UNIVERSITE DE YAOUNDE II
THE UNI VERSITY OF YAOUNDE II
FACULTE DES SCIENCES PROGRAMME DE FORMATION
DOCTORALE
ECONOMIQUES ET DE GESTION UFD DESS DE GESTION BANCAIRE ET
DES
BP1365 YAOUNDE ETABLISSEMENTS FINANCIERS
CAMEROUN Centre de Formation professionnelle
en
Banque et Finance
BP: 8370 Yaoundé, Cameroun. Tél. 77 55
27 25
MEMOIRE DE D.E.S.S.
LA GARANTIE DES CREANCES DES COOPEC:
LE CAS DU RESEAU CamCCUL
Présenté par :
PETIPE Paterne Aimé Maîtrise en droit,
Option Droit Public.
Sous la Direction de :
Pr. Jean-Marie TCHAKOUA Agrégé des
facultés de droit
Tél. (237)22 21 34 41 Fax.22 23 79
12
Janvier 2008
AVERISSEMENT
« L'Université de Yaoundé II
n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises
dans ce mémoire. Ces opinions doivent être
considérées comme propres à leurs auteurs
»
DEDICACES
A mes frères,
KOUESSIK, EDJIE, MOUKO, BIELEU et TCHODJIE TCHAMABE;
Et soeurs,
BOUANGAM et GAHA TCHAMABE.
Je sais compter sur votre amour et sur votre soutien. Je vous
dédie ce travail en signe de mon amour et de mon soutien.
REMERCIEMENTS
Je voudrais dire ma gratitude envers tous ceux qui m'ont
soutenu au cours de ce travail, ceux qui ont de près ou de loin
contribué à son aboutissement. Je voudrais vous citer tous ici,
mais vous vous douter bien que je ne puis le faire. J'implore donc votre
indulgence pour dire merci de façon particulière aux personnes
suivantes :
· Pr. Jean-Marie TCHAKOUA, pour avoir
accepté de m'encadrer dans ce travail et pour sa
disponibilité;
· Tous mes enseignants, pour l'application
dont ils ont fait preuve pendant ma formation;
· M. EKOLLO Louis, pour son encadrement
professionnel et ses précieux conseils de praticien;
· Mes amis et camarades; spécialement
à MM. KAKMO PIDEU, TJALLE Robert et Mlle. MAKUATE SIMO
Eléonore, pour avoir aimablement accepté de mettre leurs
documents à ma disposition;
· MM. BANOUGA Paul et FOBENEH
Christopher, pour leur soutien permanent;
· Mes parents, Monsieur et Madame TCHAMABE,
pour leur assistance infaillible.
PRINCIPALES ABREVIATIONS
- ACDI : Agence Canadienne de Développement
International
- Al : Alinéa
- Art : Article
- AU-DCG : Acte uniforme relatif au droit commercial
général
- AU-OS : Acte uniforme portant organisations des
sûretés
- AU-RVE : Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d'exécution
- CA : Cour d'appel
- CamCCUL : Cameroon Cooperative Credit Union League - Ligue des
Caisses Populaires Coopératives du Cameroun
- Cass. : Cour de cassation française
- C. Civ : Code civil
- CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale
- CGAP : Consultative Group to Assist the Poor
- CGI : Code Général des Impôts
- CIMA : Conférence Interafricaine des Marchés
d'Assurance
- Civ. : Chambre civile
- COBAC: Commission Bancaire de l'Afrique Centrale
- COFEB : Centre Ouest-Africain de Formation et d'Etudes
Bancaires
- COOPEC: Coopérative d'Epargne et de Crédit
- CPCC : Code de procédure civile et commerciale
- CRCAM : Caisse Régional de Crédit Agricole
Mutuel de la Gironde
(Crédit Agricole)
- DES S : Diplôme d'Etudes Supérieures
Spécialisées
- DID: Développement International Desjardins
- EMF: Etablissement de Microfinance
- FCFA : Franc de la Coopération Financière
Africaine
- FIFO : (Méthode comptable de gestion des stocks) First
In - Fisrt
Out
- GIC : Groupes d'Initiative Commune
- IARD: Assurances Incendies, Accidents et Risques Divers
- J.O. : Journal Officiel
- JCP : Jurisclasseur Périodique (la semaine
juridique)
- OAPI : Organisation Africaine de la Propriété
Intellectuelle
- OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit
des
Affaires
- OIF : Organisation Internationale de la Francophonie
- PM : Premier Ministre
- PME : Petites et moyennes entreprises
- PMI : Petites et moyennes industries
- RCCM : Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
- RECEC : Réseau des caisses d'épargne et de
crédit des femmes de Dakar
-
Rev. Jur. Com : Revue Juridique de
droit commercial
- SFD : Sociétés Financières
Décentralisées
- SIG : Système d'information et de gestion
- TPI : Tribunal de Première Instance
- UBC: Union Bank of Cameroon
- UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine -
UMAC: Union Monétaire de l'Afrique Centrale
AVANT-PROPOS
La rédaction de ce mémoire vient conclure la
formation en Gestion Bancaires et des Etablissements Financiers qui a
débuté il y a plusieurs mois par des enseignements
théoriques et s'est poursuivie dans le cadre d'un stage
académique pratique.
L'essor des établissements de microfinance (EMF) est
un phénomène majeur de ces dernières décennies au
Cameroun qui attire l'attention aussi bien au niveau macroéconomique que
microéconomique. La place des coopératives d'épargne et de
crédit (COOPEC) dans ce développement est tout aussi
significative. Les COOPEC constituent l'essentiel des EMF de notre pays.
La CamCCUL, réseau de COOPEC le plus ancien et parmi
les plus étendus du Cameroun, nous a ouvert ses portes à
l'occasion de ce stage de DESS. La convivialité et la
détermination des personnes intervenant dans ce réseau nous ont
posé un challenge unique : apporter une contribution significative
à cette volonté de réussir.
A cet effet, nous nous sommes proposé de dégager
ici une problématique majeure sur laquelle nos contributions seraient
d'une utilité pratique certaine. Après avoir recensé de
nombreuses problématiques, la question des garanties a retenu notre
attention et nous espérons que la présente réflexion
apportera quelques solutions à cet égard.
SOMMAIRE
Page
Introduction 1
PREMIERE PARTIE : LE RECOURS AUX SURETES CLASSIQUES DANS
LE RESEAU CamCCUL . . 8
CHAPITRE 1 : LE RECOURS PREPONDERANT AUX SURETES REELLES....
10
Section 1 : L'attrait des sûretés réelles .
10
Section 2 : Les contraintes inhérentes à l'usage
des sûretés réelles 20
CHAPITRE 2 : LE RECOURS SUBSIDIAIRE AUX SURETES
PERSONNELLES . 34 Section 1 : Le recours à toutes les
formes de sûretés personnelles prévues par
l'Acte uniforme 35 Section 2: L'affectation quasi
systématique d'un bien au cautionnement : le
cautionnement réel 43
DEUXIEME PARTIE : LE RECOURS AUX GARANTIES SPECIFIQUES
49
CHAPITRE 1 : LE DEVELOPPEMENT D'UN PROGRAMME D'ASSURANCE 50
Section 1: Un programme d'assurance atypique . 51
Section 2: Le mécanisme du programme 59
CHAPITRE 2 : LA MISE A CONTRIBUTION DES GARANTIES LIEES AUX
MECANISMES DE PAIEMENT 69
Section 1 : L'épargne bloquée 70
Section 2: L'usage des moyens de paiement
sécurisés 74
Conclusion : 85
RESUME
En raison de la diversité des objectifs qu'elles se
sont fixés, les coopératives d'épargne et de crédit
(COOPEC), établissements de microfinance (EMF) de première
catégorie, ont des difficultés à garantir leurs
créances.
Dans le réseau CamCCUL, les COOPEC affiliées
adoptent deux séries de réponses au problème. Dans une
démarche classique, les sûretés organisées par
l'Acte uniforme OHADA sont sollicitées. Mais elles présentent des
contraintes qui portent les COOPEC, dans une seconde approche plus
spécifique, vers le recours aux mécanismes particuliers et mieux
adaptés. Un programme d'assurance existe ainsi dans le réseau,
qui emprunte à la fois aux règles classiques en la matière
et aux règles développées dans le cadre de la
microassurance, en même temps qu'il reflète la
spécificité et les difficultés du réseau. A
côté de l'assurance, les mécanismes et moyens de paiement
sont mis à contribution. Dans ce cadre, l'usage des «
chèques de garantie » ternit le succès du mécanisme
de l'épargne bloquée et celui des virements et attestations de
paiement irrévocables.
ABSTRACT
Due to the diversity of the objectives they have set,
Cooperatives Credit Unions which are category one microfinance institutions
(MFI) face tremendous difficulties in securing their debts.
The cooperative Credit Unions of the CamCCUL network have two
sets of responses to the problem. First and in a quite classical approach,
securities organized by the OHADA Uniform Act are used. But due to the
constraints attached to the usage of OHADA securities, Cooperatives Credit
Unions have developed specific and more adapted mechanisms. In this line, an
insurance scheme exists for the network, taking into consideration both
traditional mechanisms and new techniques from the microinsurance approach, as
well as reflecting the network peculiarities and difficulties. Payment
modalities and instruments are also used. In this frame, the usage of cheques
to secure debts hinders the success of blocked savings, standing orders and
irrevocable attestations of payment.
INTRODUCTION
La démocratie gagne graduellement tous les secteurs de
la vie sociale. Longtemps conçue comme une notion politique, elle
s'étend progressivement à d'autres secteurs tels que la
gouvernance, l'environnement ou, plus significativement, l'économie.
Jadis considéré comme un espace d'élites et inaccessible
à la majorité, les services financiers s'ouvrent désormais
au grand nombre. Le développement de la microfinance permet aujourd'hui
à quelques 80 millions de personnes à travers le monde, dont 60%
de femmes, de bénéficier des services financiers classiques
d'épargne et de crédit et d'autres services
complémentaires1. Grâce au développement de
produits adaptés, les établissements de microfinance (EMF) ont pu
toucher une grande partie des personnes souvent restées en marge du
système financier classique représenté par la banque.
L'activité de microfinance bénéficie
d'une attention soutenue au plan international. Chaque année, de
nombreuses conférences sont organisées avec la présence de
grandes institutions financières, d'organisations politiques et des
représentants de diverses nations parmi les plus grandes. Ceci se
comprend facilement dans la mesure où le microfinancement est
présenté comme un outil de lutte contre la
pauvreté2. Cet objectif de lutte contre la pauvreté
traduit un mariage entre la démocratie financière
précédemment évoquée et la démocratie
sociale ou politique, le tout donnant à la microfinance une nature
singulière dans le champ global de la finance : outre l'exigence de
s'adapter à la situation précaire des personnes cibles, les
institutions agissant dans ce secteur doivent suivre un objectif qui n'est pas
purement financier, mais bien plus social.
Le contraste entre ces deux objectifs pourrait expliquer bien
des problèmes rencontrés par les établissements de
microfinance (EMF). Il est certainement à la base des difficultés
que ces institutions ont à garantir leurs créances. En effet,
participer à la lutte contre la pauvreté en faveur des personnes
aux conditions économiques précaires et s'assurer le retour de
toutes les créances sur ses personnes ne va pas sans complexité.
Pour
1 Banque Mondiale / CGAP,
www.cgap.org
2 Voir les travaux de la Conférence
Internationale de Paris sur la Microfinance et notamment l'allocution de M.
ABDOU DIOUF, Secrétaire Général de l'O.I.F,
www.elysee.fr; « Qu'est
ce que la microfinance », sur
www.microfinance.lu; EBE
EVINA (J-C), « Microfinance et lutte contre la pauvreté : mythe
ou réalité », FinancEco N°005 - Edition de Novembre
2007, disponible sur
www.financecoafridquecentrale.com.
Claudia Carbone, «avec le nombre croissant
d'activités de microfinancement, le besoin de sécurisation des
opérations de crédit devient de plus en plus
urgent»3.
Le cas des coopératives d'épargne et de
crédit (COOPEC) est plus sérieux. Etablissement de microfinance
(EMF) de la première catégorie, les COOPEC sont des
établissements qui collectent l'épargne de leurs membres et
l'emploient en opérations de crédit exclusivement au profit de
ceux-ci4. Elles correspondent en réalité à ce
qui est connu au niveau mondial comme les caisses populaires et dont la
philosophie de base est le regroupement de personnes à revenus modestes
qui ont difficilement, ou pas du tout, accès au secteur financier
formel, afin d'obtenir une synergie qui pourrait leur permettre de
réaliser des objectifs que chacun n'atteindrait pas individuellement.
Bien que la taille des COOPEC soit de plus en plus grande, celles-ci sont
fondées sur des bases sociales fortes. Elles sont dès lors plus
confrontées à la problématique globale du recours au
professionnalisme financier dans une ambiance de lutte contre la
pauvreté, problématique dans laquelle s'insère celle plus
spécifique de la garantie des créances de ces
établissements.
La question principale de ce travail est donc de savoir
comment les COOPEC garantissent leurs créances alors qu'elles ont
affaire à des personnes aux conditions économiques
précaires et généralement exclues du système
bancaire classique parce que ne pouvant remplir toutes les conditions
nécessaires pour y accéder. Quelles sont les garanties auxquelles
ces établissements ont recours dans ces circonstances? Comment
parviennent- ils à assurer efficacement le recouvrement à terme
ou au delà, des créances dont elles sont titulaires?
Le premier éclairage sur cette problématique
passe par des mises au point conceptuelles. Suivant la définition qu'en
donne le Lexique des termes juridiques, la garantie est un moyen de droit qui
permet au créancier de se prémunir contre le risque
d'insolvabilité du débiteur5. Mais en disant que la
garantie est un moyen de droit, cette définition peut amener à
penser que toutes les garanties sont des sûretés. Ces deux notions
ne sont pas synonymiques. Bien que la doctrine ne s'accorde pas sur les
critères de
3 CARBONE (C), « The Start-up-Fund: une
expérience originale de sécurisation des impayés
», Appui au Développement Autonome (ADA), Dialogue 1999. sur
www.globenet.org/horizon-local.
4 cf. Art 5 Règlement
N°01/02/CEMAC/UMAC/CONAC du 13 avril 2002 relatif aux conditions
d'exercice des activités de microfinance dans la Communauté
Economique et monétaire de l'Afrique Centrale et Art 3 Règlement
EMF 2002/21...relatif aux formes juridiques liées à chaque
catégorie d'EMF.
5 GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes
juridiques, Dalloz 2003, 14ème édition.
distinction, le principe de la distinction en lui-même
est peu contesté6. Pour certains, tandis que les garanties
regroupent tous les avantages spécifiques à un créancier
visant à le prémunir contre l'insolvabilité du
débiteur, la sûreté procède pour sa part de
l'affectation d'un bien ou d'un patrimoine ainsi que de l'adjonction d'un droit
d'action accessoire au droit de créance7. Pour d'autres
auteurs, la distinction tient en ce que les sûretés
confèrent au créancier un second débiteur ou un droit de
préférence sur le prix d'un ou de plusieurs biens, ou encore un
droit de suite alors que les garanties visent toute mesure destinée
à assurer la formation ou l'exécution des
transactions8. Dans une démarche plus rigoureuse, d'autres
critères plus précis sont définis. Selon M. CROCQ, trois
caractéristiques principales se rattachent aux sûretés :
leur finalité est d'améliorer la situation du
créancier en remédiant aux insuffisances de son droit de gage
général sur le patrimoine du débiteur; leur effet
est la satisfaction du créancier par la réalisation ; elles
procèdent - leur technique - par adjonction d'un droit
accessoire à celui résultant de la position de créancier.
Les garanties seraient plus génériques et se
caractériseraient essentiellement par leur caractère fonctionnel
que l'on retrouve aussi bien dans les sûretés que dans de
nombreuses techniques du droit des obligations9. Les
sûretés ne sont donc qu'un « sous-ensemble » des «
garanties » et ce n'est que par « commodité » que ces
deux notions sont souvent utilisées comme synonymes10.
De même, une garantie ne prémunit pas
exclusivement contre le risque d'insolvabilité, mais plus largement,
contre la défaillance du débiteur, quelle qu'en soit la cause.
L'insolvabilité n'est définie par le lexique des termes
juridiques que sous l'angle pénal. Elle constitue alors un délit
résultant d'une augmentation de son passif par le débiteur ou
d'une diminution ou dissimulation d'une partie de son patrimoine en vue de se
soustraire à l'exécution d'une condamnation pécuniaire.
Le Petit Larousse Illustré définit
l'insolvabilité comme la situation de celui qui a fait faillite et qui
ne peut donc payer ses dettes11. De manière
générale, l'insolvabilité désigne donc la situation
d'un débiteur qui ne peut pas exécuter son obligation de payer
parce que n'en ayant pas les moyens.
6 Contra. CHARTIER (Y), Rapport de
synthèse in L'évolution du droit des sûretés,
Rev. jur. com., n° spéc.
Févr. 1982, P 150.
7 PICOD (Y), Leçons de droit civil, Tom
III / 1er Vol, Sûretés Publicité
foncière, 7ème édition, Montchrestien,
1999, P 2.
8 ISSA-SAYEG (J) (Coord), OHADA
-Sûretés, Bruylant, Bruxelles, 2002. P 1
9 CROCQ (P), Propriété et
garantie, LGDJ, 1995, cité par PICOD (Y), Op. Cit., pp 11 et 12.
10 PICOD (Y), Op. Cit., p 12
11 Le Petit Larousse Illustré,
2002.
Au regard de cette définition, la garantie ne couvre
pas le créancier seulement contre un risque d'insolvabilité. Elle
prémunit le créancier contre la défaillance à terme
échu du débiteur, quelle qu'en soit la cause : qu'il soit
décédé, que son patrimoine ne soit pas assez fourni pour
le payement de sa dette, qu'il soit de mauvaise foi et ne souhaite pas «
honorer ses engagements », etc. C'est dans ce sens qu'en
définissant les différentes catégories de
sûretés, le législateur préfère la notion de
«défaillance» à celle d'
«insolvabilité» plus largement utilisée par la
doctrine12.
Il faut dès lors comprendre une garantie dans le cadre
de notre travail comme toute technique, tout moyen juridique par lequel le
créancier se prémunit contre la défaillance de son
débiteur.
Quant à la créance, elle est définie par
le Lexique des termes juridiques comme un droit personnel,
généralement le droit de remettre une somme d'argent. La
définition qu'en donne le dictionnaire du site
www.droit.pratique.fr nous
paraît plus convenable dans le cadre de cette analyse. La créance
est alors présentée comme le droit en vertu duquel une personne,
le créancier, peut exiger d'une autre, le débiteur,
l'exécution d'une obligation, généralement la remise d'une
somme d'argent. Dans les COOPEC comme dans la plupart des établissements
qui pratiquent l'épargne et le crédit13, les
créances sont souvent liées à l'activité de
crédit, les autres créances telles que le loyer, les charges de
fournisseurs payées d'avance ou même les créances fiscales
n'étant pas nées directement de leurs activités
principales. On entendra donc par créances ici, les créances
nées de l'activité de crédit des COOPEC. Le Lexique de
banque définit le crédit comme « une opération
par laquelle une entreprise bancaire met à la disposition d'une personne
une somme d'argent moyennant intérêts »14 . Le
lexique des termes juridiques en donne une définition plus
générale. Selon celui-ci, le crédit s'entend de «
tout acte par lequel une personne met ou promet de mettre des fonds à la
disposition d'une autre personne ou prend, dans l'intérêt de
celle-ci, un engagement par signature »15 . Le
législateur complète cette définition en précisant
que les fonds ou l'engagement sont donnés à titre onéreux
et que les opérations de crédit-bail ainsi que toute
opération de location assortie d'une option d'achat sont
assimilées à une opération de crédit16.
Le crédit désigne donc une opération par laquelle
12 Cf. art 2 AU-OS
13 Etablissement de crédit,
établissement financier, établissement de microfinance.
14
www.fbf.fr
15 GUILLIEN (R) et VINCENT (J) Op. Cit.
16 Art 6 Annexe à la Convention du 17 janvier
1992 portant Harmonisation de la Réglementation Bancaire dans les Etats
de l'Afrique Centrale.
des fonds sont mis immédiatement à la
disposition d'une personne ou un engagement pris en sa faveur, à charge
pour le bénéficiaire de rembourser lesdits fonds ou de payer le
prix de l'engagement de manière différée, augmenté
généralement des intérêts représentant un
pourcentage du montant octroyé ou garanti, des pénalités
en cas de retard et des commissions. La prestation du
bénéficiaire ou débiteur est donc différée
par rapport à celle du créancier qui accepte ainsi de recevoir
satisfaction à risque. C'est le recouvrement de l'ensemble de la
créance constituée au cours d'une opération de
crédit et affectée du risque qui doit donc être
garantie.
L'étude de la problématique de la garantie des
créances des COOPEC ainsi présentée ne manque pas
d'intérêt. Elle participe de la recherche sur les voies de
pérennisation de ces établissements. En effet, si elle
était incapable de recouvrer ses créances, une COOPEC ne pourrait
survivre bien longtemps. Son actif serait affecté de pertes continues
conduisant finalement à sa liquidation. Par suite, les objectifs sociaux
de lutte contre la pauvreté et d'amélioration des conditions de
vie des millions de personnes que ces établissements se sont
fixés ne seraient pas atteints. Au plan strictement juridique, cette
problématique permet de savoir si les sûretés
organisées par l'Acte uniforme sont adaptées à la
situation des COOPEC, et comment les y adapter le cas
échéant17. Enfin, l'examen de la garantie des
créances des COOPEC est une porte d'entrée idoine pour visiter le
gigantesque réseau de COOPEC que constitue la Ligue des Caisses
Populaires Coopératives du Cameroun (CamCCUL) Ltd.
Constituée de 191 COOPEC dont certaines
constituées depuis 1963, CamCCUL existe légalement depuis 1968,
date de son premier enregistrement. Il s'agit du réseau de microfinance
le plus étendu au Cameroun, et parmi les plus grands par son actif, son
encours de crédit et le nombre de membres. Les experts du secteur de la
microfinance le présente comme le réseau le plus important du
Cameroun18. Au 31 décembre 2006, 209.050 personnes sont
membres des coopératives du réseau CamCCUL. A la même date,
l'encours de crédit dans le réseau est d'un peu plus de FCFA
29.000.000.000 (vingt neuf milliards), les parts sociales et l'épargne
se situent au delà de FCFA 44.000.000.000 (quarante quatre milliards).
L'actif total consolidé du réseau CamCCUL en 2006 est de plus de
FCFA 53 milliards19. De sources internes, elle a été
présentée par la COBAC en 2005 comme étant le plus vaste
réseau de microfinance en Afrique Centrale. D'après cette
17 Acte uniforme du 17 avril 1997 portant
organisation des sûretés, J.O. OHADA, n° 3 du 17 avril
1997.
18 Voire EBE EVINA (J-C), Op. Cit.
19 Rapport annuel d'activité 2006
source, elle contrôle plus de la moitié du
secteur au Cameroun et un peu plus de 36% dans la CEMAC. Enfin, le
réseau CamCCUL détient environ 75% du capital social de la Union
Bank of Cameroon (UBC) PLC20. C'est dans le cadre de ce
réseau qui couvre tout le territoire national par ses bureaux locaux et
ses affiliés, et donc riche de réalités diverses que la
garantie des créances des COOPEC sera examinée.
De prime abord, il faut dire relativement à la
question posée que la littérature en matière de
microfinance lui consacre jusqu'ici peu de développements. Il est ainsi
fréquent de lire au détour d'un paragraphe que les populations
cibles du secteur sont incapables de « remplir les conditions
exigées par ces institutions [banques] (documents d'identification,
garanties, dépôt minimum etc.)21.» ; ou que
«les garanties ne sont pas adaptées à leur situation
»22, ou encore que «le membre ne peut non plus offrir
certaines garanties parce qu'il est pauvre»23, etc. sans autres
analyses24. De telles affirmations ne sont peut-être pas
fausses, mais restent superficielles et n'apportent pas
d'éléments de réponse au problème. La question est
par contre chaque jour davantage considérée avec beaucoup de
sérieux par les acteurs du secteur. Elle commence ainsi à faire
l'objet de réflexions systématiques en leur sein. Cette
observation est particulièrement fondée sur les démarches
entreprises par les EMF, et singulièrement par les COOPEC. C'est le cas
CamCCUL qui a souvent interpellé le gouvernement afin que les actions de
soutien administratif et législatif soient entreprises au niveau
national ou de la Communauté OHADA25. En l'état
actuel, on note de nombreux efforts dans le réseau dans la mise en
oeuvre du droit civil du crédit tel qu'organisé par l'Acte
Uniforme OHADA relatif aux sûretés. Les hypothèques, gages
et autres nantissements y sont désormais d'un usage quasi quotidien.
Mais les difficultés qui s'y rattachent sont tout aussi
régulières et l'on comprend la tendance des COOPEC de ce
réseau à rechercher d'autres mécanismes de garantie de
leurs créances. L'exigence d'un minimum d'épargne à
affecter en garantie du crédit et le développement d'un
système
20Rapport annuel d'activité 2005
21 « Qu'est ce que la microfinance? »,
www.lamicrofinance.org
22 NOWAK (M), fondatrice de l'Association pour le
droit à l'initiative économique (France) sur
www.lamicrofinance.org
« qu'est ce que la microfinance ? »
23 (traduction) « the member can (neither)
provide some collateral because he is poor". H.M. ABONO AWANKA, reaching the
poor with micro-credit: the missing link. Institutional Development and
Governance Issues Involving the Cameroon Cooperative Credit Union Movement,
Government, Regional and International Organizations, 140 PP, Dschang
University Press, 2006.
24 Contra. LHERIAU (L), Le droit des
sociétés financières décentralisées dans
l'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, Thèse de
Doctorat en droit privé, Université Picardie Jules Verne, Juillet
2003, P 454 & s. L'auteur consacre une section entière à la
question des garanties.
25 Voire Inter-Cooperation, Magazine
trimestriel du réseau CamCCUL, N° 0001 - Mai-Juil 2007 et N°
0002 - Oct-Dec.2007 De telles actions ne sont pas de l'initiative exclusive du
réseau CamCCUL ; aussi bien d'autres EMF que les organisations
professionnelles du secteur de la microfinance plaident la même cause.
d'assurance sont quelques illustrations de la recherche de
mécanismes alternatifs et spécifiques hors du champs des
sûretés classiques.
La première réponse du réseau CamCCUL au
problème de la garantie des crédits octroyés est donc
classique et consiste au recours aux sûretés organisées par
l'Acte Uniforme OHADA (première partie). Au delà, il fait recours
à d'autres garanties qui se veulent plus spécifiques et plus
adaptées aux acteurs en présence (deuxième partie).
PREMIERE PARTIE :
LE RECOURS AUX SURETES CLASSIQUES DANS LE RESEAU
CamCCUL
Il existe un véritable débat doctrinal autour
de la notion de sûreté. La doctrine se divise en trois groupes et
en donne tantôt une conception étroite, tantôt une
conception large, tantôt une conception plus conciliante dite
intermédiaire. Pour le premier groupe, les sûretés
constituent une catégorie précise et limitée ayant des
critères précis et dont la finalité exclusive est la
garantie du paiement d'une créance. Le second groupe les définit
pour sa part comme tout procédé dont la fonction est de favoriser
le recouvrement d'une créance. La troisième conception
présente la sûreté comme l'affectation d'un ou plusieurs
bien, voire de tout un patrimoine au bénéfice d'un
créancier par adjonction d'un droit d'action accessoire au droit de
créance. Aux termes de l'article 1er de l'Acte uniforme
portant organisation des sûretés (AU-OS), « les
sûretés sont les moyens accordés au créancier par la
loi (...) ou la convention des parties pour garantir l'exécution des
obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci ». L'Acte
uniforme a donc opté pour une définition large. Cependant, son
contenu n'est pas aussi étendu que la définition qu'elle donne.
