B. L'analyse économique du secteur sur la
période mai-décembre 2006.
B. 1. Regain de dynamisme observé sur le marché
de la téléphonie cellulaire en mai 2006.
Pour bien cerner les changements qui se sont
opérés dans le secteur de la téléphonie cellulaire
haïtien, il est nécessaire d'effectuer une analyse comparative des
deux sous périodes étudiées, cette analyse sera
orientée en fonction du paradigme SCP.
En terme de structure, le marché du cellulaire
haïtien entre 1999 et avril 2006 fut desservi principalement par la Comcel
et la Haitel. Cependant, à partir de mai 2006 Digicel entre comme un
troisième opérateur. Avec ces trois opérateurs, beaucoup
de personnes ont eu accès à ce marché car l'offre de
service a augmenté, le secteur accuse alors un taux de croissance du
nombre d'abonnés de plus de 240% (cet effectif passe de 675,000 en avril
à près de 2,320,000 en décembre); de plus la Digicel dans
un souci d'acquérir une très grande part de marché offre
des produits et services nouveaux dans le secteur. Parallèlement Haitel
et Comcel pour consolider et augmenter leurs parts de marché modernisent
leur réseau et peuvent désormais offrir une gamme très
diversifiée de produits et services.
D'un autre coté, l'arivée de la Digicel a
marqué un tournant dans la manière de faire la concurrence. Si
dans les années précédentes on pouvait se douter de
l'existence probable d'une certaine entente quand on considère le
comportement des autres opérateurs, à la fin de l'année
2006 la configuration du secteur a nettement évolué. Tout
d'abord, au niveau du marketing on observe chez eux une plus grande
intensité dans la manière d'attirer le consommateur : plus de
spots radio télédiffusés, ils s'impliquent d'avantage dans
des activités socioculturelles à travers des politiques de
sponsorisation. On retrouve alors un plus grand intérêt de ces
derniers à faire la promotion de ses services et une concurrence plus
agressive dans ce domaine visant à fidéliser la clientèle.
Pour rendre ce service plus accessible à cette clientèle, les
opérateurs mettent en place des réseaux plus étendus qui
couvrent à peu près tout le territoire national, ce qui fait
passer le taux de couverture du service de 50% en avril 2006 à plus de
80% en décembre 2006; plus de 500 centres régionaux et
concessionnaires autorisés s'occupent de la distribution du service
à travers le pays alors qu'auparavant on en recensait seulement 85.
Les transformations opérées dans le secteur
à la fin de l'année 2006 sont ressenties également
à travers les tarifs pratiqués. De façon globale les
tarifs sont revus à la baisse : le prix d'une minute de communication
diminue de 50%, le coût d'acquisition d'un terminal diminue de
près de 80%. Ce sont là deux facteurs qui expliquent
l'augmentation du volume de minutes consommées par les abonnés et
la croissance du nombre d'abonnés dans ce secteur où on
enregistre une nette progression du taux de pénétration qui passe
de 7.55% en avril 2006 à 25.40% en décembre de la même
année (fig3.2). Ces indicateurs révèlent
une nette augmentation du rythme d'utilisation du service à partir de
mai 2006.
NB : le volume de minutes
consommées est une variable qui permet d'appréhender le rythme
d'utilisation du service comme indicateur du degré
d'accessibilité. Toutefois, en dépit de nombreuses
démarches opérées aupr~s des acteurs concernés,
nous n'avions malheureusement pas pu accéder aux données qui nous
permettraient d'effectuer des analyses plus approfondies.
|
(fig3.2).
|
Source : enquête réalisée
auprès des opérateurs.
|
A la fin de l'année 2006, le marché du
téléphone cellulaire haïtien devient beaucoup plus dynamique
par rapport aux sept premières années de son évolution. On
est alors face à un secteur en pleine ébullition où pour
la première fois, les opérateurs se livrent une concurrence de
très forte intensité qui profite au consommateur haïtien. En
effet, entre mai et décembre 2006 le consommateur
bénéficie d'une baisse importante des tarifs pratiqués par
les opérateurs ; la multiplication des canaux de distribution des
services et l'expansion des réseaux des opérateurs à
travers tout le pays facilite l'accès au service de
téléphonie cellulaire notamment grâce à une plus
grande pénétration de ce service au sein de la population et une
meilleure couverture. En outre, la diversité de la gamme des produits et
services disponibles marque sans aucun doute un changement quant à la
manière de traiter le consommateur. Fort de toutes ces
considérations, nous disons donc que le marché de la
téléphonie cellulaire est devenu très
dynamique à partir de la période mai-décembre
2006. Il nous faut trouver à présent la ou les causes expliquant
ce dynamisme nouveau observé dans le secteur. Dans les lignes qui
suivent nous prendrons en compte trois principaux facteurs pouvant expliquer le
dynamisme constaté sur le marché de la téléphonie
cellulaire haïtien à partir de mai 2006.
