La préservation des recours de l'assureur maritime sur facultés( Télécharger le fichier original )par Abdourahmane Sall Université Cheikh Anta Diop - DESS droit des assurances 2006 |
REPUBLIQUE DU SENEGAL Un Peuple -Un But -Une Foi UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES SUJET :
Présenté par Abdourahmane SALL Master professionnel 2 Droit économique, notarial et processuel ; Filière : ASSURANCES. Sous la direction de Monsieur Alioune DIAGNE Chargé de cours et Directeur des Opérations à AXA ASSURANCES SENEGAL. Années 2006 / 2007 et 2007 / 2008 REMERCIEMENTS ET DEDICACES - A Messieurs Alioune Diagne et El hadj Mamadou Niang, pour leur disponibilité et leur générosité intellectuelle. - A ma mère Anta Soumaré depuis Saint-Louis du Sénégal. - A mon père Amadou Makhtar Sall. - A mes tuteurs Monsieur Cheikh Mbaye, et Madame Lala Aidara - A Mame Cheikh, Kader, Almamy Mateuw, Idrissa, Ass Malick, Tidiane, Bocar, Ndeye Khady. - A Papa Oumar Fall, Makham, Aminata, Maréme, Mbérou, Alioune, Bintou. - A Maître Pape Aly Diagne, Diplômé en droit maritime, Avocat à la Cour. - A Messieurs les Magistrats : Adama Ndiaye, Diabel Ndir, Makhète Dièye. - A mon oncle Saidou Sow. - A Monsieur Amadou Ndiagne Sow, Conseiller technique au Port Autonome de Dakar - A Djibril Dia, Khary Diagne, Merry Gueye Diop, Madame Thié Dembélé Niang, Cheikh Mbengue - A Monsieur Alioune Hanne et Madame Khady Boye Hanne - Au Professeur Abdoul Hadir Aidara, Madame Fatou Ba Aidara, Chamsidine, Aziz. - A Madame Aminata Kane Ndaw - A Amadou Télémag Sow - A Monsieur Almamy Issaga Diallo - A Ibrahima Diagne, Yakham Ndiaye, Rawane Diop, El hadj Diop, Moulaye Assane, Babacar Ndiaye, Bassirou Soumaré (le dompteur de le brousse), Ibrahima Sarr, Bamba Dioum. - A Mbacké Gningue, Alioune Diallo, Ndiogou Mbaye Diouf, Mor Talla Thiam, Khadim Fall, Colé Fall, Mouhamad Moustapha Diop, Dior Soumaré. - Et spécialement à tous mes promotionnaires audit Master : aux Magistrats El hadj Alla Kane et Adama Cira Dramé, Benoît Léonce Sambou de la Senelec, Sogui Ndiaye : Chef du département contentieux d'Alliance Assurances, Madame Magatte Sakho Faye d'Amsa Assurances, Thierno Yoro Camara, Moussa Ndiaye, Sokhna Ngom, Fanigué Gueye, Mariama Niane, Zeynab Seye, Ndeye Fatou Boye, Ousseyni Chamsoulbao, Mariette Mandinou. SOMMAIRE INTRODUCTION CHAPITRE 1 : Les différents types de mesures conservatoires -SECTION 1 : Les mesures préventives : rassemblement des preuves PARAGRAPHE 1 : Constat de dommages par un pré rapport d'expert PARAGRAPHE 2 : L'émission des réserves -SECTION 2 : Le respect des termes du contrat PARAGRAPHE 1 : Les obligations de l'assuré PARAGRAPHE 2 : Les obligations de l'assureur -SECTION 3 : Les saisies de navire PARAGRAPHE 1 : Le régime juridique des saisies PARAGRAPHE 2 : Utilités des saisies (immobilisation, aggravation des frais portuaires, possibilité de vente du navire) CHAPITRE 2 : La mise en oeuvre des mesures conservatoires -SECTION 1 : Procédure contentieuse de saisie conservatoire de navire devant le juge des référés PARAGRAPHE 1 : Les interventions de l'huissier (requête, procès verbal de signification ;dénonciation de saisie de navire ; signification de main levée de navire) PARAGRAPHE 2 : Obligation pour les autorités portuaires d'appliquer la saisie (Chef de l'inscription maritime directeur de la marine marchande; Commandant du port autonome de Dakar capitainerie du port ; Commissaire de police de la brigade spéciale du port ; Directeur des douanes Dakar port nord ou port sud) -SECTION 2 : Les obstacles à l'exécution de la saisie PARAGRAPHE 1 : Les obstacles positifs : paiement ou émission d'une lettre de garantie PARAGRAPHE 2 : Les obstacles négatifs : la procédure d'anti suit injunction ; (nouvelle stratégie des assureurs : la saisie au nom des réceptionnaires) CONCLUSION LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS - COCC : code des obligations civiles et commerciales du Sénégal. - CIMA : conférence inter africaine des marchés d'assurances. - IARD : incendie, accidents et risques divers. - CPC : code de procédure civile du Sénégal - AUVE : acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrements des créances et voies d'exécution. - COA : code des obligations de l'administration du Sénégal - OHADA : organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires - AU/OS : acte uniforme portant organisation des sûretés INTRODUCTION Depuis la plus haute antiquité, l'homme a recours à l'assurance pour protéger ses biens matériels. En effet, on trouve les premières références à l'assurance vers l'an 2000 avant JC, sous forme de contrats écrits stipulant des modalités de répartition des pertes lors d'activités de transport, notamment par caravanes ou par voies maritimes. Il faut dire qu'à cette lointaine époque, les pirates, les bandits et les pilleurs faisaient partie du « décor social », tant sur terre que sur mer. Ainsi à Babylone1(*), le code d'Hammourabi2(*) prescrivait qu'en cas de perte ou de vol des marchandises, le transporteur désigné serait relevé de sa responsabilité de livraison s'il était en mesure de prouver qu'il n'était pas complice du méfait. Mille (1000) ans plus tard, les habitants de Rhodes3(*) inventent la mutualisation. Les marchands dont les biens arrivent à destination remboursent ceux dont les biens ont été détruits lors d'une tempête. Au début du premier millénaire est apparu « le prêt à la grosse aventure », l'ancêtre réel de l'assurance maritime et de transport. Les marchands avançaient les fonds au transporteur, et celui -ci ne les remboursait qu'au retour à bon port, s'il n'avait pas subi d'avarie ou s'il n'avait pas été assailli par des pirates ; si le bateau parvenait à destination, alors les bénéfices tirés de la vente de la cargaison se trouvaient partagés entre l'amateur et le banquier. Les juristes définissent l'assurance comme une convention par laquelle une partie, l'assuré, se fait promettre moyennant une rémunération, la prime, une prestation par une autre partie l'assureur, en cas de réalisation du risque. Cette définition nous renseigne sur les parties au contrat et sur les obligations respectives. Elle reste toutefois muette sur le fonctionnement du système. En effet ladite définition semble négliger l'aspect technique de l'opération qui est la base de toute assurance : la mutualité. C'est une technique de garantie par la constitution d'un fonds commun de prévoyance alimenté par la cotisation des adhérents. On classe traditionnellement les assurances en deux groupes .Selon leur nature, on distingue les assurances terrestres et les assurances maritimes, et selon leur objet, on distingue les assurances de dommages (assurances de choses : dont assurances maritimes ; et assurances de responsabilité) et les assurances de personnes. L'assurance maritime a pour but de couvrir les risques de mer, c'est-à-dire les risques survenant au cours d'une expédition maritime et atteignant soit le navire (corps), soit les marchandises (facultés). L'article 278 du code CIMA4(*) dispose que l'assurance des facultés à l'importation revêt un caractère obligatoire dans la mesure où les législations nationales le prévoient. Elle est alors régie par des dispositions spécifiques à ces législations. Au Sénégal, toute importation de biens et marchandises à des fins directement ou indirectement commerciales ou industrielles, doit être couverte par une assurance souscrite auprès d'organismes agréés pour effectuer des opérations d'assurance (article premier de la loi n°83-47 du 18 février 1983). L'article 1 du décret d'application n°83-1201 du 24 novembre 1983 devient plus explicite, et dispose que les personnes physiques morales titulaires de la carte d'importateur -exportateur ayant réalisé une opération d'importation sont assujetties à l'obligation d'assurance de l'article premier de la loi précitée. La Fédération Sénégalaise des Sociétés d'Assurance (F.S.S.A) estime qu'en 2007 le chiffre d'affaires des facultés transportées s'élevait à sept milliards sept cent deux millions trois cent mille (7.702.300.000) francs CFA ; soit 13% du chiffre d'affaires total en assurance IARD. Et AXA ASSURANCES SENEGAL, « leader incontesté » du marché, détient, rien qu'en facultés transportées, cinq