Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Mémoire de Recherche Master Recherche Management,
Finance et Contrôle Stratégiques Institut d'Administration des
Entreprises Université du Sud Toulon Var
Master de Recherche Management, Finance & Contrôle
Stratégiques
Quelle gouvernance pour les établissements Publics
Locaux d'Enseignement : de l'institution à l'organisation, vers un
nouveau modèle public ?
Alain VENART
Directeur de Mémoire : M. le Professeur Pierre
GENSSE Année Universitaire 2007 - 2008
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Remerciements
Nos plus vifs remerciements au Professeur GENSSE pour ce temps
de recherche, d'écoute et d'entrée au coeur de ces
problématiques de conduite des politiques publiques sous le prisme des
Sciences de Gestion. Merci de votre confiance.
Nos remerciements vont aux Professeurs et étudiants du
Master Recherche pour les nombreux échanges et moments de confrontation.
Merci plus particulièrement à Madame VAN HOOREBEKE, Maître
de Conférences à l'IAE, pour son regard sur ce temps de
recherche. Merci à M. BOUVIER-PATRON, Maître de Conférences
à l'IAE pour la richesse des apports dans le domaine
stratégique.
Merci à M. Ivan Pastorelli, Maître de
Conférences à l'Université de Nice Sophia Antipolis, pour
sa parole amicale et son aide fort précieuse dans ces premiers pas en
Sciences de Gestion.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Le problème éthique contemporain vient du fait
que tout, dans notre civilisation occidentale tend à favoriser notre
logiciel égocentrique, alors que notre « logiciel » altruiste
ou communautaire est sous- développé.
La méthode 6 -- Ethique, E. MORIN.
Nous sommes tous responsables de tout et de tous devant tous, et
moi plus que tous les autres.
Les frères Karamazov, Dostoïevski.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Plan
Éléments méthodologiques pour l'approche du
sujet : sources, traitement, démarche, grille de lecture
I -- les fondements de la gouvernance de l'EPLE :
quelle réalité(s) pour quel modèle ?
1. Gouvernance et système : de l'autarcie aux
partenariats ?
2. Gouvernance et pilotage : de l'unique au réseau ?
II -- Les acteurs de la gouvernance de l'EPLE : quelle
architecture fonctionnelle pour un réseau public en mutation ?
1. Un jeu de miroirs : acteurs institutionnels et acteurs
fonctionnels, quel partenariat(s) ?
2. Un jeu de pouvoir(s) : vers un éclatement des centres
de décisions ?
III -- Vers de nouveaux enjeux éthiques de la
gouvernance de l'EPLE ?
1. Éthique, valeurs : quel conceptpour quelle gouvernance
?
2. Nécessité d'un code déontologique au
sein des EPLE : l'indispensable et le possible.
Gouvernance -- pouvoir(s) -- réseaux - partenariats --
performance -- territoires -- éthique -- valeurs
-- déontologie publique
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Objet organisationnel en devenir, chambre d'écho(s) aux
résonances sociales de plus en plus prégnantes, lieu de
réalisation de l'imaginaire collectif, espace de concrétisation
d'un parcours personnel et professionnel : l'Etablissement Public Local
d'Enseignement (EPLE) surgit sur la scène publique avec la loi
d'orientation sur l'école de 1989.
Objet culturel auquel sa forme juridique, ancrés dans
l'acte premier de la décentralisation, donne, au hasard des
interpellations médiatiques et autres injonctions sociales, une
coloration politique mais surtout une forme organisationnelle dont on peut dire
qu'elles font vivre, au quotidien, un espace éducatif en profonde
mutation.
Objet d'innovation(s), de stratégies visant à
faire de lui un acteur souple, accrochant le réel, il acquiert une
dimension apprenante dans un schéma organisationnel local et territorial
complexe. Se mouvant entre une collectivité territoriale de rattachement
qui dessine son territoire géographique et pénètre son
management au quotidien, et des parties prenantes diffuses qui président
à son évaluation médiatique, il demeure le maillon
atypique d'une chaîne décisionnelle institutionnelle au
caractère vertical ; chaîne dont il assure les fondations, au
coeur de la cité.
Notre étude se donne pour objectif de cerner les formes
de gouvernance de l'établissement Public Local d'enseignement
(EPLE): quelle gouvernance pour quelle performance au sein de l'EPLE ?
Quelle organisation pour quel modèle public de management ?
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Il nous faudra, dans un premier temps, sérier les
différentes lectures du concept de gouvernance en termes
organisationnels puis les positionner par rapport au fonctionnement de l'EPLE.
Cette analyse nous permettra de questionner cette même gouvernance sous
l'angle de la performance attendue par les instances institutionnelles.
Cette lecture analytique de l'organisation EPLE nous conduira,
dans un deuxième temps, a mieux définir ses stratégies de
pilotage: quelle place (jeu) des acteurs au sein de cette architecture ? Quels
pouvoirs font-ils émerger en matière de gouvernance ? On ne
saurait alors limiter ces acteurs là aux managers, si important
soient-ils, mais nous l'étendrons à l'ensemble des parties
prenantes qui organisent ce que l'on pourrait qualifier de nouvel espace
public.
Enfin, il nous faudra soulever la question d'une posture
éthique, d'un modèle de gouvernance publique. C'est, de fait, le
discours même de cette gouvernance de l'EPLE qu'il conviendra d'approcher
et ce afin d'appréhender au mieux les traits distinctifs de cette
posture éthique. Se conçoit-elle uniquement comme
intrinsèquement liée aux nouveaux territoires qu'elle investit :
familles, institution, associations ? Le modèle qu'elle porte ne
serait-il qu'une superstructure aux principes fondateurs atténués
? Quel coeur décisionnel met-il en oeuvre dans sa pratique quotidienne
?
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Ces questionnements nous permettront d'approcher cette
territorialité nouvelle au sein de laquelle l'EPLE évolue ;
territorialité qui semble porter en elle des archétypes
fonctionnels qui débordent largement le cadre géographique de
l'établissement d'enseignement.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Éléments méthodologiques pour l'approche
du sujet : sources, traitement, démarche, grilles de
lecture.
Afin de mettre en mouvement et de rendre signifiant ce travail
de recherche sur l'Etablissement Public Local d'Enseignement
(EPLE)1, trois axes de questionnement émergent :
Gouvernance et frontière(s)
Nous travaillons sur la gouvernance de l'EPLE, nous essayons
de la déchiffrer, d'en définir les contours, d'en cerner les
limites, de tracer une possible frontière.
· Quels outils allons-nous mettre en action, quels
fondements méthodologiques pouvons-nous mobiliser ?
· Comment intégrer le caractère
institutionnel de cette entité organisationnelle publique ?
· Quel type de littérature allons-nous
étudier et selon quels critères, pour quels croisements
conceptuels ?
· Comment définir cette entité multi
référentielle qu'est l'EPLE ?
Gouvernance etpouvoir(s)
La deuxième série de questions porte sur la notion
de Pouvoir(s) et donc de réseau(x) au sein de l'EPLE. Si le poser comme
tel au sein de
1 Décret de 1985.
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l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
établissements (lieux, noeuds de pouvoir, espace des
réseaux) est une chose, une autre est de déterminer les
fondements conceptuels qui président à cette analyse.
Qu'est-ce qu'un pouvoir au sein d'un organisme autonome public
dans le champ éducatif ?
Gouvernance et valeur versus valeurs; éthique versus
code
La nature même de l'objet EPLE, ses fondements
laïques, ses modes de réalisation dans l'espace social,
économique et politique posent la question de la valeur qu'il
crée au quotidien et de celles qu'il porte et qu'il incarne :
Quelles valeurs au coeur de la gouvernance EPLE pour quelle
valeur crée au sein de l'espace public d'enseignement ?
De toutes ces problématiques qu'il nous faut
éclairer comme un préalable à notre recherche,
émerge un questionnement de nature managériale qui pose les
fondations de notre travail de recherche.
Il s'agit d'interroger cette entité publique,
autonome, ancrée dans un territoire local relativement complexe afin de
savoir si elle met en mouvement un mode de gouvernance spécifique
à ce type d'organisme dans l'espace éducatif. Y a-t-il une
possibilité de transfert en matière de management public ?
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Des éléments de réponse, une
méthodologie d'approche
Nous croiserons la littérature portant sur pilotage
des EPLE avec trois sources majeures qui nous permettront d'établir une
première grille de lecture de ce dernier :
Les travaux d'Yvon PESQUEUX (2006 ; 2007) sur les modes de
décision avec les parties prenantes et la dualité privé
public dans la mise en mouvement d'une gouvernance publique seront un point
d'ancrage essentiel. Dans la mise en tension dialectique qu'il développe
entre les sphères publiques et privées, nous chercherons un
chemin pour caractériser la gouvernance de l'EPLE.2
L'approche de Gérard Charreaux (2001 ; 2003 ; 2007)
propose un deuxième apport conceptuel et managérial fort en
termes de gouvernance, essentiellement dans le cadre du volet cognitif de ses
travaux (2007).
La notion de Pouvoir(s) sera abordée sous l'angle des
travaux de Crozier et Friedberg. Pleinement corrélée à la
notion de liberté de décision, elle permet une approche
pertinente des modes de relation dans le fonctionnement de l'EPLE. Nous
rejoindrons alors les travaux de Reynaud (1997 ; 2003) sur la notion de
régulation et celle de pouvoir(s) dans les organisations. L'approche de
Jeffrey Alexander3 (2004) sur le
2Nous travaillerons là essentiellement sur
l'ouvrage d'Yvon PESQUEUX (2007), Gouvernance et privatisation. Nous serons
particulièrement vigilants sur le terme sphère publique qui, d'un
point de vue managérial, culturel et sociétal, s'inscrit dans une
logique Française. Il nous faut garder en mémoire ce
caractère spécifique (liée à la Nation ;
éléments symbolique avant tout autre).
