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Justice, équité et égalité entre philosophie utilitariste et Science économique: Bentham, Mill, et Rawls

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par Didier HAGBE
Université Lyon II - Master 2 Histoire des théories économiques et managériales 2005
  

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Section II : Monique Canto-Sperber et sa théorie du bonheur

Pour Monique Canto-Sperber169(*), la recherche du bonheur est un ressort évident de l'action humaine. C'est pour cette raison que le bonheur joue un rôle essentiel en philosophie de l'action : il représente cette raison dont il est, dans la plupart des cas, superflu de demander le pourquoi. Mais la question décisive est de savoir si le fait d'être la fin dernière de toutes les actions humaines confère au bonheur la moindre valeur morale. Certains philosophes ont répondu positivement à cette question : le bonheur que chacun recherche est l'unique source de moralité. D'autres ont répondu qu'il n'en était rien : il faut obéir aux exigences de la morale indépendamment de leurs conséquences sur notre bonheur. Ce clivage donne lieu à deux orientations majeures bien définies dans l'histoire de la philosophie.

Selon la première orientation, la recherche du bonheur définit le cadre de toute moralité. Dans la mesure où le bonheur est conçu comme le moyen de déterminer la moralité des actions au lieu d'être une dimension intrinsèque à l'action morale, cette perspective se distingue nettement de l'eudémonisme. De façon épisodique dans l'antiquité, mais surtout au XVIIe siècle, chez Hobbes, comme au siècle suivant chez Hume et de façon encore plus claire chez les premiers utilitaristes, on voit défendre l'idée que la capacité d'une action ou d'un état de choses à produire le bonheur pourrait être le critère de leur moralité. La manière de définir ce bonheur varie grandement selon les auteurs. La conception qui leur est commune prête toutefois à une série d'objections issue de la morale commune. La plus forte est de demander comment il se fait que des individus renoncent à des actions promettant les plus grands bonheurs quand ils les considèrent comme immorales, s'il est vrai que le bonheur est la source de la moralité des actions ? D'où vient le critère, indépendant du bonheur qu'elles procurent, qui fait que de telles actions sont jugées immorales ?

La seconde orientation souligne la divergence entre l'aspiration à la vertu et la poursuite du bonheur. Dès l'antiquité, cette opposition est un lieu commun de la littérature proverbiale. Placé à la croisée des chemins, Héraclès hésite entre la vertu, austère et sans joie, et le vice, paré de tous les attraits de la vie heureuse. La certitude de l'incompatibilité entre la moralité et le bonheur peut certes conduire à l'immoralisme : on opte pour le bonheur sans se soucier de la vertu, et résolu, si besoin est, à mal agir. Mais la même certitude peut mener aussi à la plus rigoureuse des moralités. Car elle est au fondement de la thèse qui déclare que, aussi grande que soit l'importance du bonheur dans la vie humaine, la vertu ou l'accomplissement de la moralité suppose une forme de renoncement au bonheur ou à certaines formes de bonheur ; La philosophie kantienne a donné l'interprétation la plus profonde de cette divergence entre les fins humaines, les unes orientées vers le bonheur, les autres vers la moralité.

Monique Canto-Sperber, pense que cette conception prête à de fortes objections : si le bonheur est distinct de la moralité et si la recherche du bonheur reste la principale source de motivation à agir, comment rendre compte du désir d'agir moralement, comment expliquer que des personnes rationnelles veuillent se comporter moralement tout en sachant que cela détruira leur bonheur ?

Le trait le plus caractéristique du bonheur est le sentiment de satisfaction éprouvé à l'égard de la vie entière et le souhait que cette vie se poursuive de la même façon. Un tel sentiment de satisfaction doit être rapporté aux désirs et projets que la personne nourrit à l'égard de sa vie. Mais encore faut-il que ses désirs les plus intenses soient en gros satisfaits et qu'ils soient relativement compatibles entre eux. La personne peut certes entretenir des désirs contraires - comme de très fortes ambitions professionnelles associées à la nostalgie d'une vie de famille riche -, mais dans ce cas la frustration du désir vaincu ne doit pas occasionner un sentiment d'amertume de nature à compromettre tout bonheur.

La satisfaction éprouvée à l'égard des séquences, événements, obstacles surmontés, expériences vécues, décisions de sa propre vie, ne résulte pas seulement du fait que ce qui est vécu est satisfaisant ; elle inclut aussi un facteur de réflexion consciente et d'appréciation de la vie comme un tout cohérent. C'est la forme la plus riche du bonheur, alors que la plus pauvre sera faite de la simple satisfaction de désirs immédiats.

Les philosophes de l'antiquité ont lié de façon essentielle la recherche du bonheur à la moralité170(*). D'où le nom d'eudémonisme171(*) donné à leur philosophie.

Les hommes poursuivent une fin dernière qu'ils se représentent en même temps qu'il la désirent et dont la possession permet l'accomplissement parfait de la nature humaine. C'est ainsi que toutes les éthiques antiques ont défini la recherche du souverain bien, à la fois le bien humain, le bonheur, et le bien moral. Plusieurs traits caractérisent cette recherche. D'abord, ce souverain bien doit porter sur l'ensemble de la vie humaine. Il ne consiste pas en événements, en épisodes ou en sensations, mais doit pouvoir être pensé comme un aspect de l'activité qu'est la vie même. Le deuxième trait est que cette recherche est rapportée à une disposition naturelle en l'homme.

L'eudémonisme antique, qui identifie la vie heureuse et la vie morale, est caractérisé par deux thèses : la vertu réalise la fonction humaine de raison ; l'accomplissement de cette fonction est le bonheur. Le bonheur se présente comme une réalité à la fois divine et accessible à la plupart des hommes. Il ne peut résulter du hasard ; il exige au contraire un considérable effort ; seuls les êtres présentant une certaine valeur morale et exerçant leur raison peuvent être dits heureux. Socrate faisait de la recherche du bonheur la fin ultime qui permet d'expliquer nos actions et nos désirs.

* 169 Monique Canto-Sperber et Ruwen Ogien, La philosophie Morale, PUF, 2006, pp. 27-32

* 170 Voir Monique Canto-Sperber et Ruwen Ogien, La philosophie Morale, PUF, 2006, pp ; 33-38

* 171 Eudémonisme : du terme grec eudaimonia, bonheur, prospérité ou félicité)

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius