ESARTS
Ecole Supérieure de gestion et de médiation
des Arts (Filière du Centre EAC)
« Quel est votre film d'horreur
préféré ? »
Le cinéma d'horreur en France,
Entre culture et consommation de masse
Mémoire de fin d'études
présenté et soutenu publiquement par Laure
Hemmer
Directeur(rice) de Recherche : Mme Sabine Bourgey
Année de formation 2007/08
Jury de soutenance du mémoire de
: Laure Hemmer Promotion 2007-2008
« Quel est votre film d'horreur
préféré ? » La diffusion du cinéma
d'horreur en France Entre culture et consommation de masse
Président(e) du Jury :
Barthélémy Martinon, Responsable des partenariats et de la
communication du groupe EAC
Directrice de recherches : Sabine Bourgey
Numismate
Membres du Jury :
Pascal Goubereau, responsable éditorial de la chaîne
Ciné FX
L'EAC n'entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans les mémoires de fin d'études. Ces
opinions doivent être considérées comme propres à
leurs auteurs.
REMERCIEMENTS
Mon père, pour son soutien et ses conseils
éclairés,
Ma mère et Léopold pour leur aide très
précieuse et leur affection quotidienne, Olivier, le Socrate de ma
passion.
Barthélémy Martinon, directeur de la communication
et des partenariats à l'EAC, pour ses encouragements et son
enthousiasme,
Marie-Agnès Bruneau, chef du bureau parisien du Mip-TV
magazine,
Laurent Zameczowski, responsable des achats des chaînes
cinéma du groupe AB et Pascal Goubereau, responsable éditorial de
la chaîne Ciné FX pour leur investissement personnel et leur
carnet d'adresses,
Sabine Bourgey, numismate et directrice de recherche
passionnée,
Jean-Emmanuel Papagno, chef de produit chez TF1 Vidéo et
chargé de cours à l'EAC, Au CNC : Pierre Chaintreuil et
Hervé Le Coupannec, secrétaires de la commission de
classification ; Delphine Perreard du service documentation et Laurent Vennier
du service financement et professeur à l'EAC
Au CSA : Philippe Vignon, responsable des chaînes dites
historiques ; Françoise Berger- Longuet, chargée de mission pour
les chaînes non spécialisées payantes et Anissa Zeghlache,
responsable du pôle protection de la jeunesse et déontologie des
programmes.
Enfin les passionnés et acteurs incontournables du milieu
horrifique français : Christophe Lemaire, journaliste
Olivier Scamps, patron de Neo Publishing
Michel Leray, réalisateur
Philippe Lux, directeur de la programmation chez Le Pacte et
organisateur de l'Etrange Festival à Strasbourg,
Cyril Despontin, organisateur de l'Etrange Festival à Lyon
et administrateur de Zone Bis, Ketty Beunel, programmatrice du festival de
Gérardmer auprès du Public Système, Jean-Michel,
administrateur du site Oh My Gore !,
Jean-Maurice, organisateur de l'Absurde Séance à
Nantes,
l'équipe Uncut Movies...
Et bien d'autres que je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer, qui
par leurs films, leurs articles, leurs remarques ont contribué à
nourrir ma réflexion et ma passion pendant des années et
particulièrement lors de cette dernière !
Ni le soleil ni la mort ne se peuvent regarder
fixement. . François Duc de La Rochefoucauld,
Réflexions ou Sentences et Maximes morales et Réflexions
diverses in Oeuvres Complètes, Paris, Gallimard, La
Pléiade, 1935
Après tout, pourquoi n'y aurait-il pas autant d'art
possible dans la laideur que dans la
beauté? C'est un genre à cultiver,
voilà tout .
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la
Nuit, Paris, Gallimard, NRF, 1952
La vraie minorité sur cette terre est la
minorité des vivants, l'armée des morts est beaucoup plus
puissante.
Jacques Tourneur, Murmures dans des chambres lointaines
in Caméra/Stylo n°6,
mai 1986
AVANT-PROPOS
Lorsque j'ai choisi mon sujet de mémoire, je n'avais aucun
bagage dans ce domaine et mon intérêt n'était qu'amateur
car je n'avais jamais pensé à transformer ma passion pour les
films d'horreur en objectif professionnel. Me lancer dans cette étude
représentait à la fois un défi et une provocation latente.
En effet, comme j'ai pu le constater au cours de mes rencontres, une jeune
femme appréciant les films d'horreur, cela en surprend plus d'un. Sans
féminisme aucun, mais motivée par ma curiosité et mon
enthousiasme, j'ai mis un pied dans un monde fantastique, et l'adjectif est de
circonstances.
Le cinéma fantastique est un genre qui regorge de
potentialités, qui ne trouve sa limite que dans l'imaginaire humain,
d'une fertilité débordante. Eprise de littérature, je
lisais avec passion les nouvelles de Maupassant, de Poe ou de Barbey
d'Aurévilly, tout comme les polars sanglants de la bibliothèque
maternelle. Or les films ont cette capacité d'immersion dans un univers
que seule l'imagination arrive à façonner entre les lignes d'un
texte. J'ai ainsi appris à découvrir des chefs-d'oeuvre autant
que des navets et à apprécier plus certains aspects que d'autres.
C'est un genre qui reflète toutes les potentialités du
cinéma et peut toutes les regrouper en son sein. Les maîtres que
sont Hitchcock, Cronenberg, Scott, Romero ou encore Carpenter l'ont bien
compris et leurs films, dépréciés par leur dimension
fantastique et horrifique, sont néanmoins entrés dans l'histoire
du cinéma qui les reconnaît comme cultes.
Le temps fait souvent évoluer les mentalités et
révèle les qualités et les défauts des choses et
des individus. Mes hypothèses de départ ne seraient probablement
pas les mêmes dans un dizaine ou une vingtaine d'années. Elles
sont le reflet d'une certaine culture cinématographique qui est aussi
perceptible chez une jeune génération de fans qui n'ont pas
encore dépassé le quart de siècle, fascinée par les
cinémas de quartiers qu'elle n'a pas connu et les vidéoclubs
qu'elle a vu fermer. Je ne pars pas en croisade pour redorer le blason du
cinéma d'horreur, cette bataille n'a pas lieu d'être. J'ai
tenté de mettre en évidence de façon la plus objective
possible les contradictions, les évolutions et les traitements qui sont
à l'oeuvre dans ces films et leur diffusion auprès des
différents types de publics.
Plan synthétique
Première partie : Le cinéma d'horreur,
passé et présent
Chapitre 1 : Définir le genre
Chapitre 2 : Identification de l'objet : un corps
évolutif doté de nombreux tentacules
Chapitre 3 : L'exemple français, entre attirance et
répulsion
Chapitre 4 : En chair et en os : le public des films
d'horreur
Deuxième partie : Les principaux réseaux de
diffusion en France : quel modèle socio-économique pour les films
d'horreur ?
Chapitre 1 : Les avatars de la communauté
Chapitre 2 : Les réseaux classiques de la
filière cinématographique
TABLE DES MATIERES détaillée en fin de
mémoire
Les individus ont besoin de rêves. Dans un monde
globalisé où les frontières ont sans cesse
été repoussées voire détruites, l'imaginaire se
porte vers d'autres horizons. Des conquistadors à la conquête de
l'espace, les hommes ont voulu repousser les limites spatiales et temporelles.
Ces découvertes d'un autre monde ont aboli la conception de la
frontière terrestre, qui n'est dès lors plus une barrière
en soi. Le Styx peut désormais être franchi, à la
manière de l'Amazone. Mais la fascination demeure ; les bois, les
déserts, les montagnes, les étendues glacées continuent de
susciter la curiosité. Dans les années 1950, la progression
américaine dans le far west a engendré toute une série de
films portant sur cet univers aride, où les comportements humains le
sont tout autant. A l'heure d'Internet et de la mondialisation, si les voyages
lointains continuent d'attirer, il semble que plus rien ne soit impossible. Le
cinéma a su développer une esthétique de la limite et
tenter d'approcher ce qu'il y a de l'autre côté du miroir. Si la
fascination de l'autre et de l'inconnu éprouve notre curiosité,
la recherche d'univers parallèles est particulièrement vivace. Et
les arts peuvent contribuer à la satisfaire. En tant qu'accessoires
indispensables à un épanouissement personnel et social,
qu'expression d'une contemporanéité historique, de reflet des
mentalités, ils ont un pouvoir incommensurable. La séduction
artistique s'effectue tant à travers la proximité qu'à
travers l'altérité et l'inconnu. En tant que miroir de l'homme et
de son imagination, le cinéma propose à notre vue «un monde
qui se substitue à nos désirs», comme l'affirmait Jean-Luc
Godard en introduction du Mépris (1963). De manière
avouée ou non le cinéma attire en tant que puissance de
représentation du réel comme de l'irréel. En ce sens, il
comporte intrinsèquement une dimension spectaculaire, qui n'a de cesse
d'émerveiller les individus depuis les ombres chinoises jusqu'à
la 3D Relief. C'est une fabrique de rêves. La ritualisation de la
séance de cinéma, malgré la récente
sédentarisation du spectateur et les nouvelles pratiques qui
découlent du développement des bouquets
télévisuels, du DVD et de la VOD, demeure un bon exemple
attestant de ce caractère exceptionnel lié à l'oeuvre
cinématographique. Aussi c'est le dispositif cinématographique
lui-même qui peut être qualifié de «fantastique»,
en-deçà de son découpage ultérieur en genres.
Lorsque les frères Lumière présentent le 6 janvier 1896,
L'arrivée d'un train en gare de la Ciotat, il ne s'agit pas
d'un sujet qui a de quoi effrayer, mais la nouveauté de la technique a
pu paraître si spectaculaire qu'elle en devenait improbable,
inintelligible, angoissante. En effet, rendre vivant un aplat photographique,
reproduire les mouvements décomposés par Maret ou Muybridge,
saisir le souffle vital sur une pellicule pour ensuite la projeter devant une
assistance : cela n'a-t-il rien de fantastique, dans les deux sens que ce mot
peut revêtir ? D'autre part, n'oublions pas que le cinéma, s'il
est davantage considéré aujourd'hui dans son aspect industriel,
artistique et technique, était avant tout un art du spectacle. Les
nombreux acteurs de sa popularité croissante étaient des forains,
comme
l'était Goerges Meliès, auquel la
cinémathèque vient de consacrer une grande rétrospective
ainsi qu'une exposition, dont les centaines de saynètes firent le
bonheur des spectateurs du début du siècle.
Le fantastique est donc à l'origine du cinéma.
Or cette famille ne lui a pas toujours bien rendu grâce. Souvent
méprisé, contesté et censuré depuis le début
de son apparition, à la différence de la littérature qui
l'a inspiré, le cinéma fantastique est pourtant consubstantiel
à la naissance du cinématographe et inhérent à sa
réussite. En tant qu'irruption d'un irréel déstabilisant
dans l'édifice culturel réel, il peut se concevoir comme une
atteinte à l'ordre et à la pensée rationnelle
prônée depuis l'Antiquité. Modulé par la
subjectivité du lecteur ou du spectateur, le fantastique tente cependant
de dépasser le traditionnel clivage entre le bien et le mal, tout en
reproduisant des codes réels dans un monde irrationnel. Puisant dans
l'imaginaire populaire, source intarissable de peurs et de mythes enrichis par
chaque époque et chaque société, le genre fantastique a
toujours existé au cinéma, malgré les fluctuations
liées à l'évolution des modes et des goûts, à
la virulence des critiques à son encontre ou encore aux innovations
diverses comme le développement du parlant -une «innovation
architecturale» ayant modifié les comportements de la
filière toute entière. Si le fantastique a pu acquérir une
légitimité, souvent directement due à ses liens avec la
littérature, il n'en est pas de même pour le cinéma
d'horreur. Au sein du fantastique, celui-ci apparaît comme une
évolution terminologique du cinéma dit d'épouvante,
basé essentiellement sur les réactions sensorielles du public aux
images projetées, censées déclencher l'angoisse et la
peur. En s'inspirant notamment de classiques de la littérature
fantastique du XIXe siècle, il acquit sa renommée dans le premier
tiers du XXe siècle, à un moment où la volonté
d'intellectualiser le cinéma et d'en faire un art à proprement
parler était en train d'émerger ; le mouvement expressionniste
voyait dans le cinéma un moyen de refléter l'angoisse latente
dans la société de l'entre-deux guerres en faisant appel au
figures fantastiques. Cette esthétisation du 7e art figurait aussi la
marginalisation de tout ce qui n'était pas compris dans cette
démarche ; la logique industrielle des studios américains
étant vivement dévalorisée en France. En effet,
déjà à cette époque, le cinéma hollywoodien
essuyait oppositions et critiques acerbes, comme celle de George Duhamel, qui,
fustigeant ce mass media, se serait à coup sûr
ultérieurement réjoui des réalisations issues de la
Nouvelle Vague. Le comportement consumériste des spectateurs à
l'égard d'un film de cinéma représentait pour les tenants
de la légitimité artistique et intellectuelle du temps (qui
dénonçaient l'immédiateté de la réception
cinématographique, «la
réception tacite» décrite par Walter
Benjamin1) un non-sens. Comme la photographie, que Baudelaire
méprisait alors-même qu'il se voulait parfaitement incarner le
portrait de l'homme moderne, le film de cinéma n'était pas encore
reconnu comme un bien culturel. Aussi le cinématographe, pourtant de
conception française, se trouva-t-il longtemps marginalisé par
l'élite de son propre pays natal. C'est pourquoi le cinéma fut et
est toujours en France un art controversé, oscillant entre
trivialité et intellectualisme, entre tentation de l'entertainement et
affirmation de l'auteur. Il est amusant de constater qu'un siècle plus
tard, la bataille entre ces deux tendances du cinéma, l'art et
l'industrie, n'a toujours pas pris fin. Car si le cinéma français
se porte bien et demeure largement en tête des réalisations
européennes, il est en partie subventionné par les taxes
prélevées sur les entrées des films étrangers, et
en particulier américains. Le cinéma d'auteur, qui fait la
renommée mondiale du cinéma français est toujours
perçu comme plus noble face aux divertissements provenant des studios
d'outre-Atlantique. La domination des films en provenance des Etats-Unis,
grâce à la puissance financière et marketing de son
industrie est souvent pointée du doigt comme un gage de moindre
qualité et de rentabilité économique, moins que de
visibilité artistique. Pourtant, la France possède une industrie
cinématographique, produit des films à gros budget et compte de
nombreuses entreprises d'envergure internationale. Le festival de Cannes peut
paraître autant tourné vers les petits films que vers les plus
importants. Or c'est dans la diversité que s'épanouit l'art. La
production cinématographique, si elle est dictée par des
impératifs économiques, est avant tout une activité de
rencontre d'une audience par une double satisfaction ; celle de
l'émetteur et du récepteur de l'objet filmique. Par sa dimension
spectaculaire et son histoire, le cinéma d'horreur semble être un
lieu privilégié de cristallisation de cette opposition
perpétuelle.
Et c'est bien cette double dimension qui rend le genre
problématique. Des grands noms comme Alfred Hitchcock ou Dario Argento
sont aujourd'hui entrés dans l'histoire du cinéma alors qu'ils
faisaient partie d'un genre déprécié en France.
Aujourd'hui les films d'horreur semblent être (re)devenus à la
mode, cette tendance décrivant un mouvement cyclique, alternant entre
des périodes d'opprobre et des périodes de gloire. Le
phénomène s'étale sur les petits et grands écrans,
provoquant des réactions d'opposition de la part des plus conservateurs
et agitation dans la sphère institutionnelle. Car la
surmédiatisation des phénomènes violents inquiète,
et elle ne saurait se comprendre comme un plaisir. Or beaucoup ont vu dans les
films d'horreur des messages à caractère incitatif, comme en ont
également été soupçonnées les musiques
extrêmes.
1 In L 'oeuvre d'art à l'époque de
sa reproductibilité technique, version de 1939, in Sur l'art et la
photographie, Paris, éditions Carré, coll. Arts et
esthétique, 1997
En clair ils dérangent. Le déferlement de
violence, de crimes et de perversité, récurrent dans les films
d'horreur -qu'il soit montré ou simplement suggéré- n'est
pas du goût des défenseurs du jeune public, qu'ils tendent
à progéter contre cela. Dès lors les amateurs du genre
sont perçus comme des brutes sanguinaires ou des
dégénérés. Les liens avec l'industrie
pornographique demeurent pourtant rares, malgré la fusion établie
par quelques réalisateurs1. Mais les tendances d'opinion ont
la vie lourde. Aimer les films d'horreur, et encore plus en réaliser ou
en produire, est un credo, qui se conçoit difficilement dans la vie
sociale. Qui n'a jamais été étonné en entendant
quelqu'un raconter sa délectation face à un film sanglant ? Le
film d'horreur est un peu comme un secret, qui serait partagé par un
certain nombre de spectateurs. Au regard de ces critiques et de ces
préjugés, il semble donc que ces films soient les attributs d'un
petit nombre de fans. Or la culture légitime n'est pas toujours celle de
la majorité numérique. L'attirance qu'ils suscitent tend
cependant à démontrer qu'une autre logique est à l'oeuvre,
tant dans sa diffusion que dans sa réception. Car si pendant longtemps
la censure a évité les effusions de sang sur les écrans,
elles sont désormais légion et font la réputation
sulfureuse du genre.
Face à cette prolfération apparente, il convient
de se demander si le film d'horreur n'est pas aujourd'hui qu'un simple produit
de grande consommation ou s'il perpétue une certaine culture propre
à définir un groupe d'individus qui l'apprécie, à
travers différents types de médias et de supports de
communication. Cette question est particulièrement intéressante
dans le cas français, au regard du dualisme à l'oeuvre dans
l'ensemble de la filière cinématographique hexagonale. Le choix
de cet angle d'étude semblait intéressant dans la mesure
où, en dehors des analyses précises sur les films eux-mêmes
ou sur un genre en particulier, l'intérêt pour la diffusion
précise de ce type de films en France est peu vivace. Ils sont
immédiatement désignés comme étant à la
solde des productions anglo-saxonnes et n'attirent que très peu les
auteurs. Pour preuve, les ouvrages français dédiés au
cinéma d'horreur dans les bibliothèques (même à la
Cinémathèque Française !) doivent s'estimer à une
dizaine depuis une trentaine d'années, alors que les livres anglophones
ne se comptent même plus. La récente publication de quelques
titres suppose néanmoins que les choses sont en train d'évoluer.
La présence du film d'horreur comme objet d'intérêt
universitaire ne doit plus être mise en cause. Chaque
phénomène ayant des implications directes dans la
société est susceptible d'être couvert de
différentes manières par l'analyse scientifique.
1 Nous pensons à Jean Rollin mais aussi et
surtout à Jess Franco, dont les oeuvres seront évoquées
plus loin
C'est donc pour tenter de faire sortir le cinéma
d'horreur de son ombre, sans toutefois paraître trop partisan, que ce
travail a été mené, s'insérant dans un débat
très actuel autour du cinéma de genre national qui revendique sa
place légitime aux côtés des autres genres.
La première partie de cette étude tend à
mettre en lumière les caractéristiques du cinéma
d'horreur, tout en laissant l'analyse filmique pure de côté. A
travers des appuis littéraires et critiques, une tentative de
définition peut être ébauchée et ses codes mis en
valeur, en partant de la source-mère, le fantastique. Malgré la
difficulté de définir un genre protéiforme, il semble que
les films d'horreur soient pourtant aisément identifiables. Les
évolutions qu'il a subies tout au long du XXe siècle ont
contribué à façonner un genre aux mille facettes, attirant
un certain type de public, qui exige à la fois innovation et respect des
codes. Au-delà des évolutions historiques et esthétiques,
s'intéresser aux considérations économiques, aux
politiques éditoriales et à la réglementation en vigueur
semble être un point essentiel pour comprendre la démarche qui est
à l'oeuvre dans la diffusion de ces films en France. C'est ce que la
deuxième partie de cette analyse s'attache à déterminer,
à travers les différents médias par lesquels transitent
les films et leurs amateurs. Car ce cinéma de genre, qui a su s'affirmer
sur le marché cinématographique mondial tout en conservant une
dimension subversive assez prégnante, semble bien se porter au regard du
marché global. Dès lors comment s'effectue cet arbitrage subtil
entre provocation du contenu et recherche de visibilité, dans un milieu
où la rentabilité n'est pas toujours au rendez-vous ?
S'insèrent-ils dans un schéma de grande consommation, touchant
par là un public assoiffé de divertissement sanguinolent ou
présentent-ils des velléités culturelles fortes, aptes
à transiter par des réseaux de diffusion
spécialisés, à destination d'un public d'initiés ?
A partir de ces données, une idée du modèle
socio-économique des films d'horreur peut prendre forme, malgré
la difficulté éprouvée à rassembler des
données sur les chiffres d'affaires réels ou le volume des ventes
réalisées par les entreprises du secteur. Il est néanmoins
possible d'identifier les différents débouchés qui
s'offrent aux films d'horreur, des plus artisanaux aux plus médiatiques.
A travers des entretiens d'acteurs du milieu cinématographique, des
articles de journaux, des observations participatives, des statistiques et des
études établies par les institutions, le business model
français des films d'horreur tend à émerger afin de mieux
saisir les enjeux de sa diffusion sur notre territoire.
PREMIèRE PARTIE
LE CINéMA D'HORREUR
PASSé ET PRéSENT
Le cinéma fantastique, comme la littérature,
est un vivier de monstres et de créatures infernales qui jouent avec les
peurs des humains en invoquant l'au-delà et l'inconnu. En tant que mode
de représentation du réel et de l'irréel, il attire et
intrigue. S'inspirant de l'imaginaire, des croyances, des superstitions et des
mythes, il n'a pas de limite. Son but étant la déstabilisation de
l'audimat recherchant le dépaysement, il s'attache à provoquer
chez ses spectateurs des émotions plus ou moins fortes. Cela est encore
plus prégnant dans le cinéma d'horreur. En respectant les codes
de la littérature et en introduisant un élément
perturbateur (qui peut être un tueur aussi bien qu'un faune), les films
d'horreur distillent une ambiance censée mettre mal à l'aise et
déranger. Cependant, plusieurs genres se distinguent en son sein. Le
fantastique transporte vers d'autres horizons, plus lointains ou plus proches
de ses amateurs. En dehors de cette boîte à outils renfermant
l'imagination et la volonté d'évoluer dans d'autres mondes que le
quotidien, il semble que les films d'horreur soient plus
précisément codifiés et présentent des
schémas narratifs similaires. Pourtant l'horreur peut être
produite de différentes façons et l'histoire du cinéma
prouve que les réalisateurs ne sont jamais à court
d'idées. Pour étudier les divers ressorts du fantastique au
cinéma, il convient d'établir un cadre qui peut tenter de le
définir, malgré les changements incessants dus à
l'inventivité de ses pères. Ses évolutions historiques et
ses diverses ramifications, dont fait sans aucun doute partie l'horreur et ses
nombreux sous-genres, contribuent à façonner encore la
diversité d'un genre hétéroclite et pourtant si
spécifique. Car il y a bien un public qui semble y être
attaché. Et cela n'est pas compris par tous. Comment pouvoir vouloir se
faire peur et regarder des choses proprement horribles (et l'adjectif est de
circonstances)? Les sciences humaines peuvent permettre de fournir quelques
éléments de réponses à cette question, qui n'a pas
encore livré toute sa logique. Tout comme ce qu'elle tend à
présenter, l'horreur cinématographique reste un mystère
pour une partie de l'humanité. C'est ce voile, entre attirance et
répulsion, qui s'exprime aussi bien dans la production que dans la
réception, qu'il faut tenter de lever, en analysant successivement
les
l'oeuvre dans les films d'horreur.
caractéristiques, les évolutions, les
conséquences institutionnelles et la réception à
CHAPITRE 1 : Définir le genre
Pour parler du cinéma d'horreur, il faut d'abord
tenter d'en circonscrire les contours et de donner forme à son contenu.
Partant du fantastique, son nom semble déjà nous dire quelque
chose sur ce qu'il tente de produire chez ses spectateurs. Mais est-ce son but
ultime ? Quels procédés utilise-t-il pour cela ? Quelles sont ses
caractéristiques narratives récurrentes en dehors de
l'épouvante ?
1.1. Tentative de classification, le mal français
Il existe de nombreuses typologies différentes, pas
toutes nécessairement contradictoires, qui tentent d'élaborer
clairement un concept permettant de définir la ou les frontières
entre les différents genres présents dans la grande famille du
cinéma fantastique. Cet exercice est périlleux et peut
aisément varier d'un individu à un autre1. Selon les
époques, le point de vue et la culture des auteurs, les classifications
changent, tronquées par l'évolution des technologies et les
nombreuses sorties de films qui chaque année font bouger les lignes de
démarcation. Jean-Claude Romer, dans un article paru dans le
numéro d'avril 1982 de l'Ecran Fantastique, a tenté
d'établir une première typologie afin d'identifier toutes les
facettes du fantastique au cinéma. Il y distingue 6
catégories2 en se basant principalement sur la combinaison de
deux variables : l'inscription du film dans le réel ou dans le monde
imaginaire et la présence d'éléments probables ou
improbables.
Selon lui il y a tout d'abord le fantastique proprement dit
qui met en scène, dans le monde réel, des créatures
légendaires ou folkloriques (vampires, fantômes, loups-garous,
sorcières, maisons hantées, morts-vivants mais aussi contes de
fées et autres légendes...)3 . Des genres plus
précis apparaissent ensuite : la science-fiction fait intervenir, dans
le monde réel, l'homme dans des évènements incompatibles
avec les lois
1 comme le rappelle Jean-Louis Leutrat :
«définir un genre revient à tracer des frontières qui
permettent d'inclure et d'exclure (...). L'entreprise est hasardeuse car toute
frontière peut être discutée» in Vie des
Fantômes, le fantastique au cinéma, Paris, éd. Les
Cahiers du Cinéma, coll. Essais, 1995, p. 10
2 In Alain Puzzuoli., Jean-Pierre Kremer,
Dictionnaire du fantastique, Paris, éd. Grancher, 1992
3 C'est également ce que Roger Caillois nomme
le « fantastique d'institution » in Au coeur du fantastique
in Cohérences aventureuses, Paris, Gallimard, coll.
Idées, 1976 cité par Jean-Louis Leutrat, op. cit. p. 27-28
de la nature alors que l'anticipation se déroule dans
le monde futur du réel et présente des phénomènes
compatibles avec les lois naturelles. Sur ces deux points, la frontière
tracée semble parfois très mince, l'intrigue de nombreux films de
science-fiction peut être située soit dans le monde futur du
réel sans présenter de caractère anticipatoire ou
eschatologique soit dans un monde imaginaire. L'insolite montre, dans le monde
réel, des phénomènes inhabituels mais compatibles avec les
lois dites naturelles (en ce sens, Freaks de Tod Browning en est un
bon exemple). Quant au merveilleux, il ne se déroule que dans un monde
imaginaire où l'on se trouve en présence de
phénomènes incompatibles avec les lois naturelles (contes de
fées, dessins animés, onirisme, mythologies,...). Enfin
l'épouvante met en scène, dans le monde réel ou de
l'imaginaire, des phénomènes qui tendent à susciter chez
le spectateur certaines réactions physiques ou viscérales dans le
registre de la peur. Si Jean-Claude Romer ne distingue pas l'épouvante
de l'horreur, beaucoup d'autres le font, le deuxième étant
souvent considéré une évolution du premier. Les
émotions fortes ainsi que le rapport à un monde hors du
réel sont une composante déterminante également pour Roger
Caillois dans sa définition du fantastique dit «de parti
pris», intégrant les «oeuvres d'art créées
expressément pour surprendre, pour dérouter le spectateur par
l'invention d'un univers imaginaire où rien ne se présente ni ne
se passe comme dans le monde réel»1. Cette propension
à figurer ou non le réel est donc en débat chez plusieurs
auteurs pour définir le fantastique.
Cette dimension a quelque peu évolué ces
dernières années en ce qui concerne les films d'horreur, la
vraisemblance semblant prendre le pas sur la nature fantastique et surnaturelle
des crimes montrés à l'écran. Clément
Rosset2, privilégie l'inspiration puisée dans le
réel : «Réussissant à évoquer
«l'autre», le cinéma fantastique réussit du même
coup à évoquer le «même» ; à signaler la
singularité du réel dans l'exacte mesure où il excelle
à en suggérer d'éventuelles duplications, de monstrueuses
altérations». Pour lui la source de la peur réside dans les
potentialités du réel exploitées par le fantastique, non
dans une production, d'un monde imaginaire détaché de tout lien
à la réalité (qui est à l'oeuvre dans le
merveilleux par exemple). En effet, l'idée de l'altérité
est en jeu, suscitant la méfiance et/ou la peur chez l'homme
d'après la conception de l'état de nature chez Rousseau. Ce
traitement est un des thèmes centraux de la narration fantastique et
horrifique, comme en atteste le titre du chapitre cinq du livre de Peter
Hutchings3, «dealing with difference». Cette
dernière catégorie, sur laquelle se concentre plus
particulièrement cette étude, peut évidemment
intégrer des éléments d'autres catégories
décrites
1 Roger Caillois, op. cit. in Jean-Louis Leutrat, op.
cit. p. 27-28
2 Clément Rosset, L'Objet Singulier,
Paris, éditions de Minuit, coll. Critique, 1985 (1e
édition 1979), p. 45 3Peter Hutchings, The Horror
Film, Harlow (England), Pearson Editions, Inside Film series, 2004
précédemment ; Le Labyrinthe de Pan de
Guillermo del Toro intègre à la fois des éléments
merveilleux et d'épouvante, Underworld de Len Wiseman
apparaît comme un film fantastique proprement dit (puisqu'il fait
intervenir des vampires) autant que comme un film de science-fiction. Et nous
pourrions citer encore beaucoup d'exemples qui transcendent les genres, qui
ébauchent d'autres définitions. C'est une habitude très
française, héritée de la pensée rationaliste des
Lumières et de ses velléités encyclopédiques (des
classifications biologistes de Buffon, chimistes de Lavoisier ou encore
littéraires et artistiques des différentes académies) et
du XIXe siècle (notamment le positivisme d'Auguste Comte) de
prétendre tout ranger dans des catégories plus ou moins
précises. Or aujourd'hui, à notre époque de rebellion et
d'anti-académisme forcé par l'art et l'évolution des
comportements sociaux dans cette deuxième moitié du XXe
siècle, le propre de toute classification n'est-il pas d'être sans
cesse bouleversé ? De plus, concernant le cinéma, chaque fan ou
critique entend se faire sa propre idée de ce que représente ou
doit être un film d'horreur, en décrétant toute typologie
préalable non viable, comme le souligne Peter Hutchings1.
Chacun peut aspirer à donner son avis et que celui-ci soit pris en
compte, approuvé ou contesté par un autre individu ou un groupe
d'individus échangeant à propos d'un sujet dont chacun se
considère comme un spécialiste. Cette contribution, essentielle
pour comprendre le phénomène social engendré par les films
d'horreur, semble mal s'accomoder des classifications
pré-établies, que ce soit par conviction ou par simple esprit de
contradiction. C'est là toute la difficulté de tenter de
définir un terme protéiforme. Pour résumer, il n'y a pas
que de l'horreur dans l'horreur, et pourtant il apparaît comme un genre
bien précis pour ceux qui le soutiennent.
Alien de Ridley Scott (1979)
1 «Critics do not simply assume or rely upon a
pre-existing, well-established group of films when they write about horror but
instead will often work to shape a group of films, including some and excluding
others, in order to produce their own particular idea of what horror is»
in The Horror Film, op. cit. p. 2-3
1.2. L'angoisse, la peur, l'épouvante, l'horreur :
l'implication physique des spectateurs
Cette définition basée sur les effets physiques
de l'horreur est reprise par Philippe Rouyer tout au long de son livre Le
cinéma gore, une esthétique du sang1 et est
toujours soutenue par de nombreux auteurs et acteurs du milieu. Gilles Deleuze
l'étend même au genre fantastique en
général2 : «le fantastique est d'abord un effet
(...) On peut opérer des disctinctions et imaginer une échelle
graduée selon le degré de détermination de l'objet
suscitant cet effet chez les personnages de l'histoire racontée comme
chez les spectateurs ; s'il ne peut pas se produire au même moment pour
les uns et les autres, s'il peut même y avoir des discordances des uns
aux autres, l'affect en lui-même reste identique. Il peut aller de
l'angoisse suscitant la peur à l'épouvante en passant par la
crainte et l'effroi.» Il semble que le propre de l'horreur, et a fortiori
du fantastique soit de susciter des émotions fortes, qui varient selon
le sujet et la manière dont celui-ci est abordé dans l'oeuvre
cinématographique. De nombreux réalisateurs en conviennent
volontiers et assument cet héritage, à la manière du
réalisateur français Xavier Gens : « Nous aimons juste
provoquer des émotions fortes »3. Les sources de
l'horreur sont multiples et peuvent produire des sensations différentes,
sur une échelle passant par la croissance des effets physiques
provoqués : «Les effets produits dépendent de la nature du
fantastique»4, rappelle Jean-Louis Leutrat à la suite de
Deleuze. Il n'y a pas de règle en ce qui concerne la façon de
composer l'horreur, mais elle semble cependant limitée dans le temps ;
elle ne court généralement pas sur tout le film et reste
liée au déclenchement de l'élément perturbateur,
comme le suggèrent les canons du fantastique que ce soit en
littérature ou au cinéma.
Evidemment, il n'y a pas que le cinéma d'horreur qui
produit ces effets. La charge émotionelle latente des images s'impose
d'elle-même. L'iconoclasme se basait sur la puissance des images,
censées dicter des comportements néfastes à ceux qui les
regardaient torp longtemps et trop attentivement. Les images religieuses sont
un bon exemple de cette faculté de confondre fond et forme, afin des
suciter une émotion bien précise, et dans ce domaine, la
pitié, le partage de la passion christique, le recueillement,... En
argument d'autorité, Régis Debray peut à lui seul convenir
: «Pouvoir des images : à prendre d'abord au sens physique de
«avoir des effets» ou «modifier une
1 Paris, Editions du Cerf, collection 7e
art, 1997
2 in L'image-temps, Paris, éd. de
Minuit, 1985
3 In Le Film Français, N° 3266 du
13 juin 2008
4 Jean-Louis Leutrat, op. cit. p.26
conduite»1. Les études sur l'influence
des médias et de la publicité et sur l'impact des images en
général, malgré les difficultés qu'impliquent
l'analyse des formes de réception des publics, lèvent le doute
sur l'eventuelle passivité du sujet regardant, faisant de chaque
spectateur un «homo spectator»2 engagé par son
regard, tant physiquement que mentalement. Nous ne sommes pas tous égaux
devant les images, notre regard opérant avec un bagage culturel -selon
une vision déterministe- et nombre de professionnels du cinéma,
malgré la défense de leur métier, en conviennent.
Cependant, les nombreux rapports concernant la mise en relation des mineurs aux
images violentes montre la préoccupation suscitée par ce sujet
dans l'espace public, avec des attitudes qui oscillent entre libéralisme
et conséquentialisme3.
Il semble que la peur soit néanmoins un des sentiments
les plus immédiats qui puisse être produit indépendemment
du suivi de l'intrigue ou de la psychologie des personnages, contrairement
à la pitié ou à la tristesse qui exigent une
compréhension globale des dialogues, des attitudes ou de l'ambiance
générale. Le rire peut en cela s'apparenter à l'horreur
dans la facilité des effets produits, le muet se prêtait en effet
bien aux deux styles -il n'y a qu'à considérer les sketches de
Charlie Chaplin. L'immédiateté de l'agoisse, qui ne doit a priori
rien à la réflexion ni à la compréhension,
apparaît comme un élément qui déprécie le
cinéma d'horreur aux yeux d'une partie de la critique
cinématographique et du public. En effet, en voulant susciter ce
sentiment chez tous les spectateurs, il tend à réduire la
subjectivité et la personnalisation inhérente au regard en lui
imposant un standard d'émotion auquel il se doit de réagir de
façon uniforme. Cette forme d'appréciation physique tend à
renvoyer l'homme à ses insctints les plus primaires (c'est souvent ce
qualificatif qui est employé pour critiquer les films d'horreur), en lui
ôtant toute capacité réflexive sur le moment. C'est
pourquoi le jugement artistique sur ces films s'effectue souvent a posteriori
ou au deuxième visionnage, le temps de «se remettre de ses
émotions» comme disait un spectateur à la sortie d'une
séance. En ce sens, un film d'horreur qui «fait peur» a en
quelque sorte bien rempli son cahier des charges.
En avril 2008, la première bande-annonce de
[Rec] de Jaume Balaguero et Paco Plaza montrait uniquement les
réactions du public lors des avant-premières et des
séances espagnoles, filmés en caméra infrarouge, sans
évoquer l'histoire ni montrer une seule image du film. Ce
procédé montre bien l'efficacité des images
projetées : les spectateurs apparaissent recroquevillés sur leurs
sièges, sursautant, hurlant ou se
1 Debray Régis, Vie et mort de
l'image, Paris, Gallimard, coll. Folio Essais, 2005 (1e éd. 1994)
p. 150-151
2 Marie José Mondzain, Homo spectator,
Paris, Bayard, 2007
3 voir Laurent Jullier, op.cit. p.51 à 72
cachant les yeux pour ne plus regarder l'écran. L'objet
de la peur de ces spectateurs prostrés demeure invisible aux spectateurs
de cette bande-annonce, suscitant l'excitation et l'envie de le
découvrir. Aussi le teaser reproduit-il le schéma d'un film
d'horreur lui- même, à la manière d'une mise en abyme
métonymique : le spectateur de la bande- annonce éprouve une
partie de la peur des spectateurs du film, ceux-ci étant pris comme les
protagonistes d'un autre film qu'il serait en train de visionner. Cette
technique promotionnelle semble avoir été efficace puisque
[Rec] était un des films les plus attendus de cette
année et a réalisé plus de 550 000 entrées salles
en France. Cependant il ne semble pas avoir fait l'unanimité des
internautes : sur le forum de Mad Movies, les discussions autour du film et de
ses avatars (caméra subjective, montage, intrigue, humour,...) ont
compilé des dizaines de pages de débats, et il en ressort
beaucoup de déception. Peut-être la surenchère a t-elle
été trop forte ? Un des principaux reproches qui lui était
adressé consistait justement à trop s'attacher à la
provocation de la peur, avec des plans chocs, des personnages hurlants en
permanence, sans réel aboutissement artistique. Malgré ces
critiques, de nombreux réalisateurs (ré)affirment leur
volonté de provoquer l'angoisse des spectateurs, en renouvelant sans
cesse les techniques et les subtilités diégétiques. David
Moreau, l'un des réalisateur de Ils, déclarait dans le
dossier de presse du film, qu'il voulait «juste faire un film qui fasse
peur à ceux que cela tente». Peut-on pour autant parler
d'uniformisation ou de standardisation lorsque l'on cherche à produire
le même effet ? Il semble que malgré la volonté d'effrayer
les spectateurs, qui est sans doute un but en soi, les différentes
manières d'y aboutir sont le siège de l'originalité d'un
film et la difficulté de les renouveler tend à valoriser ses
créateurs.
Réactions de spectateurs pendant une séance de
[Rec] à Sitges (
http://www.dailymotion.com/video/x3chh7
_rec-trailer-avec-reaction-du-public _fun)
1.3. Entre voyeurisme et suggestion, le cruel dilemme du
cinéma d'horreur
Dès lors comment dépasser cette recherche
d'efficacité réactive, qui est un gage de qualité pour
certains, une pure facilité permettant d'esquiver la question d'un bon
scénario pour d'autres, un passage obligé pour beaucoup ? C'est
également sur ce dilemme que se penche Eric Dufour, en contestant cette
conception qui détache trop souvent le fond de la forme. Pour lui, le
problème suscité par cette restriction de sens brouille les
repères entre contenu effectif et effectivité du contenu :
«Nous entendons par l'expression cinéma d'horreur une
catégorie esthétique et non psychologique. Autrement dit : cette
expression doit désigner un certain dispositif du film même, de
l'image même, indépendamment de tout affect (la peur) que le film
peut susciter chez les spectateurs»1 affirme le philosophe. Il
faut donc tenir compte des effets souhaités mais pour définir le
cinéma d'horreur il faut également s'intéresser au fond.
En effet c'est l'association du propos narratif et de ses modes d'expression
qui fait naître le récit filmique, la diégèse. Il
semble que les films d'horreur, au sens où nous l'entendrons dans cette
étude, peuvent se comprendre comme une association d'effets suscitant la
peur -voire la répulsion en ce qui concerne les films gores- sur une
trame narrative évoquant une situation inquiétante,
particulièrement propice à l'expression de crimes,
renforcés par une musique extradiégétique ou des sons
intra-diégétiques sur fond de silence pesant2. La
complexité du jeu entre champ et hors champ, permettant simplement de
suggérer ou au contraire de faire voir au spectateur, brouille les
repères de celui-ci et suscite sa déstabilisation physique et
mentale.
On est alors en droit de se demander si un film comme
Psychose (1960) d'Alfred Hitchcock peut toujours relever aujourd'hui
du genre de l'horreur3. Sa puissance de suggestion, qui doit plus au
génie du réalisteur qu'aux impératifs de la censure,
est-elle encore formatrice pour les films d'aujourd'hui ? Le «maître
de l'angoisse» fait-il toujours la loi au sein des réalisations
horrifiques ? En effet, malgré le fait que le meurtre de Marion dans la
douche du motel se déroule hors-champ, le récit avance dans un
climat inquiétant, à l'image de la musique, usant de travellings
et de zooms avant et arrière. Néanmoins, il semble que la
libération des moeurs ayant pour conséquence la fin de la censure
(qui n'exclut pas la protection des jeunes spectateurs), ajoutée au
voyeurisme latent dans nos sociétés, ait quelque peu
bouleversé ces codes, sans nécessairement s'y
1 in Le cinéma d'horreur et ses
figures, Paris, PUF, Lignes d'Art, 2005, p. 55
2 Sur le rôle du son dans le cinéma voir
M. Chion, La toile trouée, le son au cinéma, la voix au
cinéma, Paris, Ed. Cahiers du cinéma, coll. Essais, 1985 ou
encore P. Hutchings, op. cit. chapitre 6
3 idem, p. 56, 59-60
susbstituer totalement. Avec l'apparition de nouveaux genres
comme le gore ou le thriller, l'horreur a changé de forme. Les meurtres
ne sont plus relégués dans le registre du hors champ pour
apparaître le plus souvent dans le cadre, accentuant plus ou moins le
choc produit. Il n'y a pas d'impératif de mise en scène,
même si celui-ci regorge de codes, qu'ils soient respectés,
adaptés ou transcendés. L'histoire des genres connexes
(fantastique, science-fiction, réalisme documentaire,...) ainsi que les
possibilités offertes par les effets spéciaux forment une
véritable boîte à outils, dans laquelle chaque
réalisateur est supposé piocher pour en tirer le meilleur.
Cependant, malgré ces évolutions et les règles qu'elles
ont établies, il semble que la suggestion soit toujours de mise pour
susciter l'horreur et que la déferlente d'hémoglobine ne
constitue pas la règle ultime de l'épouvante au cinéma.
Xavier Palud, l'un des deux réalisateurs de Ils, affirmait
à ce propos: «[Le] parti pris était de faire travailler la
suggestion en ne montrant jamais la nature réelle de la menace.» A
David Moreau d'ajouter : «Une imagination bien stimulée engendre
beaucoup plus de frayeur que tous les monstres gluants ou toutes les
têtes sanguinolentes décapitées qu'on pourra montrer. Notre
but n'était pas de dégoûter ou d'horrifier, mais de mettre
les nerfs à vif et de terrifier»1. S'il n'y a pas de
nécessité sur la manière de susciter l'horreur, l'analyse
des schémas narratifs semble cependant en révéler quelques
uns.
1.4. Codes ou accessoires ?
1.4.1. La violence et l'incarnation du mal
Il est communément admis que les films d'horreur
traitent des crimes, perpétrés par des humains ou des êtres
surnaturels, dans une attitude destructrice et cruelle qui relève
souvent de la folie, du moins de l'incompréhensible. L'horreur qui en
découle émane de l'impossibilité supposée de
l'homme à réaliser de tels actes, dépourvus de compassion,
sous une emprise «diabolique». C'est cette dimension
d'incompréhension, de difficulté à trouver une explication
rationnelle -que l'on peut également remarquer lors des crimes
relatés dans les faits divers médiatiques-2 qui fonde
le sentiment horrifique. Les crimes les plus abominables sont souvent
relégués dans la sphère de l'irrationnel, afin
d'éviter toute confrontation. Aussi les films d'horreur exploitent-ils
cette peur, en incarnant
1 voir dossier de presse Ils (disponible
sur
www.studiocanal-distribution.com)
2 Les voisins témoignant de la gentillesse de
leur voisin, qui s'avérait en réalité être un
pédophile, comme dans l'affaire d'Outreau ; l'incrédulité
de la famille face à un conjoint violeur, comme l'a récemment
démontrée la découverte des enfants de Joseph Fritzl.
le Mal en la personne du tueur en série, du meurtrier
fou ou de la créature destructrice tout en faisant surgir sa nature
inhumaine -ne pouvant appartenir à ce monde- donc fantastique.
