CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIE DE
RECHERCHE
Ce chapitre est consacré à la
problématique, aux objectifs et hypothèses de recherche puis
à la revue de littérature et à l'approche
méthodologique adoptée.
C- Section 1 : Problématique,
Intérêt, Objectifs et Hypothèses de recherche
Dans cette section, il s'agira de développer la
problématique, de fixer les objectifs poursuivis, de poser les
hypothèses de travail et de dégager l'intérêt de la
recherche.
Paragraphe 1 : Problématique et
intérêt de la recherche
A- Problématique de La recherche
A chaque stade de développement ou de
l'évolution de l'économie de tout pays, le financement de la
production, gage de création de richesses et d'emplois, est
réalisé par des institutions et des mécanismes mettant en
oeuvre des techniques financières de plus en plus
élaborées. La plupart de ces institutions ont pour
activité principale l'intermédiation financière qui
constitue la base des investissements.
Ainsi, le passage de l'économie d'endettement à
l'économie de marché des capitaux a été
concrétisé dans la plupart des pays industrialisés par le
développement et le perfectionnement du système de financement de
l'économie qui n'est pas sans risque, comme l'indique la crise
financière qui secoue actuellement le monde entier et qui est devenue
pour toutes les grandes puissances mondiales et même pour ceux en voie de
développement un sujet majeur de préoccupations du fait de la
mondialisation de l'économie.
Les crises économiques, le poids de l'endettement et
les problèmes de gouvernance ont rendu très précaires les
conditions de vie de la majeure partie des populations des pays en voie de
développement. Dans ces pays où cohabitent les secteurs
d'activité formel et informel, les micro entreprises n'ont pas toujours
accès au financement bancaire classique pour suppléer l'Etat dans
la création de la richesse et d'emplois.
Or, la création et la mise en oeuvre de projets
susceptibles d'induire la création de richesse et d'emplois sont
l'émanation du secteur privé, l'Etat créant le cadre et
l'environnement adéquats à travers la mise en oeuvre de ses
fonctions régaliennes.
Le choix politique est forcément un déterminant
de l'économie. Ainsi, depuis l'avènement de la démocratie
pluraliste au Bénin en 1990, les décideurs ont opté pour
le libéralisme économique. Or, une économie de
marché ne peut se développer, effectivement, que dans la mesure
où, le financement des activités est réalisé par
des institutions efficaces, viables et pérennes. En effet,
l'émergence d'un secteur privé dynamique capable de soutenir la
relance de l'économie béninoise a amené les
autorités monétaires à favoriser la mise en place des
institutions de micro finance évoluant aux côtés du
système bancaire classique.
Un système financier adéquat s'avère donc
impérieux pour la relance des activités de toute la nation. C'est
dans ces conditions qu'est né au début des années 80 le
concept de micro finance au Bengladesh en Asie. Il avait pour objectif d'offrir
aux personnes ne pouvant pas accéder au crédit bancaire (faute de
garanties nécessaires ou parfois à cause de leur idéologie
culturelle et sociologique, de l'éloignement, de l'analphabétisme
et autres barrières) les services financiers d'épargne et de
crédit pour juguler, à l'époque, la crise des
systèmes financiers.
Au Bénin, le dynamisme du secteur de la micro finance
s'explique par le souci de réduire au maximum les effets néfastes
engendrés par la banqueroute connue dans les années 80 qui a
aggravé la situation des entreprises qui, du coup, ont donc recours aux
usuriers pour le financement de leurs activités. C'est en juillet 1993,
après la réhabilitation de l'ancienne Caisse Nationale de
Crédit Agricole (CNCA) qu'a vu le jour la première
véritable institution de micro finance dénommée la
Fédération des Caisses d'Epargne et de Crédit Agricole
Mutuelle (FECECAM). Au cours de la même année sont crées
les projets PAPME et PADME (devenus associations depuis 1999) pour amortir
les effets sociaux du Programme d'Ajustement Structurel (PAS) imposé par
les institutions telles que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire
International à travers la mise en place des financements et d'appui
conseil.
