Introduction
Au Sénégal, le secteur de la pêche est
confronté à une crise environnementale. Face à
l'intensité de la pollution marine et surtout à des pratiques de
pêche peu responsables, l'écosystème subit actuellement des
modifications biologiques qui risquent de compromettre la survie des
communautés littorales qui constituent pas moins de 40%1 de
la population du pays. Ces mutations biologiques se traduisent par une baisse
du volume global des mises à terre, une diminution de la taille des
espèces, la disparition de certaines espèces comme les pagres des
tropiques et l'éloignement des zones de pêche.
Les communes de Mbour et de Joal, situées
respectivement à 80 km et à 118 km au sud de Dakar,
n'échappent pas à cette situation. Elles appartiennent à
la Petite Côte qui est aujourd'hui l'une des grandes régions
maritimes du pays les plus touchées par la surexploitation
halieutique.
En dehors des problèmes environnementaux qu'elle
induit, la surexploitation halieutique engendre aussi des difficultés
sociales et économiques qui font que les pêcheurs deviennent de
plus en plus pauvres.
Les objectifs de cette présente étude sont
d'abord de voir dans quelles mesures les pêcheurs de Mbour et de Joal
sont au courant des modifications du milieu naturel dans lequel ils
travaillent. Il s'agit de discerner les critères à partir
desquels les pêcheurs perçoivent les mutations biologiques de
l'écosystème marin.
Le deuxième objectif est la revue des
mécanismes de gestion des ressources halieutiques pour faire face au
problème de la rareté de la ressource.
Ensuite nous tenterons de faire une analyse du niveau de
perception des acteurs sur ces mesures de gestion.
Les communes de Mbour et de Joal ont été
respectivement créées en 1926 et en 1966. Elles se situent dans
le département de Mbour. Géographiquement, Mbour s'inscrit entre
les latitudes 14° 02' et 15° 27' Nord et les longitudes 16° 02
et 17° 12' juste au Nord de Joal.
Les zones d'études bénéficient d'un
climat marqué par deux saisons distinctes : une saison pluvieuse de
trois mois (juillet, août et septembre) et une autre sèche plus
longue (d'octobre à juin).
Les principales activités économiques sont la
pêche, le tourisme et l'agriculture.
1 Source :
www.ird.sn/activites/ancienprg/littoral
PREMIERE PARTIE :
PHYSIONOMIE DE LA
PECHE ARTISANALE
A MBOUR ET A JOAL
Chapitre I : Les fondements de la pêche
Les zones étudiées se situent sur la Petite
côte qui est l'une des grandes régions maritimes du pays. La
Petite côte s'étend sur environ 65 km, de Toubab Dialao à
Joal. Comme sur toute la façade maritime sénégalaise, elle
bénéficie de conditions naturelles très favorables
à l'activité de pêche. Celles-ci sont essentiellement
liées à la morphologie et à la sédimentologie du
plateau continental ainsi qu'à l'hydrologie marine. A cela s'ajoutent
d'autres facteurs liés à la volonté politique du
gouvernement sénégalais de promouvoir le secteur et au potentiel
humain très soucieux des progrès technologiques.
I.1. Les conditions naturelles
Nous évoquons ici les caractéristiques
morphologiques et sédimentologiques du plateau continental ainsi que
l'hydrodynamisme marin.
I.1.1. Morphologie et nature des fonds
Il existe une documentation abondante sur la description du
plateau continental sénégambien et de la nature de ses fonds
(Domain-1976, ORSTOM-1983, Llrés-1986, Diaw-1997,
Tumine-2001, Niang-Diop-2003, etc.). Ces auteurs
précisent que le plateau continental couvre une superficie d'environ
30000 km2 inégalement répartie de part et d'autre du
Cap-Vert puisque la partie Sud représente 79% de la superficie
totale.
Au Nord, il est large de 50 km en face de Saint-Louis et se
rétrécit au Nord de la presqu'île du cap-vert. Mis à
part le canyon de Kayar (15° 00 N), les fonds sont peu accidentés
et sont de nature sableuse ou sablo-vaseux.
Au Sud, le plateau s'élargit de la presqu'île du
Cap-Vert pour atteindre une largeur de 100 km à la hauteur de la
Casamance. Il est marqué par des fonds rocheux, discontinus ou en bancs
et des fonds meubles.
C'est cette nature diverse des fonds marins qui
détermine en grande partie la répartition des ressources
démersales en particulier.
I.1.2. L'hydrologie marine
La répartition et la diversité des ressources
biologiques sur le plateau continental sont aussi fonction des conditions
hydrodynamiques générales des eaux sénégalaises
largement décrites par de nombreux océanographes et
géographes tels que Berrit (1962), Rossignol et Aboussan (1965), Rebert
(1978), Gerard (1985), Llrés (1986), etc.
Nous reprenons ci-dessous les principaux éléments
caractéristiques définis par ces auteurs. Trois grands traits
marquent l'hydrologie marine de la façade sénégalaise :
V' Les courants marins qui sont de deux ordres : le courant
froid et permanent des Canaries venant du Nord et le contre courant
équatorial venant de l'Ouest apportant les eaux chaudes et
salées.
