CONCLUSION GENERALE
Tout au long de ces pages, nous avons traité de la
répression des infractions se rapportant aux violences sexuelles dans le
contexte de crise de la justice congolaise en nous appesantissant sur le viol.
Nous avons jugé bon d'aborder ce sujet en deux parties.
La première partie a été consacrée
au viol massif des femmes à l'Est de la RDC et au cadre juridique de
poursuite de l'infraction de viol. En effet, le contexte général
de la RDC marqué par une succession de conflits internes et
internationaux a fait de nombreuses victimes. Aussi les rébellions
menées par Laurent Désiré Kabila, par le Rassemblement
Congolais pour la démocratie et par Laurent Nkunda se sont - elles
succédées chacune avec un objectif particulier.
La première rébellion a été
organisée dans le but de mettre fin à un régime
dictatorial d'une trentaine d'années dirigées par le
Président Mobutu. La deuxième quant à elle, dirigée
par le Rassemblement Congolais pour la démocratie avait pour point de
départ le mécontentement
exprimé par les populations tutsi qui se sentaient en
insécurité du fait de l'ordre de retrait des troupes Ougando -
Burundo - Rwandaises donné par le Président Laurent
Désiré Kabila. La troisième quant à elle
éclata suite au fait que les soldats tutsi se sentaient en
insécurité dans la nouvelle armée et poursuivait
l'objectif de défendre les populations tutsi que le
général Laurent Nkunda disait être en danger.
Au cours de ces conflits successifs, plusieurs victimes ont
été dénombrées dont des fillettes, des jeunes
filles et des femmes. Leur nombre a été si important que les
analystes ont parlé de guerre contre les femmes. En effet, elles ont
été victimes de nombreuses exactions dont le viol. Le viol a
été massif et utilisé comme une arme de guerre. Aussi
plusieurs formes de viol ont - elles été
dénombrées, à savoir le viol systématique, le viol
punition, le viol commis avec une violence inouïe et incluant des actes
pour humilier et dégrader les victimes, le viol collectif ainsi que le
viol des enfants et des personnes âgées.
Ces actes barbares perpétrés par des militaires
des forces armées régulières congolaises et
étrangères ainsi que par des groupes armés congolais et
étrangers n'ont pas été sans motivation. En effet,
certains ont été guidés par la motivation de combattre et
d'humilier l'ennemi à travers le corps humain, d'autres par la ferme
volonté d'éliminer le peuple congolais, par contre, les groupes
armés ont usé du viol comme un rituel pour capter ou neutraliser
les forces magiques. Il est important de souligner que le viol a même
été utilisé comme une prime à la bravoure et un
parfait dopant pour les troupes.
Le viol a laissé des séquelles sur les femmes au
niveau de leur santé physique et reproductive. Leur psychologie a
également été atteinte et leur social complètement
détruit. Des conséquences socio - économiques ont
même été relevées.
Devant ces crimes de viol, il convenait de s'interroger sur le
cadre juridique de poursuite de cette infraction. Ainsi avons-nous d'abord
traité du cadre juridique international. Le droit international
humanitaire et le droit international des droits humains se sont
avérés protecteurs à l'égard de la femme qui devait
être mise à l'abri contre tout acte de viol et de traitements
inhumains et dégradants. A côté du cadre juridique
international figure en bonne place le cadre juridique national
constitué de la justice militaire et de la justice civile.
En abordant la justice militaire nous avons constaté
que les Codes de 1972 et de 2002 ne traitaient pas de l'infraction de viol.
Ainsi avons-nous dû faire recours à la justice civile. Cette
dernière jadis retenait le viol dans le cas de la
pénétration. Tout acte qui ne correspondait pas à une
pénétration été considéré comme un
attentat à la pudeur. Devant la commission de pires types de viol durant
les conflits successifs qui se sont déroulés en RDC, il
s'avérait nécessaire d'adopter de nouvelles lois plus conformes
à la réalité. Aussi les lois n° 06/018 du 20
juillet 2006 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940
portant Code pénal congolais et la loi n°06/019 modifiant et
complétant le décret du 6 août 1959 portant Code de
procédure pénal congolais furent adoptés par le
Parlement.
La seconde partie s'est évertuée à
traiter de la Justice Congolaise face au défi de la répression
des cas de viols. Nous avons relevé au cours de cette seconde partie que
ces lois combien salutaires pour la répression du viol connaissent de
nombreuses difficultés pour leur application dues au dysfonctionnement
de la justice congolaise et particulièrement à l'Est de la RDC.
En effet, l'état des lieux du système judiciaire à l'Est
de la RDC révèle une insuffisance notoire en juridiction et en
personnel judiciaire. De plus, plusieurs carences dues au manque de formation
dudit personnel et à une logistique faisant défaut ne permettent
pas une application correcte des nouvelles lois sur les violences sexuelles.
Par ailleurs, il a été relevé que les infrastructures
pénitentiaires en fort état de délabrement favorisent
l'évasion des condamnés. En outre, les frais de justice pour les
victimes sont trop élevés et l'assistance judiciaire n'est pas
encore bien organisée. Les avocats sont commis d'office et les droits de
la défense sont souvent violés.
Nous nous sommes efforcés de relever les obstacles
à la poursuite des cas de viols par les juridictions. Certains d'ordre
général comme la pauvreté des femmes et leur
ignorance ; l'insuffisance et l'éloignement géographique des
juridictions ; la plainte déposée contre inconnu, le manque
de confiance dans le système judiciaire et l'insécurité
et la peur des représailles ont été
épinglés. D'autres sont liés à l'attitude du
personnel judiciaire. Quant aux dernières analysées, elles ont
été liées à la victime.
La lutte contre l'impunité des crimes de violences
sexuelles qui a débuté par l'adoption de nouvelles lois sur la
répression des violences sexuelles devrait s'accompagner d'une
réforme profonde de la justice. Avec l'adoption de la loi sur le statut
des magistrats et la future adoption du statut du Conseil supérieur de
la magistrature, la RDC semble être décidée à mettre
fin à ces violences sexuelles. Ses efforts laborieux ne devraient - ils
pas être soutenus par les partenaires nationaux comme
internationaux ?
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