Très tôt, la micro finance en tant qu'instrument
de développement s'est révélé très efficace
au service des populations exclues des systèmes classiques de
financement faute de pouvoir remplir les conditions exigées par ces
derniers. Elle offre ainsi de très petits crédits (micro
crédits) à des individus pauvres mais économiquement
actifs pour les aider à mener des activités
génératrices de revenus leur permettant de développer leur
micro entreprise. Il participe pour beaucoup dans la lutte contre la
pauvreté et en constitue, de plus en plus, un des outils
privilégiés.
Selon Christiane OMICHESSAN TABELE et Consorts
« la micro finance à travers les micro crédits
permet à 98% de bénéficiaires de se soigner mieux et
à plus de 83% des ménages d'envoyer à l'école leurs
enfants en âge de scolarisation ».
Dans le rapport de Consortium Alafia sur la
pérennité financière des IMF en 2005, on estime à
plus de sept cents (700) le nombre d'institutions toutes catégories
confondues exerçant dans la petite et même grande finance sur
toute l'étendue du territoire béninois avec la concentration du
marché sur une douzaine d'IMF qui contrôlent plus de 90% du
secteur. La masse critique de clients actifs est d'environ 683 634 au
titre de l'an 2005 mais à majorité urbaine. Le volume
d'opérations liées aux activités qui se sont
développées considérablement est estimé à
environ 82 milliards de FCFA au cours de la même année pour plus
de 1250 emplois directs.
Ce rapport indique également que 45% d'IMF n'arrivent
pas à rentabiliser leurs fonds hors exploitation. Les quelques unes qui
ont atteint la pérennité financière dont l'Agence PAPME
connaissent actuellement une régression alarmante due, non pas, à
la baisse des produits mais à une augmentation des charges non
décaissables que constituent les pertes sur créances et les
dotations aux provisions, conséquences des impayés.
Cet état de choses suppose que, les mêmes causes
produisant les mêmes effets, les problèmes qui ont conduit
à la banqueroute des années 80 sont entrain de faire leur retour.
En effet, une présentation des différentes phases
d'évolution de l'Agence PAPME permet d'appréhender
aisément les difficultés auxquelles cette institution est
confrontée.
v La croissance de PAPME
Cette phase est caractérisée par la
réalisation de marges d'intérêt en progression
régulière, l'augmentation de l'encours de crédits, de
même que celui du résultat d'une année à une
autre.
C'est la période de l'expansion économique.
C'est la phase pendant laquelle PAPME a fait connaître ses produits qui
connaissent de véritables succès auprès de la
clientèle et elle occupe tout l'espace médiatique.
Cette période a duré jusqu'en 2004 et s'est
traduite par une bonne santé économique et financière de
l'institution avec les résultats comparés de 2001 à 2004
qui affichent :
Tableau N° 5 : Evolution des
indicateurs / Phase de croissance
Eléments
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
Encours de crédit
|
6 807 622 524
|
10 503 178 759
|
15 134 430 677
|
18 704 489 150
|
Nombre de clients
|
2 991
|
7 605
|
11 233
|
12 794
|
Taux de remboursement
|
94%
|
93%
|
95%
|
91,81%
|
Résultat net d'exploitation
|
752 444 911
|
1 514 694 328
|
1 272 652 318
|
1 042 774 405
|
Source : Rapport d'activités PAPME
v La maturité et le
déclin de PAPME
Ces deux phases sont couplées, en raison, de leur
survenance précipitée. Elles sont caractérisées par
une évolution plus lente de la croissance de l'Agence PAPME
jusqu'à la stagnation. Les signaux forts étaient,
déjà, perceptibles dès 2003, à travers la baisse
considérable des résultats malgré la croissance du
portefeuille de crédits. Ces phases coïncident avec le besoin de
diversification des activités, l'exploration de nouveaux marchés.
C'est ce qui a amené PAPME à réaliser des
opérations de crédit-bail et à investir dans
l'immobilier.
Aussi, au cours de la période 2004 - 2005, l'encours de
crédits a augmenté passant ainsi de FCFA
18 704 489 150 à FCFA 21 156 372 138, soit une
augmentation de FCFA 2 451 882 988 par rapport à 2004
donc un taux de croissance de 13,11%.
On note en 2005 une baisse nette du résultat de 92,13%
par rapport à 2004 ; en effet, PAPME a généré
un résultat de FCFA 1 042 774 405 en 2004 contre FCFA
82 028 691 en 2005.