milliards cent trente six millions six cent quatre vingt dix mille (5.136.690.000) francs CFA. En effet, toute marchandise, quelle que soient sa nature, son emballage, sa destination, est exposée, lorsqu'elle voyage, à des risques multiples et aux conséquences onéreuses. On voit bien qu'il sera très difficile pour une entreprise commerciale ou industrielle, pour un importateur ou exportateur, de supporter lui-même la charge d'un tel aléa. Alain Madelin, dans la préface du livre de Jean Piétri, intitulé « Comment garantir le risque crédit », écrit que : « courir un risque sans le savoir est de l'inconscience, assumer un risque après l'avoir évalué est un choix de gestion, mais couvrir ce risque par l'une des techniques à la disposition des entreprises est une véritable décision d'entrepreneur ». A ce préjudice potentiel pourrait s'ajouter celui lié à une « perte d'exploitation » consécutive à un événement de transport. D'après leur cause, les risques sont classés en risques ordinaires de transport et en risques exceptionnels (guerre, grève et risques assimilés). De ce fait, tous les risques auxquels sont exposés les marchandises au cours de leurs transports maritime, fluvial, terrestre ou aérien, l'assurance maritime a pour objet d'en décharger les exportateurs ou les importateurs. Sauf convention contraire, les marchandises sont couvertes de la sortie des magasins de l'expéditeur jusqu'à l'entrée dans les magasins du destinataire final. L'assureur maritime est donc tenu de payer à l'assuré une indemnité couvrant le total des pertes et /ou avaries subies par la cargaison, moyennant le versement d'une petite prime. Une fois l'indemnité reçue, l'assuré déclare dans un acte, avoir subrogé la compagnie d'assurances dans tous ses droits et recours par application des articles 707 et suivants du COCC. A partir de ce moment, celle-ci dispose d'une action directe contre les tiers responsables : le plus souvent l'armateur et le manutentionnaire. Au demeurant, l'assuré doit aussi prendre à son tour toutes les mesures utiles pour préserver efficacement les éventuels recours de l'assureur. A ce titre, il a l'obligation de désigner un transitaire qui veillera aux soins de la cargaison, et même, s'il y a lieu, d'émettre des réserves. Autrement dit, il doit avoir le comportement d'un homme diligent, « d'un bon père de famille ».L'obligation ne lui est pas faite dans son intérêt, mais dans celui des assureurs. Les articles 16 des Polices françaises d'assurance maritime sur facultés (garantie «tous risques» ; et garantie « F.A.P : franc d'avaries particulières sauf...5(*) ») disposent avec ces termes fortement expressifs que « l'assuré, ses représentants et tous les bénéficiaires de l'assurance doivent également prendre toutes les dispositions pour conserver les droits et les recours contre les transporteurs et tous autres tiers responsables, et permettre à l'assureur, le cas échéant, d'engager et de poursuivre les actions qu'il jugera nécessaires ». La compagnie d'assurance quant à elle, agissant pour le compte de son assuré, doit désigner un cabinet d'expertise maritime qui aura pour mission de déterminer les conditions dans lesquelles l'avarie a eu lieu. L'expert devra établir un récapitulatif final à la fin du déchargement et dresser un état différentiel du débarquement. Cet état différentiel devra être signé par toutes les parties, contradictoirement. Donc le constat doit permettre de justifier la réalité, la nature, l'origine, la cause et l'importance des pertes et dommages. Ainsi, c'est sur la base de ce rapport que l'assureur calculera « la dispache » ou décompte du préjudice. Comme pour le transitaire, l'expert est tenu lui aussi de prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires afin de préserver les intérêts du réceptionnaire et de ses assureurs ; puis de rédiger et de délivrer un rapport. L'exercice des recours de l'assureur maritime subrogé envers le manutentionnaire (et exceptionnellement envers le transitaire et le consignataire de la cargaison) ne présente pas trop de complications. Non seulement le manutentionnaire demeure sur le