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Le cinéma d'horreur en France : entre culture et consommation de masse

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par Laure HEMMER
EAC Paris - Master 1 Management de projets culturels 2007
  

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1.3. Entre voyeurisme et suggestion, le cruel dilemme du cinéma d'horreur

Dès lors comment dépasser cette recherche d'efficacité réactive, qui est un gage de qualité pour certains, une pure facilité permettant d'esquiver la question d'un bon scénario pour d'autres, un passage obligé pour beaucoup ? C'est également sur ce dilemme que se penche Eric Dufour, en contestant cette conception qui détache trop souvent le fond de la forme. Pour lui, le problème suscité par cette restriction de sens brouille les repères entre contenu effectif et effectivité du contenu : «Nous entendons par l'expression cinéma d'horreur une catégorie esthétique et non psychologique. Autrement dit : cette expression doit désigner un certain dispositif du film même, de l'image même, indépendamment de tout affect (la peur) que le film peut susciter chez les spectateurs»1 affirme le philosophe. Il faut donc tenir compte des effets souhaités mais pour définir le cinéma d'horreur il faut également s'intéresser au fond. En effet c'est l'association du propos narratif et de ses modes d'expression qui fait naître le récit filmique, la diégèse. Il semble que les films d'horreur, au sens où nous l'entendrons dans cette étude, peuvent se comprendre comme une association d'effets suscitant la peur -voire la répulsion en ce qui concerne les films gores- sur une trame narrative évoquant une situation inquiétante, particulièrement propice à l'expression de crimes, renforcés par une musique extradiégétique ou des sons intra-diégétiques sur fond de silence pesant2. La complexité du jeu entre champ et hors champ, permettant simplement de suggérer ou au contraire de faire voir au spectateur, brouille les repères de celui-ci et suscite sa déstabilisation physique et mentale.

On est alors en droit de se demander si un film comme Psychose (1960) d'Alfred Hitchcock peut toujours relever aujourd'hui du genre de l'horreur3. Sa puissance de suggestion, qui doit plus au génie du réalisteur qu'aux impératifs de la censure, est-elle encore formatrice pour les films d'aujourd'hui ? Le «maître de l'angoisse» fait-il toujours la loi au sein des réalisations horrifiques ? En effet, malgré le fait que le meurtre de Marion dans la douche du motel se déroule hors-champ, le récit avance dans un climat inquiétant, à l'image de la musique, usant de travellings et de zooms avant et arrière. Néanmoins, il semble que la libération des moeurs ayant pour conséquence la fin de la censure (qui n'exclut pas la protection des jeunes spectateurs), ajoutée au voyeurisme latent dans nos sociétés, ait quelque peu bouleversé ces codes, sans nécessairement s'y

1 in Le cinéma d'horreur et ses figures, Paris, PUF, Lignes d'Art, 2005, p. 55

2 Sur le rôle du son dans le cinéma voir M. Chion, La toile trouée, le son au cinéma, la voix au cinéma, Paris, Ed. Cahiers du cinéma, coll. Essais, 1985 ou encore P. Hutchings, op. cit. chapitre 6

3 idem, p. 56, 59-60

susbstituer totalement. Avec l'apparition de nouveaux genres comme le gore ou le thriller, l'horreur a changé de forme. Les meurtres ne sont plus relégués dans le registre du hors champ pour apparaître le plus souvent dans le cadre, accentuant plus ou moins le choc produit. Il n'y a pas d'impératif de mise en scène, même si celui-ci regorge de codes, qu'ils soient respectés, adaptés ou transcendés. L'histoire des genres connexes (fantastique, science-fiction, réalisme documentaire,...) ainsi que les possibilités offertes par les effets spéciaux forment une véritable boîte à outils, dans laquelle chaque réalisateur est supposé piocher pour en tirer le meilleur. Cependant, malgré ces évolutions et les règles qu'elles ont établies, il semble que la suggestion soit toujours de mise pour susciter l'horreur et que la déferlente d'hémoglobine ne constitue pas la règle ultime de l'épouvante au cinéma. Xavier Palud, l'un des deux réalisateurs de Ils, affirmait à ce propos: «[Le] parti pris était de faire travailler la suggestion en ne montrant jamais la nature réelle de la menace.» A David Moreau d'ajouter : «Une imagination bien stimulée engendre beaucoup plus de frayeur que tous les monstres gluants ou toutes les têtes sanguinolentes décapitées qu'on pourra montrer. Notre but n'était pas de dégoûter ou d'horrifier, mais de mettre les nerfs à vif et de terrifier»1. S'il n'y a pas de nécessité sur la manière de susciter l'horreur, l'analyse des schémas narratifs semble cependant en révéler quelques uns.

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