En effet cet acte dont la prétention est d'organiser les
sûretés donne bien une catégorie finie correspondant
à des critères précis, même s'il laisse la
possibilité aux Etats membres de la communauté OHADA de
créer de nouvelles sûretés26. C'est donc sans
embarras que les praticiens du droit considèrent les
sûretés comme une catégorie close de garanties dont dispose
le créancier, cette catégorie correspondant à l'ensemble
des moyens organisés par l'Acte uniforme. Les développements qui
suivent considèrent donc comme sûretés classiques ces
moyens organisés par l'Acte uniforme.
L'AU-OS organise deux grands groupes de sûretés.
D'une part, les sûretés réelles qui donnent au
créancier un droit de préférence sur le prix de
réalisation d'un bien meuble ou immeuble. D'autre part, les
sûretés personnelles qui consistent en l'engagement d'une personne
d'exécuter l'obligation du débiteur principal si celui-ci venait
à être défaillant le moment venu, ou simplement à
première demande du bénéficiaire.
Chacun de ces groupes de sûretés a ses avantages
et ses inconvénients. De façon générale, les
sûretés réelles sont considérées comme
étant très complexes dans leur
26 Voir ISSA-SAYEG (J), « (...) rien
n'interdit un Etat Partie de créer une nouvelle sûreté dans
son droit positif national (...) », in OHADA, Traité et Actes
Uniformes commentés et annotés, éditions Juriscope,
1999, p 625.
constitution et leur réalisation en raison des
formalités qui s'y rattachent. Plus simples, souples et moins
coûteuses, les sûretés personnelles sont cependant
considérées comme plus risquées que les
sûretés réelles en ce qu'elles dépendent de la
situation du patrimoine d'un tiers27.
Celui qui a pour profession habituelle et principale l'octroi
de crédit est donc logiquement conduit vers une certaine
préférence entre les différentes catégories de
sûretés. Un arbitrage doit alors être opéré
entre les préoccupations de coût et de procédure conduisant
vers une affection pour les sûretés personnelles d'une part, et
celles d'efficacité et de minimisation des risques qui poussent le
créancier vers l'option pour les sûretés réelles
d'autre part. La deuxième catégorie de préoccupations
l'emporte sur la première au sein du réseau CamCCUL : une place
de choix est accordée aux sûretés réelles (chapitre
1) tandis que le recours aux sûretés personnelles reste
subsidiaire (chapitre 2).
CHAPITRE 1: LE RECOURS PREPONDERANT AUX SURETES
REELLES
L'AU-OS distingue deux groupes de sûretés au
sein de la grande famille des sûretés réelles. On a ainsi
les sûretés réelles mobilières sont
constituées du droit de rétention, du gage, du nantissement et
des privilèges généraux et spéciaux, et de la seule
sûreté immobilière que constitue l'hypothèque.
«Les sûretés réelles immobilières (...) ne
connaissent pas de subdivision : qu'elles soient conventionnelles ou
forcée, qu'elles s'appellent hypothèque ou privilège des
créanciers séparatiste, elles suivent toutes le même
régime juridique »28 . Le pluriel en la matière
ne se justifie pas.
Une définition simple sans être
réductrice est donnée des sûretés réelles. La
sûreté réelle se reconnaît au droit de
préférence sur le prix de la réalisation du bien meuble ou
immeuble affecté qui s'y rattache. Le droit d'action accessoire
associé à toutes les sûretés est donc à ce
stade un droit réel sur le prix d'un bien déterminé et
rendu indisponible. Il s'agit donc d'un droit facile à liquider pour les
COOPEC et qui leur offre l'avantage de la fongibilité de certains des
biens en question (section 1).
Toutefois, les droits réels font très souvent
l'objet d'une protection particulière par le législateur. Ceci se
traduit par l'institution de formalités strictes d'ordre public visant
à prévenir les abus de droit et à garantir la
propriété. Aucune distinction n'ayant été faite
entre les créanciers assujetties à telle ou telle
formalité par l'AU-OS, les COOPEC sont exposées à ces
contraintes comme tous les autres créanciers, avec au surplus les
facteurs aggravants liés à la taille de certaines d'entre elles
et à la nature de leur cible (section 2).
Section 1 : L'attrait des sûretés
réelles
Les sûretés réelles portent sur des
actifs déterminés. Elles sont donc potentiellement liquides par
nature. Autrement dit, il est possible de déterminer le prix ou la
valeur du bien objet de la sûreté dont le créancier
bénéficie du droit de préférence. Ce dernier peut
d'ailleurs se voir adjuger le bien pour le montant déterminé au
moment de la réalisation de la sûreté. Avant cela, le
créancier peut accepter un bien de même nature ou de même
valeur contre le bien précédemment donné.
Il peut s'agir d'un meuble (corporel ou incorporel) ou alors
d'un immeuble (bâti ou non bâti). Ce sont dès lors la nature
et plus significativement la valeur du bien qui intéresse le
créancier. Conscientes qu'elles pourraient avoir affaire à un
patrimoine peut riche de la caution ou du garant, les COOPEC
préfèrent obtenir de leurs membres une sûreté
réelle. C'est tout ceci qui fait dire que « (...) du moment que le
bien affecté au paiement du
28 ISSA-SAYEG (J) (Coord), Op. Cit. p 2.
créancier a une valeur égale ou supérieure
au montant de la créance, le créancier peut espérer
être payé alors que la caution [ou le garant] peut être ou
devenir insolvable »29.
Dans une démarche qui prend essentiellement en compte
la nature du bien offert en garantie, l'étude des sûretés
réelles mobilières auxquelles ont recours les COOPEC (§ 1)
précèdera celle de l'hypothèque (§ 2).
§ 1 : Les sûretés réelles
mobilières
Les sûretés réelles mobilières
sont des sûretés dont l' « assiette », la chose offerte
en garantie ne peut être qu'un meuble. Elles sont au nombre de quatre aux
termes de l'article 39 de l'AU-OS, à savoir : le gage, le nantissement,
le droit de rétention et les privilèges. Les privilèges ne
sont pas une catégorie véritablement utilisée par les
COOPEC. Au regard de l'identité qu'ils présentent relativement
à leurs effets, le gage et le droit de rétention30, la
tentation est grande d'analyser leur usage par les COOPEC dans un mouvement
unique. Seulement, le droit de rétention ne fait pas l'objet d'un
recours formel ou même systématique par ces dernières. Il
est dissimulé dans des pratiques qui tantôt s'apparentent aux
mécanismes de certaines sûretés classiques et tantôt
apparaissent comme des garanties spécifiques développées
par ces établissements. Le recours au gage sera donc
étudié isolément (A) tandis que le droit de
rétention sera évoqué dans la suite de notre travail
chaque fois qu'une sûreté ou un autre mécanisme, dans sa
mise en oeuvre par les COOPEC du réseau CamCCUL, mettra en
évidence une de ses caractéristiques. Les nantissements sont par
contre prisées des COOPEC et méritent une attention
particulière (B).
A - Le gage
Le gage est une convention par laquelle un bien meuble
(corporel ou incorporel) est remis au créancier ou à un tiers
pour garantir le paiement d'une dette31. Le gage a donc l'avantage
non seulement de rendre un bien indisponible pour celui qui l'offre, mais aussi
et surtout de placer ce bien sous la garde d'un tiers ou du créancier
lui-même. Le débiteur ne saurait donc organiser son
insolvabilité dans ce cas en faisant disparaître le bien. Le gage
est également flexible et permet d'opérer une subrogation de la
chose gagée par une autre en cours d'exécution de la
convention32.
29 PICOD (Y), Op. Cit. p 136.
30 Le législateur OHADA fait
référence au gage pour le régime juridique du droit de
rétention (art 43 AU- OS). Voir ISSA-SAYEGH et al, Op. Cit. p 78.
31 Art 44 et 46 AU-OS
32 Art 46 AU-OS
Dans la pratique, les COOPEC acceptent plusieurs types de
bien en gage. Les bijoux, le mobilier, les appareils
électroménagers, les téléphones portables et autres
matériels et équipements tels que les moulins sont ainsi
acceptés.
Il convient de s'arrêter ici sur deux catégories
de biens. Les premiers sont des biens à valeur culturelle. C'est le cas
des tenues traditionnelles, masques et autres parures utilisées lors de
grandes manifestations. Ces biens sont dotés d'une forte dose de
sensitivité et de portée psychologique en raison de leur
caractère culturel. Ils représentent dans certains cas de
véritables « bijoux de famille ». Ils sont acceptés par
les COOPEC du réseau CamCCUL, mais restent très marginaux au sein
des biens conservés en gage. Même s'ils ne présentent pas
toujours une valeur vénale suffisante pour le paiement du crédit
à la suite de la réalisation du gage, ils offrent de par leur
nature et la valeur culturelle qui leur est accordée, un moyen de
pression des plus efficaces sur les débiteurs dont le patrimoine est
bien souvent pauvres pour le paiement de la dette. Seule la capacité de
générer des revenus afin de payer constitue dans ce cas le
véritable gage tandis que le bien détenu constitue la mesure
comminatoire nécessaire.
La deuxième catégorie de biens est
constituée d'actes juridiques. Dans certains cas, les COOPEC acceptent
de tels documents en gage. Il arrive aussi que la possession de ces documents
résulte d'une mauvaise prise de garantie, les COOPEC pensant prendre des
sûretés autres que le gage. Ceci est régulier lorsque les
actes de vente, les titres fonciers, des factures ou même des actes de
naissance comme ce fut le cas par le passé sont acceptés.
Seulement, elles se rendent compte par la suite que l'hypothèque, le
nantissement ... qu'ils pensaient réaliser n'est pas possible. La
question s'est alors posée de savoir si elles pouvaient conserver ces
biens et à quel titre. Certains ont évoqué le droit de
rétention. Seulement, malgré l'acharnement dans la
démonstration juridique des défenseurs d'un droit de
rétention conventionnel, cette sûreté reste en
l'état actuel du droit positif une « sûreté
légale », l'AU-OS ayant bien définit les circonstances dans
lesquelles le créancier peut « conserver la chose » sans le
consentement du débiteur33. Il ne relève donc pas du
droit de rétention que le débiteur remette lui-même ses
biens avec l'intention de constituer une sûreté.
Lorsque les documents en questions sont des actes de ventes
ou des titres fonciers, l'on essaye alors d'assimiler l'opération
à une prise d'hypothèque. Les procédures en la
33 PICOD (Y), Op. Cit. p 187
matière sont pourtant bien connues et ne laissent pas
de place au doute ou à l'hésitation34. Obtenir de
l'emprunteur le dépôt de son titre foncier, d'un acte de vente,
d'un acte de cession de droits coutumiers ou de tout autre acte qui donne ou
reconnaît un droit à celui-ci ou à un tiers ne constitue
autre sûreté que le gage ou une cession de créance au cas
où le titre est payable au porteur. Ce simple dépôt ne peut
en réalité donner aucun droit au créancier sur l'actif
qu'il concerne ou subroger celui-ci aux droits de l'emprunteur. Seul l'acte
ainsi déposé est visé par les droits de garde et de
préférence de la COOPEC. Bien entendu, cette dernière ne
pourra pas vraiment le vendre en cas de défaillance de l'emprunteur.
Comment vendrait-il un titre foncier ou un arrêté
d'intégration ou d'affectation? Une fois de plus, le principal
résultat est la pression exercée sur le débiteur. La prise
en gage d'actes juridiques présente à certains égards les
caractéristiques de sûretés négatives35.
Elle empêche en effet que le bien dont l'acte constitue le titre ne soit
aliéné, le débiteur ne pouvant plus prouver son droit sur
ledit bien. Par ailleurs, il ne pourra plus proposer ce bien, ou plutôt
ce titre, en garantie d'un emprunt dans un autre établissement
36.
Au demeurant, le gage est prisé des COOPEC, mais il
est fréquent qu'elles s'emmêlent entre cette sûreté
et d'autres. Dans le cas d'actes juridiques, elles ne devraient pas se
préoccuper du droit que confère ledit acte ; l'essentiel serait
de prendre un gage en bonne et due forme et de s'assurer que le débiteur
ne se fera pas délivrer un duplicatum. C'est ainsi que sans prendre un
nantissement sur un compte bancaire, elles pourraient accepter en garantie les
formules de chèque du titulaire du compte. L'enregistrement du contrat
de gage au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (RCCM) devra alors
être notifié à l'établissement teneur du compte afin
que de nouvelles formules de chèque ne soient délivrées au
titulaire. Une telle sûreté pourrait être
intéressante à l'égard des personnes morales (PME). Ce
sont elles qui ont le plus recours aux comptes courants et qui font plus
régulièrement les paiements par chèque. Mais elle
constituerait simplement une mesure comminatoire. L'association d'autres
sûretés telles que les nantissements permettrait d'obtenir une
meilleure garantie de paiement.
B - Le nantissement
34 Cf. § 2: l'hypothèque
35 Sur la notion de sûretés
négatives, voir Droit des sûretés, sur
www.members.fortunecity.com
36 Voir LHERIAU (L), Op. Cit. p 458.
L'AU-OS ne donne pas une définition expresse du
nantissement. Certains auteurs, reprenant la définition de l'article
2071 C. civ., le présentent comme « un contrat par lequel un
débiteur remet une chose à son créancier pour
sûreté de la dette »37. Cette définition a
le mérite de montrer que le gage et le nantissement au sens stricte
procèdent du même mécanisme, la différence
principale résidant dans la dépossession du débiteurs ou
du tiers nantissant. L'AU-OS, sans la donner, suggèrent d'ailleurs cette
définition lato sensu du nantissement en instituant directement
à la suite du gage le « nantissement sans dépossession
», le gage pouvant alors être considéré comme le
nantissement « avec dépossession ». Cependant, pareille
définition risque de créer une confusion entre le gage et le
nantissement (sans dépossession). Même si certains auteurs
corrigent fort opportunément la définition du code civil en
précisant qu'il s'agit d'une « affectation » plutôt que
d'une « remise », il parait peu opportun de reprendre cette
définition dans le cadre de la communauté OHADA. Le nantissement
ne porte pas ici sur les biens meubles et immeubles comme c'est le cas dans le
code civil avec la distinction entre le gage et
l'antichrèse38. En outre, l'AU-OS, après la
formulation du Chapitre III de son Titre II, abandonne immédiatement la
précison « sans dépossession » et consacre mutatis
mutandis la conception stricte du nantissement.
En combinant les dispositions de l'AU-OS relatives à
cette sûreté, et suivant en cela la doctrine dominante, il ressort
que le nantissement est un contrat par lequel une personne affecte en garantie
de paiement d'une dette un bien meuble dont il conserve cependant la garde et
l'usage. Dans certains cas, le bien peut même être
cédé et remplacé par d'autres biens grâce au
mécanisme de la subrogation réelle. Le nantissement ne rend donc
pas tous les biens indisponibles, les biens fongibles notamment.
Le nantissement peut naître de la volonté des
parties ou du pouvoir du juge. L'AUOS a organisé quatre régimes
de nantissement : celui du fonds de commerce et le privilège du vendeur,
des véhicules automobiles et des matériels professionnels, celui
des droits d'associés et des valeurs mobilières et celui des
stocks. Il renvoie celui des droits de la propriété
intellectuelle à un texte spécifique de l' OAPI qui tarde
à venir. De toutes les façons, ce n'est pas celui auquel les
COOPEC s'empresseraient d'avoir recours.
Les COOPEC du réseau CamCCUL font
généralement recours à deux types de nantissement : le
nantissement du matériel professionnel et des véhicules
automobiles et le
37 NYAMA (J.M.), Op. Cit. , p 249. PICOD (Y), Op.
Cit. p 141 ss.
38 Voir la définition du nantissement par le
Lexique des termes juridiques, 14ème édition,
D., 2003.
nantissement des stocks39. C'est le nantissement
du matériel professionnel et des véhicules terrestres à
moteur (automobiles) qui est le plus courant. Les nantissements qui visent ces
deux catégories de biens sont pratiqués par les caisses
situées en milieu urbain ou semi urbain. La procédure est
généralement respectée, notamment lorsqu'il s'agit d'un
véhicule automobile. Dans ce cas, l'enregistrement au registre du
transport ne fait pas défaut. Très souvent, il est associé
à une assurance automobile autre que la responsabilité civile
(vol, accident et incendie) afin de s'assurer que si le véhicule venait
à faire l'objet d'un de ses sinistres, la compagnie d'assurance paierait
la dette du membre. Cette procédure ne va pas sans heurt dans la mesure
où les compagnies d'assurance utilisent pour la plupart des contrats
standard qui n'aménagent pas d'espace pour le bénéficiaire
de l'assurance en présumant que le souscripteur est également
bénéficiaire. Pour ce qui est du matériel professionnel,
seul celui ayant une véritable valeur marchande est accepté en
nantissement. Ces formes de nantissement visent les crédits d'un montant
relativement élevé - un million ou plus - et octroyés dans
le cadre du financement des activités de production.
Le nantissement des stocks est moins développé.
L'assiette de ce cautionnement est constituée de biens fongibles dont
« les matières premières, les produits d'une exploitation
agricole ou industrielle, les marchandises destinées à la vente
»40 . Dans la pratique, ce sont les stocks de marchandises
destinées à la vente qui intéressent les COOPEC. Ceci
conduit au développement du financement durable des activités
commerciales tandis que le financement des activités agricoles
basées en zone rurale présente plusieurs problématiques
liées aux garanties. Même si l'AU-OS ne le dit pas
précisément, il ressort de la pratique en la matière et de
la doctrine que les récoltes sur pied et à venir, les
récoltes extraites et stockées et même les récoltes
de champs non encore plantés peuvent être nanties41. Le
financement de la culture du cacao par les COOPEC des provinces du Sud, du Sud
Ouest, du Centre et autres provinces propices à cette culture pourrait
ainsi être garanti par les récoltes futures de cacao. Il serait
aussi facile et adapté dans le cadre du financement de la culture du
coton, d'oignons et d'arachides dans les provinces septentrionales du
Cameroun.
Le développement du nantissement est crucial à
cet égard, la plupart des COOPEC du réseau étant
situées en zone rurale et finançant essentiellement les
activités agricoles et
39 La ligue fait exception en la matière en
détenant dans ses coffres au moins un nantissement de bon de caisse
(valeur mobilière).
40 Art 100 AU-OS
41 LHERIAU (L), Op. Cit., p 458.
autres activités rattachées42. Il
est urgent d'étendre aussi largement que possible l'assiette de cette
sûreté. Elle est plus adaptée aux montants des financements
en ce qu'elle peut garantir aussi bien les crédits de faibles montants
que ceux de montants élevés. Elle est également
adaptée à la situation des membres qui présentent un
patrimoine faible et qui peuvent ainsi offrir un actif futur en
sûreté.
§ 2 : L'hypothèque
Au-delà de toutes les divergences doctrinales dans son
appréciation et des remarques qui font parfois état de son recul,
l'hypothèque reste en pratique la « reine des sûretés
». Il s'agit d'une sûreté réelle qui naît
tantôt de la volonté des parties (hypothèque
conventionnelle), tantôt du fait de la loi (hypothèque
forcée légale), tantôt du pouvoir du juge
(hypothèque forcée judicaire). Seul les biens immeubles peuvent
être hypothéqués. Le créancier
bénéficiaire dispose alors d'un droit de suite et d'un droit de
préférence sur lesdits immeubles43. C'est la
sûreté qui semble la plus connue du public. C'est celle qui est la
plus recherchée par les professionnels. C'est encore elle que l'on
retrouve dans les discours les plus éloquents sur la capacité des
populations à accéder au crédit relativement aux garanties
requises. Dans de nombreux cas, elle fait ombrage à d'autres
sûretés et mécanismes de garantie et fait échec
à certains financements que ces autres mécanismes auraient
pourtant efficacement garantis. La recherche excessive de l'hypothèque
comme catégorie de sûreté par les créanciers est un
extrémisme qui prête le flanc à la critique. Elle ne manque
pourtant pas de nobles justifications. L'hypothèque porte sur les
immeubles, des biens rares (A) et par conséquent précieux (B).
A - La rareté des actifs immobiliers
Dire que l'immobilier est un bien rare peut susciter
l'étonnement. L'on pensera de prime abord que c'est le bien qui existe
partout, même quand les autres biens n'existent pas. L'immeuble peut
être non bâti : il s'agit seulement d'un lopin de terre
cultivé ou non, et c'est ce que l'on retrouve un peu partout, y compris
au fonds des mers et des océans. Il peut être bâti : une
« maison » est alors érigée sur la parcelle de terrain.
Ici encore, nos villes et campagnes sont faites de bâtisses servant soit
à l'habitation, soit à la réalisation de nombreuses
activités économiques, sociales, administratives et militaires,
etc.
42 Les données internes font état de
la localisation de 70% des affiliés en zone rurale et d'une proportion
d'un peu plus de 50% de l'encours de crédits affecté au
financement de l'agriculture. Cf. « Aperçu de la CamCCUL » et
statistiques sur les opérations de crédit du réseau au
31/12/2006.
4 3 Art 117 AU-OS
C'est en réalité la loi, et dans notre cas, les
articles 1er à 7 de l'ordonnance N°74/1 du 6 juillet
1974 fixant le régime foncier au Cameroun, modifiée et
complétée par l'Ordonnance N° 77/1 du janvier 1977, qui
rendent l'actif immobilier rare. Il ressort des dispositions combinées
de ces articles que seule l'obtention d'un titre foncier à la suite
d'une procédure d'immatriculation donne droit à la
propriété foncière. C'est la seule façon de devenir
titulaire du droit de propriété en matière
immobilière au Cameroun. Les officiers ministériels, les notaires
notamment, sont les gardiens institués du respect de ces dispositions.
L'article 8 de la même Ordonnance dispose que tous les actes
constitutifs, translatifs ou extinctifs de droits réels immobiliers
doivent être établis en la forme notariée, à peine
de nullité. Les notaires qui prêtent leur concours à la
violation de ces dispositions encourent les mêmes peines que les auteurs
principaux à savoir, une amende de FCFA 25.000 (vingt cinq mille)
à FCFA 100.000 (cent mille) et / ou un emprisonnement de 15 jours
à 3 ans. L'AU-OS ne remet pas en cause ces dispositions nationales. Il
les renforce au contraire. Aux termes de l'article 119, « seuls les
immeubles immatriculés peuvent faire l'objet d'une hypothèque,
sous réserve des textes particuliers autorisant l'inscription provisoire
d'un droit réel au cours de la procédure d'immatriculation,
à charge d'en opérer l'inscription définitive après
l'établissement du titre foncier ». En clair, seuls les terrains
immatriculés ou ceux en voie d'immatriculation peuvent faire l'objet
d'hypothèque.
Cette catégorie est minime dans la plupart des pays
africains au sud du sahara. Au Cameroun, les opinions les plus favorables n'ont
pas jusqu'ici estimé à plus de 15% les terrains occupés et
qui sont immatriculés. Dans le réseau CamCCUL, ils sont
estimés à moins de 10% dans les agglomérations urbaines et
moins de 2% en zones rurales et semi urbaines44. La révision
en 2005 et le 16 décembre du décret N° 76/165 du 27 avril
1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier avec pour objectif
avoué de faciliter l'accès à la propriété
foncière dans notre pays n'est pas de nature à suggérer le
contraire. Les parcelles immatriculées sont donc rares.
L'assiette de l'hypothèque très large au
départ (biens immobiliers) a donc été restreinte à
la seule catégorie des immeubles immatriculés, ces derniers
étant d'une telle rareté qu'ils suscitent tout naturellement la
convoitise.
B - La préciosité des actifs immobiliers
4 4 Voir TEKU OBEN (C), «The incidence of the
implementation of the OHADA law in the recovery of debts by MFIs in
Cameroon» , interview réalisée par EKOLLO (L) in
Inter-Cooperation (publication trimestrielle du réseau CamCCUL) N°
0001 May - July 2007, p 12.
La plupart des économistes présentent ce
principe comme étant un des fondamentaux de la discipline : la
première caractéristique d'un bien précieux, c'est sa
rareté. Ce principe est à la base de la théorie
monétaire et a conduit à l'abandon de la planche à billet
dans la plupart des économies dites modernes. L'argumentaire emprunte
donc ici à la discipline économique.
Suivant la démonstration faite plus haut, la
propriété foncière est pratiquement un luxe. De nombreuses
personnes aspirent au statut de propriétaire en matière
immobilière. Les immeubles sont ainsi devenus très chers. Jadis
considérés comme un phénomène urbain, la
cherté de l'actif immobilier gagne progressivement les zones semi
urbaines et rurales. Du coup, l'hypothèque réunit les deux
qualités essentielles d'une sûreté. Elle est un bon moyen
de pression. Le propriétaire ne voudra pas être
évincé de son droit et fera tout pour payer sa dette. S'il n'y
parvenait pas, la seconde qualité de cette sûreté serait
alors mise en oeuvre par la COOPEC. Elle procèderait plus ou moins
facilement à la vente forcée de l'immeuble ou se la fera adjuger
pour ainsi recouvrer sa créance. Ne serait ce qu'à partir des
loyers dont elle pourra en tirer, elle parviendra bon an mal an à
recouvrer son dû.
Les loyers sur immeuble suivent en effet la même
tendance que les prix de l'immobilier. A cet égard, le
législateur national ou OHADA pourrait envisager une sûreté
spécifique visant les loyers sur immeuble au regard de leur importance.
Il pourrait s'agir d'une hypothèque qui porte exclusivement sur
l'usus et le fructus de l'immeuble lorsqu'elle est mise en
oeuvre. En d'autres termes, si l'emprunteur venait à ne pas payer sa
dette, le créancier bénéficiaire d'une telle
hypothèque aurait, suivant une certaine procédure, le droit de
percevoir les loyers sur l'immeuble jusqu'à recouvrement complet de sa
créance. La COOPEC ne viendrait ainsi à demander la mutation de
l'hypothèque de l'usus et du fructus en
hypothèque pleine sur l'abusus que si elle apporte la preuve
qu'elle est en cessation de paiement (c'est-à-dire qu'elle ne peut plus
continuer ses activités)45. Une mutation légale et de
plein droit pourrait être instituée pour les créances dont
le solde restant dû est susceptible de faire l'objet d'un remboursement
pendant une durée plus ou moins longue (cinq ans et plus par exemple) au
regard du loyer moyen mensuel que peut générer l'immeuble
concerné. Ceci aurait l'avantage de ne pas évincer un pauvre
d'une propriété qu'il a mis de nombreuses années de sa vie
à acquérir et à bâtir pour une dette
dont les fruits de l'immeuble pourraient servir à
rembourser au bout de deux ou trois ans. Avec des modalités de
constitution et des formalités de publicité
allégées, cette sûreté serait appropriée pour
les crédits de faibles montants.
Le champ des sûretés réelles n'est donc
pas encore entièrement exploité par les COOPEC. Le
législateur pourrait d'ailleurs améliorer ces
sûretés et en créer de nouvelles. Ce faisant, il
lèverait certaines des contraintes qui se rattachent à leur
usage.
