PREMIERE PARTIE
LES BASES ET LES MANIFESTATIONS DE
L'OFFENSIVE POLITICO-DIPLOMATIQUE DU JAPON
Depuis fort longtemps, au sein du commandement des hommes,
s'est différenciée une prérogative capable dans des
sociétés souvent animées d'un puissant esprit de
rivalité et d'appropriation : celle de définir un
comportement collectif vis-à-vis de l'étranger. Une étude
comme celle portant sur la politique étrangère du Japon, «un
pays aujourd'hui en transition » (Postel-Vinay, 1997 : 8), ne peut pas
faire l'économie d'une lecture sur sa configuration et ses
éléments caractéristiques. D'autant plus que
« pour avoir une idée exacte de l'influence dont jouit un Etat
sur ses partenaires, point n'est besoin de prendre en considération
l'ensemble de ses rapports extérieurs, mais seulement un secteur
stratégique de ceux-ci à savoir ses relations
internationales » (Kontchou Kouomegni, 1977:5).
Dans cette première partie, les fondamentaux lato
sensu de l'orientation diplomatique nippone sont interrogés. Nous
mettons en exergue entre autres le fait que dans ses relations
extérieures, en disposant de l'opposition réactif / proactif
comme cadre d'analyse, le Japon opte en réalité pour une
« politique de moyenne puissance » (Cornelissen,
2004a : 33). Nous nous attelons à examiner non seulement les
conduites des acteurs mais aussi le dispositif de l'aide publique japonaise
(chapitre I). Nous analysons par la suite, la place du continent noir dans
l'agenda diplomatique de l'Empire du Soleil-Levant à travers notamment
l'engagement politique africain du Japon depuis 1991 et surtout le processus de
la Tokyo International Conference on African Development plus connue
sous l'acronyme de TICAD (chapitre II).
CHAPITRE I : LES FONDAMENTAUX D'UNE ORIENTATION
DIPLOMATIQUE
L'analyse concentrée des relations extérieures
du Japon, « démocratie d'âge mûr de
l'Extrême- Orient » (Hook, Gilson, Hughes and Dobson, 2001),
fait ressortir couramment une série de traits qui sont d'une part
caractéristiques de la nation japonaise donc spécifiques,
d'autre part symptomatiques pour une société moderne hautement
industrialisée, comparables à d'autres sociétés
avancées. Nous notons également que « l'Empire du
Soleil- Levant a toujours exprimé une ferme volonté de s'ouvrir
au monde. Seulement son passé impérialiste et les
séquelles de la Seconde Guerre, le poussait à mettre en oeuvre
des grands chantiers qui se révéleront être plus tard des
actions de relations publiques internationales » (Kouakam Mbenjo,
2005 : 13). Ces oeillères idéologiques n'empêchent pas pour
autant au Japon d'être arrivé à un carrefour et de
continuer à s'interroger sur sa politique étrangère et sur
sa place dans le monde (Steinert, 1987 : 172). Pourquoi dans l'analyse de ses
relations extérieures, Tokyo apparaît- il davantage comme une
moyenne puissance ? Quelles sont les conduites des acteurs du projet
diplomatique nippon ? L'APD est -elle véritablement le
« cheval de Troie » destiné à établir
une nouvelle « sphère de
co-prospérité » (S. Islam cité par Gabas et
Mainguy, 1998 : 47) de la politique étrangère du Japon ?
Notre propos dans ce chapitre est de montrer les fondamentaux d'une orientation
diplomatique.
Au delà de la découverte de l'environnement
socio politique et économique de L'Empire du Soleil-Levant, nous mettons
l'accent sur les traditions diplomatiques historiques de Tokyo et sur le
débat de la réactivité ou la proactivité de sa
politique étrangère (section I). Dans un pays où le lien
entre politique intérieure et politique extérieure est si
étroit où les considérations de politique
intérieure influencent autant sa politique extérieure que les
événements internationaux, une brève description des
instances et des conduites des acteurs impliqués dans le processus de
décision parait nécessaire (section II). Nous mettons aussi en
exergue le fait qu'en devenant un des bailleurs de fonds les plus importants,
l'archipel a fait de son APD un outil pour accroître son influence et son
autonomie sur la scène internationale (section III). Cette approche en
trois étapes nous semble en tout cas précieuse pour comprendre la
vision de la politique étrangère que le Japon veut
présenter à l'intérieur et à l'extérieur de
ses frontières.
SECTION I : LE JAPON : UNE MOYENNE PUISSANCE DANS
L'ANALYSE DE SES RELATIONS EXTERIEURES
Selon Green (2001), il n'est pas de grand projet international
sans signification politique au sens fort du terme. La question
théorique de « moyenne puissance » tient compte d'un
certain nombre de facteurs, de signes annonciateurs en rapport avec l'extension
de l'agenda diplomatique et la combinaison de plus en plus complexe des
instruments politiques. Il convient donc dans cette section de partir du
« donné », id est de présenter
l'environnement politique, social et économique du Japon, sans abonder
évidemment une fois de plus dans le cadre géographique,
déjà trop bien connu (A). Cela nous permet pour la suite, de
mieux envisager la diplomatie nippone dans ses données
thématiques majeures (B) pour finalement apprécier l'état
de son activité (C).
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