·:. Le rôle joué par le
Conatel. L'OCDE43 a démontré dans son
étude « Cellular Mobile Pricing structures and
trends44 » qu'il existe une «forte corrélation
entre la croissance du marché et son ouverture », et que
« les marchés avec 3 ou plus opérateurs ont
significativement surpassé les marchés
43 OCDE, Organisation pour la Coopération et le
Développement Économique 44
http://www.oecd.org
en monopole ou duopole ». Considérant
cette assertion, le rôle joué par le Conatel peut être
apprécié à deux niveaux. Premièrement, en octroyant
une licence à une nouvelle compagnie le régulateur favorise une
augmentation de l'offre de ce service. De plus, le fait d'attribuer au nouvel
opérateur une licence qui conditionne son entrée sur le
marché à l'utilisation du GSM, une technologie exploitée
parallèlement par la COMCEL, garantie éventuellement entre eux
une concurrence plus intense qui se fera surtout au niveau des prix et de la
qualité du service. Toutefois, le Conatel ne peut à lui seul
garantir ce dynamisme si le nouvel opérateur ne dispose pas de moyen
financier adéquat pour faire face à la concurrence dans le
secteur. Le cas de Ti-telefon 2004 illustre parfaitement cette limitation.
· L'entrée de Digicel et son Moyen
financier. En mai 2006 Digicel entre sur un marché
cloisonné que se partagent la Comcel et la Haitel. Grâce à
son important moyen financier et l'expérience acquise dans les
télécommunications en tant que firme multinationale, la Digicel
implante en Haïti un important réseau capable d'offrir un service
de qualité sur tout le territoire. Cependant, cet important moyen
financier ne peut non plus expliquer à lui seul le dynamisme
constaté dans le secteur avec l'entrée de la Digicel. En effet,
si ce nouvel opérateur décidait de partager le marché avec
ses prédécesseurs, la configuration de ce secteur n'aurait pas
évolué, on aurait cette fois ci un marché cloisonné
avec trois opérateurs. Le fait est que la Digicel dès le
début veut être le leader du secteur et pour atteindre cet
objectif, elle adopte des stratégies concurrentielles très
agressives qui auront un impact sur le dynamisme du secteur. Son comportement
apparaît donc comme un facteur pertinent à considérer, la
question maintenant est de savoir si ce comportement est le facteur
déterminant de ce dynamisme.
· La stratégie concurrentielle de
Digicel. Digicel arrive comme un troisième concurrent
sur un marché jusque-là partagé entre deux
opérateurs qui ont toujours opéré à partir de
technologies différentes. Cette segmentation du marché fut
à l'origine d'un duopole stable qui se traduit par le verrouillage du
consommateur, des politiques de tarifications similaires, etc. Cette situation
qualifiée d'entente tacite rend de toute évidence très
difficile l'accès au secteur.
Dans ces conditions, Digicel comme nouvel entrant doit
afficher une forte détermination tout d'abord pour
pénétrer le secteur mais surtout pour prendre des parts de
marché qui lui garantissent des profits futurs. D'autant plus que
l'exploitation d'une technologie GSM sur la bande de fréquence 1800 MHZ
avec ses contraintes techniques et financières oblige la Digicel
à chercher une clientèle très dense pour rentabiliser son
investissement. Donc, dès le départ, elle s'est retrouvée
face à un ensemble de défis économiques et structurels qui
ne lui laissent pas d'autres choix que l'adoption de stratégies
concurrentielles très agressives qui demandent une grande
capacité de financement.
B.2. Quelle stratégie la Digicel a-t-elle
utilisé pour accaparer ce marché ?
Suite à l'obtention de sa licence GSM en
Février 2006 et avant même qu'elle soit effectivement
opérationnelle sur le marché, la filiale haïtienne de la
Unigestion Holding S.A. (Digicel) se lance dans des investissements massifs
dans des équipements modernes, elle met en oeuvre une politique
commerciale très agressive et adopte une stratégie de
proximité vis-à-vis de ses consommateurs.
· Investissements massifs dans des équipements
modernes.
Digicel est contraint techniquement d'utiliser plus
d'antennes que ses concurrents pour atteindre son objectif de couverture
nationale, elle se voit imposer un maillage du réseau plus serré.
De ce fait, le déploiement de son réseau nécessite des
investissements plus élevés que ses prédécesseurs.
Cette stratégie d'investissement lui confère en retour un
avantage comparatif sur la couverture du territoire car elle est la seule
à placer des antennes, de l'île de la tortue à l'île
à vache, ce qui lui garantit une distribution absolue de ses services
dans tout le pays. Il faut remarquer aussi que bon nombre d'antennes
placées surtout sur les toits de certains immeubles de la capitale et
dans les grandes villes de province sont des antennes mobiles qui couvrent la
zone et qui sont de loin moins coûteuses que celles de Comcel et de
Haitel. Par ailleurs, mise à part l'avantage comparatif recherché
par la Digicel grâce aux investissements dans le capital physique, elle a
beaucoup investi dans la formation de ses employés pour acquérir
aussi l'avantage compétitif en vue d'avoir de meilleurs résultats
en un temps record, à moindre coût et obtenir une efficience de la
production.
· Politique commerciale agressive entreprise par la
Digicel.
Avec Digicel, la concurrence sur le marché du
cellulaire a pris une tournure très différente par rapport
à ce qui se faisait avec Comcel et Haitel en situation de duopole. La
compagnie Digicel se montre très agressive et donne à la
concurrence un air de polémique. Dans les faits, cette
agressivité se retrouve dans les déclarations des responsables de
Digicel et se traduit par une campagne publicitaire spectaculaire et un
imposant réseau de distribution.
Dans ses premières déclarations, Mme
Gebara de la Digicel soutient que les deux premiers opérateurs ont
toujours exploité l'utilisateur haïtien à partir de leur
politique de tarification notamment par les charges retenues sur les appels
entrants. Elle avance et assure que contrairement à ses concurrents, la
Digicel veut respecter le client haïtien en offrant des services de
qualité et à moindre coût.