3 Performance et pouvoir, extrait des Sciences
sociales en mutation, sous la direction de Michel Wieviorka, Éditions
Sciences Humaines (2007).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
rapport entre performance et pouvoir et ses conclusions sur les
spécificités de la scène publique viendront
éclairer certaines variations.
Enfin, un apport en termes de cadrage est apparu dans une des
leçons de Daniel Cohen sur la société post-industrielle
(2006) et plus particulièrement sur le modèle social
européen (ainsi que son approche de la rupture).
On peut alors fort de cette grille de lecture proposer le
canevas de lecture de la gouvernance de l'EPLE selon la ligne suivante :
· Les théories de la gouvernance sont une
entrée conceptuelle et managériale pertinente pour cerner celle
de l'EPLE.
· La dualité du couple public/privé dans la
sphère décisionnelle est une grille de lecture possible de cette
gouvernance.
· Les différents pouvoirs décisionnels qui
président au pilotage de l'EPLE ouvrent une voie originale pour cerner
ce modèle public que l'on peut décoder grâce à ses
modes pilotage.
· Cerner la gouvernance de l'EPLE c'est trouver le
filtre adéquat qui permet de positionner les valeurs qui la mettent en
tension dans l'espace organisationnel4.
Nous allons essayer de formaliser notre spectre d'analyse.
C'est une analyse en trois temps, trois mouvements, qui vont nous permettre de
déchiffrer la gouvernance de l'EPLE et de la qualifier.
4 La notion de sphère publique
apparaît, notamment, en Angleterre au l$ème
siècle. Elle est intimement liée à la notion d'influence,
de maîtrise, de pouvoir. Nous l'appréhenderons aussi sous la forme
d'une scène, lieu de réalisation de chacun des acteurs
économiques et sociaux. C'est en ce sens qu'elle prend une dimension
managériale. L'espace est un acteur créateur de valeur et notre
travail sera de mesurer la pertinence de cette analyse pour l'EPLE : est-ce une
gouvernance qui peut mettre en mouvement un espace et des principes de pilotage
originaux ? Comment ?
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Un espace décisionnel
unique fruit d'un environnement marqué par la
dualité public privé
Un Réseau
de réseaux. Un creuset.
Fort de ces premiers outils méthodologiques, nous
allons aborder un premier temps d'analyse qui vise à qualifier la nature
de la gouvernance des EPLE : quels fondements, quels principes, quelle
réalité ?
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
I -- les fondements de la gouvernance de l'EPLE :
quelle(s) réalité(s)pour quel modèle ?
Une première étape consistera à
définir les termes de notre analyse d'après les axes de lecture
avancés ci-dessus. La notion, le concept de gouvernance s'incarnent
parfaitement dans la formule le management du management (Bonnafous-Boucher
& Pesqueux, 2006). Cette formule caractérise cette approche des
organisations qui peut aussi se définir comme «l'ensemble des
mécanismes contraignant la latitude managériale »
(Charreaux, 2007).
Ce dernier outil définit la gouvernance sous l'angle
de la contrainte, des processus de régulation qui organisent une forme
de transparence et de contrôle au coeur de l'organisation. Nous retenons
les vocables : contrainte, liberté, contrôle, pouvoir(s).
L'axe de lecture de Pesqueux (2007) nous permet de comprendre
qu'il s'agit d'un processus de régulation (interne et externe) qui vise
à caractériser des flux (de pouvoir, de communication) et nous
apporte un élément essentiel : la gouvernance est à
l'échelle d'un système, elle organise ses interactions internes
et externes. L'Etablissements Public Local d'Enseignement, se définit
comme un système complexe (Bouvier, 2007) ; il est donc susceptible
d'être confronté à cette approche développée
par Pesqueux.
Le concept de contrôle, à lui seul, ne serait
pas pertinent : l'Etat (à la fois dans la personne du Chef
d'établissement, dans la structure pédagogique -- programmes --
et dans l'organisation d'une forme de contrôle) est omniprésent :
il donne la ligne, suit sa mise en oeuvre et expertise
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l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
sa réalisation (comme le précisent les Rapports
annuels des Inspections Générales).
C'est bien l'axe de gestion du système,
d'équilibre des forces et des pouvoirs, de régulation des flux et
des acteurs qui nous intéresse au premier plan. Il nous faut le
confronter ces apports aux modes de pilotage de l'EPLE.
1. Gouvernance et système : de l'autarcie aux
partenariats
Nous approcherons cette problématique d'après
les travaux de Pesqueux (2007) sur la dualité public-privé dans
le cadre de la réforme des institutions et politiques
publiques5. Nous croiserons ce regard avec l'approche d'Alain
Bouvier (2007) sur la gouvernance du système éducati#.
Le choix des termes n'est pas neutre. Revenons un instant
à cette notion d'institution, clef essentielle pour cerner la
gouvernance de l'EPLE. Elle pose l'objet établissement secondaire comme
faisant parti d'un tout, mais unique dans sa réalisation propre. Il
fonctionne en boucle, se justifie, se met en mouvement, s'évalue. On
pourrait reprendre, à ce stade de la réflexion, l'analyse de Jean
Louis Lemoigne (2007) sur l'état des lieux de l'approche des
systèmes complexes. Ce dernier pose l'interdisciplinarité comme
actant essentiel de l'approche des systèmes complexes, qui met en action
une ingénierie intelligente de l'interdisciplinarité.
S'il on corrèle cette « ingénierie »
au système EPLE, on voit dans sa structure un bloc de compétence
ou chaque élément est organisé en fonction d'un seul acte
: instruire. Tout acte (et donc son ingénierie
5 On notera l'impact des la Réforme
Générale des Politiques Publiques précédée
d'un certain nombre d'audits de ces mêmes politiques. Ce dernier se situe
au delà de la conduite des affaires publiques pour déchiffrer la
place des institutions publiques sur la scène nationale.
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l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
décisionnelle) produit par l'entité EPLE, qu'il
soit économique, juridique ou managérial est l'aboutissement
d'une seule chaîne de décision, quel que soit le territoire. Cette
mise en oeuvre semble monolithique dans sa structure.
L'EPLE est une institution en lui-même car sa parole
est unique sur la scène publique. Cela nous conduit à parler d'un
organisme isolé, d'une forme de gouvernance en autarcie.
Cette approche serait pertinente si elle n'oubliait
l'environnement dans lequel évolue désormais
l'établissement secondaire, et les attentes dont il est l'objet.
2. Gouvernance et pilotage : de l'unique au
réseau
Nous retrouvons alors Yvon Pesqueux dans son analyse de
l'influence du New Public Management et de l'école pensée «
libérale » qui le gouverne. L'EPLE, comme toute organisation
publique, est prestataire de services. Le but est la recherche d'une
performance accrue, d'une mobilisation optimale des moyens et des acteurs. On
va donc privilégier « le client à l'usager et l'usager sur
le citoyen » (Pesqueux, 2007). On en viendrait donc à «
désinstitutionnaliser » l'institution, à modifier sa
dimension et sa nature organisationnelle première. L'objet public EPLE
traverse cette phase, avec ses caractéristiques propres.
La charte de Pilotage des Établissements Public Locaux
d'Enseignement (février 2007), réorganise leur fonctionnement
afin qu'ils appréhendent mieux la réalité de leur terrain
d'exercice (création d'unités viables du point de vue
fonctionnel). L'EPLE fournit un service partenarial sur la scène
éducative publique. Ce service est subordonné à une
maîtrise de ses propres indicateurs de performance, à la mesure
de
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l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
son efficience via le « contrat » qui le lie
à l'échelon académique. Bien entendu les marqueurs sont
éducatifs (taux de redoublement, réorientations, suivi de
cohorte, sorties du système sans qualifications..) mais ils introduisent
bien une dimension autre au sein de ces organismes : le territoire, les
territoires sur lesquels il opère et qui participent de son
évaluation. Les réseaux et acteurs qui l'interpellent,
l'évaluent (de façon non institutionnelle), le positionnent sur
cette nouvelle scène locale.
Elle demeure publique mais publique au sens du territoire, des
acteurs, du service, du service rendu'
Nous sommes donc en présence d'un modèle autre,
d'une institution au territoire d'exercice plus complexe. Ce n'est pas la
notion de réseau(x) qui est ici nouvelle, c'est la commande politique et
sociale qu'ils instituent. Cette dernière engendre un modèle
managérial différent ou plutôt conforme à l'analyse
que l'on se fait de l'organisation publique locale6 aujourd'hui.
Nous proposerons alors le modèle d'une gouvernance
partenariale (Charreaux, 2007) qui, dans un nouveau contexte
d'interactions institutionnelles7 , définit l'EPLE
comme un espace en construction dont le changement n'est plus un
attribut mais devient une fin en soit. La notion de
performance8 devient de fait un attribut essentiel de la
gouvernance des EPLE.
6 On entendra par échelon Local, le socle
juridique et territorial sur lequel repose l'EPLE.
7 La collectivité territoriale de rattachement
est un exemple parmi d'autres.
