CHAP. I PANORAMA DE LA PRESSE RWANDAISE
1.0. INTRODUCTION
Avant d'entrer dans le vif du sujet, il nous est indispensable
de parler dans ce premier chapitre, de la presse. Etant donné qu'elle
est une culture nouvelle au Rwanda, il est question non pas de traîner
dans de nombreuses théories et définitions, mais de passer en
revue l'avènement de la presse au Rwanda, et son évolution. Il
nous sera également possible de spécifier les grandes
périodes qui l'ont marquée et qui se définissent à
leur tour par les traits marquants de notre histoire.
1.1. Vue panoramique de la presse rwandaise
1.1.1. La presse rwandaise avant la colonisation
L'histoire nous apprend que le congrès de Berlin de
1885 assura le partage de l'Afrique entre trois grandes puissances coloniales
déjà établies, auxquelles s'ajoutèrent les Belges
et les Allemands. Avant cette date, au Rwanda comme partout en Afrique, la
transmission de l'information se faisait d'une façon traditionnelle. On
ne pouvait se transmettre l'information ou le message que de bouche à
oreille ou à l'aide de quelques instruments à percussion. Ce
moyen leur était imposé en raison d'une population totalement
analphabète. Il persista alors, jusqu'au moment où le
missionnaire évangélisateur introduisit l'alphabet, ce qui a
permis une ouverture d'esprit de la masse paysanne à d'autres valeurs
socio- culturelles.
a) La transmission orale ou de bouche à
oreille
Cette façon de communiquer que l'on peut appeler
« presse conversationnelle » consistait à recevoir
une information de la bouche d'une personne et la transmettre aux autres
à son tour, créant ainsi une chaîne de communication. Elle
n'était pas, cependant, sans risque. La plupart du temps, de cette
circulation de l'information pouvait naître des rumeurs, à cause
soit des oublis, des malentendus, ou même des grossissements
d'information.
b) La presse basée sur les instruments à
percussion
La seconde manière de communication dont disposaient
les Rwandais était celle des instruments traditionnels comme le tambour,
la flûte, la corne, etc. Ceux-ci interviennent surtout :
§ Dans certaines cérémonies royales (la
mort du roi par exemple)
§ Lors de la chasse
§ Lors des expéditions guerrières
§ Au cours des veillées, etc.
1.1.2 La presse rwandaise pendant et après la
colonisation
1.1.2.1. La presse rwandaise pendant la colonisation
Cette période se caractérise par une
« nouvelle presse » ou « presse
moderne » communément appelée « mass
communication ». Elle recouvre sans aucun doute la presse
écrite, la radio, la télévision, etc. Signalons ici que le
Rwanda n'a connu, pendant toute la période coloniale que la presse
écrite. C'est à peine après l'indépendance qu'il
dispose de la radio nationale. Quant à la télévision,
elle ne vit le jour qu' en 1993.
a) Sous la domination allemande
Il est à souligner que pendant la domination allemande,
la situation de la presse demeura comme avant. En lisant BART, A.
(1982 :23), nous nous rendons compte que « non
seulement les Allemands se sont préoccupés davantage (au premier
plan) de l'organisation administrative et politique du pays, mais aussi leur
effectif était trop insignifiant pour justifier la création d'un
journal propre dans un pays tout entier de civilisation orale où il n'y
avait nul autre lecteur même potentiel. »
A côté des Allemands, le pays était
occupé également par les missionnaires qui avaient comme
principal objectif d'enseigner la parole de Dieu et de convertir le plus grand
nombre de gens possible. Bart, ajoute
que : « débordés par des questions
spirituelles et matérielles de l'installation dans le pays, les
missionnaires n'ont pas réalisé de journal pendant la
période d'administration allemande. »
Tout bien considéré, le souci de l'information
persistait chez les Pères Blancs. A travers leurs écrits
apparaissent quelques éléments sur leur information surtout dans
leur correspondance. En citant la Lettre de Léon Delmas, Bart,
(1982 : p50) nous donne l'exemple de ce qu'écrivait le père
Léon Classe le 10 mars 1910 : « Mgr (Hirth) demande
quand je commencerai le journal pour le Rwanda. Si nous ne trouvons pas une
presse. J'ai répondu que le vicariat de suite la presse, les
confrères m'aideront et je chercherai au dehors, nous rendrons au
Vicariat ses avances. » Cette soif n'a cessé de hanter
les missionnaires catholiques, qui finirent par être, plus tard, à
l'origine de la presse rwandaise. Ils finirent par créer bon nombre de
journaux comme l'affirme Tudesq (1999 : 53) « Les
Pères Blancs ont créé les premiers journaux aux pays des
mille collines : L'Echo du Kivu puis en 1923, le Petit Echo au Rwanda et
surtout en 1933, un mensuel en kinyarwanda devenu le Kinyamateka. Il est
créé aussi en 1954, le journal « Temps Nouveaux
d'Afrique » qui traitait les nouvelles de la région
environnant le Rwanda : le Burundi et l'Est du Congo- Belge. Le petit
journal des enfants « Hobe » vit le jour en 1955 sous
l'initiative de Mgr Bigirumwami, devançant ainsi
« Imvaho » l'aîné de la presse publique qui
débuta en 1960. »
Il convient d'ajouter à cette liste d'autres journaux
de l'église catholique qui datent de la même
période bien qu'il ne nous est pas facile d'inventorier toutes les
revues parues à cette époque. Nous parlons par exemple de
L'Echo du Séminaire de 1938, qui fut un bulletin de liaison
entre les anciens du Séminaire à l'époque ;
L'Ami, en 1945, revue des anciens élèves du
Séminaire ; Théologie et Pastorale au Rwanda, paru
en 1946. Il s'agit de revue du Clergé écrit en français et
en kinyarwanda. Il y avait également Kurerera Imana en 1949,
Cor Unum en 1955 qui était un bulletin de l'amicale des anciens
du Séminaire, Agisiyo Gatolika mu Rwanda paru depuis 1958 et
bien d'autres.