Digicel a attaqué de façon directe la Comcel
à travers une campagne de troc qui consiste à fournir
gratuitement un cellulaire de marque Motorola C110 ou Nokia C9 activé
sur le réseau Digicel à tout client de Comcel possédant un
téléphone cellulaire en état de fonctionnement qui
décide de passer sur le nouveau réseau de Digicel ; ainsi plus de
3000 clients de Comcel ont rejoint le réseau de Digicel en
quelques semaines. Elle a réitéré cette
stratégie en attaquant la Haitel. En effet, elle offrait un Konka R716,
d'une valeur de 3000 gourdes contre tout téléphone CDMA. Cette
pratique fut interdite un peu plus tard par l'organe
régulateur45, elle traduit néanmoins le niveau
d'agressivité de la Digicel qui veut à tout prix rafler des parts
de marché à ses concurrents.
Par ailleurs, elle a signé des contrats de partenariat
avec plus de 300 concessionnaires autorisés repartis sur tout le
territoire qui activent, vendent et réparent eux-mêmes des
cellulaires sur le réseau Digicel. A noter que, grâce à ce
partenariat elle bénéficie gratuitement des divers locaux qui
sont les propriétés de ces concessionnaires, ce qui lui permet de
vendre ses services sur le territoire national à moindre coût. De
plus, près de 10.000 points de vente des cartes de recharges Digicel
appelées encore cartes Flex sont recensés à travers tout
le pays. Ces partenariats mettent en évidence une très grande
présence de cet opérateur à l'échelle nationale.
· Stratégie de proximité
vis-à-vis des consommateurs.
La Digicel impose tout aussi bien une vision
révolutionnaire dans la manière de servir le client, avec son
slogan « Exigez plus, Obtenez plus » elle se veut être aux
services de ses abonnés. Pour jouer pleinement son rôle, elle
introduit deux grandes innovations : tout d'abord elle institue sur son
réseau le service à la clientèle répondant 24/24h
aux soucis de ses abonnés ; ensuite elle apporte le service vers le
consommateur là où il se trouve. Pour cela, elle assure une
couverture nationale du service en ouvrant de nombreux centres régionaux
qui gèrent les activités de l'entreprise sous l'égide de
la maison mère, parallèlement elle emploie des centaines de
jeunes pour démarcher leur produit chez le client. Cette
stratégie de proximité vis-à-vis du consommateur
employée par la Digicel soumet l'entreprise aux desiderata de celui qui
commande, le client.
L'agressivité dont cette firme fait montre dans le
secteur vise, selon les affirmations de Mne Gebara46, à
capter une forte part de marché et faire de cette compagnie le leader du
secteur en peu de temps comme cela s'est produit partout dans les caraïbes
notamment en Jamaïque où Digicel détient plus de 60% des
parts de marché. Il faut souligner que la compagnie achète les
principaux intrants utilisés dans ses champs d'activités
(terminaux, équipements, etc.) pour un marché qui regroupe 23
pays des Caraïbes et de l'Amérique central. Cela lui confère
une force de négociation vis-à-vis des fournisseurs, de ce fait
elle bénéficie d'un avantage de coût par rapport à
ses concurrents en ce qui a trait à l'accès aux matières
premières utilisées pour fournir son service.
Parallèlement elle bénéficie d'économies
d'échelle qui allègent les coûts supportés pour ses
opérations et lui permettent d'échelonner sur une longue
période
45 Le nouvelliste # 37380 « cellulaire: bataille
sans pitié»
46 Invité au Magazine économique de
radio Métropole, Edition du 6 Mai 2007, présentateur Kesner
Pharel
ses charges et la capacité de
récupération des investissements nécessaires pour
s'imposer sur le marché haïtien. Elle évolue donc selon une
configuration bien différente par rapport à la Comcel ou la
Haitel qui opèrent exclusivement en Haïti. De plus, sur l'ensemble
des marchés où elle est opérationnelle, la Digicel dispose
d'une très large gamme de produits et services connexes pour repartir
ses coûts.
Donc, parce qu'elle évolue sur le grand marché
Caribéen, Digicel bénéficie d'économies
d'échelle et supporte de ce fait un coût marginal plus faible que
ses concurrents, ce qui lui permettra de faire encore des profits alors que ces
derniers se seront épuisés dans le conflit. Et grâce
à cette situation de coût faible, la compagnie bien plus que ses
concurrents est plus flexible face à des hausses des coûts des
facteurs de production ; elle se défend plus efficacement face aux
produits de remplacement et accepte avec moins de peine les réductions
des tarifs exigés par le marché. Pour se positionner dans le
secteur Digicel adopte alors la stratégie de domination par
les coûts axée sur une stratégie de
volume.
Pour prouver que la stratégie de domination par
les coûts adoptée par la Digicel est le facteur
déterminant du nouveau dynamisme enregistré sur le marché
du cellulaire en 2006, il importe d'analyser l'impact de cette stratégie
sur l'évolution du dynamisme de ce marché.
B.3. Impact de la stratégie de domination au niveau
des coûts de la Digicel sur le marché de la
téléphonie cellulaire haïtien en 2006.