8 On entendra par performance le résultat
ultime de l'ensemble des efforts d'une entreprise ou d'une organisation. Ces
efforts consistent à faire les bonnes choses, de la bonne façon,
rapidement, au bon moment, au moindre coût, pour produire les bons
résultats répondant aux besoins et aux attentes des clients, leur
donner satisfaction et atteindre les objectifs fixés par l'organisation.
Nous voyons alors apparaître les objectifs, et le contrôle des
moyens, deux axes porteurs pour notre lecture du concept.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Il nous faut alors expliciter ces analyses en prenant
l'exemple du fonctionnement des établissements secondaires et de leurs
différentes instances. Trois d'entre elles nous semblent
emblématiques de leur fonctionnement : le Chef d'établissement
ordonnateur; les instances éducatives et pédagogiques de l'EPLE ;
les relations avec les acteurs sociaux et les acteurs territoriaux.
Dans le cadre d'un EPLE, on peut trouver empiriquement quelques
éléments de « bonne gouvernance »9 :
· Le conseil d'administration ;
· Les comités spécialisés ;
· La transparence relative des informations.
Dans le modèle organisationnel actuel de l'EPLE, qui
avant la phase de décentralisation était contrôlé
par une tutelle unique, il nous faut faire un parallèle avec un hybride
des modèles shareholder (« porteur de part », fort
contrôle par l'État et mise en place d'un contrôle des
activités par la collectivité de rattachement) et stakeholder (
« parties prenantes », volonté de prise en compte de toutes
les parties , volonté de mettre en oeuvre une démarche
participative, coopérative et volonté de favoriser la confiance
).
9 Cette mention revient dans les Rapports des
Inspections Générales. Elle ne définit pas la nature de la
gouvernance mais indique l'orientation qu'elle peut ou pourrait revêtir.
Le problème demeurant la qualification exacte que l'on entend par le
vocable « bonne »: adéquate ? Dans quel cadre ? Pour quel
contrôle ? Il s'agira pour nous d'une forme de gouvernance adaptée
au contexte public que nous étudions ; avec les limites
inhérentes à cette première définition.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
On peut noter des obstacles à la mise en place d'
« une bonne gouvernance » :
· La difficulté pour définir les parties
prenantes est forte dans le domaine éducatif et d'autant plus
problématique que la constitution des parties prenantes est
évolutive.
· La transparence « relative10 »
(la culture de la rétention de l'information, les codes, les
procédures complexes, la terminologie) induisent une asymétrie
d'information profitable aux membres de l'EPLE.
La mise en place des contrats d'objectifs dans le cadre de la
réforme de l'état, vecteur possible d'un changement avec
notamment la « culture du résultat », l'utilisation des
indicateurs de performances et d'objectifs globaux, doivent pouvoir assouplir
les blocages et favoriser la « bonne gouvernance »11,
même si l'on note des difficultés dans la mise en place de la LOLF
dans le système éducatif.
Cependant, on passe d'une culture de moyens par chapitre(s)
à une culture de moyens par programme(s), limitant encore davantage la
fluidité et l'autonomie réelle, en imposant de nouvelles
contraintes, comme l'indique le Cercle de la Réforme de l'État
dans son mémento : la réforme dont l'État a besoin. De
plus, le rapport des Inspections Générales, « mise en oeuvre
de la LOLF » de juin 2006, fait apparaître cette situation
10 Notons ici qu'il ne s'agit pas d'une
volonté de rétention de d'information mais d'une probable
inadéquation du système d'information aux complexités des
demandes actuelles de ces mêmes parties prenantes.
11 Rapport sur le pilotage du système
éducatif dans les académies à l'épreuve de la LOLF
- Mars 2007-IGEN-IGAEN-IGF (site du MEN, publications, rapports)
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
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(« réussite technique.... de la mise en place des
BOP/ BOP et pilotage.... des enjeux mal perçus »).
Le pilotage des EPLE est lui une réalité, sans
doute limitée au regard des pays voisins, mais il dispose d'un cadre
règlementaire (Lois de décentralisation, Lois d'orientation et
sur l'avenir de l'école).
Simple exécutant avant les lois de
décentralisation et d'orientation de 1989 puis de 2005, le dirigeant de
l'EPLE est culturellement dans un cadre où il doit rendre des comptes.
Le changement intervenant sur la nature des comptes à
rendre.
Dans une première phase de centralisme bureaucratique,
la tutelle unique de l'Etat imposait les missions, les objectifs. L'absence
d'autonomie dans la mise en oeuvre rendait donc problématique la notion
de gouvernance, bien que l'un puisse repérer des plages d'incertitude
entre les règles. Ces plages étaient alors une opportunité
d'autonomie pour les structures locales.
Les lois de décentralisation, la loi d'orientation de
1989 puis la loi sur l'avenir de l'école de 2005, la loi sur la
cohésion sociale ou la Loi du 11 février 2005 relative aux
personnes handicapées, ont créé un nouvel «
actionnaire », la Collectivité de rattachement, et
développé la prise en compte des parties prenantes (usager,
environnement économique et local, communautés urbaines).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
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Le pilotage, relativement autonome, a induit la mise en place
de son contrôle par toutes les parties. La notion de gouvernance, ou,
plutôt, de « bonne gouvernance », semble ainsi émerger
de l'autonomie, certes toujours limitée, de l'EPLE.
On revient donc sur cet hybride du modèle shareholder
(«porteur de part», contrôle par l'Etat et Collectivité
de rattachement -- Conseil Général ou Régional) et du
modèle stakeholder. On se demandera alors si le contrôle toujours
« marqué » de l'Etat, dans le cas de L'EPLE, permet
d'envisager une convergence vers un modèle stakeholder, avec
ces deux types de parties prenantes :
· En arrière-plan, les parties prenantes
contractuelles qui concernent les acteurs en relation directe et
déterminée contractuellement avec l'entreprise (par exemple, les
clients, les fournisseurs, les salariés, les actionnaires).
· A la périphérie, les parties prenantes
« diffuses » qui sont les acteurs situés autour de
l'entreprise envers lesquels l'action de cette dernière se trouve
impactée mais sans pour autant se trouver en lien contractuel
véritable (par exemple, les collectivités locales, les organismes
publics, les ONG).
C'est un changement culturel, où l'on évolue
d'une situation où seul l'intérêt de l'État
(état de fait) compte, à une scène publique
partenariale dans laquelle il est impératif de valoriser
l'intérêt global des parties prenantes (avec des enjeux parfois
contradictoires)12.
12 Le Management dans les organisations publiques,
Batoli Annie, Dunod, 2004.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
En observant l'Etablissement Public Local d'Enseignement,
certains obstacles à la mise en place de cette « bonne gouvernance
» apparaissent. Peuvent-ils devenir des points d'appui?
· Le rôle dual du Chef d'Etablissement au conseil
d'Administration (représentant l'État, Président - exemple
d'hybridation des deux modèles) avec pour l'instant un contrôle
certain par la voie hiérarchique, associé à une
volonté affichée d'inclure les parties prenantes dans la
définition des objectifs, voire même de laisser la porte ouverte
à une présidence extérieure.
· La multiplicité des comités
spécialisés dans l'EPLE induit de facto une capacité de
réflexion et de proposition réelle mais parfois peu audible (par
la faible représentativité des membres et par la « toute
puissance » de l'injonction hiérarchique).
· La difficulté à définir les
parties prenantes dans le domaine éducatif (de plus la constitution
des parties prenantes est évolutive).
· La transparence relative (la culture de la «
rétention » de l'information, les codes, les procédures
« complexes », les diverses formes de terminologie) induit une
asymétrie de l'information profitable aux membres de l'EPLE, alors
que la transparence « encourage la bonne gouvernance
»13.
· La difficulté pour les services centraux de
laisser une réelle autonomie aux Rectorats, et aux EPLE ; le formalisme
contractuel, l'incitation (ou l'injonction) à définir la
politique de l'EPLE avec les parties prenantes, tout en respectant les
objectifs nationaux.
13 Vers un nouveau mode de gestion de l'Education
Nationale inspiré des enseignements des théories de l'agence et
des parties prenantes. Pupion, Leroux, Latouille, Paumier (2006).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
La question étant se savoir si la mise en place des
Contrats d'objectifs, dans le cadre de la réforme de l'état, avec
notamment une évaluation pluriannuelle, sera un vecteur possible d'un
changement avec de nouveaux outils (« culture du résultat »
?). L'utilisation des indicateurs de performances et d'objectifs globaux
pourra-t-elle amoindrir les blocages et favoriser la « bonne gouvernance
»14 en s'appuyant sur des démarches
d'expérimentation ? On note déjà quelques
difficultés et des résistances dans la mise en place de la LOLF
dans le système éducatif15. La notion de « bonnes
pratiques » se substitue souvent à celle de gouvernance pour
l'EPLE. Pourquoi ce changement de terme ? Cela viendrait confirmer l'analyse
selon laquelle le terme même est problématique car porteur d'une
lecture politique et managériale encore excentrée par
rapport à la notion de Service public.
Enfin, la place des attentes (institutionnelles ?) concernant
la « performance » dans la gestion quotidienne des EPLE, est une des
caractéristiques de sa gouvernance.
Sans remonter à la mise en place de la RCB
(Rationalisation des Choix budgétaires), la performance, l'efficience et
l'efficacité de la fonction publique sont une préoccupation
permanente depuis la deuxième partie du XXème
siècle.