b) Pendant la domination Belge
Les Belges, à leur arrivée, ont entrepris des
initiatives dans le secteur social, d'enseignement, de santé publique,
etc. L'enseignement aura servi de base à l'existence de la presse.
L'alphabétisation préoccupe ainsi le gouvernement colonial belge,
mais les publications concernant le Rwanda restent minimes. Toujours en lisant
Bart, (1982 : 30) qui cite cette fois- ci Durieux « ce
régime très sévère en matière de presse
faisait suite aux incidents assez sérieux, dus à une propagande
pan- nègre originaire d'Amérique et à l'introduction dans
la colonie des pamphlets et des journaux émanant de la même source
tous susceptibles de provoquer l'insubordination, voire la révolte des
indigènes contre les Blancs, à les exciter contre eux, et
à détruire leur autorité morale
indispensable.... ». Un peu plus loin, le même auteur nous
fait part de la réflexion qu'a faite Dryepont, après une
étude minutieuse de la situation au Congo, et précise que :
«il n'y a pas de presse coloniale indigène pour la bonne raison
que le nombre des lettrés de couleur y est encore infime. Quoi qu'il en
soit, il ne nous paraît pas contestable qu'elle ne pourra être
utile que si elle est rédigée, par les
Européens, très prudents, très avertis,
très expérimentés et ayant énormément de
doigté. Laissée aux mains des gens de couleur, elle ne pourra
manquer de devenir dangereuse et subversive ... » (Dryepont,
cité par Bart, 1982 :31).
En réalité, cette réflexion est
partagée par BART, (1982 :127) « les Belges qui
reconnaissaient très bien la puissance de la presse comme arme dont les
indigènes pouvaient se servir pour demander leur liberté et leur
indépendance n'eurent pas le souci de l'encourager, par contre ils
prirent des mesures draconiennes afin d'étouffer dans l'oeuf la
naissance et la conception de pareilles idées ». Ces
mesures eurent aussi comme objectifs d'empêcher aux colonisés tout
contact avec la presse écrite étrangère qui, à
leurs yeux, constituerait un handicap à l'oeuvre déjà
entreprise. Ce qui est clair, poursuit Bart (1982 :128), c'est qu'
« il fallait tout simplement une presse produite par les Belges
eux-mêmes et qu'ils devaient suivre à la loupe pour éviter
le pire éventuel ». Au cours des dernières
années de la colonisation et surtout depuis août 1956,
l'évolution de la presse d'inspiration indigène s'est
caractérisée par la présentation et la défense des
programmes politiques.
c) Naissance de la presse politique au
Rwanda
Depuis sa naissance en 1933, la presse rwandaise était
monopolisée par les missionnaires Pères Blancs, pour des raisons
déjà évoquées. Les années 50 ont vu
naître des idées nouvelles qui furent à la base de la
naissance de ce que l'on appelle « la presse politique ou la presse
révolutionnaire». Les élites de l'époque,
appelés « évolués », avaient besoin
d'un organe de presse dans lequel ils pouvaient exprimer leurs opinions sans
passer par la presse catholique. C'est ainsi que Grégoire Kayibanda
avait, le premier exprimé dans l'Ami, son désir en ces
termes : «il faut une presse pour les évolués,
réalisée par eux et pour eux, pour qu'elle soit correspondante
à leurs aspirations. Mais loin de la remplacer, la presse des
évolués confirme la nécessité de celle
destinée à éclairer les masses. Il faut que celles-ci
soient préparées à recevoir l'éventuelle action des
élites, il faut qu'elles soient réceptives, aux problèmes
ou en voie de l'être sainement par les cercles ou les périodiques
d'évolués. » (Kayibanda, cité par Bart,
1982 :162)
Les principaux journaux de ce courant sont :
Soma, lancé le 31 Août 1955 et qui devait être le
porte- parole du peuple et plus tard, celui du premier parti politique :
APROSOMA. Ijwî ryaa rubaanda rugufî, le 2ème
journal, paru à Astrida en 1958 appartenant lui aussi à
APROSOMA et remplace plus tard Soma. En troisième lieu, vient
Rwaanda nzîizâ, propriété de l'UNAR, depuis
le 15 juillet 1959 et devait ainsi faire face aux articles incendiaires de
Soma et Ijwî ryaa rubaanda rugufî. Il y eut
enfin, l'Unité, journal créé à son tour
par Africa, Rutsindintwarane et Rwagasana, membres de l'UNAR qui étaient
restés au Rwanda. Il fut en fait un prolongement de Rwaanda
nzîizâ dont l'arrêt est daté de novembre 1959
suite à l'exil de son comité de rédaction.
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