Notre analyse portera en premier lieu sur l'impact de la
stratégie concurrentielle de Digicel sur les dimensions retenues pour
cerner le concept de « dynamisme ». Ensuite, nous montrerons dans
quelle mesure cette stratégie redynamise le secteur ainsi que son impact
économique. Pour finir, nous résumerons la situation du secteur
pendant cette période à partir d'une analyse des relations de
causalité entre la structure du marché, le comportement des
firmes et la performance observée. Et pour mieux saisir
l'évolution du secteur sur cette période, la théorie des
jeux nous permettra encore une fois de mieux comprendre les enjeux auxquels
faisaient face les firmes concurrentes.
·:. Impact de la stratégie de la Digicel sur le
degré d'accessibilité du secteur.
Nous allons dans un premier temps analyser la concurrence en
prix que se sont livrés les opérateurs haïtiens, nous nous
intéresserons particulièrement aux subventions d'accès qui
se sont généralisées à partir de 2006 et les
surenchères qui en découlent. Ensuite nous aurons à
démontrer comment l'entrée de Digicel influence les canaux de
distribution et le taux d'utilisation du téléphone cellulaire et
son impact sur les taux de pénétration et de couverture de ce
service.
Digicel, qui obtient une licence GSM 1800, n'a pas d'autre
choix que de viser le grand public. Pour rentabiliser son réseau, la
compagnie va adopter une stratégie de domination par les coûts qui
est en fait une stratégie de volume où il lui faut beaucoup
d'abonnés, qu'il doit aller chercher dans les zones urbaines et rurales.
La réussite de cette stratégie de volume doit passer par la
pratique de tarifs plus faibles que ses concurrents. Ainsi, dès son
lancement et tout au cours des premiers mois de son fonctionnement, Digicel
propose des forfaits à des prix inférieurs aux offres de ses deux
principaux concurrents : les coûts supportés par un nouveau client
de Digicel sont de loin inférieurs aux coûts d'acquisition d'un
contrat chez un autre opérateur.
Les subventions d'accès.
A partir de mai 2006, la Digicel pour rendre effective sa
stratégie de volume, lance une nouvelle formule pour attirer les clients
: Les subventions d'accès, mais elle est immédiatement
suivie par les deux autres opérateurs qui vont développer cette
nouvelle politique. Ils vont choisir de subventionner l'accès, en
commercialisant le terminal à un prix inférieur à son
coût véritable, la différence étant supportée
par l'opérateur. Concrètement, le client se voit proposer par les
opérateurs des coffrets (packs) qui comprennent le terminal
(Ericsson, Nokia ou Alcatel, ...) et l'accès à une gamme de
forfaits. Pour le client, les coffrets représentent une baisse
substantielle du prix d'accès à la téléphonie
mobile. Avant l'entrée de la Digicel sur ce marché, les premiers
prix pour un terminal activé tournaient autour de $100 US minimum (soit
environ 4000 gourdes). En juin 2006, on voit apparaître des offres en
dessous de 1500 gourdes. La baisse se poursuit dans les mois suivants, avec des
coffrets à moins de 1000 gourdes, puis à moins de 900 gourdes.
Les opérateurs vont d'ailleurs multiplier les promotions et primes de
bienvenue, en offrant au nouvel abonné les frais de mise en service
(activation gratuite) et parfois une carte de 50 gourdes, etc. On assiste
à une surenchère entre opérateurs, en complète
déconnexion avec les coûts. De fait, les opérateurs
estiment à cette époque que l'acquisition d'un nouvel
abonné représente approximativement un coût de 3500
gourdes. Pour 30%, il s'agirait de coûts de distribution
(rémunération des distributeurs sur les coffrets vendus), le
terminal lui-même représente à peu près 50 % de ce
coût, le reste correspondant aux coûts d'ouverture du compte de
l'abonné, ainsi que les frais divers (marketing, promotion). Dès
lors que les opérateurs réclament aux nouveaux abonnés
moins de 1000 gourdes pour le terminal et l'ouverture de la ligne, le
déficit d'accès dépasserait 4000 gourdes par
abonné47.
47 Wadnerson Boileau, la configuration du
marché de la téléphonie mobile en Haïti, journal le
matin du 22 décembre 2006.
Surenchères et
équilibres.
Les surenchères sur l'accès fragilisent
indéniablement les comptes des opérateurs. Il est certain que ces
subventions affectent les profits des entreprises qui mettent alors plus de
temps à rentabiliser leurs investissements. Dans ces conditions, comment
peut-on alors expliquer l'acharnement des opérateurs à maintenir
ces subventions d'accès ?
On peut montrer assez facilement que cette politique de
subvention est parfaitement rationnelle dans le contexte du GSM. En effet, il
faut se rappeler que les subventions d'accès se sont intensifiées
dès lors que les services des opérateurs sont devenus de moins en
moins différenciés. Or en présence de services assez
homogènes, les clients deviennent de plus en plus sensibles aux prix et
les opérateurs se retrouvent dans la situation de concurrence à
la Bertrand. Si Voila propose l'accès à un prix supérieur
à Digicel, il aura des difficultés à attirer de nouveaux
abonnés et verra ses parts de marché se réduire. Cette
stratégie n'est donc jamais profitable : il vaut mieux s'aligner sur les
prix d'accès de son concurrent, que d'apparaître comme le plus
cher. Un opérateur peut même avoir intérêt à
annoncer des prix d'accès inférieurs à ceux de ses
concurrents (surenchère) si les revenus des abonnés
subtilisés à ses concurrents, compensent la perte de revenus sur
chaque nouvel abonné. Mais si une politique de prix agressive peut
être profitable pour un opérateur et accroître ses parts de
marché, elle conduit nécessairement les concurrents à
réagir, en annonçant à leur tour des baisses de prix. La
surenchère sur les prix d'accès, observée à partir
de 2006 s'inscrit donc dans cette logique.