Cependant, il semble que l'évolution du genre (qui sera abordée
plus loin) montre l'éloignement de cette caractéristique au
profit d'une horreur toujours plus humaine, inspirée par la
réalité, non dépourvue de massacres hebdomadaires. La
perte du registre fantastique au sein des films d'horreur contemporains
illustre probablement une certaine désillusion par rapport aux
potentialités horrifiques du monde réel. Le besoin
d'évasion n'est plus le centre des préoccupations, comme cela fut
à l'oeuvre dans les westerns ou dans le fantastique des années
1980 qui figuraient l'altérité de manière caricaturale.
Nul besoin aujourd'hui d'invoquer démons et autres créatures
infernales pour provoquer l'angoisse.
D'autres genres cinématographiques traitent de la
violence mise en scène de façon cruelle et
incompréhensible : les films de guerre et d'action, les films policiers
et a fortiori les thrillers ou encore les films historiques sur la Shoah. Les
films d'Antonioni peuvent figurer une très grande violence et exprimer
la douleur humaine d'une façon qui puisse paraître insupportable
à certains spectateurs, sans pour autant relever de l'horreur. Beaucoup
de discussions afférant à une éthique du cinéma,
notamment à propos du film Kapo de Gillo Pontecorvo (1960) ont
tenté de mettre des barrières à la violence
cinématographique et d'instiller une morale au cadrage de certaines
images. Peut-on tout montrer ? Y'a-t-il des crimes tellement abominables et
inqualifiables qu'on ne peut en tirer une esthétique ? La
célèbre réaction de Jean-Luc Godard à propos d'une
scène extraite du film de Pontecorvo1 montre que certains
pensaient au sein de l'intelligentsia du 7e art que celui-ci, pourtant lieu
d'expression, devait toutefois respecter certaines lois humaines et en premier
celle de la dignité de la personne, protégée par les lois
de la République2 et par les traités internationaux.
Or l'espace de liberté que représente l'art, avec sa puissance
créatrice et subversive, sa volonté de contourner la
législation humaine, arbitraire et politique, n'est-il pas le lieu de la
transgression de tous les interdits ? Pas lorsque celui-ci a des implications
dans l'espace public, affirme la commission de classification, à
l'instar du cinéma, projeté dans des salles et diffusé
à la télévision. Si le film d'horreur n'est pas uniquement
réductible à la violence qu'il met en scène, celle-ci en
reste toutefois un élément central pour de nombreux auteurs,
parmi lesquels Isabel Cristina Pinedo, qui en fait une des clés de la
compréhension du genre3.
1 Il aurait alors déclaré : « le
travelling est une affaire de morale »
2 L'Amendement Jolibois (art 227-24 du code
pénal modifié par ordonnance n°2000-916 du 19septembre 2000)
marque l'institutionnalisation en 1993 de la notion de « dignité
humaine » dans la législation française
3 In Recrational Terror, Women and the pleasures
of Horror Film Viewing, Albany, State University of New York Press, 1997,
p. 17
1.4.2. La morale
D'autre part, si la dénonciation de la violence semble
être un élement atténuant le caractère horrifique
d'une oeuvre (notamment en vue de leur classement en catégories
d'interdictions), ce n'est en aucun cas un élément présent
tel quel dans un film d'horreur, et c'est principalement ce qui est souvent
reproché au genre. Car comme le rappelle Laurent Jullier, «Le film
qui «dénonce la violence» est par là même une
chimère1». Cependant les slahers ou les survivals
regorgent de mises en situation morales à consonnances religieuses : la
fille saine, vierge et bien à tous égards laissée en
survivante ultime d'une tuerie (Halloween, Scream,...) le feu
purificateur effaçant les traces d'un évènement surnaturel
ou d'un massacre (Amityville, La Fin des Temps,...) ou encore l'espoir
porté par l'enfantement ou la croissance d'un enfant ayant
survécu aux crimes (Massacre à la Tronçonneuse, La
Colline a des Yeux,...). D'autre part, c'est souvent un
élément déclencheur à connotation morale qui
bouleverse un état et fait basculer le film dans l'horreur ou le
fantastique, comme le rappelle Jean-Louis Leutrat : «toute topographie
fantastique comporte un domaine dont il ne faut pas s'approcher, un territoire
tabou dans lequel pénétrer entraîne les pires
désagréments (...) La notion de frontière est donc
fondamentale dans l'organisation de l'espace de ces récits. (...) Sans
frontière, sans limite, pas de fascination de l'autre, pas de
transgression non plus.»2 D'où un développement
d'une esthétique du passage, combiné avec le rôle de la
musique en crescendo (portes, trappes, ponts, fenêtres,...). Les films
d'horreur sont le miroir des défauts de l'homme : curiosité,
rebellion, orgueil, non respect des lois établies,...
Ces lieux communs font partie des clichés concernant
les productions horrifiques, souvent identifiés et réduits aux
slashers ou aux survivals: ceux qui les reproduisent se placent dans une
démarche soit de respect de ces codes -une logique pouvant être
assimilée à du cinéma dit d'exploitation- soit de
détournement de ceux-ci à travers une recherche esthétique
nouvelle ou par l'humour. Or en ce qui concerne la dimension morale de ces
films, s'ils ne sont pas ouvertement dénonciateurs, ils ne font pas non
plus l'apologie de la violence, malgré les mises en garde
fréquentes des défenseurs des enfants et de certains psychologues
et critiques, arguments souvent utilisés afin de détruire le film
plus qu'à tenter d'en déceler l'originalité. Le traitement
de la violence reste tout de même un élément
déterminant un palier en vue de l'interdiction d'un film à une
catégorie de mineurs, tout comme l'ambiance malsaine ou angoissante, la
présence d'éléments déstabilisateurs dans le cadre
familial, la prise de drogues et d'autres critères,
1 Laurent Jullier, op. cit. p. 67
2 Jean-Louis Leutrat, op. cit. p.58
tout en examinant cependant la totalité du propos
développé par le film1. Malgré la
liberté de création dont bénéficient les arts en
France, il s'avère difficile de promouvoir, même sous une
dimension esthétique, une sorte de violence dite gratuite. Or
paradoxalement la figure de l'artiste maudit, marginal et provocateur fascine
et continue d'avoir cours dans l'imaginaire collectif2. La
volonté de provocation souvent invoquée dans ce genre de cas,
comme pour celui des snuff movies -qui ne sont qu'une légende urbaine-
ne suffit pas à justifier une telle déferlante de violence et
passe mal dans l'opinion publique. Il faut détacher le propos du film de
celui de son ou de ses réalisateurs ou scénaristes : un film
mettant en scène un tueur psychopathe ne signifie pas que celui qui l'a
imaginé en cache un, de même qu'une série présentant
à l'écran des fondamentalistes religieux n'est pas
nécessairement raciste.
1.4.3. Les échos historiques, sociaux et
esthétiques
De telles implications latentes, touchant au contexte social
et politique d'émergence et de réception des films, peuvent
être plus clairement décelables au sein de certaines productions.
S'il ne faut pas éxagérer ces résonnances, comme le
préconise Peter Hutchings, en tentant d'en voir dans tous les
longs-métrages d'horreur, celles-ci ne sont pas inexistantes et sont
parfois facilement identifiables. Partant d'une volonté de provoquer des
émotions fortes, par des moyens qui peuvent choquer, les films
revêtent une forte dimension subversive, tout comme son public, comme
nous le verrons plus tard. Dans cette démarche, ils tendent à
mettre en lumière les problèmes récurrents dans la
société et à interroger les limites de son
évolution, tout en exploitant des peurs à la fois anciennes
(monstres et créatures nocturnes) et contemporaines (tueur en
série). La dimension fantastique, d'abord du cinéma en
lui-même mais surtout au sein des films d'horreur, permet une
distanciation supplémentaire, qui, sous-couvert d'une intrigue et d'un
univers différent en dehors ou au sein du monde réel, peut faire
émerger les contradictions de ce dernier. C'est ce que soulignait
parfaitement le réalisateur des Révoltés de l'an
2000, Narciso Ibáñez Serrador, qui pointait du doigt dans
son film le régime dictatorial que vivait l'Espagne dans les
années 1970. Le fantastique permet de faire passer des messages forts
sous couvert de l'irréel. Sans faire une liste des particularités
contextuelles des films d'horreur, nous pouvons affirmer qu'elles dictent,
à chaque époque, une esthétique propre : subtile,
tournée vers l'épouvante après les deux
1 De plus, mentionnons que l'incitation à la
violence, comme l'incitation à la haine raciale, sont des délits
passibles d'amendes élevées.
2 A ce titre, le débat suscité au
printemps 2008 par le clip du groupe français de musique
électronique Justice, Stress, est révélateur.
Réalisé par Romain Gavras et son équipe de
Kourtrajmé, il y montrait une bande de jeunes, cagoulés, arborant
le signe du groupe, se permettant une multitude d'actes délictueux.
conflits mondiaux ; violente et apocalyptique dans les
années 1960 ; fantastique dans les années 1970 avec la
conquête spatiale ; mettant en scène la folie et les
désordres mentaux dans les années 1980 ; très axée
sur la torture à outrance aujourd'hui. Certains tendent en effet
à mettre en évidence les contradictions de la
société, comme l'a bien montré Peter Hutchings, à
travers la représentation de la paupérisation de la classe
ouvrière visible dans Frankenstein ou encore Massacre
à la Tronçonneuse1.
Ce sont ces implications contextuelles qui font
apparaître des genres différents à l'intérieur
d'aires géographiques bien définies, se nourrissant de
l'esthétique cinématographique déjà
développée. Adam Lowenstein, dans son essai Shocking
Representation2, définit ce terreau d'émergence
comme un « moment allégorique », qu'il caractérise
ainsi : «the allegorical moment can be discribed as a shocking collision
of film, spectator and history where registers of bodily space and historical
time are disrupted, confronted and intertwined (...) It's a complex process of
embodiment, where film, spectator and history compete and collaborate to
produce forms of knowing not easily described by conventional delimitations of
bodily space and historical time». C'est en ce sens qu'il peut y avoir un
cinéma de genre japonais, oscillant entre le gore des films de sabre
(chambara) et la suggestion des histoires de fantômes vengeurs (kaidan).
A ce titre, le cinéma fantastique espagnol, florissant actuellement avec
des réalisateurs comme Jaume Balaguero (La Secte sans Nom, Fragile,
[Rec]), est un bon exemple de l'inlfuence partagée du cinéma
américain mêlée aux classiques du cinéma espagnol.
Cette différenciation par rapport au style états-unien, à
travers une conception propre du genre façonnée par un
cinéma national, était justement soulignée par Juan
Antonio Bayona, réalisateur de L'Orphelinat, qui
expliquait3 que son film était à la fois un film
d'horreur et un drame psychologique. D'autre part, cet enracinement dans une
culture nationale spécifique peut contribuer à expliquer une
réception différenciée selon les pays.4
Le cinéma d'horreur, souvent défini par la peur
qu'il suscite, apparaît comme un genre qui recèle de nombreuses
caractéristiques, exportables, dont la liste n'est pas exhaustive, sans
cesse renouvelée par ses immenses potentialités. Mais comment se
traduisent ces codes à travers l'histoire du genre ? Quelles sont les
évolutions qu'ils ont subies et cela a-t-il contribué à
remodeler quelque peu cette approche ?
1 Peter Hutchings, op. cit. p. 102
2 Adam Lowenstein, Shocking Representation,
Historical trauma, National Cinema and the Modern horror Film, Columbia
University Press, 2005, p. 7
3 Magazine Tracks, diffusé sur Arte le
07/03/08
4 L'Orphelinat n'a ainsi touché que 200 000
spectateurs en France, alors qu'en Espagne il s'est avéré
être le 2e plus gros démarrage de tous les temps
CHAPITRE 2 : IDENTIFICATION DE L'OBJET : UN CORPS
éVOLUTI F DOTé
DE NOMBREUx TENTACULES
Que seraient ces caractéristiques sans leurs
nombreux exemples qui parsèment l'histoire du cinéma de
façon plus ou moins glorieuse ? A présent, il convient de saisir
les grandes évolutions du genre, dont les ramifications n'ont
cessé de se multiplier avec une rapidité croissante. En gardant
à l'esprit les définitions précédemment
élaborées, comment les films s'accommodent-ils de ces
éléments ?
2.1. Le cinéma fantastique dans la première
moitié du XXe siècle : l'horreur qui ne dit pas son nom
A la suite des saynètes* de Georges Meliès et de
quelques films mettant en scène des effets spéciaux lumineux
rudimentaires au tournant du XIXe et du XXe siècle, une vague de films
fantastiques déferle sur l'Europe et les Etats-Unis dans les
années 1920- 1930 et inaugure ainsi ce que les auteurs anglophones
appellent le « horror boom ». Les premiers films fantastique/horreur
s'inspirent des nouvelles sombres et surnaturelles d'Alan Edgar Poe, de Guy de
Maupassant ou de Robert Walpole mais aussi -et surtout- des classiques de la
littérature gothique anglo-saxonne. Des livres comme
Frankenstein de Mary Shelley (1818), The Strange Case of Dr
Jeckyll and Mr Hyde de Robert Louis Stevenson (1886), The Picture of
Dorian Gray d'Oscar Wilde (1891) ou encore Dracula de Bram
Stocker (1897) pour ne citer que les plus illustres, auront tous leurs
échos au cinéma. En Allemagne, la vague expressionniste
était déjà inaugurée depuis les années
1910-1915 avec des films comme Le Golem (1913) ou
L'étudiant de Prague (1913), qui ouvrirent la voie à
Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau. Ces thèmes
étaient déjà également exploités dans des
pièces de théâtre et de music-hall à succès
jouées à Broadway, comme The Bat d'Avery Hopwood et Mary
Roberts Rinehart données dans les années 1920. Cet engouement
pour le fantastique et l'imaginaire, les horreurs lointaines et les monstres
inhumains trouve ses racines dans le choc qu'a représenté la
Première Guerre mondiale aux yeux des populations occidentales. Le
succès remporté par ces films en Europe, qui a connu la guerre
sur son territoire témoigne de la volonté de
replacer l'horreur dans le surnaturel et de fuir les massacres
humains1. C'est sans doute ce besoin, augmenté des exigences
du code Hays2, en vigueur aux Etats-Unis de 1934 à 1966, qui
dicte l'absence de sang ou d'actes violents mis en scène dans la
majorité des productions d'horreur de cette époque. Afin de
préserver la morale des spectateurs, aucune acte de violence, de sexe ou
de dissidence religieuse ne devait apparaître à l'écran,
sous peine d'être poursuivi et, de toute manière, censuré.
Mais « brutalisation des sociétés »3 qui
s'en est suivie a tout de même eu son écho au cinéma,
projetant les angoisses dans un imaginaire de tous les possibles, où la
résolution des problèmes sociaux ou politiques trouve sa
dimension symbolique simplifiée dans l'anéantissement du monstre
(réel ou fantasmé, selon les fins dites fermées ou
ouvertes, autorisant un retour éventuel). L'absence de censure
aurait-elle eu pour effet de faire figurer plus de violence sur les
écrans ? On peut en douter, car si la censure est certes une contrainte,
elle est également le reflet d'une tendance de l'opinion, plus ou moins
majoritaire. Ces préoccupations ressurgissent avec la Grande
Dépression et les tensions dans les relations internationales qui font
lentement glisser les Etats occidentaux vers une marche à la guerre
inéluctable. Les films de cette époque traduisent les angoisses
du temps, de façon métaphorique ou ludique (Le Dictateur
de Charlie Chaplin), alors que le cinéma commence à recouvrir une
dimension artistique réelle4. Rappelons que lors de leur
sortie, les films d'horreur n'étaient pas qualifiés de la sorte :
«Even the 1931 version of Dracula, starring Bela Lugosi as the Count and
seen by many as inaugurating the 1930s US horror boom, was originally marketed
as a morbid romance, a thriller and shocker but not as a horror film. In fact,
the evidence suggests that the term «horror film» itself did not
become widespread until later on in the 1930s.5
Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1922)
1 En ce sens, l'oeuvre épique de Tolkien,
The Lord of the Rings, est représentative de cette tendance
2 Code établi par le sénateur William
Hays en 1930, appliqué à toute production
cinématographique, dont l'observation est régie par la Motion
Pictures Producers and Distributors Association (MPPDA).
3 Georges L. Mosse, De la Grande Guerre au
totalitarisme, la brutalisation des sociétés
européennes, éd. Hachette, coll. Pluriel Histoire, 1997
(1e édition 1990)
4 C'est en 1937 que Jean Zay, alors secrétaire
d'Etat aux Beaux-Arts reconnaît le cinéma comme «
7e art »
5 Peter Hutchings, op. cit., p. 12
Sans nier l'origine littéraire de ces monstres et
autres créatures infernales, beaucoup voient plutôt la vraie
naissance de l'horreur dans l'exploitation systématique de ces
thèmes par les studios américains, et en particulier Universal,
une des majors du système hollywoodien, transformant l'entreprise en une
véritable « usine de l'horreur »1. En effet, les
studios vont produire des cycles entiers de films, mettant en scène les
figures gothiques décrites précédemment, en faisant venir
des réalisateurs et des acteurs étrangers, absorbant ainsi les
talents en les valorisant commercialement à travers une
industrie2. C'est à cette époque que Bela Lugosi et
Boris Karloff intègrent le star-system et deviennent des symboles du
développement du genre ; leurs personnages identifiant à
eux-seuls les films dans lesquels ils apparaissaient, conférant à
ceux-ci une valeur immédiate en dehors du scénario, constituant
un argument d'autorité incontestable. C'est cette pratique très
hollywoodienne qui a permis à Universal de produire et de vendre,
pendant les années 1930 et 1940 des dizaines de films et leurs
innombrables suites. Cette «sequelisation of horror»3,
procédant d'une culture de la série, héritée des
feuilletons journalistiques et radiophoniques, fit l'identité du studio.
Celui-ci a donc façonné le genre à son image et a
établi des normes, des codes tant esthétiques que commerciaux. Le
principal étant de produire des suites pourvu que le public soit au
rendez-vous, la fidélisation des personnages étant très
importante pour pouvoir les faire renaître ou réapparaître
dans des épisodes ultérieurs. Il semble que de cette culture
découle également le développement de remakes, qui ne
procèdent pas de la même logique que la suite mais s'en
rapprochent par la volonté de relancer la machine
cinématographique jusqu'à l'épuisement. En effet si les
remakes sont souvent mal perçus par la critique ou par les fans,
l'adaptation n'est-elle pas une des clés du renouveau artistique, au
même titre que la création, notamment dans le spectacle vivant ?
La relecture d'un film ayant quelques années peut s'enrichir de sa
contemporanéité pour offrir au public une autre vision ; elle
peut également être un hommage, comme l'est le Halloween
de Rob Zombie (2007). Ce problème nous renvoie une fois de plus vers
l'incessant débat qui parcourt le cinéma, avec d'un
côté les tenants de l'art et de l'autre les défenseurs de
l'industrie. Les suites et les remakes sont perçus comme des pures
exploitations commerciales, comme le souligne Peter Hutchings: «This
negative perception of sequel-heavy 1940s Universal horror is often intertwined
with a prejudice against the sequel itself as a particular cinematic format,
with the sequelisation process seeming to mark the moment where innovation ends
and exploitation begins.»4
1 Idem p. 16 («horror factory»)
2 Cette pratique est toujours largement
répandue au sein des studios américains d'aujourd'hui, proposant
des budgets et des conditions de travail inégalables pour des jeunes
réalisateurs ou scénaristes
3 Peter Hutchings, 2004, op. cit. p. 19
4 Idem, p. 20
2.2. Les évolutions post Seconde Guerre mondiale :
le traumatisme générateur de nouvelles pistes horrifiques
De la même façon que dans l'après
Première Guerre mondiale, on peut d'ores et déjà souligner
l'absence, dans l'immédiate après-guerre, de quasiment tout film
d'horreur lié de près ou de loin à la violence humaine,
les spectateurs préférant se délecter des monstres issus
de la littérature fantastique du siècle précédent.
La vivacité des productions de la Hammer dans les années
1950-1960 témoigne de cet intérêt. Le premier à
être exploré par la célèbre firme est le
légendaire vampire des Carpathes dans Le cauchemar de Dracula
(1958) et Dracula prince des ténèbres (1965) de Terence
Fisher, mais d'autres réalisateurs s'attèleront à
dépeindre à leur façon ce mythe, notamment Peter Sasdy,
Roy Ward Baker ou Alan Gibson. Fisher, le prolifique réalisateur,
consacre également une série de films à Frankenstein : de
Frankenstein s'est échappé (1957) à
Frankenstein et le monstre de l'enfer (1973). Longtemps
délaissé à cause de la complexité du maquillage
qu'il nécessite, la figure du loup-garou ne trouve grâce aux yeux
des producteurs qu'à une seule reprise, avec La Nuit du
loup-garou en 1961. D'autres monstres classiques sont
revisités à la manière gothique anglaise, comme dans
Les Deux Visages du docteur Jekyll (1960) ou La malédiction
des Pharaons, réunissant en 1959 pour la dernière fois les
deux « gentlemen de l'horreur »1 que sont Christopher Lee
et Peter Cushing, reprenant le flambeau initié par Karloff et Lugosi.
L'héritage des films de la firme Universal est palpable, voire
revendiqué par la Hammer.2 Cette reprise des sujets
développés dans les deux décennies
précédentes entérine la dimension d'exploitation de ce
type de cinéma, affichant un modèle économique lié
à la rentabilité et à l'épuisement des sujets
allant jusqu'à la déformation du genre vers la comédie
(les séquelles de Frankenstein) et le ridicule. Le manque
d'originalité est en cause dans ces productions, mais le succès
était au rendez-vous, une recette imparable qui s'est cependant vite
essoufflée et n'a pas réussi à transcender ses
caractéristiques. En effet, le cinéma anglo-saxon s'est tu
après cet épisode florissant et innovant malgré tout (dans
les effets spéciaux, la couleur, le montage...). En effet, les films de
la Hammer furent les premiers à être vendus à la
télévision par le producteur Seven Arts ; les oeuvres
cinématographiques n'étaient auparavant pas diffusées sur
ce nouveau média, des sociétés de production
spécialisées s'occupaient de ce marché qui venait
d'émerger, proposant des films adaptés au format
télévisuel.
1 Philippe Ross, Le cinéma
d'épouvante, Paris, J'ai Lu, coll. Cinéma, 1988, p. 34
2 Alain Puzzuoli et Jean-Pierre Kremer,
Dictionnaire du fantastique, op. cit., article « Hammer »
Frankenstein de James Whale (1931)
Il faut attendre le milieu des années 1960 pour voir
apparaître des films liés aux instincts meurtriers de l'homme
lui-même. L'incarnation du Mal était devenue une
réalité au milieu du XXe siècle. La négation de
l'individu et l'anéantissement d'une partie de l'humanité
représentait désormais l'horreur suprême. Cependant, le
succès remporté par certains films versant dans le gore peut
signifier la fascination qu'exerce la violence quasi- guerrière sur les
générations qui n'ont pas participé à la guerre. Le
développement des films tournant autour des morts-vivants reprend
d'autre part le vocabulaire de l'affrontement : une armée de zombies
déferlant sur des civils impuissants livrés à eux-
mêmes dans univers apocalyptique. Les films gores et les slashers, les
psycho-killers à l'arme blanche ou à la tronçonneuse
peuvent dès lors connaître leur pleine expansion. Dans les
années 1970, il semble que « l'horreur s'institutionnalise,
s'internationalise pour devenir enfin un genre à part
entière1 » en développant une multitude de
sous-genres. Cependant, les modifications liées à la dialectique
du champ/contre-champ à l'oeuvre dans le cinéma d'horreur, la
censure ayant forcé le développement d'une esthétique de
l'allusion, ne semblent pas, pour certains, marquer un degré de plus
dans la représentation de la violence, malgré une recherche
effrénée de chair et de sang versé. Comme le souligne
Laurent Jullier, si la violence est désormais patente à
l'écran, elle n'en a pas plus accentué la perception : «Les
progès dans la dépiction naturaliste de l'horreur ne constituent
pas un paramètre important. Certes les cowboys hollywoodiens d'autrefois
s'entretuaient sans qu'il leur apparaisse la moindre tache rouge au
côté (...) Aujourd'hui, les scènes de torture sont monnaie
courante, et le sang gicle même dans les films étiquetés
tous publics. Mais la perception globale de l'évènement violent
est aussi violente sans détails croustillants2».
1 Philippe Ross, op. cit. , p.90
2 Laurent Jullier, op. cit. p. 129
2.2.1. Le splatter movie : aux frontières du gore et
du survival
L'évolution la plus significative, qui fait souvent
aujourd'hui le corollaire indispensable du film d'horreur est probablement la
naissance du film dit « gore ». Emprunté à l'adjectif
anglais qui signifie sanguinolent, ce genre de films décline les
détails insoutenables et répulsifs d'un crime, faisant
apparaître des flots de sang et de chair meurtrie.1 Les
premières scènes gores de l'histoire du cinéma se situent
dès l'aube de son apparition dans des films recouvrant des sujets
très divers : une décapitation dans Une mort de Marie
Stuart d'Edmond Kuhn (1893), des scènes de torture dans La
Sorcellerie à travers les âges de B. Christensen (1921) ou
encore le célèbre coup de rasoir fendant un oeil mis en
scène par Luis Bunuel dans Un Chien andalou (1928). Or en tant
que genre à part entière, ce que l'on appelle aussi les splatter
movies n'émergent que dans les années 1960, au sein d'un contexte
cinématographique toujours régi par la censure (malgré la
fin de l'application du code Hays au milieu des années 1950) et d'une
société américaine plongée dans l'affrontement
idéologique et militaire. La réaction conservatrice, dont la
chasse aux sorcières menée par le sénateur Mc Carthy dans
le cadre de la guerre froide est le meilleur exemple, et l'engagement
armé effectif des Etats-Unis dans la guerre du Viet Nam perturbe une
génération de cinéastes qui n'a pas vécu la Seconde
Guerre mondiale.
Dans la veine de l'émergence du rock au sein du monde
musical, le cinéma va aussi connaître son lot de provocations,
notamment avec Hershell Gordon Lewis, initiateur du « cinéma
vomitif » et salué comme « the godfather of gore », dont
l'influence sur le cinéma d'horreur contemporain reste importante. La
popularité acquise par ses films ne fit que grandir dans les
années qui suivirent les multiples réalisations de Lewis : son
premier film gore, Blood Feast (1963), rapporta au final plus de 7
millions de dollars pour un budget quasiment 300 fois inférieur
(estimé à 25 000 dollars). Ses réalisations
ultérieures n'en furent pas moins célèbres : 2000
Maniacs, Colour me Blood Red (1965), A Taste of Blood (1967,
fortement inspiré des films de la Hammer) ou encore Wizard of
Gore (1970) flirtent avec le cinéma bis, la série Z, le
slapsitck et l'horreur pour donner naissance à un cinéma
décomplexé, volontairement provocateur et auto dérisoire.
Sans faire une liste qui se voudrait exhaustive, il convient de donner ici
certains titres incontournables, qui s'inspirent de ce genre initié dans
les années 1960 : Massacre à la Tronçonneuse de
Tope Hooper (1974, même s'il n'est pas vraiment gore, et se mêle au
slasher* naissant), Evil Dead de Sam Raimi ou encore Bad
Taste et Braindead de Peter
1 A. Puzzuoli, J.P. Kremer, Dictionnaire du
fantastique, Paris, éd. Jacques Grancher, 1992, article « gore
»
Jackson. Le gore caricatural, constitué par les
excès de sang et d'humour, a donné naissance à un terme
spécifique ; le « splatstick », dont relèvent par
exemple aujourd'hui des films anglo-saxons comme Shaun of the Dead
d'Edgar Wright ou Dead and Breakfast de Matthew Leutwyler ou encore
les films produits par la société de production Troma
incarnée par le célèbre Lloyd Kaufman (Toxic Avenger,
Terror Firmer, Poultrygeist). Or cette trivialisation de l'horreur est
souvent dénoncée par ceux qui tentent de faire émerger un
cinéma de genre plus mûr, à l'instar de Pascal Laugier en
France.
L'autre éminent représentant, et non le moindre,
de cet héritage post-Seconde Guerre mondiale est le réalisateur
et producteur George A. Romero, dont le film La Nuit des morts
vivants, sorti en 1968, lointaine adaptation du livre de Richard Matheson
I am Legend, a inspiré tous les cinéastes engagés
depuis dans ce créneau. Si ses films intègrent des
éléments gores, c'est plutôt de la frayeur suscitée
par les invasions de zombies et l'impuissance des victimes que vient
l'horreur1. La critique sociale et politique patente
imprégnant son cinéma illustre bien ce phénomène de
rébellion par une contre-culture en pleine constitution. Romero
apparaît comme le « maître des zombies » mettant en
scène des morts-vivants, auxquels sont confrontés des individus
reflétant parfaitement les préoccupations des
sociétés dans lesquelles ils évoluent : l'adversité
dans La Nuit des Morts-Vivants (1968), la consommation de masse dans
Zombie (1978) ou encore la surmédiatisation et Internet dans
Diary of the Dead (2008). C'est ce qui fait la force du cinéma
de Romero, ce mélange de dénonciation, d'humour et de
scènes gores, que certains seraient tentés de qualifier de
gratuites, mais qui en réalité suivent bien le propos et le
schéma narratif du film. Si pendant longtemps, George A. Romero est
resté un cinéaste de seconde zone2, ne
bénéficiant pas de la considération du monde professionnel
et de la critique -mais vénéré par les fans-, cela tend
à changer depuis quelques années3. Son dernier film,
Diary of the Dead, a été encensé par la critique,
tant dans la presse généraliste que
cinématographique4. Serait-il devenu pour autant un film
d'auteur ? Pour certains c'est indéniable, mais pour d'autres, le
maître des zombies reste cantonné à son univers qu'il a
lui-même créé et continue de l'alimenter, mais avec l'appui
des studios cette fois : « J'ai perdu beaucoup d'argent dans les
années 1990 à développer des projets qui n'ont jamais vu
le jour. Et là, d'un coup, Universal me
1 Le gore des zombies, par Philippe Rouyer,
in Politique des zombies, L'Amérique selon George A. Romero,
ouvrage coordonnée par Jean-Baptiste Thoret, Paris, 2007, Ellipses, coll
Les Grands mythes du cinéma
2 Zombies : de la marge au centre, La
réception française des films de George Romero, par
Sébastien Le Pajolec, in Jean-Baptiste Thoret, op. cit.
3 C'est ce qu'explique Stephen King dans son roman
autobiographique Anatomie de l'Horreur : malgré ses dizaines de
livres et d'adaptations au cinéma, ses romans restent
déconsidérés, taxés de littérature de
gare.
4 Voir critiques de presse, annexe n°17, p.36
propose 20 millions de dollars pour faire monter mon
film1 ». En effet, le réalisateur a
bénéficié du succès de L'Armée des Morts
de Zack Snyder, présenté en sélection officielle au
festival de Cannes en 2005 (plus de 400 000 entrées France). Ce film a
permis de redonner un coup de fouet au genre en lui donnant une plus grande
visibilité. « Tuer à tour de bras n'empêche [...] pas
de penser » affirme Alexandre Aja, qui y voit un corollaire essentiel pour
un film réussi, comme son remake de La Colline a des
Yeux2.
Zombie de George A. Romero (1978)
Il s'avère cependant difficile de séparer
complètement ces deux tendances. Des films d'horreur relevant le la
série B peuvent impliquer des réflexions sociales et politiques
latentes (mais quel film n'en a pas lorsqu'il s'inscrit dans un contexte
précis ?), et des films plus engagés présenter des
scènes gores et humoristiques sans que cela n'affecte le propos. D'autre
part, on remarque une multiplication des scènes dites gores dans des
films dont le schéma narratif n'est pas dérivé de
l'horreur. Prenons l'exemple de David Cronenberg qui a réalisé
tant de films devenus cultes se situant entre la science- fiction et l'horreur
(Videodrome, Scanners, La Mouche) Ses deux derniers films (A
History of violence et Les Promesses de l'ombre) relèvent
plutôt du thriller dramatique mais font quand même place à
un lot de scènes gores. Au regard de l'exportation facile de telles
scènes au sein d'autres types de cinéma, ainsi que
vis-à-vis de son contexte d'émergence (le film historique ou
mythologique), on peut se demander si le cinéma gore fait
réellement partie du cinéma fantastique, le réalisme de
certaines scènes ne devant rien à l'imaginaire, bien au
contraire. Dans tous les cas, le gore est un élément inspirant
pour de nombreux genres, au sein et en dehors de l'horreur propre. Cette
intégration de la violence montrée à l'écran,
difficile à renouveler sinon dans l'escalade, est le principal
problème qui se pose aux réalisateurs de films d'horreur
gores.
1 Extrait de l'article Sang pour sang
horreur, par Frédéric Granier, TGV Magazine, 2006, annexe
n°1, p.7
2 Extrait de l'article Gore j'adore, par
Christophe Carrière, L'Express Mag du 22.06.2006, annexe n°4, p.1
5
2.2.2. L'horreur à l'italienne : gialli, cannibales
et gore
En Italie, un genre bien défini revêt
l'appellation de « giallo », tirant son nom de la couleur jaune des
couvertures d'une célèbre collection de polars
commercialisés par la maison d'édition Mondadori, comparable
à la Série Noire en France. Le scénario de ces films est
presque toujours le même, mettant en scène un assassin souvent
masqué et ganté qui perpètre des meurtres à l'arme
blanche et dont on ne découvre l'identité qu'à la fin. Ses
représentants les plus illustres sont certainement Mario Bava (Le
masque du démon, 1961 ; La Baie sanglante, 1972), Ricardo
Freda1 (L'effroyable secret du docteur Hitchcock, 1962,
Le Spectre du professeur Hitchcock, 1963), Dario Argento (L'oiseau
au plumage de cristal, 1969 ; mais surtout Les Frissons de
l'angoisse, 1975 et Suspiria, 1977). Il est intéressant de
noter que la plupart de ces réalisateurs ont fait leurs premières
armes dans le cinéma comique ou naturaliste, bien loin des
préoccupations qui feront leur renommée par la suite. Ce genre
est propre à son milieu d'émergence et à sa
nationalité italienne et n'a guère trouvé d'échos
extérieurs malgré son succès après des fans.
Le cinéma italien des années 1980, se dirige
ensuite vers le gore pur et simple, en allant plus loin que le gore
américain, s'engageant dans les films de morts-vivants ou de cannibales.
On retiendra entre autres parmi les plus célèbres Cannibal
Holocaust (1980) de Ruggero Deodato, Cannibal Ferox (1982)
d'Umberto Lenzi, Anthropophageous (1980) de Joe d'Amato ou encore
l'Enfer des Zombies (1979) de Lucio Fulci. La surenchère, la
recherche d'une efficacité outrancière et la stratégie
d'exploitation sont clairement affichés par ces réalisateurs, ce
qui en fait à la fois des films prisés par les fans, justement en
raison de cette médiocrité, mais aussi des films
méprisés par la critique et l'opinion publique2. Une
anecdote rapporte que les producteurs de ce genre de films couraient les
marchés du film en proposant des oeuvres qui n'étaient pas encore
tournés, pouvant ainsi au mieux satisfaire les distributeurs par la
suite en imposant leurs exigences, récoltées par ce biais, au
réalisateur. Lucio Fulci notamment a pris part à ce type de
commandes ; il en résulte un nombre incalculable de réalisations
d'une médiocrité variable. Notons cependant que ces films ont
suscité un réel choc. En effet les scènes d'empalement
présentes dans Cannibal Holocaust paraissaient tellement
réelles que les tribunaux ont été saisis et le
réalisateur obligé de reproduire les scènes devant
huissiers pour prouver l'authenticité des trucages. Cette
polémique avait relancé le mythe du snuff-movie, qualificatif
désignant ce type de film particulièrement réaliste dans
ses scènes de torture,
1 Trouvant son inspiration dans les nouvelles d'A.E.
Poe, à la manière du réalisateur britannique Roger Corman
à la même époque, qui donna naissance à une
réelle école fantastique « hallucinatoire »
2 Si des films de Fulci étaient
exploités par des salles parisiennes aussi importantes que le
Pathé des Champs Elysées, ils n'en étaient pas moins peu
recommandés par le monde cinématographique érudit
à tel point que les acteurs étaient
supposés les endurer réellement, voire même y périr.
Mais le manque de subventions dans l'Italie des années de plomb,
ajoutée à l'épuisement et à la
déconsidération de certains cinéastes, vont voir ce genre
national disparaître rapidement. Quant à Dario Argento, ses films
déclinent doucement par manque de renouvellement, n'ayant pas fait le
choix de l'esthétique gore mais s'étant toujours
positionné dans un fantastique plus onirique. La
médiocrité de ses derniers films' signent la fin de ce
cinéaste qui a pourtant marqué les années 1970, et
révèlent bien l'inadaptation du cinéma italien aux
réalités d'aujourd'hui autant que le manque de fonds dont
celui-ci dispose, traduisant la baisse voire l'inexistence des subventions
publiques2 et la frilosité des investisseurs.
Suspiria de Dario Argento (1977)
2.2.3. Le slasher et le post-slasher : l'explosion du
genre
Parallèlement à l'explosion des gialli en
Europe, les films mettant en scène des psycho-killers apparaissent sur
les écrans américains au milieu des années 1970. L'arme
blanche laisse la place à des outils peu communs mais plus efficaces en
terme de dommages corporels, prétextes à l'exposition de flots de
sang. Le plus célèbre de ces nouveaux instruments de torture est
certainement la tronçonneuse, que Wes Craven et Tobe Hooper mettent
respectivement à l'honneur dans La Dernière Maison sur la
gauche (1972) et Massacre à la Tronçonneuse (1974).
Mais c'est résolument avec les séries des Halloween, des
Vendredi 13 et des Griffes de la Nuit que sont
intronisés les tueurs en série les plus célèbres de
l'histoire du cinéma d'horreur : Michael Myers, Jason
Vorhees3 et Freddy Krueger, qui inspirent toujours les
réalisateurs contemporains.
' Do you like Hitchcock ? (2005) et Mother of
Tears (2007), malgré le très attendu Giallo,
conçu comme un hommage du réalisateur à cette vague de
gloire du cinéma italien
2 Qui s'inscrivent dans une politique
générale de baisse du budget de l'Etat italien consacré
à la culture
3 Deux remakes ont vu le jour dernièrement :
Halloween de Rob Zombie en 2006 et Vendredi 13 de Marcus
Nipsel en 2009 (qui avait déjà signé un remake de
Massacre à la Tronçonneuse en 2003)
Les grandes compagnies, comme dans les années 1930,
s'engouffrent dans ce secteur (Vendredi 13 est produit par la
Paramount) en réalisant des séries entières, dont
l'originalité baisse de film en film, ne tenant plus qu'à la
nouveauté des effets spéciaux. Le cinéma pour adolescents
est né, reproduisant des scénarii bien rodés mettant en
scène un tueur fou dont les meurtres rituels révèlent une
blessure psychologique ou physique, le tout baignant dans une atmosphère
pubère de libération des moeurs. Le slasher a souvent
été déprécié par les femmes à cause
des excès machistes de ses personnages et de l'intrigue. Mais certaines,
parmi lesquelles Isabel Cristina Pinedo, tentent de réhabiliter ce genre
auprès de la population féminine1. Malgré cela,
la rentabilité est au rendez-vous, puisque le premier volet des
aventures de Michael Myers, le tueur d'Haioween, La nuit des masques
réalisé par John Carpenter en 1978, rapporte 50 millions de
dollars pour un budget de 500 000 de dollars2.
Freddy contre Jason de Ronny Yu (2003)
Relancé au milieu des années 1990 avec
Scream de Wes Craven, le slasher devient un genre auquel on identifie
tout entier le cinéma d'horreur, avec ses nombreux clichés et
implications morales évoquées dans ce film à travers
l'intrigue, mettant en abyme le genre lui-même au sein de la
diégèse. Certains y ont vu de l'irrévérence,
d'autres du génie et une somptueuse réflexion sur le film
d'horreur lui-même, comme Eric Dufour. Le post-slasher devient alors la
nouvelle coqueluche des studios hollywoodiens, qui exploitent ce filon,
à force de remakes, de nouveautés peu inspirées et de
suites sans fin : Urban Legend (1998) de James Blanks,
Souviens-toi l'été dernier (1997) de Jim Gillespie ou
récemment le remake du Bal de l'Horreur (2008) de Nelson Mc
Cormick. Grâce à leurs histoires dont l'originalité ne
réside que dans l'invention de nouveaux
1 Voir le dernier chapitre de Recreational
Terror, op. cit., où elle analyse notamment Henry Portrait of a
serial killer, et montre comment il contient des potentialités
féministes latentes.
2 Philippe Ross, op. cit. p.1 12-113
tueurs, toujours plus pernicieux et qui se
révèlent souvent être liés aux victimes, laissant
une fin « ouverte », susceptible de produire des séquelles,
les post-slashers élaborent une machine qui tend à
s'épuiser aujourd'hui. Leur différence avec le slasher ? Aucune,
sinon la remise au goût du jour des acteurs et la
contemporanéité du style par rapport à l'environnement
actuel. Il intègre également, comme ses aînés, une
dimension de « survival », où non seulement les personnages
sont éliminés un par un, mais ceux-ci doivent lutter pour s'en
sortir (ou périr). Aujourd'hui les slashers sont un peu
déconsidérés, jugés trop faciles à
réaliser, la rentabilité étant toujours critiquée
dans l'intelligentsia cinématographique française, même si
certains semblent quelque peu sortir du lot, comme Jeepers Creepers de
Victor Salva. Cependant, c'est sans doute le genre qui représente le
mieux la dimension de cinéma dit d'exploitation dans les années
1990 et début 2000, étant vite remplacé, dès son
déclin amorcé, par des films plus violents que sont les
torture-flick ou par des films plus abordables et plus matures, comme les
thrillers.
2.2.4. Le thriller
Les excès des tueurs psychopathes imposent un trop
grand nombre de topoï* à ceux qui désirent innover. Les
déviances humaines peuvent aussi être intégrées dans
un genre qui ressurgit, le thriller, mettant en scène des meurtriers
sous l'angle d'une intrigue policière : de Pulsions (1980) de
Brian de Palma à Seven (1995) de David Fincher en passant par
Le Silence des Agneaux (1990) de Jonathan Demme ou plus
récemment Meurtres à Oxford (2007) d'Alex de la Iglesia.
Pour caractériser le thriller, il faut prendre un peu de giallo, un
soupçon de film noir, un brin de scènes gores, et un important
background policier. Si le récent succès de ce genre est
clairement apparent, celui-ci n'est cependant pas nouveau, de nombreux films
relevaient de ce style depuis le début du siècle, flirtant entre
fantastique et policier. Ce qui différencie le thriller du film
d'horreur consiste en l'objet du film, son essence-même, repérable
aisément dans le schéma narratif. Le thriller se conçoit
comme une extrapolation de genre policier, intégrant des
éléments d'horreur dans le scénario, qui sont
principalement d'ordre esthétique mais ne font pas réellement
avancer l'action. En ce sens le coeur du film n'est pas la production de
l'horreur et les scènes sanglantes qui y sont distillées peuvent
être qualifiées de gratuites.
Malgré cela, il peut souvent sembler difficile de
distinguer le thriller et le film d'horreur. En effet de nombreux films
horrifiques présentent également une enquête
policière agrémentée de scènes effrayantes ou gores
qui peuvent paraître plus périphériques. Les gialli et les
slasher movies, malgré leur répétitivité
basée sur les meurtres en série, mettent souvent en scène
des représentants de la loi, des shérifs aux
détectives privés improvisés en passant
par des policiers désabusés et débordés par les
évènements1. Souvent tournés en ridicule,
impuissants face à un phénomène ou un être qui
dépasse l'entendement et la logique, ils ne sont souvent pour rien dans
le dénouement de l'histoire, voire même sont partie prenante des
crimes2. Le défi face aux forces de l'ordre que
représentent les crimes perpétrés dans les films d'horreur
ou les thrillers renforce le sentiment horrifique, surtout lorsqu'il n'y a pas
de happy end et que la possibilité d'un recommencement est
esquissée. Cette tendance est de plus en plus prégnante au sein
des productions, ce qui leur permet de se positionner à la fois sur les
deux créneaux -horreur et thriller- dans l'espoir d'attirer un public
plus étendu. Le public amateur du genre policier pourra ainsi se porter
sur un thriller, malgré des éléments repoussants dans la
description des meurtres dont il n'est pas friand en soi. En même temps,
on voit émerger un public particulier à ce genre de films, comme
en littérature on voit se multiplier les thrillers dotés de
détails croustillants (de Maxime Chattam à Patricia Cornwell)
sans aller jusqu'à l'horreur ni au fantastique. Le thriller peut donc
exister en dehors de l'horreur, même s'il lui emprunte certains
éléments, sans être un film d'horreur épuré,
procédant plus du schéma policier que de l'épouvante.
Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme (1990)
2.2.5. Les torture-fl icks et autres porn-flicks
Une nouvelle génération de films a vu le jour
depuis quelques années, appelés porn-flick ou torture-flick,
empruntant tant au post-slasher, qu'au gore et au thriller. Ce cinéma,
avec des titres comme Saw de James Wan, Hostel d'Eli Roth ou
Captivity de Roland Joffé met en scène des individus,
souvent jeunes (moins adolescents toutefois que dans les slashers), en proie
à des tueurs sadiques qui leur infligent des tortures
1 Même la saga Saw, pourtant censée
représenter le stéréotype du film d'horreur contemporain
met en scène, certes de façon marginale, au sein du schéma
narratif, une enquête policière, tout comme Blood
Feast.
2 Dans Scream 2, c'est le policier, Dewey,
qui se révèle être le tueur masqué, dans
Massacre à la Tronçonneuse, le grade de shérif
est usurpé par un membre de la famille de Leatherface
toujours plus inventives dans une logique de jeu, et donc de
violence supposée gratuite. La saga Saw (qui compte six
longs-métrages et dont le dernier devrait sortir à l'automne
2009) en est un bon exemple1. A chaque volet, de nouvelles tortures
sont présentes, l'histoire se résumant aux nouveaux
stratagèmes que le tueur a imaginé pour mettre à
l'épreuve ses victimes, qui, selon lui, ne méritent pas de vivre.
Cette vision en a choqué plus d'un, prétendant que ce
scénario évoquait la barbarie nazie. La violence distillée
dans ces films, n'étant contrebalancée par aucun aspect d'ordre
moral ou éthique2, suscite systématiquement de la part
de la commission de classification une interdiction aux moins de 16 ans,
souvent assortie d'un avertissement. Pour Jean-Nicolas Berniche, ces films ne
sont que des produits prêts à consommer et ont perdu leur
dimension subversive au profit d'une standardisation et d'une approche purement
provocatrice dans un but uniquement marketing : « La nouvelle vague s'est
saisie de l'héritage gore de ses aînés mais a laissé
de côté le principe même du film d'horreur dans lequel
l'image ne prime pas toujours3. » C'est ce qu'il appelle «
le syndrome Saw » : des films où le scénario n'est qu'un
prétexte à un défoulement de tortures gores filmées
en plein champ.
Saw 3 de Daren Lynn Bousman (2004)
Néanmoins, il convient de relativiser quelque peu le
discours sur cette violence dite gratuite. Ce genre de scénarii exploite
les peurs actuelles : celle de l'étranger et de la frontière
(Hostel est censé se dérouler en Slovaquie,
Frontière(s) de Xavier Gens met en scène une famille
psychopathe vivant aux confins de la France et de la Belgique), celle de la
gratuité de la violence inspirée des faits divers quotidiens ou
encore celle de la banalité et de l'humanité du visage de la
violence (les tueurs apparaissent souvent en tant
1 Jigsaw, un malade atteint d'un cancer, soumet ses
victimes à des épreuves par lesquelles, en éprouvant la
souffrance à travers le sacrifice de quelque chose (souvent une partie
de leur corps ou la vie de quelqu'un d'autre), elles conquièrent leur
droit à continuer de vivre - tandis que lui est condamné à
mourir.
2 Il n'y a pas de dénonciation de cette
violence subie, qui peut dès lors apparaître comme une apologie,
mais nous avons vu plus haut que l'un n'entraîne pas
nécessairement l'autre
3 Article Une petite histoire de l'horreur, le
cinéma qui fait peur, octobre 2007, annexe n°9, p.25
que personnes tout à fait « normales », finis
les psychopathes masqués ou déformés). Le succès de
ce genre de cinéma1 renvoie au voyeurisme patent de nos
sociétés surmédiatisées, où la
télé-réalité façonne le regard et donne
à voir les détails les plus personnels de la vie d'autrui en tant
que consommation normalisée d'images. Cependant, le principal reproche
fait à ce genre de films est de ne pas aller plus loin dans
l'exploitation du thème abordé : « Très (trop ?)
malin, l'éprouvant Hostel se révèle un film
d'horreur hardcore, ultraefficace mais qui explore trop peu son sujet. (...) La
quête du plaisir se finit toujours mal, semble nous dire Eli Roth, une
morale vaguement réac et un peu facile compte-tenu du potentiel de
l'histoire et de ses résonances contemporaines2. » De
plus, pour certains, comme le réalisateur Michael Haneke, ce
déferlement de violence sur nos écrans est à
dénoncer en tant qu'illustration d'une curiosité malsaine. C'est
ce constat qui l'a motivé à retourner à l'identique une
version de Funny Games pour le marché
américain3. Le réalisateur y place le spectateur face
à ses tentations de voyeur à plusieurs reprises, distillant une
atmosphère lourde par de longs silences et la quasi- absence de musique,
l'un des acteurs interpellant directement l'audience (questionnant par
là ses motivations) en brisant la « règle du
quatrième mur » c'est-à-dire la barrière de
l'écran. Enfin, le fait que beaucoup de ces films engendrent des suites,
à la manière des slashers des années 1980-90, est un
reproche supplémentaire de la part de ceux qui souhaitent
dénoncer cette pure consommation cinématographique de la
violence.
Cependant tous les films d'horreur produits ces
dernières années ne peuvent pas être inclus dans cette
mouvance. Des longs-métrages tels que Isolation de Billy O'Brien, La
maison des mille morts de Rob Zombie ou encore Wolf Creek de Greg Mc Lean, qui
a inspiré Boulevard de la Mort de Quentin Tarantino, relève d'une
toute autre vision. Un certain type de cinéma gore, affilié aux
évolutions ultérieures, est cependant toujours à l'oeuvre
dans le cinéma d'horreur et conserve sa dimension fantastique, notamment
en mettant en oeuvre des créatures surnaturelles (zombies, monstres,
fantômes,...). Une autre partie, évoluant vers un réalisme
toujours plus prégnant, figuré par les torture-flicks et les
thrillers tend plutôt vers le genre policier et/ou documentaire. D'autre
part, il semble que les genres se mêlent plus qu'avant, le cinéma
ultra codifié semblant plus rapidement en perte de vitesse,
poussé par un comportement peut-être plus
consumériste.
1 Saw avait attiré en France 493 000
spectateurs, Saw II avait totalisé 668 000 entrées, le
troisième ayant attiré plus de 738 000 personnes dans les salles
françaises et le quatrième 295 000. Source CBO- Box Office
2 Article Une époque fantastique, par
Alexis Bernier in Libération du 1er février 2006,
annexe n°2, p.12
3 Avec des acteurs anglo-saxons, la version originale
autrichienne de 1997 n'ayant été que peu diffusée aux
Etats-Unis, le marché étant peu friand des versions
étrangères sous-titrées.
CHAPITRE 3 : L'EXEMPLE FRANÇAIS : ENTRE
ATTIRANCE ET RéPULSION
Pourtant terre fertile du 7e art, la France n'a
jamais été une bonne élève dans la cour du
cinéma fantastique, dominée par les Anglo-Saxons. Alors qu'il y
eut un cinéma d'horreur anglais dans les années 1950-60, un
cinéma italien dans les décennies suivantes et alors que le
cinéma espagnol a de nouveau le vent en poupe depuis 10 ans, les
Français restent rares dans cette discipline codifiée et
périlleuse, boudée des producteurs et marginalisée par la
critique. Or il semble que cela tend à évoluer...
3.1. La faiblesse de la production
Si les frères Lumière ont inventé le
cinématographe, les Français s'illustrant dans la production ou
la réalisation de films fantastiques sont rares et cela est encore plus
remarquable lorsque l'on parle de films d'épouvante ou d'horreur. Dans
la première moitié du XXe siècle, il n'y a guère
qu'un réalisateur qui se risque dans ce genre cinématographique
où prolifèrent pourtant les Américains et les Allemands,
il s'agit de Jacques Tourneur. Avec Vaudou (1943), il signe une oeuvre
unique mettant en scène des zombies, un an après La
Féline (1942). Cependant, peut-on réellement qualifier ces
oeuvres de françaises, étant donné que les producteurs
sont américains ? Les critères actuels de la nationalité
d'un film l'excluraient de la production française. Cet exemple peut
néanmoins être retenu comme témoin de cette absence
française sur le registre des films d'horreur. L'après-guerre
confirme cette absence. Notons également, dans l'immédiat
après-guerre la réalisation de deux films difficilement
classables : Les diaboliques de Henri-Georges Clouzot (1955) et
Les yeux sans visage de Georges Franju (1959), qui est
désormais considéré comme un classique du cinéma
français. Les implications extra-diégétiques des films de
Franju ont été remarquablement analysées par Adam
Löwenstein1. Ce n'est que dans les années 1960
qu'apparaît un cinéaste hors pair, prolifique et provocateur ;
Jean Rollin. Celui-ci réalise des films mettant en scène horreur
et érotisme, comme dans Le viol du vampire (1967) ou La
vampire nue (1969), et choque par son obscurantisme. Cette apparition d'un
genre difficilement définissable, à rapprocher des films de
l'espagnol Jess Franco à la même époque, n'a cependant
pas
1 Adam Lowenstein, Shocking Representation,
op. cit., Chapitre 1 : Horror without face
marqué au fer rouge l'histoire du cinéma de la
façon dont on pourrait l'imaginer, comme l'atteste Christophe Lemaire :
« Avant Jean Rollin, le cinéma fantastique/horreur français
n'existait quasiment pas ; si fantastique il y avait c'était de
façon onirique avec les films de Cocteau ou Franju, qui disposaient d'un
background cinématographique important et étaient
légitimés par l'institution [Georges Franju fut l'un des
cofondateurs de la Cinémathèque Française]. Jean Rollin a
toujours été méprisé en tant que cinéaste,
jugé mauvais et vulgaire alors que sa position de pionnier devrait, de
fait, le faire apparaître dans les annales du cinéma
français1 ».
Les deux orphelines vampires de Jean Rollin (1995)
Ensuite, la France fut prise dans la Nouvelle Vague et il n'y
eut plus guère de films subversifs par leur contenu horrifique.
L'exploitation était bannie en tant qu'intrusion américaine et le
cinéma français portait fièrement les couleurs d'un
cinéma d'auteur qui ravit toujours son exégèse. Pourtant,
depuis une dizaine d'années, de jeunes réalisateurs
français tendent à faire parler d'eux dans le domaine du
cinéma d'horreur. Jusqu'alors il n'existait pas vraiment de
cinéma de genre national à proprement parler, comme il y a un
cinéma américain, britannique ou italien à une certaine
époque. Néanmoins il semble qu'un genre d' « horreur
à la française » soit en train d'émerger. Les
réalisateurs du film A l'Intérieur, Julien Maury et
Alexandre Bustillo sont représentatifs de cette nouvelle vague de
cinéastes audacieux qui souhaitent faire vivre le film de genre
français. En 2005, seuls deux films français agréés
par le CNC2 étaient des films d'horreur. D'un
côté on trouve Silent Hill de Christophe Gans, une
coproduction à majorité étrangère (80% canadien,
20% français) et à gros budget (30,27 millions d'euros), de
l'autre Ils de David
1 Entretien mené le 24/07/08, annexe n°26,
p.66
2 Rapport sur la production cinématographique
française - 2005, p. 40
Moreau et Xavier Palud, un film d'initiative française
(produits et financés intégralement par des partenaires
français) à petit budget (1,4 million d'euros). Ces deux longs-
métrages illustrent bien le dualisme hiérarchisé qui
caractérise le cinéma d'horreur français depuis quelques
années. Une bonne partie des réalisateurs est tournée vers
les grosses productions américaines (La Colline a des yeux
d'Alexandre Aja ou Gothika de Matthieu Kassovitz). En effet les
studios repèrent les talents et leur proposent ensuite des contrats bien
plus ambitieux, comme en ont récemment fait l'expérience Xavier
Palud et David Moreau, en réalisant en 2007 un remake de The
Eye. Mais des premiers films comme Ils ou A
l'Intérieur, avec des budgets moindres1, se font
également une place, critique et commerciale, au sein d'un marché
tourné vers les blockbusters*. En 2007, cette tendance se confirme.
« Ceux qui parlent de nouvelle vague du cinéma d'horreur
français le font parce qu'effectivement, cette année il y a deux
films gores qui sortent : A l'intérieur et
Frontières de Xavier Gens [reportée début 2008].
Mais à côté des Etats- Unis, où deux films gore
sortent par semaine, ce n'est rien ! »2 . Naturellement, deux
films ne pèsent pas lourd dans l'industrie cinématographique mais
cela tend à être noté avec intérêt. Si le
cinéma horrifique français n'en est qu'à ses
balbutiements, la nouvelle génération saura bientôt le
faire parler.
En effectuant un relevé des films d'horreur
français produits de 2003 à 20073, nous nous
apercevons clairement de cette rareté. Au total, il n'y a que 13 films
d'horreur produits entièrement ou en partie par la France , sur un
volume global de 1086 films français (films d'initiative
française et coproductions à majorité
étrangère), ce qui représente 1,2 % de ce total sur une
période de 5 ans. Si ce score est remarquable par sa faiblesse, notons
que cela représente tout de même une évolution positive.
Les producteurs restent frileux et n'osent pas se lancer distinctement sur ce
créneau. Même Richard Grandpierre, qui a pourtant produit quelques
films chocs avec sa société Eskwad (dont Ils et
Martyrs), n'affirme pas une passion débordante pour ce genre.
«Les producteurs ne prennent plus aucun risque (...) Ils
préfèrent s'appuyer sur des franchises, ce qui leur évite
un gros travail de promotion, constate avec dépit Julien Magnat,
réalisateur de Bloody Mallory. En France, il existe une ligne
de démarcation entre film de genre et films d'auteur»4.
C'est cette synthèse qu'a tenté Pascal Laugier avec ses films,
Saint-Ange puis Martyrs, mais il semble que sa conception
plus intellectualisante de l'horreur ait du mal à trouver son public.
1 Même si 800 000 € de publicité ont
été dépensés, comme le rappellent Isabelle
Régnier et Jean-François Rauger, article Emergence de
l'horreur à la française, Le Monde, 13.06.2007, annexe
n°8, p.24
2 Interview J. Maury et A. Bustillo par Jean-Nicolas
Berniche, mai 2007, annexe n°7, p.21
3 Voir listes des films établie à partir
des listes de la production agréée, annexe n°41 ,p.126
4 Article Sang pour sang horreur, par
Frédéric Granier, TGV Magazine, 2006, annexe n°1, p.7
3.2. La réaction des institutions : la
réglementation de l'accès aux films
3.2.1. De la censure...
Lorsque le cinéma apparaît en France, la censure
n'existait théoriquement plus depuis un siècle, symbole d'Ancien
Régime et de limitation des libertés individuelles, contraire
à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen d'août
1989. Cependant, en vertu du devoir de respect de l'ordre public et des bonnes
moeurs, des commissions plus ou moins formelles ont continué de
réguler les publications, pièces de théâtre et
autres créations artistiques. C'est en vertu de ce double principe, qui
peut paraître paradoxal, que la censure au cinéma s'est
forgé une légalité de fait et que la protection de
l'enfance a pris le relais avec la commission de classification des oeuvres
cinématographiques. Afin de se substituer au pouvoir de police
aléatoire des maires et des préfets qui avait cours jusqu'alors
(mais leur sens de la coercition demeura longtemps vivace), une commission de
censure fut créée le 16 janvier 1916 (décision
ratifiée par le décret du 25 juillet 1919) et composée de
cinq commissaires de police avant de passer sous la tutelle du ministère
de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts. Dans les années 1930, on
mit en place une restriction d'accès des salles aux mineurs (la
majorité étant de 21 ans jusqu'en 1974) et on créa un
Comité national régulateur composé de professionnels du
cinéma.1 Après la guerre, un décret du 10
octobre 1959 (ratifié en1961), instaurait deux catégories de
classement pour les films : l'interdiction aux moins de 13 ans et aux moins de
18 ans. C'est encore ce type de classification qu'utilisent de nombreux pays
anglo-saxons, et notamment les Etats-Unis depuis 1968 : les films PG-13 et R
étant respectivement déconseillés aux moins de 13 et 17
ans, mais l'accès leur est possible accompagnés d'un adulte ou
d'une personne d'un âge supérieur au leur (selon les Etats). En
France, les films qui ne relevaient pas des critères cités
pouvaient soit être tout simplement interdits, c'est-à-dire
privés de distribution en amont et donc de sortie en salles, soit subir
le classement X, ce qui représentait des coûts
supplémentaires2, une mauvaise presse mais aussi une
publicité gratuite. Pour éviter ou contourner ces contraintes,
beaucoup de films sortaient avec des coupures. Or cette classification ne
1 Laurent Jullier, 2008, op. cit., p. 14-15
2 En effet, la loi de finances du 30 décembre
1975 instaure une disposition fiscale catégorie dite X pour les films
pornographiques ou d'incitation à la violence : Les films classés
X font l'objet d'un prélèvement spécial de 33,1/3% sur les
cessions de droits et les droits d'entrées et de 20% sur leurs
bénéfices industriels et commerciaux imposables. D'autre part,
tout type de soutien financier direct ou indirect de l'Etat est exclu, tant
pour les films que pour les salles qui les projettent. Dans le cadre de
l'harmonisation fiscale européenne, ce prélèvement a
été abaissé à 19,6%, c'est-à-dire le montant
courant de la TVA, mais reste toutefois supérieur à la TVA
appliquée aux biens culturels (5,5%)
visait pas réellement la protection des mineurs car les
films de ce type ne pouvaient être projetés que dans des salles
spécialisées, dont l'accès était automatiquement
interdit aux moins de 18 ans. Selon ces critères, des films d'horreur
ont pu faire l'objet d'un classement X. A l'époque, des débats
avaient été menés quant au classement de films comme
Massacre à la Tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper,
d'abord totalement interdit puis privé de distribution par le fait qu'il
n'y ait pas de cinémas spécialisés pour projeter ce type
de films. Mais, finalement, ce film n'a pas subi la classification X (depuis,
il a été classé en moins de 16 ans à l'occasion de
son exploitation télévisuelle)1 ; il a tout simplement
été interdit après une semaine d'exploitation ! De la
même manière, Mad Max fut rangé dans cette
catégorie, avant de sortir avec des coupures. Les enjeux de la
classification X, malgré la possibilité d'en estampiller des
films présentant une violence extrême, semblent cependant ne s'y
appliquer que rarement.
3.2.2. ...à la classification
Le décret 90-174 du 23 février 19902
fait évoluer ces critères et dicte le statut, la mission et la
composition de la commission de classification des oeuvres
cinématographiques, rattachée au Centre National de la
Cinématographie3. Son objectif consiste principalement en la
protection des mineurs et l'information du public vis-à-vis du contenu
d'un film, en gardant le principe d'un avis a priori, le seul encore en vigueur
dans les industries culturelles et a fortiori dans tous les secteurs
économiques. Cet avis consultatif peut prendre la forme d'une
autorisation dite tous publics (de catégorie I : TP ou TP+Avertissement)
ou d'une restriction d'accès (catégories II à IV :
interdiction aux moins de 12 ans, aux moins de 16 ans ou aux moins de 18 ans,
assorties ou non d'un avertissement), adossée au visa d'exploitation du
film qui doit être validé ensuite par le Ministère de la
Culture - celui-ci conservant son droit d'aller à l'encontre de cette
proposition. Pour chaque type de restriction, et notamment celle de
catégorie III (interdiction aux moins de 16 ans) et IV (interdiction aux
moins de 18 ans), l'accès des salles aux mineurs en dessous de la limite
établie doit être empêchée, l'exploitant s'exposant
à des sanctions civiles et pénales en cas de non-respect de ces
dispositions. Rappelons avant toute chose que le système français
est souvent jugé comme un des plus laxistes dans les réunions des
commissions de classifications internationales, beaucoup de pays fonctionnant
selon le paradoxe du tas (à partir d'un certain quota de meurtres, de
sang ou d'insultes) et prenant en compte d'autres critères (comme le
1 Voir entretien avec les secrétaires de la
commission de classification, mené le 13 février, annexe
n°8, p.38
2 Annexe n°39, p.115
3 Pour les modalités de prise de
décision et la composition de la commission, voir les rapports annuels
d'activité de la commission, disponibles auprès du CNC ou
brochure en annexe n°34, p. 93
langage ou le montage) pour renforcer le classement des films
et l'élaboration des interdictions. La commission française dont
l'un des avantages est de prendre en compte l'ensemble du propos
déroulé dans le film, est cependant l'objet de nombreuses
critiques, notamment à cause de son système d'interdiction (les
commissions anglo-saxonnes tablent sur l'accompagnement des mineurs, ils n'en
interdisent pas l'accès).
Un dispositif législatif spécifique a en outre
vu le jour par le décret 2001-618 du 12 juillet 2001 qui modifie le
décret de 1990 en y insérant l'article 3-1. Il a
été mis en place à la sortie du film Baise-Moi de
Virginie Despentes, pour lequel des règles renforcées ont
été mises en place. Le problème posé par la
classification de ce film, ne rentrant pas dans les critères classiques
du film pornographique classé X, a notamment motivé le
rétablissement de l'interdiction aux moins de 18 ans, qui avait
été transformée en moins de 16 ans en 1990. A ce jour,
depuis cette modification législative, sept films en ont fait l'objet ;
quatre l'ont été pour « scènes de sexe explicite
»1 et trois pour « violence extrême ». Le
premier à en être frappé fut le troisième volet de
la saga Saw, réalisé par Daren Lynn Bousman. A l
`automne 2007, un autre film de genre est depuis venu s'ajouter à cette
liste : Quand l'embryon part braconner, un film japonais du
réalisateur Kôji Wakamatsu, produit en 1966 que le distributeur
Zootrope a décidé de sortir en salles. La polémique sur
cette fameuse interdiction s'est vue relancée au début de
l'été 2008 à propos de Martyrs de Pascal Laugier
(se voulant être à la fois un film d'horreur et un film d'auteur),
dont le passage en commission en a résulté l'application de la
catégorie IV, provoquant de nombreuses réactions et donnant
même lieu à une manifestation initiée par le Club du
Vendredi 13, association de réalisateurs, producteurs et distributeurs
désireux de soutenir le cinéma de genre
français2. Deux films d'horreur (même si le film de
Wakamatsu peut plus être qualifié de film de genre que d'horreur
au sens strict) figurent donc au nombre de ces longs-métrages uniquement
visibles par des adultes. Ces décisions ont surpris et ému les
professionnels, notamment en raison de la précision des critères
(scènes de sexe non simulées ou d'une très grande
violence), qui se sont inquiétés d'un retour de la censure,
dénoncé par de nombreuses associations professionnelles à
travers des communiqués3. Ces affaires de classification ont
donné l'occasion aux professionnels et aux amateurs de faire entendre
leur opposition et a permis au problème du cinéma de genre
d'émerger dans les médias grand public. La Société
des Réalisateurs Français (SRF) a ainsi exigé des seconds
visionnages, avec
1 Il s'agit de Baise-Moi de Virginie
Despentes, 9 songs de Michael Winterbottom, Ken Park de Larry
Clarck et Polissons et Galipettes de Michel Reilhac.
2 Le 2 juillet 2008, après un second
visionnage, la commission de classification a rectifié son premier avis
en abaissant l'interdiction à moins de 16 ans assortie d'un
avertissement.
3 Communiqué de presse SRF Saw III et
Martyrs, annexes n°44, 44 bis et 44ter, p.135-137
ou sans succès (rectification pour Martyrs
mais pas pour Saw III). En effet, pour des raisons économiques,
une interdiction aux moins de 18 ans, au regard des règles du CNC et du
CSA, restreint l'exploitation en salles et rend quasiment impossible la
diffusion télévisée : « L'interdiction aux moins de
18 ans est une forme de censure qui ne dit pas son nom. Son application
paraît floue et arbitraire1 ». Si les enjeux sont
importants, parler de censure paraît quelque peu exagéré,
aucun film n'ayant été totalement interdit ou censuré au
sens propre (c'est-à-dire coupé) depuis plus de 20 ans.
Malgré les conséquences, les mots de la SRF semblent un peu
déplacés lorsqu'elle parle de « l'irresponsabilité de
la Commission » ou de « mesures arbitraires2 ». A
ceux qui parlent d'un retour de la censure, rappelons les résultats de
la saison cinématographique 1974- 1975 : sur 607 films diffusés
sur les écrans français, 162 se virent attribués une
interdiction aux moins de 18 ans, dont 145 pour scènes de sexe et 17
pour excès de violence.3 D'autant plus « qu'à
cette époque, l'atmosphère malsaine suffisait à voir
tomber l'I-18 ans : des loulous de banlieue qui se bagarrent dans La Rage
au poing, des marginaux qui se droguent dans Fender l'Indien, des
malades mentaux dans Asylum,(...) ».
Martyrs de Pascal Laugier (2007)
3.2.3. Attractivité des classifications
élevées
Cependant les restrictions émises par la commission
peuvent recouvrir un caractère attractif pour les amateurs de ce type de
cinéma. Un film interdit aux moins de 16 ans assure la certitude de la
présence d'un degré minimum de violence, dont se délecte
le public des films d'horreur. Dans le cas de Frontières de
Xavier Gens, l'interdiction aux moins de 16 ans assortie d'un avertissement a
été justifiée par la commission en raison de la
présence de « scènes de boucheries particulièrement
réalistes et éprouvantes ». La
1 « L'appel du 13 juin » par Anthony Bobeau in
Le Film Français, 13 juin 2008, annexe n°14, p.33
2 Communiqués de presse Martyrs,
annexes n°44bis et 44ter, p. 136-137
3 Laurent Jullier, 2008, op. cit, p. 15-16
reproduction de l'avis de la commission de classification en
gros caractères sur l'affiche du film illustre bien ce
phénomène. Celui-ci représente dès lors un gage de
"qualité", notamment dans le cas des films gores, où une
interdiction aux moins de 16 ans, et a fortiori aux moins de 18 ans, laisse
supposer un certain degré de violence, recherché par les amateurs
de films de genre. La classification revêt donc un double rôle :
l'un officiel, celui de protéger le jeune public, l'autre officieux,
celui d'assurer au spectateur une dose de scènes violentes. Claude
Miller, réalisateur français, s'est fait l'écho de ce
caractère incitatif de la restriction à l'occasion de la
conférence des commissions européennes de
classification1 : "L'interdiction aux moins de 16 ans, pour les
jeunes de mon âge, c'était très important, c'était
une sorte de totem [...] Ces films interdits aux moins de 16 ans m'attiraient
évidemment et d'ailleurs faisaient tout ce qu'il fallait pour m'attirer
: l'inscription "interdit au moins de 16 ans" était placardée sur
les affiches en lettres énormes, souvent rouges, parfois plus grosses
que le titre, de façon très ostentatoire donc très
attirantes".
Affiche de Frontières de Xavier Gens (2006)
Alors que certains réalisateurs, défendus par la
Société des Réalisateurs Français, hurlent à
la censure, ils savent en réalité pertinemment que les
interdictions ont une influence sur l'attirance d'un certain public, les films
de genre étant peu fédérateurs le temps d'une sortie
-comme peuvent l'être les comédies romantiques ou dramatiques car
celles-ci, malgré leurs codes propres, peuvent s'adapter à tous
les types de publics. Les membres de la commission de classification le savent
bien, à la suite de Jean-Pierre Quignaux, membre du collège des
experts et chargé de mission Médias et Nouvelles
1 Compte-rendu de la conférence annuelle des
commissions de classifications européennes, Paris, Unesco,
décembre 2004
Technologies à l'UNAF : « La commission (...)
réfléchit à l'influence du cinéma sur les enfants,
pas au devenir économique des films. Tant pis si les interdictions font
de la publicité aux films sur lesquels elles tombent (...)
L'interdiction -18 ans de Saw III a eu pour effet de rendre désirables
ces produits aux yeux des adolescents1. » Aux Etats-Unis, la
CARA (Classification And Ratings Administration, fondée en 1968) estime
que les restrictions trop élevées menacent le marché et la
rentabilité du film ; en ce sens, elle ne délivre que très
peu la catégorie NC-17 -interdit à tout spectateur de moins de 17
ans-, ne croyant pas aux mécanismes de l'attractivité pour sauver
le film dans une exploitation sur d'autres supports que la salle2.
Cette clémence relative révèle cependant la nature du
système de classification américain, autogéré et
dont les membres sont exclusivement des professionnels qui s'arrangent pour ne
pas froisser leur confrères (ou à l'inverse, les pénaliser
lorsqu'une inimitié survient).
3.3. Les enjeux économiques du secteur :
problèmes et solutions
3.3.1. L'autocensure dictée par le financement des
chaînes de télévision
L'arrivée massive des chaînes de
télévision dans le financement du cinéma au milieu des
années 1980 a contribué à dicter des nouveaux
impératifs au 7e art. Par les préachats et les
coproductions, qui s'évaluent aujourd'hui à près de 30% du
budget d'un film français, la télévision dicte sa
volonté. Certains, comme l'économiste du cinéma Claude
Forest, vont même jusqu'à dire que le cinéma
français ne produit aujourd'hui que des téléfilms,
étant tous destinés à une exploitation ultérieure
sur le petit écran. Or l'attribution d'interdictions, qui frappe souvent
le cinéma d'horreur, restreint les potentialités de toucher tous
les publics, comme le souhaite la télévision, engagée dans
une course à l'audience effrénée entre chaînes
privées et publiques. La moindre diffusion représente un manque
à gagner certain et la frilosité semble en général
l'emporter. Cependant le marché porteur que représentent
aujourd'hui les films d'horreur peut attirer les investisseurs, malgré
les problèmes de diffusions suscités par les restrictions
éventuelles. « En France, le film d'horreur est encore
considéré par les producteurs comme quelque chose de non viable
car non diffusé en prime time. Pourtant, étrangement, on n'a eu
aucun problème pour faire le film (...) Les producteurs ont tout de
suite eu envie d'investir dans A l'intérieur, on a eu beaucoup
de chance... Ce n'est pas
1 in Laurent Jullier, op. cit. p.80-81
2 Idem, p. 30
souvent que les boîtes de production prennent de tels
risques »1. Cependant l'autocensure reste une composante
importante de la production des films d'horreur destinés à une
exploitation commerciale de grande envergure. En effet « en France, ces
films ne trouvent pas à se financer. Leur contenu est trop violent pour
que les chaînes hertziennes s'y intéressent »2 .
Utilisée pendant longtemps pour contourner la censure, elle est encore
aujourd'hui toujours pratiquée afin d'atteindre potentiellement une
diffusion plus importante, notamment par le média
télévisuel, qui est très réglementé en
France. En effet le souci de rentabilité, présent dans toute
activité économique et a fortiori dans l'industrie
cinématographique dicte la retenue à des réalisateurs qui
se montreraient enclins à faire jaillir trop de sang sur les
écrans. Ils redoutent les foudres de la classification et les
réticences de certains producteurs -et aussi des chaînes de
télévision- à financer des films pouvant comporter des
scènes de violence explicite. Philippe Ross rappelle l'existence de ce
phénomène dans les années 1970 : "Les grandes compagnies
préfèrent censurer elles-mêmes leurs films plutôt que
de risquer l'X fatal qui les reléguerait dans le ghetto infamant des
salles pornos, tandis que les petites producteurs indépendants sortent
leurs produits sans passer par la sacro-sainte commission de contrôle, en
courant le risque d'une distribution commerciale aléatoire3".
Ces deux attitudes, bien que représentatives d'une époque
où la censure était encore prégnante, ont encore cours
aujourd'hui, alors que la classification des films est réputée
destinée à informer et protéger les mineurs des images
violentes. Pierre Chaintreuil et Hervé Le Coupannec, secrétaires
de la commission de classification auprès du CNC attestent de ce
comportement chez certains réalisateurs, qui les appellent pour leur
demander si telle ou telle scène ne serait pas susceptible de leur
valoir un avertissement ou une interdiction aux moins de 12 ans.
Pour contourner à cette barrière
constituée par une classification élevée, certains,
à la suite du Club du Vendredi 13 mené par la Fabrique de Films,
voudraient en modifier le barème : « Une solution pourrait
être de nous référer au système actuellement
appliqué en Espagne, qui grâce à la mise en place d'un
avertissement ciblé, responsabilise le spectateur face au film qu'il va
voir et permet d'éviter les problèmes de contrôles
d'identité. Adoucir la censure en salles permettrait également de
lutter contre la piraterie qui fait des ravages "économiques" dans le
film de genre, notamment chez les 12-16 ans »4. Il semble que
cette idée ne fasse que déplacer le problème en occultant
le
1 Interview J. Maury et A. Bustillo, op. cit.
2 Article Emergence de l'horreur à la
française, par Isabelle Régnier et Jean-François
Rauger, Le Monde, 13.06.2007, annexe n°8, p.24
3 Philippe Ross, op. cit. p. 116
4 Voir le site
www.leclubduvendredi13.com/propositions
principal, c'est-à-dire en minimisant la
nécessité de la classification pour les jeunes spectateurs. Or il
en va de la responsabilité et de la crédibilité de ce
genre de cinéma ; comment le défendre si les acteurs de ce milieu
-des adultes responsables- ne tiennent pas compte des normes en vigueur pour la
protection du jeune public ? Voudraient-ils que des films gores soient visibles
par leurs enfants simplement parce que le cinéma de genre
français a besoin d'un coup de pouce ?1 Toute modification du
système de classification ne changerait rien au contenu ; un moins de 18
ans reclassé en moins de 16 ans aurait la même charge
émotionnelle dans une classification tronquée. Peut-être
faudrait-il que les interdictions ne soient pas édictées au
moment du visa mais juste avant la sortie du film en salles. Cela permettrait
de court-circuiter les réticences potentielles en cassant la
subordination des préachats à l'obtention d'un visa acceptable.
D'autres voyaient dans le financement des chaînes hertziennes
généralistes un enjeu de taille pour sauver ce cinéma,
mais celles-ci ne semblent pas prêtes à franchir le pas,
même pour des diffusions en deuxième partie de
soirée2.
3.3.2. L'accès aux aides publiques
En théorie, il n'y a pas de discrimination a priori au
moment du financement des films. Les critères de soutien sont
indépendants du scénario mais les commissions attribuant ces
aides statuent sur lecture du scénario, du devis et du plan de
financement. Les éventuelles interdictions, l'absence de consensualisme,
les exigences des investisseurs -et en premier lieu celles des chaînes de
télévision- ne peuvent que porter préjudice au financement
de ce genre de films. Jean-François Rauger s'en fait l'écho :
« il [le contenu des films] les disqualifie aussi, le plus souvent,
auprès des guichets institutionnels, telles l'avance sur recettes ou les
aides régionales »3. Les films d'horreur semblent donc
en quelque sorte échapper au circuit économique
généré par les différentes aides financières
publiques. Qu'en est-il au niveau des chiffres ? En regardant les rapports du
CNC sur la production cinématographique depuis 5 ans, on se rend compte
que les films fantastique/horreur bénéficient en effet peu des
aides4. Sur les treize films identifiés dans cette
catégorie ayant obtenu l'agrément du CNC depuis 2003, seulement
trois ont bénéficié du soutien des SOFICA (alors que sur
la même période, plus de 360 films en ont obtenu le soutien de ce
type de fonds bancaires) alors qu'ils
1 D'autre part, le fort accent porté sur la
rentabilité en fait frémir plus d'un, le manque à gagner
prenant souvent le pas sur l'engagement artistique dans ce type de discours.
2 d'autant plus que la réforme de l'audiovisuel
public -censée les dégager de la servitude des résultats
d'audience liés à la publicité- n'ira sans doute pas dans
le sens d'une plus grande représentativité de l'horreur sur les
chaînes publiques.
3 Article Emergence de l'horreur à la
française, op. cit., annexe n°8, p.24
4 Voir liste des films en annexe n°41, p.126
présentent des budgets plutôt moyens1.
Cela est remarquable dans le sens où les SOFICA se positionnent
essentiellement sur des films à budget élevé, le retour
sur investissement étant primordial dans ce genre de fonds. En ce qui
concerne les aides publiques, le crédit d'impôt2 est
l'aide la plus dispensée pour ce genre de films : quatre films sur
treize en ont bénéficié depuis 2003. Cette mesure,
récompensant la localisation des dépenses en France, est
destinée à soutenir la filière cinématographique
française et à favoriser les retombées économiques
territoriales3. En revanche, un seul film a pu obtenir des aides
régionales ; qui sont en très nette augmentation depuis le
début de la décentralisation. En revanche, il est à noter
qu'aucune aide sélective n'a été sollicitée ni
attribuée, celles-ci subissant pourtant une hausse colossale depuis 20
ans.4 En effet, rappelons que ce type d'aides est accordé sur
lecture du scénario, et que, malgré les affirmations du CNC sur
l'objectivité supposée des membres des différentes
commissions d'attribution, des critères (comme l'apport du film pour
l'histoire du cinéma par exemple) peuvent être
considérés de façon aléatoire en fonction de la
vision de chacun. Des aides comme l'aide à l'écriture ou au
développement sont dispensées au cas par cas ; il n'y a pas de
conditions spécifiques à remplir au préalable, hormis les
conditions de nationalité.
Ils de Xavier Palud et David Moreau (2005)
1 Compris entre 2,42 millions d'euros pour A
l'Intérieur et 6,82 millions d'euros pour Dante 01
2 Pouvant être sollicité par le
producteur sur 20% des dépenses éligibles réalisées
en France
3 D'autre part la création d'un crédit
d'impôt international récemment évoquée et depuis
longtemps demandée par les professionnels permettrait d'attirer sur le
territoire français un nombre plus important de productions et
coproductions internationales. Si ces deux logiques peuvent paraître
paradoxales (favoriser l'enracinement français et attirer les
investissements), il semble que ce soit la clé d'une certaine
vitalité.
4 Evolution financière des soutiens à la
production cinématographique, CNC, décembre 2007
Il semble donc que les films d'horreur se prêtent peu
aux aides publiques, compte- tenu de la mise en place de dispositifs
différenciés d'interdictions aux mineurs pour ce genre de
cinéma. D'autre part, si nous avons exposé les différences
entre les catégories de classification et le classement X, la politique
fiscale afférant aux spectacles vivants interdits aux moins de 16 ans ou
aux films classés X révèle une volonté ouverte de
ne pas soutenir les oeuvres pouvant porter atteinte à la
sensibilité des mineurs. Les apports personnels du ou des producteur(s)
s'avèrent dès lors essentiels dans ce genre de productions, ainsi
que les préachats des chaînes de télévision,
quasiment monopolisés par Canal + et Ciné Cinéma. Depuis
sa création, Canal+ a toujours soutenu le cinéma français,
en préachetant ou en coproduisant de très nombreux films
français. Même si elle est par ailleurs soumise à des
obligations de production1, rien ne force le groupe à
investir dans ce type de cinéma. Il semble que ce soit la volonté
de proposer une offre diversifiées qui dicte cette pratique. Si cette
politique d'investissements élevée a toujours cours aujourd'hui,
on remarque cependant un léger changement à partir des
années 2000 ; en effet Canal+ investit plus d'argent mais sur moins
d'oeuvres2. Une volonté particulière de promouvoir les
films d'horreur en leur donnant une visibilité supplémentaire fut
toutefois amorcée par Manuel Alduy, directeur des achats chez Canal+,
qui misa dans un créneau intitulé « French Frayeur »,
visant à dégager une case d'achats spéciale pour ce
genreci3. Il y a donc des professionnels qui se mobilisent pour
faire émerger un type de cinéma qui a du mal à se faire sa
place en France.
Malgré de nombreuses propositions, la solution
miracle pour favoriser l'émergence d'un marché typiquement
français de l'horreur n'est pas encore trouvée. L'enracinement de
ce genre de films dans la production cinématographique est encore
très récent. Après des dizaines d'années de
silence, le cinéma de genre renaît bruyamment, confronté
à des classifications élevées qui sèment
d'embûches son parcours économique. Mais le débat ne fait
que commencer, son apparition au grand jour lui ayant donné l'occasion
de se faire entendre au-delà des cercles d'initiés pour qui le
problème était déjà connu et dont la défense
était assurée au-delà des critères
esthétiques.
1 Fixées en 2001 (modifiées en 2004)
elles s'évaluent à 12% des ressources annuelles de l'exercice en
cours dans des films européens et 9% dans des oeuvres françaises,
avec une part réservée aux films dont le budget est
inférieur à 4 millions d'euros. Cela peut sembler beaucoup au
regard des 3,2% et 2,5% d'investissement des chaînes en clair (qui
diffusent plus de 52 longs-métrages par an ou plus de 104 diffusions et
rediffusions de celles-ci), mais ces règles entérinent plus une
pratique existante qu'elles n'expriment une contrainte.
2 Source CNC
3 Article Emergence de l'horreur à la
française, par Jean-François Rauger et Isabelle Regnier, Le
Monde du 13/06/07, annexe n°8, p.24
4. EN CHAIR ET EN OS : LES FILMS D'HORREUR ET LEUR
PUBLIC
La volonté de se faire peur est souvent incomprise
; comment supporter un déluge de violence et y consentir, même
avec une dénonciation ou une morale en filigrane ? Mais le nombre
important de films disponibles et la variété du genre montre bien
la tentation qu'il représente, malgré les contraintes
liées à la classification. Dès lors à qui se
destinent ces films ? S'il semble qu'ils font appel à un certain nombre
de codes, il faut tenter de cerner quels sont les individus susceptibles de les
comprendre et de les apprécier. De quelle façon les
consomment-ils ? Que traduisent ces comportements, sociaux et psychologiques
liés au visionnage de ces films, qui semblent réveiller les
instincts les plus profonds ?
4.1. Le plaisir de regarder : données
psychologiques
4.1.1. L'influence des images violentes
Les débats concernant l'influence des images ont
été particulièrement animés depuis une dizaine
d'années, notamment à cause de divers incidents étant
survenus (meurtres et agressions), qui ont été reliés au
visionnage de films contenant des scènes violentes (et également
à l'écoute de musiques contenant des paroles jugées
d'incitation à la violence). L'impact de la violence est souvent
invoqué dans ce genre de cas, mais jamais attesté de façon
formelle. Les courants d'inspiration conséquentialiste1
établissent une corrélation plus que certaine entre le visionnage
d'images violentes et pornographiques et un comportement violent.
Décrivant une accoutumance, assimilée à la drogue ou au
tabac2, avec un radicalisme qui peut surprendre, ce type
d'interprétation dicte souvent des comportements alarmistes, prompts
à pointer du doigt et à décharger le spectateur d'une
partie sa responsabilité. Or si le pouvoir des images n'est en aucun cas
contesté et contestable, il est tempéré par l'implication
personnelle du regard et son environnement intellectuel et social. L'influence
des expériences passées et à venir, dans
1 Définis par Noël Caroll in A
philosophy of mass art, Cambridge, Clarendon Press, 1998. Le rapport remis
par Blandine Kriegel en 2002 sur les jeunes et la télévision,
s'inscrivait dans cette obédience. Il a notamment exigé un
renforcement de la présence de pédopsychiatres au sein de la
commission de classification.
Voir Laurent Jullier,, op. cit., p. 51 à 59
2 Brad J. Bushman & Craig A. Anderson, Media
violence and the American public : Scientific facts vs Media
misinformation, in American Psychologist, vol. 56, 2001, p. 477 à
489
une logique de déterminisme social et psychologique,
est également à prendre en compte, notamment en utilisant
l'analyse multivariée (mise en oeuvre pour la première fois dans
les études de Durkheim sur le suicide). C'est sous couvert de cette
vision, qui laisse une grande part d'interprétation au spectateur, vu
non comme un individu passif et subissant son environnement mais comme un sujet
capable d'appréciation et de relativisation, que les courants
d'inspiration libérale tendent à diminuer l'influence d'images
violentes, génératrice de comportements déviants. Au titre
de son pouvoir de représentation, le cinéma est incriminé.
Cependant, si les images violentes sont l'objet d'attaques fréquentes de
la part des institutions publiques, principalement aux Etats-Unis, il semble
que ces dernières se focalisent davantage (et le nombre d'études
le prouvent), sur la pornographie. Cette confusion est
révélatrice de l'obsession des pouvoirs publics pour les images
mettant en oeuvre des « scènes de sexe explicite ». Or il
apparaît que le sexe est un élément qui peut être
éprouvé dans la vie quotidienne en toute
légalité1 alors que les actes de violence, et, a
fortiori les crimes, sont illégaux et fortement
répréhensibles par la loi (tant au civil qu'au pénal). Les
mises en garde, les implications économiques de la classification X et
le jugement fortement négatif associés au cinéma
pornographique semblent plus importantes cependant que celles du cinéma
mettant en scène la violence et particulièrement les films
d'horreur. Dans le premier cas, la dimension cathartique n'est presque jamais
invoquée alors que dans le second elle légitime souvent son
appréciation.