Entre 2005 et 2006, l'encours de crédits a
chuté. Il est passé à FCFA 16 418 229 022
en 2006 contre 21 156 372 138 en 2005.Soit une diminution de
FCFA 4 738 143 116 pour un taux de baisse de 22,40%.
Le résultat dégagé au cours de la
même période est passé de FCFA 82 028 691 en 2005
à un résultat déficitaire de FCFA
3 144 587 439. Soit un taux de baisse se situant à
3933,52%.
L'encours de crédits est en baisse à partir de
2006 ; cela traduit en fait un ralentissement des activités de
l'Agence. Ce qui s'est poursuivi jusqu'en 2007, exercice au cours duquel les
résultats affichent un déficit de FCFA
3 354 829 576.
Tableau N° 6 : Evolution des
indicateurs/Phase de maturité et début de
déclin
Eléments
|
2005
|
2006
|
2007
|
Encours de crédit
|
21 156 372 138
|
16 418 229 022
|
9 826 431 770
|
Nombre de clients
|
15 602
|
14 458
|
12 213
|
Taux de remboursement
|
77,97%
|
80,19%
|
42,32%
|
Résultat net d'exploitation
|
82 028 691
|
-3 144 587 439
|
-3 354 829 576
|
Source : Rapport d'activités
PAPME
De plus en plus, on assiste à des prises de
décisions et à des comportements aussi bien de la part du
personnel que de la clientèle qui dénotent de l'ampleur des
difficultés auxquelles l'institution est confrontée.
Or, pour assurer, de façon durable, leur mission les
institutions de micro finance doivent fournir des services financiers
rentables. Selon FOSSOU K. Francis, « des différents
produits proposés, le crédit en est l'outil de production car
bien géré, il produit pour la plupart des IMF opérant en
Afrique entre 80 et 100% des produits financiers ». La fonction
crédit se présente donc comme la plus essentielle et se trouve,
de ce fait, au coeur du développement de toute IMF oeuvrant dans une
optique professionnelle et visant la pérennité de l'offre de ses
services à ses groupes cibles. Cependant, la gestion du crédit
constitue la source majeure du risque d'exploitation des IMF.
Les données des tableaux ci-dessus pourraient
s'expliquer par un certain nombre de problèmes, notamment :
§ Des choix stratégiques
inadaptés comme la suppression des Directions régionales
dont les responsables ont commencé par faire ombrage aux responsables de
la Direction Générale incapables de maîtriser la
délégation du pouvoir ;
§ La révision intempestive des procédures
d'octroi de crédit occasionnant des abus de la part de certains agents,
d'une part, et la perte d'une certaine clientèle, d'autre part ;
§ La non exploitation des rapports de contrôle et
de supervision (suivi inefficace de la défaillance) rendant du coup
inefficace le système de contrôle interne et même
externe ;
§ L'accroissement des problèmes de gouvernance qui
impliquent la pollution de l'atmosphère de travail au sein du
personnel ;
§ L'insécurité de l'emploi occasionnant le
stress permanent des agents et par conséquent des vagues de
démissions ;
§ La perte de crédibilité de l'institution
vis-à-vis de ses partenaires aussi bien financiers que la
clientèle ;
§ L'amorce d'un processus de redressement de
l'institution, en pleine crise, à partir de novembre 2007 au terme de
l'élaboration et de la validation d'un plan de redressement.
Ces problèmes constituent une préoccupation
alarmante pour tous les acteurs du secteur vue l'importance du rôle
capital que cette structure joue dans le développement
socio-économique du Bénin. Si rien n'est fait, cette situation
due à la dégradation des indicateurs de performance de
l'institution risque de la conduire sous peu vers le gouffre qu'est la
cessation de paiement et des activités.
C'est ce qui justifie le choix de notre thème
intitulé : « Problématique de la
performance financière des IMF : Cas de l'Agence
PAPME ». Il s'agira d'identifier les véritables
causes qui engendrent cette situation de déconfiture de l'Agence PAPME
dont le principal actif demeure l'activité crédit qui
génère des revenus (intérêts et autres commissions)
et de proposer des solutions pour son amélioration.