Section 2 : Les contraintes inhérentes à
l'usage des sûretés réelles
Les participants au séminaire de Dakar pour «
l'élaboration d'un Acte uniforme relatif au droit des
sociétés coopératives et mutualistes et autres formes de
SFD » ont relevé deux catégories de difficultés
relativement à la mise en oeuvre des Actes uniformes OHADA par les SFD :
la non prise en compte de leurs formes juridiques dans le secteur de la
microfinance et les difficultés de constitution et de réalisation
des garanties46. C'est dire que le fait est désormais reconnu
même par les instances compétentes et les experts du domaine. Les
sûretés comportent bien des contraintes pour les COOPEC et autres
SFD.
Le recours aux sûretés réelles dans le
réseau CamCCUL fait face à des contraintes diverses. La faiblesse
du patrimoine des membres qui ne leur permet pas d'offrir en
sûreté des biens de valeur est souvent évoquée. En
réalité ces difficultés sont plus nombreuses et plus
diversifiées. Elles sont liées aux modalités de
constitution desdites sûretés (§ 1) et aux coûts
qu'engendre leur usage (§ 2).
§ 1 : Les modalités de constitution
Il faut distinguer différentes modalités lors
de la constitution des sûretés réelles. Ces
modalités ne sont pas le fruit d'un régime juridique unique de la
formation des sûretés réelles. Elles sont définies
par l'AU-OS au cas par cas. Certains des mécanismes ainsi
définies participent des conditions de validité de la
sûreté, tandis que d'autres n'ont de valeur que la preuve et
l'opposabilité aux tiers. Parmi ces dernières, certaines peuvent
donc être facultatives. Mais dans l'ensemble, les régimes des
sûretés réelles bondent de procédures d'ordre public
et donc contraignantes auxquelles le créancier
bénéficiaire et le
46 Voir le « Relevé des
conclusions et recommandations du séminaire » tenu du 24 au 26
avril 2002 au Centre Ouest-Africain de Formation et d'Etudes Bancaires
(COFEB), www.bceao.int. Voir aussi les « recommandations
» d'un séminaire organisé à Yaoundé du 22
octobre au 2 novembre 2007 sur le « Développement des secteurs
financiers inclusifs et d'instruments juridiques comme moyens de lutte contre
la pauvreté » , FinanceEco N° 005 - Novembre 2007.
débiteur ne peuvent se soustraire. Ces
modalités relèvent aussi bien de la constitution des actes de
sûretés réelles (A) que des formalités
d'enregistrement et de publicité de ceux-ci (B).
A - L'élaboration des actes
En matière d'élaboration des actes constitutifs de
sûretés réelles, une attention égale doit être
accordée à la forme de ceux-ci et à leur contenu.
En dehors du gage47, toutes les autres
sûretés réelles conventionnelles doivent être
constituées sous la forme d'un écrit. Pour le gage,
l'écrit sert à faire la preuve de son existence, et on peut
penser que cette preuve peut être faite par d'autres moyens. Il s'agit
donc d'une formalité ad probationem qui ne pose pas de
difficulté particulière aux COOPEC. Dans la pratique
néanmoins, ces EMF établissent presque toujours un contrat de
gage, l'écrit restant un des moyens de preuve les plus efficaces et
renseignant mieux sur les termes d'un contrat. Un acte sous seing privé
suffit à cet effet48. La difficulté quant à
l'élaboration des actes concerne donc les autres
sûretés.
Pour tous les nantissements et bien que l'Acte uniforme ne le
prévoit pas comme une condition générale, la forme
solennelle est requise. L'acte de nantissement doit prendre la forme d'un
écrit sous seing privé ou authentique. C'est un truisme que de
dire que les COOPEC préfèrent naturellement de loin l'acte sous
seing privé au contrat notarié. D'autres actes peuvent se greffer
au contrat de nantissement pour que celui-ci produise ses effets. C'est le cas
du bordereau de nantissement lorsqu'il s'agit du nantissement des stocks. A
côté de l'acte authentique ou sous seing privé (contrat de
nantissement) et à la suite de celui-ci, contrairement à ce que
suggère l'ordre des articles 100 et 101 AU-OS, le constituant doit
émettre en faveur du créancier un bordereau de nantissement. Avec
le nantissement, commence à véritablement se dessiner les
difficultés inhérentes aux sûretés réelles.
L'option des COOPEC pour les actes sous seing privé en la matière
n'est rien d'autres qu'une échappatoire à l'élaboration
complexe d'un acte notarié. Ce faisant, elles
4 7 Exception faite du gage sur titre de créance. Le
gage sur titre de créance doit toujours être constaté par
un écrit (art 50 AU-OS) qui a cependant la même valeur que tous
les contrats de gage. ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. p 88.
48 ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. pp 84, 85 et
88.
perdent le bénéfice du devoir d'information du
notaire qui leur expliquerait de façon détaillée, ainsi
qu'au constituant, en quoi consiste la sûreté, son régime
juridique et surtout ses effets à l'égard des parties
contractantes et mettrait en oeuvre le mandat légal dont il est
titulaire pour l'enregistrement en lieu et place des parties aux actes
établis sous sa juridiction.
En considérant l'hypothèque, les griefs
à l'égard des autres sûretés réelles quant
à l'élaboration des actes semblent soudain si
négligeables. C'est que l'hypothèque (conventionnelle) est de
bien loin la plus contraignante en la matière. Il faut au
préalable justifier de sa propriété foncière par la
possession d'un titre foncier ou alors que l'on a une demande d'immatriculation
sur le point d'aboutir. Très peu de terrains faisant l'objet
d'immatriculation actuellement dans notre pays, c'est parfois lorsqu'on pense
à offrir une hypothèque en garantie du paiement d'un
crédit que la demande est introduite auprès du sous-préfet
ou du chef de district du lieu de situation de l'immeuble. Lorsque l'emprunteur
est titulaire d'un titre foncier, l' EMF doit s'assurer de la valeur de
l'immeuble en demandant une expertise immobilière de même qu'une
attestation de non hypothèque pour s'assurer de la disponibilité
de l'immeuble. Ensuite, il faut dresser un contrat en la forme notariée.
Parfois, l'emprunteur n'étant pas légalement propriétaire
de l'immeuble (immeuble familial par exemple), il doit obtenir une procuration,
elle aussi sous la forme d'un acte authentique, avant de pouvoir offrir une
hypothèque. Rappelons ici que la possession du titre foncier de
l'emprunteur ne constitue pas une hypothèque mais un gage non
constaté par un écrit ou la mise en oeuvre du droit de
rétention de cet instrumentum par le créancier et dont
le seul intérêt est d'empêcher le propriétaire
d'accorder d'autres hypothèques de rang inférieur. Le
créancier qui a reçu l'expédition de la convention
d'hypothèque du notaire jouit de tous les droits que confère
l'hypothèque à son bénéficiaire ; il n'a nullement
besoin de garder par devers soit le titre foncier pour ces fins. De fait, en
raison de cette pratique qui consiste à retenir le titre foncier
à la suite de la prise d'une hypothèque, il n'existe presque pas
d'hypothèques multiples avec rangs différents sur un même
immeuble au Cameroun.
Relativement au contenu des actes, il est pratiquement le
même pour les actes de constitution de la sûreté
réelle, quelles que soient les nuances. Même lorsqu'il s'agit
d'une sûreté forcée judiciaire, la décision de
justice portera les mentions similaires49. C'est à
l'occasion du nantissement que le législateur
communautaire énumère ces mentions, l'écrit en
matière de gage étant facultatif et l'article 128 de l'Acte
uniforme ayant confié la rédaction de la convention
d'hypothèque à un notaire ou aux parties mais sur des formulaires
administratifs50. Les mentions exigées à peine de
nullité de l'acte peuvent être regroupées en trois
catégories : l'identification des parties (débiteur, constituant
et créancier), l'identification du bien offert en sûreté et
la cause de la sûreté (créance garantie).
L'identification des débiteurs, constituant et
créancier consistent en la mention de leurs prénoms, noms et
domiciles. Le siège social et le numéro d'immatriculation au RCCM
s'il sont des personnes morales assujettis à cette inscription. Dans le
cas des personnes morales non assujetties à cette inscription, on peut
penser qu'elles sont tenues d'indiquer leur numéro d'inscription au
registre qui convient sous la même peine. Ce serait le cas des
sociétés coopératives assujetties à l'inscription
au registre des coopératives et des groupes d'initiative commune (GIC).
La mention de l'agrément devrait au moins permettre d'avoir une
identification plus complète des établissements de crédit
et des EMF même si elle n'est pas considérée comme une
obligation dont le défaut est sanctionnée par la nullité.
L'élection de domicile du créancier (dans le ressort de la
juridiction où est tenu le RCCM ou chez le notaire ayant officier
à l'occasion) est aussi requise.
L'identification du bien renvoie à une description
détaillée et minutieuse de celui-ci : désignation
précise du bien, sa nature (genre et nombre), sa valeur, sa localisation
physique, ses démembrements (le cas d'un fonds de commerce avec le
siège principal et celui des succursales), le numéro
d'immatriculation du bien, les charges le grevant, le nom de l'assureur s'il y
a lieu, etc. Bien entendu, toutes ces mentions ne sont pas obligatoires pour
toutes les formes de sûreté réelle. Une chose est
sûre cependant, il faut présenter le bien de façon à
le rendre identifiable au sein de biens de même nature,
désignation ou valeur.
Pour la créance, la mention de son montant et des
conditions d'exigibilité du principal et des intérêts
suffit. Mais il serait de bonne pratique d'énoncer tous les termes
substantiels du crédit voire, d'annexer la convention d'ouverture de
crédit à l'acte de sûreté.
commentaire sous l'article 70. Malgré l'erreur sous
l'article 94, il s'agit bien d'un renvoi opportun au commentaire de l'article
65 comme le témoigne le renvoi sous l'article 101.
50 Au Cameroun, seul l'acte notarié est admis
en vertu de l'article 8 de l'Ordonnance N° 74/1 du 06 juillet 1994 fixant
le régime foncier.
Le contenu du bordereau de nantissement diffère de
celui des actes constitutifs des sûretés réelles. Tombant
sous le régime des effets de commerce, il s'inspire des mentions
obligatoires dans ce domaine. L'acte doit ainsi porter la mention «
bordereau de nantissement », la date de délivrance qui est en
réalité la date d'inscription du nantissement des stocks au RCCM,
le numéro d'inscription au registre chronologique et la signature du
débiteur51.
Pour des COOPEC situées en majorité en milieu
rural, ce serait l'idéal de pouvoir élaborer avec succès
de tels actes. Quand bien même ceux-ci peuvent être
élaborés par les parties sous la forme d'un acte sous seing
privé, ils requièrent une expertise minimum pour la prise en
compte des mentions obligatoires. Or, moins de 10% du personnel de ces caisses
possèdent les qualifications juridiques requises ou une
expérience confirmée dans ces matières52. La
présence d'un notaire n'est pas toujours garantie et nous verrons
qu'elle emporte d'autres contraintes53. La publicité des
actes après leur formation aggrave les griefs faits par les COOPEC aux
sûretés réelles.
B - Les formalités de publicité :
l'enregistrement et l'inscription des actes
L'enregistrement est-il l'inscription? Qu'est ce que
l'enregistrement ? En quoi consiste l'inscription? L'inscription a-t-elle
valeur d'enregistrement et vice versa? En prenant pour exemple le nantissement
des stocks, voici comment le législateur OHADA énonce les
règles relatives à l'enregistrement : « le nantissement des
stocks est constitué par un acte authentique ou sous seing privé
dûment enregistré »54, « le nantissement des
stocks ne produit effet que s'il est inscrit au Registre du Commerce et du
Crédit Mobilier ... »55. Il s'agit ici clairement de
deux formalités distinctes. Seulement, le législateur n'a pas
précisé à quelle fin ni où l'acte devait être
enregistré comme c'est le cas pour l'inscription. Il a donc
lui-même ouvert « la boîte de Pandore » et ne peut
vraiment porter le reproche aux auteurs qui n'y ont pas fait attention. On en
est ainsi arrivé à parler
d' « enregistrement au RCCM » qui ne serait pas
nécessaire au motif que l'enregistrement et l'inscription auraient alors
le même objet.
51 Art 103 AU-OS
52 Source : notre enquête menée sur un
échantillon comprenant le personnel de la ligue et celui de certaines
COOPEC de la ville de B amenda.
53 Voir § 2 ci-après: les coûts
liés à l'usage des sûretés réelles.
54 Art 100 AU-OS
55 Art 101 AU-OS
L'enregistrement s'entend suivant le Lexique des termes
juridiques d'une « formalité fiscale, obligatoire ou
volontaire, consistant en l'analyse ou la mention d'un acte juridique sur un
registre, donnant lieu à la perception de droits par l 'Etat et
conférant date certaine aux actes sous seing privé, qui en sont
dépourvus ». L'enregistrement est donc avant tout une
modalité d'imposition. A ce titre, il se fait au centre des impôts
compétent sur un registre ouvert à cet effet. Il est ensuite une
modalité de publicité qui donne date certaine aux actes sous
seing privés. C'est dans cette seconde nature qu'il rejoint
l'inscription. Cette dernière est définie par le même
lexique comme une « formalité par laquelle est obtenue la
publicité de certains actes portant sur des immeubles (...) ou sur
certains meubles ». Ce n'est donc qu'une formalité de
publicité dont le seul objet est d'informer les tiers de l'existence
d'un acte qui leur devient opposable mutatis mutandis. L'inscription
se fait dans un registre d'une administration spécialisée dans
une activité précise : RCCM, Registre Foncier, Registre de la
propriété intellectuelle, Registre du transport, etc. Elle donne
rang à la sûreté en cas de pluralité de
sûretés sur le même bien.
Le reproche du « double emploi »56 fait
à l'Acte uniforme est donc légitime quant à la
publicité. Mais pour que l'enregistrement soit supprimé, le
législateur doit renoncer à un impôt. Quand bien même
l'Acte uniforme n'aurait pas institué la formalité
d'enregistrement, ces actes seraient restés assujettis à ladite
formalité dans le contexte camerounais parce que ne faisant pas partie
de la catégorie des actes exempts d'enregistrement57. La
suppression de la formalité d'enregistrement serait heureuse pour les
COOPEC.
Le gage ne fait intervenir les formalités
d'enregistrement et d'inscription que lorsqu'il est constaté par un
écrit. En l'état actuel du droit, le greffier devrait rejeter une
demande d'inscription au RCCM d'un contrat de gage qui n'a pas fait l'objet
d'un enregistrement préalable. Peu importe que l'acte soit authentique
ou non.
Le nantissement du matériel professionnel requiert
l'enregistrement et l'inscription au RCCM. En plus de ces deux
formalités, il faut procéder à une inscription du
nantissement des véhicules automobiles au Registre de transport et en
porter mention sur le titre administratif portant autorisation de circuler et
immatriculation (carte grise) ; ce qui aggrave véritablement le
formalisme de cette sûreté bien qu'en renforçant sa
sécurité. Elle pourrait être avantageusement
allégée par la suppression de l'inscription au RCCM.
56 ISSA-SAYEG (J), Op. Cit. p 134.
57 Art 338 CGI 2007
L'inscription est valable pour cinq ans. S'agissant du
nantissement des stocks, il doit être enregistré puis inscrit au
RCCM pour une validité d'un an. Comme pour toutes ces
sûretés, le renouvellement est permis.
L'hypothèque est quant à elle enregistrée
à la diligence du notaire ayant officié. Elle est inscrite au
Registre foncier pour une validité de cinq ans.
Ces formalités sont décidément trop
lourdes pour des établissements de petite taille. Dans le contexte
camerounais, elles sont également contraignantes en raison de la faible
couverture du territoire par l'administration judiciaire et de la concentration
des officiers ministériels et des notaires en particulier dans les
villes. Il faudra parfois plus de quatre jours de voyage à un Officier
de Crédit pour se rendre au greffe de son ressort alors que sa COOPEC ne
pouvant s'offrir le luxe de deux Officiers, il officie tout seul. L'enclavement
géographique aggrave donc le mal, et, l'on s'en doute bien, les
coûts.
§ 2 : Les coûts liés à l'usage
des sûretés réelles
Les coûts sont le pic des plaintes des COOPEC à
l'égard des sûretés. Pour la plupart, ces coûts sont
engendrés par les sûretés réelles. Les coûts
liés aux garanties aggravent le prix du crédit en augmentant le
taux effectif (global) subi par le bénéficiaire. En d'autres
termes, l'ensemble des charges supportées par le membre de la COOPEC et
qui comprennent les intérêts, les frais d'études de
dossiers, les frais de supervisions sur le terrain et les charges liées
aux sûretés deviennent élevés lorsqu'elles sont
ramenées à un pourcentage du crédit. Si toutes ces charges
sont intégrées dans le coût du crédit sans
ménagement, seuls les crédits d'un montant élevé
resteront intéressants pour la COOPEC et pour le membre58.
C'est ce qui a pu faire dire que la microfinance pratique des taux
élevés59 60.
L'examen des coûts de constitution (A)
précèdera celui des coûts de réalisation des
sûretés réelles (B).
58 Il faut noter avec emphase l'urgence d'une
réglementation sur l'usure dans la zone CEMAC comme c'est le cas dans la
zone UEMOA
59 NOVAK (M), Op. Cit. CGAP, « Microcredit
Interest Rates », OccasionalPaper N°1 revised, November 2002
60 Le taux d'intérêt dans les COOPEC
n'est pas élevé comme il se présente a priori. Il varie
entre 1% et 2% par moi applicable au solde restant dû (méthode
dégressive), ce qui ne correspond pas à 12% ou 24% l'an comme
annualisé par le CGAP et d'autres intervenants du secteur. Ces taux
varient en réalité entre 6,5% et 13% l'an.
A - Les coûts de constitution
La constitution des sûretés réelles met en
jeu des coûts directs et indirects.
Il s'agit d'abord de l'élaboration de l'acte. S'il est
fait sous seing privé, il aggrave les charges administratives de la
COOPEC (papier, encre, salaire, électricité, etc). C'est le
moindre mal. Lorsqu'il est fait par acte authentique, les honoraires du notaire
constituent l'essentiel de la dépense. Ceux-ci sont élevés
en règle générale pour les petits emprunteurs,
chiffrés en centaine de milliers de franc CFA.
En second lieu viennent les droits d'enregistrement et les
frais d'inscription. La question se pose de savoir si l'enregistrement des
sûretés réelles par les COOPEC est gratis.
L'imprécision du Code Général des Impôts (CGI) en la
matière a ouvert la voie à une véritable polémique
dans la pratique. Pour les agents du fisc, les sûretés
réelles (prises par les COOPEC) ne font pas partie de la liste des
exemptions des articles 338 et 546 nouveau CGI. Ces actes ne figureraient non
plus sur la liste des actes enregistrés gratis que donne l'article 337
CGI. Les COOPEC devraient donc s'acquitter simplement de leurs impôts.
Ceci n'est que l'opinion dominante des agents du fisc, car en
réalité, certains d'entre eux admettent volontiers qu'il existe
des fondements de l'enregistrement gratis des actes des COOPEC. Ils rejoignent
en cela l'opinion des acteurs du secteur.
Pour les professionnels des COOPEC, l'article 337 CGI fournit
un fondement légal et suffisant de l'enregistrement gratis de leurs
actes. Aux termes de l'alinéa 2) de cet article, sont enregistrés
gratis, « tous les actes dont les droits à la charge des
sociétés de prévoyance, de secours et de prêts
mutuels agricoles ou des organismes coopératifs qui y sont
affiliés, n'emportant pas mutation de propriété ou de
jouissance ». Les défenseurs de cette opinion soutiennent que
le législateur a entendu par ces dispositions, alléger la
fiscalité applicable au secteur mutualiste pour leurs actes n'emportant
pas mutation de la propriété ou de la jouissance. L'achat d'un
immeuble ne serait donc pas enregistré à titre gratis au
même titre que la prise d'hypothèque sur le même immeuble
par une société de type mutualiste ou coopératif. Une
COOPEC étant d'abord et avant tout une coopérative, rien ne
l'empêcherait de bénéficier de ces dispositions.
La solution dans la pratique est donnée au cas par
cas. Elle n'est pas la même ici et là. C'est sans doute le Code
Général des Impôts qui gagnerait à être plus
précis. En attendant, une étude qui traite des coûts
devrait prendre en compte le droit d'enregistrement par respect du principe de
prudence si cher aux comptables. Nous
considérons donc que les sûretés
réelles prises par les COOPEC en garantie des crédits
octroyés à leurs membres ne sont pas exclues de l'enregistrement
gratis.
Les sûretés réelles sont soumises au
droit d'enregistrement super réduit61 au centre des
impôts du lieu de situation du bien62. Le minimum de
perception est de FCFA 2.000 (deux mille)63. Le taux super
réduit est de 1% (un pour cent)64 de la valeur du bien
indiquée dans l'acte de sûreté65. Il arrive que
la valeur du bien ne figure pas dans l'acte de sûreté. Dans ce
cas, c'est le montant garanti qui risque d'être pris en compte. Pour un
crédit de FCFA 100.000 (cent mille), il faut donc enregistrer l'acte de
sûreté à FCFA 2.000 (deux mille) qui constituent le minimum
de perception supérieur dans ce cas au montant déterminé
en appliquant le taux proportionnel. Cette somme n'est pas négligeable
si l'on garde à l'esprit que la convention d'ouverture de crédit
a été préalablement enregistrée ou qu'elle l'est au
même moment que la sûreté dans un acte séparé
ou dans le même acte mais sous le régime des dispositions
indépendantes des articles 268 et suivants CGI. Il est envisagé
une réduction de l'impôt au quart, dans le cas exclusif des mains
levées d'hypothèques. La réduction aurait pu
bénéficier à tous les actes enregistrés par les
COOPEC.
Les frais d'inscription constituent le dernier poste de
charges engendrées par la constitution d'une sûreté
réelle. A notre connaissance, le législateur OHADA n'a pas
clairement défini le régime de ces frais. On aurait pu s'attendre
à ce qu'il définisse clairement ce régime à
l'occasion de l'organisation du RCCM dans l'Acte uniforme relatif au droit
commercial général (AU-DCG). De tels frais existent pourtant car
il est par exemple prévu que le greffier puisse faire certaines mentions
d'office mais « aux frais de l'assujetti »66.
Finalement, les coûts de constitution des
sûretés peuvent représenter des sommes non
négligeables. Actes de constitution et formalités de
publicité attirent des impôts auxquels il faut d'ailleurs ajouter
le timbre. Les coûts induits de la constitution des sûretés
réelles doivent également être évoqués
même si l'on ne saurait déterminer leur montant. Toutes ces
charges sont de principe sont supportées par l'emprunteur. Dès
lors, l'exigence par les COOPEC du réseau CamCCUL de 2% (deux pour cent)
de la somme sollicitée par le
61 Art 344 al 2), 4) et 7) CGI 2007.
62 Art 303 CGI 2007
63 Art 272 CGI
64 Art 543 (e) CGI
65 Art 280 et s CGI.
66 Art 31 AU-DCG
membre aux fins de constituer la sûreté
réelle nécessaire semble le minimum. Ceci est d'autant plus vrai
que la somme ainsi collectée est en pratique conservée et les
formalités de publicité de la sûreté
effectuées seulement lorsque le membre est défaillant et qu'il
faille procéder au recouvrement forcé. Ce qui signifie que ces
formalités sont alors effectuées avec retard et attirent des
pénalités. Le cas est fréquent avec les petits emprunteurs
(centaine de mille). Lorsque le crédit est remboursé, la caution
pour prise de sûreté est en principe restituée au membre.
Ce n'est pas toujours le cas dans la pratique. Les COOPEC gagneraient à
respecter ce principe car c'est pour minimiser le coût effectif du
crédit au membre qu'il a été inscrit dans la politique de
crédit. Ces coûts peuvent être ainsi évités
pour certains débiteurs qui paient leurs dettes et ne font pas l'objet
de mesures de recouvrement forcé. Ceux qui feraient l'objet de telles
mesures subiraient en plus de la charge de constitution de la
sûreté, celle de sa réalisation.
B - Les coûts de réalisation
Au moment de leur réalisation, les créanciers
bénéficiaires de sûretés (réelles) ont
essentiellement recours à l'Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées et des voies d'exécution (AU-RVE).
Il convient de rappeler que les procédures organisées par l'AU
sont des procédures spéciales qui dérogent à la
procédure ordinaire ou de droit commun du Code de Procédure
Civile et Commerciale (CPCC). Elles sont donc en principe plus diligentes et
mieux adaptées à l'activité commerciale. Mais les
nombreuses procédures que cet Acte uniforme organise se résument
en dernière analyse en une aggravation des coûts
associés.
La procédure d'injonction67 de payer
devrait par exemple permettre au créancier de recouvrer sa
créance dans un délai bref. Une fois que celui-ci a introduit sa
requête et obtenu du Président du Tribunal de Première
Instance ou de Grande Instance une décision d'injonction de payer, il
dispose de trois mois pour signifier celle-ci au débiteur. Il faut
penser que le créancier ayant le plus intérêt à
faire avancer l'action judiciaire, il ne devrait pas attendre aussi longtemps
pour signifier l'ordonnance rendue par le juge. Le débiteur à son
tour dispose en principe d'un délai réduit pour faire opposition
; il est de quinze jours à compter de la signification. Par le
même acte, il est tenu de servir assignation à comparaître
devant la juridiction dont le Président a rendu la décision
d'injonction de payer à toutes les parties. Il fixe alors la date de
comparution et celle-ci ne peut excéder le délai de trente jours
à compter de la signification de son opposition à toutes les
parties et
67 Art 1er et s. AU-RVE
au greffe. Après une tentative de conciliation et
lorsque celle-ci s'est soldée par un échec, la juridiction statue
sans délai sur la demande en recouvrement. Sa décision a les
effets d'une décision contradictoire même si elle a
été rendue en l'absence de l'opposant et est susceptible d'appel
dans les trente jours de son prononcé.
Au total, quelques mois suffiraient pour l'aboutissement de
la procédure d'injonction de payer. Mais s'il faut en principe compter
six à huit mois pour cet aboutissement, un élément
fondamental suggère que la procédure pourrait être plus
lente dans la pratique. En effet, l' AU-RVE n'assigne pas des délais
précis à la juridiction saisie. Il n'est ainsi pas
précisé quel est le délai dont dispose le Président
de la juridiction compétente pour statuer sur la requête
d'injonction de payer et surtout le délai dont dispose celui-ci pour
conduire la tentative de conciliation. L'aboutissement rapide de la
procédure d'injonction de payer est donc conditionné par
l'absence d'opposition. Or, le débiteur a le droit de faire opposition
et par la suite l'obligation d'assigner à comparaître même
s'il ne dispose pas d'un motif valable. De même, la rigidité des
procédures, le formalisme de leur formulation et le contrôle
juridictionnel constituent d'autres sources de blocage68. Le souci
d'assurer une meilleure garantie des intérêts du créancier
suggère que compétence soit donnée au juge pour se
prononcer sur la recevabilité des motifs de l'opposition afin
d'éviter que le débiteur ne trouve dans la procédure un
subterfuge pour retarder inutilement le paiement d'une dette certaine, liquide
et exigible.