4.1.2. A la recherche de la peur : la catharsis par la
terreur
La peur est un mécanisme physique et physiologique qui
provoque des réactions internes et externes, suivant une augmentation
subite de la dose d'adrénaline contenue dans le corps humain. Sans
rentrer dans les détails anatomiques des mécanismes de ses
mécanismes, il semble que ce soit un état inconfortable, qui
n'est guère à envier ou même à rechercher. Or
à la façon des individus appréciant manèges et
autres grand-huit dans les fêtes foraines, les spectateurs des films
d'horreur savent à quoi s'attendre et tendent à vouloir
renouveler l'expérience dès que l'occasion se présente.
Ces films suscitent une réaction instinctive, perçue comme
primitive et associée aux résurgences animales chez l'homme. Si
elle est intellectuellement dévalorisée -car elle place l'homme
en situation de subordination à ses émotions- elle est au
contraire recherchée par les aficionados du genre. Là encore,
deux degrés d'interprétation sont possibles ; l'une relevant
simplement du divertissement pur, comme peuvent l'être les
manèges, l'autre
1 Les rapports charnels, même déviants,
ne peuvent être réprimandés par aucune loi car relevant de
la vie intime, hormis l'exhibitionnisme et la pédophilie
essayant de comprendre les raisons de cet engouement. La
dimension cathartique est souvent évoquée lorsque l'on parle de
cinéma horrifique. La nécessité d'avoir peur nous rendrait
« plus vivant », nous permettrait de nous défouler et de nous
décharger de toutes les mauvaises humeurs (prises au sens physique
depuis l'Antiquité1) accumulées dans la vie
quotidienne. Cette métaphore hydraulique, synonyme des saignées
pratiquées justement pour évacuer ces humeurs
indésirables, s'incarnerait dans les films d'horreur à travers
les flots de sang qui y sont déversés (et ses différentes
textures). D'autre part, l'autodérision et la relativisation de la mort
à travers des scènes gores entrent à ce titre dans une
logique de trivialisation de la mort, rejetant cette angoisse existentielle
dans le domaine du ridicule et de l'improbabilité. La démarche de
catharsis est alors patente, soit de façon grotesque, soit de
façon plus subtile, de manière à faire
réfléchir le spectateur sur l'existence et sa fin propre.
L'Homme, en tant que seul être doté de la conscience de sa mort,
recherche sans cesse les moyens de l'affronter, de tenter de l'éprouver
ou au contraire de la nier, ces trois aspects pouvant relever de la catharsis
(beaucoup de fans du genre déclarent ne pas pouvoir supporter la vue du
vrai sang alors qu'ils adorent les films gores).
Les jeux du cirque, les combats de gladiateurs et les
tragédies étaient en effet censées faire éprouver
à l'homme des situations et des drames, joués par d'autres, qu'il
ne pourrait pas éprouver lui-même, afin de réduire ses
pulsions animales en lui permettent de les extérioriser (les
applaudissements et hurlements des spectateurs à chaque scène
gore lors des projections, notamment dans les festivals témoigne de la
même logique)2. Les propos de Jean Chapelain à ce sujet
au début du XVIIe siècle paraissent être écrits pour
le cinéma, dont le but serait de « proposer à l'esprit, pour
le purger de ses passions déréglées, les objets comme
vrais et présents. Celui qui regarde [la scène] ne la doit point
regarder comme une chose feinte mais véritable3. » Cette
vision mêle paradoxalement conséquentialisme et
libéralisme, en reconnaissant une influence forte, perçue comme
négative dans le fond, mais positive dans sa forme d'expression et ses
répercussions. Dès lors les spectateurs de films d'horreur
aimeraient jouer à se faire peur afin d'éprouver ce qu'ils
craignent réellement, dans une logique téméraire
d'affrontement de leurs phobies ? Cette explication peut valoir pour certains,
notamment ceux ne s'attachant qu'à la forme de l'horreur -les
passionnés accordant en outre une plus
1 Les différentes humeurs étaient en
effet associées à des glandes présentes dans le corps
(ainsi la mélancolie émanait de l'atrabile), en plus ou moins
grande quantité, définissant un équilibre, qui pouvait
être perturbé par des facteurs internes ou externes, et que l'on
devait donc rétablit par divers remèdes.
2 Par ce biais les hommes politiques
fortunés de l'Antiquité contribuaient à la satisfaction du
peuple en limitant les potentialités de troubles à l'ordre
public. Sur ce point, voir Paul Veyne, Le Pain et le cirque, Sociologie
historique d'un pluralisme politique, Paris, Seuil, coll. Points Histoire,
1976
3 In Laurent Jullier, op. cit., p. 68
grande importance au fond. D'ailleurs ces derniers
dénoncent souvent les mécanismes de l'horreur facilement
provoquée, comme les chocs brusques et autres apparitions subites. Ils y
sont même habitués et n'y trouvent plus d'intérêt
à moins qu'ils ne soient finement exécutés, de
façon à ce que l'on ne puisse pas s'y attendre. Malgré
cette idée, il semble que l'horreur ait tout de même quelque chose
à voir avec la psychologie collective et celle de chaque individu. Si
certains films exploitent des peurs subjectives (comme l'arachnophobie, la
claustrophobie), la majorité se concentre sur des peurs hantant
l'imaginaire collectif, des tueurs en série aux fantômes.
Cependant, il n'y a pas que des spectateurs qui éprouvent peur et
dégoût, et cela se ressent lorsque l'on côtoie les fans du
genre, qui n'en font pas consommation dans ce but mais dans un but
esthétique, en dépassant le côté physique de
l'image. Cette démarche de négation des effets médiatiques
et de leur dimension cathartique, peut s'interpréter de deux
manières : comme de la mauvaise-foi (au sens sartrien, de ne pas
l'admettre, avec lâcheté) ou comme une sorte d'intellectualisation
du genre, permettant de le légitimer au-delà des critiques qu'il
subit pour cette trivialité affichée (et parfois
revendiquée, comme dans les films bis). Il semble néanmoins
qu'une autre logique soit également à l'oeuvre dans les films
d'horreur, et plus particulièrement ceux mettant en scène une
grande violence, qu'elle soit de type gore ou psychologique, notamment au
regard de leur succès et de leur type d'audience.
4.1.3. Le voyeurisme
Si l'expérience cathartique peut être
perçue comme positive, voire recommandée, elle conserve toutefois
une dimension inquiétante, notamment au sein du monde scientifique
où elle n'a trouvé que peu de défenseurs. En effet, les
principaux avocats de cette valorisation sont les artistes et les
psychanalystes, car celle-ci permet de laisser libre cours à la
création, même la plus sordide. Comme Janus, l'horreur a deux
visages ; d'un côté bon lare, de l'autre mauvais en créant
une attirance pour une violence virtuelle. Pour de nombreux sociologues, cette
attirance émane d'une certaine perversité1, qui va
être assouvie dans le visionnage d'un film d'horreur, ou ne le sera pas
et sera alors le reflet d'un trouble plus important, qui peut aller jusqu'aux
instincts criminels. Ceux qui assistent à une scène d'accident ou
à une agression peuvent également développer ce type
d'attitude participative, qui est autant à l'oeuvre dans la
société que dans les médias. Selon Luc Boltanski, le
voyeurisme est une attitude de survie. En ce sens, le film d'horreur
1 Laurent Jullier, op. cit., p. 69 : « le
spectateur se mettra à prendre du plaisir à sa propre corruption
morale en jouissant de l'obligation qu'il y a à éprouver
certaines émotions pour comprendre l'histoire racontée à
l'écran, quand bien même et surtout si ces émotions
supposent une certaine perversité »
présentant des morts violentes ou des tortures
insoutenables fonctionnerait de telle manière que ses spectateurs s'en
trouveraient rassurés quant à leur propre vie. « Cela arrive
aux autres mais pas à moi » se diraient-il. A ce titre Boltanski
affirme qu'« avoir sous les yeux la triste preuve de l'extrême
fragilité de l'existence rend soudain exaltant le sentiment d'être
(encore) en vie »1. L'identification à l'autre, celui
qui souffre, si elle est a priori difficile à supporter,
revêtirait alors une fonction sociale. Cependant la démarche
devient perverse lorsque l' « amateur de souffrances » n'entre plus
dans cette démarche et apprécie la torture pour ce qu'elle est,
non plus avec ce second degré qui sépare le spectateur de ce
qu'il regarde (car le voyeur ne s'approche jamais trop de la scène qu'il
observe). Aussi une certaine distanciation doit avoir lieu pour que le
voyeurisme attentiste et inoffensif ne se transforme pas en action visant
à provoquer un acte similaire, dans l'optique conséquentialiste.
Or si pour Jean-Marc Leveratto « la représentation [de
scènes gores] cherche à stimuler notre sens de la justice
plutôt que de satisfaire notre agressivité »2, il
s'avère que la pitié ou la compassion ne fait guère partie
du registre émotif de l'aficionado de cinéma horrifique (alors
que pour le spectateur novice il peut l'être). C'est que ceux-ci font
très bien la différence entre la représentation
cinématographique et la réalité, et c'est à ce
titre qu'ils s'autorisent ce plaisir. Les individus souffrant de
perversité maladive ne se porteront pas vers des films d'horreur car ils
sont conscients que ceux-ci ne représentent pas la
réalité, encore plus s'ils évoluent dans le registre
fantastique. Ils iront plus volontiers vers des films amateurs, jouant avec la
confusion entre réel et cinéma, dans le registre du snuff movie
ou du fétichisme, qui ne doivent en aucun cas être confondus avec
les films d'horreur malgré la prégnance de la torture dans les
nouveaux films d'horreur - que beaucoup n'incluent pas dans le genre
horrifique.
Après toutes ces explications, nous pouvons en dernier
lieu nous demander s'il est légitime de parler de voyeurisme alors que
les personnages mis en scène dans les films sont des acteurs, qui
n'éprouvent pas réellement la souffrance qu'ils sont
censés endurer d'après un scénario établi à
l'avance. Si les films faisant apparaître la violence de façon
réaliste sont ceux qui posent le plus de problèmes à la
morale de la réception, le simple fait qu'ils appartiennent au registre
cinématographique (relevant de la création de l'esprit,
même s'ils peuvent être inspirés de faits réels)
devrait expliciter leur nature et ne pas créer la confusion. Mais la
subjectivité du regard et le manque de maturité face à
certaines images violentes, notamment auprès du jeune public,
nécessitent l'intervention
1 Luc Boltanski, La Souffrance à
distance, Paris, Métailié, 1993
2 Jean-Marc Leveratto, Introduction à
l'anthropologie du spectacle, Paris, La Dispute, 2006 p. 95
d'une éducation à l'image1 et
l'établissement de règles précédant au visionnage
de celles- ci. Il ne faut pas confondre cinéma et réalité,
même si celui-ci doit être au plus près des spectateurs pour
les toucher. C'est justement pour cette raison que le cinéma est un lieu
magique, d'expérience de ce que la réalité ne peut nous
offrir, que ce soit le meilleur ou le pire.
The Shining de Stanley Kubrick (1980)
Certes par leur puissance évocatrice, les films
d'horreur peuvent être incriminés comme symboles d'une
société perverse et voyeuriste, où depuis la fin de la
censure cinématographique la violence s'étale librement sur tous
les écrans. Mais ils peuvent aussi être le lieu d'une
réflexion sur soi, sur la vie et la mort, sur la souffrance,
au-delà des émotions fortes qu'il tend à susciter, qui
elles aussi peuvent être positives.
4.2. Quelle culture pour les films d'horreur ?
Si la psychologie des spectateurs est délicate à
manipuler pour caractériser le public des films d'horreur, la sociologie
peut y contribuer davantage. En effet, la subversion représentée
par les films d'horreur au sein de sociétés qui prohibent la
violence est souvent désignée comme la raison principale de
l'intérêt pour ce type de cinéma. Cependant, il y a lieu de
s'interroger : Cette dimension fait-elle réellement partie d'une
subculture, à la manière des tribus musicales, entraînant
un style de vie particulier, propre au groupe, pour qui la dimension de partage
est essentielle ?
1 C'est ce que demande le Comité
Interassociatif Enfance et Médias (CIEM)
4.2.1. La subversion
La dimension subversive est la plus invoquée lorsqu'il
s'agit d'expliquer l'attirance des spectateurs pour des films présentant
des éléments marginaux voire interdits dans la vie réelle.
Cette volonté de transgression, d'aller à l'encontre des codes
établis, peut contribuer à expliquer la démarche de
visionnage1. C'est ce mouvement de provocation qui a vu naître
plusieurs types de cinéma d'horreur dans les années qui ont suivi
l'aprèsguerre. Les jeunes réalisateurs de l'époque,
faisant face à une société pudibonde et moralisatrice, ont
voulu, comme à leur manière les chanteurs de rock ou les
militants politiques, bouleverser les dogmes qui avaient cours jusqu'alors dans
le milieu cinématographique. C'est pourquoi les aficionados de
cinéma horrifique étaient, dans les années 1970-80,
souvent associés à d'autres mouvements transgressifs, qu'ils
soient musicaux (rock, punk, new-wave)2 ou politiques (communistes,
féministes). Cette subversion est considérée comme
l'apanage des jeunes générations, qui tendent à se
rebeller contre l'ordre établi. Cette dimension est assimilée
à la jeunesse car celle-ci comporte de fortes velléités de
rupture, l'adolescent et le jeune adulte ayant besoin de cadres
réglementaires à enfreindre pour se construire.
L'émancipation de l'autorité parentale et des impératifs
sociétaux est une nécessité pour certains, une entrave
pour d'autres. Le philosophe Fabrice Midal3 expose sa conviction
selon laquelle il doit exister des figures référentielles
permettant à un artiste -et a fortiori à tout être humain-
de se construire, que ce soit contre elles ou en les acceptant, à la
manière de l'adolescent qui a besoin d'une figure représentant
l'autorité à laquelle il doit se heurter pour grandir et
évoluer ensuite au sein d'une société dont il aura compris
les enjeux. On peut se demander, sans pour autant se faire les chantres d'une
pensée réactionnaire, si ce n'est pas le manque de
potentialités de rébellion, au sein d'une société
libertaire et permissive, qui tend à expliquer les dérives de
certains films mettant en scène une grande violence. Désormais,
il semble que la provocation d'un choc de nature à relancer, à
chaque sortie de films d'horreur au cinéma, un débat
récurrent sur les images violentes, passe par la surenchère. La
volonté de transgression contenue dans les réalisations
horrifiques contemporaines ne tiendrait-elle plus qu'à cela, attirant
par-là un autre public que les habitués du genre, plus
fidèles à la dimension fantastique ? Cela ne semble pas aussi
évident à démêler qu'il n'y paraît. Les
ambitions des réalisateurs de ce genre semblent
1 Elle est patente également dans les scenarii
des films d'horreur, représentée par l'élément
perturbateur au sein du schéma narratif
2 Et de nombreuses personnalités de ces
mouvements feront des apparitions dans des films comme Lemmy Kilmister de
Motorhead dans Tromeo & Juliet de Lloyd Kaufmann. D'autres
figureront au générique sur la bande son comme Alice Cooper pour
un volet de la saga Vendredi 13 ou Dimmu Borgir pour
Hellboy.
3 Fabrice Midal, Petit traité de la
postmodernité en art, 2007, Pocket, coll. Agora
refléter
l'hétérogénéité des motivations des
différents publics des films d'horreur ; Si Stuart Gordon admet
volontiers qu'il est quelqu'un de très peureux et que ses films l'aident
à se distancier de l'idée de la mort1, d'autres comme
Uwe Boll ou Andreas Schnass affichent clairement leur volonté de
provocation, tant à travers leurs films que leur attitude. Si le public
occasionnel, comme nous l'avons vu, recherche plutôt les vertus dites
basiques de ces films et le public régulier plutôt
l'esthétique qui y est à l'oeuvre, il semble que la
démarche des deux peut cependant se situer dans la transgression, l'un
ne s'y immergeant que de temps en temps, l'autre en faisant un credo. Si cette
attitude peut changer de forme et de public, il semble qu'elle fasse partie
d'un mouvement qui comporte une forte dimension culturelle, et a fortiori
subculturelle.
4.2.2. Les avatars subculturels de la communauté
Avec les différents courants à l'oeuvre dans le
cinéma d'horreur, ses acteurs, réalisateurs et producteurs
fétiches, ses genres et sous-genres en constante évolution, ses
implications économiques et sociales et ses cercles initiatiques, on
peut tendre à voir dans la pratique de ces fans une forte dimension
culturelle, au sens anthropologique, en tant qu'ensemble de connaissances et
modèles de comportement propres à définir une
identité commune propre à un groupe particulier. Les films de
genre, comme les films d'horreur, sont des sortes de fétiches qui
supposent l'existence d'une tribu qui leur est attachée : « Le
fétiche rend prévisible la conduite des personnes qu'il fascine,
et ce mécanisme effraye ceux qu'il n'affecte pas. »2 .
Par sa dimension rebelle vis-à-vis de la culture légitime, les
films d'horreur comportent en eux-mêmes un caractère subculturel
important, notamment à travers la subversion que représente
l'identification puis le rejet de la culture parentale. Cette
caractéristique essentielle est le centre de tout mouvement de ce type
pour Phil Cohen3. En ce sens, le cinéma d'horreur est
représentatif des subcultures spectaculaires, qui, selon
Lévi-Strauss, « expriment des contenus interdits (la conscience de
classe, de la différence) à travers des formes interdites
(transgressions des codes de comportements, de la loi) »4.
D'autre part, la différenciation exprimée dans les mouvements
subculturels, passe souvent par la stigmatisation de la censure et une attitude
de victimisation. Ainsi, au cinéma, chaque polémique autour d'une
sortie d'un film ayant récolté une interdiction
élevée, et a fortiori au moins de 18 ans, comme a failli
l'être
1 Il réaffirmait sa confession aux
organisateurs du 1 5e festival du film fantastique de
Gérardmer, vidéo disponible sur le site
www.gerardmer-fantasticart.com
2 Laurent Jullier,op. cit., p. 154
3 «the `latent function' of subculture was (...)
to express and resolve, albeit magically, the contradictions which remain
hidden or unresolved in the parent culture» in Phil Cohen, Subcultural
conflict and working class community 1972 University of Birmingham
4 The elementary structures of kinship,
London, Eyre&Spottiswood, 1969,cité par Dick Hebdige op. cit.
p.91.
Martyrs en juin 2008, provoque une levée de
boucliers de la part des défenseurs du genre incriminé. Cette
attitude est décrite par Dick Hebdige comme une manifestation
caractéristique : «As a symbolic violation of the social order,
such movements will continue to attract attention, to provoke censure
1».
Une forte dimension de partage, de soutien et d'entraide est
à l'oeuvre dans la communauté des fans du genre, qui se
caractérise par des pratiques amateurs (le nombre insensé de
courts-métrages réalisés en catimini l'atteste), qui
seront étudiées plus loin. Le visionnage de films en groupes plus
ou moins grands (petits comités domestiques ou grands festivals) est
essentiel. Cette habitude induit la constitution de communautés
d'interprétation2, qui peuvent s'affronter ou se rassembler,
mais dialoguent les unes avec ou contre les autres. Une autre
caractéristique du mouvement subculturel est l'intégration
(« the commodity form of the incorporation »3)
décrite par Hebdige comme la récupération des avatars de
la subculture par la production de masse afin de les transformer en bien
d'usage (il fait ici référence à la mode punk
récupérée par Vivienne Westwood et la consommation qu'en
font les femmes fortunées, dans l'optique « shock is chic »).
Or à partir du moment où cette intégration s'effectue, de
subculture il n'y a plus puisqu'elle se trouve diluée dans la culture de
masse. Cette récupération permet en outre de distinguer une
contre-culture d'une subculture, comme le souligne Anna Camaiti : « unlike
countercultures, they can avoid being comprehended and mastered by the dominant
culture4 ». Car l'essentiel dans les mouvements subculturels
est, non de s'édifier en modèle contre la culture légitime
mais de s'affirmer en parallèle, comme une alternative, l'un pouvant
profiter de l'autre. Cependant, malgré toutes ces implications
subculturelles exprimées tant au sein des films eux-mêmes que
parmi l'attitude des spectateurs, on remarque l'absence de style vestimentaire
cohérent permettant de bien identifier ses aficionados. Or l'importance
centrale accordée au style vestimentaire (« the meaning of style
»), qui n'est guère patente dans ce mouvement cinéphile, ne
pourrait permettre de qualifier celui-ci de subculture, au sens où le
sociologue anglais l'entend. En effet, à la différence des tribus
musicales, il semble que l'impossibilité de vivre sa passion à
travers tous les aspects de la vie sociale (à la différence des
professionnels du milieu, des journalistes aux réalisateurs) soit un
élément qui tend à éloigner la communauté
des
1 Dick Hebdige, Subculture, The meaning of
style, Routledge, 1979 p.19
2 Laurent Jullier, op. cit. p. 165
3 Dick Hebdige, op. cit. Chapitre 4 : The two forms of
incorporation
4 Anna Camaiti, Passing, a strategy to
dissolve identities and remap differences, Fairleigh, Dickinson University
Press 2007 p.33
fans du genre de tout mouvement subculturel1. En
minimisant cette importance, la communauté des fans de films d'horreur
peut dès lors s'assimiler, sans s'y identifier totalement, à un
mouvement subculturel, en distinguant en son sein les « followers »
des « true », les uns ne venant à la subculture
qu'occasionnellement, afin de sortir de la culture légitime, les autres
y passant la plupart de leur temps.
4.2.3. Une cible marketing ?
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les
subcultures sont des communautés très organisées et bien
spécifiques. Cependant, l'erreur est de croire que toute
communauté est homogène. Les distinctions apportées
à l'intérieur d'un groupe, entre les pionniers et les suiveurs,
tendent à réduire l'homogénéité de la
communauté en question. Dès lors, comment appréhender ces
interlocuteurs, pour les vendeurs des produits qui sont consommés par
les premiers ? Les différences de motivations des spectateurs obligent
les entreprises de la filière cinématographique à
différencier leurs produits en fonction des publics à atteindre.
La nature du marketing à mettre en oeuvre dépend de la cible
à toucher aussi bien que de l'émetteur de l'offre commerciale.
Cependant, malgré cette
hétérogénéité, il semble que la plupart des
entreprises s'adressent à un public jeune (emploi de l'impératif,
d'un langage familier et de la deuxième personne du singulier dans les
slogans publicitaires). En effet, pour des raisons sociologiques
évoquées, le cinéma d'horreur est supposé
s'adresser aux adolescents, du moins à un public de jeunes adultes. Il
en est de même pour le présupposé masculin, souvent mis en
oeuvre dans les milieux marketing et journalistique. Or de l'avis de tous les
professionnels et observateurs amateurs, les femmes sont de plus en plus
nombreuses à rechercher le spectacle horrifique. En prenant appui sur le
coeur de cible supposé, les entreprises développent le plus
souvent un marketing simple et efficace, révélant la
présence des éléments indispensables aux films d'horreur
sur les affiches, dans les bandes-annonces ou sur les boîtiers des DVD.
Considéré comme un cinéma d'exploitation dans la plupart
de ses réalisations, le marketing tend également à
l'être : « Le visuel prévaut, les séquences se
suffisant à elles-mêmes et se répétant
jusqu'à la fin dans un dénouement inattendu (...). C'est le mal
de la société de consommation du nouveau millénaire : on
veut de l'immédiatement consommable. Pas de préambule, pas de
temps à perdre. L'affiche annonce du sang ? Tant mieux, c'est pour
çà que vient le
1 Or, en prenant appui sur les définitions de
Roland Barthes, Dick Hebdige arrive à la conclusion que le style ne
véhicule aucun signifiant, ce n'est qu'un signifié, qui ne
renferme rien d'autre que la volonté de la différenciation et de
la provocation (« just otherness »)
spectateur1 » assure Jean-Nicolas Berniche.
Jean-Emmanuel Papagno, chef de produit chez TF1 Video affirme la
prégnance d'un marketing sanglant, de goodies qui ravissent les fans. La
commercialisation de nombreux produits dérivés, des tee-shirts
aux figurines, en passant par des tasses et des peluches à l'effigie des
psycho-killers, atteste de la jeunesse supposée de leurs acheteurs.
L'esprit de collection à l'oeuvre chez les fans du genre, et a fortiori
chez tous les cinéphiles, tend à expliquer la production de
coffrets DVD et autres éditions spéciales. Cependant, on remarque
que le positionnement d'un film en salles et sur le marché vidéo
n'est souvent pas le même, permettant ainsi de rectifier un mauvais tir
ou bien de renforcer celui-ci. Cela part du principe que le consommateur de
vidéo est différent de celui de la salle. Or on se rend compte
que les consommateurs assidus de cinéma en salles sont également
ceux qui achètent le plus de DVD2. On croit souvent que les
jeunes se portent plus sur l'achat de vidéos que sur la salle. Or le
développement des cartes illimitées et la
dématérialisation des supports tendent à rectifier un peu
cette donnée. Dès lors comment évaluer la
communauté des fans ? Léna Lutaud affirmait que « De 350 000
passionnés début 2000, les amateurs sont désormais 3
millions, dont un sur deux est âgé de 10 à 25
ans3. » Christophe Lemaire fait quant à lui remarquer
que les vrais fans de fantastique sont peu nombreux ; il les évalue
à un petit groupe d'environ mille personnes en France. Car en effet, la
passion demande beaucoup d'engagement et de temps. Le spectateur fanatique
n'est pas un spectateur passif. Entre ces deux conceptions, il est difficile de
trancher, les études de public étant peu accessibles et
chères. Cependant, au regard des nombreuses observations, d'avis de
professionnels et des statistiques disponibles4, il semble que le
public du cinéma d'horreur recouvre une plage bien plus large que celle
évoquée des 15-25 ans, se situant plutôt dans un ordre de
15-40 ans, réunissant par là plusieurs tranches
générationnelles.
Les spectateurs de films d'horreur, s'ils peuvent
déployer plusieurs attitudes face aux films, allant de l'attirance
voyeuriste et cathartique à l'intérêt réel et
documenté en allant au-delà des effets de la peur,
témoignent tous d'une démarche de provocation. Tant chez les
jeunes, censés être la cible de prédilection de ce
cinéma, que chez les sujets plus âgés et les spectateurs
occasionnels, l'esprit de rébellion est à l'oeuvre. Avec ses
avatars et ses pratiques amateurs, les fans de films d'horreur constituent une
communauté subculturelle qui voue un culte à la transgression
graphique et revendique sa particularité, tout en affichant une
cinéphilie tous azimuts.
1 Jean-Nicolas Berniche, Une petite histoire de
l'horreur, op. cit, annexe n°9, p.25
2 Voir les pratiques vidéo des Français,
Le marché de la vidéo en 2007, CNC
3 Article En France, le marché du film
d'horreur atteint des sommets grâce aux ados par Léna Lutaud,
Le Figaro du 5 février 2008
4 Voir celles fournies par Ketty Beunel à
propos du festival de Gérardmer ( entretien, annexe n°23, p.54)
Les films d'horreur, après un développement
exponentiel puis cyclique au XXe siècle, entretenant des relations avec
d'autres genres cinématographiques, sont régis par un certain
nombre de codes esthétiques et narratifs. Le développement propre
à chaque époque, induisant des règles esthétiques
différentes a produit des styles variés, qui tendent à
s'isoler voire à s'opposer aujourd'hui. Aussi un giallo peut se
rapprocher d'un thriller, mais n'a rien à voir avec un slasher ou un
torture-flick. Les Etats-Unis ont initié le genre et restent les
pionniers de l'innovation comme de l'exploitation, mais ont été
et sont concurrencés sur leur marge par des films baignés d'une
culture nationale ou locale plus prégnante. Certains tendent même
à faire évoluer le genre vers le cinéma d'auteur,
notamment en France où la production, si elle commence à devenir
plus importante, reste tout de même marginale. D'autre part, le
cinéma d'horreur fournit de nombreuses possibilités pour d'autres
genres qui peuvent s'en inspirer. L'horreur est à la fois un genre et un
répertoire. Souvent positionnée sur les adolescents en occultant
les fans nostalgiques, elle s'épanouit dans les esprits rebelles et les
comportements transgressifs. Même les spectateurs du dimanche
développement cette volonté de provocation, qui pour d'autres est
à l'oeuvre quotidiennement. Ces caractéristiques font du public
des films d'horreur une communauté assez codifiée, que l'on peut
qualifier de subculturelle. Or ce schéma normatif peut apparaître
comme un atout mais aussi comme un handicap au renouvellement de ce type de
cinéma. Qualifié souvent de film de genre, en tant que «
cinéma volontairement codifié »1, le
cinéma d'horreur souffre parfois de ses figures imposées. En ce
sens, le cinéma d'horreur, comme tous les cinémas de genre,
apparaît comme un cinéma néo-classique, qui s'inscrit dans
une lignée. Pourtant, beaucoup y voient aussi l'expression d'une
postmodernité comme Isabel Cristina Pinedo. Le nombre de films
fantastiques, de science-fiction ou d'horreur qui peuvent être
qualifiés de postmodernes au regard des critères de ce nouveau
cinéma qui traite des troubles de l'identité, de la distorsion du
temps et de l'espace, sont pour les uns légions, pour d'autres de
simples aberrations. Ce clivage ancestral ne risque pas de prendre fin demain,
mais des auteurs s'intéressent à son histoire et soutiennent sa
richesse.
.
1 « C'est quoi un film de genre ? » in
L'appel du 13 juin, op.cit., annexe n°14, p.33
DEUXIEME PARTIE
LES PRINCIPAUX Réseaux DE
DIFFUSION en France,
QUEL Modèle Socio-économique
POUR LES FILMS D'HORREUR ?
Les films d'horreur attirent un public
hétérogène qui se rassemble cependant sous divers auspices
et références communes ayant besoin de nourrir sa passion ou ses
loisirs en visionnant des films de façon régulière ou
ponctuelle. La dimension participative de cette culture nécessite une
communication constante entre ses protagonistes. Ses caractéristiques
sociologiques en font un lieu d'échanges intenses et de réflexion
qui se nourrit des apports et des avis de chacun. Mais pour cela, les amateurs
de films d'horreur ont besoin de lieu pour s'exprimer, qu'ils soient
réels ou virtuels. Le bénévolat et la motivation propre
à l'investissement passionnel tendent à faire apparaître
une multitude de petits espaces, qui peuvent prendre de l'ampleur et
s'institutionnaliser. Ce cheminement n'est pas automatique mais il peut
concourir à la formation de réels réseaux d'amateurs en
France. Il convient d'en distinguer les tenants et les aboutissants en
analysant les logiques qui sont à l'oeuvre dans la création de
tels évènements. D'autre part, si l'on prend en compte les avis
de la majorité des acteurs de la filière cinématographique
française, il semblerait qu'il n'y ait que peu de place pour ce
créneau dans l'Hexagone. Mais les conditions générales de
développement des médias, qui ont permis au cinéma de
s'enrichir des différentes technologies de l'image mais aussi de
réseaux toujours plus inventifs et plus mobiles, semblent avoir
touché tous les styles, et en premier lieu le plus «
détestable », l'industrie pornographique. Le cinéma a ainsi
pu bénéficier de cette opportunité pour augmenter et
optimiser sa rentabilisation, en s'exposant sur divers supports de
communication. Ces considérations générales s'appliquent
également au cinéma d'horreur, qui voit ses excès
graphiques déployés sur de nombreux médias comme les
salles, la vidéo ou encore la télévision. S'il ne fait
aucune exception et est présent à tous les niveaux, il n'est
cependant pas traité de la même manière sur ces chacun de
ces différents supports. Les conditions de programmation changent en
fonction du milieu de diffusion, régis par des lignes éditoriales
et des impératifs économiques divers. L'analyse de ces
divergences peut mettre en lumière les enjeux et les pratiques à
l'oeuvre dans les multiples réseaux qui constituent les
débouchés privilégiés des oeuvres
cinématographiques.
CHAPITRE 1 : LES AVATARS DE LA Communauté
Toutes les communautés attachées à un
phénomène culturel développent des pratiques qui peuvent
s'apparenter à de l'amateurisme, avec plus ou moins de
détermination. Dans le cas présent, les médias que sont la
presse -officielle et officieuse- et Internet jouent un grand rôle dans
le développement d'un réseau de diffusion et d'échange
autour des films. Comment sont-ils mis en oeuvres et par qui ?
1.1. Des pratiques amateurs évoluant vers le
professionnalisme
1.1.1. La presse spécialisée : fanzines et
magazines
Comme toute culture, le cinéma d'horreur dispose de ses
magazines. Comme toute subculture, il compte de nombreux fanzines. Cette
profusion de titres produits artisanalement, sans autorisation d'éditer,
découle des pratiques amateurs et de la volonté des fans de
s'impliquer et de « faire vivre » le mouvement. D'autre part, des
titres aujourd'hui nationaux sont vendus dans les kiosques et les librairies,
faisant collaborer des journalistes spécialisés dans ce domaine.
Il s'agit de l'Ecran Fantastique, fondé par les frères
Schlockoff dès 1970 mais surtout de Mad Movies,
créé deux ans plus tard par J, an-Pierre Putters, qui
n'était d'abord qu'un fanzine édité à moins de 300
exemplaires. Une revue spécialement axée sur le cinéma
gore, Toxic, a même vu le jour en 1989, dirigée par la
même équipe que l'Ecran Fantastique mais traitait essentiellement
des effets spéciaux, du maquillage et de tous les aspects visuels du
cinéma horreur/gore. Citons également le légendaire
Starfix (1er numéro en 1983, Christophe Gans et
Christophe Lemaire faisaient partie des rédacteurs) ou encore Evil
Z, qui furent la référence des inconditionnels du festival
de Paris au Grand Rex, dont se souvient avec nostalgie Marie- Agnès
Bruneau1. Ces titres ne paraissant plus, les fans n'ont
désormais plus qu'un mensuel de référence
réellement spécialisé dans le fantastique/horreur :
Mad Movies, qui compte une dizaine de journalistes aux goûts
hétéroclites mais défendant leur passion avec humour et
rigueur. Le mensuel constitue une véritable bible pour certains, un
univers trop partial pour d'autres, qui n'hésitent pas à pointer
du doigt la dégradation dans la
1 directrice du bureau parisien du MipTV Mag et
passionnée de cinéma fantastique/horreur
qualité des numéros, tout en assurant que c'est
une bonne chose qu'un tel magazine continue d'exister. En effet, la ligne
éditoriale est rarement homogène, cela étant
également du à la variété des thèmes et des
oeuvres abordées, qui, bien que recouvrant un genre particulier, peuvent
aller de l'action à l'animation en passant par le film de zombies gore
et le fantastique onirique et merveilleux. Avec une promesse annonçant
la couverture du « plus fort du cinéma », Mad Movies
table sur une cible masculine et jeune, sans pour autant occulter les femmes,
malgré les interjections à l'adresse du lectorat, supposé
être composé de « gars », avec des rubriques
plutôt orientées sexuellement comme la page pin-up ou un
numéro spécial Scream Queens à l'été 2008.
Dans un langage résolument détendu, agrémenté de
nombreuses blagues qui ne peuvent être comprises que par des lecteurs
fidèles et assidus, le magazine affiche une sérieuse culture
filmique. Se positionnant en véritables critiques, les journalistes de
Mad Movies délivrent des informations sur les films à
venir, élaborent des dossiers sur des phénomènes
contemporains à l'oeuvre dans le genre (Les remakes, Sexe et gore,...),
scannent l'actualité des jeux vidéos, des séries et des
sorties DVD, rendent des hommages à des personnalités, font des
reportages sur les festivals,... De plus, récemment se sont
insérées des pages portant plus sur l'histoire du cinéma
fantastique/horreur, avec des biographies et filmographies de Boris Karloff ou
de Jacques Tourneur et des analyses plus pointues de chefs-d'oeuvre du
cinéma de genre. Il semble donc que le mensuel soit en train
d'évoluer vers un plus grand registre, afin d'attirer un public
différent et de satisfaire les lecteurs les plus cinéphiles.
Cependant, les photographies présentes sur les couvertures ou illustrant
les sorties de films risquent encore d'en choquer plus d'un ; on ne
lésine pas sur le sang et la chair lorsqu'il s'agit de dévoiler
des images gores à propos d'un long-métrage attendu. Le magazine
est également proposé avec un DVD (hors abonnement), à un
prix plus élevé que l'édition papier seule. Cette
pratique, désormais courante en ce qui concerne la presse du
7e jour1, permet d'attirer ponctuellement de nouveaux
lecteurs, dont le but principal serait d'acquérir l'objet vendu en
annexe, le magazine passant au second plan.
De plus Mad Movies est impliqué dans beaucoup
d'évènements liés au genre de cinéma qu'il
défend : partenaire média sur divers festivals (L'Etrange
Festival de Lyon, Le Festival du Film Fantastique de Gérardmer, La Nuit
de l'Horreur à Courbevoie,...), soutien de la chaîne de
télévision thématique Sci-Fi (un des anciens journalistes
de Mad Movies est désormais responsable éditorial de la
chaîne) ou encore sponsor de sorties salles ou DVD. L'équipe du
mensuel entend bien se poser en défenseurs du genre, sans pour
1 C'est-à-dire la presse hebdomadaire (ex : Le
Monde 2 ou Le Figaro Magazine)
autant perdre sa faculté de jugement lorsqu'un film ne
leur sied pas. Il semble que la défense du cinéma de genre
français leur incombe, comme en témoigne le dernier numéro
de juillet-août 2008, où la critique dithyrambique de
Martyrs de Pascal Laugier, écrite par Alexandre Bustillo, comme
l'avait été celle d'A l'intérieur (dont l'un des
réalisateurs n'est autre que Bustillo lui-même), semble plus
relever de la croisade que de l'analyse cinématographique. Même si
leur vision est parfois un peu partisane, Christophe Lemaire félicite
les gens qui assument ces positions, en allant à l'encontre de la
majorité bien-pensante des critiques de cinéma1. Les
débats au sein de la rédaction sont également suivis et
alimenté par de nombreux aficionados, qui peuvent s'exprimer sur le
forum Mad Movies, affilié au site Internet. Cette extension du
magazine était indispensable afin de continuer à jouer un
rôle primordial sur le web, parmi une multitude de sites, blogs et autres
forums d'amateurs.
1.1.2. Internet : le domaine de tous les possibles
Le développement de la toile a permis l'accès
à des informations venues de la terre entière. La multiplication
des sites Internet personnels et des forums -en un mot de ce que l'on appelle
le Web 2.02- a permis l'émergence d'une nébuleuse
immense, où tous les domaines, des plus respectables aux plus
répréhensibles peuvent bénéficier d'une vitrine
internationale. Le succès des pratiques amateurs témoignent de
cette engouement pour le monde virtuel, qui ne connaît aucune limite, ni
d'âge ni de localisation ni de rang social, et fait apparaître les
blogueurs comme des protagonistes, égaux face à leur écran
d'ordinateur (ou désormais de téléphone mobile). En ce
sens, Internet est la nouvelle république du XXIe siècle,
créant un espace public (le terme de forum, emprunté au
vocabulaire politique de l'Antiquité en témoigne) ouvert à
tous, mêlant l'intimité et la vie privée à
l'information publique relayée par les institutions et les médias
eux-mêmes ; il permet à leurs détracteurs comme aux tenants
d'une marginalité effective dans l'espace public réel, de
manifester leur existence et d'affirmer leurs revendications et leurs
goûts. Cette liberté d'expression nouvellement acquise est une
chance pour les uns, une malédiction pour les autres, mais n'en est pas
moins un outil incontournable dans le monde contemporain, pour qui veut et sais
l'utiliser.
1 Voir entretien mené le 24/07/08, annexe
n° 26, p.66
2 Symbolisé par les systèmes
Wikipédia, Myspace ou Facebook
En ce qui concerne les films d'horreur, de nombreux sites leur
sont consacrés dans toutes les langues : informations sur les sorties de
films, filmographies ou biographies de réalisateurs, chroniques de
sorties DVD, analyses de films, bibliographies, sites collaboratifs, forums
affiliés, concours avec cadeaux à la clé, bases de
données,...La logique mise en oeuvre dans le développement de
tels sites est résolument celle du partage, de la facilitation de
l'échange, comme l'affirme Jean-Michel, webmaster et créateur
d'Oh My Gore ! : « Au départ, Oh My Gore !
n'était qu'un site perso que je m'étais créé afin
de me faire une petite base de données de films que j'avais vus ou que
j'aimerais voir. Ensuite j'ai commencé à mettre des photos pour
égayer un peu les fiches et j'ai vu que quelques personnes
commençaient à surfer sur le site. J'ai donc décidé
de l'améliorer (...). Les visites ont suivi et donc maintenant, j'essaie
de proposer un maximum d'infos et d'actus sur le cinéma horreur et
fantastique (...) Le but essentiel est de partager une passion, donc oui,
plutôt un site d'échange. J'aime être au courant de
l'actualité et je prends le temps nécessaire pour partager mes
infos avec les personnes intéressées1. » Il n'en
demeure pas moins, malgré cette dimension amateur et plutôt
artisanale, que le sérieux des informations est garanti, dans un
réel souci de professionnalisme. Ce que souligne Christophe Lemaire,
journaliste cinéma : « Je ne suis pas un de ceux qu'avec Christophe
Gans nous appelons « les gardiens du temple », qui tiennent à
leur position en déplorant l'apparition de l'étonnant nouveau
média qu'est Internet. Au contraire, place à la nouvelle
génération et à son attirail de nouvelles technologies qui
lui permet de tout appréhender plus vite. C'est pour cela que je ne me
lance plus dans la critique, d'autres le font mieux que moi et plus rapidement
!2 » Comme le rappelle Jean-Michel, « la création
de news est un processus très long puisqu'il faut aller les chercher sur
un tas de sources différentes (...) puis les mettre en forme, uploader
les photos, les vidéos etc... ».
Et les visiteurs se comptent en dizaines de milliers, allant
de 15 000 en moyenne pour Zone Bis (mais le site fut en pleine
restructuration et n'offre pas toutes ses anciennes potentialités)
à plus de 50 000 pour Oh My Gore !. Face à leur
importance, tant quantitative que qualitative, les professionnels
n'hésitent pas à contribuer au fonctionnement de ces sites, en y
apportant leur savoir comme leurs produits. En effet, des concours sont souvent
organisés lors de sorties salles ou DVD, avec goodies à la
clé3. Malgré tous les efforts déployés
pour apporter et partager des informations sur le
1 Voir questionnaire, annexe n° 29, p.77
2 Voir entretien mené le 24/07/08, annexe
n°26, p.66
3 « Les lots sont souvent des produits dérivés
de films c'est-à-dire des affiches, des dvds, des places de
cinéma, des tee-shirts ou quelques fois des objets plus insolites comme
un couteau pour Haute Tension ou une fiole d'eau bénite pour
L'Exorciste : Au commencement » explique Jean-Michel, op. cit.
genre de films qui fait vibrer les passionnés, il faut
noter que ces sites restent bien souvent amateurs et que leurs contributeurs ne
sont pas rémunérés pour leur travail, quelle que soit son
importance. Tous les administrateurs, webmasters ou chroniqueurs
côtoyés ou interrogés sont des bénévoles.
C'est toute la caractéristique des pratiques amateurs ; une passion
motivant un travail sans toutefois bénéficier d'une
rémunération effective pour celui-ci (en dehors d'une
rémunération symbolique, celle de contribuer à la
diffusion de leur centre d'intérêt). Cependant, cela
n'empêche pas certains de se projeter un jour dans la filière
cinématographique, surtout parmi les plus jeunes. Mais il semble que
cette volonté reste marginale, constituant le propre de l'amateurisme ;
celle de ne pas vouloir mêler emploi et passion, reléguant cette
dernière dans le domaine de la sphère privée.
Souvent attachés à ces sites, les forums sont un
autre avatar de la communauté des cinéphiles en
général, et des fans de cinéma d'horreur en particulier,
et constituent à eux-seuls un véritable microcosme. En effet, les
« posteurs » suivent les discussions virtuelles de façon
quotidiennes, parfois sur plusieurs plateformes différentes, et donnent
leur avis différemment sur leur appréhension des films ; certains
adoptant une attitude détachée, procédant simplement de
l'affirmation ou de validation de leurs goûts, d'autres élaborant
un réel débat autour des enjeux économiques ou des
caractéristiques artistiques de tel ou tel oeuvre ou
événement plus ou moins affilié au genre en question. De
véritables affrontements sont en jeu dans ces espaces, allant jusqu'au
boycott et à la scission, comme ce fut le cas au sein du forum
attaché au site Devil Dead, dont les anciens se
reportèrent sur celui de Zone Bis1. En effet, la
position et l'ancienneté y sont très importantes : les
administrateurs et modérateurs y sont respectés pour leur
proximité supposée avec le monde professionnel (ce sont souvent
les responsables des sites affiliés), et a fortiori leurs connaissances,
tout comme les posteurs présents depuis l'ouverture du forum. Les jeunes
arrivants y sont souvent raillés, taxés de novice et
méprisés par les premiers. Or cette logique est à l'oeuvre
dans tous les milieux qui cultivent volontairement un certain degré
d'initiation, afin de préserver leur cercle de l'arrivée massive
d'individus attirés par une certaine marginalité, à la
manière des tribus musicales. Malgré ces comportements parfois un
peu fermés, il semble que ce soit néanmoins le partage qui prime,
la gratuité de l'échange, la relation humaine ou virtuelle, qui
est également à l'oeuvre dans le visionnage de films en groupe,
comme c'est le cas dans les séances spéciales et les
festivals.
