CONCLUSION
Cette réflexion avait pour objet l'examen, dans le
cadre du réseau CamCCUL, des garanties auxquelles les COOPEC ont recours
alors qu'elles ont affaire à des personnes aux conditions
économiques précaires et généralement exclues du
système bancaire classique. Il en ressort que les COOPEC font usage de
mécanismes de garantie variés en puisant dans les
sûretés classiques et en développant d'autres
mécanismes plus spécifiques et mieux adaptés.
Relativement au recours aux sûretés classiques,
les COOPEC du réseau CamCCUL s'efforcent à mettre en oeuvre
l'essentiel des mécanismes organisés par l'Acte uniforme portant
organisation des sûretés. L'affection pour les
sûretés réelles a été notée, et est
renforcée par la tendance à l'affectation d'un actif à
l'engagement de la caution ou du garant. L'hypothèque fait à cet
égard quelques fois ombrage à d'autres sûretés et
conduit, lorsqu'elle ne peut être prise, à l'abandon pour
défaut de garantie de projets de financement pourtant viables. L'usage
du nantissement reste restreint dans son assiette. De nombreux biens, les
récoltes notamment, sont souvent laissés de côté au
profit des marchandises, des équipements et des véhicules
automobiles. Cette situation freine le financement des activités
agricoles pour lesquelles le nantissement des récoltes constituerait une
garantie appropriée. En matière de gage, l'on aura
constaté que certains mécanismes utilisés ne trouvent pas
une qualification juridique claire. Il en est ainsi des dépôts
libres de documents que l'on pourrait dans certains cas qualifier de gage, mais
qui dans d'autres circonstances participent davantage de la mise en oeuvre du
droit de rétention.
Plus significativement, les sûretés
réelles se sont révélées être assez
contraignantes pour les COOPEC. Le formalisme qu'elles requièrent en
matière d'élaboration et de publicité des actes exigent
que les COOPEC se dotent de compétences juridiques suffisamment
qualifiées, ce qui pour le moment fait sérieusement défaut
dans le réseau CamCCUL. L'absence des institutions publiques -
judiciaires notamment - et des officiers ministériels (notaires) dans
certaines localités pose également des difficultés aux
COOPEC quant à la mise en oeuvre des sûretés
réelles. Les procédures que ce type de sûretés
impliquent engendrent aussi des coûts que les COOPEC s'efforcent à
éviter en optant pour les actes sous seing privé et en
s'abstenant de procéder dans certains cas aux modalités de
publicité desdits actes. A ce propos, la suppression de
la procédure d'enregistrement pour les actes juridiques faisant
intervenir les COOPEC est for recommandable. Les difficultés
spécifiques à l'hypothèque constituent également un
appel à l'endroit du législateur. En effet, bien qu'elle soit
très prisée, l'hypothèque constitue une
sûreté difficile à obtenir en raison de la rareté
des immeubles immatriculés et des coûts exorbitants qui y sont
associés. Une sûreté qui emprunte à la cession de
loyer et au régime actuel de l'hypothèque a été
envisagée dans ce travail. Elle permettrait de donner en garantie
l'usage et la jouissance de l'immeuble. Ainsi, les revenus escomptés sur
la location de l'immeuble pourraient être donnés en
sûreté, ce qui permettrait d'éviter que le membre ne soit
dépossédé d'un bien qu'il a mis de nombreuses
années à acquérir pour une dette que les fruits de
l'immeuble permettraient de régler en quelques mois.
Pour ce qui est des sûretés personnelles, le
cautionnement et la lettre de garantie sont toutes deux employées. Sont
cependant généralement affectés à l'engagement de
la caution, soit un dépôt de consignation sous la forme d'une
épargne bloquée, soit une hypothèque. Sans constituer une
exigence légale, le garant et la caution dans le réseau CamCCUL
sont toujours des membres de la COOPEC qui octroie le crédit. Ces
spécificités dans le réseau peuvent être
attribuées à une tendance rigoureuse à la prudence
conduisant à l'inclination pour les sûretés faciles
à réaliser et surtout à liquider. Cependant, elles
traduisent également une faible maîtrise des effets des
sûretés personnelles. De même, bien que très
répandue, l'affectation de l'épargne de la caution à son
engagement engendrent des difficultés essentiellement liées au
contrôle du mécanisme. Le développement des
sûretés personnelles, et singulièrement de la lettre de
garantie, se pose comme une démarche nécessaire au financement
par les COOPEC du réseau CamCCUL des PME/PMI. Cependant, de nombreuses
prérogatives dont les COOPEC pourraient se prévaloir sont
ignorées. C'est ainsi que la mise en oeuvre des sûretés
légales est quasiment inexistante. Ceci constitue un handicap et
contribue à mettre sérieusement en péril la créance
de l'établissement dans le cadre du recouvrement forcé ou
contentieux.