Le cas de la saisie immobilière appelle beaucoup plus
de commentaires. Il faut noter de prime abord que toutes les formalités
prescrites par l'Acte uniforme relativement à la saisie
immobilière sont d'ordre public aux termes de l'article 246 AU-RVE. Ici,
toute poursuite doit être précédée d'un commandement
aux fins de saisie signifié au débiteur et au tiers
détenteur le cas échéant. Le débiteur ou le tiers
détenteur ont vingt jours pour payer la créance ou
délaisser la propriété. Le commandement est
déposé au bureau de la conservation foncière ou de
l'autorité administrative concernée dans les trois mois de sa
signification, puis publié : il vaut alors saisie. A partir de ce
moment, le créancier dispose de cinquante jours pour faire
rédiger et déposer le cahier de charges par son avocat au greffe
du tribunal du lieu de situation de l'immeuble. A l'occasion du
dépôt, la date de la vente est fixée entre le quarante
cinquième jour et le quatre vingt dixième jour suivant le
dépôt. Sommation doit être faite sous huitaine au
débiteur et éventuellement aux autres
68 Sur l'application du contrôle strict de
ces procédures par le juge, voir à titre d'illustration CA
Ndjamena N° 281/2000, 5 mai 2000, SDV Tchad et SDV Cameroun c/ Star
National, Revue juridique tchadienne, n° 1, mai-juin-juillet 2001,
p.21 et s. Bouake, Civ, 1ère, n° 13 / 2001, 24 janvier
2001.
créanciers inscrits de prendre communication du cahier
de charges au greffe en vue de la vente. Ils sont alors informés des
jour et heure de l'audience éventuelle devant se tenir au moins trente
jours après la dernière sommation, ainsi que du jour de la vente
devant se tenir entre le trentième et le soixantième jour
après l'audience éventuelle. Le jugement à l'issue de
l'audience éventuelle est pris après échange de
conclusions des parties effectué dans le respect du principe du
contradictoire. L'audience éventuelle peut être reportée
pour causes graves ou d'office par la juridiction compétente à
l'occasion de son contrôle sur le cahier de charges. Dans ce dernier cas,
elle informe les parties de son intention de modifier le cahier de charges et
les invite à présenter leurs observations dans les cinq jours.
La vente doit être précédée quinze
jours au moins et trente jours au plus de formalités de
publicités consistant en des placards et insertions du cahier de charges
dans un journal d'annonces légales69. Ces modalités
sont susceptibles d'extension ou de restriction par ordonnance du
président de la juridiction compétente rendue sur requête.
De même, l'adjudication peut être remise par décision
judiciaire rendue sur requête introduite au moins cinq jours avant le
jour fixé pour la vente. Le créancier poursuivant a le droit de
demander la remise de l'adjudication s'il ne survient pas d'enchère
après que l'on est allumé successivement trois bougies d'une
durée moyenne d'une minute chacune. Les formalités de
publicité doivent alors être réitérées. Si
aucune enchère n'est portée lors de la nouvelle adjudication, il
est déclaré adjudicataire pour la mise à prix sur
procès verbal du notaire en l'étude de qui la vente a eu lieu, ou
sur décision judiciaire de la juridiction à la barre de laquelle
elle a eu lieu. En cas de surenchère dans les dix jours qui suivent
l'adjudication, une nouvelle audience éventuelle en vue de l'examen des
contestations de la validité de la surenchère est prévue.
Les mêmes formalités de publicités sont exigées en
vue de la nouvelle adjudication. La procédure peut être encore
plus longue pour le créancier en cas de folles enchères et de
survenance d'incidents de saisie, notamment en cas de pluralité des
saisies.
Ces deux exemples (injonctions de payer et saisie
immobilière) ainsi sommairement revisités sous l'angle des
délais et des formalités à respecter par le
créancier poursuivant présente véritablement une grande
rigidité et un formalisme qui se traduisent financièrement par
des coûts substantiels, voire excessifs. Ce sont d'abord les coûts
directs qui se déclinent en termes de frais de justice et d'honoraires
d'avocats et huissiers. Il s'agit
69 La pratique est devenue courante que les
exigences d'insertion dans un journal d'annonces légales soient
satisfaites par la publication à Cameroon Tribune en l'absence d'un
véritable journal d'annonces légales. Le Ministère de la
justice pourrait pourtant créer ce journal et le tenir.
aussi des coûts induits que constituent les diverses
charges administratives liées au suivi des procédures :
téléphone, transport, fournitures de bureau, voir même le
salaire car si un responsable de crédit passe en moyenne quatre jours
par mois au tribunal, l'on peut envisager d'imputer une certaine portion de son
salaire à cette activité. A titre de droit comparé, il
n'est donc pas étonnant que le gérant d'une SFD béninoise
affirme avoir dépensé FCFA 300.000 (trois cent mille) en frais
d'avocat et FCFA 190.000 (cent quatre vingt dix mille) en frais de justice
(frais de justice, frais d'huissier, vente du bien) pour une créance
à recouvrer d'un montant de FCFA 150.000 (cent cinquante
mille)70.
Une citation de l'Avocat parisien Boris MARTOR résume
et justifie la critique faite par les EMF au droit communautaire du
crédit et du recouvrement. Celui-ci écrit relativement aux
sûretés qu'elles « sont en effet essentielles pour faciliter
les opérations de crédit liées aux grands projets et aux
financements structurés liés aux investissements en
matière d'énergie, d'infrastructures, de
télécommunications ou de transports en Afrique
»71 . Le régime des sûretés réelles
et du recouvrement ne semble donc pas être conçu pour des
créances de faibles montants à l'instar des microcrédits
octroyés par les COOPEC. La majorité de ces établissements
et de leurs membres sont incapables de supporter les charges qui se rattachent
à ces procédures. De plus, bien que le formalisme de ces
règles soit moins significatif que celui des règles
antérieures, celui-ci reste source de lourdeur pour les COOPEC, de
même que ces dernières ne disposent pas toujours de
compétences suffisantes pour les mettre en oeuvre. Ces différents
griefs peuvent justifier le recours des COOPEC aux sûretés
personnelles malgré leur préférence pour celles qui
viennent d'être étudiées.
70 AZAKLI (R), cité par LHERIAU (L), Op. Cit.
p 463.
71 MARTOR (B), « Comparaison de deux
sûretés personnelles : le cautionnement et la lettre de garantie
», Semaine Juridique, JCP- Cahiers de Droit de l'Entreprise, N° 5
2004, p 21.
CHAPITRE 2:
LE RECOURS SUBSIDIAIRE AUX SURETES PERSONNELLES
Dire que le recours aux sûretés personnelles est
subsidiaire dans le réseau CamCCUL pourrait susciter l'étonnement
ou l'indignation de certains intervenants de ce réseau. L'affirmation se
justifie pourtant. Une des classifications les plus fréquentes et
anciennes en matière de crédit dans le réseau CamCCUL fait
la distinction entre les crédits au-delà de l'épargne et
les crédits en dessous de l'épargne. La consigne habituelle
consiste à dire que la première garantie du crédit, c'est
l'épargne du membre. Si celle-ci n'est pas suffisante, le membre recourt
alors à « l'aval » d'un autre membre qui n'est en
réalité acceptée que si ce dernier dispose sur son compte
d'une épargne suffisante pour couvrir la portion du prêt encore
à risque. Ces mécanismes de garantie sont nés du fait que
les COOPEC, ou simplement les coopératives étaient jadis des
sociétés dont les membres se connaissaient plus ou moins bien et
qui pour la plupart des cas vivaient au même endroit. Avec la croissance
de ces établissements et la mobilité des personnes, il n'est plus
aisé de nos jours de trouver des membres qui se connaissent relativement
bien et qui peuvent donc mettre en oeuvre le principe de solidarité. Le
cautionnement a ainsi connu un recul dans les caisses du réseau CamCCUL.
D'autre part, il n'a pas pu être développé et faire face
aux mutations car ayant été limité dès l'origine
aux membres de la caisse. Le cautionnement par un non membre de la COOPEC n'est
jamais accepté à notre connaissance.
L' AU-OS a élargi le champ des sûretés
personnelles qui se limitaient traditionnellement au cautionnement. «
Désormais, le pluriel se justifiera en matière de
sûretés personnelles. A côté du cautionnement, la
lettre de garantie à première demande est
réglementée... »72. Elle offre une alternative
aux COOPEC en matière de sûretés personnelles. Mais
l'institution est jeune et mal connue ; elle fait donc l'objet d'un usage
encore élitiste.
Les sûretés personnelles sont définies
aux termes de l'article 2 AU-OS comme l'engagement d'une personne de
répondre, à première demande du bénéficiaire
de la garantie ou du débiteur principal, de l'obligation de ce dernier.
Plus simplement, il s'agit de l'engagement d'un tiers à payer le
créancier si le débiteur venait à être
défaillant73. Il
72 ISSA-SAYEGH, Op. Cit. p 624.
73 PICOD (Y), Op. Cit. p 18.
n'existe plus vraiment de sûretés personnelles
au sens strict du terme. Cela était plus ou moins valable avant : le
garant pouvait servir d'otage ou être réduit en
esclavage74. Toutes les sûretés, qu'elles soient
réelles ou personnelles, portent sur des biens : il s'agit de biens
déterminés dans le cas des sûretés réelles et
de tout un patrimoine dans le cas des sûretés personnelles. Le
créancier bénéficiaire de la sûreté
personnelle est désormais créancier chirographaire de deux
personnes dont les patrimoines respectifs servent de gage général
du paiement de la dette.
Sans recourir à cette gymnastique doctrinale, les
COOPEC appliquent cependant au quotidien une démarche qui n'est pas de
nature à la remettre en cause. Bien qu'elles recourent à toutes
les sûretés personnelles (section 1), elles exigent presque
toujours l'affectation d'un bien à l'engagement du garant ou de la
caution (section 2).
Section 1 : Le recours à toutes les formes de
sûretés personnelles prévues par l'Acte uniforme
Les COOPEC ont recours aussi bien au cautionnement (§ 1)
qu'à la lettre de garantie (§ 2).
§ 1 : Le cautionnement
Le cautionnement est un contrat par lequel une personne
s'engage envers le créancier d'une autre à exécuter
l'obligation de cette dernière si elle n' y satisfaisait pas
elle-même75. Il s'agit donc d'un contrat synallagmatique ou
bilatéral qui crée des droits et des devoirs réciproques
pour le créancier et la caution. Le créancier doit accepter
l'offre de cautionnement du débiteur et exécuter d'autres
obligations en sa faveur. Il devra notamment l'informer de la situation du
débiteur principal de l'obligation de payer76. La caution
doit payer si le débiteur principal est défaillant le moment
venu.
Le cautionnement est également accessoire car il
suppose l'existence d'une obligation dite principale à garantir. Ce
n'est que lorsque le débiteur principal n'a pas exécuté
son obligation que le créancier peut se retourner contre la caution. La
caution ne peut être plus tenue que le débiteur
principal77. Elle bénéficie des exceptions
liées à la dette qui appartiennent au débiteur principal
et est fondée à les opposer au créancier. La
74 Droit des Sûretés sur
www.members.fortunecity.com
75 Art 3 AU-OS
76 Voir ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. p 12 et s.
77 Art 7 et 15 AU-OS
déchéance du terme accordé au
débiteur principal ne s'étend pas à elle78. Il
s'agit donc d'une seule dette mais avec « une dualité des liens
obligataires »79.
Le cautionnement peut être simple ou solidaire. De
principe il est solidaire et n'est considéré comme simple que
lorsque les parties ou la loi le prévoit de façon
expresse80. La caution simple peut invoquer les
bénéfices de discussion et de division. Le bénéfice
de discussion permet à la caution de renvoyer le créancier vers
les biens du débiteur principal et de ne s'exécuter que lorsque
le patrimoine de ce dernier n'a effectivement pas permis le recouvrement
intégral de la créance. Le bénéfice de division
permet à la caution saisie de demander la poursuite des autres cautions
- s'il en existe - et de limiter le paiement au marc le franc. La caution
simple peut volontairement renoncer au bénéfice de discussion et
au bénéfice de division. La caution solidaire quant à elle
ne peut en aucune façon exciper le bénéfice de discussion
et le bénéfice de division81.
Le cautionnement peut être conventionnel, légal
ou judiciaire82. Dans chacun de ces cas, les formalités de
constitution sont les mêmes. Le cautionnement présente une forme
particulière. Il s'agit de l'aval. L'aval est un cautionnement
donné sur un effet de commerce. Il est reconnu par la mention « bon
pour aval » sur le billet à ordre, la lettre de change ou le
chèque. L'aval est peut connu des COOPEC. Celles-ci marquent leur
préférence pour la forme classique du cautionnement. Toutefois
elles n'admettent pour caution qu'un de leurs membres (A) de même
qu'elles sont très attachées aux formalités de
constitution du cautionnement (B).
A - La restriction de la caution aux membres de la
COOPEC
A la lecture de l'Acte uniforme, il n'existe pas de
conditions particulières et expresses liées à la caution
pour la formation du cautionnement. L'article 3 AU-OS parle simplement d'une
caution. Qui peut être caution ? Dans le silence de l'Acte uniforme, il
faut penser que tout le monde peut se constituer caution, aussi bien les
personnes morales que les personnes physiques. Il découle
néanmoins des dispositions de l'AU-OS que la caution doit être
solvable au moment où elle s'engage. Tous les éléments de
son patrimoine doivent être considérés à cet effet.
Une fois que la caution n'est plus solvable,
78 Art 17 AU-OS
79 ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. p 12.
80 Art 10 AU-OS
81 NYAMA (J. M.), Op. Cit. p 246.
82 Art 5 et 6 AU-OS
elle doit être remplacée par une autre caution
ou par une sûreté réelle suffisante. Le remplacement de la
caution est à la charge du débiteur principal, ce qui s'accommode
mal avec la possibilité d'accorder le cautionnement à l'insu de
celui-ci83.
Le cautionnement étant un contrat, les conditions
générales relatives aux parties à un contrat s'appliquent
à la caution. En tout état de cause, la caution doit être
une personne capable. Un mineur non émancipé ou toute personne
atteinte de troubles mentales au moment de l'acte ne peuvent se constituer
valablement caution. Toutefois, le tuteur ou l'administrateur légal
pourraient consentir un cautionnement au nom du mineur et dans son
intérêt. Cette pratique acceptée en droit
français84 permettrait de conforter le recours aux comptes de
mineurs dans les COOPEC du réseau CamCCUL. Les parents du mineur qui
ouvrent et opèrent son compte pourraient ainsi offrir un cautionnement
lorsqu'il y va de l'augmentation du patrimoine de la famille.
Le cautionnement par l'un des époux mariés sous
le régime légal (communauté des meubles et
acquêts)85 est fréquent ici, sans beaucoup
d'égard pour les difficultés juridiques qu'il peut engendrer. La
question est notamment de savoir si un des époux communs en biens peut
engager l'ensemble du patrimoine de ladite communauté sans le
consentement de l'autre époux. Les solutions dégagées par
le juge français pourraient être reprises chez nous. La caution
devrait alors obtenir l'autorisation de son conjoint pour engager les biens de
la communauté86. Il est heureux que le nouveau contrat de
cautionnement élaboré par la ligue pour le réseau
prévoit un espace pour la signature du conjoint de la caution. La
démarche serait complète si cette signature était
systématiquement exigée par les responsables de crédit.
Le Consentement de la caution doit également
être valable. La question des vices de consentement n'est nullement une
préoccupation ici. Et pourtant, elle aurait pu contribuer à
éclairer cette institution aussi bien aux yeux des COOPEC que de leurs
membres. L'intérêt serait alors que les membres exigent le respect
de leur droit à l'information sur la situation du débiteur
principal avant tout engagement. La COOPEC, comme tout autre créancier,
ne doit pas que penser à se ménager la garantie d'un
débiteur solvable, mais également à informer de
manière précise la caution sur l'étendue de son engagement
et la situation du débiteur principal. Elle doit avoir au
préalable mis en place un mécanisme de financement
83 Voir ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. p 10.
84 Civ. 1ère, 2 déc. 1997,
Bull. civ. I. n° 343.
85 Art 1400 et s. C. Civ.
86 Civ. 1er, 11 avril 1995, D. 1995. Somm.
327, obs. Grimaldi.
approprié à la situation de l'emprunteur et
qui, suivant une analyse raisonnable, ne risque pas de constituer un
surendettement pour celui-ci. Si la COOPEC manquait à ces obligations,
elle se rendrait coupable de dol et/ou de n'avoir pas respecter ses obligations
de contracter de bonne foi et de conseil à l'égard de la caution
et du débiteur principal87.
Dans la pratique, une double restriction guide l'acceptation
des cautions par les COOPEC du réseau. La seconde se greffe à la
première. Ne sont ainsi acceptées que les cautions membres de la
COOPEC et qui disposent d'une épargne suffisante dans leur compte pour
rembourser le crédit le cas échéant. L'idée de
départ était que la caution est un codébiteur («
co-maker ») et qu'il était donc tenu au même titre que
l'emprunteur. Il va sans dire que ceci remettait en cause le caractère
accessoire du cautionnement. A la faveur d'un atelier organisé à
Bamenda les 3 et 4 septembre 2004 à l'initiative de ce qui était
alors la direction du crédit, les magistrats, avocats et autres experts
invités ont sévèrement critiqué l'usage de tels
termes. Suivant cette critique, la résolution N° 10 de cet atelier
recommandait de réviser les politiques en matière de
crédit pour y intégrer les notions propres au droit du
crédit et particulièrement celles du droit des
sûretés tel qu'organisé par l'Acte uniforme
OHADA88. C'est alors que la notion de « co-maker » a
formellement disparu des instruments de crédit pour céder place
à celle de « surety », plus appropriée.
L'exigence d'une caution membre de la COOPEC tire donc ses
fondements dans cette conception ancienne qui visait à avoir plusieurs
membres responsables d'un même crédit. Si le passage de la
situation de codébiteurs à celle de débiteur principal -
caution a pu se faire, il n' en est pas de même quant à l'exigence
de la qualité de membre pour être caution. Cette restriction se
comprend dans la mesure où les COOPEC ne visent en réalité
que l'épargne du membre caution.
Cette double restriction pourrait être
considérée comme une adaptation pratique du cautionnement
à la situation des COOPEC. Elle tend cependant à priver ces
institutions de garanties car ce n'est pas pour la seule raison de se porter
caution qu'une personne adhèrera ou changera de COOPEC. Elle a surtout
l'inconvénient majeur de se traduire par une dénaturation de la
garantie que constitue le cautionnement. Ce n'est plus tout un patrimoine qui
est visé, mais un bien précis ; ce qui suggère la tendance
aux « sûretés
87 A titre de droit comparé, voir Civ.
1ère, 18 fév. 1997, CRCAM de la Gironde c/ Mme
Dorian, JCP E 1997, II, 944, note LEGEAIS (D). LEGEAIS (D), Travaux
dirigés de droit des sûretés, 3ème
édition, Litec, Groupe LexisNexis, Editions du Juris-Claseur, p 3et
s.
88« Workshop on the review of collateral as security
for loan granting in Credit Unions to meet the OHADA Law standard», B
amenda, September 3rd and 4th 2004, Lending Department,
CamCCUL Ltd.
mixtes »89. Le champ de cette
sûreté devrait d'autant plus être élargi dans la
pratique que les COOPEC y tiennent énormément, comme en
témoignent leurs efforts en vue de respecter ses modalités de
constitution.
B - Le respect rigoureux des formalités de
constitution
Au lendemain de la publication de l'AU-OS, certains
commentateurs ont affirmé que cet acte faisait du cautionnement un
contrat solennel. Après une vive critique, les affirmations sont
désormais plus nuancées. Pendant que ceux qui ont critiqué
parlent sans façon de caractère consensuel du cautionnement, la
plupart de ceux qui avaient cru voir un contrat solennel parle désormais
d'un minimum de formalisme. Quelle est la valeur des différentes
formalités exigées par l'AU-OS en matière de constitution
du cautionnement ? Permettent-elles seulement de constater l'existence du
cautionnement ou sont-elles exigées à peine de nullité ?
Dans le premier cas, le cautionnement serait un contrat consensuel alors que
dans le second, il s'agirait d'un contrat solennel.
Un acte juridique est dit solennel lorsque sa validité
est conditionnée par l'accomplissement de certaines formalités
exigées par la loi et qui accompagne le consentement des parties.
Lesdites formalités sont donc exigées à peine de
nullité de l'acte : on dit qu'elles sont ad validitatem ou
ad solemnitatem. Un acte juridique consensuel par contre est celui qui ne
nécessite pour sa formation aucune formalité particulière
et qui résulte du seul échange des consentements des parties.
Toutes formalités qui seraient requises par la loi le seraient pour des
besoins de constat et de preuve : on dit qu'elles sont ad
probationem.
Le cautionnement doit être consenti par écrit
à peine de nullité. Il doit porter la signature des deux parties
et la mention de la somme maximale pour laquelle il est donné,
écrite de la main de la caution ou certifiée par ces
témoins si elle-même ne sait lire et écrire90.
La jurisprudence précise que la nullité est également la
sanction de l'absence signature des deux parties sur l'acte91. En
d'autres termes, si le cautionnement n'est pas formé par écrit
avec la signature des deux parties, il est nul92.
L'acte constitutif de l'obligation principale doit être
annexé au cautionnement. Mais le législateur ne dit pas quelle
est la sanction attachée à cette formalité. On pourrait
penser
89 Voir Section 2 du présent chapitre.
90 Art 4 AU-OS
91 TPI Abidjan, n° 31 du 22 mars 2001, CSSPA
c/ Sté Afrocom, Ecobank et BACI, Revue Ecodroit, n° 1,
juillet-août 2001, p 39.
92 LHERIAU (L), Op. Cit. p 457, note 48.
qu'il s'agit d'apporter la preuve de la validité de
l'obligation principale. Ce qui signifierait que la seule modalité de
preuve admise pour l'existence d'une créance cautionnée est la
preuve par écrit. Dans la pratique, le cautionnement est soit
intégré dans la convention d'ouverture de crédit, ou
alors, les termes de celle-ci sont repris par l'acte de cautionnement. Ce qui
parait suffisant pour faire la preuve de la validité du droit de
créance, encore faudrait-il que le débiteur soit dans le dernier
cas partie au cautionnement. Après avoir longtemps intégré
le cautionnement dans la convention d'ouverture de crédit, les deux
actes ont étés séparés à la suite de
l'atelier sur les garanties de 2004. Mais il semble moins complexe de joindre
ces deux actes comme le suggèrent déjà certains dirigeants
des COOPEC de base et de la ligue.
Le cautionnement se présente finalement comme une
sûreté d'un usage fréquent mais limité dans son
étendu dans le réseau CamCCUL. Le recours à la lettre de
garantie constitue à cet égards une alternative.
§ 2 : La lettre de garantie
Après une longue genèse en droit
français et sous l'impulsion des commerçants, la lettre de
garantie est reçue et traitée par le droit OHADA comme une
garantie autonome ou indépendante. Elle n'est plus comme par le
passé « une variante » du cautionnement et revêt
désormais des traits distinctifs qui attestent de cette autonomie. Son
mécanisme et ses effets constituent l'essentiel de ces traits
distinctifs. Malheureusement, ils sont mal connus des COOPEC du réseau
CamCCUL (A). C'est for logiquement que son utilisation reste peu
fréquente ici (B).
A - La faible maîtrise de son mécanisme et
de ses effets
A l'observation, les COOPEC maîtrisent mal le
régime juridique de la lettre de garantie. Elles ne la distinguent pas
parfaitement du cautionnement et n'apprécient pas à leur juste
valeur les effets de cette sûreté.
La lettre de garantie est un contrat par lequel une personne
(le garant) s'engage envers une autre (le donneur d'ordre) à payer
à une troisième personne (le bénéficiaire) une
somme déterminée sur première demande de ce dernier. Le
donneur d'ordre est en principe débiteur ou débiteur potentiel du
bénéficiaire, et créancier ou créancier potentiel
du garant. Il existe donc de façon générale une obligation
de somme d'argent du donneur d'ordre envers le bénéficiaire.
C'est cette obligation que l'on se garde bien de traiter de principale qui est
garantie par la lettre de garantie à première demande. En effet,
l'obligation
contractée par le garant est autonome et
indépendante de la première obligation. Son objet est bien
distinct de celui de l'obligation garantie. Contrairement à la caution,
le garant s'engage à titre personnel de payer une dette aussitôt
que la demande du bénéficiaire est justifiée. Dès
lors que le bénéficiaire en fait la demande et de façon
justifiée, le garant doit s'exécuter mutatis mutandis.
Il ne peut opposer au bénéficiaire les exceptions
inhérentes aux liens d'obligation qui lient ce dernier au donneur
d'ordre. Bien sûr, le bénéficiaire doit se prévaloir
de la défaillance du donneur d'ordre. Après paiement, le garant
peut se retourner contre une autre personne appelée le contre garant
s'il avait lui-même fait garantir son obligation par cette
dernière.
Dans un effort ultime de distinguer la lettre de garantie de
l'unique sûreté personnelle qui avait existé jusque
là, à savoir le cautionnement, l'AU-OS a, malgré l'absence
d'unanimité entre ses rédacteurs à ce sujet93,
limité la garantie et la contre garantie à première
demande aux personnes morales94. Traditionnellement, la garantie
à première demande et la contre garantie sont offertes par des
établissements de crédit sous la forme d'engagement par
signature.
B - L'utilisation peu fréquente
La lettre de garantie est nouvelle et continue quoi qu'on
dise à être assimilée au cautionnement par certains
praticiens trop habitués jusque là à cette dernière
sûreté. Les COOPEC du réseau CamCCUL ne font que rarement
recours à cette sûreté. A la ligue et dans certaines des
grandes caisses de base, des efforts sont faits pour mieux appréhender
ses effets. Mais le chemin reste long pour arriver à une
appréhension suffisante et une utilisation significative de ce
mécanisme de garantie.
De par ses effets, la lettre de garantie ou de contre
garantie permettrait aux COOPEC de s'assurer le recouvrement de certains
crédits même contestés par le membre, en raison de son
caractère autonome. Elle permettrait également de
bénéficier du droit de gage général sur le
patrimoine d'une entreprise. Ceci constituerait une excellente
sûreté dans le cadre du financement des PME / PMI. Ces
unités économiques représentent actuellement au Cameroun
l'un des secteurs le plus nécessiteux en financements. La lettre de
garantie pourrait aussi avoir un rôle important dans le financement des
marchés publics en pleine re-florescence chez nous.
93 ISSA-SAYEGH, Op. Cit. p 637.
94 Art 29 AU-OS
Il est également malheureux que ces instruments ne
soient pas utilisés comme mécanismes de financement. A
défaut d'être requis des PME / PMI comme garantie, ils pourraient
leur être offerts comme mécanismes de financement. Ceci
permettrait de diversifier un peu plus les modes de financement
pratiqués par les COOPEC. En effet, la plupart des crédits
octroyés par cette catégorie d'EMF sont des crédits avec
décaissement, à l'exclusion des engagements par signature. Ceci
constitue un mécanisme de financement plus risqué et en
définitive plus coûteux car son coût d'opportunité
est plus élevé. Dans le cadre d'un engagement par signature,
l'établissement conserve les fonds et peut les employer même
à très court terme. L'effet est directement perceptible sur la
trésorerie de certaines COOPEC.
Aussi bien en tant que sûreté qu'instrument de
crédit, les lettres de garantie et de contre garantie restent mal
connues et peu usitées par les COOPEC. Cela reflète d'une
certaine façon le sort réservé aux sûretés
personnelles, assorties de nombreuses restrictions et limitations au moment de
leur usage.
Section 2 : L'affectation quasi systématique d'un
bien au cautionnement : le cautionnement réel
Le cautionnement est dit réel lorsque la caution
affecte un ou plusieurs biens à son engagement de payer la dette en cas
de défaillance du débiteur principal. Le rattachement de cette
sûreté à l'une des deux catégories principales
(sûretés personnelles - sûretés réelles) n'est
pas évident, si bien que certains auteurs affirment l'existence d'une
troisième catégorie, celle des sûretés
mixtes95. Se pose ainsi la question la nature du cautionnement
réel. Certains le traitent de sûreté mixte, à cheval
ou combinant les effets d'une sûreté personnelle et ceux d'une
sûreté réelle. Ceci dit, l'interrogation principale demeure
: l'affectation d'un bien au cautionnement limite-t-il l'engagement de la
caution à ce seul bien ? L'ensemble de son patrimoine continue-t-il de
servir de gage général à son engagement ?