Finalement, à partir du dernier trimestre de cette
même année, les prix d'accès vont se stabiliser à un
niveau très bas. Comment expliquer cette stabilisation des prix ? La
théorie des jeux fournit une réponse assez simple. La situation
sur le marché de l'accès correspond à un
équilibre de Nash, au sens où aucun opérateur n'a
intérêt à modifier ses prix d'accès
unilatéralement. Chacun sait qu'en relevant ses prix, il risque de voir
les nouveaux abonnés se tourner vers ses concurrents. Il sait aussi
qu'il n'a pas intérêt non plus à baisser ses prix, car il
va accroître son déficit d'accès et qui plus est, ses
concurrents risquent de s'aligner, l'empêchant d'en tirer un quelconque
avantage.
Le seul moyen de sortir de cet équilibre « bas
» consisterait pour les opérateurs à s'entendre sur une
hausse de prix conjointe. Pratique strictement interdite dans le droit de la
concurrence. Ces subventions d'accès fragilisent d'autant plus les
comptes des opérateurs qu'elles interviennent dans un contexte de
concurrence et d'information asymétrique. D'une part, les clients,
bénéficiant de ces subventions, ont la possibilité, dans
un cadre concurrentiel, de résilier leur abonnement pour se tourner vers
un autre opérateur. D'autre part, les opérateurs s'exposent
à un risque moral de surconsommation de terminal.
En subventionnant l'acquisition du téléphone,
Digicel apporte une innovation majeure dans le secteur. Par cette
stratégie, Digicel favorise très largement l'accès
à ce service car elle permet non seulement d'accéder à son
réseau à moindre coût mais aussi cette politique pousse les
autres opérateurs à en faire de même de façon
à ne pas perdre leurs abonnés et à attirer de nouveaux
clients. Ainsi, en trois mois d'opérationnalité sur le
marché, Digicel comptait déjà plus de 450,000
abonnés sur son réseau ; la Comcel accuse entre temps un taux de
croissance du nombre d'abonnés de près de 22% contre 13% pour la
Haitel, en passant respectivement de 425,000 à 520,000 et de 250,000
à 282,500 clients48.
En instaurant un réseau qui couvre tout le territoire,
la Digicel facilite également l'accès au service qu'elle apporte
vers le consommateur. Cette stratégie de proximité fait de la
Digicel, dans les premiers moments, le seul opérateur présent
dans beaucoup de régions et par conséquent fait augmenter son
pouvoir de marché. Face à cette situation, Comcel et Haitel
réagissent d'abord en agrandissant leur réseau et en multipliant
leurs canaux de distribution. Ainsi, vers la fin de l'année 2006
près de 80% du territoire nationale ont accès au cellulaire.
Le taux de couverture du territoire national en
décembre 2006 et la baisse du coût d'acquisition d'un
téléphone reflètent l'apport de la stratégie
concurrentielle de Digicel dans ce secteur. Ces deux indicateurs
révèlent une forte potentialité du secteur à
faciliter l'utilisation du service, toutefois un autre indicateur important
à prendre en compte pour étudier le rythme d'utilisation du
téléphone cellulaire est le coût d'utilisation. Celui-ci
est vérifié à partir des stratégies de tarification
des firmes en place. La Digicel en mai a instauré une politique de
tarification qui va influencer considérablement le comportement des
autres firmes et des abonnés. Tout d'abord, en éliminant les
tarifs sur les appels entrants Digicel porte ses concurrents à faire de
même. Ceci constitue pour la clientèle une incitation majeure
à communiquer d'avantage. Digicel propose une facturation à la
seconde, la réduction des tarifs de communication en week-end sur son
réseau, la baisse des prix des cartes de recharge prépayés
jusqu'à 50 gourdes, etc. Comcel et Haitel réagissent et annoncent
à leur tour des tarifs réduits qui varient selon le plan de
tarification choisi. Un client de la Haitel peut payer jusqu'à 2,50 gdes
la minute, alors que Comcel annule les tarifs sur les appels entrants/sortants
sur son réseau de minuit à 6 heures du matin. Si ces
stratégies visaient à attirer de nouveaux clients, elles ont
surtout facilité la communication entre les abonnés, ce qui
augmente inévitablement le rythme d'utilisation du service.
Avec Digicel, la concurrence dans le secteur de la
téléphonie cellulaire s'est intensifiée. En
appliquant sa stratégie de volume, Digicel occasionne une baisse
généralisée de tarifs, une meilleure couverture
du territoire, une extension des canaux de distribution et une hausse du
taux d'utilisation du service. La
48 Rencontre rélisée avec les
responsables de la Haitel et de la Comcel.
stratégie de domination au niveau des coûts
adoptée par la Digicel a donc rendu plus accessible le marché de
la téléphonie cellulaire aux consommateurs.
