Les conditions de base regroupent d'une part des facteurs
externes au marché qui sont principalement la situation sociopolitique
du pays, son niveau de développement économique, le niveau
d'infrastructure existant. D'autre part, des facteurs internes au marché
de la téléphonie cellulaire : l'offre où sont prises en
compte la situation technologique du pays, la possibilité de
réaliser des économies d'échelle, l'existence de
matière première, et la demande du marché dont les
variables pertinentes sont l'élasticité prix de la demande, le
nombre de substituts, etc.
B.1.1. Les facteurs externes.
Situation socio politique : Un entrepreneur qui
décide de se lancer dans une quelconque entreprise espère en
retour une certaine rentabilité de son investissement. Toutefois, la
possibilité de réaliser d'énorme profits ne suffit pas
à attirer les investisseurs si ces derniers considèrent que les
risques liés à l'environnement sont trop élevés et
que la sécurité de leurs capitaux n'est pas assurée
à un niveau acceptable. Aux yeux de ceux-ci, le niveau de
stabilité sociopolitique d'un pays constitue l'un des critères
déterminants dès qu'il s'agit d'investir ou non.
Dans le cas d'Haïti, cette situation n'a pas toujours
été favorable à l'investissement en raison de
l'instabilité politique qui sévit depuis plus de vingt ans :
coups d'état militaire, ingérence des acteurs
internationaux dans la politique du pays,
insécurité, etc. En outre, il faut souligner la
décadence de nos institutions étatiques suite à ces
problèmes politiques mais aussi causée par la fuite massive des
cadres de ces institutions vers l'étranger. Cette défaillance
institutionnelle et cette réalité politique sont
révélatrices d'un environnement non propice aux affaires.
Niveau de développement économique
d'Haïti : Haïti est connue pour son faible niveau de
développement économique. L'économie haïtienne
dépend très largement de l'aide étrangère,
près de 60% du budget national 2006-2007 est couvert par les bailleurs
de fonds internationaux ; la production agricole qui représente moins de
30% du PIB ne répond pas en terme de quantité et de
qualité aux besoins de consommation de la population. La nation consomme
principalement des produits importés et une grande partie de cette
population vit à partir des transferts de devises sans contrepartie en
provenance de la diaspora haïtienne lesquels en 2006 ont atteint un
montant record de 1.650 milliard de dollars. Haïti est aussi connue comme
le pays le plus pauvre des caraïbes, il accuse en moyenne un taux de
croissance économique de 1.15% l'an13 et l'un des taux de
croissance démographique les plus élevés de la
région soit une moyenne de 2.2%. Le taux de chômage au sein de la
population en âge de travailler est estimé à 70% et le taux
d'analphabétisme, estimé à 50%, est encore très
élevé comparé aux autres pays de la région qui
accusent un taux moyen de 5%. A partir des enquêtes
réalisées au sein des ménages14, 80% de la
population vit en dessous du seuil de pauvreté avec 2$ par jour et 60%
de la population vit une situation d'extrême pauvreté avec moins
d'un dollar par jour, ce qui classe ce pays comme le seul PMA du continent. Par
ailleurs, l'ouverture des marchés nationaux à la concurrence
internationale n'a fait que fragiliser pour ensuite détruire une
production nationale très peu protégée par l'État.
Cette politique économique a intensifé la paupérisation de
la population dans les zones rurales, on voit alors se développer autour
des villes, des bidonvilles, où ces nouveaux arrivants vivent dans des
conditions de misères infrahumaines. Le faible niveau de
développement économique d'Haïti est donc très
certainement un obstacle à l'expansion des marchés notamment
celui des télécommunications.
Situation des infrastructures dans le pays :
L'existence des infrastructures de base joue un rôle assez important
quand on veut attirer l'investissement nécessaire au bon
développement économique d'une nation. En Haïti, l'absence
des infrastructures est un problème réel qui paralyse
l'activité économique et
13 DSRP-1, 27 septembre 2006, MPCE
14 World Development Bank report 2006
décourage bien de nombreux investisseurs. C'est un
problème généralisé qui touche même les
structures de base les plus élémentaires comme
l'électricité ou encore les infrastructures de
télécommunication. L'utilisation de la fibre optique devant
permettre la transmission de données à haut débit reste un
des objectifs à atteindre pour la modernisation des infrastructures de
télécommunication. C'est donc dans ces conditions de carence
généralisée des infrastructures que les compagnies de
téléphonie cellulaire se sont installées et continuent
à évoluer en Haïti.
Par ailleurs, la mise en place de réseaux mobiles se
révèle plus difficile dans un pays aux reliefs plutôt
hostiles. En effet, Haïti est un pays montagneux ce qui rend plus
coûteuse la construction des réseaux mobiles qui exigent plus
d'antennes dont la plupart doivent être placées dans des endroits
élevés.
B.1.2. Les facteurs internes.
Les conditions d'offre : Haïti au niveau
technologique est très peu avancée, nos jeunes sont de formation
plutôt modestes et il y a une carence de cadres dans le domaine des
nouvelles technologies de l'information et de la communication. Il n'existe
presque aucune institution ou université qui a la possibilité de
se lancer réellement dans la recherche et le développement, dans
la production et la diffusion des dernières avancées en
matière de technologie, d'où notre faible capacité
d'absorption en ce qui a trait au transfert de technologie des pays
développés vers Haïti.