Cette question s'étant posée longtemps avant
l'élaboration de l'AU-OS, on se serait attendu que le législateur
OHADA lui donne une réponse expresse. Après avoir aiguisé
la curiosité et suggéré que la question serait
traitée, les rédacteurs de l'Acte uniforme se sont
arrêtés net en chemin. En effet, l'AU-OS dispose en l'article 47
alinéa 2 que « le constituant du gage peut être le
débiteur ou un tiers, et que dans ce dernier cas, le tiers est
95 Voir PICOD (Y), Op. Cit. p 9 et s.
tenu comme une caution réelle ». On se serait
donc logiquement attendu à ce que le régime du cautionnement
réel soit défini et qu'il soit clairement dit comment la caution
réelle est tenue. Cette attente reste insatisfaite. Néanmoins, en
distinguant entre l'étendue de l'obligation selon que le gage est offert
par le débiteur ou le tiers, le législateur indique ainsi que le
second pourrait être plus tenu que le premier.
A ces interrogations, la doctrine majoritaire s'accorde pour
dire que « le caractère personnel de l'engagement prend le pas sur
la remise de la chose »96. Le cautionnement réel devrait
alors être considéré comme aggravant l'engagement de la
caution. On pourrait penser que toute action à son encontre devrait
porter en priorité sur le ou les biens offerts, mais que si le
créancier n'était pas complètement satisfait, il
poursuivrait le recouvrement de sa créance sur ses autres biens. Mais la
solution serait-elle vraiment différente si le bien était remis
par le débiteur?
Il reviendra au juge de clarifier cette situation.
Dans le réseau CamCCUL, les biens
généralement affectés sont l'épargne (§ 1) et
les immeubles (§2).
§ 1 : L'affectation de l'épargne de la caution
en garantie de son engagement
La règle est générale et n'admet
quasiment pas d'exceptions : toute caution doit justifier d'une épargne
suffisante à affecter à son engagement. L'examen des
difficultés de contrôle de ce mécanisme (B) sera
précédé de son exposé (A).
A - L'exposé du mécanisme
Lorsqu'un membre souhaite se constituer caution d'un autre,
c'est en réalité son épargne qu'il offre en garantie. Les
avoirs au crédit de son compte sont bloqués pendant toute la
durée du prêt pour le montant affecté au cautionnement. Son
cautionnement ne sera donc accepté que lorsque le responsable de
crédit se sera assuré que cette provision est libre et
disponible, ou que le membre l'a effectivement constituée à sa
demande. Pendant la période d'amortissement du crédit, la
provision est rendue progressivement disponible au rythme des remboursements
effectués par le débiteur principal. Si ce dernier ne paye pas sa
dette au terme de l'échéancier de remboursement, la caution en
est avertie et son compte débité à concurrence des
impayés jusqu'à la limite de son engagement.
96 ISSA-SAYEGH (J) et al, Op. Cit. p 82. PICOD (Y),
Op. Cit. p 10.
Bien souvent, il est demandé à la caution de
s'engager pour le montant total du crédit, même si une somme
inférieure est bloquée sur son compte. Ceci tient compte de ce
que l'emprunteur doit lui-même posséder une épargne
représentant une certaine proportion du montant du
crédit97.
Dans les opérations de crédit entre la ligue et
les affiliés, la caution ne dispose pas toujours de l'épargne
nécessaire. Ceci tient à ce que la caution n'a jamais
été jusqu'ici un autre affilié titulaire d'un compte dans
les livres de la ligue comme cela aurait dû être le cas en
application du principe de solidarité des EMF affiliés en
réseau.
L'affectation de l'épargne de la caution constitue une
garantie intéressante. Néanmoins, elle ne devrait pas
empêcher de recourir aux autres biens de la caution pour le recouvrement
de la créance, notamment lorsque les mécanismes de contrôle
de ce mécanisme ont failli.
B - Les difficultés de contrôle du
mécanisme
L'affectation et le blocage de l'épargne de la caution
ne sont efficaces que lorsque le compte de ce dernier est bien
géré. L'épargne visée devrait être rendue
indisponible suivant un mécanisme approprié. Ensuite, cette
épargne devrait faire l'objet de vérification chaque fois que la
caution effectue un retrait de son compte. Deux difficultés surgissent
à cet égard.
La première difficulté est liée au
système d'information et de gestion (SIG) en place dans la COOPEC. Dans
les COOPEC utilisant un SIG manuel, le problème est véritablement
sérieux. Il est difficile dans le cas de la caution de vérifier
d'un clic ou en quelques secondes que l'épargne en compte est bien
disponible pour le membre qui vient effectuer le retrait. Dans les COOPEC
faisant usage d'un SIG automatisé, la difficulté est liée
à la faiblesse actuelle et générale des logiciels mis en
place. En effet, tous les logiciels « bancaires » utilisés
dans les COOPEC et plus largement dans les EMF font l'objet de critiques
virulentes par leurs utilisateurs. Certes il y a eu des avancées en la
matière et certaines des critiques sont même dû au fait que
le personnel des COOPEC ne soit plus capable de faire des manipulations et
fraudes comme ce fut le cas avec les tous premiers logiciels installés.
On observe toutefois dans le cas spécifique de l'épargne
bloquée de la caution que certains logiciels présentent une
indisponibilité largement au dessus du montant réel, d'autres
déduisent directement l'épargne en question, de sorte qu'il
97 Infra, deuxième partie, chapitre 2, section
1.
n'apparaît plus quasiment rien au crédit du
compte, d'autres encore débloquent l'épargne alors qu'aucun
paiement n'a été effectué.
La seconde difficulté est liée aux
procédures et aux personnes en charge de ces opérations. En
dehors des difficultés qui se rattachent de manière
générale au contrôle de l'épargne bloquée et
que l'on retrouve essentiellement dans le cas de l'épargne
bloquée du débiteur principal98, l'épargne
bloquée de la caution est parfois oubliée. Il est de nombreux cas
où les cautions ne sont pas toujours informées de la situation du
débiteur principal, ce qui implique aussi que leur épargne en
principe bloquée ne fasse pas l'objet d'un suivi méticuleux. Il
faut relever par ailleurs qu'il n'est pas prévu d'espace sur les fiches
individuelles des membres pour les cautionnements donnés, ce qui
fragilise davantage le contrôle. Ces difficultés ne se posent pas
lorsque des biens autres que l'épargne sont affectés au
cautionnement.
§ 2 : Le cautionnement hypothécaire
Le cautionnement est dit hypothécaire lorsque la
caution affecte à son engagement un immeuble. En dehors du cautionnement
réel avec affectation d'épargne, le cautionnement
hypothécaire apparaît comme la forme de cautionnement réel
la plus usuelle dans le réseau CamCCUL. Ceci est dû d'une part
à l'attrait de l'hypothèque précédemment
démontrée, et d'autre part au besoin des grandes caisses et de la
ligue en sûreté appropriées aux financements relativement
élevés. L'exposé du mécanisme (A)
précèdera l'examen de ce recours à la caution
hypothécaire par les grandes caisses du réseau CamCCUL et la
ligue (B).
A - L'exposé du mécanisme
Comme cela est le cas pour chaque cautionnement réel,
la caution fait un double engagement. Il s'engage d'abord en tant que caution
et ensuite affecte un ou plusieurs biens de son patrimoine au renfort ou en
limitation de l'étendue du premier engagement. Dans le cadre du
cautionnement hypothécaire, les formalités exigées pour la
constitution de l'hypothèque rendent le mécanisme délicat.
La combinaison des deux engagements de la caution constitue la principale
difficulté.
Il a parfois été observé un certain
embarras dans la constitution de cette sûreté à cet
égard. Pourtant la mention de la main de la caution ou d'un de ses
témoins sur la convention d'ouverture du crédit « bon
pour cautionnement pour la somme de
98Infra, deuxième partie, chapitre 2, section
1, § 2.
» suivie de « en foi de quoi j'offre
l'hypothèque de mon immeuble objet du
titre foncier N° Vol Folio Département
de » devrait suffire dans le cadre du cautionnement. L'acte
d'hypothèque serait alors ensuite dressé par devers notaire.
Encore faudrait il que la COOPEC ait choisi de séparer l'acte
d'hypothèque de la convention d'ouverture du crédit. Dans le cas
contraire, le notaire devrait pouvoir dresser un acte tripartite incluant les
trois engagements : ouverture du crédit, cautionnement et affectation
d'immeuble par hypothèque.
C'est peut être le lieu de souligner que les
difficultés que rencontrent les COOPEC sont aussi parfois dû
à l'absence de notaire spécialisés dans les questions de
droit qui les concernent. Outre le fait que certains d'entre eux ne peuvent
conseiller ces établissements comme il est de leur devoir, Il arrive
parfois qu'une ébauche soit préparée et soumise au notaire
pour que ce dernier dresse l'acte. En dehors des deux grandes villes que sont
Douala et Yaoundé, les problèmes faisant intervenir le droit du
crédit ne semblent pas être très fréquents dans
leurs études, ce qui les prive naturellement de pratique. En l'absence
de cette assistance des notaires et en raison des autres contraintes notamment
financières liées à leur recours, les COOPEC de petites
tailles n'envisagent pas le recours au cautionnement hypothécaire.
B - Un recours resté l'apanage des grandes
caisses et de la Ligue
On sait maintenant que le cautionnement hypothécaire
est considéré comme un mécanisme cher, lourd et
délicat par les COOPEC. Les grandes caisses et la ligue ne s'en privent
cependant pas. Elles en ont besoin et ont une connaissance suffisante de ses
modalités de constitution, ou peuvent s'offrir l'assistance
nécessaire en vue de sa constitution. Dans les caisses, cette
sûreté est généralement offerte dans le cadre de ce
qu'il conviendrait d'appeler crédit familial. Ici, la famille
décide d'apporter son soutien à un de ses membres et lui accorde
sa garantie dans une opération de crédit. Un père, une
mère ou un oncle membre de la même caisse que celui qui demande le
crédit offrira ainsi son immeuble en garantie. Il n'est donc pas
dérogé à la règle de la caution - membre même
si cette fois ce n'est pas que l'épargne qui est retenue.
A la ligue, les crédits aux affiliés sont
assortis de la caution d'un ou de plusieurs de leurs membres, le cas
échéant. Il arrive dans quelques cas que le compte
d'épargne du membre dans sa caisse soit affecté en garantie.
Cependant et plus fréquemment, c'est un autre actif qui sera
exigé. Ceci est régulier dans le cadre du « Golden Loan
». Jusqu'au
début de l'année 2007, la ligue octroyait
à ses affiliés des crédits soit pour que ceux-ci en
octroient à leur tour à leurs membres, soit pour qu'elles
construisent leurs locaux. Dans un essai louable de diversification des
produits de prêt et d'augmentation des capacités de financement du
réseau dans son ensemble, le Golden Loan a été
développé. Il s'agit d'un financement par la ligue des membres
des COOPEC de base à travers ces dernières. Contrairement aux
crédits classiques de la ligue, il n'existe pas un crédit entre
la ligue et l'affilié et un autre entre l'affilié et son membre.
Le crédit est unique entre le membre et sa caisse, mais financé
par la ligue qui bénéficie donc de toutes les garanties. Un
mécanisme de partage des produits et des pertes éventuelles
liées à l'opération est mis en place, l'essentiel du
risque étant à la charge de la ligue. Le cautionnement
réel constitue donc la sûreté la plus adéquate et la
moins chère pour ce montage financier.
Relativement au recours aux sûretés classiques
comme solution au problème de la garantie de leurs créances par
les COOPEC, on peut dire que ces dernières font des efforts pour mettre
en oeuvre l'ensemble des mécanismes organisés par l'Acte uniforme
portant organisation des sûretés. Les sûretés
réelles sont les plus prisées et l'on remarque que même
dans le cadre des sûretés personnelles, la tendance est à
l'exigence de l'affectation d'un bien. Cependant, de nombreuses
prérogatives dont les COOPEC pourraient s'en prévaloir sont
ignorées. C'est ainsi que la mise en oeuvre des sûretés
légales est quasiment inexistante. De même, certains
mécanismes échappent encore aux COOPEC qui, au demeurant, font
difficilement face aux contraintes de procédures et de coûts
liées à l'usage des sûretés, notamment aux
sûretés réelles. Le développement des
mécanismes de garantie spécifiques constitue à cet
égard une alternative qu'il convient d'explorer avec le plus grand
soin.
DEUXIEME PARTIE : LE RECOURS AUX GARANTIES
SPECIFIQUES
En raison des difficultés qu'elles et leurs membres
éprouvent à mettre en oeuvre les sûretés classiques,
les COOPEC développent sans cesse d'autres garanties plus
spécifiques. Les techniques sont nombreuses et variées, et
prouvent, s'il fallait y revenir, que les sûretés
représentent une portion, non moins essentielle, mais
limitative des garanties. Les techniques retenues sont fonction de la situation
ou de la localisation de la COOPEC et du statut du membre. Certaines sont
également tributaires de l'étendue du réseau CamCCUL. Deux
principales techniques sont ainsi retenues : la première consiste en la
mutualisation des risques et a permis le développement d'un programme
d'assurance (chapitre 1); la seconde tient à la mise à
contribution des mécanismes et moyens de paiement (chapitre 2).
CHAPITRE 1: LE DEVELOPPEMENT D'UN PROGRAMME
D'ASSURANCE
Communément appelé programme de gestion des
risques (« risks management scheme »), le programme d'assurance du
réseau CamCCUL, existe depuis 1976. Il apparaît à cet
égard comme un mécanisme très ancien et donc suffisamment
éprouvé. Son maintien pendant plusieurs décennies
suggèrent q'il s'agit d'un succès.
payés à celles-ci au titre de l'indemnité
de gestion de risque sur les crédits pour l'exercice financier
écoulé.
Le programme a été pendant longtemps l'unique
tâche du service de gestion des risques jusqu'au lancement en 2007 d'un
Fonds Mutuel de Protection des Dépôts, un autre produit
d'assurance distinct du programme de gestion des risques. Ceci traduit un
volume d'activités considérable et que le développement du
nouveau produit se traduira inéluctablement par un renforcement de
l'effectif du service. Par ailleurs, la situation de ce service au sein de la
Direction des Opérations du Réseau suggère que le
programme de gestion des risques n'a pas été
spécifiquement conçu pour les besoins de garantie des
crédits. Même si cela était le cas, le service de gestion
des risques mériterait d'être recentré et logé
à la Direction Financière à côté des services
du crédit et de transfert d'argent. Ceci est d'autant plus
nécessaire que la gestion des risques dont il s'agit n'est pas seulement
un mécanisme de garantie des créances des COOPEC qui y ont
souscrit, mais constitue également un produit de la ligue dont la
rentabilité constitue une véritable enjeu.
L'esquive du terme assurance ou microassurance dans toute la
documentation relative au programme de gestion des risques peut surprendre.
Dans le même ordre d'idées, on peut se demander si une telle
assurance est soumise aux dispositions du code CIMA et si CamCCUL pourrait
être considérée dans quelque mesure que ce soit comme une
société d'assurance. La première préoccupation
trouve une réponse simple : l'explication tient à la nature
très spécifique de ce programme. N'étant pas
intrinsèquement une (micro)assurance comme les autres, CamCCUL a
évité de la nommer telle.
La seconde préoccupation mérite un double
niveau de considérations. D'abord il ne faudrait pas penser que CamCCUL
soit assujetti aux obligations du code CIMA en qualité de
société d'assurance parce que l'activité d'assurance
pratiquée ici ne l'est pas à titre de profession habituelle. Elle
n'est non plus pratiquée de façon indépendante.
L'agrément prévu à l'article 20 A du Traité
instituant la Conférence Interafricaine des Marchés d'Assurance
(CIMA) ne s'applique donc pas ici. Il convient de considérer dans un
second mouvement le code des assurances de cette organisation. Ce code fait
expressément référence aux « sociétés
d'assurance »99. Ensuite il exclut pour l'essentiel
l'assurance
99 Voir pour exemple l'article 3 al 3.
crédit100. Sous ces considérations, on
pourrait penser que le code des assurances CIMA ne servirait qu'à
éclairer la relation contractuelle et inspirer les solutions les plus
appropriées.
La présentation du mécanisme de gestion des
risques dans le réseau CamCCUL (section 2) sera
précédée de l'étude des particularités de ce
programme d'assurance (section 1).
Section 1 : Un programme d'assurance atypique
L'assurance est une opération par laquelle une partie
se fait remettre, moyennant une rémunération, pour lui ou pour un
tiers, une prestation en cas de réalisation d'un risque. Le risque est
ainsi déplacé du créancier vers un tiers. Ce dernier
accepte une telle convention pour deux raisons principales. D'abord, sa
prestation est fournie à titre onéreux. Ensuite, il s'agit bien
souvent d'un professionnel ayant pour profession habituelle l'activité
d'assurance. A ce titre, il offre ses services à plusieurs personnes et
tire profit de l'aléa de tous les risques qu'il couvre. En clair, ce ne
sont pas tous ceux qu'il assure qui seront sinistrés et pas au
même moment. Le risque est donc « mutualisé » ou «
socialisé » en tant qu'il est finalement reparti entre plusieurs
personnes, ce qui fait dire que « si la société
entière n'est pas vigilante, la prestation de l'assureur peut
entraîner sa ruine »101.
Le programme de gestion des risques du réseau CamCCUL
opère une socialisation que l'on pourrait qualifier de socialisation au
sommet. Celle-ci ne s'opère qu'entre les COOPEC affiliées et pas
directement entre les membres de ces dernières. Les risques couverts
sont multiples et trouvent une place minime dans les discours traditionnels
relatifs aux assurances, notamment celles pratiquées par les
établissements de microfinance. A tout prendre, le programme de gestion
des risques présente plusieurs particularités, les unes
liées à sa nature (§ 1), les autres liées aux parties
en cause (§ 1).
§ 1 : Les particularités liées à
la nature de l'assurance
Le panorama des assurances et des risques couverts est vaste.
Prenant en compte ce panorama, les assurances sont présentées en
cinq catégories principales :
- les assurances vie et opérations de capitalisation ;
- les assurances IARD (Incendie, Accident et Risques Divers) ; -
les assurances de risques techniques ;
100 Art 1er in fine
101 POUGOUE (P-G), Commentaire du Code des Assurance des Etats
Membres de la CIMA, « La notion de contrat d'assurance dans le code
CIMA », Juridis Périodique N°29,
Janvier-Février-Mars 97, P 27.
- les assurances agricoles ; et - les assurances de
transport.
Au sein de cette classification, les assurances vie sont
celles qui étaient traditionnellement utilisée pour la garantie
du crédit. Il s'agit notamment de l'assurance en cas de
décès. Ici, l'assureur garantit le paiement du capital
assuré aux ayants droit ou à toute autre personne stipulée
dans la police si l'assuré décède avant une date
déterminée.
Progressivement, l'usage des assurances en matière de
crédit s'est orienté vers une forme plus spécifique.
L'assureur offre sa garantie contre le paiement d'une prime (payée en
principe par le créancier). Dès lors que l'assureur aura
indemnisé le créancier suite à la défaillance du
débiteur, alors il disposera d'un recours contre le débiteur. Le
risque d'insolvabilité est déplacé : il n'est plus pris
par le créancier, mais est pris par l'assureur. Cette technique est
très proche de la technique du cautionnement (intervention d'un tiers,
et possibilité du tiers de se retourner contre le débiteur).
Cependant, l'assurance crédit n'existe que dans le cadre d'un contrat
onéreux avec paiement de primes et les recours qui peuvent exister
seront définies dans le cadre du contrat d'assurance (conditions de
l'indemnisation, conditions du recours). Dans le cadre du cautionnement, la
caution ne doit que ce que doit le débiteur.
Les mécanismes classiques sont également mis
à profit en matière de crédit. C'est ainsi que se
développent des assurances risque en matière de crédit.
Ici, c'est le débiteur qui se protège contre le risque qu'il a de
ne pas exécuter ses obligations. Les risques sont prévus en
général dans le contrat : décès, chômage,
maladie, invalidité. Si ce risque se produit, l'assurance prend la place
du débiteur et ne dispose pas de voie de recours contre le
débiteur. C'est une assurance dommage. C'est le débiteur qui paye
les primes. Un créancier, plutôt que de demander un cautionnement,
pourrait exiger que son débiteur prenne une assurance risque.
CamCCUL a opté pour une assurance multirisque
particulière (A) à laquelle est associée une couverture
duale (B).
A - Une assurance multirisque atypique
Le programme de gestion des risques est une assurance risque.
Deux catégories de risques sont visées par ce programme. Il
couvre contre le décès du membre. L'identité du membre
doit alors être établie, la preuve de son appartenance à la
COOPEC ainsi que celle de son décès apportées. La carte
nationale d'identité informatisée du de cujus et la
confrontation de celle-ci aux autres documents de celui-ci
permettent de justifier son identité. La preuve de l'appartenance
à la COOPEC se fait par son livret, sa fiche individuelle, sa demande
d'adhésion et son formulaire de crédit. La preuve du
décès est faite par le certificat de décès, le
jugement d'hérédité et le certificat
d'individualité.
Le second risque assuré est le risque «
d'incapacité totale ». Ceci signifie que « le membre est si
invalide qu'il ne pourra plus effectuer un travail rémunérateur
pour honorer ses engagements envers la caisse ». On le constate, l'usage
des termes incapacité et invalidité n'est pas fait dans le strict
respect du contenu juridique de ces notions. Mais l'énoncé clair
et précis du risque visé corrige opportunément cette
absence de rigueur. L'invalidité totale privant le membre de ses
capacités physiques ou mentales nécessaires à l'exercice
de son emploi est visé. La notion de capacité juridique
n'intervient donc pas directement ici. L'invalidité d'une personne
âgée de plus de soixante ans est écartée. Ce qui
signifie en réalité que les personnes âgées de plus
de soixante ans ne bénéficie pas de l'assurance
invalidité, mais uniquement de l'assurance décès.
Ainsi, les deux risques sont liés dans le programme de
gestion des risques. La réalisation d'un des deux sinistres
déclenche le mécanisme de l'indemnisation, l'exception
étant constituée par l'invalidité survenant après
soixante ans.
Dans une perspective d'extension du champ de cette assurance,
il faudrait considérer avec la plus grande attention le risque maladie.
Ce risque apparaît d'après de nombreuses études comme une
cause majeure d'impayés102. Au-delà, il apparaît
comme un frein au développement des populations à revenus
modestes et pourrait à ce titre justifier un mécanisme
d'assurance maladie autonome. En attendant l'avènement du triplet, un
couple constitue les risques assurés et s'accommode avec la
dualité de la couverture.
B - Une couverture duale
Le programme de gestion des risques vise deux types de
couverture. Il ne s'agit pas de couvertures autonomes pour chaque type de
risque assuré. Le décès comme l'invalidité
déclenchent tous deux l'indemnité. La couverture est
principalement axée sur le crédit et rembourse tous les
crédits dont le solde est inférieur ou égal à FCFA
2.500.000 (deux millions cinq cent mille) au décès du membre
débiteur ou au moment du diagnostique de son invalidité totale.
Le prêt du membre ne doit pas avoir été délinquant
de plus de deux
mois, c'est-à-dire qu'il ne doit pas avoir
enregistré d'impayés de plus de deux mois jusqu'au
décès du membre ou jusqu'au moment ou la cause de
l'invalidité est survenue.
Les parts sociales et l'épargne du membre sont
également concernées par la couverture. Le risque
d'invalidité totale est exclu pour l'indemnité sur parts sociales
/ épargne. Lorsque le risque décès se réalise, les
parts sociales et l'épargne du membre sont majorées pouvant aller
jusqu'au double de leur montant au moment du décès. Le montant
des parts sociales et de l'épargne considéré ne peut
excéder FCFA 1.000.000 (un million). La prise en considération
des parts sociales dans l'indemnisation traduit une méprise plus
générale du caractère d'investissement de ces parts
sociales. Dans une perspective financière rigoureuse, les parts sociales
constituent l'investissement du membre et seule leur valeur réelle
devrait être considérée au moment ou elle est
remboursée. On constate au contraire que les parts sociales sont
considérées de façon systématique dans les COOPEC
(du réseau CamCCUL) comme l'épargne, remboursées à
leur valeur nominale et, dans de nombreux cas, rémunérées
à intérêts fixes avant réalisation de tout surplus
net ou excédent net d'exploitation.
De prime abord, la couverture des parts sociales et de
l'épargne ne se justifient pas vraiment, comparé au risque sur le
crédit. Dans le cadre du crédit, le décès ou
l'invalidité du membre compromet la créance de la COOPEC. Dans le
cadre des parts sociales et de l'épargne, ces sinistres n'ont pas
d'atteinte. Le sinistre ne cause donc aucun dommage que l'indemnité
viendrait réparer. Ce volet du programme de gestion des risques
apparaît plutôt comme son ancrage dans la microfinance. La
philosophie qui sous-tend la couverture ou plutôt la multiplication des
parts sociales et de l'épargne tient à ce que le
décès d'un membre d'une famille à revenus modestes laisse
celle-ci au dépourvu, notamment lorsqu'il s'agit d'un des membres les
plus productifs. L'on a ainsi vu des familles réduites à la
misère parce que le père ou la mère qui en était le
principal pourvoyeur est décédé. Avec le programme de
gestion des risques, elles auront un petit capital de base pour exercer une
activité génératrice de revenus.
Ce programme est donc en réalité fondé
sur une double préoccupation qui est au centre de la microfinance. Il
s'agit du souci de pérennité de l'établissement dont
participe la garantie des créances de la COOPEC auquel doit être
associée dans le même temps une offre de services et produits les
moins chers et les plus adaptés à la situation économique
et sociale des populations à revenus modestes. Le programme
présente d'autres particularités liées aux parties en
cause.
§ 2 : Les particularités liées aux
parties
A l'examen, deux principales particularités se
dégagent du programme de gestion des risques relativement aux parties en
présence. La première est liée au nombre des parties qui
s'avère plus grand que celui que l'on retrouve dans la plupart des
opérations d'assurance. La seconde relève du rôle et du
statut de ces parties. Il est loisible de constater des cumuls et des
confusions dans le statut des parties. Nous examinerons tour à tour ces
deux particularités.
A - Des parties plus nombreuses que celles d'une
assurance classique Le contrat d'assurance met en principe quatre
parties en présence:
- l'assureur, qui offre les services et produits d'assurance
;
- le souscripteur, qui signe la police avec l'assureur et
s'engage à payer la prime convenue ;
- l'assuré, qui est celui sur la tête ou sur le
patrimoine duquel repose le risque assuré ;
- le bénéficiaire, qui est celui qui
perçoit l'indemnité en cas de réalisation du sinistre.
Il est fréquent que certains de ces rôles soient
cumulés. Le souscripteur peut notamment être à la fois
souscripteur, assuré et bénéficiaire. Ceci est d'autant
plus fréquent que les assureurs ne prévoient pas toujours sur
leurs formulaires les cadres nécessaires à la
matérialisation des quatre parties. La police ne prévoyant alors
que l'assuré et le souscripteur, sauf dans le cas des assurances vie
où le souscripteur ne peut être bénéficiaire que
dans des cas très rares103.
Dans le cadre du programme de gestion des risques, CamCCUL,
la COOPEC affiliée, le membre et un bénéficiaire
désigné par ce dernier sont toujours concernés. On
déborde donc sans exception le cadre classique du contrat entre assureur
et souscripteur où ce dernier cumule tous les statuts. La vocation
sociale de ce programme n'y est pas étrangère.