1 Voir entretien mené le 10 juillet 2008 avec
Cyril Despontin, annexe n°24, p. 59
1.2. Projeter des films : pour qui et pour quoi ?
1.2.1. Les soirées ponctuelles
Dans la continuité des pratiques amateurs, des
passionnés organisent des soirées de visionnage dans des bars ou
dans des petits cinémas de quartier. Ces séances
s'élaborent souvent entre amis, avec la complicité des
responsables des lieux prêtés pour les projections, qui peuvent
partager leur passion ou espèrent en tirer un bénéfice
commercial (augmentation des consommations, évènementialisation
apportant une meilleure visibilité au lieu,...) ou symbolique (image
jeune, ouverture d'esprit,...). Les organisateurs ne sont pas des
professionnels et cela peut également causer quelques
désagréments, comme en témoigne l'expérience de
Cyril Despontin de Zone Bis, qui a commencé à organiser
des projections à Lyon : « D'abord ce fut dans un café, avec
cinq sessions où nous projetions des copies vidéo de Mario Bava,
Dario Argento ou encore Dan o'Bannon. (...) Puis nous avons pu
bénéficier de la salle de projection du Ciné Club de
l'INSA, une des écoles d'ingénieries lyonnaises, où nous
avons organisé quelques soirées bis, allant des films de la Troma
à ceux de Jean-Marie Pallardy1. » Cependant, à la
suite de ces projections, ce dernier, réalisateur de films
érotiques et bis, ayant appris que des individus passaient ses films
sans autorisation, il prit contact avec les intéressés. Nullement
décidé à réprimander ces « bisseux » pour
ces projections sans autorisation ni paiement de droits, Jean-Marie Pallardy
était simplement à la recherche de copies 35mm de ses films.
Cette rencontre inattendue signa cependant le début d'une collaboration
amicale. Le visionnage de classiques, en tant qu'événement
pouvant être facilement partagé en commun, accessible à
tout le monde, mélangé avec des réalisations plus
confidentielles ou parfois des courts-métrages d'amis. A la
manière des soirées thématiques musicales (autour d'une
époque, d'un style, d'un groupe), l'esprit de communion autour d'un
même thème, réduit quelque peu le clivage entre anciens et
nouveaux arrivants dans la communauté des fans. Ouverts au public, ces
séances sont souvent organisées par un groupe d'amis qui veulent
partager leur passion ensemble. Elles sont l'occasion d'attirer une nouvelle
catégorie d`amateurs, plus jeune ou des nostalgiques qui souhaitent
sentir à nouveau, le temps d'une soirée, le plaisir de revoir des
films qu'ils avaient pu voir auparavant.
1 idem
Cette dimension est également celle des séances
organisées dans des cinémas indépendants, comme l'Absurde
Séance, qui se tient régulièrement à Nantes depuis
octobre 2000 au cinéma Le Katorza, grâce à la
persévérance de Jean-Maurice. Cette volonté de faire
« revivre » aux jeunes générations ou à ceux qui
étaient de jeunes adultes dans les années 1980 des films qui ont
marqué leurs organisateurs est un des leitmotivs de ce genre
d'évènements, qu'ils soient de dimension purement locale et
volontariste ou prises en charge par des amateurs initiés dans le
domaine professionnel, comme en témoigne Jean-Maurice : « je
choisis les films en fonction de mes goûts personnels, je veux montrer
à la génération actuelle les films avec lesquels j'ai
grandi ». Dans chaque ville, il y eut ou il y a encore de tels
évènements, mais ils tendent à diminuer. En effet,
l'illégalité des projections vidéo en public (et donc la
difficulté de faire de la publicité pour ce genre
d'évènements, qui les exposerait pénalement) ainsi que la
difficulté de trouver des salles et d'y projeter des films tendent
à réduire les ardeurs de ceux qui souhaitent se lancer dans cette
aventure. Cependant, la prise de risque continue à en tenter certains,
qui se positionnent en fidèles héritiers des pratiques des
décennies précédentes. Alors que l'actualité nous
démontre tous les jours l'enterrement progressif du cinéma de
quartier (UGC attaquant plusieurs cinémas indépendants comme le
Comoedia à Lyon ou le Meliès à Montreuil), il y a encore
des amateurs courageux, qui avec le concours de professionnels, montés
en association ou par l'initiative personnelle arrivent à
réaliser leurs ambitions. Car pour acquérir une liberté de
fonctionnement et assurer une pérennité à ce type
d'événement, il faut désormais le relais de partenaires
institutionnels, gages de qualité : magazines spécialisés
comme Mad Movies, cinémas indépendants, journaux
locaux,...
1.2.2. Allier passion et professionnalisme : l'Etrange
Festival
Cependant, la visibilité acquise lors de tels
évènements, ainsi relayés par des acteurs du milieu
cinématographique peuvent amplifier ceux-ci et leur donner une dimension
régionale voire nationale. C'est le cas de l'Etrange Festival, qui a
connu 17 éditions parisiennes au Grand Rex, 14 éditions
strasbourgeoises à l'Odyssée, une première édition
lyonnaise en 2008 au Comoedia et travaille sur un projet de
développement à Nantes. Débuté dans l'amateurisme,
ce festival a produit une franchise, qui a permis à Cyril Despontin et
à l'équipe de Zone Bis de l'exploiter pour la première
fois en Rhône-Alpes. Leur expérience témoigne de la
démarche soulignée précédemment. Pour sa
première lyonnaise, le festival a accueilli 1200 spectateurs sur 5
jours, ce qui est remarquable et a ravi autant les organisateurs que les
participants. Monter cet événement en dehors de leur temps de
travail a demandé beaucoup d'efforts, d'autant plus que
l'annonce officielle de la tenue du festival à Lyon n'a
été confirmée que tardivement (en novembre pour mars). La
recherche de partenariats et la publicité était le poste le plus
important, le reste étant confié au cinéma Comoedia, dans
une relation de partenariat de compétences (droits des films et
transport des copies)1. La deuxième édition est
déjà annoncée, avec un enthousiasme certain. Evidemment,
il n'a pas encore acquis la renommée de celui de ses aînés,
qui tentent de perdurer tant bien que mal, comme l'explique Philippe Lux, l'un
des responsables de l'Etrange Festival alsacien, qui éprouve de fortes
difficultés pour rassembler les fonds nécessaires : « Pour
un budget de moins de 15 000 euros [où tous les postes sont inclus,
contrairement à l'édition lyonnaise où la prise en charge
des copies était assurée par le cinéma qui accueillait le
festival], les aides de la DRAC et de la ville de Strasbourg sont quasiment
insignifiantes, ce qui semble injuste au vu de la pérennité
acquise par l'événement depuis plus de 10 ans. Ce sont
essentiellement les entrées des spectateurs qui financent le festival,
à hauteur d'environ 60%2. »
Mais cela ne décourage pas les organisateurs
-bénévoles rappelons-le-, qui ont remis le couvert pour une
quatorzième édition du 29 octobre au 2 novembre 2008, afin de
satisfaire un public toujours plus curieux et enthousiaste, pour lesquels
ceux-ci tentent de trouver des films rares, d'obtenir des exclusivités
et des avant-premières : « L'année dernière [en
octobre 2007], nous avons eu la chance d'ouvrir le festival avec
l'avantpremière de Frontières, en présence de
sept personnes de l'équipe du film. C'était la première
française et le public a beaucoup apprécié. Nous avons
également concocté une soirée Grindhouse, une
séance nommée ClassiX (avec Café Flesh de Stephen
Sayadian, film culte de science-fiction pornographique) et nous avons
diffusé des films rares et saugrenus comme Turkish Star Wars.
(...) Nous souhaitons diffuser tous les genres de cinéma à partir
du moment où ils sont étranges, avec une seule politique :
l'éclectisme ! Dans cette optique, nous avons projeté des
documentaires, des films de fin d'école, des courts-métrages, des
films muets... 3» Ce qui fait l'originalité et la
convivialité de ces petits festivals c'est la dimension
évènementielle, car le cinéma a aujourd'hui perdu sa
dimension spectaculaire et il convient de la retrouver pour ces occasions
spéciales. En effet, à Strasbourg, le public était mis
à contribution avec des cadeaux à
1 « Nous avons pu rassembler 3200 € de budget,
répartis entre des sponsors comme Canal+ Paris (qui a versé 2000
€) et des partenaires lyonnais qui ont contribué au projet à
hauteur de 1200 € (nous leur avons offert des retombées
publicitaires essentiellement). Nous avons également
bénéficié de partenariats média, notamment avec
DVDrama (bannières sur leur site), Mad Movies (page de publicité
offerte dans leur numéro de mars), ainsi qu'avec Le Petit Bulletin, le
magazine culturel lyonnais de référence (achat à tarif
préférentiel d'une page de publicité, couverture et pleine
page de rédactionnel au mois de mars) », voir entretien, op.
cit.
2 voir entretien mené le 24/07/08, annexe
n°27, p.70
3 idem
gagner (souvent des produits dérivés de films),
les invités se mêlaient aux spectateurs qui avaient l'occasion de
découvrir des teasers et des bandes-annonces inédites. Lors des
éditions parisiennes, il y avait également des concerts de
musique électronique et rock, des performances, des shows divers, dans
une optique intéressante d'art total et de milieu culturel, un
même public étant susceptible de se porter sur plusieurs
créneaux artistiques supposés proches ; les films extrêmes
appelant bien souvent les fans de musique ou de tout autre type d'art
extrême.
1.2.3. Le fantastique et les institutions
cinématographiques
A côté de ces petits festivals, qui semblent les
plus intéressants en termes de nouveauté et de recherche
réelle de diversité, sont apparus des programmations
spéciales et des festivals plus institutionnels, créés et
développés au sein de la filière cinématographique.
C'est le cas des cinémathèques, qui, sous l'impulsion de
programmateurs volontaires, créent des rétrospectives
dédiés à des cinéastes ou à des genres
pouvant inclure l'horreur. C'était notamment le cas de Julien Rousset,
ancien programmateur de l'Institut Lumière à Lyon, qui organisait
régulièrement des soirées spéciales cinéma
bis il y a quelques années. Cependant, la Cinémathèque
Française à Bercy a pris le relais, en mettant en place une
double-programmation bis ainsi qu'en organisant (conjointement avec
l'équipe de Nanarland) chaque année depuis quatre ans dans ses
locaux La Nuit Excentrique. Celle-ci se déroule habituellement en mars,
dans une ambiance rappelant celle d'un festival, et se compose de projections
de plusieurs longs-métrages, présentés par des animateurs
du site Nanarland, de programmes courts, d'extraits et de bandes-annonces ainsi
que de cadeaux à gagner, tout cela du crépuscule jusqu'à
l'aube. Cette année, un film d'horreur était parmi les quatre
longs-métrages proposés : Hurlements 2 (1985) de
Philippe Mora, une série B trouvant sa place au milieu d'autres films
dits bis. D'autre part, la Cinémathèque a proposé du 18
juin au 31 juillet un cycle sur le cinéaste espagnol Jess
Franco1, qui a proliféré dans les années
1960-70. Tous les soirs, un ou deux de ses films sont projetés à
la Cinémathèque, parmi lesquels beaucoup d'inédits en
France (comme Le portrait de Doriana Gray, 1976), la plupart de ses
films ayant à l'époque subi la censure cinématographique.
L'éclectisme de la programmation est patent depuis l'arrivée de
Jean-François Rauger2, qui légitime la place de ce
genre déconsidéré dans le panthéon
cinématographique. Ce dernier a tenté de lui faire une place
à travers des séances bis, désormais
régulières, un vendredi sur deux,
1 Voir article Franco, claudillo de la
série B, par Jean-Luc Douin, Le Monde du 22-23 juin 2008, annexe
n°15, p.34
2 Directeur de la programmation à la
Cinémathèque et journaliste cinéma pour Le Monde
depuis une dizaine d'années. Avec des
thématiques précises (femmes diaboliques, science-fiction
japonaise, anti-impérialisme, horreur anglaise), la
Cinémathèque, en partenariat avec Mad Movies, compte
bien apporter un nouveau regard, plus esthétique sur des films parfois
passés inaperçus aux yeux du grand public et ravir les fans du
genre. Afin de justifier ses choix, critiqués dans la presse de
l'exégèse cinématographique1,
Jean-François Rauger défend avant tout la richesse et la
diversité du cinéma, en bon cinéphile : « La
Cinémathèque créée par Langlois [et Georges Franju]
est le lieu de tout le cinéma et il n'y a pas de distinction entre un
cinéma noble et un cinéma ignoble. (...) On trouve des choses
passionnantes dans ces films qui relèvent de l'exploitation commerciale
la plus banale et qui n'ont aucune légitimation culturelle. (...) Tant
que le cinéma existera, il y aura toujours ce geste pour désigner
les films les plus impurs, les plus ignobles au sens étymologique comme
des objets qui peuvent avoir une importance esthétique ou
historique.2 » De quoi avoir encore quelques défenseurs
du cinéma bis et de ses avatars horrifiques en France, dans un milieu
historiquement très réticent à ce genre de films.
La France a d'autre part accueilli successivement trois
festivals de grande envergure ayant pour thème le cinéma
fantastique. Le premier fut le festival de Paris, créé en 1972
par Alain Schlockoff, spécialisé dans les films fantastiques, de
science-fiction et d'horreur. Il durait en moyenne 10 jours, toujours au mois
de mars. Réputé pour l'expressivité de ses spectateurs
lors des séances, il rencontra un énorme succès
jusqu'à son terme en 1989. En effet, l'ambiance était au
défoulement total, le cinéma Le Grand Rex se plaignant souvent de
devoir reconstruire une partie de la salle après les projections !
Pratiquement tous les grands films de genre des années 1970-80 y furent
présentés. Le grand prix (la licorne d'or) fut
décerné à de nombreux films d'horreur dont
Halloween de John Carpenter en 1979 et Evil Dead II de Sam
Raimi en 1987. Un prix spécial gore a même été
décerné pendant deux ans, remporté en 1986 par La Nuit
des Morts-vivants de George A. Romero et en 1987 par Street Trash
de Jim Muro. Un an après le début du festival de Paris, en 1973,
fut inauguré le festival d'Avoriaz, dans un optique plus «
sérieuse ». L'idée de Lionel Chouchan était de donner
un peu d'air frais aux spectateurs en couplant films et montagne en Province.
Résolument plus fantastique qu'horreur, le festival d'Avoriaz
récompensa des films comme Phantom of the Paradise et
Carrie de Brian de Palma en 1975 et 1977, Mad Max 2 de George
Miller en 1982 ou encore Faux-semblants de David Cronenberg en 1989
pendant ses 21 années
1 A l'instar de Michel Ciment de la revue Positif
à propos de la programmation du cycle Jess Franco
2 N'ayant pu le joindre, je me permets de reprendre
ses propos recueillis par Marie Bigorie le 28 février 2006, article mis
en ligne sur
http://www.critikat.com/Jean-Francois-Rauger.html
d'existence. Cependant, Lionel Chouchan admet volontiers que
ce festival était « avant tout médiatique et
élitiste1 ». La ville d'Avoriaz avait acquis une
renommée importante grâce à cet événement,
dont les retombées touristiques ont satisfait les élus locaux
jusqu'au début des années 1990. Le besoin de renouveau se faisait
sentir.
Après la dernière édition avoriazienne en
1994, Lionel Chouchan, alors devenu directeur du Public Système
Cinéma, décida de faire perdurer cette aventure dans une autre
région montagneuse mais dans les Vosges cette fois, à
Gérardmer. Après un démarrage difficile et un public
exigeant, il acquiert progressivement une réputation nationale, faisant
parler de lui dans la presse quotidienne généraliste et
mensuelle2. Il vient de fêter cette année ses 15 ans
d'existence avec un jury dédié exclusivement à l'horreur :
Stuart Gordon en tant que président accompagné d'autres acteurs
(et actrices) et réalisateurs gravitant dans cet univers comme Takashi
Shimizu, Jess Franco, Neil Marshall, Ruggero Deodato, Jake West,... Il
décerne 8 prix qui assurent désormais à leurs
lauréats une reconnaissance critique et médiatique au sein du
monde cinématographique. Malgré le fait qu'il présente un
nombre important de films d'horreur en et hors compétition chaque
année, le festival ne s'est jamais positionné essentiellement sur
ce créneau de façon spécifique. Pourtant la programmation
et le palmarès de cette édition 2008 regorgeaient de films
fantastique/horreur, tout en affichant un visuel assez sobre3 :
L'Orphelinat de Juan Antonio Bayona (Grand prix et prix du jury
Sci-Fi), [Rec] de Jaume Balaguero et Paco Plaza (Prix spécial
du jury, prix du public et prix du jury jeunes), Diary of the Dead de
George A. Romero (Prix de la critique) ou encore Detour Mortel 2 (Prix
du meilleur inédit vidéo). Cependant, certains professionnels du
cinéma fantastique reprochent au festival son manque
d'évènementialisation (en effet, à Avoriaz, il y avait
beaucoup d'animation en marge des projections : forums, concerts de musique,
soirées organisées dans des bars,...), de prise de risques et de
spécialisation (il y a deux programmateurs pour l'ensemble des festivals
gérés par Le Public Système). L'organisation est
assurée sur place par l'association Fantastic'Arts,
présidée par Pierre Sachot, qui délègue par
partenariat la gestion et la programmation, assurées par le Public
Système, société de communication ayant une branche
dédiée à la promotion de films et à l'organisation
de festivals4. Géré comme un autre festival sans
particularité quelconque liée au genre auquel il est
dédié, Gérardmer est cependant remarquable pour son apport
en bénévolat, qui fait économiser beaucoup de postes au
budget annuel (chauffeurs,
1 Programme du 15e festival du film
fantastique de Gérardmer, p. 11
2 Des articles y ont été
consacrés dans le mensuel Positif et dans Le Monde, annexe n°1
1,p.30
3 Voir affiche, infra, p.74
4 Dont les festivals du film asiatique et
américain de Deauville, celui du film d'aventure de Manaus ou encore
celui du film policier de Cognac (qui n'a plus lieu depuis deux ans).
restauration, accueil des spectateurs,...). La programmation
« s'attache à la diversité du genre, [en] effectuant un
savant panachage entre des films évènements et des films plus
singuliers. La volonté est d'être au plus près des attentes
du public, de faire découvrir des nouveaux réalisateurs, de
créer une ambiance et d'inciter les spectateurs à revenir. En
effet un tel festival constitue un tremplin exceptionnel pour le lancement de
films, l'obtention d'un prix étant souvent synonyme d'une plus grande
visibilité, tant au niveau du public que des professionnels1.
»
Gérardmer a acquis en quinze ans d'existence une
renommée européenne et internationale, et a sa place parmi les
festivals du film fantastique les plus courus : Sitges en Espagne, le NIFFF
(Neufchâtel International Fantastic Film Festival) à
Neufchâtel et le LUFF (Lausanne Underground Film Festival) à
Lausanne en Suisse, le BIFF (Bruxelles International Film Festival) mais
surtout le plus grand, le Fantasia à Montréal. Cependant la
vision du Public Système est celle d'un positionnement où le
fantastique a légitimement sa place à côté des
autres genres, comme le rappelle Ketty Beunel : « Gérardmer
n'apparaît pas comme un festival confidentiel ou « underground
», il semble au contraire être populaire, puisqu'il accueille en
moyenne 25 000 à 30 000 spectateurs par an depuis sa
naissance2. » S'il faut relativiser quelque peu ces chiffres,
il est néanmoins vrai que Gérardmer comporte une forte dimension
populaire, et réunit de nombreux curieux, habitants des environs, tout
en fidélisant ses spectateurs d'année en année. En effet 3
visiteurs sur 4 ont déjà participé à une
précédente édition3. Cependant, on peut se
demander quel est l'impact réel des festivals sur l'économie des
films. Les copies étant prêtées pour les projections,
l'intérêt du producteur, du distributeur ou du vendeur
international réside essentiellement dans la volonté de
promouvoir leurs produits, de leur conférer une visibilité
supplémentaire, car la majorité des oeuvres
présentées sont des nouveautés, contrairement aux autres
festivals plus petits et aux soirées ponctuelles. Si les films
projetés ne sortent généralement que quelques mois plus
tard, avoir un prix signifie donner un coup de pouce à certains films,
comme le rappelle la programmatrice, mais cela n'est en rien un gage de
succès : « Les retombées des prix obtenus [...] varie[nt] en
fonction des années. (...) La valeur attribuée aux prix
distribués à Gérardmer peut influencer les distributeurs
et a fortiori les spectateurs, mais ne peut en aucun cas être un gage
assuré de réussite d'un film et du comportement des
cinéphiles4. » Il s'avère aujourd'hui facile de
faire la promotion de films à travers les festivals, cette
activité n'entraînant pas trop de risques, contrairement aux
autres acteurs de la filière, pour qui ce
1 Voir entretien avec Ketty Beunel, annexe n°23,
p.54
2 Ibidem, chiffres à relativiser
3 Source Le Public Systeme
4 ibidem
créneau peut s'avérer être un engagement
solennel, un pari réussi ou une simple façon de
générer des recettes. Le festival de Gérardmer a encore de
beaux jours devant lui, comme le souligne avec enthousiasme Lionel
Chouchan1 : « Cela fait aujourd'hui 35 ans que je «
fantastique ». (...) Or je ne m'en lasse ni ne me plains. Parce que le
cinéma fantastique est un genre inépuisable et sans cesse
renouvelé. »
S'appuyant sur une communauté entreprenante et
souvent bénévole, motivée par une passion
débordante, les films d'horreur peuvent transiter par une multitude de
réseaux plus ou moins artisanaux, allant de la soirée
privée au petit festival acquérant une renommée nationale.
D'autre part, ils bénéficient du soutien de professionnels
engagés dans le secteur, et se déploient dans des institutions
comme le Festival de Gérardmer ou la Cinémathèque
Française.
1 Voir éditorial du programme de la
15e édition, p. 4
CHAPITRE 2 : LES Réseaux CLASSIQUES
DE LA Filière Cinématographique
A côté de ces petits réseaux
spécialisés, les films d'horreur sont présents dans le
marché traditionnel du cinéma, allant de la sortie en salles
à la programmation télévisuelle en passant par
l'édition vidéo. Comment s'insèrent-ils dans cette
économie mouvementée et concurrentielle, où de petites
entreprises côtoient des géants. Comment se font-ils une place au
sein de l'offre généraliste ? Bénéficient-ils de
réseaux spécialisés ?
2.1. Le cinéma, un lieu vénéré
mais délaissé...
2.1.1. Les films d'horreur dans l'univers des salles
Malgré la récente apparition des cartes
illimitées et d'offres promotionnelles diverses (qui ne sont pas du
goût de tout le monde), la sortie cinématographique est devenue un
luxe, comme l'affirme Christophe Lemaire1. Avec une
fréquentation qui oscille selon les années mais n'est pas
tombée en dessous de 170 millions d'entrées annuelles depuis
1998, donnant la prééminence aux films américains, on en
peut cependant pas affirmer que les salles obscures n'attirent plus. Mais avec
la multiplication des médias et la diversification des offres et des
technologies domestiques et mobiles, le cinéma n'est plus le lieu
privilégié de découverte de films, d'autant plus pour des
films qui sont moins bien accueillis dans la sphère
cinématographique comme les films d'horreur. En effet, si
régulièrement des films d'horreur caracolent en tête du box
office américain (l'horreur aurait rapporté 586 millions de
dollars en 2006, 444 millions en 2005 et 388 millions en 20042),
force est de constater que cette frénésie n'atteint pas les
mêmes sommets en France. Les Français n'ont jamais
été très friands de films fantastique/horreur. Pour
preuve, le classement des plus grands succès réalisés dans
les salles obscures de 1945 à 20073 ne voit apparaître
qu'à la 88eme place un film d'horreur ; L'Exorciste (1974)
1 Voir entretien mené le 24.07.2008, annexe
n°26, p.66
2 Source Nielsen EDI, in article Le film d'horreur
atteint des sommets en 2006 par Emmanuel Paquette, Les Echos du 15
février 2007, annexe n°6, p.20
3 Bilan 2007, CNC
de William Friedkin, avec 6,7 millions d'entrées. Sur
202 films répertoriés ayant totalisé plus de 5 millions
d'entrées il n'y a guère que ce dernier et Les dents de la
mer (1976) de Steven Spielberg (à la 117eme place avec 6,26
millions d'entrées) qui peuvent réellement être
qualifiés d'horreur, d'autres frisant avec le fantastique (les 6
épisodes de la saga de La Guerre des Etoiles de Georges Lucas)
ou l'anticipation (Independance Day de Roland Emmerich, 1996). Si le
journaliste Emmanuel Paquette assure qu'en 2006, « 4,716 millions de
spectateurs se sont retrouvés dans les salles obscures pour se faire
peur1 », il convient de considérer ces chiffres avec
précaution (notamment à cause de l'absence de définition
fournie). Car en France, les films fantastique/horreur ne dépassent que
rarement les 500 000 entrées. Si Je suis une légende
(2007) de Francis Lawrence, a cumulé 1,83 millions
d'entrées2, cela est sans nul doute plus du à la
renommée de l'acteur principal, Will Smith, qu'au genre en
lui-même, l'adaptation du livre culte de Richard Matheson étant
perçue comme relativement « soft » par les fans3.
Afin de cerner l'ampleur des films d'horreur projetés sur les
écrans français, il convient d'étudier de plus près
leur distribution et leur programmation auprès des exploitants de
salles.
2.1.2. Le premier filtrage des distributeurs ?
Si la production de films d'horreur est difficile en France,
car ne bénéficiant pas de soutiens de la part des institutions
publiques, elle ne l'est en revanche pas outre- Atlantique. Malgré
l'impossibilité de cerner l'exhaustivité du marché
mondial, nous pouvons affirmer que la grande majorité des films de ce
genre diffusés en France viennent des Etats-Unis, dépassant
largement le ratio calculé pour l'ensemble des films projetés
dans les salles obscures hexagonales, qui se situe à plus de la
moitié en 2007 sans distinction de genre4. Beaucoup de films
d'horreur sont aujourd'hui financés par des firmes américaines
qui ont à la fois une place importante sur le marché mondial et
une tradition de production de films horrifiques, comme Universal
(Horribilis, Frankenstein 2008,...) ou Lions Gate Films Inc.
(Saw, Hostel, The Eye,...). Les producteurs
états- uniens ne rechignent pas à s'engager sur ce genre de
films, aux côtés d'autres genres comme l'action ou la
comédie, considérant que celui-ci fait entièrement partie
de l'économie du cinéma et qu'il a une légitimité
à être exploitée (que les motivations soient
économiques ou artistiques). Comme le rappelle le réalisateur
Michel Leray, « les personnes travaillant dans la filière
cinématographique américaine, malgré un important
turn-over qui fait avorter de nombreuses initiatives, prennent beaucoup plus de
risques
1 Article, Le film d'horreur atteint des sommets
en 2006, op. cit.
2 Bilan 2007, CNC
3 Voir réactions sur le forum de Mad Movies
après la sortie du film
4 Source CNC
que les Européens et les Français, notamment sur
les films de genre1. » Et cela se vérifie au niveau des
statistiques officielles établies par le CNC et le Film Français,
portant sur la nationalité des longs-métrages distribués
en France de 2004 à 2006. Le genre répertorié
action/science-fiction (où sont rangés les films d'horreur) est
la catégorie où le rapport films américains/films
français désigne clairement la suprématie
états-unienne, avant le policier et le jeune public. D'autre part, on
remarque que le genre action/science-fiction est le genre venant des Etats-Unis
le plus distribué en France, totalisant 30% des films
états-uniens. En revanche, c'est le 3e genre français
le moins distribué dans son propre pays, avec seulement 8% des films.
Afin de mesurer la part réelle des films d'horreur
distribués, il faut procéder à une sélection
empirique, effectuée à partir des longs-métrages
déposés auprès du CNC en 20062 (la liste
détaillée de la distribution pour l'année 2007
n'étant pas encore parue). La première observation montre que la
part des films américains est importante et représente 36%, avec
171 oeuvres longues. Cependant, la part des films français et
coproductions françaises s'évalue à 40%, soit 191 films
(dont 26 sont des coproductions françaises minoritaires)3. Au
sein de ces données, à quelle hauteur se situe la part des films
d'horreur ? Le relevé composé à partir de la liste
complète des oeuvres longues déposées cette
année-ci comptabilise 23 films pouvant être classés dans
une catégorie horreur, en y incluant quelques thrillers et films
d'action horrifiques dans un souci d'exhaustivité4. En part
du total des films, ceux-ci représentent 4,8% des 479 oeuvres
déposées en 2006, ce qui est relativement peu, puisque cela
correspond quasiment au nombre de nouveaux films à l'affiche chaque
semaine dans les salles françaises. Parmi ceux-ci figurent 20 films
étrangers (sur 279, soit 7% du total), dont 17 états-uniens (sur
171, soit 10%), et 3 films français ou coproductions (sur 191, soit 1,6%
du total). Représentant moins de 10% des films distribués, sur
l'exemple de 2006 qui semble assez représentatif de la tendance
actuelle, nous pouvons affirmer que le marché de la distribution des
films d'horreur est un créneau restreint sur lequel se lancent des
distributeurs divers et variés. En effet, les plus prolifiques au sein
de ce genre sont des filiales de distributeurs et producteurs américains
: Metropolitan Film Export (5 films), Gaumont Columbia Tristar (4 films) et
Twentieth Century Fox (3 films). Cependant, on ne peut pas parler de
distributeurs spécialisés, car si un certain nombre de films
d'horreur
1 Entretien mené le 17/07/08, annexe n°25,
p.63
2 Liste des longs-métrages français et
importés déposés en 2006, dépôt légal
du CNC. Pour ceux-ci, l'obligation légale de dépôt concerne
les producteurs de films français et distributeurs de films
étrangers diffusés en salles, dans un délai d'un mois
à compter de la première représentation.
3 Statistiques établies à partir du
tableau Origines des longs-métrages déposés en 2006,
dépôt légal du CNC
4 Liste des films d'horreur déposés en
2006, annexes n°40 et 40bis, p. 124-125
figurent à leur catalogue, ils côtoient d'autres
genres filmiques tels l'action (Death Sentence, John Rambo),
la comédie romantique (27 robes, Je crois que j'aime ma
femme) ou encore l'animation (Horton, Les Rebelles de la
forêt). S'il peut exister des éditeurs/distributeurs
quasiment entièrement dédiés au fantastique/horreur dans
le monde de la vidéo, il semble que cela ne soit pas une
réalité au sein du marché de la distribution salles. D'une
part, cela se vérifie à travers le fait que la majorité
des films d'horreur transitent par des distributeurs bénéficiant
de structures internationales, faisant partie de l'oligopole du top 10 (qui
réalisent près de 75% du total des encaissements), au regard du
classement 2006 du CNC : 1er rang pour Gaumont Columbia (le
groupement d'intérêt économique créé en 2004
a été dissout en 2007, Columbia ayant depuis
réintégré Sony pour son activité de distribution,
se situant désormais à la 5eme place du classement), 2e place
pour Twentieth Century Fox (relégué à la 4e
place l'année suivante) et 10e place pour Metropolitan Film
Export (passé à la 7e place en 2007). D'autre part,
à côté de ces compagnies disposant de filiales dans de
nombreux pays du monde, il semble qu'il n'y ait guère de distributeurs
plus petits capables d'importer des films d'horreur étrangers en France.
Parmi une centaine de distributeurs France en exercice chaque année,
seule une dizaine réservent une place au cinéma
fantastique/horreur au sein de leur catalogue.
Parmi les distributeurs français, quelques uns
n'hésitent pas à se positionner sur l'horreur. Trois d'entre eux
s'en détachent particulièrement ; il s'agit de La Fabrique de
Films, de Mars Distribution et de Bac Films. Cette dernière a
réalisé quelques unes des plus importantes sorties
fantastique/horreur de 2008 : Eden Log de Franck Vestiel, Diary of
the Dead de George A. Romero ou encore Shrooms de Paddy
Breathnach. D'autre part Mars Distribution, qui appartenait au groupe
StudioCanal jusqu'à la fin de l'année 2007, totalise plus d'une
douzaine de films d'horreur depuis 1999, dont les récents Ils
et The Eye de Xavier Palud et David Moreau, qui ont réuni
chacun plus de 250 000 entrées. Cependant, ces distributeurs ne
développent pas de réel discours sur le créneau
horrifique, contrairement à la Fabrique de Films, qui, engagé
depuis 2003 dans le secteur et à l'origine du Club du Vendredi 13, tend
à défendre le cinéma de genre en France. C'est avec des
films tel que A l'Intérieur, d'Alexandre Bustillo et Julien
Maury (dont la Fabrique de Films est également producteur), The
Descent de Neil Marshall ou encore les comédies horrifiques
anglaises Shaun of the Dead d'Edgar Wright ou Bienvenue au
Cottage de Paul Andrew Williams, qu'a émergé cette petite
structure et lui a tout de suite procuré une visibilité sur le
marché européen du cinéma d'horreur. Cependant, il semble
que leur discours soit plus axé sur la rentabilité que sur
l'amour du genre, beaucoup de professionnels du milieu les accusant
d'être des opportunistes. Mais au regard de ces résultats, peut-on
croire à une quelconque pénurie ou difficulté de
distribution ?
Philippe Lux, directeur de la programmation chez Le
Pacte1 a contribué à répondre à ces
questions. Ce distributeur a notamment sorti [Rec] de Jaume Balaguero
et Paco Plaza, qui s'avère être pour le moment le plus gros
succès de ces dernières années dans le registre de
l'horreur, avec plus de 550 000 entrées en France. Malgré une
réelle volonté de sortir des films de genre horrifique, Le Pacte
assure une ligne éditoriale résolument tournée vers le
cinéma d'auteur : « Nous voulons essentiellement distribuer des
films de genre, selon nos coups de coeur, pas dans une logique d'exploitation.
(...) Nous ne voulons pas faire des films de franchise, cela ne nous
intéresse pas. Nous laissons les Saw et Hostel
à des gens qui cherchent plus l'argent que la qualité, qui
effectuent un racolage sur un genre qui finit toujours par s'épuiser au
bout d'un moment. (...) Notre politique relève plus de la
création de l'envie que de la curiosité malsaine2.
» En effet, le survival espagnol Les Proies de Gonzalo
Lopez-Gallego côtoie dans son catalogue des films comme Valse avec
Bachir d'Ari Folman. L'année prochaine, il assurera la sortie en
France de deux films fantastiques/horreur coréens et du prochain film de
Yanick Dahan, La Horde, connu pour son émission 100% Frisson
sur Ciné Cinéma Frisson. Cette diversité ne semble
cependant pas poser de problème et est au contraire nécessaire
car une spécificité sur l'horreur ne semblerait pas viable aux
yeux de Philippe Lux : « il n'y a pas de distributeur
spécialisé dans les films d'horreur, et a fortiori de genre, en
France. Et il ne me semble pas qu'une telle stratégie soit envisageable.
En effet, le distributeur est l'acteur de la filière
cinématographique qui prend le plus de risques et qui met en jeu le plus
de fonds : les frais d'édition et de promotion sont considérables
(tirage, doublage des copies, affichage, films-annonces,...). Résultat,
le distributeur doit tenter de maximiser au mieux les sorties en salles,
d'où cet énorme travail fourni par le service marketing. »
Malgré le succès de [Rec], Philippe Lux assure que la
valorisation et a fortiori la rentabilisation en salles de ce genre de
cinéma, particulièrement lorsqu'il est français, est un
pari, qui souvent se solde par une déception. Elle n'est pas impossible,
comme l'atteste son expérience, mais reste difficile. Subordonnés
d'un côté à la production, de l'autre aux exploitants, les
distributeurs jouent les intermédiaires entre ces deux bouts de la
filière cinématographique, faisant en sorte de les relier au
mieux, tout en assurant la pérennité de leur activité
auprès de ces deux acteurs essentiels du marché.
1 Une nouvelle société de distribution
créée en février 2007 par Jean Labadie, en association
avec Wild Side.
2 Entretien mené le 24/07/08, annexe n°27,
p.70
2.1.3. Horreur chez les exploitants
Dans cette position, c'est le distributeur, qui, par les
négociations avec les exploitants, définit le nombre de copies
à livrer à ceux-ci. Il se dégage alors nettement deux
types de films : ceux bénéficiant d'un nombre de copies
supérieur à 100 et ceux qui ne les atteignent pas, alors que la
moyenne pour un film inédit se situe aux environs de 135 copies. D'un
côté, il s'agit de Wolf Creek de Greg Mc Lean, de
Cloverfield de J.J. Abrams ou encore de Diary of the Dead de
George A. Romero ; de l'autre de The Mist de Franck Darabont, des
Ruines de Carter Smith ou encore des Proies de Gonzalo
LopezGallego. Un premier filtrage semble s'effectuer par les mécanismes
de l'offre et de la demande, géré par les distributeurs, qui
tendent à maximiser les dépenses en louant le plus de copies, et
les exploitants qui assurent un turn-over rapide afin de satisfaire l'exigence
de renouveau permanente du public. En effet, les films restent en moyenne deux
semaines à l'affiche et le nombre de copies exploitées la
deuxième semaine baisse sensiblement, sauf exceptions, comme
[Rec] qui est resté 5 semaines à l'affiche.
2.1.3.1. Du rififi dans les circuits...
L'épisode de Saw III a particulièrement
contribué à faire apparaître au grand jour les
réticences des principaux circuits d'exploitation vis-à-vis des
films d'horreur. La perspective de défoulement et le flot de violence
déversé sur les écrans sont perçus comme les
caractéristiques essentielles de ce genre de cinéma, notamment
depuis la vague des torture-flick, qui ont cependant été
programmés dans tous les circuits, de salles indépendantes aux
multiplexes. Mais les projections du troisième volet de la saga ont
donné lieu à des incidents, qui non seulement ont
contribué à ternir encore plus l'image négative du film
d'horreur, mais ont entraîné des réactions
immédiates de la part de certains exploitants. En effet Guy Verecchia,
PDG d'UGC, a annoncé qu'à la suite de l'exploitation de Saw
III, il décidait de bannir de sa programmation tous les films
interdits aux moins de 18 ans1. Lors de la projection de ce film
relevant de la catégorie IV, il y avait eu quelques incidents dans des
salles de banlieue ; des groupes d'individus avaient dégradé des
équipements hors et à l'intérieur des salles à
l'occasion de ces séances, programmées en deuxième partie
de soirée. D'autre part, le contrôle des identités,
renforcé pour ce type de séances, s'était
avéré difficile et les vigiles se sont vite retrouvés
débordés. Cependant, pour éviter ce genre d'incidents, le
déploiement d'une force de sécurité supplémentaire
semble être une pratique fréquente, comme l'atteste Eric
1 « Quand ces films risquent de poser des problèmes
avec une clientèle un peu abrasive, on les évite. D'autant que
nous avons déjà eu des incidents dans certaines salles », Le
Monde du 8 février 2008, annexe n°12, p.31
Meyniel, directeur de programmation chez Kinépolis :
« Evidemment, dès qu'une restriction de censure intervient, la
sécurité est un point important. Nous renforçons les
contrôles d'âge, nous portons une attention particulière au
sentiment de sécurité, d'autant que les séances les plus
fortes se trouvent être à 22h001 ». Si ces
accrochages ont probablement encouragé les exploitants à se
méfier davantage de ce genre de films depuis l'an dernier, surtout s'ils
sont interdits aux moins de 16 ou 18 ans, cette réticence existe depuis
longtemps, comme l'affirme Philippe Lux : « Les films d'horreur ont
toujours eu mauvaise presse auprès des exploitants, à cause du
genre en lui-même mais aussi du public qu'ils attirent, dont le
comportement exubérant (voire violent) n'est pas toujours du goût
de ceux-ci. (...) Les programmateurs n'aiment pas trop ce genre de films en
général2. » En effet, même avant la tenue
de ces incidents, il s'avérait difficile de négocier
l'exploitation de films interdits aux moins de 16 ans, le refus était
catégorique, comme au sein du réseau Ciné-Alpes,
très conservateur, qui regroupe 160 salles principalement dans les
stations de ski. Il en était de même pour UGC, la distribution de
Dead or Alive de Takashi Miike négociée avec Wild Side
Films faisant figure d'exception. Or les exploitants ont compris que ce
créneau pouvait être rentable malgré le public quelque peu
turbulent. Aussi de nombreux films ont-ils été soutenus par des
circuits à travers l'attribution de labels : L'Orphelinat de
Juan Antonio Bayona a à ce titre reçu le label «
découverte UGC » et a été ainsi exploité dans
une grande partie des salles de son réseau. Un dilemme s'impose
dès lors à ces exploitants peu enclins à favoriser le
cinéma d'horreur frappé d'interdictions à l'occasion de la
sortie de Martyrs de Pascal Laugier : concourir à sa moindre
diffusion ou soutenir un film de genre français ? 3
Néanmoins tous les exploitants de salles ne partagent
pas cette méfiance et développent même un certain
volontarisme à cet égard. C'est par exemple le cas de
Kinépolis, dont Eric Meyniel nous explique la démarche : «
Il se trouve que parfois nous avons la possibilité de faire se
rencontrer public et auteurs de films de genre. Cela a été
effectivement le cas pour Frontières [en présence de
Xavier Gens] et pour La colline a des yeux avec Alexandre Aja. Ces
rencontres entre passionnés et public sont passionnantes4.
» La promotion de la diversité du cinéma est invoquée
en tant que fondement de cette démarche, sans volonté
particulière de contribuer à la mise en lumière d'un genre
particulier : « Il faut que chaque genre soit représenté.
Kinépolis intègre les films de genre dans un schéma normal
de programmation avec un souci de
1 Questionnaire adressé à Eric Meyniel,
annexe n°28, p.75
2 Voir entretien mené le 24/07/08, annexe
n°27, p.70
3 Malgré le nombre restreint de copies (environ
60), le film a été distribué dans les principaux circuits
et notamment UGC et Gaumont
4 Questionnaire adressé à Eric Meyniel,
op.cit.
qualité de film et de correspondance à un groupe
cible. Nous pourrions par exemple être amenés à refuser un
film d'horreur s'il en sortait 3 le même jour. Nous choisirions alors
celui qui nous semblerait le mieux correspondre à nos critères de
qualité et à notre public. (...) Forcément les genres
seront plus présents dans un cinéma de 23 salles que dans un
cinéma de 10 salles1. » Le but des multiplexes est de
ramener les spectateurs qui s'étaient éloignés du
cinéma, dans les salles obscures, pas d'en convaincre les
cinéphiles, qui n'ont pas abandonné la culture de la sortie au
cinéma2. Leur politique éditoriale doit être la
plus large possible, « populaire et fédérateur » selon
les mots de Philippe Lux. Dans une telle logique, on peut dès lors
comprendre que les films de genre n'ont guère de place
privilégiée dans de telles structures, qui concentrent plus de la
moitié de la fréquentation cinématographique et environ
35% des fauteuils et des écrans en 20073.
2.1.3.2. Les salles indépendantes : quelle place
pour le
fantastique/horreur ?