Au vu de ces faits inquiétants et de tous ces
problèmes spécifiques soulevés ci-dessus, le constat est
que la viabilité et partant la pérennité de l'Agence PAPME
est menacée, donc le risque de ne pouvoir assurer de façon
durable sa mission est perceptible. Dès lors, il y a lieu de
s'interroger. Quelles sont les raisons de la forte dégradation des
indicateurs de performances de l'Agence PAPME ? Comment l'Agence PAPME
peut-elle gérer au mieux le risque de crédit ? L'Agence
PAPME peut-elle baser sa pérennité sur la seule activité
de crédit ? Les projets de diversification des activités
sont ils bien entreprise pour permettre leur réussite ? La
gouvernance de l'Agence PAPME induit-elle la mobilisation du personnel, dans
son ensemble, en vue de l'atteinte de objectif global de l'institution ?
B- Intérêt de la recherche
La question de la dégradation des indicateurs de
performance abordée dans cette étude est d'une importance
capitale car l'épineuse question de la pérennité à
laquelle est confrontée la plupart des IMF découle de la gestion
stratégique et opérationnelle opérée par les
différents acteurs aussi bien internes, qu'externes.
La baisse inquiétante des résultats de
l'institution comme en témoignent les tableaux ci-dessus, en raison des
créances en souffrance et des pertes sur crédits dénote de
l'importance du problème qui s'observe à travers la
détérioration du crédit (énormité des
impayés). Ainsi la perte que subit l'institution en cas de non paiement
des échéances en retard par rapport aux encours globaux (le taux
de portefeuille à risque) est en forte progression.
Généralement, au sein des IMF, les recherches
des causes de la dégradation du portefeuille de crédit sont
faites du point de vue de la gestion des impayés. Ces causes sont
liées à plusieurs facteurs internes (institution,
clientèle) et externes (environnement opérationnel et
institutionnel). Les derniers rapports d'activité (2007) de l'Agence
PAPME indiquent que la baisse de sa performance financière est
liée entre autres à :
§ La mauvaise foi des clients ;
§ La conjoncture économique peu favorable au
développement des affaires ;
§ La persistance des crises politico-économiques
dans certains pays limitrophes comme le Togo ;
§ La limitation de la réexportation de certains
produits vers le Nigeria ;
§ Les problèmes de la filière
coton ;
§ Le non règlement (non paiement) des
marchés exécutés au profit de l'Etat.
Une part prépondérante est de ce fait
attribuée à la clientèle et à l'environnement
extérieur sans pour autant prendre des dispositions appropriées
pour réduire leur impact sur les activités, malgré leur
caractère répétitif.
Dans un tel contexte, la question de la performance de
l'institution ne peut se faire qu'en fonction des causes externes à
l'IMF. Or les causes internes sont d'importance capitale. Notre étude
trouve donc son intérêt dans ce constat. Elle abordera la question
sous l'angle des déterminants contrôlables et internes à
l'IMF au travers de ses politiques et procédures de gestion de ses
activités avec la prise en compte de la réglementation en vigueur
dans le secteur de la micro finance.
Le livre Bleu des Nations Unies (2006, Page 54)
« Construire des secteurs financiers accessibles à
tous » ne fait que conforter l'intérêt du sujet en
affirmant que « l'un des premiers constats effectués en
matière de micro crédit est que les pauvres remboursent leurs
prêts et sont des clients solvables (Christen, 1997, Pages 16-17). Les
stratégies d'atténuation du risque adoptées par les micro
prêteurs ont démontré que le remboursement dépendait
essentiellement de facteurs situés sous le contrôle de
l'institution ». Autrement dit il n'y a pas de mauvais clients
mais il y a de mauvais prêts.
Donc l'IMF se doit de prendre toutes les mesures
appropriées afin d'éliminer tous les problèmes de son
ressort susceptibles de créer des impayés et anticiper sur
l'influence externe. Le risque n'existant pas l'IMF devra éviter son
enlisement dans la dégradation de son portefeuille tout en diversifiant
ses activités.
Il s'agira pour nous de contribuer à
l'amélioration de la viabilité de l'Agence PAPME pour une
pérennité certaine à travers l'atteinte des objectifs
poursuivis dans le cadre de la présente étude.
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