B.3.1. La structure du marché.
A la fin de l'année 1998, le marché
haïtien de la téléphonie passe d'une structure de monopole
à une structure plus concurrentielle avec en particulier l'entrée
de compagnies de téléphonie mobile telles que la Rectel, la
Haitel, la Comcel et un peu plus tard Ti-telefon2004.
La Rectel, compagnie haïtienne mixte a
pu entrer en service en septembre 1998. L'investissement initial a
été de $1.8 millions USD, la Teleco possédait 55% des
actions et les fondateurs 45%. Une nouvelle association s'est produite par la
suite avec IRIS s.a pour l'international et le fixe. Cette
société possédait alors 27% des actions, les autres
actionnaires 18% et la Teleco toujours 55%. Fonctionnant sur un horaire de 8 h
am à 2 h pm du lundi au vendredi, elle comptait un personnel fixe de 5
employés. La Rectel, première compagnie de
téléphonie mobile cellulaire utilisant la technologie AMPS
comptait en 2002 près de 4200 abonnés18,
malheureusement elle n'a pas fait long feu, car elle a cessé brusquement
de fonctionner en 2003 pour des raisons dites «
politiques » que personne ne veut
évoquer. Pour cette raison et par manque d'information, nous avons
jugé bon malgré nous de ne pas prendre en compte cet
opérateur dans les analyses que nous ferons dans ce secteur.
17 Les frais applicables au Conatel sont
développés sur le
www.conatel.gouv.ht
18 S. Herisse, stratégie de marketing des
entreprises de télécommunication privé en Haiti, UNIQ
2001
La Haitel SA, compagnie haïtienne
composée d'actionnaires locaux, et d'un partenaire étranger ; la
MCI worldcom, est entrée en service en mars 1999 et propose un
téléphone sans fil grâce à la technologie
numérique CDMA. Elle nous offre plusieurs produits tels : le
téléphone fixe wireless, le téléphone portable, la
cabine publique, l'Internet, le fax, etc. La Haitel est une entreprise qui
fournit exclusivement des services de téléphonie cellulaire, elle
travaille avec ses fournisseurs de portables comme Samsung, Qualcomm, Kyocera,
puis avec des magasins de la place qui assurent la distribution des cartes
prépayées. Dès son arrivé sur le marché,
elle allait tout de suite rattraper la Rectel, car en 2000 elle disposait
déjà de 4000 abonnés, en 2003 il y avait près de
100.000 abonnés pour arriver en avril 2006 à près de
250.000 abonnés.
La Comcel, avec comme partenaire
étranger la (W.W.I) western wireless international et d'autres
partenaires haïtiens, débuta officiellement le 1er
septembre 1999 en offrant un service de téléphonie cellulaire
à partir du téléphone portable avec la technologie
numérique TDMA. Tout comme la Haitel, elle travaille avec ses
fournisseurs de terminaux et avec près d'une centaine de magasins de la
place qui assure la distribution des cartes prépayées. En 2001
elle comptait déjà près de 58,000 abonnés, en 2003
elle occupait la première place avec plus de 160.000 abonnés. A
partir du mois de novembre 2005 elle consolidait largement cette
première place avec ses 388.000 abonnés.
Ti Telefon 2004, compagnie de
téléphonie mobile, est une filiale de la Teleco qui a vu le jour
en décembre 2001. Cette compagnie est financée à 90% par
la compagnie internationale UT Startcom et 10% par la Teleco. En avril 2006
elle avait près de 40.000 abonnés principalement à
Port-au-Prince. Contrairement aux autres opérateurs, il n'utilise pas la
technologie cellulaire mais plutôt la téléphonie
à
Cfigati d m
mobilité réduite qui est une
technologie consistant à installer des réseaux
câblés et des boites qui émettent des signaux. Le
problème est qu'on peut communiquer uniquement dans le
périmètre que peuvent couvrir ces signaux, ce qui réduit
justement la mobilité. Ti Telefon 2004 n'étant
pas une compagnie de téléphonie cellulaire ne fera pas partie non
plus des analyses qui seront élaborées dans le
4%
secteur de la téléphonie mobile cellulaire.
fig2.1
Source : Enquête réalisée
auprès du Conatel.
D'autre part, il faut noter que pour entrer dans ce secteur
les besoins en capitaux sont assez considérables, on parle de dizaine de
millions de dollars pour l'octroi d'une licence de fonctionnement et de
centaines de millions de dollars pour l'investissement et le fonctionnement de
la compagnie. Pour entrer sur ce marché, un nouvel opérateur doit
être en mesure de prendre des parts de marché au détriment
de ses concurrents, cela en séduisant la clientèle existante
et/ou en attirant une partie de la demande non satisfaite. Toutefois, les
opérateurs déjà établis ont une image de marque et
une clientèle fidèle, ce qui crée d'autres obstacles
à l'entrée, contraignant le nouveau venu à de lourdes
dépenses de publicité pour contrer la fidélité de
la clientèle existante et de ce fait influencer son comportement.
B.3.2. Le comportement des opérateurs.