14 Voir à ce sujet la place «
institutionnelle » du travail des Commission à l'Assemblée
Nationale dans l'article de Daniel HOCHEDEZ : La mission d'évaluation et
de contrôle (MEC) - Une volonté de retour aux sources du Parlement
: la défense du citoyen -- contribuable, n° 68 de la
Revue Française de Finances Publiques -- Décembre 1999.
15 Voir à ce sujet Réforme des
finances publiques, démocratie et bonne gouvernance, Actes de
l'Université de Finances publiques du Groupe Européen de
Recherche en Finances Publiques, Michel Bouvier (Dir). Novembre 2004,
L.G.D.J.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Pour les favoriser, trois étapes
(déconcentration, décentralisation, contractualisation) se sont
succédées et sont en phase d'évaluation (Debene,
200616). La LOLF, qui en est la structure la plus aboutie, tout en
refondant l'essentiel des modes d'évaluation des politiques publiques,
positionne aujourd'hui l'EPLE comme un acteur central de la mise en place de
cette réforme.
Cependant, le cadre de cette « performance » n'est
pas le encore résultat d'un dialogue assumé entre les parties
prenantes (« contractuelles ou diffuses »), mais bien, la
définition par l'État (par un processus vertical), d'indicateurs
(indicateurs académiques et indicateurs nationaux...). On peut
néanmoins parler de nouvelles « bases » pour un pilotage
multi référencé et multidimensionnel au sein de la
sphère publique (voir le dialogue de gestion avec les services
académiques).
La nature même de la responsabilité de l'acteur
(qui doit être un élément fondateur dans le dialogue de
gestion), sur le terrain, n'est pas précisée.
Si on s'attache plus précisément aux 629
objectifs, aux 1284 indicateurs (Rapport sur Le pilotage du système
éducatif dans les académies à l'épreuve de la
LOLF), on peut s'interroger sur :
· la pertinence des objectifs (attentes sociales
plutôt que priorité assignée aux responsables).
16 Debène, Marc, Économie et management
: la lolf et l'éducation nationale, juin 2006.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
· la pertinence des indicateurs (sont-ils
vérifiables ? solides ? pertinent17 ?)
· la réalité et la nature profonde de cette
« culture » d'évaluation.
Pour sortir de l'approche « réponse à la
demande sociétale », le rapport nous propose plusieurs axes et
quelques pistes :
· Evaluer : taux de remplacement,
· Contrôler : taux de rendement des remplacements,
part du potentiel enseignant consacré à la classe, effectif des
classes,
· Positionner : stabilité des enseignants en ZEP,
· Diriger : définir un nombre limité
d'objectifs,
· Piloter18 : construire un tableau de
bord unique et transparent du contrôle de gestion.
Cependant, l'absence d'outils de pilotage
avérés, l'inadaptation du système d'information des EPLE,
la confusion dans les concepts utilisés et la mise à
l'écart du dialogue de gestion rendent difficile la mise en place de la
mesure de la performance attendue par les parties prenantes.
17 La question n'est pas seulement une question de
forme. Il faut s'interroger sur la nature des indicateurs tels que
définis dans les différents Contrats d'objectifs. Le
problème posé est bien la référence, le
référent (organisationnel, culturel, institutionnel ?). Comment
une structure qui commence à se construire comme organisation à
part entière sur la scène économique et sociale peut-elle
trouver un référent viable pour accroître sa propre
efficience et apprendre de ses changements ?
18 Chacun de ses items reprend les fonctions des
Personnels de Direction (texte cadre de 2001). La lecture induite de la
gouvernance serait la suivante : la gouvernance de l'EPLE est (indirectement ou
directement) celle de son premier Représentant, Le Chef d'Etablissement.
La question de la représentation, abordée en deuxième
partie de ce Mémoire, est bien un aspect central de ce mode de
gouvernance.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
C'est bien le concept de pilotage qui retient notre attention
à l'issue cette première analyse contrastée de la
gouvernance de l'EPLE : pilotage par objectifs, pilotage «partagé
» et pilotage partenarial. Ce dernier aspect nous semble être une
des « entrées » possible dans la « sphère publique
», tant sur le plan conceptuel que sur le plan managérial. Ce sont
moins les modalités de la gouvernance publique que sa nature même
qui apparaissent et qui nous permettront de questionner la place et le
rôle des acteurs dans sa mise en oeuvre ainsi que les (en)jeux
de pouvoir(s) mis en oeuvre dans cette nouvelle scène publique.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
II -- Les acteurs de la gouvernance de l'EPLE : quelle
architecture fonctionnelle pour un réseau public en mutation ?
Notre analyse de la gouvernance nous conduit à
positionner et interroger la place des acteurs de l'EPLE en termes de relations
de pouvoirs et mais aussi de centres de décisions. Ce sont les
deux pôles qui apparaissent à l'analyse de la
littérature.
Pour ce faire, trois apports conceptuels
complémentaires vont guider notre questionnement ; ils constitueront
notre base méthodologique et conceptuelle, associée à une
analyse de la place des parties prenantes.
Les travaux de Crozier (1977) sur la place et le rôle
des acteurs dans l'organisation nous serviront de fil directeur pour
positionner l'EPLE dans son environnement : la notion de marge de
liberté associée à celle de pouvoir sera constitutive de
cette analyse.
Erhard Friedberg (1993) a questionné le concept de
pouvoir au sein des organisations. Sa lecture du pouvoir comme moteur
d'énergie, de mise en mouvement constituera une grille d'analyse pour
l'objet EPLE mais, plus particulièrement, pour les différentes
parties prenantes.
Nous l'associerons à l'apport de Jean-Daniel Reynaud
(2003) concernant cette même problématique du pouvoir au sein de
l'organisation à travers le prisme de la régulation.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Enfin, les travaux de Pupion, Leroux et Latouille (2006) sur
le rôle et la place des parties prenantes dans l'éducation
nationale formeront un repère (au niveau du territoire
académique) pour étudier l'espace d'influence de chacune
d'entre-elle. Cette analyse nous conduira à recentrer notre analyser de
la gouvernance à la lumière du jeu de ces différents
acteurs.
1. Un jeu de miroirs : acteurs institutionnels et
acteurs fonctionnels, quel(s)partenariat(s) ?
Éclairant le rôle et la place des acteurs dans
l'organisation et les jeux de pouvoir qui en résultent, Crozier et
Friedberg introduisent un paradigme particulièrement intéressant
pour notre analyse de l'EPLE et de ses acteurs. Tout acteur, dans un
système de pouvoir, donc de contrainte et d'incertitude(s), garde une
part de liberté dont il peut se servir. Ce pouvoir est créateur
de mouvement et donc d'énergie. C'est cette notion de liberté au
sens où les auteurs l'entendent et, plus précisément, de
« marge de liberté » qui nous permet de structurer notre
analyse de l'EPLE.
L'EPLE est, de part les textes qui le régissent, une
structure autonome (sur le plan financier et moral). Il est souvent
décrit comme paralysé sur la scène territoriale (locale)
car ne possédant pas les moyens propres d'agir (recrutement des
personnels - mis à part les contrats spécifiques dans le domaine
administratif et vie scolaire -- rémunération --
définition de ses propres axes pédagogiques).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Hors cette vision s'est complètement modifiée,
du moins dans sa dynamique, depuis les phases de contractualisation (2005 -
2007) et la mise en place des dialogues de gestion, en particulier au niveau
des moyens horaires.
La définition d'un projet d'établissement
propre, au delà de la vitrine pédagogique et éducative, la
mise en place de crédits globalisés pour une certains nombre
d'actions éducatives et pédagogiques, la constitution d'un
Conseil Pédagogique au près du Chef d'établissement ...
tout cela fait apparaître dans l'environnement de l'EPLE des acteurs,
indépendants, comme lui. Ces derniers ont des motivations à court
ou long terme bien définies, elles mêmes en réseau avec
d'autres instances de la vie associative, politique ou institutionnelle.
C'est la notion de mouvement et de
dynamique qui se révèle être pertinente pour analyser
les jeux entre ces différentes instances. Ainsi que la notion de
niveau/seuil de décision et son impact sur le réseau.
Nous quittons un jeu ou chaque sphère
décisionnelle est représentée par un acteur
spécifique :
· Le Rectorat comme relais d'un pôle
décisionnel national ;
· L'académie (département, au sens de
district) comme un relais de ses actions avec une approche plus centrée
sur les établissements ;
· L'EPLE comme une structure d'application autour du Chef
d'Etablissement
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Nous retrouvons un mode complexe ou chaque sphère de
décision est à la fois unique et partenariale, isolée et
solidaire, adjuvant et opposant19. La réalité des
pôles d'innovation technologique semble être une image pertinente
pour définir cette architecture nouvelle :
· Le Rectorat comme un pôle de régulation et
de contrôle ;
· L'académie comme un pôle de diffusion
(rôle du système d'information primordial) ;
· Unité du lieu EPLE mais creuset de relations
croisées entre les différentes parties prenantes, espace de
conflit, de contraintes et donc de pouvoir et d'action (au sens de
créateur d'une dynamique d'organisation) ;
Institutionnel et fonctionnel ?
Il nous faut dégager une typologie des acteurs de
l'EPLE (qui dépasse l'opposition interne/externe) afin de clarifier leur
rôle managérial.
Nous allons nous appuyer sur les travaux de Pupion, Leroux et
Latouille (2006, 2007) qui développent une analyse sur la place des
parties prenantes dans l'éducation nationale mais aussi sur leurs
travaux en matière de conseil au sein des EPLE (en matière de
pilotage).
