 8 km, des gneiss à hypersthène et
des leptynites à grenats avec des intercalations diverses de
pyroxénoamphibolites, de cipolins et de gneiss à biotite. En
position haute dans la succession, apparaît le faciès le plus
caractéristique de la région: les quartzites à
magnétite en bancs de 50 à 100 m d'épaisseur formant les
gneiss ferrugineux qui apparaissent sur la figure 3.
Plus au Nord, séparée de l'unité de Tiris
par la faille d'El Mdena (figure 3) affleure l'unité de l'Ouassat. Les
gneiss et les leptynites sont les faciès majeurs comparables à
ceux de Tiris avec, cependant, un plus grand développement des
cipolins.
Au NE de l'Ouassat, la structure de l'unité de Sfariat
(figure 3) est la plus remarquable. Contrairement à ce qu'on observe
dans le Tiris, les quartzites à magnétite sont, dans cette
unité, associées aux cipolins, aux leptynites et aux
amphibolites. Elles dessinent des structures rectilignes d'orientation NW-SE.
Ces formations allochtones (Bronner et al., 1992), sont jalonnées, au
Nord, par des accidents qui ont rejoué en mouvements tangentiels et, au
Sud, par des mylonites.
- Le domaine Ghallaman: Il s'agit d'un complexe de
granitoïdes hétérogènes souvent
décrits comme des panneaux de gneiss orientés
NNW-SSE. Les faciès les plus fréquents sont de l'ouest vers
l'est: les gneiss et les leptynites, les micaschistes, ainsi que les
amphibolites et les pyroxénites. Les quartzites ferrugineux sont
totalement absents dans ce secteur. Les gneiss sont fréquemment à
hyperstène, grenat, amphibole ou pyroxène. Plus à l'est,
ont été décrits des gneiss à biotite et à
muscovite, des amphibolites, des gneiss alumineux et des cipolins. Des niveaux
de quartzites non ferrugineux s'intercalent dans ces séries de
lithologie variée.
I.4.2. Le métamorphisme
L'Archéen du craton ouest-Africain et en particulier
celui de la Mauritanie est métamorphique. On note cependant que
l'intensité du métamorphisme diminue de l'ouest (faciès
granulite / amphibolite de haut degré) vers l'est (faciès
amphibolite). Le principal épisode de métamorphisme est suivi par
une rétromorphose généralisée dans le faciès
schiste vert.
Le stade catazonal est généralement le mieux
exprimé, suivi successivement par un stade amphibolitique, puis un stade
«schistes verts«, de façon plus ou moins continue. Les
minéraux caractéristiques de ces trois stades sont les suivants
(Bronner et al., 1992):
· Stade granulitique : Opx, Cpx, Fo, Grt, Bt, Sil, Kfs,
Spn
· Stade amphibolitique : Hbl, Pl, Ep, Grt
· Stade «schites verts« : Ab, Chl, Tlc, Srp, Tr,
Pmp
Une des caractéristiques les plus remarquables du
métamorphisme catazonal de l'Archéen de la dorsale
Réguibat, comme d'ailleurs de la plus part des formations
archéennes du monde, est de présenter très peu de
variations d'intensité sur des étendues considérables.
I.4.3. Tectonique:
Les déformations archéennes sont très
intenses et varient d'une région à l'autre de la dorsale. Elles
peuvent être regroupées en deux familles : les déformations
archéennes précoces essentiellement plicatives et les
déformations gravitaires de type diapirique qui caractérisent les
unités de Tiris, Tasiast et Oum Abana.
I.4.3.1. Tectonique précoce:
Les principales phases tectoniques de cette
déformation anté-gravitaire sont (Bronner et al., 1992)
Phase 1: Phase plicative développant une foliation
généralisée. Elle est synchrone du métamorphisme
principal et généralement parallèle à la
stratification avec des rares plis synschisteux de type semblable. Cette
foliation est reprise par toutes les phases tectoniques ultérieures.
Phase 2: phase plicative majeure de longueur d'onde
centimétrique à kilométrique, caractérisée
à l'affleurement par des plis à cannelures dans les quartzites
ferrugineux, reprenant localement les plis isoclinaux post-schisteux dont les
axes sont peu différents de ceux des plis de la phase 1.
Phase 3 : les plis associés à cette phase sont
plus larges que ceux de phases 1 et 2, de longueur d'onde kilométrique
à plurikilométrique, qui a pour effet de redresser les axes des
plis de la phase 2.
Dans ces régions archéennes, la
déformation est dominée par les plis kilométriques de la
phase 2 qui représentent, à l'échelle de la carte,
l'élément géométrique le plus constant.
I.4.3.2. Tectonique gravitaire de type
diapirique
Il s'agit d'une tectonique verticale représenté
par des dômes sphériques qui affectent les anticlinaux des phases
précédentes.
Cette phase de déformation, où le moteur
principal est le gradient de densité, est caractérisée par
des mouvements verticaux ascendants entraînant la montée des
dômes granito-gneissiques et l'enfoncement de formations ultrabasiques
entre ces dômes, entraînant aussi la distension des structures et
l'effacement des structures précédentes (plicatives). Cette
déformation diapirique semble être suivie par des phases de
déformation cassante extensive à l'origine de l'injection d'une
grande partie de roches basiques d'âge essentiellement
Protérozoïque inférieur.
Figure 3: Unités lithosratigraphiques de la dorsale
Réguibat (modifiée d'après Bronner et al., 1992).
|