Les contraintes, faiblesses et lacunes observées en
matière de sûretés réelles, couplées à
une recherche continue de spécificité telle qu'observée
dans le réseau expliquent largement le recours aux mécanismes de
garantie spécifiques recensés à la CamCCUL. Deux
techniques ont été identifiées dans ce cadre. La
première qui consiste en la mutualisation des risques a conduit au
développement d'un programme d'assurance très particulier qui
emprunte tantôt aux règles classiques en la matière,
tantôt aux règles
nouvelles nées dans le cadre de la microassurance en
microfinance, ou résultent simplement du contexte spécifique de
ce réseau d'EMF et des difficultés auxquelles il fait face. Le
programme de gestion des risques tel qu'il est désigné permet
à la fois à la caisse de base de garantir ses crédits
à travers une assurance multirisques qui associe le risque de
décès et celui d'invalidité totale, et de garantir
l'épargne du membre à travers la couverture de l'épargne
et des parts sociales. Le programme de gestion des risques constitue pour la
ligue un produit financier qui, au-delà des objectifs spécifiques
à ses affiliés et à ses membres tels qu'identifiés,
permet de réaliser les objectifs d'harmonisation et de solidarité
dans le réseau. Le programme de gestion des risques s'avère
être jusqu'ici un succès. L'analyse montre même que son
succès pourrait expliquer l'absence d'un fonds de garantie uniquement
affecté au risque crédit et qui serait directement
constitué par les emprunteurs membres des différentes caisses de
base ayant souscrit audit fonds. Mais à la vérité,
l'existence du programme de gestion des risques ne s'oppose pas à la
mise en place d'un fonds de garantie dans le réseau.
La seconde technique identifiée dans le cadre du
recours aux mécanismes de garantie classique est celle qui met à
contribution les instruments et moyens de paiement. L'analyse a
révélé à ce sujet que la garantie financière
sous la forme d'une épargne bloquée de 30% en principe est la
garantie la plus ancienne du réseau et est systématique. Elle
souffre cependant de la difficulté de contrôle et de la faiblesse
des systèmes d'information et de gestion (SIG) utilisés dans le
réseau et de façon générale dans le secteur de la
microfinance, qu'il s'agisse des systèmes manuels ou des systèmes
automatisés. La définition rigoureuse des cahiers de charges des
experts responsables de l'élaboration de ces SIG devrait contribuer
à résorber la difficulté. La conception des cartes
individuelles des membres avec un espace pour les opérations de blocage
d'épargne contribuerait, en ce qui concerne cette question, à
améliorer les SIG en question.
Toujours dans le cadre du recours aux moyens de paiement en
matière de garantie des créances liées aux
opérations de crédit, le constat de l'usage des «
chèques de garantie » constitue une sérieuse
irrégularité juridique, même si l'on note encore ici et
là un succès de ces mécanismes plutôt dû
à l'ignorance des membres. La lettre de change remplacerait avec plus de
succès et plus de légalité les chèques de garantie.
Plus heureuses sont les techniques de domiciliation et cession des
rémunérations, malgré quelques lacunes liées au non
respect de certaines formalités, en l'occurrence la quotité
cessible et saisissable et la déclaration volontaire de cession au
greffe.
Les efforts dans la recherche de mécanismes efficaces
et appropriés de garantie des créances de crédit par les
COOPEC du réseau CamCCUL sont considérables. Ces efforts doivent
cependant être accompagnés de facteurs externes liés par
exemple au cadre législatif et à l'environnement
économique des populations cibles de la microfinance en
général et de celles des COOPEC en particulier. Dans ce sens, il
faut espérer que l'Acte uniforme OHADA relatif aux
sociétés coopératives et mutualistes en projet prennent
formellement en compte certaines des critiques et des recommandations
formulées durant ces dernières années.
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