Ils mettent l'accent sur l'aspect participatif, en
réseau, de la construction du Projet d'établissement et
précisent que certaines parties prenantes ont un rôle de
consultant, de conseil technique (comme
19 Nous reprendrons l'analyse du discours/narration.
Dans le récit l'adjuvant (aspect positif) contribue à alimenter
l'axe principal, l'opposant, en contrariant le chemin initial permet la
progression globale de la narration.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
l'autorité académique) mais aussi de rôle
symbolique. La notion de
« pair » est cruciale pour interpréter le
rôle des acteurs dans l'environnement EPLE. C'est cette dernière
que nous souhaitons mobiliser afin de développer dans notre analyse :
Les parties prenantes ayant un rôle symbolique (à
l'image des
« pairs ») qui s'incarne essentiellement dans la
structure hiérarchique : l'académiem (rôle
central du Directeur des Services Départementaux et de ses services
techniques). On notera qu'il n'y a pas de rôle symbolique s'il n'est
doublé d'un rôle de conseil, d'appui technique. Le « terrain
», l'image prégnante du « quotidien », reste
première dans la gestion de l'EPLE. L'appui doit être double :
conseil et appui hiérarchique.
Les parties prenantes qui se situent hors de ce premier «
cercle » relationnel sont des adjuvants ayant un double statut :
· Référent territorial et ou
politique : la collectivité de rattachement (ou plutôt chacune de
ses direction, fonctionnant comme un acteur autonome) ;
· Référent social et ou politique :
les parents, les associations, les groupes constitués quels qu'ils
soient, à condition qu'ils aient une existence fonctionnelle dans
l'environnement de l'EPLE.
20 Toujours au sens de district départemental
(espace de pilotage du Directeur des Services Départementaux).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Il nous faut affiner cette distinction qui tient
essentiellement à la place des parties prenantes au sein de
l'environnement mais n'est pas corrélée aux attentes des EPLE :
nouer des relations pour quelle valeur ajoutée ?
Une série d'acteurs semble se positionner à un
niveau que nous qualifierons d'institutionnel Nous reprenons ce terme tel que
définit dans notre première partie. Ces structures sont uniques
dans le type de relation qu'elles entretiennent avec l'EPLE : soutien, conseil,
apport de financement, de réseaux, apport juridique, technique, apport
de savoir- faire. On est dans le cas de la Collectivité de rattachement
qui nous semble être l'exemple le plus parlant de cette « forme
» d'institution.
Un deuxième groupe d'acteurs se positionnent sur un axe
fonctionnel. Groupe se constituant en réseaux (d'influence), ils
positionnent l'EPLE comme un espace de réalisation de leurs
priorités, de leurs attentes : les associations de parents
d'élève placées dans une situation de demandeur, (cas de
l'aménagement des modalités de la carte scolaire par exemple) son
emblématiques de ce type d'acteur.
Quelles conclusions peut-on en tirer sur le plan
managérial ?
Bouvier (2006) analyse l'EPLE comme un système
complexe dès le moment où il passe « de la gestion au
management ». C'est à ce moment là que chacune de ces
parties prenantes participe à cette création de valeur
éducative qui caractérise cette organisation. Le groupe devient
acteur au contact des membres du réseau.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Cependant il nous semble qu'une hiérarchie
autre, s'est constituée (ce qui marquerait de nouveau une
spécificité du territoire d'action des établissements
secondaire). Les acteurs de l'EPLE et son premier manager en particulier, le
Chef d'établissement, se positionnent en fonction de leur place
symbolique sur l'échiquier territorial : fonctionnel ou
institutionnel.
Il nous faut alors revisiter ce positionnement en fonction du
pouvoir que chacune d'entre elle met en oeuvre. Cela nous conduira à
caractériser le nouvel espace de décision ainsi construit : a
t-il un centre ? Quel est son mode de fonctionnement ?
2. Un jeu de pouvoir(s) : vers un éclatement des
centres de décisions ?
Denis Meuret (2007) dans son approche comparée de la
gouvernance des systèmes éducatifs français et
américain démontre que notre système scolaire, s'il
s'oriente vers une plus grande liberté accordée aux familles,
n'accompagne pas cette évolution sensible d'une modification du pilotage
des EPLE en termes d'autonomie de décision et de projet. C'est la notion
« d'accountability » qui est de nouveau en question. Quelle
responsabilité pour les EPLE dans un système social qui
revendique le choix comme un axe de construction de l'identité
collective ?
Cette analyse nous renvoie à la notion de centres de
décision. Peut-on s'interroger sur cette notion alors que l'EPLE est une
émanation
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
de l'État, premier décideur, dont il tire sa
légitimité et son cadre d'exercice ? Qu'est ce qu'un centre de
décision dans l'environnement de l'EPLE étant donné que
son caractère institutionnel le rattache, sans discontinuité,
à sa tutelle première ?
Il nous faut à ce stade travailler la notion de
réseaux, à la lumière de rôle renforcé des
parties prenantes, dans un schéma territorial des plus complexes. Robert
Reix (2004) explicite la notion de « réseaux d'organisation »
comme une conséquence d'un besoin des « partenaires entretenant des
relations régulières de type transactionnel ou coopératif
».
Cette analyse nous semble bien caractériser la
fonction de chacun des acteurs de l'EPLE. Si réseaux il y a, c'est bien
une demande d'organisation autre (de l'espace et des fonctions) afin de pouvoir
fonctionner en partenariat, au quotidien.
La prolifération des centres de décision
devient problématique dans le cadre de la réalisation des
objectifs assignés aux établissements21 :
· Ils doivent communiquer, ce qui implique l'avis de
l'autorité de tutelle académique avec la prise en compte de
chacun des acteurs, qui veulent être informé de façon
identique et pérenne ;
· Ils doivent anticiper sur leur devenir en termes de
structures, ce qui implique la double tutelle de la collectivité de
rattachement et de l'état ;
· Ils sont évalués selon des critères
de « performance » dans leur Bassin, au sein de leur réseau
même (une forme de benchmarking
21 Nous reprendrons le référentiel des
Personnel des Direction (2001 ; 2005) et la Charte de Pilotage des EPLE (2007)
afin d'en extraire les missions essentielles.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
permet de les situer sur le plan du Bassin de Formation, du
Département, de L'Académie). La constitution de réseaux
avec les partenaires devient alors primordiale.
Comment caractériser alors ce nouveau centre de
décision ?
Il est multiple, n'occupe aucun espace en particulier mais
les investit tous, il prescrit, évalue et contrôle, disposant des
corps (techniques, inspections) qui mettent en mouvement ses décisions.
Il est un lieu de pouvoir parce qu'il est un lieu de contrôle des
incertitudes (Friedberg,).
L'environnement des l'EPLE est diffus et son centre
d'équilibre précaire car évolutif. On peut dire que l'EPLE
est son propre centre car il est le seul à regrouper à certains
moments des besoins spécifiques l'ensemble des acteurs. Il est le
réceptacle des décisions éducatives (nationale,
académique, territoriales) car il est le seul lieu où ces
dernières peuvent êtres vues, appréciées,
évaluées par l'ensemble des parties prenantes.
Il nous faut revenir sur la nature du pilotage de l'EPLE afin
de mieux le cerner comme centre de décision, voire même le
Centre22 des centres de décision
zz Cette notion de pluralité (centre(s))
est essentielle car elle définit bien le flou sémantique et
managérial de cette réalité. L'EPLE est une sorte de
territoire central complexe, un centre organisant la vie d'une
multiplicité d'autres pôles/centres de décision et d'action
qui occupent ce territoire essentiel au développement de leurs
activités. On retrouve ici la thématique des pôles de
compétitivité.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Bouvier (2003) rappelle le caractère partagé de
son pilotage. Pupion, Leroux et Latouille (2007) définisse les
modalités de fonctionnement de l'EPLE comme « participatif »
tout en soulignant le rôle des différents réseaux,
notamment en ce qui concerne la mise en place des Projets
d'établissement. Les Rapports des Inspection Générales
(2006, 2007) mettent en valeurs cette pluralité
d'influences.
C'est ce pilotage, partagé par nature, qui vient
renforcer cette réalité que nous qualifierons de creuset
décisionnel. L'EPLE assure six fonctions essentielles comme
centre de décision :
· Ilcollecte, trie, et rapporte tout type
d'informations23 venant des différents partenaires et lui
donnant sa valeur éducative (on pense par exemple à certaines
revendications des familles, des élèves qui ne peuvent avoir une
visibilité éducative que dans l'établissement même)
;
· Ilhiérarchise les décisions permettant
de mettre en exergue certaines priorités nationales (La Loi sur le
handicap de 2005 en est l'exemple parfait : c'est bien dans les murs de
l'établissement même que ce texte prend sa valeur éducative
et symbolique).
· L'EPLE recentre le champ collectif, médiatique et
social, sur certaines priorités;
· Ilpermet d'accroître la visibilité des
territoires. Tel ou tel EPLE représentera mieux un type de territoire ou
un autre (on pense ici aux problématique de l'éducation
prioritaire) ;
23 On soulève alors la question du
Système d'information de l'EPLE, qui, selon nous, définit son
modèle de fonctionnement. Ce système exemplifie le passage d'une
structure verticale à une conception partenariale de la gestion des
ressources et des compétences.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
· 6lcatalyse les actions des différentes parties
prenante en matérialisant un lieu d'exercice, et donc de
visibilité (on pense aux plans d'équipements gérés
par les Collectivités territoriales ou tout simplement à la
construction de nouveaux établissements selon des critères
environnementaux dont la visibilité est essentielle.