Entre 1999 et Novembre 2005, le marché du cellulaire
haïtien a évolué dans un environnement plutôt
paisible. La concurrence entre la Haitel et la Comcel se caractérisait
par une similitude dans le comportement des deux opérateurs que certains
observateurs qualifient d'entente tacite comme cela arrive assez souvent en
situation de duopole. Cette situation se traduisait concrètement par des
choix de politiques concurrentielles qui à la base se ressemblent, qu'il
s'agisse des stratégies de marketing, d'investissement, ou encore la
tarification des services, etc.
Politique d'investissement des
opérateurs.
Les deux compagnies investissent des sommes importantes dans
l'achat de capital : génératrices, bâtiments, terrains,
appareils pour l'amélioration des services, construction de sites pour
les antennes, etc. Cependant, il est nécessaire de faire ressortir une
différence majeure dans le choix d'investissement des deux
opérateurs : alors que la Comcel utilise la station
terrienne19 de la Teleco pour établir des liaisons avec
l'international, Haitel de son coté a investi près de 80 millions
de dollars US pour monter sa propre station terrienne et acquérir de ce
fait son autonomie par rapport à la Teleco.
Dès novembre 2005, certains facteurs vont porter la
Comcel à reconsidérer ses stratégies et engendrer du coup
une certaine rupture dans la manière de faire la concurrence qui
semblait être acceptée par les deux rivales. En effet, vu la
désuétude de la technologie TDMA, la Comcel s'est vue dans
l'obligation d'adopter une technologie moderne pour survivre sur le
marché. Elle a du alors consentir à des investissements
supplémentaires pour être la première à adopter la
technologie GSM qu'elle a commercialisé sous le nom de VOILA. Certaines
raisons l'ont poussée à faire ce choix :
· Le système GSM est une technologie
évoluant sans cesse et qui est supportée à travers le
monde
tandis que le TDMA n'est plus utilisé.
19 Site de gestion des communications avec
l'extérieur
· La qualité du service du GSM est meilleure
que celle du TDMA.
· Remplacer les téléphones défectueux
du TDMA devient presque impossible.
· La variété d'appareils GSM continue
à augmenter tandis que les téléphones TDMA deviennent plus
difficiles à trouver20.
· Le GSM 850 de Voila permet d'obtenir des cellules de
taille importante, idéales pour couvrir à moindre coût des
zones de moyenne et faible densité de population.
Comme toute entreprise moderne, Haitel et Comcel pour
sensibiliser et attirer la clientèle misent sur une politique de
marketing, elles font du mécénat et sponsorisent des
activités socioculturelles. En réalité, pour les deux
opérateurs les dépenses consenties en marketing sont relativement
faibles, ces dépenses concernent particulièrement les frais de
publicité (spots radio et télédiffusés, affiches,
etc.), la publication de magazines qui informent sur les activités de la
compagnie, les annonces et publicités dans les journaux, la
sponsorisation de groupes musicaux lors des festivités carnavalesques,
etc. Par exemple, en 2001 Comcel a dépensé près d'un
million de dollars US en marketing, environ 1,5 millions de dollars US en 2003.
En 2005 pour lancer son nouveau système GSM (Voila), Comcel a mis en
oeuvre une très spectaculaire campagne publicitaire qui porta le volume
global des dépenses de marketing à près de 2.5 millions de
dollars US. Face à la nécessité de rentabiliser cet
investissement, elle lance une politique de marketing très active pour
acquérir de nouvelles parts de marché. Elle a entrepris une
politique publicitaire agressive et parvient du coup à se forger une
nouvelle image de marque : le « V » de
Voila qui a eu un impact sans équivoque sur le
public. La Haitel pour sa part adopte sur ce point une stratégie
plutôt différente, elle dépense beaucoup moins d'argent en
marketing que la Comcel et concentre ses dépenses principalement en
investissant dans les biens d'équipement pour l'expansion de son
réseau21.
Les tarifs pratiqués sur les services vendus sont
quasiment les mêmes pour les deux opérateurs. Par exemple pour les
services postpayés, les clients de la Haitel payent un frais
d'abonnement mensuel de 1000 gourdes ce qui leur donne droit à des
appels entrants gratuits pour le mois. Alors que les clients de la Comcel
achètent une carte prépayée (Carte No-Limite) au prix de
1250 gourdes plus 1 0% de TCA, ils ont droit alors à un mois d'appels
entrants gratuits et 60 minutes d'appels sortants. La tarification à la
minute pour les deux opérateurs a toujours été la
même : de 1999 à Décembre 2001 les appels entrants
21 Selon les affirmations de monsieur Craan, responsable des
relations publiques de la Haitel.
et sortants se payaient à 3 gourdes la minute ;
à partir de Janvier 2002 les appels entrants et sortants étaient
fixés à 5 gourdes la minute par les deux opérateurs. De
même, le service de messagerie vocale était taxé à
trois gourdes pour les clients de la Comcel et la Haitel. De plus, pour acheter
un nouveau terminal le client doit être prêt à payer entre
$50 USD (2150 Gourdes) et plus de $300 USD (12900 Gourdes). Ensuite, il doit
payer des frais d'activation qui varient selon la marque du portable et ces
frais peuvent varier entre $20 USD (860 Gourdes) et environ $50 USD (2150
Gourdes)22. Cependant avec Voila, le coût supporté par
un nouvel abonné tournait autour de 1320 gourdes soit $33 US alors
qu'auparavant il fallait au moins 3000 gourdes soit près $70 USD.