Dans l'après-guerre, des salles indépendantes
étaient spécialisées dans le fantastique et drainaient une
foule de gens mondains qui voulaient se faire peur, diffusant surtout des films
de la Hammer. On en comptait cinq, toutes situés sur les Grands
Boulevards à Paris : le Styx, le Mexico, le Colorado, le Midi-Minuit et
le Brady. Les quatre premiers n'ont guère perduré au-delà
du milieu des années 1960, les spectateurs se faisant plus rares avec la
démocratisation du média télévisuel et la fin des
films gothiques anglais. Le public aimant se faire peur avec les montres
classiques n'est pas le même que celui qui voit naître le
cinéma gore et le giallo : plus jeune, moins riche et recherchant la
provocation. Un conflit de génération en somme. Cependant, le
Brady était encore dédié au cinéma fantastique
jusque dans les années 1970, assure Christophe Lemaire, qui a bien connu
l'ambiance de ce lieu mythique, connu dans le monde entier. Mais le
cinéma indépendant a été repris par Jean-Pierre
Mocky, qui programme toujours des séances fantastique/horreur mais n'en
fait plus son fonds de commerce exclusif.4 Une autre salle
était également réputée pour ses projections de
films d'horreur, il s'agit de l'Orient-Express au forum des Halles à
Paris, faisant partie du groupe UGC mais dirigé par une équipe
désireuse de concourir à la diffusion du cinéma dans sa
diversité. Cette salle est connue de tous les amoureux de cinéma
fantastique et des cinémas à l'ancienne
1 idem
2 Voir statistiques du CNC sur fréquentation
des salles ; la majorité en sont des clients fidèles
3 Bilan 2007, CNC, chapitre 9
4 Il a frisé la fermeture en 2002, ne
bénéficiait pas du statut de salles d'Art et Essai et les aides
n'étaient pas suffisantes pour alimenter ses frais de fonctionnement
(les vibrations du métro et l'état de
délabrement des sièges l'ont rendue célèbre). Par
exemple elle était une des rares salles à projeter en même
temps deux films d'horreur la première semaine de mars 2008 : The
Mist de Franck Darabont (programmé dans 40 salles la
première semaine, 22 la deuxième1) et 2eme
sous-sol produit par Alexandre Aja (moins de 60 copies). Mais il semble
toutefois que cela constitue une exception au regard de la programmation
habituelle, qui reste tout de même similaire à celle des autres
cinémas. Force est de constater qu'aujourd'hui, il n'y a plus
guère de salles uniquement axées sur le fantastique (et encore
moins sur l'horreur).
Cependant, avec la récente polémique autour du
manque de visibilité des films de genre, il semblerait que quelques
personnes faisant partie du Club du Vendredi 13 songent à un tel projet.
Or les salles généralistes on déjà du mal à
faire face à la montée du marché DVD,
télévisuel et maintenant Internet, qui permet une consommation
moins contraignante et perçue comme moins chère aux yeux des
consommateurs d'images domestiques. Y'a-t-il une place pour des salles
spécialisées dans les films de genre, bis ou fantastique/horreur
? Malgré l'importance relative des films d'horreur au cinéma, la
production agréée ne permettrait pas de programmer des salles
entièrement avec ces films, puisque dans les meilleurs cas, il y a 2 ou
3 films d'horreur à l'affiche par semaine, guère plus. Etant les
partenaires privilégiés des festivals, les cinémas
indépendants peuvent diffuser plus de films d'horreur que les circuits,
disposant d'une plus grande liberté de programmation. Or à peu
près la moitié de celles-ci sont classées Art et Essai, ce
qui induit des impératifs de programmation. En effet, le classement des
salles pouvant en bénéficier s'effectue sur avis de la commission
Art et Essai du CNC, qui procède selon plusieurs
critères2. Les films recommandés Art et Essai -dont
près de la moitié sont français- pèsent pour
près de 75% dans ces salles agréées en 20053,
qui peuvent dès lors bénéficier de fonds
supplémentaires, pour financer leur fonctionnement quotidien. « EN
2005, l'offre de nouveaux films recommandés Art et Essai se compose de
30,6% de comédies dramatiques et de 27% de drames. Les deux autres
genres représentant une part importante des films recommandés
nouveaux sont le documentaire et la comédie4. » Il
semble dès lors que parmi eux, les films fantastiques, de genre ou
d'horreur n'aient pas leur place. Pourtant, les critères définis
par décret pour la recommandation de films relevant de cette
catégorie pourraient s'appliquer à plus d'un film de genre :
« oeuvres cinématographiques ayant un caractère de recherche
ou de nouveauté dans le domaine
1 Source CBO- Box Office
2 Dont les principaux sont la proportion de films
recommandés Art et Essai et l'importance démographique de
l'unité urbaine dans laquelle est situé le lieu de projection.
3 Etude Les salles Art et Essai, CNC, octobre
2006
4 Etude L'exploitation des films
recommandés Art et Essai, CNC, octobre 2006
cinématographique ; oeuvres présentant
d'incontestables qualités mais n'ayant pas obtenues l'audience qu'elles
méritaient ; oeuvres de reprise présentant un
intérêt artistique ou historique1». On comprend la
logique de cette démarche qui fait primer l'esthétique et le
propos, l'apport et l'intérêt pour l'art cinématographique.
Or des films qui aujourd'hui sont reconnus comme des monuments de l'histoire du
cinéma étaient à leur époque raillés
à cause de leur côté trop commercial, comme
l'étaient les oeuvres d'Hitchcock.2 Et on ne compte pas
l'apport du cinéma fantastique/horreur au 7e art,
influençant de nombreux réalisateurs et scénaristes, de
Luis Bunuel à David Cronenberg.
2.2. ...Au profit d'un marché vidéo plus
adapté ?
2.2.1. De la VHS au DVD : données chiffrées
et réglementation
La domestication de la consommation cinématographique
est une des pratiques culturelles les plus flagrantes de ces trente
dernières années. Le taux d'équipement en
magnétoscopes des foyers français disposant de la
télévision est passé de 1,2% en 1980 à 43,4% en
19903. S'il tend à décliner depuis quelques
années, avec l'arrivée du DVD et de ses améliorations
technologiques comme le Blu-Ray, se manifestant par une baisse en unités
de 85% et de 50% en termes de chiffre d'affaires entre 2006 et
20074, il reste un objet culte pour de nombreux cinéphiles.
La VHS était un moyen peu coûteux et facile à
écouler, contrairement au DVD où le coût réel en
première exploitation s'établit aux alentours de 10 euros. C'est
ce qui expliquait la présence de nombreux éditeurs sur le
créneau de l'horreur. Cependant, il s'avère difficile
d'évaluer cette ampleur, observée empiriquement et
attestée par tous les acteurs que nous avons pu rencontrer, les
catalogues VHS des éditeurs/distributeurs encore présents sur le
marché ayant beaucoup diminué voire disparu, et les nombreuses
sociétés s'étant dissoutes ou reconverties à la
suite de ces évolutions technologiques. Aujourd'hui, le taux de
pénétration des lecteurs DVD dans les foyers français
s'établit à un peu moins de 85%5, notamment
grâce aux baisses de prix réalisées depuis ces
dernières années sur ces équipements devenus largement
abordables, malgré un recul des achats de plus de 30% au cours de ces
deux
1 Décret n° 2002-568 du 22 avril 2002
2 « Déjà, il y a cinquante ans, les critiques
des Cahiers du cinéma désignaient Alfred Hitchcock ou Howard
Hawks comme de grands artistes alors que leurs films relevaient d'un
cinéma dit commercial », Jean- François Rauger, interview
réalisée par Marie Bigorie, op. cit.
3 Laurent Jullier, op. cit. p.17
4 Le marché de la vidéo en 2007,
étude CNC, mars 2008
5 Bilan 2007, chapitre 10 : La vidéo, CNC
dernières années. Si le DVD capte la
quasi-totalité du marché de la vidéo (il en
représente 99,8%), ses achats sont en recul de façon
consécutive depuis deux ans, concurrencés par les technologies
issues de la dématérialisation des supports tels la VOD ou la
TMP1. Il reste néanmoins un support facile à
commercialiser. S'il existe une commission de classification a priori pour les
films sortant en salles, il n'en est rien en ce qui concerne le domaine de la
vidéo. Une commission de contrôle a posteriori a bien
été mise en place mais son inefficacité ainsi que
l'autorégulation du marché la rendent obsolète.
Néanmoins, les éditeurs et distributeurs de films en vidéo
respectent les visas du CNC émis lors des sorties salles, qui doivent
figurer sur l'emballage du DVD, et attribuent eux-mêmes des
recommandations ou des interdictions si ceux-ci ne disposaient pas de visa. En
ce qui concerne les films d'horreur, cette pratique est admise. Parmi ceux
n'ayant pas fait l'objet d'une exploitation préalable, beaucoup sont
déconseillés aux moins de 16 ans, même les plus violents,
comme les courts-métrages Guinea Pig ou les productions Uncut.
Si affirmer que la distribution de vidéos n'ayant pas fait l'objet d'une
sortie cinéma est une donnée qu'il ne faut pas négliger,
surtout lorsqu'il s'agit de films d'horreur, il s'avère impossible de
chiffrer convenablement ce phénomène, les études du CNC
sur le marché de la vidéo ne répertoriant que les films
ayant obtenu un visa d'exploitation.
2.2.2. Et les films d'horreur dans tout çà
?
Dans la même logique d'absence qui caractérise le
cinéma horrifique au box office français depuis la fin de la
guerre, on ne compte aucun film d'horreur sur les 100 meilleures ventes de
films en vidéo de 1992 à 20072. Cependant, l'analyse
de ce même classement portant sur la seule année 2005
révèle la présence de trois films d'horreur dans la
deuxième moitié de la liste : Resident Evil : Apocalypse
d'Alexander Witt, Saw de James Wan et The Grudge de Takashi
Shimizu, respectivement au 59e, 93e et 95e
rang3. Il convient toutefois de relativiser fortement ces
résultats, ceux-ci étant évalués sur base
déclarative des éditeurs/distributeurs. En outre, de nombreux
articles économiques affirment la bonne santé du secteur, dans un
marché déjà déclinant, correspondant à un
chiffre d'affaires de 25 millions d'euros au rayon horreur en 20074
(sur un total de 1,481 milliards d'euros, comptant le film pour plus de 750
millions d'euros, le hors-film pour plus
1 Qui a cependant toujours du mal à
décoller réellement, d'autant plus que les derniers chiffres de
la consommation culturelle révélaient une hausse des ventes DVD
en septembre-octobre 2008
2 Bilan 2007, chapitre 10 : La vidéo, CNC
3 Avec respectivement 209 115, 112 305 et 11110 340
copies déclarées
4 Article Le film d'horreur atteint des sommets en
2006, par Emmanuel Paquette, Les Echos du 15/02/07, annexe n°6,
p.20
de 650 millions d'euros et les opérations
promotionnelles pour environ 40 millions d'euros1). « au rayon
horreur, le DVD a connu l'an dernier une croissance de 25% en France alors que
le marché du DVD broie du noir2. » En effet, comme
l'explique Muriel Becker, analyste chez GFK3, 6 titres du genre
horrifique ont dépassé le million d'euros de recettes, alors
qu'en 2005, il n'y en avait qu'un. On peut dès lors se demander comment
se caractérise ce marché qui semble profitable aux films
d'horreur, offrant une visibilité aux oeuvres n'étant pas sorties
en salles et valorisant nettement les oeuvres déjà
exploitées.
2.2.3.1. Des éditeurs/distributeurs
généralistes entreprenants
Si l'horreur ne fait pas l'objet d'une politique
éditoriale spécifique de la part des gros éditeurs,
non-spécialistes, ceux-ci en proposent tout de même un nombre non
négligeable. Nous en avons relevé 80, dans une perspective
non-exhaustive, réalisant plus de 50 unités de vente par semaine
début février4, dont plus de la moitié sont
commercialisés par 5 distributeurs leaders du marché, que sont
TF1 Vidéo (16 films), GCTHV et USCV (15 films chacun), FPE (14 films) et
Seven 7 (9 films). OEuvrant dans une logique de positionnement et de recherche
de rentabilité sur tous les genres, à la manière des
distributeurs cinéma, il semble néanmoins que les éditeurs
vidéo prennent moins de risques, étant pratiquement au bout de la
chaîne de consommation cinématographique. Comme le rappelle
Philippe Lux : «Nous devons effectuer un énorme travail en amont,
que la vidéo n'a ensuite qu'à adapter à moindre frais pour
son exploitation5 ». En effet, si les frais d'éditions
d'un DVD sont plus élevés que ceux d'une VHS, ils sont
naturellement décroissants avec les effets de structure dont
bénéficient les éditeurs qui ont une place importante sur
le marché de la vidéo. De plus, ils peuvent reprendre tout les
supports publicitaires qui ont déjà été
créés auparavant, ce qui permet d'économiser sur les
sorties de second plan, pour lesquelles il n'y aura qu'un packaging restreint.
Par exemple, pour certains films particulièrement mis en avant, des
coffrets collectors limités sont édités -comprenant plus
de bonus, donc ayant fait l'objet d'un travail supplémentaire
spécifique à l'édition vidéo- alors que d'autres ne
bénéficieront que d'un simple fourreau. Lorsqu'un film a
très bien marché en salles, les éditeurs/distributeurs ne
déploient pas d'énormes moyens pour en faire la promotion lors de
sa sortie en vidéo. Le titre se suffit à lui-même et est
à lui seul un gage de qualité.
1 Bilan 2007, chapitre 10 : La vidéo, CNC
2 Article Le film d'horreur atteint des sommets en
2006, op. cit.
3 idem
4 Voir tableau des films relevés sur
baromètre GFK, annexe n°42, p.129
5 Voir entretien, op. cit., annexe n°27, p.70
A l'inverse, des films ayant moins bien fonctionné en
salles, comme Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, doivent
être valorisés sur le mode de la différenciation du produit
présenté en salles. C'est notamment ce qu'a fait l'éditeur
Wild Side avec ce film, en le repositionnant clairement en horreur (alors qu'il
avait été présenté comme un film
fantastique/merveilleux) et en développant au moins deux éditions
spéciales, avec de nombreux produits dérivés à
gagner lors de concours avec des partenaires média et des enseignes. On
peut dès lors supposer, au regard de ces pratiques, que les firmes
éditant des films de type Saw, qui ne développent que
peu de matériel annexe, s'adressent avant tout à un public
composé essentiellement de consommateurs, alors que d'autres
éditeurs s'attellent à toucher des collectionneurs et des fans,
curieux d'en savoir plus sur le film et sur son univers, en même temps
que d'autres clients moins assidus.
Afin d'étudier la démarche des
éditeurs/distributeurs importants, prenons l'exemple de TF1 Vidéo
dont le catalogue horreur comprend des titres importants comme Evil Dead,
Détour Mortel, Wolf Creek, Isolation et d'autres. Si ces sorties
DVD ne font pas l'objet d'une volonté particulièrement
tournée vers le genre qui nous intéresse, c'est parce qu'elles
sont principalement distribuées par TF1 pour le compte d'autres
éditeurs. Ces films proviennent principalement de deux éditeurs
américains que sont The Wienstein Company et Metropolitan Film Export
Home, dont TF1 assure la distribution du catalogue (ou bien une partie, cela
est mentionné dans le contrat) pour la France. La présence, plus
ou moins importante de films d'horreur dans beaucoup de catalogues
d'éditeurs/distributeurs généralistes, qui assurent une
distribution étendue à tout le territoire français, des
boutiques spécialisées et tous azimuts aux GSS (Grandes Surfaces
Spécialisées -type Fnac/Virgin- concentrant près de 37%
des achats de DVD à l'unité) et GSA (Grandes Surfaces
Alimentaires -type Leclerc/Auchan- qui captent 46% de part de marché),
atteste de l'importance marketing de ces produits. En effet, l'horreur fait
vendre et cela ne fait aucun doute au regard des chiffres et du nombre
d'opérations menées1. En mars 2008, TF1 a
également proposé plusieurs opérations mettant en jeu des
films d'horreur. D'une part, une importante « opération horreur
», qui signait les deuxième et troisième vies sur une liste
de 28 titres2. Parmi ceux-ci figuraient les trois premiers volets de
la saga Saw, qui totalisaient plus de 350 000 DVD vendus fin
févier. Ainsi au sein des titres qui se vendent à plus de 50
exemplaires au début de l'année 2008, la plupart des titres
récents atteignent des scores tout à fait satisfaisant au regard
des exigences de rentabilité des distributeurs. Le turn-over
étant très rapide et la valorisation du produit déclinant
promptement, un nombre important d'opérations
1 Voir chiffres de ventes des films relevés,
annexe n°42, p.133
2 Voir lifelet promotionnel fourni par Jean-Emmanuel
Papagno, annexe n°31, p.86
promotionnelles voient le jour (avec plus de 7,3 millions
d'unité vendues en 2007, pour un chiffre d'affaires de près de 41
millions d'euros, ne représentant cependant que 2,8% de part de
marché1). Toujours chez TF1 Vidéo, à l'occasion
de la sortie de Planet Terreur de Robert Rodriguez, une
opération de trade-marketing a été lancée dans les
GSA Leclerc : pour l'achat d'un DVD acheté, des réductions
étaient pratiquées sur une sélection d'autres oeuvres du
catalogue du distributeur. Ces pratiques, qui couplent nouveauté et
produits en seconde vie est très pratiquée depuis quelques
années au sein d'un marché DVD en phase de maturité. La
réactualisation des titres déjà édités ou
distribués est à la fois une nécessité
économique d'écoulement des stocks par une nouvelle exploitation
et constitue une aubaine pour les consommateurs qui souhaitent se procurer des
produits plus anciens à prix réduits. Les soldes sont
également l'occasion de réduire les prix des DVD en les rendant
plus attractifs, c'est ce qu'a réalisé Studio Canal, enseigne du
groupe Canal+ qui s'investit durablement sur ce créneau comme nous
l'avons vu en ce qui concerne la production française. En tant que
distributeur vidéo, une collection intitulée Midnight Movies
tient sa place à l'intérieur de son catalogue, qui réunit
44 titres aussi variés que Deallmorte Dellamore de Michele
Soavi ou Hurlements de Joe Dante. Parmi ces films, déjà
édités par la société, 20 ont fait l'objet d'une
vente à 6,99 euros, ce que l'on peut considérer comme une
3e exploitation.2 Néanmoins, ces opérations
et leur réussite, ainsi que les ventes quotidiennes sont soumises
à la bonne volonté et à la politique des points de ventes.
Si au sein des GSS le genre de l'horreur, toujours assimilé au
fantastique et à la science-fiction dans la dénomination des
rayons (Fnac et Virgin), a toujours été plus ou moins bien
représenté, l'offre en GSA était pendant longtemps
restreinte. Le développement récent du marché du DVD au
sein des hypermarchés a forcé sa diversité, mais de
nombreuses enseignes restent réticentes à ce type de films,
notamment Auchan, qui fait preuve d'une politique très conservatrice.
Mais Olivier Scamps, directeur de Neo Publishing, pourtant petit
éditeur, nous assure de la présence de ses produits dans les
rayons des GSA. L'intérêt pour les « director's
cut3 » et autres bonus, qui font la valeur ajoutée et
permettent la différenciation des produits, a dopé le
marché, qui se porte désormais sur l'atout de mobilité
avec la Vidéo à la Demande (VOD) et la Télévision
Mobile Personnelle (TMP), dans lesquelles s'engouffrent tous les
éditeurs vidéo, du groupe Canal + (avec la plate-forme Canal
Play) à Neo Publishing.
1 Le marché de la vidéo en 2007,
étude CNC, mars 2008
2 D'autre part, mentionnons tout de même la
présence au sein de collections spécialisées dans les
réalisateurs et acteurs cultes d'une série dédiée
à John Carpenter (comprenant 4 films : Fog, New York 1997, Le Prince
des Ténèbres et Invasion Los Angeles), aux
côtés d'autres « grands du cinéma » comme
Jean-Luc Godard ou Jean-Paul Belmondo. Le fantastique au même rang que la
Nouvelle Vague ? Intéressant...
3 Version du film établie par le
réalisateur lui-même, les producteurs ayant le dernier mot en ce
qui concerne le montage final dans les pratiques anglo-saxonnes (ce qui donne
lieu à des conflits récurrents)
2.2.3.2. Les éditeurs spécialisés :
une survie difficile
A côté de ces géants, un petit nombre
d'éditeurs/distributeurs assure la pérennité de la
diffusion des films d'horreur plus ou moins récents en France. Cependant
il faut compter avec une concurrence qui n'est pas positionnée
uniquement sur ce créneau-ci, dotée de moyens importants,
disposant d'une meilleure visibilité et de contrats avantageux avec les
éditeurs et les producteurs. Les entreprises d'édition et/ou de
distribution de films d'horreur, gores, de gialli ou de thrillers sont assez
rares. Il en existe tout de même et parmi elles les deux plus importantes
en France sont probablement Uncut Movies et Neo Publishing (citons
également Free Dolphin ou encore Opening, qui visiblement est en
dépôt de bilan). Connues et reconnues des fans par et pour leur
exclusivité, créées par des passionnés, ces
sociétés ne disposent pas de catalogues très fournis mais
les références qu'elles proposent s'imposent d'elles-mêmes.
En effet Neo Publishing1 propose entre autres L'Enfer des
Zombies de Lucio Fulci, Cannibal Ferox d'Umberto Lenzi ou encore
Le Dernier Monde Cannibale de Ruggero Deodato, des films dits «
cultes » et disposant même d'une rubrique appropriée. Le
principal reproche fait à ces éditeurs est la cherté des
exemplaires (rarement en dessous de 15 euros), invoquée par des
consommateurs qui ne sont plus prêts à payer ce prix pour des
produits qui ne sont pas des nouveautés. En effet on constate ces
dernières années que la baisse fulgurante des prix, les
2e et 3e vies des produits, les offres spéciales
et autres rabais ont ainsi conduit à fixer le prix psychologique d'un
DVD aux alentours de 10 euros, concordant depuis 2007 avec son prix moyen
à l'achat. Un des responsables d'Uncut Movies, éditeur
exerçant sous le régime associatif, explique cependant que les
achats de droits sont élevés et qu'ils ne peuvent baisser
excessivement les coûts sous peine de se retrouver avec un
résultat d'exploitation quasi-nul voire négatif2, les
petits éditeurs ne bénéficiant pas d'économies
d'échelle comme les entreprises les plus importantes.
Il apparaît dès lors que quelles que soit la
qualité et l'importance revêtues par
l'éditeur/distributeur, l'horreur fait l'objet de collections
spécifiques, allant du terme en général mêlé
au fantastique aux sous-genres plus pointus, comme l'a développé
Neo Publishing. Reconnu en tant que genre à part entière ou aux
côtés d'autres genres connexes, réalisant de bons chiffres
de ventes, étant synonyme de rentabilité d'une part ou
d'engagement passionnel d'autre part, sa place semble légitimée
au sein du marché vidéo. Reste à analyser un autre
média de consommation de masse, la télévision.
1 Entretien mené lundi 10 mars 2008, annexe
n°21, p.46
2 Interview sur
www.psychovision.net et
questionnaire, annexe n° 30, p. 81
2.3. La télévision
2.3.1. Les restrictions établies par le CSA
La télévision, au regard de ses
potentialités et de ses caractéristiques (consommation
domestique, perçue comme gratuite malgré la redevance
télévisuelle), permet de toucher un large public. Comme le
rappelle Philippe Coulangeon, « La télévision constitue,
dans l'ensemble du monde occidental et même au-delà, la principale
activité de loisir culturel1. » En 2007, 97,4% des
foyers étaient équipés en télévision, dont
42,6% possèdent plusieurs postes2. La multiplication des
offres télévisuelles, avec le développement des
fournisseurs d'accès à Internet, des bouquets satellite et de la
télévision numérique terrestre (plus de 89% de la
population métropolitaine y a accès) a encore accru la
diversité de la programmation et a modifié les comportements des
téléspectateurs. Grâce au développement de la
télévision « à la carte », remplaçant la
logique de flux continu des chaînes hertziennes, près de deux
tiers des foyers français équipés en
télévision accèdent désormais à 15
chaînes et plus3 (26% en 2005). Les
téléspectateurs peuvent maîtriser leur écoute de la
télévision, notamment avec la récente élaboration
des modems et disques durs enregistreurs ; le téléspectateur
passif qui faisait jusqu'alors office de stéréotype est bien en
train de disparaître, du moins potentiellement. Cependant, le temps
d'écoute de la télévision a peu progressé mais
reste toujours très élevé : En 2007, chaque
résident en France métropolitaine équipé d'au moins
un téléviseur a regardé son poste émetteur en
moyenne 3 heures et 27 minutes par jour. D'autre part, on remarque que la
présence d'enfants influe sur l `équipement technologique des
foyers, comme le montre une récente étude menée par
Médiamétrie, dont les conclusions sont les suivantes : «
Qu'il s'agisse de l'équipement télé, de la TNT, du
câble, du satellite, de l'ADSL et surtout, beaucoup plus encore, du
téléphone mobile, de l'ordinateur et de l'Internet haut
débit, la proportion des foyers équipés est
supérieure là où vivent des enfants de moins de 15 ans par
rapport aux foyers sans enfant de cette tranche d'âge4. »
Les enfants et les adolescents sont d'importants consommateurs d'appareils
électroniques liés au son et à l'image, et passent
beaucoup de temps devant la télévision, même si ce sont les
plus de 50 ans qui détiennent le record d'audience. Or on remarque que
la courbe d'audience des 4-14 ans est à peu près la même
que celle de
1 Philippe Coulangeon, Sociologie des pratiques
culturelles, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2005 p.
12
2 Les chiffres clés de l'audiovisuel, CSA,
Direction des études et de la prospective, 1er semestre 2008,
p. 5
3 Idem, p. 6
4 Source : Médiamat (Sept 2006 - Juin 2007)
sur
www.audiencelemag.fr,
publication du 24 avril 2008
l'audience télévisuelle des adultes, le pic du
midi et celui du prime sont à quelques exceptions près les
mêmes1. La même étude souligne le fait que la
consommation télé des 4-14 ans est plus importante que la moyenne
dans les foyers disposant d'une offre élargie. C'est en vertu de la
place qu'occupe la télévision dans les loisirs des jeunes que des
restrictions d'accès, qu'elles soient physiques (code parental, images
cryptées,...) ou relevant simplement de l'avertissement, ont
été mises en place. La liberté dont disposent les
diffuseurs devait être restreinte par une responsabilité
éthique, qui s'accorde avec la politique de protection de l'enfance
déjà étudiée avec les interdictions émises
par la commission de classification des oeuvres cinématographiques. Pour
la télévision, c'est le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel
(CSA, créé par le décret n° 89-518 du 26 juillet
1989) qui se charge d'établir et de faire respecter cette politique,
d'abord à travers une surveillance continue des chaînes ainsi que
par la mise en place de règles présidant à la diffusion
des programmes audiovisuels et des oeuvres cinématographiques à
la télévision.
En 1996, il a institué une signalétique
uniformisée (mesure effective en 1998 ; avant cette date, les
chaînes hertziennes disposaient de leurs propres pictogrammes) pour les
chaînes hertziennes, Canal + et les chaînes câblées
n'y étant soumises qu'à partir de 2000 et l'ensemble des
programmes à partir de 2001. Cette signalétique se basait sur un
code mêlant couleur et formes2. Or plusieurs rapports, et
notamment celui remis au ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon par
Blandine Kriegel en 2002, ont mis en évidence la nécessité
de clarifier ces signes. De nouveaux pictogrammes ont ainsi été
élaborés et appliqués, faisant apparaître clairement
la catégorie d'âge minimale conseillée pour regarder le
programme en question : -10, -12, -16, -18. Nous pouvons d'ores et
déjà souligner que par rapport à la classification
cinéma, une catégorie supplémentaire a été
instituée, celle des films déconseillés aux moins de 10
ans, qui pourrait correspondre au Tous Public + Avertissement. En effet, la
démarche du Conseil est différente de celle de la commission de
classification en raison de l'accessibilité plus aisée des
enfants au média télévisuel : « Ces classifications
correspondent à une recommandation du Conseil qui encourage les
chaînes à classer les films en catégorie III pour leur
passage à la télévision si leur violence ou l'impact
qu'ils peuvent avoir sur le jeune public le nécessite. La classification
des films établie par le ministre de la Culture correspond en effet
à une diffusion de ces films en salle. Programmés à la
télévision, ils peuvent être vus par de jeunes enfants,
sans démarche volontaire des familles. Il est
1 La consommation matinale est plus importante et
celle de l'après-midi débute plus tôt, vers 16h au lieu de
18h30
2 Rond bleu : accord parental souhaitable ; triangle
orange : accord parental indispensable ; carré rouge : interdit aux
moins de 16 ans ; croix violette : interdit aux moins de 18 ans
donc important de renforcer la vigilance des adultes par la
signalétique »1. Pour des films relevant en salles de la
catégorie II ou III, le CSA respecte la plupart du temps les
restrictions émises par le CNC lors de la délivrance du visa
d'exploitation. Par exemple, Candyman et Candyman 2,
diffusés sur M6 les 24/09 et 08/10 1998 à 22h402, dont
les visas étaient respectivement assortis d'une interdiction aux moins
de 16 ans et aux moins de 12 ans sont signalés en catégorie 4
(déconseillé aux moins de 16 ans) et 3 (déconseillé
aux moins de 12 ans). Cependant parmi les films classés Tous Public lors
de leur sortie en salles, un certain nombre se voit assortis d'un pictogramme
-10 ans.3 Aussi un film ayant été interdit aux moins
de 12 ans lors de sa sortie en salles peut-il souvent se voir attribuer une
restriction aux moins de 16 ans lors de sa diffusion
télévisuelle, et en particulier lorsqu'il s'agit de films
d'horreur, qui se voient régulièrement appliquer cette pratique.
Ce durcissement de la signalétique est très souvent
appliqué lorsqu'un avertissement accompagnait le visa d'exploitation
d'un film4, comme l'affirme Anissa Zeghlache, responsable du
pôle protection du jeune public et déontologie des
programmes.5 Le CSA intervient régulièrement (sans
dépasser les 40 interventions par an environ, ce qui n'est pas non plus
quotidien) pour rappeler ces principes aux chaînes. Il a
réitéré ces recommandations auprès de Canal + en
début d'année 2008 à propos de deux films interdits en
salles (La Peur au Ventre et Destination Finale 3) aux moins
de 12 ans et accompagnés d'un avertissement que la chaîne avait
diffusés avec une signalétique - 12 ans et pour lesquels le
Conseil avait demandé une signalétique - 16 ans. Si la
signalétique reprend globalement les critères retenus par la
commission de classification lors du visionnage des films, elle en ajoute
certains, comme le nombre de scènes violentes6 et le
caractère gratuit ou indispensable au scénario. La commission
française, s'attache moins à ces aspects isolés mais
privilégie l'examen de l'ensemble du film. Aussi la
télévision apparaît-elle comme un lieu plus
sévère face aux images violentes, malgré les reproches
d'associations de parents et des consommateurs. Rappelons simplement que la
signalétique mise en place par le CSA n'a qu'un pouvoir de
recommandation (les films restent déconseillés aux moins de -10,
-12, -16 ou -18 ans), et qu'il est de la responsabilité des parents de
veiller au respect de ces codes, sans qu'aucun organisme public ne puisse
vérifier ni sanctionner l'audience des mineurs en deçà de
ces seuils,
1 La protection des mineurs et la
déontologie des programmes à la télévision en
2004, CSA, Dossier d'actualité, publié le 16 décembre
2005
2 Voir étude Les programmes
signalisés sur les chaînes hertziennes de 1996 à 2002,
Protection de l'enfance et de l'adolescence, CSA - direction des programmes,
décembre 2003, p. 56
3 ibidem ; voir également étude de la
programmation TV du 17 février au 15 mars, annexe n°3 7, p.103
4 Voir programmation TV 17 février-15 mars,
annexe n°37, p.104
5 Avec qui j'ai pu m'entretenir brièvement en
février puis par mail à ce propos.
6 Cette technique est assimilable à la
technique dite « du tas », pratiquée dans les commissions
anglo- saxonnes. Son principe repose sur un seuil, qui une fois atteint
déclenche automatiquement une certaine catégorie d'interdiction.
Voir Laurent Jullier, op. cit. , p. 22-23
contrairement à l'accès de ceux-ci en salles qui
peut l'être légalement. D'autre part, cette obligation de
signalisation (qui s'applique à toute la durée du programme
à partir de la catégorie III) se voit doublée de
règles procédant aux horaires de diffusion des films
signalisés1. Suivant ces prescriptions, et étant
donné qu'un certain nombre de films d'horreur sont interdits aux moins
de 12 ans et plus lors de leur sortie en salles, il semblerait dès lors
assez surprenant de voir ce genre de films en prime time autrement que sur les
chaînes câblées2.
Le contrôle du CSA s'effectue a posteriori,
contrairement à celui de la commission de classification. Malgré
ce contrôle ultérieur à la diffusion, les chaînes
doivent donc respecter un certain nombre d'obligations, dont nous avons
présenté les principales concernant la diffusion des films. En
tant que média très réglementé, objet de puissants
enjeux financiers quant aux audiences potentielles -on le vérifie avec
les débats autour du projet de loi sur l'audiovisuel- la
télévision, tout comme la production cinématographique, se
voit imposer des contraintes de fond (contenu des images, propos,
intérêt,...) et de forme (horaires et quotas de diffusion,
signalétique,...). Le CSA répond à ces protestations en
noyant ces obligations parmi d'autres, sans évoquer les
particularités des réglementations3. Dès lors,
comment les chaînes s'accommodent-elles de ces obligations au quotidien ?
Présentent-elles un obstacle à la diffusion des films d'horreur
ou n'ont-elles aucun effet discriminatoire ?
1 Voir
http://www.csa.fr/infos/controle/television
signaletique C.php reproduit en annexe n°43, p.138
2 Or Destination finale (2001) de James Wong,
diffusé le lundi 18 octobre 2004 en prime time sur M6 a recueilli une
audience composée principalement d'enfants et d'adolescents, tout comme
Souviens-toi... l'été dernier (1998) de Jim Gillespie
programmé le lundi 12 janvier 2004 sur la même chaîne aux
mêmes
horaires : 109 200 enfants de 4 à 10 ans, 151 300
adolescents de 11 à 14 ans pour le premier ; 61 700 enfants de 4
à 10 ans et 128 000 adolescents de 11 à 14 ans (source CSA). Cela
montre la limite de la prévention
3 « Le Conseil est conscient que ses recommandations peuvent
avoir des effets contraignants : elles sont la contrepartie de la
responsabilité sociale des auteurs de télévision qui ont
la chance de s'adresser en même temps à des millions de
téléspectateurs. Il semble cependant qu'elles soient loin
d'être les seules à peser sur les auteurs et qu'elles ne soient
pas par elles-mêmes susceptibles de produire une uniformisation des
contenus » in La protection des mineurs et la déontologie des
programmes à la télévision en 2004, op. cit.
2.3.2. La réalité de la programmation des
films d'horreur, un exemple : la programmation du 17 février au 15
mars1
2.3.2.1. Les chaînes
Le programme consulté sur la période (TV
Magazine) choisie présente 58 chaînes analogiques et
numériques, comprenant un certain nombre de chaînes de la TNT et
du câble. Rappelons tout de même que beaucoup de chaînes se
positionnent sur des créneaux tels que les enfants, le sport ou
l'information, n'étant pas à même de programmer ce genre de
films. Celles-ci représentent environ 15 chaînes, donc on peut
supposer que 43 chaînes sont susceptibles de programmer des films
d'horreur. Or seules 15 chaînes en ont proposé. Sur la
période choisie, nous avons relevé 70 diffusions de films
d'horreur, avec 41 titres différents qualifiés d'oeuvres
cinématographiques, les 29 autres programmations étant des
multidiffusions.
La première observation que l'on peut d'ores et
déjà faire concerne l'absence quasi-totale de films sur les
chaînes dites historiques (TF1, France 2, France 3, Arte/France 5 et M6).
Hormis un film (Hannibal, qui se rapproche d'autant plus du thriller)
programmé à 23h50, aucun film d'horreur n'est diffusé sur
ces chaînes. Pourtant, selon le CSA, parmi les programmes
signalisés, diffusés en 2004 par les chaînes hertziennes en
clair, 70% relevaient de la fiction (oeuvres cinématographiques et
audiovisuelles confondues), dont seulement 12% et 3% étaient
respectivement déconseillés aux moins de 12 et moins de 16 ans.
Au regard de ces données, il semble que l'horreur n'ait pas sa place sur
les télévisions les plus accessibles, qui s'orientent plus
volontiers sur des programmes plus fédérateurs, comme les formats
(jeux télé, programmes courts de divertissement) ou les
documentaires. Cependant Arte, avec sa case « cinéma trash »
peut diffuser de temps à autre des films d'horreur, mais visiblement ce
ne fut pas le cas ce mois-ci. En effet, la chaîne franco-allemande
dispose d'une case spéciale consacrée au cinéma bizarre,
pouvant aller de l'érotique à la série B en passant par
l'horreur2. A l'automne 2007, elle avait diffusé Le Jour
des morts-vivants (1986) de George A. Romero dans cette case qui
était alors placée le mercredi après minuit. Depuis le
début de l'année 2008, celle-ci a été
déplacée le vendredi soir, après un téléfilm
et le magazine Tracks, permettant de démarrer la diffusion
juste avant minuit, afin de conserver l'audience jeune caractéristique
du programme précédent. Malgré des exceptions, les
chaînes en clair ne sont donc pas très enclines à
promouvoir ce genre de films à l'antenne, à cause de la
1 Pour cette étude, se référer
à la grille établie en annexe n°37, p.104
2 Voir entretien avec Eric Morfaux du
Département Cinéma d'Arte, annexe n°20, p.44
mission de service public qui incombe à France
Télévision et à la recherche de l'audience qui motive les
chaînes privées. Elles se portent plus volontiers sur le format
des séries policières, non dépourvues de scènes
gores comme peuvent l'être Les Experts.1 Quelques
films sont diffusés sur des chaînes de la TNT qui ne se
positionnent pas particulièrement sur le cinéma, comme TMC qui a
programmé Les Dents de la mer à 20h45. En dehors de cet
exemple bien peu représentatif, la chaîne qui diffuse le plus de
films d'horreur sur la TNT (mais qui émettait en analogique avant son
instauration) est incontestablement RTL9, avec 6 titres différents.
Cette chaîne fait en outre partie du groupe AB, qui fera reparler de lui
plus loin. Enfin les chaînes de la TNT dédiées aux
adolescents que sont Virgin 17 et NRJ 12, diffusent quelques films d'horreur
(respectivement 2 et 4 diffusions), malgré leur programmation
essentiellement composée de programmes courts et de séries.
Les chaînes qui diffusent le plus de films d'horreur
sont sans conteste les chaînes cinéma des bouquets satellite, et
sur le programme étudié, du bouquet Canal Satellite. En effet,
les chaînes Canal+ et ses dérivés (Canal+ Cinéma et
Canal+ Décalé essentiellement) ont diffusé 18 fois des
films d'horreur en un mois, à des horaires étalés sur
toute la journée, allant du matin en deuxième partie de
soirée. Cependant, la diversité des films est réduite par
les multidiffusions, pratique courante permettant de rentabiliser les achats de
films (et de remplir les grilles) sur les groupes disposant de plusieurs
chaînes. Ces modalités de diffusions sont négociées
au moment de l'achat des films par les chaînes. Dans la période
analysée, deux films font l'objet de plus de deux multidiffusions :
The Host et Dark Water : Eaux sombres, programmés
respectivement à six et neuf reprises durant la période
analysée sur les chaînes de l'offre basique du bouquet Canal+. Le
CSA rappelle cependant que « pour les services de cinéma à
programmation multiple, comme Canal+, chaque oeuvre cinématographique ne
peut être diffusée plus de 35 fois pendant une période de 3
mois2. » D'autre part, le groupe Canal+ est également
majoritaire de Multithématiques SA, la société
éditrice du bouquet Ciné Cinéma. Sur ce bouquet,
composé de sept chaînes (Premier, Culte, Classic, Famiz, Frisson,
Emotion, Star), 20 films ont été diffusés sur trois de ces
thématiques que sont Ciné Cinéma Frissons (14 diffusions),
spécialisée sur l'action et le fantastique ; Ciné Premier
(4 diffusions), la chaîne du cinéma tous azimuts et Ciné
Cinéma Star (2 diffusions), dédiée aux grands films. De
plus, la chaîne TPS Star, qui a programmé 8 films d'horreur sur
notre grille, fait également partie du groupe Canal+ depuis la
réunion des deux bouquets TPS et CanalSat au sein de Canal+ France en
2006 (TPS a dès lors
1 Voir interview parue dans Il Manifesto du 15 juillet
2008, annexe n°16, p.35
2
http://www.csa.fr/infos/controle/television
quotas diffusion.php
cessé d'émettre en mars 2007). Enfin, une
chaîne spécialisée dans le fantastique et la
science-fiction, Sci-Fi, née en décembre 2005 est comprise dans
le bouquet CanalSat. Avec 7 diffusions de films d'horreur, elle apparaît
moins positionnée sur ce créneau que ne l'est Ciné
Cinéma Frissons.
2.3.2.2. Les horaires
Les horaires de diffusion de ces films sont très
variables et s'étalent sur toute la journée. Cependant, comme on
peut le supposer, la grande majorité des diffusions se font après
20h. Sur notre grille d'analyse, les diffusions en soirée
s'évaluent à 51 sur un total de 70, ce qui équivaut
à environ 73%. Mais restent globalement concentrés après
20h. Cette tranche horaire se décompose ensuite en deux, avec 21
diffusions en prime time et 30 diffusions après 22h. Si on pouvait
s'attendre à ce que le nombre de films d'horreur en deuxième
partie de soirée soit important -cette tranche horaire semblant la plus
adaptée, en raison de la qualité de l'audience (les enfants sont
supposés être couchés), des réglementations
imposées par le CSA et de l'ambiance nocturne propice à ce genre
de films, le nombre de diffusions en prime time est finalement assez
élevé, notamment sur les chaînes cinéma qui ont le
droit de diffuser les films déconseillés aux moins de 12 ans
à cette heure. Ce nombre indique qu'une audience potentiellement
élevée peut être recueillie pour des films de genre en
prime time.1 D'autre part, près d'un quart des diffusions (19
en tout) se font tout de même en journée (entendons avant 20h),
parfois tôt le matin, comme Dark Water : Eaux sombres, qui a
fait l'objet d'une rediffusion à 9h50 le dimanche 2 mars sur Canal+
Cinéma ! Cette pratique semble plus relever d'un besoin de combler les
grilles que d'une réelle volonté de programmation. Cela se
produit souvent lorsque des films sont achetés pour des multidiffusions,
brouillant ainsi la spécialisation des chaînes : Canal+ Sport a
programmé Stay alive le mercredi 12 mars, déjà
diffusé sur Canal+ Décalé deux semaines plus tôt.
2.3.2.3. La signalétique
En examinant le grille choisie, nous pouvons
déjà affirmer que les films d'horreur qui ne sont frappés
d'aucune signalétique sont rares : sur 41 films différents, on
constate que seulement 3 longs-métrages relèvent de la
catégorie 1, visibles par tous. Les 92% des films restants sont donc
frappés d'une signalétique jeunesse. Ces programmes tous Publics
sont principalement diffusés en journée, ceux-ci n'étant
réglementés par aucune
1 Malheureusement, nous en pouvons pas vérifier
ces chiffres, le CSA ne disposant pas des audiences de Canal+ et, depuis le
début de l'année 2008
restriction de diffusion liée à l'horaire et
donc à l'audience potentielle d'enfants. En effet, sur 5 diffusions,
quatre se sont faites en journée et une en prime time. D'autre part, les
films déconseillés aux moins de 10 ans, représentant 5
longs-métrages dans notre sélection, sont principalement
programmés entre 20h45 et 21h, avec 5 diffusions à cet horaire,
alors que les deux autres diffusions sont réalisées dans la
journée et après 22h. Comme nous pouvons nous en douter, la
grande majorité des films, 25 sur 41, à savoir 61%, est
diffusé avec un avertissement déconseillant l'écoute aux
enfants de moins de 12 ans. Globalement bien représenté sur
chaque tranche horaire, les films d'horreur déconseillés aux
moins de 12 ans sont néanmoins plus nombreux sur la tranche de
deuxième partie de soirée : 25 diffusions sur 49 alors que 10
l'ont été en prime et 14 en journée. Malgré
l'autorisation accordée par le CSA pour les chaînes cinéma,
qui peuvent programmer des films signalés par un -12 en prime time,
contrairement aux chaînes hertziennes, celle-ci est moins utilisée
que la tranche « classique » des films d'horreur, après 22h.
Un autre résultat surprenant est celui relatif à la programmation
des 9 films d'horreur déconseillés au moins de 16 ans
relevés dans la grille, qui se fait de façon à peu
près égale entre le prime time et la deuxième partie de
soirée (respectivement 4 et 5 diffusions). En effet, les chaînes
cinéma sont également autorisées à diffuser des
films interdits aux moins de 16 ans (sans limite de nombre) en première
partie de soirée, ce qui peut sembler surprenant au regard de la
prévention réalisée à l'encontre des jeunes
téléspectateurs et de leurs parents, d'autant plus que des
études1 révèlent que les foyers disposant d'une
offre élargie du câble et/ou du satellite comportent plus souvent
des enfants que les foyers simplement équipés (47% contre
40%).