· Enfin, il est le lieu d'exercice de la
Responsabilité des différentes parties prenantes :
pédagogique et matérielle pour l'état et la
collectivité de rattachement ; individuelle et collective pour les
familles et association ; juridique pour tout les acteurs.
Définir le réseau EPLE c'est mettre en exergue
le caractère local24 des établissements ;
définir leur espace organisationnel comme un espace stratégique
pour l'ensemble des parties prenantes et, enfin, le positionner comme
le lieu « central » dans l'environnement économique et
politique qu'il construit.
Ces analyses nous permettent de qualifier les
caractéristiques de acteurs de l'EPLE au regard de cet environnement
complexe. Quatre caractéristiques principales se dégagent de
cette lecture :
· L'acteur est avant tout pro actif sur la scène
territoriale et l'EPLE lui sert de lieu de réalisation de ses objectifs
:
· L'acteur est parti prenante de l'ensemble de la
chaîne décisionnelle éducative. Les associations de parents
d'élève, par
4 En termes juridiques et managériaux.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
exemple, sont présentes depuis les procédures de
choix d'établissement jusqu'à l'évaluation des
résultats des EPLE ;
· L'acteur n'existe que par sa participation au
réseau de l'EPLE, lequel est variable dans sa taille et son espace
d'influence ;
· L'acteur est une composante essentielle du
territoire25 de l'EPLE. Il permet d'en définir les
contours par ses attentes et ses revendications.
Il nous faut alors proposer une première cartographie de
la place de ses parties prenantes au sein du réseau EPLE, Centre de
décision(s).
Les parties prenantes et L'EPLE
Une cartographie du centre de décision
Identité :
|
|
Fonction :
|
|
Place dans le réseau:
|
|
Interaction(s) avec les acteurs du réseau :
|
|
Familles & Représentation
Associations Parents Communication
Action
Visible Forte
Personnel non Action
enseignant Représentation
Communication
Personnel enseignant Représentation
Action Communication
Tutelle hiérarchique Représentation
Académique Action
Communication
Tutelle Hiérarchique Action Départementale
Communication
Représentation
Association Locales Action
Représentation
Collectivité de Action
rattachement Communication
Acteurs politiques Communication
Action
Neutre Neutre
Visible Forte
Visible Forte
Visible Forte
Neutre Forte
Visible Forte
Neutre Forte
5 Au sens géographique, symbolique mais
surtout en tant qu'espace de réalisation de l'organisation et/ou des
réseaux qu'elle intègre.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Nous distinguons huit familles d'acteurs dans l'environnement
de l'EPLE. Le choix hiérarchique dépend du pouvoir (influence,
création de contraintes) exercé au sein de ce territoire.
Nous avons retenus trois catégories pour nommer et
classer les acteurs :
· Communication : fonction de reliance (Morin,
2005) au sein du réseau ;
· Représentation : parler au nom de et/ou exercer
le pouvoir pour des acteurs de niveau inférieur ;
· Action : porter une parole audible sur la scène
publique ; recherche des liens, former des coalitions pour rendre une
demande visible au sein du réseau ;
Deux niveaux nous permettent de qualifier la présence
(visibilité, efficience) des acteurs sur le réseau :
· visible : forte, permanente, pérenne,
organisée ;
· Neutre : leur action permet de créer du lien, de
soutenir des actions mais n'influence pas la vie du réseau.
Enfin, nous qualifions la nature de l'interaction mise en
mouvement par ces acteurs de deux façons :
· Forte pour la pérennité de cette
dernière et la densité des réseaux mis en
mouvements et sollicités.
· Neutre pour une mise en réseau qui ne demande
pas une construction et/ou un investissement permanent dans l'environnement
EPLE.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Nous pouvons dresser un certain nombre de remarques sur le
fonctionnement de ses acteurs :
Le caractère paradoxal de certains acteurs est
particulièrement signifiant. Tous interagissent clairement avec les
autres acteurs du Réseau mais certains (associations) ne souhaitent une
visibilité trop forte. La collectivité de rattachement est
l'exemple même de l'acteur détenant une influence nette sur
l'ensemble des partenaires : centrée sur l'action, ses décisions
ont une visibilité forte et une écoute certaine.
Certaines parties prenantes sont en
recherche/élaboration de réseaux : les Agents Technique qui ont
« optés26 » pour la collectivité
territoriale et qui constituaient auparavant un groupe « muet », se
positionnent sur cette nouvelle scène locale en jouant de leur double
tutelle hiérarchique et fonctionnelle.
L'action est le premier motif d'appartenance au
réseau. C'est cette capacité à se « relier »,
selon Lemoigne (1993), à se re-créer, à se projeter ainsi
qu'à apprendre des autres acteurs qui caractérisent les
partenaires de l'EPLE. Chacun est donc une organisation complexe, dans son
environnement particulier, un réseau au sein du réseau EPLE.
26 Ce corps (Techniciens Ouvriers Service) avait le choix
entre une gestion territoriale (acte II de la décentralisation) et la
continuité (gestion par l'État). Cette situation introduit une
situation duale dans l'exercice de leur quotidien : Chef d'établissement
qui assure la tutelle fonctionnelle et tutelle hiérarchique de la
collectivité territoriale. Cette dualité explicite clairement le
couple fonctionnel/hiérarchique qui détermine le positionnement
des parties prenante et leur marge d'action.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Cette deuxième partie nous a conduit à analyser
les acteurs de l'EPLE et leur zone d'influence. Ces modalités affinent
notre approche de la gouvernance des établissements secondaires. Son
caractère pluriel (parfois flou) est présent à en chacune
de ses composantes. La nature même des différentes parties
prenantes, et leur besoin, fait de l'EPLE le réceptacle de leurs
doléances. C'est plus une gouvernance des
réseaux27 qu'une gouvernance en réseau qui se
dessine, une gouvernance fragmentée dans ses lieux de décisions
comme dans ses modalités de communication ; une gouvernance au
caractère diffus.
Gouverner l'EPLE est-ce comprendre, gérer, piloter
le réseau EPLE? Si cette situation s'avère pertinente,
alors, la question éthique est posée : dans quel cadre cette
gouvernance prend-t-elle forme ? Quel projet éthique et quel code
déontologique pour quelle gouvernance de l'EPLE ?
27 Faisant ici écho à la
définition de la gouvernance que nous avions retenue : management du
management (Pesqueux, 2007).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
III -- Vers de nouveaux enjeux éthiques de la
gouvernance de l'EPLE ?
Si l'EPLE est étudié dans ses structures
organisationnelles, si ses réseaux sont éclairés afin de
déceler les spécificités des organisations publiques
évoluant dans un schéma territorial, il semble plus complexe de
mettre en lumière ses fondements éthiques. La question de leur
mise en oeuvre spécifique dans l'exercice quotidien de sa mission de
Service semble aussi problématique.
1. Éthique, valeurs : quel conceptpour quelle
gouvernance ?
Ce troisième temps d'analyse à pour objectif de
questionner ces fondements éthiques, d'en faire surgir les principes
essentiels, de déterminer les outils concrets qui pourraient
émerger de sa mise en oeuvre au sein des établissements
secondaires.
Deux contraintes conditionnent cette analyse :
· Le cadre territorial et le réseau EPLE qui nous
avons tenté de décrire ; cette multiplicité de
territoires aux codes déjà établis ;
· La nature de cette gouvernance, gouvernance des
réseaux.
De plus, il nous faut définir un cadre conceptuel
pertinent pour déchiffrer et interpréter le fonctionnement de
l'EPLE dans sa démarche éthique. Ce cadre doit aussi nous
permettre d'unifier l'ensemble des acteurs de l'EPLE, de dégager une
problématique de management public. In fine, la question du
caractère transférable du modèle ainsi obtenu se posera :
cette grille de lecture fait-elle apparaître un modèle
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
public de management des organisations
déconcentrées dans le domaine éducatif public ? Lequel ?
Quel paradigme le met en mouvement ?
Définir les apports théoriques, construire la
cadre de réflexion et d'analyse
Trois penseurs contemporains proposent une lecture ouverte et
particulièrement prégnante en matière d'éthique.
Edgar Morin (2004), dans le sixième opus de sa
méthode, offre une lecture de du concept éthique, «
l'éthique de la reliance ». Il la définit comme « une
éthique altruiste qui demande de maintenir l'ouverture sur autrui, de
sauvegarder le sentiment d'identité commune, de raffermir et de tonifier
la compréhension d'autrui ».
Cette éthique nous semble proche de la sphère
organisationnelle car elle articule de façon originale autour de deux
concepts essentiels : l'ouverture et l'identité. Voilà deux
outils qui traverse notre analyse depuis le début, car c'est bien
l'identité d'une organisation qui préside à sa mise en
mouvement dans l'environnement qui est le sien, et réciproquement. Cette
notion d'ouverture, prise au sens premier du terme, rejoint les
problématiques d'espace et de sphère publique, que nous avons
évoqués dans notre lecture de la gouvernance de l'EPLE : quelle
est la réaction de l'objet organisationnel EPLE face à son
environnement ? Quel type de contact met-il en oeuvre du point de vue
stratégique afin de promouvoir sa spécificité publique ?
Le concept de reliance est au coeur de cette analyse.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Nous voulions, en écho aux travaux d'Edgar Morin sur
l'éthique de la reliance, nous appuyer sur la notion de rupture que
développe Daniel Cohen (2006) dans ses Trois leçons sur la
sociétépost industrielle.
