6. Croissance
En général, Oreochromis niloticus est
connue pour sa croissance rapide et présente un indice de croissance
plus performant que les autres espèces du genre, sa durée de vie
étant relativement courte (6 à 8 ans) (Pauly et al. in
Malcolm et al., 2000).
Une autre caractéristique d'O. niloticus
concerne son dimorphisme sexuel* de croissance qui se marque dés 20
à 40 g, poids à partir duquel les femelles acquièrent la
maturité sexuelle (Kestemont et al. in Malcolm et al.,
2000).
Le dimorphisme sexuel apparaît principalement au niveau
de la papille* génitale (fig.6), ce qui permet un sexage précoce
en élevage, cette papille étant chez le mâle
protubérante en forme de cône avec un pore urogénital
à l'extrémité, alors que chez la femelle, elle est petite,
arrondie avec une fente transversale au milieu (pore génital) et un pore
urinaire à l'extrémité.
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Figure 6 : Dimorphisme sexuel de la papille
uro-génitale entre un mâle de 24 g (1) et une
femelle de 20 g (2) chez Oreochromis niloticus. La
papille femelle est caractérisée par une fente transversale
(orifice génital) entre l'anus et l'orifice urinaire.
Chez le mâle : A = anus ; U = orifice uro-génital.
Grossissement = 75 x.
Chez la femelle : A = anus ; U = orifice urinaire ; G = orifice
génital. Gross. = 33 x. (Photo Toguyeni & Baroiller in
Adjout & Meziane, 2002).
(3) : Papilles génitales chez un
mâle et une femelle d'O. niloticus (Source : FAO, 2002).
Une grande partie de l'énergie de la femelle est investie
dans la production d'ovules, l'incubation des oeufs et la garde des jeunes
larves*.
Les reproductions incontrôlées provoquent une
surpopulation qui entraîne une diminution de la croissance par manque de
nourriture et/ou d'oxygène disponible.
Outre que le sexe, il existe d'autres facteurs qui influencent la
croissance d' Oreochromis niloticus en élevage intensif, tel
que :
- La température : une élévation de
celle-ci pour un poids corporel donné produit une
augmentation de la vitesse de croissance ;
- L'alimentation : elle agit sur la croissance via trois
paramètres ; la qualité de l'aliment, le taux de nourrissage et
la fréquence de nourrissage ;
- L'oxygène dissous : il exerce une action positive sur la
croissance quand sa teneur augmente (>3 mg/l avec un optimum de 5 mg/l) ;
- La biomasse* : son augmentation a un effet négatif sur
la croissance s'exprimant par un stress du aux contacts inter-individuels
;
- M.E.S. : l'effet négatif des M.E.S. sur la croissance
pourrait provenir du stress mécanique exercé sur les branchies
avec un métabolisme réduit.
Les principales techniques utilisées pour remédier
aux problèmes de faible croissance des femelles et de reproduction
anarchique sont les suivantes :
· Une charge importante permettant de bloquer la
reproduction, mais n'évite pas le problème de faible croissance
des femelles ;
· La production d'individus triploïdes* (3n
chromosomes) stériles (plus de reproductions anarchiques et meilleure
croissance), soit directement avec un choc thermique appliqué sur les
oeufs peu après la fécondation, soit indirectement par croisement
entre des Tilapias tétraploïdes* (4n chromosomes) fertiles obtenus
aussi par choc thermique au moment de la première division cellulaire
(mitose) et des individus normaux diploïdes* (2n chromosomes) ;
· la production d'alevins monosexes mâles.
6.1. La production d'alevins monosexes
mâles
Les Tilapias, avec plus de 20 espèces
déjà utilisées en élevage (Guerrero, 1982), sont
particulièrement appréciés pour leur robustesse, leur
large distribution, leur taux de croissance important et leur reproduction
aisée. Ces particularités biologiques conduisent, en milieu
confiné, à une surpopulation, avec une tendance au nanisme
(Lazard, 1984).
C'est pourquoi le contrôle strict de la reproduction
devrait permettre d'améliorer la rentabilité des élevages.
Les techniques envisagées pour contrôler la reproduction des
poissons cherchent à agir sur le développement de la gonade* soit
en modulant son activité (stimulation, inhibition temporaire ou
définitive), soit en l'orientant vers le sexe qui possède les
meilleures potentialités aquacoles (Mires, 1982).
L'élevage d'O. niloticus de consommation
concerne de plus en plus les populations monosexes mâles, pour
éviter les reproductions incontrôlées et obtenir de
meilleurs rendements, étant donné que les mâles grandissent
plus rapidement que les femelles.
Trois techniques sont utilisées pour produire des
populations monosexes mâles : la séparation des sexes, les
hybridations* interspécifiques et l'inversion hormonale* du sexe.
· La première consiste à élever
les alevins jusqu'à un stade qui permet de sexer les poissons par examen
de la papille uro-génitale. Cette méthode représente un
gaspillage de surface, d'eau et d'aliment puisque les femelles ne sont
éliminées que lorsqu'elles atteignent la maturité sexuelle
(Rothbard et al., 1983).
· L'hybridation des espèces de Tilapia conduit
à une progéniture caractérisée par une proportion
élevée de mâles (Mires, 1982). Le désavantage de
cette méthode est la nécessité de maintenir une souche
pure de géniteurs. Dans le cas contraire la proportion de mâles
dans la descendance s'écarte fortement des 100% attendus.