D'autre part, dans le marché de la
téléphonie cellulaire les principales matières
premières utilisées pour la production du service de
téléphonie mobile comme les terminaux, les puces
électroniques, antennes, switch... ne sont pas produites sur place.
Cette situation a des effets directs divers sur la performance du secteur, elle
engendre des coûts plus élevés dans le processus de
production de service des entreprises, ceci influence de façon directe
les prix supportés par les consommateurs qui en retour ont un impact sur
la croissance des firmes.
En effet, la possibilité de réaliser des
économies d'échelle dépend de la valeur du marché
qu'on peut estimer à partir du nombre de consommateurs potentiels et du
pouvoir d'achat de ces derniers. La population haïtienne est
estimée à plus de 8 millions d'habitants, 36,5% de cette
population est âgée moins de 15 ans15 et 50% de cette
population agée de moins de 21 ans. Une étude de l'UIT
révèle que la téléphonie mobile est beaucoup plus
demandée au sein des populations jeunes, toutefois en Haïti, la
faiblesse du pouvoir d'achat des consommateurs en particulier des jeunes
constitue une limite non négligeable qui pourrait porter à
questionner la possibilité ou non de réaliser des
économies d'échelle.
15 IHSI, Recensement Général de la
Population et de l'Habitat (RGPH) 2003
La demande du marché : Entre 1999 et 2005, la
demande sur le marché de la téléphonie cellulaire
haïtien était peu élastique, ceci pour trois raisons :
Premièrement il n'y avait pas beaucoup de substituts sur ce
marché. Trois opérateurs desservaient ce secteur, mais seulement
deux d'entre eux dans les faits étaient réellement
opérationnels. Deuxièmement, il y a un aspect psychologique qu'il
faut prendre en compte, le fait que peu de gens avait accès au service,
la plupart des utilisateurs en faisaient un bien de luxe, un moyen de
s'affirmer dans la société. Dans ce cas, la variation du
coût d'utilisation de ce service n'influençait nullement la
demande. De plus, comparativement aux autres secteurs considérés
comme des alternatives à ce service notamment la
téléphonie filaire (Teleco) et la téléphonie
à mobilité réduite (Ti-telefon2004) dont la qualité
des services et les capacités à absorber une forte demande
laissaient à désirer, l'utilisation du réseau cellulaire
réstait encore le meilleur choix pour un utilisateur. La demande
était alors inélastique.
Toutefois, concernant les appels internationaux offerts par
les opérateurs de téléphonie cellulaire, la moindre
variation de prix implique automatiquement une variation de la demande. Dans ce
segment si sensible, la Teleco avec ses services 103-102-104 est un concurrent
très sérieux, il faut noter aussi que Ti-telefon 2004 qui est la
version mobile de cet opérateur fournit un très bon service
concernant les appels internationaux avec des prix concurrentiels. Enfin de
compte, les cyber cafés dans ce domaine font beaucoup de profits avec
par exemple 5 minutes d'appel pour seulement 25 gourdes. Pour cela on peut dire
que les opérateurs cellulaires ont perdu des parts de marché
assez considérables concernant les appels internationaux, et ceci rend
la demande très élastique.
En termes de croissance, la demande sur le marché de la
téléphonie cellulaire varie proportionnellement
avec la
croissance de la population. A noter que la demande sur ce marché
s'accentue généralement
chez ceux qui n'ont pas de
téléphone filaire mais aussi chez les professionnels et surtout
chez les jeunes.
B.2. Les politiques
gouvernementales.
Les politiques gouvernementales constituent, avec les
conditions de base, l'une des variables prises en compte par le paradigme SCP
pour expliquer l'environnement global du marché. En Haïti, les
institutions publiques en charge du marché des
télécommunications sont le MTPTC16 et le Conatel. En
1977 un décret présidentiel accorde à l'Etat le monopole
sur l'ensemble des services de télécommunication. Le Conatel,
organe régulateur mis en place depuis 1969 est chargé d'assurer
pour le compte de l'Etat la réglementation et la supervision des
services. Avec l'adoption de la loi de 1987
16 Le Ministère de Travaux Publics, Transports
et Communication
qui réorganisait le secteur des
télécommunications, le Conatel élabore un ensemble de
politiques lui permettant de mieux gérer le secteur.
Politique antitrust
Le Conatel de par sa vocation stipule qu'il a pour obligation de
favoriser le développement du
marché des télécommunications sur tout le
territoire Haïtien en prenant des dispositions au bénéfice
du consommateur, de la concurrence effective et du marché dans son
ensemble.
Barrières à l'entrée.
Les autorisations pour la fourniture d'un service de
téléphonie (fixe ou mobile) seront
accordées seulement sur la base d'un appel public de
soumission assorti d'un cahier des charges (appel d'offres) pour obtenir un
contrat de concession avec l'état Haïtien.
Taxes et subventions.
Lors de l'implantation d'une compagnie
téléphonique sur le marché celle-ci est soumise
à
divers redevances et frais applicables au Conatel tels que : les
frais d'homologation, les frais de procédure, les
frais d'inspection et de contrôle, etc17.