103 Assurance en cas de vie par exemple.
Il vise surtout un grand nombre de bénéficiaires,
ce qui justifie que l'essentiel de la confusion observée porte sur le
statut de bénéficiaire.
B - La confusion sur le statut des parties
Qui est assureur, souscripteur, assuré et
bénéficiaire dans le cadre du programme de gestion des risques ?
Le doute ne se pose pas sur la personne de l'assureur : c'est la ligue. Elle a
prépare une politique faisant également office de police que
chaque affilié peut consulter et souscrire. Il s'agit d'un document qui
donne toutes les informations relatives au programme de gestion des risques.
Jusqu'à sa signature, ce document correspond à la proposition
d'assurance.
Le souscripteur est également bien connu : c'est la
COOPEC affiliée. Bien que le programme de gestion des risques soit un
service destiné aux affiliés de CamCCUL, toutes les COOPEC
affiliées n'y sont pas inscrites. Certaines ne remplissent pas les
conditions d'adhésion au programme. Une caisse populaire voulant
adhérer doit soumettre ses états financiers les plus
récents. Ceux-ci et d'autres documents doivent justifier qu'elle remplit
les conditions suivantes :
- Etre enregistrée au registre des sociétés
coopératives et des groupes d'intérêt commun et
agréée par l'autorité monétaire ;
- Avoir libéré ses parts sociales à la
ligue ;
- Etre à jour pour les contributions aux frais de la
ligue et les dépôts obligatoires ; - Avoir un registre des membres
à jours et en accord avec les fiches d'adhésion ; - Avoir une
politique de crédit dûment approuvée et respectée
;
- Avoir un minimum de procédures et de règles
administratives ;
- Exercer ses activités en conformité avec le plan
comptable de la ligue, etc.
Le cumul et la confusion commencent avec la
détermination de l'assuré. En considérant la personne sur
la tête de laquelle repose le risque, le membre est l'assuré.
Lorsque l'on considère plutôt le patrimoine en cause, aussi bien
la COOPEC que le membre sont assurés. La COOPEC l'est car le
décès ou l'invalidité du membre compromet le recouvrement
de sa créance. Quant au membre ce sont ses parts sociales et son
épargne qui sont en cause. Dans un raisonnement plus osé, on
pourrait envisager les héritiers du
membre comme assurés car le passif de leur auteur ne
leur est pas transmis. On retiendra que le principal assuré est le
membre.
La confusion et le cumul sont plus sérieux en ce qui
concerne la détermination du bénéficiaire. Une
première solution consiste à dire que la COOPEC affiliée
est bénéficiaire. C'est à elle qu'est payée
l'indemnité sur le crédit. Autrement dit, la ligue se substitue
au membre décédé ou invalide et rembourse le crédit
de ce dernier. Le membre désigne au moment de son adhésion dans
la COOPEC un ayant droit. Ce dernier est bénéficiaire au titre de
l'indemnité sur les parts sociales et l'épargne. A défaut
de désignation, l'indemnité est payée aux héritiers
conformément au jugement d'hérédité ou à
l'administrateur des biens. Le programme de gestion des risques se
présente sous l'angle du bénéficiaire comme une assurance
personnelle et à la fois pour autrui. La caisse populaire se couvre
personnellement pour protéger son portefeuille des risques
d'impayés et couvre en même temps son membre. Sous ce rapport, il
est normal qu'elle soit seule assujettie au paiement de la prime. Lorsqu'elle
n'a pas payé la prime, aussi bien l'indemnité sur parts sociales
et épargne que celle sur les crédits ne seront pas payées
par la ligue en cas de sinistre.
Une question surgit dès lors, qui jusqu'ici ne se pose
cependant pas dans la pratique : les bénéficiaires d'un membre ou
ses héritiers peuvent-ils réclamer des dommages et
intérêts à leur COOPEC si cette dernière
n'était pas à jour dans le paiement des primes au moment
où leur parent décède ou devient invalide et que la ligue
refusait pour cette raison de rembourser le crédit et de leur payer
l'indemnité de parts sociales et d'épargne? En d'autres termes,
le bénéfice de l'indemnité constitue - t - il pour le
membre un droit dont il peut exiger le respect ou s'agit-il simplement d'une
faveur dont il ne peut s'en prévaloir si elle ne lui avait pas
été accordée ? La question est d'autant plus
intéressante que certaines familles sachant leur parent courir gravement
le risque de décès ou celui d'invalidité iraient
jusqu'à contracter de nouveaux crédits pour mettre à jour
celui du parent malade et éviter qu'il ne soit en retard de plus de deux
échéances.
Relativement à cette question, il faut remarquer que le
débat n'aurait pas lieu d'être si le membre n'était pas en
règle avec les conditionnalités du programme de gestion des
risques. Au fond, plusieurs points de vue peuvent être
considérés. L'on pourrait envisager la responsabilité de
la COOPEC. La souscription de la police est autorisée par
l'assemblée générale de la COOPEC qui donne mandat au
conseil d'administration à cet effet. Il autorise par là
même les organes dirigeants de la COOPEC à engager toutes
dépenses
nécessaires aux opérations de gestion des
risques. Le préjudice est par ailleurs certain : absence de
remboursement du crédit et de paiement de l'indemnité sur parts
sociales/épargne. Suivant cette théorie du mandat, le membre
serait fondé à exiger de la coopérative ou des organes
sociaux la réparation du préjudice subi. D'un autre point de vue,
la souscription au programme de gestion des risques pourrait simplement
être considérée comme de la stipulation pour autrui, une
assurance pour le compte de qui il appartiendra. D'ailleurs, tous les membres
qui bénéficient aujourd'hui du programme n'étaient pas
nécessairement membre de la COOPEC lorsque celle-ci souscrivait. Cette
assurance n'ayant pas un caractère obligatoire, la COOPEC ne serait
tenue ni d'y souscrire, ni tenue d'en garantir le bénéfice aux
membres.
Dans une perspective plus pratique et en l'absence d'une
solution claire que l'on aurait pu emprunter au code CIMA s'il avait
tranché la question à l'article 5 relatif au mandat et assurance
pour compte, l'on peut penser que l'action en dommages et intérêts
du membre aurait une chance d'aboutir si elle était intenter contre des
dirigeants négligents qui n'ont pas, alors que les moyens et les
circonstances le permettaient, honorer tous les engagements de la COOPEC
à l'égard de la ligue, de sorte à garantir le
bénéfice de l'indemnité aux membres.
Le programme de gestion des risques est donc
véritablement une formule d'assurance sui generis. Il ne constitue ni
une assurance crédit dans les formes habituelles, ni une assurance
risque comme les autres. Il met en présence des acteurs aux rôles
inhabituels et est à la fois une assurance pour soit et pour compte.
Qu'il ne soit pas souscrit par tout les affiliés ou que l'on lui
reproche de ne prendre en compte que des montants très réduits,
cette assurance a le mérite de constituer des tentatives de
réponses précises et adaptées à des
préoccupations tout aussi précises et particulières. C'est
la démarche innovante de la microfinance : concevoir, produire, penser
et « inventer » des outils et des produits adaptés aux
populations cibles. Le programme de gestion des risques reste néanmoins
plus classique dans son mécanisme.
Section 2 : Le mécanisme du programme
L'examen d'un mécanisme d'assurance peut mettre en
exergue une multitude d'opérations. Peuvent ainsi être
envisagés : la souscription de la police d'assurance, la
détermination et le paiement des primes, la déclaration du
sinistre, la détermination du montant de l'indemnité et son
paiement, voire même le contentieux. De façon plus
ramassée, il s'agit des opérations de passation
de contrat, de sa mise en oeuvre à travers l'exécution successive
des obligations de l'assureur et de l'assuré et de la phase
contentieuse. La souscription de la police de gestion des risques a
été évoquée précédemment. Quant au
contentieux, il n'est pas abondant et suscite peu d'intérêt dans
la mesure où la recherche du consensus est systématique ici.
L'analyse portera par conséquent sur
l'exécution successive de leurs obligations par les COOPEC
affiliées et la ligue dans le cadre du programme de gestion des risques.
Deux moments forts au coeur de toute opération d'assurance retiendront
l'attention : le paiement de la prime (§1) et le règlement du
sinistre (§2).
§ 1 : Le paiement de la prime
Payer sa prime est la principale obligation du souscripteur
d'une police d'assurance. Dans les mécanismes d'assurance traditionnels,
la détermination de la prime d'assurance constitue l'essentiel des
préoccupations à cet effet. Dans le cadre du programme de gestion
des risques, deux considérations animent la réflexion. Il faut
non seulement considérer la détermination du montant de la prime
(A), mais s'arrêter également sur la procédure de paiement
de cette prime qui suscite un intérêt indéniable (B).
A - La détermination du montant de la
prime
Le calcul des primes se fait distinctement sur les parts
sociales et épargne d'une part et sur l'encours de crédits
d'autre part. Mais il faut le dire une fois de plus, les deux composantes de ce
programme d'assurance ne sont pas autonomes l'une de l'autre. Le calcul
séparé des primes sur parts sociales/épargne et sur les
crédits permettra de déterminer le montant total de la prime dont
la COOPEC doit s'acquitter pour bénéficier des
indemnités.
Préalablement à la détermination de la
prime, le risque assurable doit être calculée. En d'autres termes,
quel est le montant assuré ? Pour les parts sociales et épargnes,
sont pris en compte dans le calcul de ce montant, le total des parts sociales
des membres et le total de l'épargne collectée. Notons qu'une
distinction est faite dans les caisses populaires du réseau CamCCUL
entre l'épargne du membre et ses dépôts. Les
dépôts sont toujours disponibles et le membre peut les retirer
à tout moment. Ils ne génèrent pas
d'intérêts. L'épargne quant à elle n'est en principe
pas disponible. Pour tout retrait, le membre doit donner un préavis d'un
certains nombre de jours. A défaut de préavis de retrait, un
certain
pourcentage du montant retiré est prélevé.
Ce système permet d'assurer la liquidité de la caisse
populaire.
Viennent en déduction du total des parts sociales et
épargne :
- la portion des parts sociales et épargne de tout membre
excédent FCFA 1.000.000 (un million) ;
- les parts sociales et épargne des groupes ; et
- les parts sociales et épargne des membres
décédés.
Pour les crédits, le montant assurable est
constitué de l'encours total de crédits duquel sont
déduits :
- la portion de tous les soldes des crédits
excédents FCFA 2.500.000 (deux millions cinq cent mille) ;
- les crédits aux groupes (y compris les crédits
octroyés dans le cadre des projets lorsque la méthodologie de
groupe est retenue) ;
- les crédits aux membres âgés de plus de 70
ans et plus ; et - les soldes de crédits des membres
décédés.
Le total des parts sociales et épargnes ainsi que celui
des crédits ainsi déterminés constituent le risque
assurable et la base du calcul de la prime.
Considérant ensuite la formule de calcul de la prime,
chaque caisse doit payer FCFA 100 (cent) pour FCFA 100.000 (cent mille) de
risque assurable. La formule de détermination de la prime est la
suivante :
P=
* 100
Mon tan tassurable
100.000
En réalité, il s'agit de 1%o (un pour mille) du
montant assurable. Mais cette présentation est évitée afin
d'en faciliter la compréhension par le personnel des caisses populaires
et leurs membres. La ligue espère ainsi que l'ensemble des
procédures relatives au paiement de la prime seront respectées
avec un minimum d'erreurs.
B - La procédure de paiement
payer. Le Rapport de Couverture est envoyé à la
ligue au plus tard le 15 du mois suivant. Dans le même temps, elles
doivent créditer leur compte de dépôts de gestion des
risques ou s'assurer que celui-ci a des provisions suffisantes pour le paiement
de la prime du mois en cause. A la réception du Rapport de Couverture
par le service de gestion des risques, celui- ci fait les vérifications
nécessaires et demande au service comptable de débiter le compte
de dépôts de gestion des risques de la COOPEC par le crédit
du compte prime de gestion des risques de la ligue. Un avis de débit est
alors dressé et adressé à la COOPEC concernée qui
peut elle-même passer les écritures nécessaires, à
savoir le crédit de son compte dépôts de gestion des
risques à la ligue par le débit du compte prime de gestion des
risques. Ceci permet d'éviter les écarts entre la
comptabilité de la ligue et celle de la COOPEC qui entraînaient
par le passé de nombreuses opérations de rapprochement. Il arrive
en effet que le montant de la prime soit ajusté par le service de
gestion des risques à la suite des vérifications
effectuées, et c'est ce montant ajusté qui doit être
imputé dans les comptes de la COOPEC. Les ajustements sont clairement
expliqués à la COOPEC dans une correspondance.
Lorsque la provision dans le compte de gestion des risques de
la COOPEC est insuffisante, la COOPEC en est informée et son Rapport de
Couverture mis en instance jusqu'à l'augmentation de la provision. Il
arrivait par le passé que certaines COOPEC n'ayant pas les fonds pour le
paiement de la prime rendent leur compte dépôts de gestion des
risques débiteur dans leurs livres tandis que celui-ci restait
créditeur dans les livres de la ligue qui s'était abstenue de le
débiter en réalisant que la provision était insuffisante.
Ceci engendrait également des écarts à rapprocher et
donnait surtout la malheureuse impression aux agents de la ligue en charge de
la supervision de la COOPEC que celle si était à jour dans le
paiement de ses primes. Il est désormais demandé aux COOPEC qui
ont des problèmes de liquidité passagers de débiter leur
compte prime de dépôts de gestion des risques par le crédit
des dettes à court terme. Il s'agit là d'une solution comptable
au problème, qui ne remet cependant pas en cause les principes
fondamentaux qui régissent le règlement des sinistres.
§ 2 : Le règlement du sinistre
Le règlement du sinistre ou indemnisation produit au
bénéficiaire le bénéfice de l'assurance. C'est donc
celui-ci qui a intérêt à déclencher la
procédure. Une demande d'indemnisation est introduite à cet effet
(A) qui met en branle le mécanisme de l'indemnisation proprement dite
(A).
A - La demande de règlement
Les demandes de règlement sont préparées
sur des fiches élaborées par la ligue. La demande d'indemnisation
est remplie par le Directeur ou le comptable de la caisse qui la signe et la
fait signer par le président du conseil d'administration. Une fiche de
contrôle est également remplie et signée du
président du conseil d'administration et de « l'inspecteur »
de la ligue responsable de cette caisse.
En cas de décès, ces deux fiches remplies et
cachetées sont transmises à la ligue avec de nombreux documents.
Une copie de la carte d'identité informatisée du défunt
est ainsi jointe au dossier. Elle devrait encore être valable au moment
du décès. En l'absence de la CNI, sa famille devra obtenir une
attestation de perte et la soumettre en lieu et place de la CNI. Au regard des
difficultés souvent rencontrées avec ce document, il est
recommandé aux caisses d'exiger une copie de la CNI du membre au moment
de son adhésion ou au cours d'une transaction pour les anciens membres
ou pour ceux dont la CNI est arrivée à expiration.
La famille du défunt doit aussi apporter à la
caisse populaire un certificat de décès délivrés
par un officier d'état civil. La déclaration de
décès délivrée par l'autorité
médicale n'est pas acceptée à la place du certificat de
décès. La caisse populaire et l'inspecteur de la ligue s'assurent
que toute surcharge sur le certificat de décès est
certifiée par le cachet de l'officier d'état civil.
Le livret de compte du défunt fait également
partie des pièces composant le dossier de demande d'indemnisation. La
caisse doit s'abstenir de délivrer un nouveau livret au nom du membre si
celui qu'il utilisait jusqu'à sa mort est introuvable par sa famille.
Dans ce cas, une lettre est jointe au dossier qui précise que le livret
du membre y manque.
Toutes les fiches individuelles du membre depuis son
adhésion jusqu'à son décès accompagnent le dossier.
Pour les COOPEC informatisées du réseau, les copies
imprimées du relevé de compte du de cujus doivent faire partie du
dossier. Le solde de clôture du compte n'est pas pris en compte, si
notamment le montant est élevé, en l'absence des fiches
individuelles ou du relevé de compte.
La demande d'adhésion du défunt membre
dûment approuvée par le conseil d'administration, signée du
membre et désignant le bénéficiaire de l'indemnité
fait partie du dossier. Dans certains cas, cette fiche peut s'avérer
introuvable. C'est le cas à la suite
des opérations de fusion et scission. Dans ce cas, le
registre des membres contenant les informations nécessaires et la
signature du membre fait foi.
Au cas où le défunt n'avait pas
désigné son bénéficiaire lors de son
adhésion, la famille doit produire une copie du jugement
d'hérédité désignant le(s) héritier(s) du de
cujus. Si le bénéficiaire ou l'héritier
décède ab intestat, et avant le traitement de la
demande, l'indemnité sera payée à l'administrateur de ses
biens. Les bénéficiaires désignés par les conseils
de famille ou leur chef ne sont pas acceptés.
Un certificat d'individualité accompagne enfin la demande
d'indemnisation si les noms portés sur les différents documents
du de cujus ne sont pas identiques.
Dans le cas de l'invalidité complète, deux
documents viennent se substituer à ceux exigés dans le cadre du
décès et qui sont relatifs justement à la preuve du
décès du membre. Un certificat médical est ainsi
exigé. Ce certificat signé d'un médecin officiant dans une
institution hospitalière autorisée doit préciser la cause
et le degré d'invalidité du membre. Si le membre était
employé, sa lettre de licenciement doit également être
jointe, précisant la raison du licenciement.
La demande d'indemnisation est au demeurant un
véritable dossier qui expose les dirigeants de la COOPEC aux
détails des procédures et actes d'état civil. C'est la
famille du défunt qui bénéficie le plus de cet effet
éducatif. En plus, au moins pour les raisons du programme de gestion des
risques, elle suivra l'ensemble des procédures liés à
l'ouverture de la succession du de cujus, ce qui évite dans bien des cas
les querelles toujours plus nombreuses en l'absence de l'accomplissement formel
de ses procédures.
B - L'indemnisation
A la réception des demandes d'indemnisation, le
service de gestion des risques fait les vérifications d'usage. Elle
vérifie notamment le respect de la procédure et des dispositions
substantielles de la police. Pour le crédit, le solde du crédit
du membre inférieur ou égal à FCFA 2.500.000 est
remboursé à la COOPEC. Pour les parts sociales / épargne,
une fiche analytique permet de faire le calcul du montant de
l'indemnité. Le calcul est fait par rapport aux parts sociales /
épargne et à l'âge du membre au moment de son
décès sur la base de la méthode comptable FIFO. Les taux
sont soit progressifs soit dégressifs, et appliqués comme suit
:
Age
|
Taux de majoration des parts sociales /
épargne
|
0 - 6 mois
|
25%
|
6 mois - 55 ans
|
100%
|
55 - 60 ans
|
75%
|
60 - 65 ans
|
50%
|
65 - 70 ans
|
25%
|
70 ans et plus
|
5%
|
|
Les taux sont gradués. L'exemple suivant est
généralement présenté par le service de gestion des
risques pour l'illustrer :
M. X est décédé en 2006. Il était
membre de la Caisse Populaire Coopérative de Z depuis 2000 à
l'âge de 50 ans.
Année
|
Age
|
Parts sociales / épargne
|
Différence en P / E
|
Indemnité
|
|
Montant
|
2005
|
55 ans
|
100.000
|
|
100.000*100%
|
100.000
|
2006
|
56 ans
|
120.000
|
20.000
|
20.000*75%
|
15.000
|
|
|
|
|
TOTAL
|
115.000
|
|
En réalité ce mécanisme est plus
complexe qu'il n'y paraît. Il faut s'intéresser à un solde
inférieur à celui de la tranche précédente au
moment du décès du membre. Concrètement,
considérons que le membre ait eu FCFA 120.000 en compte en 2005 et FCFA
100.000 en 2006 au moment de son décès. Dans ce cas, 75% des FCFA
100.000 seront payés au titre de l'indemnité de gestion des
risques. Il s'agit ici de l'application de la méthode comptable de
« gestion des stocks » FIFO.
compte dépôts de gestion des risques de la
COOPEC à la ligue. Un avis de crédit est adressé à
la COOPEC concernée. Dès réception de l'avis de
crédit, le prêt du membre est soldé à son
crédit par le débit du compte dépôts de gestion des
risques. 65% de l'indemnité d'épargne/parts sociales sont
versés au compte d'épargne du défunt et 35% de la
même indemnité appropriée par la COOPEC de base comme
revenus de gestion des risques. Une fois ces écritures passées,
le bénéficiaire est contacté pour le paiement de
l'indemnité. La totalité de la provision en compte
d'épargne du de cujus (provision en compte d'épargne existante +
indemnité sur parts sociales / épargne) lui est payée. Si
le bénéficiaire est membre de la même COOPEC de base, le
solde du compte d'épargne du de cujus est transféré
à son compte. La COOPEC encourage les bénéficiaires non
membres à devenir membre et donc à faire héberger le
produit de l'indemnité dans leur compte.
Lorsque le bénéficiaire est mineur de 18 ans,
un compte est ouvert en son nom et la totalité de l'épargne qui
lui est due est versée dans ce compte. Ce compte est strictement
contrôlé par le conseil d'administration et un dossier est ouvert
pour enregistrer toutes les transactions effectuées au nom du mineur par
son tuteur ou l'administrateur de ses biens. Tout paiement requis sur ce
dernier ne doit être effectué que sur présentation de
reçus dont une copie est classée dans le dossier indiqué.
Ces reçus doivent faire la preuve que la transaction est faite au profit
du mineur et que les sommes retirées ne constituent pas le remboursement
de dépenses de luxe. Les exemples de frais de scolarité et de
santé sont cités comme faisant partie des dépenses pouvant
être imputées au compte du mineur bénéficiaire.
Le manuel de procédure de gestion des risques ne dit
pas quel est le sort des dépôts du de cujus et ceci est de bonne
procédure. En effet, le manuel des procédures des COOPEC de base
prévoit que lorsqu'un membre décède, ses
dépôts et son épargne sont mis ensemble dans un compte de
la catégorie des comptes d'épargne des membres
décédés. Ainsi ils font partie de l'indemnité
payée au bénéficiaire.
Le programme de gestion des risques du réseau CamCCUL
est donc un mécanisme de garantie éprouvé et plus ou moins
maîtrisé. Il constitue une assurance très atypique. Il
associe le risque de décès à celui d'invalidité
complète et propose en même temps une double couverture du
crédit et des parts sociales / épargne. Le rôle ou le
statut des parties est encore plus singulier. L'acteur principal du programme
est la COOPEC de base qui met
en relation ses membres et la ligue. La COOPEC de base joue
à la fois le rôle de souscripteur, d'assuré et de
bénéficiaire ; encore qu'en payant le bénéficiaire
désigné par le membre décédé, elle
apparaît (dans l'imaginaire du bénéficiaire à tout
le moins) comme l'assureur ! Le programme de gestion des risques est hautement
apprécié dans le réseau CamCCUL. Il s'agit pour les
caisses de base d'un produit d'assurance contre les impayés pour cause
de décès ou d'invalidité. Outre la couverture contre ces
risques, il offre le précieux avantage de produire des revenus pour la
COOPEC, ce que ne fait pas une assurance plus classique à l'égard
du souscripteur lorsque existe un autre bénéficiaire. Pour les
membres des COOPEC, il s'agit d'un produit de microassurance dont ils ne
supportent pas directement les charges ; ils restent assurés ou
bénéficiaires. C'est l'un des attraits fondamentaux des caisses
populaires du réseau CamCCUL que ces dernières et la ligue
utilisent volontiers comme argument marketing pour augmenter leur
sociétariat. A la ligue, l'enjeu est d'abord financier. Le programme de
gestion des risques rapporte des revenus financiers qui permettent à la
ligue de réduire sa dépendance aux contributions des
affiliés. En effet, la moitié des excédents
dégagés annuellement par le programme sont appropriés
comme revenus financiers tandis que la moitié restante est dotée
comme fonds de gestion des risques. L'enjeu est ensuite celui de la
solidarité et de l'homogénéité du réseau.
Grâce au programme de gestion des risques, la ligue réalise la
mutualisation des risques visés entre ses affiliés. L'enjeu est
enfin celui du contrôle des caisses du réseau. En effet, le
programme de gestion des risques et les opérations de crédit
apparaissent à l'examen comme deux activités parmi celles les
plus efficaces en matière de contrôle et d'analyse de la situation
financière des affiliés. Ceci est dû au fait que les
services en charge de ces opérations ont développé des
supports additionnels aux états financiers qui leur permettent de
réaliser des analyses spécifiques.
Le mécanisme du programme de gestion des risques est
plus classique. Les fiches de couvertures sont préparées tous les
mois et les primes payées par les COOPEC de base. A la survenance du
sinistre, celui-ci est déclaré à la ligue qui fait les
vérifications d'usage et indemnise la COOPEC et le
bénéficiaire désigné par le membre.
Le succès de ce programme et sa singularité
depuis de nombreuses décennies font cependant ombrage au
développement d'autres produits de microassurance104. Il est
à cet
104 Après de nombreuses études de
faisabilité et de marché, la ligue a lancé au milieu de
l'année 2007 un fonds de protection des dépôts,
microassurance au bénéfice de ses affiliés contre les
risques d'incendie, de vol, braquage, risques affectant les espèces
monétaires constituées essentiellement des dépôts
des membres. Il s'agit là d'une des nombreuses réponses
apportées au problème d'insécurité, les EMF du
réseau ayant fait
égard étonnant qu'un fonds de garantie
spécialement affecté au risque d'impayé des crédits
avec contribution directe des emprunteurs ne soit pas mis en place dans un
réseau aussi vaste que la CamCCUL. Sans doute la mise à
contribution actuelle des garanties liées aux mécanismes de
paiement participe également à reléguer au calendre la
mise en place de ce fonds de garantie.
CHAPITRE2:
LA MISE A CONTRIBUTION DES GARANTIES LIEES AUX
MECANISMES DE PAIEMENT
Les évolutions technologiques, le souci de
sécurité et les exigences de la clientèle bancaire ont
favorisé le développement de techniques de paiement que l'on
qualifie de « modernes » : carte bancaire, monnaie
électronique. Ces techniques modernes s'ajoutent aux instruments
classiques (espèces, chèques, virement, effets de commerce) et
offrent à l'économie une variété d'alternatives de
règlement des dettes105.
Tandis que les instruments de paiement et de crédit
vont ainsi vers la modernité et permettent d'obtenir une meilleure
célérité et une sécurité renforcée
des paiements, une tendance plus traditionnelle se confirme davantage qui
consiste en l'usage de ces moyens de paiement à des fins autres que
celui du règlement des dettes. En effet, aujourd'hui comme par le
passé, les mécanismes de paiement et de mobilisation sont
exploités à des fins de garantie.
Les COOPEC qui éprouvent des difficultés
à garantir leurs créances n'ont pas échappé
à cette tendance. L'usage des moyens de paiement comme instruments de
garantie apparaît même comme le mécanisme de garantie du
crédit le plus ancien dans les COOPEC. La pratique d'une épargne
préalable que le postulant doit constituer et qui reste bloquée
pendant la durée de remboursement du crédit paraît à
cet égard consubstantielle aux opérations de crédit en
microfinance en général, et dans les COOPEC en particulier
(section 1). A coté de cette pratique, d'autres mécanismes
liés aux moyens de paiement sécurisés faisant intervenir
la monnaie scripturale ont été développés (section
2).