Dans son analyse de ce qu'il appelle la «
révolution financière », il qualifie cette notion de rupture
qui est celle du capitalisme : « par tous ses bords, la capitalisme
contemporain engage un grand démembrement de la firme industrielle
». Il explicite alors ce travail d'autonomisation des acteurs et de «
rupture de contrats » ; contrats qui étaient
caractéristiques de l'organisation sociale précédente. Il
la définit comme une rupture paradigmatique car elle engendre un autre
mode pensée.
Cette double entrée conceptuelle
développée par Daniel Cohen, nous permet de situer l'organisme
EPLE comme un système autonome qui s'est développé en
dehors de cette rupture fondamentale du XXème siècle
européen. Il est cependant confronté à une entrée
brutale dans ces modes de gestion ; un nouveau paradigme. C'est de cette
confrontation entre son histoire, son essence institutionnelle et son nouvel
espace d'exercice, qui ne peut se situer hors des organisations qui
l'entourent, que naît sa nouvelle spécificité
organisationnelle.
Au fond, c'est la nature du contrat28 qui le lie
à ce monde qu'il investit qui pose question ; monde dans lequel, selon
Cohen, cette problématique du contrat est très affaiblie au
profit d'une conception
28 Nous nous référons aux travaux
d'I. Pastorelli pour ce concept et sa double lecture politique et
organisationnelle. In, Pastorelli, I., L'impact d'un outil de contrôle
sur l'organisation : le cas de l'atelier industriel de L'aéronautique.
Université de Nice Sophia-Antipolis, Thèse de Doctorat (2000).
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
individualiste de l'identité. C'est bien un conflit
éthique qui met en mouvement le réseau EPLE.
Enfin, Emmanuel Levinas (1984) dans son Ethique et infini
nous propose une piste qui pourrait enrichir notre mise en forme du cadre
éthique de l'EPLE.
Il questionne la notion de limite(s) dans la
problématique éthique, proposant une lecture éthique de
l'infini. L'exigence éthique est une exigence sans limite. La question
de la limite est essentielle dans le cadre de notre analyse. L'organisation
pose des limites, celle de sa stratégie, de son environnement
géographique, de son potentiel financier, de ses marges de manoeuvre.
L'EPLE, parce qu'il garde des caractéristiques institutionnelles
marquées évite de poser la question de la limite. La limite de
L'EPLE, comme organisation-institution29 c'est l'EPLE lui
même. Il est donc à même de définir un cadre
éthique original dans un contexte managérial ou tout doit
être pensé en termes de finalité et de limites.
Comment peut-il alors interagir avec son environnement
organisationnel?
Voilà les fondamentaux qui guider l'analyse que nous
allons proposer sur l'éthique de l'EPLE. Cette dernière
s'articulera en deux temps :
29 Nous introduisons ce vocable, hybride, comme un
outil de travail pour définir l'entité de l'EPLE, entre
institution publique et organisation.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
· Une tentative d'approche et de définition du
concept éthique comme fondement de la gouvernance de l'EPLE ;
· La mise en place d'un savoir actionnable sous la forme
d'un code déontologique qui expliciterait une des
caractéristiques propres de sa gouvernance. La question d'un possible
transfert des outils ainsi défini à un modèle de
management des structures publiques sera alors posée.
Valeur et valeurs
Il nous faut revenir sur ce concept de valeur. La question de
fond est de savoir si la mise en oeuvre d'une gouvernance spécifique
à l'EPLE peut (doit ?) générer de la valeur pour la
collectivité ? Le discours n'est plus iconoclaste à ceci
près que c'est la notion de performance qui se substitue à celle
de valeur (Rapport des Inspections Générales).
Là encore il nous faut qualifier la notion de valeur
au sein de l'EPLE, ce qui nous permettra de mieux appréhender les
valeurs qui en sont à l'origine.
Deux domaines spécifiques peuvent êtres
identifiés ; domaine où l'organisation EPLE est créateur
de valeur :
· Le domaine de la formationJ0, qu'elle soit
continue ou initiale Les connaissances produites permettront d'accroître
le potentiel de nombre d'organisations extérieures. Le
bénéfice est essentiellement exogène ;
30 Nous distinguerons la formation en tant que
structure de la formation en tant que vecteur de compétences.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
· Le domaine des compétences, celle de
l'ensemble de ses personnels. Sa politique de formation interne lui permet de
générer une valeur en termes organisationnels. Le
bénéfice est alors endogène.
On notera que ces deux pôles sont conditionnés
par un principe éthique : permettre à chacun d'accroître
son potentiel et ses compétences en dehors de toute visée
utilitariste. On constatera que tout ce qui concourt à la valorisation
des compétences au sein de l'EPLE n'est pas pensé en termes
d'apprentissage organisationnel31. L'individu n'accroît pas
son potentiel pour la structure. Nous rejoignons notre réflexion sur le
caractère unique de cette institution et de ses acteurs et
l'autonomisation des démarches.
La production de valeur au sein de l'EPLE est
découplée de son apport à la structure même. En fait
c'est le réseau et les partenaires qui en bénéficient.
On déduira de l'analyse du couple valeurs/valeur que
l'EPLE est tourné vers la satisfaction de son environnement. Ses
modalités d'apprentissage (et celles de ses acteurs) nourrissent
l'ensemble de son réseau et donc la communauté.
31Nous nous référons ici aux travaux
de Ferrary et Pesqueux, sur le Management de la connaissance. Ils y
développent notamment la spécificité du domaine «
public » en termes de connaissance et d'apprentissage.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Une question de principes ?
Quels principes éthiques met-il en mouvement ? En
croisant les sources professionnelles (Charte des EPLE et Protocole d'accord
sur les personnel de direction) et nos référents conceptuel, six
aires éthiques se dessinent et rejoignent nos trois axes de gouvernance
: l'unique --le réseau -- l'espace.
· Une éthique constitutive de l'organisation
même. L'organisation est sa propre éthique. Son existence est
d'essence éthique. La transmission en matière
éducative est détachée des contingences de son
environnement, tout en répondant à ses attentes.
· Une éthique participative au sens où
l'organisation accroît son cadre éthique en fonction de ses
membres. Le réseau vient en modifier les contours et la mise en oeuvre
même si le coeur reste intact.
· Un éthique Républicaine où l'EPLE
incarne la chose publique au sein d'une sphère spécifique. Une
éthique qui émane de l'ensemble de la communauté et rend
compte à cette même communauté.
· Une éthique du conflit parce qu'elle est
éthique de partage. L'EPLE est un noeud de conflit et sa gouvernance
repose sur ce principe de confrontation préalable à
l'unité. Sa démarche même vise à permettre le
conflit, dans une pluralité d'expression(s).
· Une éthique du creuset culturel, du lien
social. L'EPLE est cet « espace réceptacle » de l'ensemble des
codes éthique de la communauté, des communautés
éducatives ; code de la pluralité.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
· Une éthique de l'unité, de la
synthèse. La nature des valeurs transmises et donc de la valeur produite
(un savoir fondateurs ; des compétences actionnable et
transférables) tend à l'unité des communautés, des
parties prenantes, des acteurs (opposants et adjuvants).
Ces principes posent la question de leur mise en oeuvre
fonctionnelle au sein des EPLE et donc la problématique d'un
véritable code déontologique. Ce dernier pourrait donner une
lisibilité accrue aux principes diffus dans le Réseau EPLE.
2. Nécessité d'un code
déontologique au sein des EPLE : l'indispensable et le possible.
Un des préoccupations majeures dans la
rédaction de ce Mémoire de recherche est la mise en place d'un
questionnement spécifiquement managérial dans le cadre de la mise
en oeuvre de cette gouvernance spécifique. Quel outil, valorisant ce
caractère unique, cette institution organisation, cet espace, creuset de
valeurs et de réseaux, pourrait rendre lisible sa démarche
éthique ?
S'il n'apparaît pas clairement dans les sources
mentionnées, le Code déontologique dont nous nous proposons de
tracer les grandes lignes, se retrouve dans les différentes analyses
menées sur la place et le rôle des parties prenantes au sein de
son environnement opérationnel.
Nous allons le définir sous l'angle d'une série
d'assertions sur sa genèse, sa fonction, sa place symbolique et
fonctionnelle. Ces critères sont au nombre de six et se
conçoivent en boucle, comme dans une
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
chambre d'écho s32.
· Le code déontologique dépasse le cadre du
manager, il s'applique a chacun des membres du Réseau EPLE ;
· Le code déontologique est un outil de reliance,
c'est ce qui fonde sa valeur éthique.
· Le code déontologique transcrit des valeurs
spécifiquement Ressources Humaines -- c'est sa fonction première
;
· Le code déontologique est un mètre
étalon pour ce qui concerne les fonctions de Représentation de
l'État -- Il est un code éthique dans un ensemble plus vaste
qu'est l'espace Républicain ;
· Le code déontologique implique un « retour
» d'information, un contrôle extérieur à son
Réseau d'application -- contrôle permettant une mise à
distance de son fonctionnement.
· Le code déontologique n'est pas un contrat, il
est une donnée
préalable au fonctionnement du réseau EPLE. Il
est la transcription
fonctionnelle d'un corpus éthique propre à cette
institution
organisation qu'est l'EPLE.
