CONCLUSION
Tout au long de notre modeste étude, on a
cherché à dégager les grands lignes du discours religieux
juif en Tunisie. Fait important , la production et la systématisation de
ce discours était devenu, depuis le XIX siècle, non plus
l'exclusive des rabbins, les professionnels du religieux , mais du ressort de
la nouvelle élite moderne. La prise en charge de ce discours par les
intellectuels juifs s'était faite en douceur et sans heurts : les
rabbins n'ont pas parjuré les nouveaux penseurs de la condition juive.
Les intellectuels, de leur part, n'ont pas attaqué ces " gardiens du
sacré ". Le débat entre les premiers et les seconds, à
travers la presse écrite, en tant que nouvel espace public, a
porté sur le coté culturel ( statut social, succession, vie
sociale, etc. ) et n'a pas touché nullement le coté cultuel . "Le
salive coule pas le sang et l'excommuniation n'était pas dans l'ordre
du jour".
Par ailleurs, on a tenté d'aborder la
manière dont la collectivité juive percevait son statut de
minorité au sein d'une société a majorité
musulmane à travers l'affirmation d'une identité culturelle
basée sur des mythes fondateurs qui trouvent leur ancrage dans leur
histoire millénaire, et lui donne une légitimité de
présence et d'appartenance à la Tunisie depuis la période
phénicienne. Toutefois, et malgré l'accumulation historique, le
"choc de la modernité " n'a pas épargné cette
communauté. Par ce fait, certaines convictions ont été
altéré et l'érosion a balayé certains dogmes .
L'arrivée des juifs livournais ( Grana-s
), depuis le XVII siècle jusqu'à l'aube du XX
siècle, a ébranlé le caractère redondant du
discours religieux juif et lui a donné un contenu variable et
revendicatif. Alors ce discours va osciller entre deux référents
culturels : le classicisme et le modernisme. Ce débat, en forme
d'antagonisme, perdurait, entre les deux groupes jusqu'au 1864, année de
révolte de Ali Ben Ghedahom .
L'articulation de 1857 - 1861, à travers le
Pacte fondamental et la Constitution octroyés par le Bey, constituait
un événement majeur. La dynastie husseinite, depuis son
accession au trône depuis 1705, semblait avoir associer les juifs
à son pouvoir à travers une politique de fonctionnarisation des
notables juifs. Mais en réalité, cette participation ne profitait
qu'à une élite liée au pouvoir par des
intérêts économiques notoires. Avec les textes de 1857 -
1861, c'est l'égalité qui était affirmé
solennellement entre musulmans et " Gens du livre" .
Le "choc colonial ", constituant un défi
à relever pour la majorité musulmane , était par contre
"l'âme sur un cheval" pour une grande frange de la Communauté
juive, et une occasion en or, à ne pas rater, pour l'émancipation
effective et l'accession à " l'espace public". La réticence des
autorités coloniales vis-à-vis des juifs autochtones pour leur
implication totale dans la vie sociale et politique, par calcul politique ou
par respect des formes antérieurement établies, semblait un motif
suffisant pour l'engagement de l'élite juive dans le combat politique en
vue d'une reconnaissance totale des droits civils et politiques, à
l'instar de la Métropole. L'extension de la couverture juridictionnelle
française et l'assouplissement des conditions de naturalisation
étaient les deux leitmotiv pour se débarrasser du joug du
pouvoir beylical autoritaire et de la juridiction rabbinique jugée
archaïque.
Trois moments ont vu la métamorphose du
discours juif en Tunisie : l'entrée des livournais dans la
société musulmane avec ses implications culturelles. En second
lieu, le fait colonial avec son arrière plan civilisationnel. En
troisième lieu, la percée du discours sioniste dans la
Communauté juive depuis le début du XX siècle, avec son
alternative déracinante. L'indépendance de la Tunisie constituait
pour le discours juif le "désenchantement" total et la
désillusion d'une frange traditionaliste qui a parié sur la
possibilité d'un nouveau pacte de citoyenneté en Tunisie . Entre
les textes juridiques posés depuis 1956 et la pratique factuelle de tout
les jours, un grand champs discursif, rempli de non-dits, commença
à s'élargir. La judéité est une espèce en
voie de disparition .
Cette Communauté disparaitra ou, au
contraire, se maintiendra-t-elle et, un jour, se retrouvera-elle dans la
prospérité ?. La solution en fait se trouve au Moyen-Orient. Si
la paix s'installe, comme chacun le souhaite et les palestiniens, peuple
chassé de son territoire, recouvrent leurs droits les plus
élémentaires ( un Etat vivable avec un territoire
vérifiable ), dans ce cas " bien de Twansa-s souhaiteraient
retrouver dans le calme et la sérénité les sources de
leurs pères et leurs aieux ".
Ce modeste mémoire ne peut donc se terminer
que sur un espoir de paix pour tous et en particulier , pour une
Communauté , qui a vécu 25 siècles sur le même sol ,
et que les aléas de la politique et des discours déracinants a
éloigné de ses sources historiques , dont elle garde , sous tous
les cieux où elle se trouve , actuellement , une profonde nostalgie
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