Section 1 : L'épargne bloquée
La dénomination du mécanisme varie suivant les
institutions et au-delà, suivant les pays et les régions
où l'on se trouve. Il est connu dans certains pays d'Afrique de l'ouest
et d'Amérique latine comme « l'épargne obligatoire ».
Certains réseau de Mutuelle d'Epargne et de Crédit du
Sénégal, le Réseau des Caisses d'Epargne et de
Crédit des Femmes de Dakar (RECEC) notamment, lui ont donné
l'appellation d'épargne « caution », ce qui traduit plus
fidèlement la nature juridique du mécanisme mis en oeuvre.
Dans le réseau CamCCUL, l'appellation épargne
bloquée a été préférée à toute
autre et démontre encore cette recherche de spécificité et
de simplicité parfois faite au mépris des concepts juridiques
appropriés. Ici, le mécanisme de l'épargne bloquée,
précis et simple (§1), n'empêche cependant pas de nombreuses
difficultés dans sa mise en oeuvre (§2).
§ 1 : Le mécanisme
Le mécanisme de l'épargne bloquée du
réseau CamCCUL est essentiellement basé sur un principe de
garantie financière devant représenter 30% du risque encouru en
opérations de crédit (A). Cette garantie financière
emporte des implications importantes liées au portefeuille de
crédits qui sont malheureusement très souvent
négligées dans l'analyse (B).
A - Le principe de 30%
De principe, pour toute demande de crédit dans une
caisse populaire du réseau CamCCUL, le membre demandeur doit
posséder au moins 30% du montant sollicité sur son compte
d'épargne. Lorsque la demande est approuvée, la provision est
bloquée et rendue progressivement disponible une fois le solde du
crédit inférieur au montant initial de la provision, à la
suite de remboursements effectués. Le taux de l'épargne
bloquée varie selon les EMF où elle est pratiquée de part
le monde. On peut ainsi observer que de 20% minimum, elle peut aller
jusqu'à 60%. Dans le réseau CamCCUL, le taux de 30%
apparaît davantage comme un indicateur plutôt que comme un taux
strictement contraignant. C'est ainsi que dans la pratique, le montant de
l'épargne bloquée peut effectivement varié et
représenter jusqu'à 20% du montant du crédit.
Dans une perspective de dépassement du cadre
empirique, il est intéressant de se pencher sur la nature juridique de
l'épargne bloquée. A cet égard, elle apparaît comme
ce qui est couramment connu comme une «caution bancaire », car il
s'agit en réalité de la consignation d'une somme d'argent,
fut-elle dans le compte du membre, en vue de garantir
l'exécution d'une obligation. Il faut déplorer
la confusion que les deux significations du mot caution créent au
quotidien dans les COOPEC et regretter que la « commodité »
justifie toujours l'usage du concept de caution avec sa signification duale.
S'il s'avère véritablement impossible de délaisser son
sens dépôt de garantie, de consignation ou de gage
d'espèces, le législateur, le juge et la doctrine pourraient au
moins faire suivre le terme caution par l'adjectif bancaire pour indiquer qu'il
s'agit d'un dépôt de garantie. Le terme caution strictement
employé renverrait alors plus simplement à la sûreté
personnelle qu'on connaît.
B - La portée de l'épargne bloquée
sur le portefeuille de crédit
L'épargne bloquée dans la proportion de 30% n'a
véritablement de sens que dans le cadre des crédits dont le
montant est supérieur à l'épargne du membre. Lorsque le
crédit est d'un montant inférieur ou égal à celui
de l'épargne, il faut distinguer s'il s'agit d'un crédit «
productif » ou d'un crédit de « consommation ». Dans le
premier cas, le principe de 30% est respecté car le membre pourrait
avoir besoin de l'excédent en compte d'épargne pour les besoins
de son activité. Le fait que l'objet du crédit soit
générateur de revenus est également pris en
considération. Dans le second cas, ce sont 100% qui sont
bloqués.
Qu'il s'agisse de 30% ou de 100%, l'ignorance de
l'épargne bloquée au moment de la présentation du
portefeuille de crédit contribue à gonfler la valeur de ce
portefeuille. Les crédits garantis par l'épargne des membres ne
présentent pas vraiment de risques. Une présentation rigoureuse
du portefeuille donnant une indication sur le risque réel encouru par
l'institution dans les opérations de crédit devrait exclure les
montants garantis par l'épargne. Bien entendu, l'épargne
bloquée peut être érodée plus tard, mais en raison
des autres risques institutionnels et opérationnels ; pas en raison des
risques opérationnels liés aux activités de
crédit.
De nombreux membres des COOPEC considèrent d'ailleurs
qu'il s'agit ni plus ni moins d'emprunter leur épargne, ce qui n'est pas
faut. Cette pratique est critiquée au motif qu'elle engendre des charges
financières injustifiées106. Mais elle présente
de nombreux avantages. Il faut dire que le coût d'opportunité de
l'opération n'est pas toujours défavorable pour le membre.
L'argent obtenu étant un crédit, le membre sera plus enclin
à le rembourser et fera ainsi un effort d'épargne. Ce dernier
continue d'avoir une garantie
106 LHERIAU (L), Op. Cit. p 452.
pour de crédits futurs dans sa caisse.
L'épargne bloquée étant rémunérée
dans le réseau CamCCUL, les charges financières sont finalement
très faibles. En considérant un membre qui dispose de FCFA
300.000 sur son compte d'épargne et qui vient en emprunter 200.000 FCFA
pour un remboursement en trois mensualités, le membre recevra FCFA 2.500
d'intérêts à 5% l'an sur la portion de 200.000 dans son
compte et payera des intérêts de FCFA 4.000 à 1% mensuel,
d'où une perte de 1500 représentant le coût final de son
crédit. L'emprunt de l'épargne est donc une pratique à
encourager en microfinance pour la raison principale qu'elle permet au membre
d'épargner et de n'avoir recours aux ressources financières que
pour des fins utiles et très souvent susceptibles de
générer des revenus. Les difficultés que l'on observe dans
sa mise en oeuvre freinent cependant son développement dans le
réseau CamCCUL.
§ 2 : Les difficultés de mise en oeuvre
Le fait que l'épargne bloquée soit la garantie
la plus usitée du réseau CamCCUL cache mal les difficultés
qui s'attachent à sa mise en oeuvre. L'épargne bloquée
peut en effet avoir un essor plus glorieux si les contraintes liées
à l'informatisation (A) et les difficultés de contrôle (B)
sont résolues.
A - Les difficultés liées à
l'informatisation
Le réseau CamCCUL est sinon l'EMF présentant le
niveau d'informatisation le plus élevé, du moins parmi les
leaders dans ce domaine. Et pourtant il a été enjoint par la
COBAC en 2005 d'accélérer son informatisation. Cette injonction
n'est toujours pas levée. C'est dire simplement que la question de
l'automatisation des SIG reste une préoccupation générale
dans le secteur de la microfinance.
Pour des COOPEC pouvant avoir plus de 10.000 membres, il est
pratiquement impossible d'effectuer manuellement toutes les opérations
d'épargne bloquée qui, pour la plupart des temps, font intervenir
une caution. Quand bien même elles sont informatisées, les
logiciels disponibles et employés ne sont pas toujours efficaces comme
relevés plus haut107. Bref, la fiabilité du SIG est en
question. Ceci permet de comprendre mieux la difficulté
d'informatisation des COOPEC. Certaines ont été
informatisées et ont quelques temps après, abandonné le
système automatisé au profit du système manuel en raison
de ces difficultés.
107 Supra, Premiere Partie, Chapitre 2, § 1.
La problématique de l'informatisation reçoit en
ce moment une réponse appropriée. Tandis que le réseau
s'équipe davantage de matériel informatique, de logiciels et
progiciels, la COBAC a pratiquement bouclé ses consultations en vue de
l'institution d'un plan comptable des EMF. Il faut souligner ici pour s'en
féliciter la démarche qui consiste maintenant pour la ligue a
définir le cahier de charge des concepteurs des logiciels et progiciels
à utiliser dans le réseau. Cette démarche, absente par le
passé donne l'opportunité aux informaticiens qui maîtrisent
suffisamment les opérations du réseau d'indiquer aux programmeurs
retenus quels types de programmes et quelles fonctionnalités
élaborées. Ceci évitera certainement dans l'avenir les
défaillances telles que la libération d'une épargne
bloquée alors que le crédit n'est toujours pas remboursé,
le blocage disproportionné de l'épargne, la déduction
automatique de l'épargne en remboursement du crédit...
Après la première phase d'un gigantesque projet de renforcement
institutionnel du réseau CamCCUL financé par l'ACDI et
co-exécuté par DID et la ligue, une seconde phase est en cours et
devra contribuer à relever significativement le niveau d'informatisation
dans le réseau. Il serait heureux que les difficultés de
contrôle reçoivent la même attention.
B - Les insuffisances du contrôle
Qui doit bloquer le compte ? Qui doit le débloquer et
à quel moment ? Sans revenir sur la confusion observée, disons
simplement que c'est le responsable de crédit qui devrait bloquer
l'épargne au moment de l'enregistrement du crédit. Ceci, qu'il
s'agisse d'un SIG manuel ou d'un SIG automatisé. C'est également
lui qui devrait le débloquer après s'être assuré que
le remboursement a eu lieu. Il devrait effectuer cette seconde partie de
l'opération en étroite concertation avec le caissier. Dans le cas
d'un SIG automatisé, il pourrait simplement en assurer le
contrôle, l'épargne étant débloquée
automatiquement à la suite des procédures de paiement à la
caisse. Si ce n'était pas le cas, il suffirait au responsable de
crédit de consulter le solde du crédit après
enregistrement des opérations de paiement par le caissier. Le caissier
devrait être tenu responsable du paiement au membre de tout montant
indisponible. Dans le cas des SIG manuels, le service des membres (ou de la
clientèle pour emprunter au jargon commercial) devrait être d'une
grande utilité à travers la mise à jour des carnets et des
cartes individuels des membres après chaque opération.
leurs carnets d'un espace pour ce compte de
dépôt de consignation. Ceci est possible, que l'on soit dans le
cadre d'un SIG manuel ou d'un SIG automatisé. Lorsque le crédit
est octroyé, la partie de l'épargne à bloquer est
transférée sur ce compte. La comparaison serait alors facile
entre le solde du crédit et celui du compte de dépôt de
consignation. De plus, le membre ne pourra pas faire de retrait de ce compte en
se jouant des défaillances du contrôle du fait de l'interdiction
formelle qui y sera attachée : une fois qu'il n'a pas de provision en
épargne et dépôts, il ne pourra effectuer de retrait.
Lorsque le solde du crédit est inférieur à celui du compte
de dépôt de consignation, la provision de consignation est
progressivement transférée sur le compte d'épargne du
membre à la suite de chaque remboursement. Le compte de
dépôts de consignation pourra être
rémunéré au même taux que l'épargne ou
légèrement un peu plus, ce qui encouragerait les membres à
emprunter dans la mesure de leur épargne.
L'épargne bloquée est somme toute un
mécanisme approprié de garantie qui tient compte de la situation
économique des membres des COOPEC. Elle contribue à renforcer
leur capacité d'épargne et leur fournit dans le même temps
un instrument de garantie fiable, à savoir la garantie
financière. Le réseau CamCCUL en a toujours fait usage pour le
grand bien de ses membres à revenus modestes ne disposant pas des
garanties traditionnelles. L'épargne bloquée pourrait même
avoir un succès plus certain si les faiblesses liées au SIG
étaient corrigées et des mécanismes de contrôle
appropriés mis en place. L'usage des moyens de paiement
sécurisés offre en attendant d'autres alternatives de
garantie.
Section 2 : L'usage des moyens de paiement
sécurisés
La masse de la monnaie fiduciaire en circulation de part le
monde est sans cesse importante. Mais il faut reconnaître que cette
monnaie a perdu de l'importance et que la monnaie scripturale est
désormais plus usitée pour les opérations
économiques d'envergure. Le développement des instruments de
paiement autres que la monnaie fiduciaire est en effet impulsé par le
développement des échanges économiques108. On
comprend ainsi l'essor rapide de la monétique (cartes bancaire et
monnaie électronique) qui, bien que sous-tendu par le
développement technologique109, est dicté par la
108 Voir JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Droit commercial :
instruments de paiement et de crédit, entreprises en
difficultés, Dalloz, 6ème édition, 2003, P
3.
109 NYAMA (J.M), Op. Cit. P 103.
multiplication rapide des échanges et les mouvements
de personnes, de biens et de capitaux.
Au Cameroun et dans le secteur des COOPEC, le niveau
technologique ne permet pas de recourir à toutes les formes modernes
d'instruments de règlement. La monétique est quasiment
inexistante ici, tandis que le chèque bancaire, les virements, les
domiciliations et cessions de rémunération ainsi qu'autres
instruments de mobilisation sont mieux connus et plus utilisés. C'est
donc à ces instruments que les COOPEC du réseau CamCCUL ont
recours quand il s'agit de faire usage de la monnaie scripturale aux fins de
garantie du crédit. Cette démarche constituant en effet une
déviation de la nature juridique et de l'objet des instruments en
question, l'on observe de nombreuses irrégularités dans leur
emploi à ces fins. C'est essentiellement le cas lorsque les
chèques bancaires sont utilisés comme instruments de garantie du
crédit par les COOPEC (§1). L'usage des autres modes et instruments
de paiement et de crédit aux mêmes fins présente moins
d'irrégularités (§2).
§ 1 : Le recours aux chèques bancaire comme
instruments de garantie du crédit
Le chèque a été l'instrument de paiement
privilégié pendant longtemps. Son origine reste incertaine. Son
étymologie a été d'abord attribuée au verbe «
to check » qui signifie vérifier. Par la suite, l'on s'est
interrogé sur une possible origine arabe. Certains auteurs pensent qu'il
est plus plausible que le mot chèque vienne de l'arabe « shak
» qui signifie mandat110. Si l'idée de mandat de payer a
progressivement été abandonnée, c'est elle qui
sous-tendait pourtant la loi française du 14 juin 1865 qui a
créé le chèque.
L'idée contemporaine dominante en matière de
chèque est qu'il s'agit d'un titre bancaire dont la fonction unique est
le payement à l'exclusion totale de toute idée de crédit.
Toute possibilité d'usage de chèque aux fins de garantie est donc
écartée et les pratiques allant dans ce sens sont
réprimées. Le rappel de la réglementation en
matière de chèque (A) permet ainsi de se rendre compte que les
pratiques qui ont cours dans le réseau CamCCUL et qui consistent en
l'usage du chèque comme instrument de garantie du crédit sont en
marge de la légalité (B).
A - Rappel de la réglementation en matière
de chèque
Les sources du régime juridique du chèque
remonte à la loi de 1865, modifiée par une loi du 30
décembre 1911. A la suite de la signature des trois conventions de
Genève le 11 mars 1931, le législateur français a, en
usant de son droit de réserve sur certains points,
110 JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Op. Cit. P 5.
remplacé la loi de 1865 par un décret-loi du 30
octobre 1935 mis en application au Cameroun par un décret du 18
décembre 1936. Ce décret a reçu deux modifications
principales, en l'occurrence le renforcement de la répression des
infractions liées à l'usage du chèque par le code
pénal et l'introduction du chèque pré-barré et du
chèque de simple retrait par la décision n° 1/85 du 15
janvier 1985. Plus significative est l'évolution apportée par le
Règlement CEMAC n° 02/03/CEMAC/UMAC/CM du 28 mas 2003 relatif aux
systèmes, moyens et incidents de paiement. C'est ce dernier texte qui
fixe l'essentiel du régime juridique actuel du chèque au Cameroun
et dans l'ensemble de la zone CEMAC111.
Le chèque est un écrit par lequel une personne
(le tireur) qui a les fonds disponibles dans une banque ou un
établissement assimilé, donne au banquier (le tiré) de
façon irrévocable, l'ordre de payer une certaine somme à
une personne (le bénéficiaire). Aux termes de l'article 13 du
Règlement n° 02/03/CEMAC, le chèque doit obligatoirement
contenir les mentions suivantes :
· la mention de chèque insérée dans le
texte du titre et exprimée dans la langue utilisée pour a
rédaction ;
· le mandat pur et simple de payer une somme
déterminée ;
· le nom du tiré ;
· l'indication du lieu où le paiement doit
s'effectuer ;
· l'indication de la date et du lieu de création du
chèque ; et
· la signature du tireur.
On s'intéressera de façon particulière
à la date. A cet égard, il faut distinguer la date de
création de la date d'émission du chèque. La
première renvoie au jour où le tireur est supposé avoir
apposé sa signature sur le chèque tandis que la seconde est le
jour où il se dépossède matériellement du
chèque en le mettant en circulation. C'est la date de création
qui est portée sur le titre. La date d'émission ne constitue pas
une mention obligatoire, pourtant c'est elle la plus importante. C'est en effet
cette date qui sert de point de départ pour la computation des
délais de présentation du chèque à
l'encaissement112. Sa preuve aurait été facile si elle
faisait partie des mentions obligatoires. Ou alors le législateur aurait
dû suivre l'exemple de son homologue français en faisant de la
date de création du chèque
111 Sur les sources du régime juridique du chèque,
voir NYAMA (J.M.), Op. Cit., P 65 ; JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Op. Cit. P 5
et 6.
112 Art 43 Règlement n° 02/03/CEMAC/UMAC/CM
le point de départ de la computation des délais
de présentation113. Néanmoins, l'article 43 du
Règlement disposant in fine que « le point de départ des
délais (...) est le jour porté sur le chèque comme date
d'émission », il faut penser soit que cette date fait dès
lors partie des mentions obligatoires, ou alors que la date de création
vaut également date d'émission en l'absence de mention de cette
dernière.
L'absence de date (de création) entraînerait la
nullité du chèque. Dans la pratique, on observe plus souvent des
manipulations sur la date que l'absence de celle-ci. Le cas le plus
fréquent est la postdate pratiquée en vue de laisser au tireur le
temps de constituer la provision nécessaire. Il s'agit là d'un
artifice sans importance car « le chèque est payable à vue.
Toute mention contraire est réputée non écrite ». Par
ailleurs, défense est faite d'antidater les ordres sous peine de
faux114, et même que, « le chèque
présenté au paiement avant le jour indiqué comme date
d'émission est payable le jour de sa présentation » (art 42
Règlement n° 02/03/CEMAC/UMAC/CM).
Les délais de présentation du chèque
tels que prévus à l'article 43 du règlement sont donc des
délais maxima. Le délai de présentation est de 8 jours
pour les chèques émis et payables sur une même place, 20
jours pour les chèques émis et payables sur places
différentes mais dans l'un des pays de la CEMAC, 45 jours pour les
chèques émis dans un pays et payables dans l'un des autres pays
de la CEMAC et 60 jours pour les chèques émis en dehors de la
CEMAC115.
Le paiement à vue du chèque est une des
implications de sa fonction unique d'instrument de paiement, à
l'exclusion de toute idée de crédit116. C'est
également en raison de cette fonction que la provision du chèque
doit être préalable, suffisante et disponible à son
émission117. Constituent ainsi des infractions
réprimées d'une peine de 6 mois à 5 ans et / ou d'une
amende de FCFA 100.000 à 2.000.000118, les faits suivants
:
· l'émission de chèque sans provision ou avec
provision insuffisante ;
· le retrait de la provision postérieurement
à l'émission du chèque ;
113 Art L131-32 du code monétaire et financier
français.
114 Art 38 Règlement n° 02/03/CEMAC/UMAC/CM.
115 Art 42 Règlement n° 02/03/CEMAC.
116 JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Op. Cit., P 7.
117 Art 15 Règlement n° 02/03/CEMAC
118 Art 237 et 238 Règlement n°
02/03/CEMAC/UMAC/CM. Ces articles adoucissent la peine d'emprisonnement
prévue par le code pénal (Art 253 et 318) tandis qu'ils aggravent
l'amende.
· le tirage de chèques sur un compte
clôturé ou au mépris d'une interdiction bancaire ou
judiciaire;
· la défense faite au tiré de payer un
chèque en dehors des cas de vol, d'utilisation frauduleuse, de
contrefaçon ou de falsification et d'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens à l'égard du
bénéficiaire ; et
· l'acceptation de chèque sans provision en
connaissance de cause.
L'usage des chèques dit «de garantie » est
donc interdit et la jurisprudence camerounaise n'hésite pas à
rejeter l'action pénale du bénéficiaire de mauvaise
foi119. Le chèque se démarque ainsi des instruments de
mobilisations et particulièrement de la lettre de change, bien qu'il
soit avec ceux-ci des effets négociables. Le caractère
préalable de sa provision et son paiement à vue constituent
l'essentiel de la distinction avec la lettre de change qui constitue elle un
instrument de crédit.
Contrairement à la lettre de change, le chèque
ne peut donc garantir un paiement. Toute pratique allant dans le sens contraire
est illégale.
B - Les pratiques illégales en cours au sein du
réseau CamCCUL
L'observation des pratiques dans le réseau CamCCUL
montre que les chèques sont utilisés aux fins de garantie. En
d'autres termes, l'emprunteur tire des chèques sur son compte avec une
banque ou un autre établissement habilité à émettre
des formules de chèques, en faveur de la COOPEC qui l'accepte sachant
parfaitement que la provision n'existe pas. Le chèque est remplie et
signée par le membre qui s'abstient toutefois de mentionner la date.
Plus tard, lorsque le membre ne respecte pas son
échéancier de remboursement, la date est portée sur le
chèque par le personnel de la COOPEC qui menace alors le membre de le
présenter et de le faire protester si la provision n'est pas
constituée. Pour éviter un incident de paiement avec son
établissement de crédit et les poursuites pénales dont il
pourrait être l'objet, le membre se hâtera de constituer la
provision ou de se mettre à jour quant à l'exécution de
ses engagements vis-à-vis de la COOPEC.
Conformément à la réglementation
rappelée, cette pratique est illégale et le membre aussi bien que
les officiels de la COOPEC qui s'y livrent sont passibles des peines
prévues. C'est une pratique qui tire avantage de l'ignorance des membres
qui, de façon surprenante et malgré l'usage régulier de
chèques, connaissent peu ou mal le régime juridique du
chèque. Cette pratique a le mérite d'effrayer de tels membres.
Cependant, on peut observer que certains membres sont obligés de
s'endetter à des taux usuraires pour éviter le
désagrément brandi. L'usage des chèques comme instrument
de garantie permet donc bon an mal an aux COOPEC du réseau CamCCUL de
recouvrer leurs crédits, mais il s'agit d'une pratique illégale
qui ne doit son succès relatif qu'à l'ignorance des membres et
qui expose la COOPEC et ses dirigeants aux poursuites pénales. Il est
toujours difficile de comprendre pourquoi les lettres de changes ne sont pas
utilisées à ces fins. Elles ont pourtant un régime
juridique aussi protégé que celui du chèque et sont par
nature des instruments de crédit. L'usage des autres modes et
instruments de paiement et de crédit qui existent dans les COOPEC doit
être encourager au détriment du chèque.
§ 2 : L'usage des autres modes et instruments de
paiement ou de crédit
Tous les instruments de paiement et de crédit autres
que le chèque ne sont pas sollicités par les COOPEC du
réseau CamCCUL pour la garantie de leurs créances. Les lettres de
virement et attestations de paiement irrévocables d'une part (A), la
domiciliation et la cession des rémunérations du travail d'autre
part (B) constituent l'essentiel des autres instruments auxquels les COOPEC du
réseau CamCCUL ont recours en matière de garantie du
crédit.
A - Les lettres de virement et attestations de paiement
irrévocables
Les lettres de virement et attestations de paiement
irrévocables sont généralement utilisées dans le
financement des marchés. La lettre de virement irrévocable est un
ordre que le débiteur donne à son teneur de compte de
débiter son compte de façon périodique et de
transférer la provision au compte de la COOPEC. Ceci constitue certes
avant tout un mécanisme de paiement, mais il présente une
certaine sécurité telle que l'on l'assimile à une
garantie. La COOPEC exige généralement que la banque lui
délivre une attestation par laquelle elle s'engage à effectuer
les virements suivant la périodicité requise par le donneur
d'ordre et suivant l'existence et la disponibilité de
la provision. Ceci implique soit que la provision soit préalable, soit
qu'elle soit constituée au fur et à mesure des
prélèvements.
D'un point de vue strictement juridique, on peut s'interroger
sur la nature de ce mécanisme. A cet égard il faut
d'emblée écarter la qualification de prélèvement
dans la mesure où il ressort des articles 190 et suivants du
Règlement n° 02/03/CEMAC/UMAC/CM que le prélèvement
requiert une autorisation mais également une démarche positive du
bénéficiaire qui doit présenter l'avis de
prélèvement au teneur de compte à la date convenue.
L'article 190 définit précisément l'autorisation de
prélèvement comme « l'acte par lequel un débiteur
titulaire d'un compte autorise son créancier à prélever,
à une certaine date, des fonds, valeurs, titres ou effets sur compte
à titre de règlement de sa dette au moyen d'un avis de
prélèvement et ordonne à l'établissement assujetti
teneur de compte de transférer les fonds, valeurs, titres ou effets
indiqués au crédit du créancier émetteur de l'avis
de prélèvement ».
La pratique de l'ordre de virement irrévocable
correspond plus logiquement au virement bancaire. Le virement se définit
comme « l'opération par laquelle un teneur de compte, sur ordre de
son client, transfère des fonds, valeurs, titres ou effets au profit
d'un tiers bénéficiaire désigné, par le
crédit de son compte et le débit du compte du donneur d'ordre
» (art 177). Il suffit donc que la provision suffisante et disponible
existe à chaque date d'échéance, et le virement est
effectué. L'emprunteur de la COOPEC donne ainsi un ordre permanent et
irrévocable et s'assure à chaque échéance que la
provision a été constituée.
Même en l'absence d'un engagement supplémentaire
du teneur de compte (la banque en l'occurrence), les ordres de virement
irrévocables représentent un bon moyen de pression dans le
réseau CamCCUL, les membres titulaires d'un compte bancaire
évitant de créer des incidents de paiement. Malheureusement,
l'attestation de virement irrévocable suppose que la provision soit
fournie par le membre. Dans le cadre du financement des marchés par
exemple, ceci signifie que le prix de réalisation du marché est
payé directement au membre qui l'a exécuté, et qui
à son tour paie la COOPEC au moyen du virement irrévocable. Le
membre peut ainsi recevoir paiement et ne pas respecter les
échéances de remboursement.
d'une créance résultant par exemple de
l'exécution d'un marché public. Pour le remboursement du
crédit à lui accordé par la COOPEC pour exécuter le
contrat, il demande que le prix du marché soit payé directement
dans un des comptes bancaires de la COOPEC. A la réception du paiement,
la COOPEC s'approprie la part correspondante à sa créance avant
de créditer le compte du membre du reste.
L'attestation de paiement irrévocable constitue une
cession de créance. Elle est jusqu'ici pour l'essentiel utilisée
dans le cadre des marchés, mais elle pourrait intervenir chaque fois que
le membre est titulaire d'une créance certaine sur un débiteur
solvable. Les garanties liées aux salaires ou à d'autres formes
de rémunérations empruntent également à la
technique de la cession de créance.
B - La domiciliation et la cession des
rémunérations
Avec ce qui pourrait être qualifié de mutations
intervenues dans la gestion de la fonction publique camerounaise depuis
quelques années maintenant, la plupart des salaires des agents de l'Etat
sont désormais payés par virement « bancaire ». Les EMF
ont engrangé une part non négligeable de ce nouveau marché
en proposant le plus souvent des conditions plus avantageuses que celles
pratiquées par les banques classiques. La pratique de la
rémunération salariale par virement s'est également
développée dans le secteur privé, sous l'impulsion
justement des EMF. Dans cette mouvance, les COOPEC hébergent les
salaires de nombreux employés et tirent avantage de cette situation en
matière de crédit.