C'est un axe possible de mise en oeuvre de schémas
éthiques spécifiques au Réseau EPLE. D'autres voies visant
à mieux corréler l'espace éthique de l'EPLE à son
fonctionnement quotidien pourraient être étudiées.
Présenter un code unique est-il en adéquation avec cet
environnement complexe, mouvant, où le concept de rupture est permanent
?
32 Nous reprendrons les termes essentiels du
Protocole - référentiel - régissant le métier de
personnel de direction (2002). Nous prêterons une attention
particulière aux fonctions RH.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
A ce stade de notre analyse la gouvernance de l'EPLE devient
un système original. Nous pourrions la définir comme une
méthodologie pragmatique de gestion de réseau(x),
mettant un mouvement un cadre éthique unique dans un espace
territorial, véritable noeud de conflits et creuset de
compétences. Le caractère politique du concept
apparaît comme primordial. La gouvernance de l'EPLE, parce qu'elle est
un levier d'arbitrage au sein du réseau, préserve
l'équilibre de l'environnement de l'EPLE.
Ce modèle est-il transférable, différent de
la gouvernance du Secteur Hospitalier par exemple ou à d'autres
systèmes territoriaux ?
Un certain nombre d'invariants de ce modèle de
gouvernance nous semblent digne d'intérêt ; tous méritant
une analyse approfondie afin de répondre à une seule question :
comment dépasser cette opposition public/privé dans la gestion
des structures publiques éducatives locales ? Quelles
spécificités pour le modèle éducatif
français dans son organisation territoriale dans un contexte
concurrentiel aiguë ?
Trois invariants sont susceptibles d'investigation :
· La notion de creuset de compétences
culturelles.
· La notion de Réseau de Réseau :
maintient de l'équilibre du système.
· Cette notion (à développer)
d'institution organisation, structure hybride.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Ce modèle pourrait être mis en forme de la
façon suivante :
Code Déontologique (Unité)
Creuset de valeurs Institution Réseau de
réseaux
Publique
Organisme Public Territorial Déconcentré
Organisation-Institution
Ce temps d'analyse sur les fondements éthiques de la
gouvernance de l'EPLE nous a permis de compléter notre éclairage
de ce mode de pilotage propre à l'Etablissement Public Local
d'enseignement. Elle a mis en exergue son caractère unique mais a
renforcé ce creuset de réseaux qui a été un des
fils conducteurs de notre analyse.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
C'est une réalité ternaire qui a
présidé à notre investigation, se proposant d'expliciter
les formes de gouvernances propres aux organismes publics
déconcentrés. L'établissement secondaire en est un
archétype possible : une gouvernance spécifique le met en
mouvement ; cette dernière elle-même caractérisée
par la mise en réseaux de territoires protéiformes (espace
associatif, politique, institutionnel) dont l'aspect significatif est leur
interpénétration constante : une gouvernance,
un espace aux territorialités multiples, un noeud
décisionnel.
Il résulte donc de cette étude, et ce n'est pas
le moindre des paradoxes, que l'EPLE est un réseau en lui-même
bien plus qu'un simple partenaire éducatif. Les modalités d'une
gouvernance partenariale font de lui une organisation apprenante au sens plein
du terme (apprendre, donner à apprendre, apprendre à apprendre)
mais n'en donnent pas la clef, ne disent rien de sa spécificité
organisationnelle. Il est donc, comme structure, comme acteur, comme
organisation, un espace imprécis dans ses missions, ses territoires ;
ceux qu'il influence, ceux qui l'influencent, ceux qu'il doit préserver.
Objet en construction, territoire en devenir, objet flou par excellence, au
sens de Pesqueux, il se projette et se vit, dans ses nouvelles missions, comme
un véritable espace de conflit et de tension(s). Tel est bien là
le coeur de cette première approche.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Fruit d'une éthique républicaine, organisation
en quête d'une visibilité territoriale, il fait exister au
quotidien la dualité (que certains qualifieront de caricaturale) entre
la firme en devenir que le donneur d'ordre principal espère et l'espace
éthique, neutre (politique, social, référentiel) que le
corps social appelle : l'idéal républicain de formation et de
socialisation. Cette problématique a permis de dévoiler, tant
dans le domaine éthique que dans le domaine organisationnel, le passage
d'un modèle historique, reproductible dans les différents temps
et espace sociaux, à un objet de complexité, fragmenté et
flou. C'est ce dernier qui conduit dans la littérature à une
exploration fonctionnelle naissante, afin de qualifier sa gouvernance.
Un hiatus apparaît cependant dans cette même
littérature ; hiatus qui pourrait former le terreau d'une possible
recherche. L'objet en lui- même est étudié sous l'angle
managérial, territorial au sens géographique du terme, voire
même, social. Cependant ses modalités de gouvernance ne sont que
peu étudiées en termes de territoires de décision(s). Hors
tout n'est-il pas décision(s) dans cette structure qui préside au
devenir de la nation en termes d'éducation ? Quels schémas
organisationnels se dessinent derrière ces espaces fragmentés ?
Cette notion de réseau est-elle pertinente pour dessiner une
cartographie signifiante au-delà du territoire géographique, du
lieu d'enseignement ? Voilà les questions ouvertes qui émergent
d'une lecture critique de la littérature.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
Analysée avec pour point focal les
référents de gouvernance de la firme et les
spécificités de l'organisation éducative publique, cette
même littérature met en lumière ce que nous appellerons une
territorialité active où s'entrecroisent et se
fécondent des enjeux stratégiques qui dépassent
l'établissement en lui-même. La notion de lieu unique
apparaît alors comme caduque. C'est une organisation en quête de
définition mais qui possède déjà un nouvel
espace d'enjeux. Paradoxe du discours qu'elle produit certes où
bien paradoxe quand à la nature même de l'organisation EPLE ?
Il nous apparaît donc que les sciences de gestion
constituent un outil puissant et atypique de description de cet espace
constamment scruté sous l'angle éducatif et social. C'est le
concept de gouvernance, dans une optique partenariale et cognitive, qui est
à même de proposer cette nouvelle grille de lecture de l'EPLE. Il
permet de dépasser l'objet établissement secondaire pour
décrire un nouvel un actant polymorphe, évoluant dans un nouvel
espace décisionnel et symbolique signifiant, au sein de la
cité.
Un angle complémentaire d'analyse émerge de la
littérature : l'établissement secondaire, depuis les textes de
2004, est un objet de discours. Comme tout objet social dira-t-on. Bien plus
encore. Il devient un objet de discours organisationnel dans sa tension
permanente entre le principe et le résultat. S'il s'empare d'outils de
pilotage qui orientent sa politique interne tout comme sa communication externe
vers une efficience toujours mieux maîtrisée, on le pense encore
comme une organisation fruit de valeurs
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
atemporelles qui obèreraient la naissance d'une
entité moderne sur la scène publique.
Entre la gestion du quotidien et l'impératif des
missions républicaines, on voit alors émerger des paradigmes
d'investigation dont les lignes de fuite oscillent entre la permanence et la
modernité. Le conflit au sein de l'établissement secondaire n'est
pas fonctionnel, il est bel est bien celui de la cité, politique. C'est
en cela qu'il intéresse les sciences de gestion. Il pose, nous
semble-t-il, une question de nature épistémologique quand
à l'existence même de l'organisation publique. Certes le cadre
éthique est pérenne, il demeure ; républicain. Cependant
une problématique différentielle est particulièrement
prégnante : cette institution est-elle toujours une donnée
immuable qui façonne l'architecture politique d'une
société ? Pourrait-elle, par apprentissage organisationnel se
transformer et transformer l'espace qu'elle investit ? Peut-il
véritablement apprendre et donc se re-construire, se re-définir,
s'appréhender comme une organisation aux principes éthiques qui
définissent un espace de décision et d'influence
autre?
Cette première approche de la littérature nous
interroge par ailleurs sur une organisation en devenir dont on questionne la
« performance » sans jamais questionner l'existence même. Tout
est analyse de fonction, de lieu, de place. Mais qu'en est-il de ce qui sera
son fondement dans un contexte sociétal tendu ? En quoi les apports des
sciences des organisations analysés sous l'angle du concept de
gouvernance re-définssent-ils sa place dans l'espace public ? Il y a
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
dans ses pistes de lecture, et c'est probablement un biais
culturel européen, confusion entre l'objet -- qui se transforme -- et
les représentations sacralisées que les parties prenantes s'en
font.
Au-delà de la représentation que les acteurs
politiques se font de l'EPLE, l'objet lui-même révèle une
capacité à mettre en oeuvre des processus de changement et
d'innovation. Ce dernier, tout en se transformant, change son propre
environnement, voire même le recrée. Il peut alors projeter
l'image naissante d'un modèle d'organisation autre : un espace
symbolique, un kaléidoscope de territoires où se met en oeuvre un
protocole éthique qui fusionne l'institution, l'Ecole, et le
modèle en devenir, l'Organisation. Un objet public à
naître.
Quelle gouvernance pour l'EPLE : de l'institution à
l'organisation, vers un nouveau modèle public ?
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Entretiens :
Nos remerciements à Monsieur FLOC'H, Inspecteur
d'Académie, Adjoint au Directeur Des Services Départementaux de
l'Education Nationale du Var ainsi qu'à M. BIJAOUI, Proviseur Vie
Scolaire, Conseiller d'Etablissement au Rectorat de l'Académie de Nice.
Les entretiens ont portés sur la définition de l'espace
territorial de l'EPLE ainsi que sur les nouvelles modalités de
gestion et de contrôle des organismes publics.
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