· :. Impact de la stratégie concurrentielle de la
Digicel sur la nature des choix disponibles. La nature des choix disponibles
met en évidence les caractéristiques des produits et services
offerts, elle peut être expliquée par la qualité et la
diversification des produits et services. La stratégie de
domination au niveau des coûts adoptée par la Digicel est une
stratégie de volume qui vise à faire de cet opérateur le
leader en nombre d'abonnés. En dépit des contraintes
technologiques auxquelles il faisait face, cet opérateur a pu
développer un réseau très dense qui couvre 90% du
territoire moyennant de lourds investissements auxquels il a consenti. Par
ailleurs, Comcel et Haitel faute de moyens financiers ne sont pas en mesure de
mener une stratégie de volume de même ampleur que la Digicel.
Parallèlement aux efforts consentis pour augmenter leur nombre
d'abonnés, elles ont accentué leurs stratégies sur
l'amélioration de la qualité du service. Ainsi, à la fin
de l'année 2006 on observe bien des différences entre le
réseau de ces deux firmes et celui de la Digicel au niveau de la
densité et de la qualité des communications dans certaines zones.
En effet, l'engouement des gens pour les portables de Digicel a eu pour
conséquence immédiate la saturation du réseau de la
compagnie, elle offre alors un service de bien moindre qualité par
rapport aux services de la Haitel et de la Comcel. De son côté,
Haitel, jusqu'en octobre 2006, offre une qualité inférieure en
Province, en termes de couverture, mais compte tenu de la densité de son
réseau, son service est d'une très bonne qualité en
région métropolitaine, en comparaison avec les deux autres
opérateurs.
Digicel arrive sur le marché avec de nouveaux produits
et services qui attirent énormément de clients et même ceux
déjà abonnés aux réseaux de la Haitel et de la
Comcel. Toutefois, ces dernières mettront quelques mois à
moderniser leur réseau et à la fin de l'année il n'existe
pratiquement pas de différenciation dans les services
proposés par les opérateurs. Ces derniers offrent les mêmes
services (SMS, facture détaillée, roaming international).
· Digicel a modifié le marché de la
téléphonie cellulaire Haïtien en 2006.
Ces modifications affectent la structure, le comportement et la
performance du marché :
o Digicel a modifié la structure du marché tant au
niveau de l'offre que de la demande.
Jusqu'en avril 2006, le marché de la
téléphonie cellulaire a absorbé un peu plus d'un demi
million d'abonnés. En décembre 2006, 8 mois après son
entrée dans le secteur, Digicel à elle seule offrait ce service
à plus d'un million d'abonnés. La riposte de ses concurrents a
été immédiate, ces derniers élargissent la
capacité de leur réseau, et à la fin de cette année
le secteur a plus que triplé sa capacité à offrir ce
service en passant de 675,000 abonnées à 2,320.000
abonnées.
La stratégie de domination au niveau des coûts
mise en oeuvre par la Digicel donne un nouvel élan à un
marché accessible jusque-là à une faible partie de la
population. La stratégie d'ouverture pratiquée par cet
opérateur révèle l'existence d'une forte demande non
satisfaite. En effet, en établissant son réseau sur tout le
territoire et en offrant son service à bas prix, Digicel a
créé une nouvelle catégorie de demande. Celle-ci se situe
dans les zones les plus reculées et est constituée en particulier
de gens à faible revenu, de jeunes résidant en ville ou en
campagne. Cette stratégie a porté ses fruits car en moins de
trois mois l'opérateur annonce un surplus de demande de terminal qui
excède très largement les prévisions faites pour le
marché haïtien. En ce laps de temps, près de 300.000
téléphones sont retirés
M arché de la té lé p
chez les nombreux concessionnaires. En décembre 2006,
l'opérateur occupe déjà la place de leader du secteur avec
près de 59% des parts de marché (avec 1,410,000 clients pour 2,
320,000 abonnés sur le marché). Fig.3.3. Une
telle performance individuelle va inciter les autres opérateurs à
revoir leur comportement
13% 2%
vis-à-vis du consommateur.
fig3.3
Source : RDDH, fevrier 2007
o Digicel a modifié le comportement des
opérateurs.
Avec Digicel, la nouvelle forme que prit la concurrence oblige
les autres opérateurs à s'ouvrir à la
population des zones urbaines mais aussi à celle des
zones rurales qui représentent les 60% de la population haïtienne;
la stratégie de segmentation du marché basée sur le
pouvoir d'achat des consommateurs pratiquée au cours de la
période du duopole Comcel-Haitel n'a plus lieu d'être, D igicel
démocratise l'accès au téléphone qui devient tout
simplement un accessoire de communication. Cette transformation au niveau du
comportement des opérateurs se traduit concrètement par une
meilleure performance globale du secteur.
o Digicel a modifié la performance du secteur.
Cette nouvelle dynamique que vit ce secteur se traduit plus
concrètement à travers une meilleure couverture du service au
niveau national, une meilleure qualité et un accès plus facile
à ce service et la mise à la disposition de la
clientèle d'une gamme plus diversifiée de produits et
d'options
d'abonnement que nous avons présenté
antérieurement. En effet, en Décembre 2006 les trois principaux
opérateurs affirment déjà parvenir à une couverture
presque complète du territoire. La démocratisation de
l'accès à ce service entraîne une forte croissance de la
demande et du même coup une tendance à la saturation des
réseaux des opérateurs qui doivent alors investir d'avantage.
· Impact économique de la stratégie
concurrentielle de la Digicel.