· L'inversion hormonale du sexe :
o Inversion "directe" qui consiste à masculiniser* une
population d'alevins en incorporant un stéroïde* dans
l'alimentation (Baroiller & Jalabert, 1989) ;
o Fabrication de mâles transsexuels* (femelles à
génotype* mâle) avec de l'oestradiol*. Leur descendance avec
des mâles donnera 100 % de mâles.
Le sexage utilisé en Afrique ne peut être
effectué que sur des animaux matures. Par ailleurs, il nécessite
du temps et de la main d'oeuvre et s'accompagne d'au moins 10 % d'erreurs de
diagnostic (Lazard, 1980). En ce qui concerne l'hybridation, il est difficile
de maintenir un pourcentage très élevé de mâles
hybrides de première génération. Ceci est lié
à la contamination des souches parentales de géniteurs par des
descendants hybrides. En revanche, l'inversion hormonale masculinisante s'est
révélée être un outil fiable.
6.2. Le traitement hormonal des alevins
La technique d'inversion hormonale du sexe,
démontrée pour la première fois chez Oryzias
latipes (poisson chat) (Yamamoto in FAO, 2002), consiste à
obtenir une population d'individus phénotypiquement identiques par
administration de stéroïdes, à des doses et selon des
moments, des modes et des temps d'administration propres à chaque
espèce (Baroiller, 1996). Ainsi avec les androgènes*, les alevins
à génotype femelle sont amenés à se
développer comme des mâles fonctionnels, ce qui conduit à
l'obtention d'une population à phénotype* 100% mâle. Ce
traitement aux androgènes a conduit à des résultats
intéressants chez plusieurs espèces de Tilapia (Guerrero &
Guerrero, 1988).
L'inversion "directe" consiste à administrer de la
méthyltestostérone aux alevins avant qu'ils n'aient atteint la
différenciation sexuelle (avant le 60ème jour chez
O. niloticus) (Jalabert et al., 1974) (Mcandrew &
Majumdar, 1989).
Ce traitement est appliqué depuis 3 à 7 jours
après l'éclosion pendant 2 à 4 semaines, ce qui permet
d'obtenir 95 à 100 % de mâles à la suite de l'inversion des
femelles en mâles à génotype femelle. Cette technique doit
être réalisée en conditions intensives pour que les alevins
ne puissent absorber que l'aliment dans lequel est incorporée la
méthyltestostérone.
Chez Oreochromis niloticus, les potentialités
stéroïdogènes des gonades mâles et femelles ont
été analysées durant les trois premiers mois de leur vie ;
cette période couvre les processus de la différenciation
ovarienne et testiculaire. La testostérone* peut être
synthétisée par les gonades des deux sexes contrairement à
l'oestradiol dont la production est spécifique à l'ovaire. Or,
certains androgènes comme la 11 f3-hydroxyandrosténedione (11
f3-OHA4) et l'andrénostérone s'avèrent spécifiques
du sexe mâle durant cette même période et présentent
des potentialités masculinisantes (Baroiller & Toguyeni, 1996).
Les stéroïdes artificiels présentent une
meilleure efficacité de masculinisation que les androgènes
naturels. L'efficacité de la 17cL-méthyltestostérone* est
attribuée à son élimination plus lente que celle des
stéroïdes naturels comme la testostérone (Baroiller, 1988).
Les alevins de Tilapia traités aux androgènes présentent
généralement une croissance plus rapide que ceux non
traités (Rothbard et al., 1983).
La préparation et l'administration de l'aliment sont
décrits par Rothbard et al., 1983 :
· Dissolution de 50 mg de 17
cL-méthyltestostérone* (pour la masculinisation) ou de 60 mg
de 17 cL-éthynyltestostérone* (pour la féminisation) dans
0,7 l d'éthanol à 95% ;
· Mélange de la solution dans 1 kg d'aliment ;
· Évaporation de l'éthanol par séchage
du mélange au soleil durant quelques heures ;
· Nourrissage des alevins* à raison de 14% de leur
poids par jour.
Sa mise en oeuvre ne peut s'envisager que dans des stations
spécialisées mettant en oeuvre des techniques de précision
: dosage de l'hormone, contrôle de l'eau d'alimentation, utilisation
d'antibiotiques. Les dangers d'utilisation de ces hormones pour une production
destinée à la consommation humaine peuvent exister, même si
leur ampleur est inconnue.
Cette technique est utilisée depuis plusieurs
années par certains pays producteurs de Tilapia comme Israël,
Taiwan et les philippines. Toute fois, elle implique de traiter chaque nouvelle
population d'alevins destinés à la production. Or, l'utilisation
de l'hormone pour la production destinée à la consommation
humaine reste interdite dans de nombreux pays (France, Royaume Uni...) pour qui
le devenir et l'effet des produits de dégradation des
stéroïdes de synthèse sont insuffisamment
étudiés (Baroiller & Toguyeni, 1996).
Notre travail au niveau du CNDPA consiste à
réaliser une inversion sexuelle sur des larves de Tilapia en incorporant
une hormone (17 alpha-méthyltestostérone) dans l'aliment à
distribuer selon la méthode décrite paùr Rothbard et
al. (1983). Cette technique est appliquée sur deux lots avec une
durée d'application différente. Leur sex-ratio est obtenu par
examen de la papille uro-génitale et par squash gonadique.
D'autre part, une étude de la croissance des individus de ces deux lots
est envisagée.
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