De manière générale, l'octroi d'un
crédit à un salarié qui reçoit son salaire par sa
COOPEC est considéré comme étant moins risqué. Les
COOPEC disposent en effet de deux mécanismes qui leur permettent
d'adosser le remboursement du crédit sur le salaire du membre. Lorsque
le membre a domicilié son salaire à la COOPEC, il lui est
demandé de donner une autorisation de débit irrévocable
qui permet à la COOPEC de prélever chaque fin du mois sur son
salaire en remboursement du crédit. Si le salaire du membre est
domicilié dans un autre établissement, deux possibilités
s'offrent : la COOPEC peut exiger que le membre donne un ordre de virement
irrévocable à son teneur de compte qui effectuera les transferts
en fin de mois dès réception du salaire ; plus
sécurisée est la possibilité de demander au membre de
procéder à une cession de rémunération en
autorisant son employeur à prélever à la source et
à reverser la somme autorisée. A cet égard, la prise de
rémunération par les COOPEC du réseau est
généralement faite au mépris de la procédure des
articles 205 et suivants de l'AU-RVE. C'est notamment la
déclaration au greffe qui fait défaut. Pour ce
qui est de la quotité cessible, on la connaît ici sous la forme du
tiers du salaire, ce qui n'est pas tout à fait juste même si les
taux progressifs du Décret n°94/197/PM du 09 mai 1994 donne en
valeur absolue une somme supérieur au tiers du salaire. Voici un tableau
récapitulatif de la quotité cessible et saisissable prévue
à l'article 2 du Décret de 1994.
tranche de salaire
|
Quotité cessible et saisissable
|
Plafond de salaire
|
Base de calcul
|
taux
|
|
montant
|
|
18750
|
18750
|
|
1/10
|
|
1,875
|
37500
|
18,750
|
|
1/5
|
|
3,750
|
75000
|
37,500
|
|
1/4
|
|
9,375
|
112500
|
37,500
|
|
1/3
|
|
12,500
|
142500
|
30,000
|
|
1/2
|
|
15,000
|
X
|
X-142500
|
|
1
|
X-142500
|
|
Une difficulté surgit également en
matière de formulaire de cession de rémunération. En
règle générale, la ligue élabore les formulaires
à utiliser par toutes les caisses du réseau et les met à
la disposition de celles-ci sous la forme de fournitures. Malheureusement, il
n'existe pas de formulaires standards dans le réseau CamCCUL en
matière de cession de rémunération. Au regard des
difficultés que les opérations de cession de
rémunération entraînent dans les COOPEC d'entreprises
(COOPEC des travailleurs d'une entreprise), il est urgent que le service du
crédit développe ces formulaires et les fasse approuver par le
management comme fournitures à mettre à la disposition des
affiliés.
Les mécanismes de garantie adossés au salaire
ont une efficacité limitée. En effet, les différentes
précautions prises dans ce cadre n'ont d'effet que si le débiteur
cédant reste chez le même employeur ou lorsque la quotité
cessible et saisissable de l'indemnité lors de la séparation
permet de solder le montant restant dû. La rupture du contrat du travail
remet en cause la garantie et oblige le créancier cessionnaire à
rechercher d'autres sources à la fois de recouvrement et de garantie.
Les garanties liées au salaire ne doivent donc être
acceptées que pour les travailleurs et les entreprises dont la situation
est stable (pas de menace de licenciement ou de liquidation). Les
fonctionnaires constituent à cet égard une cible
appropriée.
Au total, l'usage des moyens de paiement comme garantie du
crédit est une pratique récurrente dans le réseau CamCCUL.
Cette pratique s'insère dans le cadre global du développement de
mécanismes de garantie spécifiques par les COOPEC du
réseau en marge des sûretés classiques. Les garanties
liées aux moyens de paiement ont le précieux
avantage d'être faciles à réaliser car
elles mettent souvent en jeu directement la monnaie et prennent la forme de
garanties financières. Toutefois, ces mécanismes sont tributaires
d'autres facteurs : une cession de rémunération dépend de
la stabilité de l'emploi du cédant ; un ordre de virement ou une
attestation de paiement irrévocable suppose que le donneur d'ordre soit
titulaire d'une créance qu'il affecte au remboursement et en garantie de
sa créance. L'usage des chèques « de garantie »
constitue une déviation grave dans le processus de développement
des mécanismes de garantie spécifiques. On s'interroge à
ce sujet sur les raisons qui justifient le manque d'intérêt pour
la lettre de change, instrument de crédit bénéficiant de
la même protection cambiaire que le chèque. Le
développement du crédit bail et de la technique de la
réserve de propriété constituerait également des
alternatives de garanties régulières et efficaces. Le programme
de gestion des risques a fait ses preuves pendant plusieurs décennie et
indique que la mise en place d'un fonds de garantie directement
constitué par les membres bénéficiaires de crédits
pourrait être tout aussi efficace.
CONCLUSION
Cette réflexion avait pour objet l'examen, dans le
cadre du réseau CamCCUL, des garanties auxquelles les COOPEC ont recours
alors qu'elles ont affaire à des personnes aux conditions
économiques précaires et généralement exclues du
système bancaire classique. Il en ressort que les COOPEC font usage de
mécanismes de garantie variés en puisant dans les
sûretés classiques et en développant d'autres
mécanismes plus spécifiques et mieux adaptés.
Relativement au recours aux sûretés classiques,
les COOPEC du réseau CamCCUL s'efforcent à mettre en oeuvre
l'essentiel des mécanismes organisés par l'Acte uniforme portant
organisation des sûretés. L'affection pour les
sûretés réelles a été notée, et est
renforcée par la tendance à l'affectation d'un actif à
l'engagement de la caution ou du garant. L'hypothèque fait à cet
égard quelques fois ombrage à d'autres sûretés et
conduit, lorsqu'elle ne peut être prise, à l'abandon pour
défaut de garantie de projets de financement pourtant viables. L'usage
du nantissement reste restreint dans son assiette. De nombreux biens, les
récoltes notamment, sont souvent laissés de côté au
profit des marchandises, des équipements et des véhicules
automobiles. Cette situation freine le financement des activités
agricoles pour lesquelles le nantissement des récoltes constituerait une
garantie appropriée. En matière de gage, l'on aura
constaté que certains mécanismes utilisés ne trouvent pas
une qualification juridique claire. Il en est ainsi des dépôts
libres de documents que l'on pourrait dans certains cas qualifier de gage, mais
qui dans d'autres circonstances participent davantage de la mise en oeuvre du
droit de rétention.
Plus significativement, les sûretés
réelles se sont révélées être assez
contraignantes pour les COOPEC. Le formalisme qu'elles requièrent en
matière d'élaboration et de publicité des actes exigent
que les COOPEC se dotent de compétences juridiques suffisamment
qualifiées, ce qui pour le moment fait sérieusement défaut
dans le réseau CamCCUL. L'absence des institutions publiques -
judiciaires notamment - et des officiers ministériels (notaires) dans
certaines localités pose également des difficultés aux
COOPEC quant à la mise en oeuvre des sûretés
réelles. Les procédures que ce type de sûretés
impliquent engendrent aussi des coûts que les COOPEC s'efforcent à
éviter en optant pour les actes sous seing privé et en
s'abstenant de procéder dans certains cas aux modalités de
publicité desdits actes. A ce propos, la suppression de
la procédure d'enregistrement pour les actes juridiques faisant
intervenir les COOPEC est for recommandable. Les difficultés
spécifiques à l'hypothèque constituent également un
appel à l'endroit du législateur. En effet, bien qu'elle soit
très prisée, l'hypothèque constitue une
sûreté difficile à obtenir en raison de la rareté
des immeubles immatriculés et des coûts exorbitants qui y sont
associés. Une sûreté qui emprunte à la cession de
loyer et au régime actuel de l'hypothèque a été
envisagée dans ce travail. Elle permettrait de donner en garantie
l'usage et la jouissance de l'immeuble. Ainsi, les revenus escomptés sur
la location de l'immeuble pourraient être donnés en
sûreté, ce qui permettrait d'éviter que le membre ne soit
dépossédé d'un bien qu'il a mis de nombreuses
années à acquérir pour une dette que les fruits de
l'immeuble permettraient de régler en quelques mois.
Pour ce qui est des sûretés personnelles, le
cautionnement et la lettre de garantie sont toutes deux employées. Sont
cependant généralement affectés à l'engagement de
la caution, soit un dépôt de consignation sous la forme d'une
épargne bloquée, soit une hypothèque. Sans constituer une
exigence légale, le garant et la caution dans le réseau CamCCUL
sont toujours des membres de la COOPEC qui octroie le crédit. Ces
spécificités dans le réseau peuvent être
attribuées à une tendance rigoureuse à la prudence
conduisant à l'inclination pour les sûretés faciles
à réaliser et surtout à liquider. Cependant, elles
traduisent également une faible maîtrise des effets des
sûretés personnelles. De même, bien que très
répandue, l'affectation de l'épargne de la caution à son
engagement engendrent des difficultés essentiellement liées au
contrôle du mécanisme. Le développement des
sûretés personnelles, et singulièrement de la lettre de
garantie, se pose comme une démarche nécessaire au financement
par les COOPEC du réseau CamCCUL des PME/PMI. Cependant, de nombreuses
prérogatives dont les COOPEC pourraient se prévaloir sont
ignorées. C'est ainsi que la mise en oeuvre des sûretés
légales est quasiment inexistante. Ceci constitue un handicap et
contribue à mettre sérieusement en péril la créance
de l'établissement dans le cadre du recouvrement forcé ou
contentieux.
Les contraintes, faiblesses et lacunes observées en
matière de sûretés réelles, couplées à
une recherche continue de spécificité telle qu'observée
dans le réseau expliquent largement le recours aux mécanismes de
garantie spécifiques recensés à la CamCCUL. Deux
techniques ont été identifiées dans ce cadre. La
première qui consiste en la mutualisation des risques a conduit au
développement d'un programme d'assurance très particulier qui
emprunte tantôt aux règles classiques en la matière,
tantôt aux règles
nouvelles nées dans le cadre de la microassurance en
microfinance, ou résultent simplement du contexte spécifique de
ce réseau d'EMF et des difficultés auxquelles il fait face. Le
programme de gestion des risques tel qu'il est désigné permet
à la fois à la caisse de base de garantir ses crédits
à travers une assurance multirisques qui associe le risque de
décès et celui d'invalidité totale, et de garantir
l'épargne du membre à travers la couverture de l'épargne
et des parts sociales. Le programme de gestion des risques constitue pour la
ligue un produit financier qui, au-delà des objectifs spécifiques
à ses affiliés et à ses membres tels qu'identifiés,
permet de réaliser les objectifs d'harmonisation et de solidarité
dans le réseau. Le programme de gestion des risques s'avère
être jusqu'ici un succès. L'analyse montre même que son
succès pourrait expliquer l'absence d'un fonds de garantie uniquement
affecté au risque crédit et qui serait directement
constitué par les emprunteurs membres des différentes caisses de
base ayant souscrit audit fonds. Mais à la vérité,
l'existence du programme de gestion des risques ne s'oppose pas à la
mise en place d'un fonds de garantie dans le réseau.
La seconde technique identifiée dans le cadre du
recours aux mécanismes de garantie classique est celle qui met à
contribution les instruments et moyens de paiement. L'analyse a
révélé à ce sujet que la garantie financière
sous la forme d'une épargne bloquée de 30% en principe est la
garantie la plus ancienne du réseau et est systématique. Elle
souffre cependant de la difficulté de contrôle et de la faiblesse
des systèmes d'information et de gestion (SIG) utilisés dans le
réseau et de façon générale dans le secteur de la
microfinance, qu'il s'agisse des systèmes manuels ou des systèmes
automatisés. La définition rigoureuse des cahiers de charges des
experts responsables de l'élaboration de ces SIG devrait contribuer
à résorber la difficulté. La conception des cartes
individuelles des membres avec un espace pour les opérations de blocage
d'épargne contribuerait, en ce qui concerne cette question, à
améliorer les SIG en question.
Toujours dans le cadre du recours aux moyens de paiement en
matière de garantie des créances liées aux
opérations de crédit, le constat de l'usage des «
chèques de garantie » constitue une sérieuse
irrégularité juridique, même si l'on note encore ici et
là un succès de ces mécanismes plutôt dû
à l'ignorance des membres. La lettre de change remplacerait avec plus de
succès et plus de légalité les chèques de garantie.
Plus heureuses sont les techniques de domiciliation et cession des
rémunérations, malgré quelques lacunes liées au non
respect de certaines formalités, en l'occurrence la quotité
cessible et saisissable et la déclaration volontaire de cession au
greffe.
Les efforts dans la recherche de mécanismes efficaces
et appropriés de garantie des créances de crédit par les
COOPEC du réseau CamCCUL sont considérables. Ces efforts doivent
cependant être accompagnés de facteurs externes liés par
exemple au cadre législatif et à l'environnement
économique des populations cibles de la microfinance en
général et de celles des COOPEC en particulier. Dans ce sens, il
faut espérer que l'Acte uniforme OHADA relatif aux
sociétés coopératives et mutualistes en projet prennent
formellement en compte certaines des critiques et des recommandations
formulées durant ces dernières années.
ANNEXE
SURVEY ON THE LEGAL QUALIFICATION OF STAFF IN THE
CamCCUL NETWORK: QUESTIONNAIRE
ENQUETE SUR LES QUALIFICATIONS JURIDIQUES DANS LE RES
EAU CamCCUL : QUESTIONNAIRE
This questionnaire is anonymous. Information that
shall be collected through it shall serve the purpose of academic researches
only. Thanks for thinking or filling conveniently.
Ce formulaire est anonyme. Les informations qu'il
permettra de collecter seront utilisées exclusivement pour les besoins
de recherches académiques. Merci de remplir ou de cocher
convenablement.
1. Education/Formation académique
Training received 1/ Formation
académique 1
|
Duration of training / Durée de la
formation
|
..
Certificate obtained / Diplôme obtenu
|
Training received 2/ Formation
académique 2
|
Duration of training / Durée de la
formation
|
..
Certificate obtained / Diplôme obtenu
|
Training received 3/ Formation
académique 3
|
Duration of training / Durée de la
formation
|
..
Certificate obtained / Diplôme obtenu
|
|
2. Working experience /Expérience
professionnelle
Position 1/ Poste occupé 1
|
Main duties/Principale
responsabilité
... .
...
|
Duration in duty/ Durée en service
...
|
Position 2/ Poste occupé 2
|
Main duties/Principale
responsabilité
... .
...
|
Duration in duty/ Durée en service
...
|
Position 3/ Poste occupé 3
|
Main duties/Principale
responsabilité
... .
...
|
Duration in duty/ Durée en service
...
|
3. What is your attitudes vis-àvis legal
issues/comment réagissez-vous face aux difficultés de
droit ?
i.
I handle the case/je trouve une solution au
problème
ii.
I consult my colleagues /je demande conseil
auprès de mes collègues
iii. I seek advice from external sources/je
consulte une ressource externe
4. Legal training need/besoin en formation
juridique
i.
Microfinance/cooperative legal status
regulations/règlementation du statut légal des
EMF/coopératives
ii.
Microfinance activities regulations
(CEMAC)/règlementation des activités de
microfinance (CEMAC)
iii.
Securities and recovery
(OHADA)/Sûretés et recouvrement
(OHADA)
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES:
- ABONO H. M. AWANKA, Reaching the poor with micro-credit:
the missing link. Institutional development and governance issues involving the
Cameroon Cooperative Credit Union Movement, Government, regional and
international Organizations, Dschang University Press, 2006, 140 P.
- ASSI-ESSO (A-M.H) et DIOUF (Nd.), OHADA-Recouvrement des
créances, Collection Droit Uniforme Africain, Juriscope, Bruxelles,
2002, 254 P.
- ISSA-SAYEG (J) (Coord), OHADA-Sûretés,
Bruylant, Bruxelles, 2002. 279P.
- ISSA-SAYEG (J), in OHADA, Traité et Actes Uniformes
commentés et annotés, éditions Juriscope, 1999, p
625
- JEANTIN (M) et LE CANNU (P), Droit commercial : instrumenst
de paiement et de crédit, entreprises en difficultés,
Dalloz, 6ème édition, 2003, 745 P.
- LEGEAIS (D), Travaux dirigés de droit des
sûretés, , Litec, Groupe LexisNexis, Editions du Juris-Claseur,
3ème édition , 2003, Paris, 254 P.
- MARTOR (B) et al, Business law in Africa, OHADA and the
harmonization process, Eversheds, 2002, 356 P.
- NYAMA (J. M.), Droit bancaire et de la microfinance en zone
CEMAC, Vol. 1, La profession, CERFOD, 2006, 481P.
- NYAMA (J.M.), Droit bancaire et de la microfinance en zone
CEMAC, Tom 2, Les instruments bancaires, CERFORD, édition 2006, 395
P.
- PICOD (Y), Leçons De Droit Civil, Tom III /
1er Vol, Sûretés - Publicité foncière,
7ème édition, Montchrestien, 1999, 647P.
THESE
- LHERIAU (L), Le droit des systèmes financiers
décentralisés dans l'Union Economique et Monétaire Ouest
Africaine, Thèse de Doctorat en Droit Privé,
université de Picardie Jules Verne, 5 juillet 2003, 1022 P.
- CARBONE (C), « The Start-up-Fund: une
expérience originale de sécurisation des impayés
», Appui au Développement Autonome (ADA), Dialogue 1999.
sur
www.globenet.org/horizon-local
- CHARTIER (Y), « Rapport de synthèse »
in L'évolution du droit des sûretés,
Rev. jur. com., n° spéc.
Févr. 1982, P 150.
- EBE EVINA (J-C), « Microfinance et lutte contre la
pauvreté : mythe ou réalité », FinancEco N°005 -
Edition de Novembre 2007, disponible sur
www.financecoafridquecentrale.com
- MARTOR (B), « Comparaison de deux
sûretés personnelles : le cautionnement et la lettre de
garantie », JCP - Cahier de Droit de l'Entreprise, N° 5 -
Année 2004, p 21.
- POUGOUE (P-G), Commentaire du Code des Assurance des Etats
Membres de la CIMA, « La notion de contrat d'assurance dans le code
CIMA », Juridis Périodique N°29,
Janvier-Février-Mars 97s, P 27.
DICTIONNAIRES ET LEXIQUES:
- GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes
juridiques, 14ème édition, Dalloz, 2003.
- Larousse Chambers Advanced, English-French/French-English
Dictionary, Larousse/her, April 2001.
- Larousse, Le Petit Larousse Illustré, 2002.
- Lexique de banque,
www.fbf.fr
AUTRES PUBLICATIONS
- BCEAO, « Relevé des conclusions et
recommandations du séminaire pour l'élaboration d'un Acte
Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives et
mutualistes et autres formes de SFD », Dakar, du 24 au 26 avril 2002,
www.bceao.int.
- CamCCUL, Lending Department « Workshop on the
review of collateral as security for loan granting in Credit Unions to meet the
OHADA Law standard», Bamenda, September 3rd and
4th 2004.
- CamCCUL, Rapport annuel d'activités 2005 et 2006.
- CamCCUL, Service de Crédit et du Recouvrement, «
L'amélioration de l'accès au microcredit dans les caisses
populaires coopératives affiliées au réseau CamCCUL
», Avril 2007.
- CGAP, « Microcredit Interest Rates »,
OccasionalPaper N°1 revised, November 2002.
- «Droit des sûretés », sur
www.members.fortunecity.com
- Inter-Cooperation, Magazine trimestriel du
réseau CamCCUL, N° 0001 - Mai-Juil 2007 et N° 0002 -
Oct-Dec.2007
- NOWAK (M), « Qu'est ce que la microfinance ? » sur
www.lamicrofinance.org
- TEKU OBEN (C), «The incidence of the implementation
of the OHADA law in the recovery of debts by MFIs in Cameroon», in
Inter-Cooperation, Magazine trimestriel du réseau CamCCUL, N° 0001
- Mai-Juil 2007, p 12.
REGLEMENTATION
- Convention du 17 janvier 1992 portant Harmonisation de la
Réglementation Bancaire dans les Etats de l'Afrique Centrale et son
Annexe, Recueil des Conventions COBA C.
- Règlement N° 02/03/CEMAC/UMAC/CM du 28 mars 2003,
relatif aux systèmes, moyens et incidents de paiement.
- Règlement N°01/02/CEMAC/UMAC/COBAC du 13 avril
2002 relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de
l'activité de microfinance dans la Communauté Economique et
Monétaire de l'Afrique Centrale, Recueil des textes relatifs à
l'exercice des activités de microfinance, Edition 2002, COBAC,
Secrétariat Général, Département Microfinance.
- Règlements Prudentiels EMF N°2002/0 1 à
2002/2 1 du 15 avril 2002 fixant les Normes Prudentielles relatif à
l'exercice des activités de microfinance dans la Communauté
Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale, Recueil des textes
relatifs à l'exercice des activités de microfinance, Edition
2002, COBAC, Secrétariat Général, Département
Microfinance.
- Code des Assurances des Etats Membres de la CIMA, 10 juillet
1992.
- Acte uniforme du 24 mars 2000 portant organisation et
harmonisation des comptabilités des entreprises, J.O. OHADA n°10,
p. 1 et s.
- Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des
procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d'exécution, J.O. OHADA
n°6, 01/06/98, p. 1 et s.
- Acte uniforme relatif au droit commercial
général, J.O. OHADA n° 1, 01/10/97, P 1 et s.
- Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique, J.O. OHADA N° 2, 01/10/97, p. 1 & s.
- Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des
sûretés, J.O. OHADA, n° 3 du 17 avril 1997, p. 1 et s.
- Code pénal camerounais.
- Code Général des Impôts,
éditions FORED, 2007. - Code civil, Edition Minos, 1999.
- Code monétaire et financier français, Ordonnance
2000-1223 du 14/12/2000 et ses annexes (Partie Législative).
- Ordonnance N° 74/1 du 06 juillet 1974 fixant le
régime foncier au Cameroun.
- Décret N° 2005/481 du 16 décembre 2005
modifiant et complétant le Décret N° 76/165 du 27 avril 1976
fixant les conditions d'obtention du titre foncier.
JURISPRUDENCE
- Cass. Civ. 1ère, 18 fév. 1997,
CRCAM de la Gironde c/ Mme Dorian, JCP E 1997, II, 944, note LEGEAIS
(D).
- C.A. Centre, Arrêt n° 26/Civ. Du 16 octobre 1998,
affaire PAPETERIES DES FRERES REUNIS c/ MES SI NGONO FOUDA
Frédéric, publiée et annotée par NYAMA (J.M.),
Droit bancaire et de la microfinance en zone CEMAC, Tom 2, Les instruments
bancaires, CERFORD, édition 2006, P 300
- CA Ndjamena N° 281/2000, 5 mai 2000, SDV Tchad et SDV
Cameroun c/ Star National, Revue juridique tchadienne, n° 1,
mai-juin-juillet 2001, p.21 et s.
- Bouake, Civ, 1ère, n° 13 / 2001, 24
janvier 2001.
- TPI Abidjan, n° 31 du 22 mars 2001, CSSPA c/
Sté Afrocom, Ecobank et BACI, Revue Ecodroit, n° 1,
juillet-août 2001, p 39.
SITES INTERNET ET MOTEURS DE RECHERCHE -
www.bceao.int
-
www.cgap.org
-
www.droit.pratique.fr
-
www.esf.asso.fr
-
www.fbf.fr
-
www.lamicrofinance.org
-
www.members.fortunecity.com
-
www.ohada.com
TABLE DES MATIERES
Page Avertissement i
Dédicaces : ii
Remerciements: iii Principales abréviations
: iv Avant-propos : vi
Sommaire: vii
Résumé :
viii Abstract: ix
Introduction . 1
PREMIERE PARTIE : LE RECOURS AUX SURETES CLASSIQUES DANS
LE RESEAU CamCCUL . 8
CHAPITRE 1: LE RECOURS PREPONDERANT AUX SURETES REELLES 10
Section 1 : L'attrait des sûretés
réelles . 10
§ 1 : Les sûretés réelles
mobilières 11
A - Le gage .. 12
B - Le nantissement 14
§ 2 : L'hypothèque 16
A - La rareté des actifs immobiliers ..
17
B - La préciosité des actifs immobiliers
18
Section 2 : Les contraintes inhérentes a l'usage
des sûretés réelles 20
§ 1 : les modalités de constitution
20
A - l'élaboration des actes . 21
B - les formalités de publicité :
l'enregistrement des actes 24
§ 2 : les coûts liés à l'usage
des sûretés réelles 26
A - Les coûts de constitution 27
B - Les coûts de réalisation
29 CHAPITRE2: LE RECOURS SUBSIDIAIRE AUX SURETES PERSONNELLES.....
34
Section 1 : Le recours à toutes les formes de
sûretés personnelles prévues par l'Acte Uniforme
35
§ 1 : Le cautionnement 35
A - La restriction de la caution aux membres de la COOPEC
37
B - Le respect rigoureux des formalités de
constitution . 39
§ 2 : La lettre de garantie . 41
A - La faible maîtrise de son mécanisme et
de ses effets 41
B - L'utilisation peu fréquente . 42
Section 2 : L'affectation quasi systématique d'un
bien au cautionnement : le cautionnement réel .. 43
§ 1 : L'affectation de l'épargne de la
caution en garantie de son engagement. 44
A - L'exposé du mécanisme 44
B - Les difficultés de contrôle du
mécanisme 45
§ 2 : Le cautionnement hypothécaire
46
A - L'exposé du mécanisme 46
B - Un recours resté l`apanage des grandes caisses
et de la Ligue 47
DEUXIEME PARTIE : LE RECOURS AUX GARANTIES SPECIFIQUES
49
CHAPITRE 1: LE DEVELOPPEMENT D'UN PROGRAMME D'ASSURANCE 50
Section 1 : Un programme d'assurance atypique
51
§ 1 : Les particularités liées a la
nature de l'assurance 52
A - Une assurance multirisque atypique 53
B - Une couverture duale 54
§ 2 : Les spécificités liées
aux parties 55
A - Des parties plus nombreuses que celles d'une
assurance classique 56
B - La confusion sur le statut des parties .
56
Section 2 : Le mécanisme du programme .
59
§ 1 : Le paiement de la prime 60
A - La détermination du montant de la prime
60
B - La procédure de paiement 61
§ 2 : Le règlement du sinistre
62
A - La demande de règlement 62
B - L'indemnisation 64
CHAPITRE 2: LA MISE A CONTRIBUTION DES GARANTIES LIEES AUX
MECANISMES DE PAIEMENT . 69
Section 1 : L'épargne bloquée
70
§ 1 : Le mécanisme .. 70
A - Le principe de 30% 70
B - La portée de l'épargne bloquée
sur le portefeuille de crédit 71
§ 2 : Les difficultés de mise en oeuvre
72
A - Les difficultés liées a
l'informatisation 72
B - Les insuffisances du contrôle 73
Section 2 : L'usage des moyens de paiement
sécurisés 74
§ 1 : Le recours aux chèques comme
instruments de garantie du crédit 75
A - Rappel de la réglementation en matière
de chèque 76
B - Les pratiques illégales en cours au sein du
réseau CamCCUL 79
§ 2 : L'usage des autres modes et instruments de
paiement ou de crédit 80
A - Les lettres de virement et attestations de paiement
irrévocables 80
B - La domiciliation et la cession des
rémunérations . 81
Conclusion : . 85
Annexe : 89
Bibliographie : 90
Table des matières : .. 95
|