Le regain de vitalité que connaît ce secteur se
reflète aussi par ses apports à l'économie. Ceux-ci
peuvent être considérées non seulement sous un angle
microéconomique mais aussi macroéconomique. La concurrence
poussée par l'offensive de la Digicel porte ses concurrents à
réviser leurs stratégies qui prennent alors beaucoup plus en
compte l'intérêt du consommateur. La pratique des appels entrants
gratuits instaurée par la Digicel et qui est tout de suite reprise par
Comcel et Haitel a permis aux abonnés d'économiser après
quatre mois près de $70 millions US49. Cependant,
malgré la baisse généralisée des tarifs sur le
marché du cellulaire nous ne sommes pas en mesure d'apprécier
l'évolution du poids des télécommunications dans le panier
de consommation des ménages. De même, au niveau du système
productif, nous ne pouvons non plus estimer le poids des
télécommunications dans la consommation intermédiaire des
entreprises.
NB- Cette contrainte résulte de la non
disponibilité des grandeurs statistiques appropriées tels que :
le montant
mensuel moyen des dépenses d'un ménage en
services télécoms, le poids des télécommunications
dans la consommation intermédiaire des entreprises,
etc.
Sur le plan macroéconomique, les transformations sur le
marché de la téléphonie cellulaire, comme secteur
transversal de l'activité économique, ont eu un impact positif
sur la productivité du travail et donc sur la croissance globale. En
effet, la nouvelle concurrence, en entraînant une meilleure diffusion du
cellulaire en tant qu'outil de travail améliore de fait la
fluidité des échanges entre les agents. Cette concurrence permet
notamment de réduire les coûts de transaction (les agents
coordonnent mieux leurs activités, le recours à des «
médiateurs » n'est plus requis), d'améliorer la
qualité de l'information transmise et donc de réduire
l'incertitude et/ou les éventuelles asymétries d'information.
D'un autre coté, la modernisation des réseaux des
opérateurs entraîne la création de nouveaux emplois directs
et indirects dans l'économie. D'autre part, pour l'année 2006 ce
secteur a contribué à hauteur de 6.55% aux recettes totales de
l'Etat50.
49 M. Marcelin, directeur du Conatel dans la rubrique
Code 38 à canal bleu
50 Les recettes totales de l'Etat en 2006
étaient estimées à 20,110 milliards de gourdes. Source
MEF
Le nouveau dynamisme observé dans le secteur
résulte donc du changement de comportement opéré par les
principaux opérateurs de téléphonie cellulaire sur le
marché Haïtien. La stratégie concurrentielle du
nouvel opérateur est de toute évidence le fil conducteur qui aura
conduit à cette transformation du secteur en 2006. En effet, le
réel désir de conquête et d'hégémonie dont
fait montre la Digicel ne pouvait pas laisser indifférent Comcel et
Haitel qui jouissaient déjà d'une situation bien plus
confortable. Avec cette concurrence en 2006 on paierait dix fois moins
chère un téléphone par rapport au minimum
nécessaire pour ce même bien en 1999, soit au minimun 4000 gourdes
en 1999 contre 400 à 500 gourdes en 2006 . Pour mieux comprendre cette
nouvelle performance du secteur nous devons regarder la relation de
causalité qui existe désormais entre les variables structure,
comportement et performance mis en évidence dans le paradigme SCP.
B.4. Relation de causalité entre la structure, le
comportement et la performance du secteur. (Fig.3.4)
Avec l'entrée de la Digicel, la relation de
causalité du paradigme SCP n'est plus la même. Digicel a une
vision : Chaque haïtien doit posséder un
téléphone portable « Digicel »;
et arrive en Haïti pour accomplir sa mission : Etre le leader
du marché. Pour atteindre ces objectifs, Digicel va
adopter un comportement plus agressif que ses prédécesseurs et
élaborer des stratégies concurrentielles correspondant au but
qu'elle s'est fixée en s'appuyant sur l'expérience acquise sur le
marché caribéen et grâce surtout à ses moyens
financiers. Cette agressivité oblige les deux principaux concurrents
à réagir en révisant leurs stratégies pour rester
dans le secteur. La dynamique d'actions et réactions qui en
résulte apporte une baisse généralisée des tarifs,
une meilleure couverture de ce service à travers le pays, un choix plus
diversifié de services et de produits,également un fort taux de
pénétration du service en un temps record. Digicel sort grand
bénéficiaire de ce nouveau dynamisme en devenant en quelques mois
seulement le leader du secteur au détriment des autres opérateurs
et particulièrement de la Comcel. Étant donné que ces deux
firmes exploitent la même technologie, il en découle donc une
concurrence plus intense entre elles. Dans ces conditions, Comcel ne peut plus
continuer à afficher le même type de comportement vis-à-vis
de la Haitel, elles adoptent alors des stratégies concurrentielles
différentes. Donc, à partir de mai 2006 le marché du
cellulaire haïtien évolue dans une structure purement
oligopolistique.
La structure du marché influence également le
comportement des firmes, en effet, en autorisant la Digicel à exploiter
une technologie GSM parallèlement à la Comcel, le Conatel
provoque une concurrence plus intense dans le secteur. De plus, l'exploitation
de la technologie GSM1800 qui nécessite de plus lourds investissements
et l'obtention d'un grand nombre d'abonnés, obligent la Digicel à
engager une bataille pour la conquête de grandes parts de marché.