2.3.4. Les programmations spéciales sur les
chaînes non spécialisées
Lors d'évènements extérieurs
particuliers, comme les périodes de Noël ou pendant les vacances
scolaires, la programmation peut évoluer pour faire plus de place
à des films qui répondent à la demande d'un public
familial et ayant des résonances avec la période vécue. En
effet, pendant la période des fêtes de fin d'années,
beaucoup de films dont l'intrigue se déroule à ce moment sont
diffusés sur les chaînes de télévision. Pensons
simplement au Père Noël est une ordure (1982) de
Jean-Marie Poiré ou aux Gremlins (1984) de Joe Dante (par
ailleurs réalisateur de films d'horreur, dont le légendaire
Hurlements en 1981). Pour les films fantastiques et surtout d'horreur,
il y a une période particulièrement propice à leur
diffusion : Halloween et le mois d'octobre a fortiori. Cette fête
païenne christianisée est aujourd'hui célébrée
de façon à honorer les morts le 1er novembre. Le rituel
d'Halloween, le 31 octobre, très prégnant aux Etats-Unis,
consiste
1 Guide des chaînes thématiques,
ACCeS.CSA/CNC, janvier 2006
principalement à tourner la mort en ridicule en
revêtant des costumes morbides et en jouant à se faire peur, un
peu à la manière d'un mardi gras avant le Carême. Il semble
néanmoins que malgré cet engouement pour les enfants avec
costumes et distribution de bonbons, celui-ci tente à décliner en
France. Or à la télévision, les programmes spéciaux
consacrés à Halloween ont fleuri depuis quelques années
dans le paysage audiovisuel, faisant écho à d'autres
évènements spécifiquement programmés pour cette
date (soirées spéciales dans les cinémas, les bars, les
discothèques avec ou non diffusion de films d'horreur, légalement
ou de façon illégale avec des copies vidéo). Halloween,
fête supposée macabre et glauque semble donc le jour
rêvé pour regarder des films d'horreur, avec une mise en situation
qui intervient jusqu'à la simultanéité temporelle entre le
film lui- même et sa diffusion. En effet, beaucoup de films d'horreur se
déroulent le soir d'Halloween, du slasher éponyme de John
Carpenter et de ses séquelles au français
Brocéliance (2002) de Doug Headline en passant par Au
service de satan (2004) de Jeff Lieberman, et cela constitue un bon
prétexte pour les programmer à cette date. D'autre part on peut
remarquer que ce soir là, même un public non-amateur de films
d'horreur s'autorise à en regarder, dictés probablement par un
impératif social, qui peut aussi se caractériser par un rejet
total de ce type de cinéma. Toutes les chaînes s'insèrent
dans ce créneau, et pas seulement les chaînes
spécialisées dans le fantastique.
L'exemple de 13e Rue, une chaîne
thématique consacrée au genre policier et au suspense,
lancée en décembre 1997, distribuée sur le bouquet Canal
Satellite et comptant plus de 3,2 millions d'abonnés est
révélateur. Cette chaîne ne se positionne pas
particulièrement sur l'horreur et n'en diffuse pratiquement pas dans sa
programmation habituelle. Cependant en 2007, le mois d'octobre était
consacré « mois de l'horreur », avec un programme
spécial comportant de nombreux films d'horreur1. En somme,
cette programmation bouleverse les habitudes de la chaîne et se
positionne sur des films récents, susceptibles d'attirer un public
plutôt jeune, ce qui diffère de l'audience de la chaîne,
davantage tournée vers les plus de 45 ans, comme peut l'être
Ciné Polar, présente sur le bouquet Ciné Box du groupe AB.
Selon Françoise Berger-Longuet, chargée de mission auprès
du département Télévisions Payantes du CSA, cela leur
permet de conquérir une audience neuve, sans créer toutefois de
nouveaux abonnements pour cette période précise, probablement les
enfants des spectateurs habituels de la
1 Voir annexe n°35, p.98. Celui-ci s'ouvre
dès le 1er octobre avec Urban Legends : Bloody Mary
de Mary Lambert à 22h30. Ensuite, le 4 octobre, une soirée
spéciale « teen horror ». De nombreux téléfilms
d'horreur sont également programmés, comme Le Jardin des
Ténèbres (2006) de Don Michael Paul ou La Secte des
Vampires (2004) de Richard Brandes. Le 18 octobre, 13e Rue
diffusait pour la première fois en France Reeker (2005) de
David Payne à 22h30 et programmait la semaine suivante, le 25 octobre,
une soirée
« loups-garous », comprenant Wolf (1994) de
Mike Nichols et Dog Soldiers (2002) de Neil Marshall en
deuxième partie de soirée.
chaîne. Ces programmations spéciales semblent
répondre plus à un impératif social,
d'évènementialisation que l'on se doit de respecter (ou
d'occulter, mais au moins de prendre position par rapport à celui-ci).
Les films d'horreur diffusés à l'occasion d'Halloween semblent
recouvrir une audience plus large que le public des habitués de ce genre
de cinéma, dans une logique de divertissement pur. En effet les films
projetés tombent souvent dans les clichés car le public recherche
des sensations fortes tout en s'amusant. Cependant c'est également
l'occasion de rediffuser des classiques du genre, comme les Massacre
à la Tronçonneuse, Evil Dead ou encore la trilogie
Scream. Le public des adolescents ou des jeunes adultes semble
être la cible principale de ces programmations, celles-ci étant
également présentes sur des chaînes musicales comme MCM,
qui avait l'habitude de diffuser des films d'horreur ainsi que des clips de
hard rock et de métal lors du 31 octobre.
2.3.5. Les chaînes spécialisées sur le
câble
L'évolution de la demande, liée aux nouvelles
attentes des communautés qui veulent avoir une visibilité dans le
paysage télévisuel, a fait émerger sur le câble une
pléthore de chaînes thématiques, permise par
l'évolution technologique et promotionnelle. L'apparition du premier
bouquet satellite (Canal Satellite) au milieu des années 1990 a ouvert
la porte à de nouveaux concurrents. Cependant, le pionnier continue
d'occuper sa position de leader, notamment depuis son rapprochement avec TPS au
sein de Canal+ France en 2006. Le nombre de chaînes thématiques
diffusées sur le câble et le satellite est passé de 8 en
1993 à 91 en 20021 puis à 116 en 2005 (plus 9
chaînes déclarées pendant l'année). Parmi les
thématiques les plus représentées, le cinéma tient
naturellement une place essentielle, malgré la récente
réduction liée à la contraction des deux bouquets
principaux déjà évoquée. En effet, alors qu'il y
avait 21 chaînes thématiques dédiées au
cinéma en 2005, il n'y en avait guère plus que 8 fin
20062. A côté de cette thématique
dédiée au cinéma, il y a des chaînes qui se
positionnent plus spécifiquement sur la fiction,
répertoriée comme une thématique en soi. Néanmoins,
les chaînes spécialisées fiction restent loin
derrière le top cinq des thématiques (qui en 2005 était
composé de la sorte : cinéma, jeunesse, musique, documentaire et
sport), malgré la création de 2 nouvelles chaînes cette
année-ci: Sci-Fi et Fox Life. Dans ce paysage audiovisuel en constante
évolution et très réceptif à la satisfaction de
toutes les communautés, une place est faite au cinéma d'horreur,
sur des chaînes plus ou moins spécialisées dans le
fantastique.
1 Guide des chaînes thématiques,
ACCeS/CSA/CNC, janvier 2003
2 Guide des chaînes thématiques,
ACCeS/CSA/CNC, 2006
Aujourd'hui, si beaucoup de chaînes cinéma
généralistes diffusent des films d'horreur, il existe plusieurs
chaînes plus ou moins spécialisées dans le genre qui nous
intéresse. Nous pouvons en recenser quatre, dont une ayant disparu avec
la clôture du bouquet TPS, il s'agissait de TPS Cinextreme, dont la
programmation, portée à la fois sur le fantastique et l'action,
se rapprochait de celle de Ciné Cinéma Frisson, une des sept
chaînes du groupe Ciné Cinéma, comme le montre la promesse
de la chaîne (« le cinéma de l'action, du fantastique et du
suspense »). D'autre part, deux chaînes semblent encore plus
restreintes au niveau de la programmation. Ce sont Sci-Fi, créée
en décembre 2005, basée essentiellement sur la science-fiction,
le fantastique et l'anticipation, et Ciné FX, éditée par
le groupe AB lancée à l'automne 2002, intégrant de
façon plus prégnante l'horreur en plus du fantastique et de la
science-fiction avec une promesse alléchante (« la chaîne
à regarder les yeux fermés »). La cible de toutes ces
chaînes est principalement masculine et jeune, comprise entre 15 et 40
ans environ, cinéphile et assez noctambule. Cependant il semble au
regard du profil des abonnés à Ciné FX1, les
spectateurs sont plutôt compris dans les tranches 35-49 ans et 50 ans et
+ (se situant à environ 40% des abonnés chacune). Au regard de la
programmation, Ciné Cinéma Frisson se positionne sur un
créneau beaucoup plus large, avec des genres de cinéma plus
hétéroclites que les autres chaînes dédiées
au fantastique, qui prétendent toucher un public plus homogène.
Néanmoins, des soirées thématiques peuvent recouvrir
ponctuellement des genres plus restreints, comme pour le « Vendredi 100%
George A. Romero » (18 avril) ou encore le « mois spécial
vampires » en avril 2008, avec des films comme Dracula (1992) de
F.F. Coppola ou The Addiction (1995) d'Abel Ferrara. L'analyse de la
programmation de Ciné FX pendant la même période
relève que cette chaîne est la plus spécialisée sur
le genre de l'horreur. En effet, aucun jour n'est programmé sans film
d'horreur, pouvant aller jusqu'à cinq films quotidiens, comme c'est le
cas le dimanche 17 février2. Néanmoins, le stock de
titres différents n'étant pas infini, les multidiffusions
s'enchaînent. Ainsi, entre le 17 février et le 15 mars, Le
chat noir de Lucio Fulci (1981) ainsi que Vendredi 13 part 4, Chapitre
Final ont été diffusés 7 fois chacun. Cet exemple
illustre la nécessité de combler les grilles en journée
ainsi qu'un turn-over de films assez restreint malgré tout, dicté
essentiellement par des contraintes économiques et une volonté de
rentabilisation des achats sur un temps prédéfini. Pourtant on
ressent une réelle envie de partager des films dans le discours de
Laurent Zameczkowski et Pascal Goubereau, respectivement responsable des achats
et responsable éditorial de la
1 Voir brochure de présentation de la
chaîne, p.1 0, annexe n°36, p.102
2 Avec La Malédiction des rats de
Damian Lee (1989) à 10h30 ; Phase IV de Saul Bass (1974)
à 17h55 ; Vendredi 13 part 4, Chapitre Final de Jospeh Zito
(1984) à 21h ; Vendredi 13 part 2, Le tueur du vendredi de
Victor Miller (1981) à 22h30 et enfin Vendredi 13 part 3, Meurtres
en trois dimensions de Steve Miner (1982) à 23h55. Voir tableau,
annexe n°38, p.109
chaîne1. En effet, la création de
Ciné FX, comme celle des autres chaînes du bouquet cinéma,
émanait de la démarche de cinéma de quartier ; faire
découvrir ou redécouvrir des films qu'on avait pu voir quelques
années plus tôt, rediffuser des classiques du genre, proposer des
soirées thématiques tout en ciblant toujours un public bien
précis. Car ce sont avant tout des fans du genre et qu'ils ont
monté Ciné FX pour que celui-ci perdure et s'affirme en tant que
tel dans le paysage télévisuel français. Avec le lancement
de la Ciné Box et du nouveau bouquet BisTV, elle espère toucher
un public plus large en proposant une offre satellitaire à moindre
coût, distribuée par les câblo-opérateurs
traditionnels.
Cependant ces chaînes connaissent des contentieux
récurrents avec le CSA et les obligations qu'il leur impose en
matière de quotas de diffusion2. En effet, toutes les
chaînes de télévision sont soumises à ces
obligations de diffusion concernant la nationalité des films et des
programmes. En ce qui concerne les chaînes cinéma, elles doivent
diffuser, aux heures de grande écoute (de 18h à 2h pour les
oeuvres cinématographiques) comme sur le reste de leur grille, un
minimum de 60% d'oeuvres cinématographiques européennes, et parmi
elles 40% de françaises par an (c'est le même régime pour
les programmes audiovisuels). Or la production française de fantastique
et d'horreur s'est toujours faite plutôt rare et il n'en est pas
autrement pour la production européenne3. Or s'il est
aisé pour une chaîne généraliste ou
spécialisée dans le cinéma dramatique ou bien comique de
respecter ces quotas, cela semble plus difficile, au regard des données
de la production, pour des thématiques comme le fantastique et encore
plus l'horreur. Comme l'attestent les bilans annuels constitués par le
CSA, les chaînes spécialisées fantastique sont
régulièrement rappelées à l'ordre pour non-respect
de ces obligations de diffusions. Dans ses rapports d'activités, le
Conseil a rappelé qu'il avait mis en demeure : « la chaîne
Ciné FX, pour non-respect de ses quotas de diffusion d'oeuvres
audiovisuelles européennes et d'expression originale française ;
la chaîne Ciné Cinéma Frisson, pour non-respect de ses
quotas de diffusion d'oeuvres audiovisuelles européennes et d'expression
originale française, de son quota de titres différents d'oeuvres
cinématographiques européennes et d'expression originale
française et de son quota de diffusion d'oeuvres
cinématographiques d'expression originale française aux
1 Voir compte-rendu de l'entretien mené le 25
avril 2008, annexe n°22, p.51
2 Aux termes de l'article 27 de la loi du 30 septembre
1986 modifiée et des articles 7, 13 et 14 du décret n°90-66
modifié
3 Le principe de cette contrainte, destinée
à promouvoir la diversité culturelle, notamment face au raz-de-
marée des films venant d'outre-Atlantique, se retrouve également
à tous les échelons de la filière
cinématographique, à travers de nombreuses taxes mises en place
afin d'alimenter les fonds du cinéma français avec les recettes
tirées de toutes les exploitations de films, et en premier lieu aux film
américains (nous pensons bien sur à la TSA,
prélevée sur tout billet de cinéma, quelle que soit la
nationalité du film et versée sur le fonds du compte de soutien
à l'industrie cinématographique, géré par le CNC
heures de grande écoute1. » En effet,
les quotas de ces chaînes en oeuvres EOF et européennes se situent
plus autour de 35-37% que de 40%. Dès lors comment concilier une
thématique basée sur une culture anglo-saxonne où les
films européens et français sont quasiment absents et respect des
obligations appliquées sans distinction de spécificité des
programmations ? Les chaînes achètent alors les droits sur des
films plus éloignés de leur ligne éditoriale, au risque de
perdre des téléspectateurs et leur crédibilité
à cause de cette hétérogénéité. Pour
l'heure, selon Philippe Vignon de la direction des programmes du CSA, le
contentieux récurrent avec Ciné FX est entre les mains du service
juridique, qui, étudie les possibilités d'un éventuel
abaissement des quotas pour ces chaînes, comme le réclament leurs
responsables.
Les films qui n'ont pas bénéficié de
sorties dans les salles françaises, et ne possèdent donc pas de
visa, peuvent parfois poser problème, mais permettent une plus grande
rentabilisation avec une valorisation par le caractère inédit et
un achat à moindre coût. Dans cette logique de diffusion de films
inédits, la chaîne Ciné FX avait cru judicieux de
programmer les courts-métrages ultraviolents Guinea Pig,
assortis de leurs making-of et de commentaires des réalisateurs. Le CSA
les a rappelés à l'ordre en leur adressant une mise en garde
contre la diffusion de ces oeuvres, comme le fait remarquer Pascal
Goubereau2. Avec l'échec de telles tentatives, le responsable
éditorial de la chaîne assure l'adoption d'une attitude plus
prudente : « C'est sûr que maintenant, on ne va plus prendre des
risques et on va rester en terrain connu avec des films qui ont
déjà leur visa au CNC3. » Dès lors comment
instiller de l'innovation, des programmes inédits dans des grilles
souvent trop dictées par les quotas, dans une logique de remplissage ?
Les professionnels ne critiquent pas l'existence d'une institution comme le
CSA, qui relève de la responsabilité publique, mais
l'incohérence des ses décisions et de l'élaboration de la
réglementation qui leur incombe. Ils objectent la
médiocrité et la dangerosité des programmes dits de
télé-réalité aux mises en demeure du Conseil pour
la violence des programmes signalisés. Hervé Bérard,
membre de la SRF et du collège des professionnels de la commission de
classification, ne dit pas autre chose : « La vraie violence des images
est télévisuelle, principalement ces émissions de
télé-réalité qui fonctionnent sur l'humiliation.
Des candidats promis à l'exclusion sous le regard voyeur de
téléspectateurs sadiques, il ne faut pas y toucher parce que
çà fait de l'audience4. ». Or le rapport remis
par Blandine Kriegel sur la violence à la télévision,
remarquait aussi les dérives de tels programmes, qui ne sont soumis
à aucun contrôle ou visionnage préalable
1 Rapports d'activité 2004 et 2006, chapitres
sanctions et mises en demeure
2 Interview réalisée par Nathanaël
Bouton-Drouard, Fantastic Report, janvier-février 2006, annexe n°3,
p.14
3 ibidem
4 in Laurent Jullier, op. cit. p. 47
ni contrôle parental conseillé, avec des
émissions quotidiennes récurrentes aux heures de grande
écoute. Conscients des dérives de ce que certains appellent
« la télé-poubelle », les institutionnels et les
professionnels pointent du doigt l'acharnement des commissions et des
différents rapports sur le cinéma, au lieu de s'intéresser
aux nouveaux impératifs médiatiques, qui dictent des productions
pouvant aller beaucoup plus loin qu'un simple film d'horreur (Fear
Factor,...). Cependant, le fait d'invoquer la vraie violence que
représentent ces programmes ne doit pas légitimer la diffusion de
n'importe quel film, sous prétexte qu'il n'y peu rien y avoir de pire.
Philippe Lux rappelle à ce titre qu'on ne peut pas tout montrer à
la télévision, sous-peine que ce soit un média assez libre
et qu'il y ait des chaînes câblées1.
Le dernier problème afférant aux films d'horreur
et à leur diffusion télévisuelle est celui des films
interdits aux moins de 18 ans, même si les films d'horreur de cette
catégorie sont rares. En effet, toutes les chaînes ne sont pas
autorisées à diffuser des films interdits aux moins de 18 ans.
Parmi les chaînes cinéma, seules le bouquet Canal+ et Ciné
Cinéma disposent de cette autorisation, mais doivent s'engager à
un certain nombre de pré-requis, notamment en matière de
cryptage. De plus, les chaînes bénéficiant de cette
capacité ne peuvent l'utiliser qu'entre minuit et 5h du matin, ce qui
peut paraître absurde si l'on veut passer un film de genre (cela faisait
partie des principales protestations quant à la polémique autour
de l'interdiction aux moins de 18 ans de Martyrs de Pascal Laugier).
Cependant, au regard de la politique de renforcement de la signalétique
par rapport au visas d'exploitation pratiquée par le CSA, il arrive que
des chaînes soient rappelées à l'ordre pour avoir
diffusé des films interdits aux moins de 16 ans en salles mais pour
lesquels le Conseil avait demandé une interdiction aux moins de 18 ans,
comme cela fut le cas pour Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato
(1980), diffusé sur TPS Cinextrême le 22 septembre 2004 à
21 h : « Le Conseil a mis en demeure la société TPS
Cinéma de ne plus diffuser sur l'antenne de cette chaîne de
programmes de catégorie V, conformément à l'article 2-4-3
de sa convention, selon lequel les programmes de catégorie V font
l'objet d'une interdiction totale de diffusion sur son antenne. Ce film,
diffusé dans son intégralité, comporte en effet de
très nombreuses scènes de très grande violence (viols,
découpe de corps humains, avortement suivi du meurtre de la mère,
viols collectifs, empalement d'une jeune femme, castration de jeunes hommes,
etc.), dont certaines ne sont pas simulées (dépeçages
d'animaux vivants). Le CSA a considéré que la signalétique
-16 était insuffisante pour une diffusion de ce film à la
télévision et qu'il aurait dû être classé -18
(catégorie V). » Ces incidents restent
1 Voir entretien mené le 24/07/08, annexe
n°27, p.70
toutefois assez, rares, les chaînes se conformant le
plus souvent à leur convention à ce propos, malgré les
récents rappels à l'ordre de Canal+ au sujet de deux films en
début d'année 2008, évoqués plus haut.
Les réseaux classiques de la filière
cinématographique réservent une petite place à l'horreur.
Les entreprises ont bien intégré le fait que ce créneau
attire un certain public, composé de passionnés autant que de
curieux, et en premier lieu le marché vidéo, suivi par la
télévision qui compte même des chaînes
spécialisées et en diffuse un grand nombre. Si le cinéma
semble être le moins enclin à lui faire une place dans sa
programmation, subordonnée cependant à la production, il n'en est
pas absent, malgré les frilosités de certains
exploitants.
Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato (1980)
Les films d'horreur sont présents sur tous les
supports médiatiques, mais de façon différenciée.
Ils ont investi la presse des kiosques, avec des titres nationaux comme Mad
Movies, dépassant la logique des fanzines tout en la transposant sur
Internet. Ce nouveau média apparaît comme un formidable outil
d'expansion pour le genre, comme pour tous les milieux méconnus qui
veulent se faire une place sur la toile. Il est aussi un lieu d'échange
entre aficionados, qui à travers les forums et les blogs, peuvent
contaminer une importante partie des internautes. En tant que plate-forme de
communication, il peut aussi être utilisé pour promouvoir un
certain type d'évènements, caractérisé par le
bénévolat, comme l'organisation de soirées ou de
festivals. Commencés dans l'amateurisme, certains tendent cependant
à devenir professionnels et à acquérir une renommée
au-delà des milieux horrifiques comme c'est le cas pour le festival de
Gérardmer ou la Cinémathèque Française. Et le
succès est au rendez-vous, malgré les difficultés de
budget et les contraintes économiques. C'est le souci de
rentabilité, présent dans toute activité
économique, qui empêche également les acteurs de la
filière cinématographique de se positionner plus
précisément sur l'horreur. La majorité des salles et des
éditeurs vidéo spécialisés ayant disparu, ou
survivant difficilement, encore une fois avec le concours bienveillant de
nombreux passionnés travaillant plus ou moins gratuitement. Cependant,
les entreprises généralistes n'hésitent pas à
s'engager dans ce créneau en déployant un marketing racoleur
basé sur l'efficacité et la séduction. Dans toute la
filière, des distributeurs aux exploitants en passant par les
éditeurs et distributeurs vidéo et les chaînes de
télévision, les films d'horreur apparaissent dans les catalogues.
Peu chers et faciles à rentabiliser après leur sortie en salles,
qui passe souvent inaperçue au regard du nombre de copies
distribuées, ils sont largement diffusés dans les médias
de masse que sont le DVD et la télévision. On y trouve de tout et
pour tous les goûts, du film signé Troma au blockbuster
hollywoodien, malgré un important turn-over et de nombreuses
opérations commerciales signant le déclin rapide du produit. Face
à cette logique, la consommation des films se fait de façon
accélérée, tout en pouvant répondre à la
soif de diversité des fans, même si une grande partie des films
n'est toujours visible qu'à travers le téléchargement
illégal. Malgré les barrières érigées par la
morale et la réglementation, il semble que finalement le cinéma
d'horreur puisse avoir une place plus que légitime au sein des circuits
de diffusion des films.
La place du cinéma d'horreur fait débat, cela
est certain. Pourtant présent dès l'aube de la
cinématographie, il s'est forgé une réputation sulfureuse.
Favorisant les réactions physiques des spectateurs dans une logique de
provocation de la peur et de stimulation des émotions, il permet de
s'échapper comme de se purger. Or identifier le cinéma d'horreur
à un effet est bien réducteur au regard de ses
potentialités esthétiques, comme le soulignent de nombreux
auteurs et réalisateurs. Le cinéma d'horreur est en genre en soi,
qui dispose de nombreuses ramifications et s'est épanoui à chaque
époque de façon différente. S'il produit une multitude de
codes et de schémas supposés l'enfermer dans une structure
redondante, qui permettent de l'identifier, il sait aussi s'en dégager.
Cependant, la récurrence de ces figures indique que l'horreur traite
principalement de crimes, en lien avec la violence, la justice, la folie et une
certaine idée de la morale. Ces échos quasi-indispensables ne
sont donc pas de simples accessoires, à la différence de l'humour
ou des scènes sanglantes. L'évolution historique, politique et
sociale du XXe siècle a contribué à nourrir la
réflexion des réalisateurs et scénaristes,
ébauchant de nouveaux genres qui tendent à
s'interpénétrer. Après la déferlante gore qui a
éclaboussé les écrans de l'après Seconde Guerre
mondiale, balayant par là les monstres de la littérature
gothique, de nouvelles pistes sont explorées. La menace devient plus
humaine et s'incarne à travers des tueurs fous dont les actes
dépassent les limites de l'entendement. La torture refait surface de
façon plus prégnante, au sein d'une société de fin
de siècle où la surmédiatisation de la violence est un
phénomène palpable, que certain films d'horreur tendent à
mettre en lumière, sans toutefois se lancer dans l'apologie ou dans la
dénonciation. L'éloignement par rapport à la source
fantastique de l'horreur est la principale caractéristique de
l'évolution de sa production, se faisant l'écho des
préoccupations de son temps. Malgré ces changements de forme, la
France n'a toujours pas réussi à trouver sa place dans ce
créneau. Les protagonistes de l'horreur à la française
sont rares et comptent peu de soutiens au sein de la filière
cinématographique. Les mécanismes traditionnels de la production
hexagonale empêchent ces films d'obtenir des aides et de trouver des
débouchés. Le cinéma de genre français,
tiraillé entre la copie américaine et l'originalité
nationale, n'est pas considéré comme un cinéma d'auteur et
ne bénéficie que rarement d'aides et d'investissement importants.
La nouveauté réside tout de même dans le fait que ce
problème a émergé au grand jour, avec les
conséquences économiques engendrées par les interdictions
élevées. En effet, afin de protéger les spectateurs les
plus jeunes, la commission de classification des oeuvres
cinématographiques du CNC interdit souvent l'accès de ce type de
films, quelle que soit sa nationalité, aux mineurs de moins de 16 ans,
voire de 18 ans. C'est sans compter sur l'esprit de subversion qui anime les
spectateurs recherchant cette culture de l'horreur. La dimension de partage et
les
nombreux codes développés au sein et en dehors
des films rendent ce cinéma particulièrement propice au
développement de comportements subculturels, qu'ils soient ponctuels ou
quotidiens. A l'oeuvre tant dans les films que dans le public, le monde
horrifique se conçoit comme une communauté cinéphile
codifiée mue par la volonté de transgression des codes
établis, mettant en lumière les contradictions de la
société. Cependant les spectateurs occasionnels semblent utiliser
les films d'horreur pour une toute autre fonction, évoluant entre le
désir cathartique et le voyeurisme. Ces comportements sont marginaux et
ne constituent pas le ciment des amateurs d'horreur. Or le marketing des
entreprises de la filière cinématographique semble
privilégier cette dimension, en tablant sur l'exploitation et la
satisfaction de ces attentes, supposées être exprimées par
les adolescents et les jeunes adultes. Pourtant, les amateurs du genre sont
souvent plus âgés que cette cible prédéfinie et
certaines sociétés tendent à se diriger vers eux, en
tablant sur leur esprit de collection. Les films en eux-mêmes autant que
leurs fans présentent ainsi de fortes velléités
culturelles, qui tendent à définir un genre et à
uniformiser des pratiques.
L'amateurisme définit bien les pratiques qui sont
à la base de la cinéphilie. Le tournage de
courts-métrages, l'organisation de soirées de visionnage
domestiques ou publiques, le rassemblement dans des festivals de films ou
encore la lecture régulière de magazines fétiches
constituent les principaux avatars de cette communauté de
passionnés. Profitant de ces évènements et d'Internet pour
échanger avec d'autres individus des considérations
esthétiques ou futiles sur le cinéma d'horreur, les aficionados
élaborent la hiérarchisation de la communauté, qui donne
le primat à l'ancienneté et à la connaissance
quasi-encyclopédique des oeuvres du genre. Cependant, l'investissement
personnel peut aller au-delà et tendre vers la professionnalisation,
tout en s'appuyant toujours sur un nombre important de bénévoles.
Des festivals d'envergure nationale continuent de se développer et de
grandir, rassemblant des milliers voire des dizaines de milliers de
spectateurs, principalement connaisseurs et amateurs d'horreur. Certaines
institutions ne rechignent donc pas à accueillir ces
évènements, dans une logique de promotion de la diversité
du cinéma. Ayant compris que la controverse suscite l'attirance, tout en
forçant la consommation de supports, les différents acteurs de la
filière cinématographique française situés en aval
de la production n'hésitent pas à se positionner sur l'horreur.
Cependant il existe une grande disparité entre eux, liée à
l'importance des enjeux financiers à l'oeuvre dans ces secteurs. En
vertu de la sacralité que revêtent les salles obscures pour les
cinéphiles, la diffusion de films d'horreur devrait s'y effectuer de
manière significative. Or si cela a pu exister à une
époque, cela n'est plus vrai aujourd'hui. Les salles et les
distributeurs étant subordonnés à des impératifs
économiques et à une réglementation -et
parfois à certains préjugés- qui ne leur laisse pas
d'autre choix que celui de la diversité, comme le pratiquent les
multiplexes. L'horreur a dès lors une place chez les exploitants mais
celle-ci est restreinte et l'engagement qu'elle pourrait susciter n'est
guère de mise. En revanche, il n'en est pas de même pour les
autres secteurs. Plus rentables sur les supports à usage domestique
(vidéo et télévision) qu'en salles, les films d'horreur
s'étalent dans les catalogues de ventes et de droits. Les moindres frais
engendrés par leur exploitation rendent encore possible l'existence de
niches uniquement positionnées sur le fantastique, l'horreur et la
science- fiction, qui sont souvent rassemblés dans les appellations. Les
ventes explosent, facilitées par les opérations spéciales
et la nature même de la consommation vidéo. Pourtant, des petits
éditeurs cohabitent avec des géants de l'industrie du DVD, et
s'interpénètrent selon un système oligopolistique de
distribution. Si cette existence est remarquable, l'adaptation est
inévitable et la survie difficile pour des petites entreprises souvent
gérées par des passionnés. En tant que média de
consommation de masse, la télévision est également un des
lieux privilégiés de l'expression de la richesse du
cinéma, et peut être le plus offrant de cette diversité.
Alors que les plus assidus se porteront sur des chaînes
spécialisées dans le fantastique, disposant de politiques
éditoriales spécifiques et d'une réglementation plus
souple au regard de la signalétique jeunesse, les spectateurs
occasionnels ont peu de chances de voir des films d'horreur à la
télévision sans disposer d'un bouquet satellitaire, à
l'exception de soirées propices à leur diffusion comme Halloween.
Car si certains films peuvent être diffusés sur les chaînes
généralistes, ce sont les chaînes cinéma qui en
présentent le plus, même si le système des multidiffusions
tronque quelque peu les résultats. Le cinéma d'horreur s'exprime
donc de façon hétérogène sur différents
supports, résolument plus tournés vers la consommation
indifférenciée et la rentabilisation que vers l'engagement
solennel, même s'il perdure à travers une partie des acheteurs et
des entrepreneurs.
L'intérêt du cinéma d'horreur pour le
grand public grandit, même si elle procède encore de la
découverte ou de la curiosité, si ce n'est de logiques
psychologiques et sociales difficiles à démêler. Il a sa
place au sein de la filière cinématographique et prouve qu'il est
capable de s'épanouir et de satisfaire aux exigences du milieu,
malgré les nombreuses embûches posées par la
réglementation. Alors qu'ils procèdent d'une culture
spécifique, visible tant dans les oeuvres qu'au sein du public, les
films d'horreur affichent leur bonne santé dans les exploitations les
plus individuelles. Pourtant, la logique de partage à l'oeuvre dans le
genre et dans les subcultures devrait dicter le contraire. C'est bien le signe
d'une consommation plus standardisée, qui se préoccupe moins des
codes
établis que de la satisfaction d'un besoin ou d'un
désir de visionnage, sans annihiler totalement l'existence de
démarches plus impliquées. Ces deux comportements se nourrissent
l'un l'autre afin de produire une communauté plus importante mais mue
par la même passion, dans des degrés plus ou moins gradués.
Si les films d'horreur continuent de susciter des oppositions, ils n'en
demeurent pas moins des acteurs incontournables du paysage
cinématographique, susceptibles de s'inscrire dans l'histoire du genre
comme de se passer de références. La médiatisation de
certains évènements et débats qui leur sont
corrélés tend à faire émerger les problèmes
rencontrés en amont par les acteurs principaux du développement
de ces films, précisément en France. Car sans eux, pas de
visionnage, pas de catharsis, pas de subculture possible. L'émergence du
phénomène et sa médiatisation, ainsi que le
témoignage de sa bonne santé économique ne doit pas
être circonscrit à une vulgaire mode en provenance
d'outre-Atlantique. Il incombe maintenant aux institutions et aux entreprises
de légitimer le cinéma de genre national afin de lui faire
acquérir une place digne de son ombre...
SYNTHèse
L'imaginaire, comme la pensée, est une ressource
inépuisable chez l'homme. Le cinéma l'a bien compris. Grâce
à sa puissance de représentation du réel comme du
fantastique, il a permis aux monstres en tous genres de prendre vie, pour le
plus grand plaisir d'amateurs en quête de sensations fortes. Grâce
aux évolutions structurelles et conjoncturelles de ce média de
masse, l'incarnation des protagonistes les plus effrayants des contes et
légendes, des mythes et des cauchemars, fut possible et continue
d'inspirer les réalisateurs. L'histoire des films d'horreur court sur
tout le siècle précédent et présente, tout comme
son contenu, des périodes glorieuses ainsi que des plus sombres. Or il
semble que le cinéma fantastico-horrifique, malgré sa dimension
d'exploitation, se nourrit d'éléments subversifs tout en
alimentant une culture qui lui est propre. Dès lors, comment s'effectue
cet arbitrage subtil entre provocation du contenu et recherche de
visibilité, dans un milieu où la rentabilité n'est pas
toujours au rendez-vous ? Les films d'horreur semblent en effet parfaitement
révélateurs de la dialectique intrinsèque au
cinéma. De cette joute perpétuelle entre art et industrie
naît un genre de cinéma qui fait débat, qui intrigue, qui
choque. Quel est le modèle socio-économique des films d'horreur ?
S'insèrent-ils dans un schéma de grande consommation, touchant
par là un public assoiffé de divertissement sanguinolent ou
revêtent-ils des velléités culturelles fortes, aptes
à transiter par des réseaux de diffusion
spécialisés, à destination d'un public d'initiés ?
C'est à cette question qu'il faut tenter de répondre, en abordant
dans un premier temps ses caractéristiques, son historique -notamment
française- et son public puis dans une deuxième partie les
différents réseaux de diffusion hexagonaux, afin de faire sortir
le film d'horreur de son ombre.
Le cinéma d'horreur prend sa source dans le fantastique
mais tend à s'en distinguer tant par ses intentions que par ses
évolutions diégétiques. La peur recherchée par les
amateurs du genre peut prendre plusieurs formes mais elle reste, pour les uns
une fin, pour les autres un moyen. L'intérêt porté à
ces films est souvent incompris, leur public comme leurs auteurs largement
marginalisés, principalement en France où l'oeuvre
cinématographique est considérée comme un objet
sacré à ne pas exposer aux regards de novices prompts au seul
divertissement.
Comme son nom l'indique, le cinéma d'horreur s'attache
à susciter des émotions fortes et à provoquer des
réactions physiques, qui sont généralement inversement
proportionnelles au degré de connaissance du genre par le spectateur.
Cette définition, qui n'exclut pas d'autres caractéristiques, est
la plus répandue pour tenter de cerner un terme protéiforme,
conçu à la fois comme un sous-genre du fantastique et comme un
cinéma générique renfermant ses multiples évolution
ultérieures. Les affects générés par la vue
d'images horrifiques peuvent être produits de différentes
façons mais il n'existe pas de règles qui président
à son élaboration. De la précision chirurgicale à
la suggestion du hors-champ, les réalisateurs et leurs équipes
artistiques ont puisé dans la petite boutique des horreurs que leurs
prédécesseurs ont contribué à bâtir.
Cependant, l'instinctivité déclenchée par les images ou
les ambiances angoissantes et répulsives ne saurait être la seule
raison d'être du genre, qui renferme des accessoires tendant à
l'indispensable. Si la violence, les crimes, les connotations morales et
sexuelles ou encore les échos sociohistoriques ne sont pas des
caractéristiques propres à la diégèse horrifique
(des films naturalistes aux films d'action, une foule d'autres genres en
usent), ils s'en avèrent toutefois des éléments
constitutifs, au point d'être considérés comme de
réels codes et de justifier l'appellation cinéma de genre.
Permettant aux identités cinématographiques de se façonner
et aux différents courants de se consolider, ils sont appelés
à évoluer en fonction de l'environnement dans lequel ils ont
été utilisés.
Ces particularités contextuelles et esthétiques
dessinent des tendances, qui se transforment rapidement en sous-genres et
viennent nourrir la diversité d'un cinéma aux courbes ascendantes
et descendantes, suivant un cycle régulier de vivacité puis de
stagnation. A la première exploitation hollywoodienne des
créatures légendaires dans la première moitié du
XXe siècle (vampires, loup-garou, momies, zombies,...) suivit une
deuxième vague de productions anglaises dans les années 1950,
attisées toutes deux par la relégation de l'horreur dans
l'imaginaire, forcée par les atrocités de la guerre et la
censure. Il faut attendre la génération suivante, moins
consensuelle, pour voir émerger un cinéma d'horreur plus
audacieux, renouant avec la proximité de la menace, qu'elle soit de
nature fantastique ou réelle. Ce furent en premier lieu les films gores
de H.G. Lewis et les splatter movies ultérieurs, qui
éclaboussèrent les écrans de leurs excès
graphiques, choquèrent l'opinion et ravirent les spectateurs les plus
jeunes (souvent engagés dans d'autres mouvements extrêmes, qu'ils
soient musicaux ou artistiques). Une brèche était ouverte.
Suivirent les films mettant en scène des morts-vivants ou des
cannibales, dérives des expériences humaines, sous le patronage
de G. A. Romero ainsi que nombreux réalisateurs italiens. Le
réalisme gagnant du terrain à mesure que les souvenirs des
conflits s'éloignent, de nombreux genres tentent de réhabiliter
l'humanité -réelle ou
supposée- des tueurs ; le masque devient le symbole
d'une génération de psycho-killers, dont l'expansion à
travers les gialli et les slashers signe un nouveau cycle de
prospérité pour le cinéma d'horreur dans les années
1970. A l'approche de la dernière décennie du siècle, de
nouvelles formes horrifiques naissent, s'éloignant du fantastique pour
s'ancrer de plus en plus dans la réalité ; les thrillers, les
post-slashers et les torture-flicks décrivent un monde où tout
espoir de salut est anéanti, où les faits divers triomphent,
où l'horreur est omniprésente, mettant ainsi à bas
certains codes, mécontentant les plus exigeants.
Si les Anglo-saxons ont été et sont toujours les
exploitants les plus chevronnés du genre, la production horrifique
française brille par sa rareté dans le paysage
cinématographique national et international. Etriqué entre le
modèle hollywoodien et la volonté d'intellectualiser la terreur,
un petit nombre de films français a été
réalisé depuis une demi-douzaine d'années. Cette
émergence de l'horreur à la française, portée par
une nouvelle génération de cinéastes audacieux, reste tout
de même marginale vis-à-vis de la production globale hexagonale
(de l'ordre d'1%). En effet, ce type de cinéma est fortement
méprisé en France et les projets sont difficiles à
élaborer, notamment à cause de la censure qui l'a assimilé
au cinéma pornographique, le privant de distribution. Aujourd'hui la
commission de classification des oeuvres cinématographiques
dépendant du CNC s'attache à réglementer l'accès
aux salles en fixant des limites d'âge. En raison de leur
caractère violent, les films d'horreur sont souvent assortis
d'interdictions aux moins de 12 ans ou aux moins de 16 ans, voire aux moins de
18 ans, classification polémique récemment
élaborée. Ces différents paliers d'interdiction sont le
reflet de la préoccupation des pouvoirs publics concernant l'influence
de la violence médiatique sur le jeune public. Mais ils ont
également des implications socio-économiques. Provoquant parfois
l'effet inverse, c'est-à-dire l'attractivité des restrictions
élevées, ils posent cependant problème aux entrepreneurs
de la filière, notamment à cause de l'importance des
chaînes de télévision dans le plan de financement des
films, qui forcent à l'autocensure. La discrétion des aides
financières contribuent à marginaliser ce type de cinéma,
défendu par quelques passionnés qui souhaitent réhabiliter
un genre, tant du point de vue économique qu'artistique, dans le berceau
national du 7e art.
Malgré ces petites avancées, la volonté
de se faire peur subsiste souvent incomprise. Comment supporter un
déluge de violence et y consentir sans afficher de troubles d'ordre
psychologique ? L'influence d'images dures sur les spectateurs, notamment les
plus jeunes, peut être perçue de différentes façons,
oscillant d'un conséquentialisme fort à une relativisation toute
libérale. A la manière des jeux de cirque, les films d'horreur
ont également été pris en tant qu'exutoire aux passions
les plus
dévorantes. Or les partisans de la catharsis restent
peu nombreux, les nouveaux films tendant plus à l'expression d'un
voyeurisme latent qu'à la saignée psychique. Le plaisir du regard
portant sur des actes répréhensibles ou incompréhensibles
n'a pourtant rien de pathologique dans la grande majorité des cas et
s'accommode parfaitement avec des phobies en tous genres. Néanmoins, si
la réception varie fortement d'un individu à l'autre, il semble
que la démarche de visionnage soit plus homogène et comporte une
forte dimension subversive, à l'image de celle présente dans les
films eux-mêmes. Cette volonté d'aller à l'encontre des
normes sociales et de pointer les contradictions de la société
par une pratique culturelle à la marge, que ce soit occasionnellement ou
de façon régulière, est l'une des caractéristiques
d'un mouvement subculturel. La provocation, pourtant traditionnellement
considérée comme l'avatar des jeunes générations,
n'a pas de limite d'âge et le public des films d'horreur transcende
largement les catégories marketing qui lui sont reliées.
L'histoire de l'horreur au cinéma prouve sa
vitalité comme ses difficultés de renouvellement, mais
témoigne de son extraordinaire richesse, avec quelques nuances
géographiques. Chargés d'une culture et de codes qui les privent
d'une certaine légitimité, ces films séduisent et
repoussent à la fois, jouant avec les mécanismes d'une peur plus
ou moins contrôlée. Or qu'il soit motivé par la passion ou
par le simple loisir, le spectateur de films d'horreur dispose néanmoins
de nombreux moyens d'entretenir son intérêt pour le genre. Ceux-ci
relèvent de plusieurs démarches, allant de l'amateurisme au
professionnalisme, de l'entreprise spécialisée aux firmes
généralistes, dans un marché où la volonté
de rentabilisation dicte aux acteurs des stratégies
différentes.
Un mouvement culturel, et a fortiori d'autant plus lorsqu'il
se teinte de subculture, est généralement entretenu par un
certain nombre d'amateurs qui s'investissent pour faire perdurer et promouvoir
l'objet de leur passion. La presse spécialisée (et à leur
tête Mad Movies en leader incontesté) et Internet sont
les outils principaux de collecte et de diffusion d'informations en tous genres
autour des films. Aspirant à contribuer personnellement à la
connaissance du genre, les blogueurs et les posteurs, en tant que journalistes
du XXIe siècle, échangent leurs avis sur la toile en toute
liberté. La démarche participative et de partage est très
prégnante dans ce milieu qui valorise l'ancienneté et le savoir
et où le respect des films cultes est indispensable. Outre un nombre
exceptionnel de courts-métrages réalisés entre amis, une
multitude de soirées intimistes sont organisées, en privé
ou dans des lieux publics comme des bars, des petites salles de
projection ou des cinémas indépendants. Si le
bénévolat régit bien souvent l'investissement de ces
cinéphiles, ils peuvent cependant se tourner ponctuellement vers le
professionnalisme. C'est notamment le cas en ce qui concerne les petits
festivals locaux qui ont pu acquérir une dimension nationale à
force de visibilité et de qualité (comme l'Etrange
Festival et ses différentes éditions). Mais de plus gros
évènements, régis par des institutions du monde
cinématographique, existent aux côtés de ces pratiques plus
ou moins artisanales, emmenés par des individus personnellement
impliqués à promouvoir la diversité du cinéma au
sein de leur entreprise. Aussi la Cinémathèque Française
propose-t-elle des soirées à thématique bis incluant
souvent de l'horreur et la ville de Gérardmer dans les Vosges
accueille-t-elle depuis quinze ans un important festival de films fantastiques.
Ouverts à tous mais rassemblant surtout un public d'habitués, ces
différents types d'évènements se conjuguent pour le plus
grand plaisir des fans, participant ainsi à la promotion d'un genre qui
souffre parfois de sa marginalité, tout en continuant de l'entretenir
simultanément.
Si les entreprises de la filière
cinématographique, dont la survie dépend de la
fréquentation et des chiffres de ventes, s'adressent à des
clients amateurs ou passionnés, elles doivent prendre en compte un
certain nombre d'impératifs économiques et prennent plus de
risques que les outils de diffusion précédemment décrits.