V' Les masses d'eau qui sont de trois types : les eaux
froides et salées provenant soit du courant de dérive des
Canaries, soit des couches profondes (-80 m); les eaux tropicales chaudes et
salées amenées par le contre courant équatorial et les
eaux libériennes ou guinéennes chaudes, dessalées par les
pluies de mousson et les écoulements continentaux.
V' Les up welling côtiers qui sont des remontées
d'eaux froides profondes riches en sels nutritifs et induits par les
alizés en saison froide. Ils sont conditionnés, dans leurs
fluctuations spatiale et temporelle, par le profil de la côte, la
topographie du plateau continental, la direction et l'intensité des
vents. Sur la Petite Côte, où la frange côtière est
abritée, la persistance de l'upwelling fait que la pêche est
possible pendant toute l'année. Contrairement à la Grande
Côte Nord où la cessation des alizés (juillet à
octobre) appauvrit le plateau continental.
I.2. Les facteurs politiques et humains
Le développement des activités de la pêche
à Mbour et à Joal, est aussi lié à la
présence des structures d'encadrement et d'appui et aux qualités
professionnelles des acteurs à la base.
I.2.1. Les structures d'encadrement et d'appui à
la pêche
Il s'agit essentiellement de l'administration locale des
pêches maritimes représentée par les postes de
contrôle, des infrastructures d'appui tel que les quais de pêche et
des structures de financement.
a. Les postes de contrôle des pêches
maritimes
A Mbour comme à Joal, les postes de contrôle des
pêches maritimes jouent presque les mêmes rôles et
dépendent tous du service départemental des pêches
maritimes de Mbour qui assure la coordination de leurs activités.
Les postes de contrôle sont chargés chacun en ce
qui le concerne :
· De la protection des ressources halieutiques. Ils
veillent notamment au respect des prescriptions réglementaires sur la
taille des espèces ainsi que sur l'utilisation des engins de
pêche.
· Du contrôle sanitaire et la certification
d'origine des produits. Par exemple, à Joal, cette tâche est
exécutée en collaboration avec le poste de contrôle de la
gendarmerie installée à l'entrée de la ville.
· Du respect de la réglementation sur les zones
de pêche
· De la salubrité et de l'hygiène des
quais de pêche
· De la distribution du carburant subventionné
par l'Etat à hauteur de 45 %.
· De l'appui des professionnels en matière de
formation et de sensibilisation sur les questions de pêche, etc.
Toutes ces missions sont exécutées sous
l'autorité du chef de poste.
b. Les infrastructures d'appui
Dans le souci de développer le secteur de la
pêche, le gouvernement sénégalais a, depuis le début
des années 1980, exécuté des programmes d'appui et
d'encouragement en partenariat avec les bailleurs de fonds. Cet appui consiste
essentiellement à doter les sites de pêche du littoral
d'équipements modernes et performants.
C'est ainsi que, dans le cadre du déroulement du PAPEC,
Joal a pu bénéficier d'un quai de pêche d'un coût
global de 900 millions de f CFA en 1994.
Il s'étend sur :
· Une zone de débarquement avec deux parties
distinctes : un côté gauche réservé aux
espèces pélagiques et celui de droite aux espèces
démersales.
· Un hangar pour le conditionnement des captures
· Une esplanade pour le stationnement des camions
frigorifiques
· Deux canaux d'évacuation des eaux usées,
l'un ceinturant le quai et l'autre construit à l'intérieur du
hangar.
La gestion du quai est confiée au GIE
interprofessionnel sous le contrôle de la municipalité. Il est
notamment chargé de veiller à son bon fonctionnement, de
s'occuper de l'hygiène, de la salubrité, etc.
Les autres infrastructures d'appui sont composées de 6
fabriques de glace, de 5 stations services pour la distribution du carburant
(Elf, Total II, Mobil, Shell et Elton) et d'une usine de mareyage en frais
(Elim Pêche).
Pour sa part, le quai de Mbour a été construit
en 2000. Sa configuration est identique à celle du quai de pêche
de Joal à l'exception de l'aménagement de la zone de
débarquement. Ici, le côté droit est réservé
aux pélagiques et celui de gauche aux démersales.
La gestion du quai est assurée par le GIE «
And Liguey Tefess » qui est sous l'autorité de la
municipalité de Mbour. Ses fonctions sont identiques à celles du
GIE chargé de la gestion du quai de Joal.
Pour ce qui est des infrastructures complémentaires,
nous avons dénombré 3 fabriques de glace fonctionnelles, 2 usines
de transformation et de nombreuses stations services.
En matière de financement de la pêche, plusieurs
structures peuvent être citées.
A Mbour, on a le crédit mutuel et la mutuelle de la
FENAGIE Pêche jouxtant l'esplanade réservée aux camions
frigorifiques. Cette dernière est plus spécialisée et
permet à tous les acteurs de pouvoir bénéficier de
crédits plus facilement.
A Joal, on a la Mutuelle d'Épargne et de Crédit
pour le Développement de la Pêche à Joal soutenue,
techniquement et financièrement par, l' ADPES et la FENAGIE. Son
principal objectif est de collecter les fonds disponibles dans la
localité pour satisfaire les besoins financiers de ses membres.
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