Cette configuration du
marché est à la base de la performance
spectaculaire observée dans le secteur à la fin de l'année
2006.
Fig3.4 Le modèle
Structure-Comportement-Performance.
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Comportement
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Performance
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Structure
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B.5 Simulation par la théorie des jeux des
intéractions stratégiques des opérateurs.
Lorsqu'elle entre sur le marché, la Digicel est
confrontée à deux choix : soit elle coopère avec ses
prédécesseurs (C), soit qu'elle adopte un comportement agressif,
non coopératif (NC) et fixe unilatéralement des tarifs
inférieurs aux tarifs qui y sont pratiqués jusque-là.
Comcel et Haitel pourraient ainsi réagir en fonction des choix
stratégiques de Digicel par la coopération (C) ou non (NC).
Cependant, vu que Digicel et Comcel exploitent toutes les deux une technologie
GSM, nous admettons qu'elles sont les premières à dévoiler
leurs stratégies. Etant donné que Haitel exploite une technologie
autre que le GSM, nous disons qu'elle dévoile sa stratégie la
dernière. Nous admettons aussi que les opérateurs peuvent deux
à deux choisir la coopération à travers un jeu
stratégique tel que Digicel choisisse sa stratégie, Comcel joue
en seconde position suivie de la Haitel. Dans la figure (F2) nous
présentons en fonction des choix stratégiques des joueurs les
gains retirés, le premier nombre du triplet étant les gains de
Digicel, le second ceux de Comcel et le troisième ceux de Haitel.
(Fig3.5).
Si Digicel dès le départ veut coopérer,
Comcel et Haitel peuvent accepter la coopération mais avec son statut de
dernier entrant, Digicel devrait se contenter de marges de profits
inférieurs. Comcel et Haitel, dans un autre cas de figure, peuvent ne
pas accepter et s'arranger pour que Digicel ne puisse pas obtenir de profit si
elle persiste à vouloir entrer dans le secteur. Ce sont là deux
situations non satisfaisantes pour Digicel. Mais pourquoi vouloir
coopérer et obtenir de maigres profits quand on a les moyens de rafler
une part de marché bien plus importante ? Un joueur rationnel choisit
toujours ses stratégies de façon à ce que ses gains soient
maxima, pour Digicel le meilleur choix est ici la non coopération. Elle
ne peut pas adopter un comportement coopératif et ceci principalement
pour trois raisons que nous résumons comme suit :
1- Elle entre en troisième position sur un marché
partagé entre Comcel et Haitel, elle doit donc lutter pour accaparer des
parts de marché satisfaisantes.
2- La technologie utilisée ne lui permet pas non plus
d'adopter un tel comportement.
3- L'histoire du joueur : c'est un opérateur qui a la
réputation de casser les monopoles partout où il passe, il
utilise toujours des stratégies de guerre.
De plus nous faisons l'hypothèse que si Digicel adopte
la stratégie (NC) elle aura toujours des gains supérieurs ou
égaux à ceux de ses concurrents parce qu'elle dispose de moyens
financiers plus significatifs et surtout grâce à
l'expérience acquise sur le marché international. Admettons que
tous les joueurs sont rationnels, nous pouvons alors déterminer
l'équilibre sur ce marché en utilisant la méthode
d'induction à rebours (Backward Induction) qui consiste à
parcourir l'arbre de jeu en partant des matrices de gains pour remonter au
noeud initial (Fig3.5).
Ainsi, en comparant les gains obtenus pour sa stratégie
(C) et ceux obtenus pour (NC) lorsque Comcel jouent (C) et Digicel joue (C),
Haitel préfère jouer (C). De même, lorsque Comcel choisit
(NC) et Digicel (C), Haitel opte pour (NC). Lorsque Comcel joue (C) et Digicel
choisit (NC), Haitel gagne plus en jouant (NC). Elle préfère
encore la stratégie (NC) quand Comcel et Digicel jouent (NC). Les choix
de Haitel étant arrêtés pour chaque situation du jeu,
Comcel opte pour la stratégie (C) si Digicel joue (C) et (NC) si Digicel
choisit (NC). Et Digicel est bien plus confortable en jouant la non
coopération (NC) si elle suppose que tous ses concurrents sont
rationnels. (Fig3.5)
Digicel
Fig3.5
(C) (NC)
(60 u, C, H) (130 u, C, H)
Comcel Comcel
(C) (NC) (C) (NC)
(60u, 110 u, H) (75 u, 95 u, H) (100 u, 80 u, H) (130 u, 120 u,
H)
Haitel Haitel Haitel Haitel
(NC) (C) (NC) (C) (NC) (C)
(C)
(NC)
(60 u, 110 u, 110 u) (60 u, 75 u, 95 u) (60 u, 95 u, 75 u) (60 u,
95 u, 95 u) (100 u, 80 u, 80 u) (100 u, 80 u, 100 u) (100 u, 100 u, 80 u)
(130 u, 120 u, 120 u)
Donc avec Digicel le marché atteint un équilibre
stable qui correspond à la définition de l'équilibre de
Nash. Le triplet (130u, 120u,
120u)51 traduisant cet équilibre représente
les gains des trois opérateurs lorsqu'ils jouent la stratégie
non coopérée.
51 A défaut d'informations relatives aux
profits des firmes, ces nombres qui sont des valeurs théoriques choisies
arbitrairement représentent leur niveau d'utilité. Avec U
(utilité) U 0
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