Il est souvent affirmé que la réussite d'un film dépend de
son résultat en salles. Or il semble que cet adage soit quelque peu
erroné en ce qui concerne les productions d'horreur. En effet elles ne
réalisent que peu d'entrées dans les salles obscures,
indépendamment de leur nationalité, et attirent rarement
au-delà de 300 000 personnes -ce qui confirme l'étroitesse du
cercle des initiés. En effet, beaucoup d'exploitants se montrent
réticents à programmer ce type de films, notamment au sein des
circuits qui aspirent à toucher un plus large public. Et si les
cinémas indépendants apparaissent comme les plus enclins à
projeter ce genre d'oeuvres, ils n'en sont pas moins limités par
l'exclusion de l'horreur des normes Art et Essai. Cependant, l'entrave
principale réside plutôt dans le secteur de la distribution car la
part des films d'horreur dans le volume global des films distribués se
situe autour de 5%. Cette activité risquée est dominée par
d'importantes firmes d'origine américaine qui s'avèrent les plus
prolifiques en matière d'horreur. Mais cette configuration
n'empêche pas les petits distributeurs de se positionner ponctuellement
sur le genre. En revanche, le monde de l'édition et de la distribution
vidéo semble plus ouvert aux possibilités en matière de
diversité des genres, offertes par l'infériorité des
coûts et les effets de structure. Les supports de consommation
privée que sont les VHS et les DVD -et maintenant de la VaD-
réussissent aux films d'horreur, dont certains titres vont
jusqu'à atteindre plusieurs centaines de milliers d'exemplaires. Ces
produits, qu'ils émanent de
géants de la distribution ou de petits éditeurs
spécialisés -dont la survie est cependant difficile-
s'étalent dans la majorité des enseignes de tous types. Cette
diversité s'éprouve également au sein du média
télévisuel, roi de la consommation de masse au milieu des loisirs
des Français. Si la réglementation imposée par le CSA en
matière d'horaires, de quotas et de signalétique restreint les
possibilités des chaînes généralistes en clair
à diffuser des films d'horreur (bien qu'elles n'en expriment pas
nécessairement le souhait), il semble que les chaînes
dédiées au cinéma y soient plus disposées. Des
programmations spéciales et des chaînes fortement
positionnées (partiellement ou exclusivement) sur ce créneau ont
même vu le jour ces dernières années, grâce au
succès des câbloopérateurs et à la diversité
de l'offre thématique.
La diffusion des films d'horreur s'effectue principalement
à travers des entreprises et des médias de grande consommation,
qui ne sont pas nécessairement disposées à défendre
l'esthétique du genre mais recherchent plutôt un moyen de se
positionner sur le plus grand éventail de styles. Mais la
visibilité de ces films ne dépend pas que des moyens mis en
oeuvre ; de petites structures sociétaires ou associatives contribuent
également, à leur échelle, à la promotion d'un
cinéma qu'ils défendent avec acharnement.
Au-delà des évolutions esthétiques qui
alimentent en renouvellent régulièrement le genre, le
cinéma horrifique a su s'imposer dans le paysage audiovisuel
international, même s'il demeure marginal au sein de la production et de
la distribution française. L'horreur serait de croire qu'en vertu de sa
dimension subversive, le cinéma de genre ne s'intègre pas aux
circuits traditionnels. Culturellement marché de niche,
économiquement marché de masse, les films d'horreur transitent
par différents types de réseaux au sein de la filière
cinématographique, en décrivant le modèle de l'oligopole
à frange, souvent appliqué aux biens culturels. Diverses
pratiques coexistent à l'intérieur du secteur, allant de la
spécialisation, souvent entretenue par des passionnés
bénévoles, à la généralisation, où
les objectifs économiques dictent les engagements artistiques, en
passant par des niveaux intermédiaires s'intercalant entre ces deux
extrêmes. Le modèle français de diffusion de ce
cinéma est maîtrisé par une variété d'acteurs
et touche les masses par l'offre de ses réseaux tout en restant
présenté comme une chapelle, sur l'autel de laquelle des
aficionados n'ont de cesse de sacrifier leur vertu à une cause bien
sanglante, pour un plaisir sans perversité totalement assumé.
LEXIQUE
Affect : synonyme d'émotion, l'affect désigne un
ensemble de réactions psychologiques et/ou physiques qui peuvent
influencer le comportement d'un individu.
Analyse multivariée : terme technique
désignant une méthode de sociologie employée et
développée par Emile Durkheim pour son étude, Le
Suicide (1897). Elle préconise de recouper une multitude de
variables pour en tirer une information dont les sources sont multiples,
contrairement à une corrélation à deux variables.
Avatars : ce terme peut recouvrir plusieurs
acceptations mais dans cette étude, il désigne les
caractéristiques d'un mouvement ou d'une tendance, pouvant être
mis en avant de façon visible (par exemple : des vêtements, des
films fétiches,...)
Blockbuster : il n'y a pas de définition
précise mais on admet généralement que ce terme
désigne les films à budget important, produits dans une logique
de rentabilisation, déployant un budget élevé
dédié à sa promotion. Il n'y a pas de seuil pour les
caractériser mais cela s'élève à plusieurs dizaines
de millions de dollars.
Blogueurs : individus écrivant des sortes de
journaux personnels sur Internet, les blogs, où ils développent
leurs goûts et échangent à ce propos avec d'autres
internautes
Box Office : ce terme désigne en
général le chiffre d'affaires d'un film, en prenant en compte le
nombre de spectateurs et/ou le nombre d'entrées
réalisées.
Catharsis : théorie selon laquelle l'être
humain peut se purger de certaines mauvaises humeurs en assistant à un
spectacle libérateur des passions (comportant des scènes
dramatiques ou violentes notamment), dans un but de rétablissement de
l'ordre physique et psychique.
Chambara : le chambara est un genre
cinématographique et théâtral japonais de bataille de
sabre. Le nom chambara vient de la contraction des onomatopées chan-chan
barabara qui désignent le bruit de la lame tranchant la chair. Le genre
est également appelé ken geki (film de sabre) et est parfois
assimilé à un sous-ensemble du jidai-geki (film historique).
Conséquentialisme : on désigne par
conséquentialisme l'ensemble des théories morales qui soutiennent
que ce sont les conséquences d'une action donnée qui doivent
constituer la base de tout jugement moral de ladite action. Ainsi, d'un point
de vue conséquentialiste, une action moralement juste est une action
dont les conséquences sont bonnes.
Coproduction : oeuvres cinématographiques et/ou
audiovisuelles qui sont financées par plusieurs producteurs qui peuvent
être de nationalités différentes.
Dépiction : synonyme de représentation,
la dépiction s'attache à une description détaillée
d'une chose en s'appuyant souvent sur un vocabulaire artistique.
Diégèse : La diégèse, a
deux acceptions : dans les mécanismes de narration, la
diégèse est le fait de raconter les choses, et s'oppose au
principe de mimesis qui consiste à montrer les choses ; ou alors c'est
l'univers d'une oeuvre, le monde qu'elle évoque et dont elle
représente une partie. Pour un film, elle désigne son
récit propre.
Distributeur : entreprise qui ne positionne entre les
salles de cinéma et les producteurs afin d'acheter, de promotionner et
de fournir les exemplaires des films en vue de leur projection.
Entertainment : souvent pris dans son sens
péjoratif, il désigne le divertissement, supposé relever
de la consommation pure sans réel intérêt autre
qu'économique. En ce qui concerne le cinéma, on l'utilise souvent
pour qualifier les films issus de l'industrie américaine, en les
opposants aux films d'auteur européens par exemple. La culture du
divertissement a été analysée par Hanna Arendt dans La
crise de la culture (1968) en tant que caractéristique d'une
société individualiste et de consommation de masse.
Evènementialisation : c'est le fait de produire
des soirées, des concerts ou tout type d'événement
susceptible d'avoir un rayonnement important, dans des lieux spécifiques
(musées, frîches, cinémas,...) afin d'attirer un public
plus large que celui fréquentant habituellement le lieu en question.
Fanzine : un fanzine devient un magazine lorsqu'il
cesse d'être le produit de l'activité d'un amateur
passionné (un « fan ») pour devenir le produit d'un
professionnel. Souvent militant dans le champ culturel, l'esprit des fanzines
s'est transféré dans la sphère Internet, par
l'intermédiaire des sites et des blogs.
Film d'Initiative Française : selon le CNC, ce
sont tous les films qui sont financés totalement par les producteurs de
nationalité française.
Giallo : ce terme signifie jaune en italien et est à la
base le nom donné à une série de romans policiers en
Italie. Par extension, ce terme s'est appliqué aux films policiers
italiens flirtant avec l'horreur ou le fantastique dans les années
1970.
Goodies : le terme anglophone goodies désigne
les produits dérivés accompagnant la sortie d'un film, d'un jeu
vidéo, d'une série télévisée etc...
Gore : terme désignant les détails
répulsifs d'un crime, pouvant être figurés de façon
à provoquer une réaction de dégoût chez son
spectateur. Dans une acception plus générale, il peut
s'étendre à tout ce qui paraîtrait dérangeant d'un
point de vue graphique. Kaidan : au Japon, le mot kaidan fait
principalement référence aux histoires d'horreur et de
fantômes. Mais, dans un sens plus ancien, il peut également
désigner les contes populaires japonais de l'ère Edo.
Oligopole : système économique se
caractérisant par la présence de quelques grandes entreprises
autour desquelles gravitent une multitude de petites, qui interagissent et
d'auto-influencent. Il peut être utilisé pour qualifier le
système économique de la filière cinématographique
à de nombreux échelons (producteurs, distributeurs,
éditeurs vidéo,...)
Porn-flick : assimilable aux torture-flick, ces films
présentent des scènes de tortures souvent imposées
à des femmes, tout en présentant des éléments
pornographiques (sévices sexuels par exemple)
Posteur : individu qui dialogue sur la toile avec
d'autres internautes et « poste » ses commentaires sur des sites, des
forums, des plate-formes.
Saynète : sorte d'histoires courtes, mises en
scène dans des productions artistiques, qui désignaient souvent
les petits films muets à l'origine de la production
cinématographique. Splatter movie : films d'horreur né
dans les années 1970-80 présentant les détails des crimes
à l'écran, assimilable au gore en tant que genre.
Slapsitck : films mettant en scène la violence
ou des comportements répréhensibles et absurdes à travers
l'humour noir et l'autodérision afin de provoquer le rire.
Slasher : films d'horreur ayant émergé
dans les années 1970-80, mettant en scène des tueurs psychopathes
armés et souvent masqués qui déciment un par un tous les
protagonistes de l'intrigue, souvent jeunes et incrédules.
Snuff movie : Les snuff movies sont des films courts
généralement sous forme d'unique plan-séquence qui mettent
en scène un meurtre supposé réel, parfois
précédé de pornographie avec viols de femmes ou d'enfants.
Le terme de snuff movie apparaît au milieu des années 1970 pour
désigner des films clandestins contenant les images de sévices et
de meurtres qui se prétendent réels. Ces films faits de
brutalité et de violence semblent destinés à des amateurs
demandeurs. La réalité de ces films est toutefois
discutée, certains considérant qu'il s'agirait principalement
d'une légende urbaine.
SOFICA : Les Sociétés pour le Financement
de l'Industrie Cinématographique et Audiovisuelle sont des
sociétés de droit français de capital-investissement, qui
permet aux particuliers de financer des films par l'intermédiaire de
fonds bancaires alloués annuellement.
Subculture : Modèle de culture qui s'attache,
non pas à ébranler la culture légitime comme la
contre-culture, mais à produire un certain nombre de codes en marge de
celle- ci, afin de mettre en évidence ses contradictions. Si elle
s'institue toutefois en rébellion vis-à-vis de la culture
dominante, elle se laisse dominer par elle et instaure un jeu d'échange
avec elle. Les tribus musicales sont les plus enclines à
développer ce genre de comportements volontairement provocants.
Survival : Trame narrative qui se rencontre souvent
dans les films d'horreur, où les personnages sont censés survivre
avec les moyens dont ils disposent face à une menace humaine ou
invisible
Teaser : sorte de bande-annonce qui ne dévoile
que très peu l'intrigue du film, projetée bien avant la date de
sortie du film, afin de susciter la curiosité des spectateurs
Thriller : oeuvres se rapprochant à la fois du film
d'horreur et du film policier, en mettant en avant des scènes
criminelles, de façon plus ou moins horrifique et/ou gore, sur fond
d'intrigue policière
Topoï : Les topoï (au singulier : topos)
désignent les lieux communs, les mots-clefs, les sujets
caractéristiques d'un groupe sociologique ou d'une
spécialité.
Torture-flick : films qui mettent en scène des
individus torturés et humiliés par un ou plusieurs tueur(s) dont
le raisonnement apparaît flou au départ, et relève du
sadisme et de la perversion.
Travelling : Déplacement de la caméra au
cours de la prise de vue. C'est ce mouvement de caméra qui induit le
mouvement-même de l'image, dans l'objectif de suivre un sujet ou un objet
en évolution dans l'espace, contrairement au zoom où le plan et
la caméra sont fixes et vise à élargir ou restreindre
l'image filmée sur un élément précis du plan.
Index Analytique
Adolescent(s) : 1, 30, 32, 43, 54, 57, 58, 59, 90, 95, 99,
107
Affect(s) : 11, 14
Aide(s) : 45, 46, 47, 69, 82
Amateur(s) / amateurisme : 32, 40, 41,
42, 52, 56, 58,
|
61,
|
62,
|
64,
|
65,
|
98, 105, 107
|
|
|
|
|
Angoisse : 11,
|
13,
|
14,
|
16,
|
21,
|
Art : 1, 2, 3, 9,
|
10,
|
12,
|
13,
|
16,
|
35, 38, 43, 51,
|
54,
|
82,
|
84
|
|
66, 67, 68,
50
18, 21, 22,
Avatars : 13, 55, 56, 58, 62, 66, 71 Blog(s) /
blogueur(s) : 64, 105
Censure / autocensure : 4, 14, 21, 24,
25, 38, 40,41, 42, 44, 53, 55, 56, 70, 80 Cible : 57, 58, 63, 81,
99, 100, 107 Cinéma d'auteur: 36, 37, 40, 59, 79, 106
Cinéma de genre : 19, 36, 40, 45, 47, 63, 64, 78
Cinéphile(s) / cinéphilie : 56, 58, 63, 66,
71, 73, 82, 84, 100
Code(s) : 2, 5, 42, 48, 54, 55, 59, 91, 92, 106
Commission de classification : 16, 33,
38, 39, 40, 42 48, 44, 49, 106 Communauté(s) : 55,
56, 57, 58, 59, 62, 66, 67, 74, 99
Conséquentialisme : 12, 50 Consommation de
masse : 26, 89, 108 Coproduction(s) : 36, 37, 43, 77
Crime(s) : 9, 14, 15, 16, 17, 25, 32, 49, 106
Culture : 8, 12, 19, 22, 26, 39, 53, 55, 56,
57, 59, 61, 62, 63, 71, 82, 84, 90, 91,
102, 106, 107, 109
Diffusion : 4, 5, 60, 61, 62, 66, 81, 82, 89,
91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 100, 101, 102, 103, 105, 108
Distribution : 38, 39, 44, 76, 77, 78, 81,
85, 87, 89, 107
Edition (vidéo) : 58, 63, 79, 86, 87, 89
Epouvante : 8, 9, 10, 11, 15, 18, 32, 35 Exploitation : 17, 22,
23, 31, 34, 36, 39,
41, 43, 44, 57, 59, 71, 79, 80, 81, 84, 85,
86, 88, 89, 92, 103, 108
Emotion(s) : 7, 9, 11, 12, 18, 49, 53, 106 Fans(s)
: 4, 22, 26, 28, 50, 51, 55, 56,
57, 58, 59, 62, 66, 67, 70, 71, 76, 87, 89, 101, 105
Fanzine(s) : 63, 105
Forum(s) : 13, 64, 66, 72, 105
Frontière(s) : 1, 8, 9, 17, 25, 33
Giallo/gialli : 28, 29, 31, 59, 82, 89 Gore :
Image : 8, 11, 12, 13, 16, 22, 28, 33, 34, 44, 48, 49, 52, 53,
54, 61, 63, 67, 80, 83, 90, 91, 92, 93, 102
Imaginaire : 2, 7, 8, 9, 18, 20, 21, 27, 51
Industrie : 1, 3, 22, 37, 39, 44, 61, 108 Interdiction(s) : 17,
33, 38, 39, 40, 41,
42, 43, 44, 45, 47, 55, 81, 85, 91, 92, 103 Marketing : 3,
33, 57, 79, 88, 105
Morale : 16, 17, 21, 30, 34, 48, 52, 105 Mort : 50, 52,
53, 55, 97, 98 Mort-vivant(s) : 8, 24, 26, 28
Passion/passionné(s) : 37, 50, 51, 52,
56,
68,
|
74,
|
81,
|
89,
|
14,
|
15,
|
18,
|
19,
|
82,
|
98,
|
106
|
|
58, 61, 62, 65, 66, 67, 104, 105, 108
Peur(s) : 7, 9, 11, 12, 13,
33, 48, 49, 50, 51, 58, 76, Postmoderne /
postmodernité : 59 Préachat(s) : 43, 45, 47
Production(s) : 4, 7, 9, 21, 23, 26, 31, 32,
35, 37, 44, 45, 47, 56, 58, 59, 76, 77, 79,
85, 88, 93, 101, 103, 104, 106 Provocation : 5, 18, 25,
54, 55, 58, 59, 82, 106
Réactions (physiques) : 9, 12, 13, 49, 106
Remakes : 22, 27, 30, 37, 63
Scénario : 7, 14, 18, 28, 30, 31, 33, 45, 46, 52,
84, 92
Sexe : 21, 40, 41, 49, 63 Slasher/post-slasher : 17, 24,
25, 29, 30, 31, 32, 34, 59, 98
Souffrance(s) : 52, 53
Suggestion : 14, 15, 19
Subculture(s) /subculturel(le) : 53, 55, 56,
57, 58, 59, 62, 107, 108
Thriller : 15, 16, 21, 27, 31, 32, 34, 59, 77, 89, 94
Torture : 19, 24, 25, 29, 32, 33, 34, 52 Torture-flick :
31, 32, 34, 59, 80 Transgression : 16, 17, 54, 55, 58 Tueur(s) :
7, 15, 18, 29, 30, 31, 32, 33 Victime(s) / victimisation : 26, 30, 33,
55 Violence : 3, 4, 15, 16, 17, 18, 21, 23, 24,
27, 32, 33, 34, 39, 40, 41, 42, 44, 48, 49,
51, 52, 53, 54, 80, 91, 102, 103, 106 Voyeurisme : 14, 34,
51, 52, 107 Zombies : 24, 26, 34, 35, 63
INDEX DES NOMS PROPRES
13e RUE : 98
AB Groupe : 95, 98, 100 ABRAMS J.J. : 80
AILLAGON Jean-Jacques : 91
AJA Alexandre : 27, 37, 81,83
ALDUY Manuel : 47 AMATO Joe d' : 28
ANTONIONI Michelangelo : 16 ARGENTO Dario : 3, 28, 29,67
ARTE : 94
AUCHAN : 88
BAC Films : 78
BAKER Roy Ward : 23 BALAGUERO Jaume : 12, 19, 72,79 BAVA Mario :
28,67
BAYONA Juan Antonio : 19, 72 ,81 BECKER Muriel : 86
BENJAMIN Walter : 3 BERARD Hervé : 100
BERGER-LONGUET Françoise : 98 BERN ICHE Jean Nicolas : 33,
57 BEUNEL Ketty : 73
BIS TV : 101
BLANKS James : 30 BOLL Uwe : 55
BOLTANSKI Luc : 51, 52
BOUSMAN Daren Lynn : 40
BRADY : 82
BREATHNACH Paddy : 78
BRUNEAU Marie Agnès : 62 BROWNING Tod : 9 BUFFON Louis :
10 BUNUEL Luis : 25,84
BUSTILLO Alexandre : 36, 64, 78 CAILLOIS Roger : 8, 9
CAMAITI Anna : 56
CANAL + / CANAL Sat : 47, 88, 91, 92,
95, 96, 98, 99, 103, 104 CARPENTER John : 30, 71, 98 CHAINTREUIL
Philippe : 44 CHAPELAIN Jean : 50 CHAPLIN Charlie : 12, 21
CHATTAM Maxime : 32 CHOUCHAN Lionel : 71, 72, 74 CHRISTENSEN
Benjamin : 25
CINE ALPES : 81 CINE BOX : 98, 101
CINE CINEMA : 47, 79, 95, 96, 100, 101, 103
CINE FX : 100, 101, 102
CINE POLAR : 98
CLOUZOT Henri Georges: 35
CLUB DU VENDREDI 13 : 40, 44, 78, 83
CNC : 23, 41, 45, 46, 77, 78, 83, 85, 87, 92, 102
COCTEAU Jean : 36
COLORADO : 82
COMTE Auguste : 10
COPPOLA Francis Ford : 100 Mc CORMICK : 30
CORNWELL Patricia : 32 COHEN Phil : 55
COULANGEON Philippe : 90 CRAVEN Wes : 29, 30
CRONENBERG David : 27, 71, 84
CSA : 41, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 101, 102, 102
CUSHING Peter : 23
DAHAN Yanick : 79
DANTE Joe : 88 ,97
DARABONT Franck : 80, 83 DE LA IGLESIA Alex : 31 DEBRAY
Régis : 11
DEL TORO Guillermo : 87, 10 DELEUZE Gilles : 11
DE PALMA Brian : 31, 71 DEMME Jonathan : 31
DEODATTO Ruggero : 28, 72, 89 ,103 DESPENTES Virginie : 40
DESPONTIN Cyril : 67, 68
DUFOUR Eric : 14 , 30
DUHAMEL Georges : 2
ECRAN FANTASTIQUE : 8, 62 EMMERICH Roland : 76
ETRANGE FESTIVAL : 63, 68, 69 FABRIQUE DE FILMS (La) : 44, 78
FERRARA Abel : 100
FINCHER David : 31
FISHER Terence : 23
FOLMAN Ari : 79
FOREST Claude : 43
FOX PATHE EUROPA : 86 FRANCE 2 : 94
FRANCE 3 : 94
FRANCE 5 : 94
FRANCO Jess : 35, 70, 72 FRANJU Georges : 35, 36, 71 FREDA
Ricardo : 28
FREE DOLPHIN : 89
FRIEDKIN William : 76
FULCI Lucio : 28, 89, 100 GANS Christophe : 36, 62, 65
GAUMONT COLUMBIA TRISTAR : 77, 78, 86
GENS Xavier : 11, 33,37, 41, 81 GERARDMER (festival du film de) :
72, 73, 74, 105
GIBSON Alan : 23
GILLESPIE Jim : 30
GODARD Jean Luc : 1, 16 GOUBEREAU Pascal : 100, 102 GRANDPIERRE
Richard : 37 GRINDHOUSE : 69
HAMMER : 24, 25, 82
HANEKE Michael : 34
HEADLINE Douglas : 98 HEBDIGE Dick : 56
HITCHCOCK Alfred : 3, 14, 84 HOPPER Tobe : 39, 25, 29 HOPWOOD
Avery : 20
HUTCHINGS Peter : 9 ,10 ,18 ,19 ,21 , 22 JACKSON Peter : 26
Jean-Michel : 65
Jean-Maurice : 68
JOFFE Roland : 32
JULLIER Laurent : 17, 24 KARLOFF Boris : 63, 22, 23 KASSOWITZ
Mathieu : 37 KAUFMAN Lloyd : 26
KINEPOLIS : 80, 81
KRIEGEL Blandine : 91, 102 KRUEGER Freddy : 29
KUHN Edmond : 25
LANGLOIS : 71
LAVOISIER : 10
LAUGIER Pascal : 26, 37 ,40 , 64 , 81,103 LAWRENCE Francis :
76
Mc LEAN Greg : 34, 80
LECLERC : 88
LE COUPANNEC Hervé : 44 LEE Christopher : 23
LEMAIRE Christophe : 36, 58, 62, 64, 65, 75, 82
LENZI Umberto : 28, 89
LE PACTE : 79
LERAY Michel : 76, 26
LEUTRAT Jean-Louis : 11, 17 LEVERATTO Jean Marc : 52 LEVI-STRAUSS
: 57
LEUTWYLER Matthew : 26 LEWIS Hershell Gordon : 25 LIEBERMAN Jeff
: 98
LOPEZ GALLEGO Gonzalo : 79, 80
LOWENSTEIN Adam : 19 LU CAS Georges : 76
LUGOSI Bela : 21, 22, 23
LUX Philippe : 69, 79, 81, 82, 86, 103
M6 : 92, 94
MAD MOVIES : 13, 62, 63, 64, 68, 71, 105 MAGNAT Julien : 37
MARS DISTRIBUTION : 78 MARSHAL Neil : 72
MATHESON Richard : 26, 76 MAUPASSANT Guy de : 20 Mc Carthy :
25
MAURY Julien : 78, 36
MCM : 99
MELIES Georges : 2, 20 METROPOLITAN Film Export : 77, 87 MEXICO :
82
MEYNIEL Eric : 81
MIDAL Fabrice : 54
MIDI-MINUIT : 82
MIIKE Takashi : 81
MILLER Georges : 71
MILLER Claude : 42
MONDADORI : 28
MORA Philippe : 70
MOREAU David : 15, 37, 78 MURNAU Friedrich- Wilhelm : 20 MURO Jim
: 71
MYERS Michael : 29, 30 NEO PUBLISHING : 88, 89 NRJ 12 : 95
O' BANNON Dan : 67
OH MY GORE ! : 65
OPENING : 89
PALLARDY Jean Marie : 67 PALUD Xavier : 15, 37, 78
PAPAGNO Jean Emmanuel : 57, 87 PAQUETTE Emmanuel : 76 PARAMOUNT :
29
PINEDO Isabel- Cristina : 30, 59, 16 PLAZA Paco : 12, 72, 79
POE Edgar Alan : 20
PONTECORVO Gillo : 16 POIRE Jean Marie : 97
QUIGNAUX Jean-Pierre : 42 RAIMI Sam : 71, 25
RAUGER Jean- François : 45, 70, 71 RINEHART Mary-Roberts :
20 RODRIGUEZ Robert : 88
ROLLIN Jean : 35, 36
ROMER Jean Claude : 8, 9
ROMERO Georges : 26, 71, 72, 78, 81, 94, 100
ROSS Philippe : 44
ROSSET Clément : 9
ROTH Eli : 32, 34
ROUYER Philippe : 11 RTL9 : 95
SACHOT Pierre : 72
SALVA Victor : 31
SASDY Peter : 23
SAYADIAN Stephen : 69 SCAMPS Olivier : 88 SCHLOCKOFF Alain : 62,
71 SCHNASS Andreas : 55 SCI-FI : 63, 72, 96, 99, 100
SERRADOR Narcisso Ibanez : 18 SEVEN 7 : 86
SEVEN ARTS : 23
SHELLEY Marie : 20
SHIMIZU Takashi : 72, 85 SMITH Carter : 80
SMITH Will : 76
SNYDER Zack : 27
SPIELBERG Steven : 76 SOAVI Michele : 88
SONY : 78
STEVENSON Robert Louis : 20 STOCKER Bram : 20 STUDIOCANAL : 78,
87, 88 STYX : 82
TARANTINO Quentin : 34 TF1 : 57, 86, 87, 88, 94
TMC : 95
TROMA : 26, 67
TOURNEUR Jacques : 63, 35 TWENTIETH CENTURY FOX : 77, 78 UGC :
68, 80, 81, 82
UNCUT : 85, 89
UNIVERSAL : 22, 23, 26, 76 VERRECHIA Guy : 80 VESTIEL Franck : 78
VIGNON Philippe : 102 VORHEES Jason : 29 WALPOLE Robert : 20 WAN James : 32, 85
WESTWOOD Vivienne : 56 WAKAMATSU Koji : 40 WEST Jake : 72
WIENSTEIN Compagny (the) : 87 WILDE Oscar : 20
WILD SIDE : 81, 86 WILLIAMS Paul Andrew : 78 WISEMAN Len : 10
WITT Alexander : 85 WRIGHT Edgar : 78, 26
ZAMECZKOWSKI Laurent : 100 ZEGHLACHE Anissa : 92 ZOMBIE Rob : 22,
34
ZONE BIS : 65, 66, 67
INDEX DES FILMS
2000 Maniacs : 25 27 Robes : 78
2eme sous-sol : 83 Addiction, the : 100 Aimez-vous Hitchcock ?
: 29
Alien : 10
A l'intérieur : 36, 37, 43, 64, 78 Amityville : 17
Anthropophageous : 28 Armée des morts, l' : 27
Arrivée d'un train en gare de la Ciotat : 1 Asylum : 41
Au service de satan : 98
Bad Taste : 25
Baie sanglante, la : 28 Baise-moi : 40
Bal de l'horreur : 30 Bienvenue au cottage : 78
Blood Feast : 25 Bloody Mallory : 37
Boulevard de la mort : 34
Broceliande : 98 Café Flesh : 69
Candyman : 92
Cannibal Ferox : 28, 89 Cannibal Holocaust : 28, 103
Captivity : 32
Carrie : 71
Cauchemar de Dracula, le : 23
Chat noir, le : 100 Chien andalou, un : 25 Cloverfield : 80
Colline a des yeux, la : 17, 27, 37, 81 Colour me blood red :
25
Dark Water : 95, 96 Dead and breakfast : 26 Dead or alive : 81
Death Sentence : 78 Dellamorte Dellamore : 88
Dents de la mer, les : 76
Dernière maison sur la gauche, la : 29 Dernier monde
cannibale, le : 89 Descent, the : 78
Destination Finale : 92 Detour Mortel : 72, 87
Deux visages du Dr Jekyll, les : 23 Diaboliques, les : 35
Diary of the dead : 26, 72, 78
Dictateur, le : 21 Dracula : 100
Dracula prince des ténèbres : 23
Eden Log : 78
Effroyable secret du Dr Hitchcock, l' : 28 Enfer des zombies, l'
: 28, 89
Etudiant de Prague, l' : 20
Evil Dead : 25, 71, 87, 99
Eye, the : 37, 76, 78
Exorciste, l' : 75 Faux Semblants : 71
Féline, la : 35 Fender l'indien : 41
Fin des temps, la : 17
Fragile : 19
Frankenstein : 19
Frankenstein 2008 : 76
Frankenstein s'est échappé : 23 Frankenstein et le
monstre de l'enfer : 23 Frayeurs : 28
Freaks : 9
Frissons de l'angoisse, les : 28
Frontières : 33, 37, 41, 69, 81
Funny Games : 34
Golem, le : 20 Gothika : 37 Gremlins, les : 97
Griffes de la nuit, les : 29
Grudge, the : 85 Guinea Pig : 85, 102
Halloween (saga) : 17, 22, 29, 71 Hannibal : 94
History of violence, a : 27
Horde, la : 79 Horribilis : 76 Horton : 78
Host, the : 95
Hostel : 32, 33, 34, 76, 79
Hurlements : 70, 88, 97
Ils : 13, 15, 37, 78
Independance day : 76
Isolation : 34, 87
Je crois que j'aime ma femme : 78 Jeepers Creepers : 31
Je suis une légende : 76
John Rambo : 78
Jour des morts-vivants, le : 94
Kapo : 16
Labyrinthe de Pan, le : 10, 86
Mad Max : 39, 71
Maison des 1000 morts, la : 34 Malédiction du pharaon,
la : 23 Martyrs : 37, 40, 41, 55, 64, 81 Masque du démon, le : 28
Massacre à la tronçonneuse : 17, 19, 25, 29, 39,
99
Mépris, le : 1
Meurtres à Oxford : 31
Mist, the : 80, 82
Mother of tears : 29
Mort de Marie Stuart, une : 25 Mouche, la : 27
Nosferatu : 20
Nuit des morts-vivants, la : 26, 71 Nuit du loup-garou, la :
23
Oiseau au plumage de cristal, l' : 28 Orphelinat, l' : 19, 72,
81
Père Noel est une ordure, le : 97 Peur au ventre, la :
92
Phantom of the paradise : 71 Planet Terreur : 88
Portrait de Doriana Gray, le : 70 Poultrygeist : 26
Proies, les : 79, 80
Promesses de l'ombre, les : 27 Psychose : 14
Pulsions : 31
Quand l'embryon part braconner : 40 Rage au poing, la : 41
Rec : 12, 13, 19, 72, 79, 80 Rebelles de la forêt, les :
78 Resident Evil : 85
Révoltés de l'an 2000, les : 18 Ruines, les : 80
Saint Ange : 37
Saw (saga) : 32, 33, 40, 41, 43, 76, 79,
80, 85, 87
Scanners : 27
Scream : 17, 30, 99 Secte sans nom, la : 19 Seven : 31
Shaun of the dead : 26, 78 Shrooms : 78
Silence des agneaux, le : 31 Silent Hill : 36
Sorcellerie à travers les âges, la : 25 Souviens-toi
l'été dernier : 30
Spectre du professeur Hitchcock : 28
Star Wars : 76
Stay Al ive : 96
Street Trash : 71
Suspiria : 28
Taste of blood, a : 25 Terror Firmer : 26
Toxic Avenger : 26
Turkish Star Wars : 69 Underworld : 10
Urban Legend : 30
Valse avec Bachir : 79 Vaudou : 35
Vampire nue, la : 35
Vendredi 13 (saga) : 29, 30, 100 Videodrome : 27
Viol du vampire, le : 35 Wizard of gore : 25 Wolf Creek : 34, 80,
87
Yeux sans visage, les : 35 Zombie : 26
INDEX DES ILLUSTRATIONS
Extrait de La Colline a des Yeux d'Alexandre Aja (2003)
: couverture tome 1 Extrait d'Alien de Ridely Scott (1979) : 10
Réactions du public lors d'une projection du film [Rec] de
Jaume Balaguero et Paco Plaza (
http://www.dailymotion.com/video/x3chh7
rec-trailer-avec-reaction-du-public fun) : 13
Extrait de Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1922)
: 21 Extrait de Frankenstein de James Whale (1931) : 24
Extrait de Zombie de George A. Romero (1978) : 27
Extrait de Suspiria de Dario Argento (1977) : 29
Extrait de Freddy contre Jason de Ronny Yu (2003) :
30
Extrait de Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme
(1990) : 32
Extrait de Saw 3 de Daren Lynn Bousman (2004) : 33
Extrait de Les Deux Orphelines Vampires de Jean Rollin
(1995) : 36
Extrait de Martyrs de Pascal Laugier (2007) : 41 Affiche
de Frontières de Xavier Gens (2006) : 42
Extrait de Ils de Xavier Palud et Xavid Moreau (2005) :
46 Extrait de The Shining de Stanley Kubrick (1980) : 53
Affiche du 15e festival du film fantastique de
Gérardmer, 2008 : 74
Présentation des pictogrammes de la signalétique
jeunesse, CSA : 93
Extrait de Cannibal Holocaust de Ruggero Deodato (1980)
: 104 Extrait de Suspiria de Dario Argento (1977) : couverture tome
2
BIBLIOGRAPHIE
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cinéma
· CAMILLERI Jean-François, Le marketing du
cinéma, Paris, Dixit, 2006, 223 p.
· CHION Michel, La toile trouée, le son au
cinéma, la voix au cinéma, Paris, Les Cahiers du
cinéma, coll. Essais, 1985, 189 p.
· CRETON Laurent, Economie du cinéma,
Perspectives stratégiques, Paris, Armand Colin Cinéma, 2005
(3e édition) 287 p.
· DELEUZE Gilles, Cinéma tome 2,
L'image-temps, Paris, Minuit, 1985, 378 p.
· JULLIER Laurent, L'analyse de séquences,
Paris, Armand Colin Cinéma, 2006 (2e édition) 192 p.
· PASSEK Jean-Loup (dir), Dictionnaire du
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gore
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· DUFOUR Eric, Le cinéma d'horreur et ses
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La mort en direct, les snuff movies, Paris, Le Cherche Midi, 2001, 222
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· HUTCHINGS Peter, The Horror Film, Harlow,
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· JULLIER Laurent, Interdit aux moins de 18 ans,
Morale, sexe et violence au cinéma, Paris, Armand Colin, 2008, 253
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· KING Stephen, Anatomie de l'horreur, tome I et
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· LEUTRAT Jean-Louis, La vie des fantômes, le
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Historical Trauma, National Cinéma and the Modern Horror Film,
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· PELOSATO Alain, Fantastique et science-fiction au
cinéma, Pantin, éd. Naturellement, 1998, 512 p.
· PINEDO Isabel Cristina, Recreational Terror, Women
and the Pleasures of Horror Film Viewing, Albany, State University of New
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· PUZZUOLI Alain, KREMER Jean-Pierre, Dictionnaire du
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· ROSS Philippe, Le film d'épouvante,
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· ROUYER Philippe, Le cinéma gore, une
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· THORET Jean-Baptiste (dir.), Politique des Zombies,
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Essais, articles et ouvrages sociologiques
· BUSHMAN Brad J. & ANSERSON Craig A., Media
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489
· BOLTANSKI Luc, La Souffrance à distance,
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· CAMAITI Anna, Passing, A strategy to
dissolve identities and remap differences, Fairleigh, Dickinson University
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· COULANGEON Philippe, Sociologie des pratiques
culturelles, La Découverte, coll. Repères, 2005, 123 p.
· DEBRAY Régis, Vie et mort de l'image,
Paris, Gallimard, coll. Folio Essais, 2005 (1ere édition 1995), 526 p
· GALARD Jean, La beauté à outrance,
Paris, Actes Sud, 2006, 171 p
· HEBDIGE Dick, Subcultures, The meaning of style,
London, Routledge,1979,200p
· LEVERATTO Jean-Marc, Introduction à
l'anthropologie du spectacle, Paris, La Dispute, 2006, 340 p.
· MIDAL Fabrice, Petit traité de la
modernité dans l' art, 2007, Pocket, coll. Agora, 286 p.
· MONDZAIN Marie-José, Homo spactator,
Paris, Bayard Centurion, 2007, 269 p.
Rapports officiels
· BRISSET Claire, Les enfants face aux images et aux
messages violents diffusés par les différents supports de
communication, Paris, Ministère de la justice, 2002, 65 p.
· KRIEGEL Blandine, La violence à la
télévision, Mission d'évaluation, d'analyse et de
propositions relatives aux représentations violentes à la
télévision, Paris, Ministère de la culture et de la
communication, 2002, 75 p.
Etudes et bilans du CNC
· La production cinématographique : 2003,
2004, 2005, 2006, 2007
· Rapports d'activité de la commission de
classification : mars 2004-février 2005, mars 2005-février
2006, mars 2006-février 2007
· Actes de la conférence annuelle des
commissions européennes de classification des oeuvres
cinématographiques, Paris, Unesco, décembre 2004
· Les salles Art et Essai, octobre 2006
· L'exploitation des films recommandés Art et
Essai, octobre 2006
· Bilan 2007, mars 2008
· Le marché de la vidéo en 2007,
mars 2008
Etudes et bilans du CSA
· Rapport d'activité : 2003, 2004, 2005,
2006
· Guide des chaînes thématiques,
ACCeS/CSA/CNC, janvier 2003
· Les programmes signalisés sur les
chaînes hertziennes de 1996 à 2002, Protection de l'enfance
et de l'adolescence, décembre 2003
· La protection des mineurs et la déontologie
des programmes à la télévision en 2004, CSA, Dossier
d'actualité, publié le 16 décembre 2005
· Guide des chaînes thématiques,
ACCeS.CSA/CNC, janvier 2006
· Les chiffres clés de l'audiovisuel,
Département des études et de la prospective, 1er semestre 2008
Principaux sites Internet
www.imdb.com
www.cbo-boxoffice.com
www.cnc.fr, première
consultation le 13.10.2007
www.csa.fr , première
consultation le 21.02.2008
www.film-horreur.com,
première consultation le 26.11.2007
www.ohmygore.com , première
consultation le 14.11.2007
www.psychovision.net ,
première consultation le 22.01. 2008
www.histoire-horreur.com ,
première consultation le 06.02.2008
www.nanarland.com,
première consultation le 23.01.2008
www.devildead.com,
première consultation le 08.04.2008
www.zone-bis.fr,
première consultation le 12.04.2008
www.madmovies.fr,
première consultation le 09.06.2005
Table des matières OENERALE
Introduction 1
1ère Partie : Le cinéma d'horreur :
passé et présent 6
Chapitre 1 : Définir le genre 8
1.1. Tentative de classification, le mal français 8
1.2. L'angoisse, la peur, l'épouvante, l'horreur :
l'implication physique des spectateurs 11
1.3. Entre voyeurisme et suggestion, le cruel dilemme du
cinéma d'horreur ....14
1.4. Codes et accessoires 15
1.4.1. La violence et l'incarnation du mal 15
1.4.2. La morale 17
1.4.3. Les échos historiques, sociaux et
esthétiques ...18
Chapitre 2 : Identification de l'objet : un corps
évolutif doté de nombreux tentacules 20
2.1. Le cinéma fantastique dans la première
moitié du XXe siècle : l'horreur qui ne
dit pas son nom 20 2.2. Les évolutions post Seconde
Guerre Mondiale : le traumatisme générateur de
nouvelles pistes horrifiques 23
2.2.1. Le splatter movie : aux frontières du gore et du
survival 25
2.2.2. L'horreur à l'italienne : gialli, cannibales et
gore 28
2.2.3. Le slasher et le post slasher : l'exploitation du genre
29
2.2.4. Le thriller 31
2.2.5. Les torture-flick et autres porn-flick 32
Chapitre 3 : L'exemple français : entre attirance
et répulsion 35
3.1. La faiblesse de la production 35
3.2. La réaction des institutions : la
réglementation de l'accès aux films
3.2.1. De la censure 38
3.2.2. .... à la classification
|
..39
|
3.2.3. Attractivité des restrictions élevées
|
41
|
3.3. Les enjeux économiques du secteur : problèmes
et solutions
|
43
|
3.3.1. L'autocensure dictée par le financement des
chaînes de télévision 43
3.3.2. L'accès aux aides publiques 45
|
Chapitre 4 : En chair et en os : les films d'horreur et leur
public
|
.48
|
4.1. Le plaisir de regarder : données psychologiques
|
48
|
4.1.1. L'influence des images violentes
|
48
|
4.1.2. A la recherche de la peur : la catharsis par la terreur
|
49
|
4.1.3. Le voyeurisme
|
51
|
4.2. Quelle culture pour les films d'horreur ?
|
53
|
4.2.1. La subversion
|
54
|
4.2.2. Les avatars subculturels de la communauté
|
55
|
4.2.3. Une cible marketing ?
|
.57
|
2ème partie : Les principaux réseaux de
distribution en France :
Quel modèle socio-économique pour les films
d'horreur ?
|
60
|
Chapitre 1 : Les avatars de la communauté
|
62
|
1.1. Des pratiques amateurs évoluant vers le
professionnalisme
|
62
|
1.1.1. La presse spécialisée : fanzines et
magazines
|
62
|
1.1.2. Internet : le domaine de tous les possibles
|
64
|
1.2. Projeter des films : pour qui et pour quoi ?
|
67
|
1.2.1. Les soirées ponctuelles
|
67
|
1.2.2. Allier passion et professionnalisme : l'Etrange Festival
|
68
|
1.2.3. Le fantastique et les institutions
cinématographiques
|
.70
|
Chapitre 2 : Les réseaux classiques de la filière
cinématographique
|
|
|
132
|
2.1. Le cinéma : un lieu vénéré mais
délaissé 75
2.1.1. Les films d'horreur dans l'univers des salles 75
2.1.2. Le premier filtrage des distributeurs 76
2.1.3. Horreur chez les exploitants 80
2.1.3.1. Du rififi dans les circuits 80
2.1.3.2. Les salles indépendantes : quelle place pour le
fantastique/horreur? 82
2.2. ... au profit d'un marché vidéo plus
adapté
|
84
|
2.2.1. De la VHS au DVD : données chiffrées et
réglementation
|
84
|
2.2.2. Et les films d'horreur dans tout çà ?
|
85
|
2.2.3.1. Des éditeurs/ distributeurs
généralistes entreprenants
|
86
|
2.2.3.2. Les éditeurs spécialistes : une survie
difficile
|
89
|
2.3. La télévision
|
90
|
2.3.1. Les restrictions établies par le CSA
|
.90
|
2.3.2. La réalité de la programmation : un exemple
|
94
|
2.3.2.1. Les chaînes
|
94
|
2.3.2.2. Les horaires
|
96
|
2.3.2.3. La signalétique
|
96
|
2.3.3. Les programmations spéciales sur les chaînes
spécialisées
|
97
|
2.3.4. Les chaînes spécialisées sur le
câble
|
99
|
Conclusion 106
Synthèse 110
Lexique 116
Index analytique 120
Index des noms propres 121
Index des films 124
Index des illustrations .125
Bibliographie 126
Tome 2 : annexes
|
|