territoire national, mais aussi les juridictions sénégalaises sont exclusivement compétentes. Dans la pratique, l'assureur effectue des négociations amiables par messages électroniques6(*) ou par correspondances écrites. C'est seulement après l'échec de ces négociations qu'il saisit son avocat en vue d'une assignation contre ce dernier. Et dans le cadre de ce recours, il transmet à l'avocat les connaissements, la facture commerciale, le rapport d'expertises, les notes de frais et honoraires d'expertise, le décompte du préjudice imputable, l'acte de subrogation et le montant global de la réclamation. La responsabilité du manutentionnaire sera donc retenue par application des dispositions des articles 118 et suivants du COCC. Ainsi, l'avocat demandera au juge qu'il écherra de condamner le manutentionnaire à payer à la compagnie d'assurance le montant du préjudice subi, majoré des frais d'expertise dans les proportions qui seront déterminées par voie de conclusions, et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement, nonobstant toutes voies de recours et sans caution. Cependant, le problème majeur de l'assureur maritime subrogé se trouve dans l'exercice des recours contre l'armateur (ou le transporteur) parce que, d'une part la présence du navire sur le territoire national est de courte durée (3 à 5 jours ), et d'autre part les navires sont couverts par de très puissants clubs de protection et d'indemnisation, appelés P&I Clubs. Ces P&I Clubs sont des associations d'armateurs qui s'assurent mutuellement contre les risques de responsabilités qu'ils encourent vis-à-vis des tiers lors de l'exploitation de leurs navires, et contre quelques responsabilités contractuelles découlant de la gestion et de l'exploitation des navires. Il faut souligner que les P&I club offrent une large gamme de services caractérisés notamment par l'émission des « garanties clubs », en cas d'avaries imputables au bord. Mais à travers le « bouillonnement et le vagabondage juridique actuel », certains armateurs et certains clubs de protection (ou assureurs de responsabilité civile des armateurs) entendent contester la validité des garanties qui ont été mises en place, en prétendant qu'elles ont été données sous la contrainte, après la saisie conservatoire des navires. Pourtant, l'article 5 de la convention de Hambourg du 31 mars 1978 pose explicitement une présomption de responsabilité du transporteur maritime pour tout préjudice résultant des pertes ou dommages subis par la marchandise, ainsi que du retard à la livraison, si l'événement dommageable est intervenu alors que la marchandise était sous sa garde. Ces garanties (clubs ou bancaires) prévoyant la plupart du temps la compétence de tel ou tel tribunal (en général celui du port de destination), les armateurs et leurs clubs ont ajouté à cette contestation, la réactivation d'une procédure très ancienne, particulière au droit britannique, dénommée « anti suit injunction ». Il s'agit d'une action entreprise devant la Hight Court of London7(*) qui tend à obtenir du juge anglais, l'interdiction aux parties (assureur en général), victimes d'un sinistre (avaries, manquants) pendant un voyage maritime, d'en obtenir réparation autrement que devant les arbitres anglais, empêchant ainsi la procédure de se dérouler à l'étranger. Toute désobéissance à leur ordre est sévèrement sanctionnée, tant sur le plan civil que pénal. Face à ces « flagrantes agressions juridiques » l'assureur maritime subrogé devra au préalable prendre tout un arsenal de mesures conservatoires pour bien exercer ses recours amiables et contentieux. Cette étude revêt donc un intérêt à la fois théorique et pratique ; dans la mesure où le mécanisme de fonctionnement de l'assurance maritime diffère des autres types d'assurance IARD, mais aussi du fait que l'assureur utilise beaucoup de stratégies pour recouvrer l'indemnité versée à l'assuré. Ainsi, il convient d'étudier d'abord les différents types de mesures conservatoires, ensuite la mise en oeuvre des mesures conservatoires. Dès lors qu'il est établi « qu'un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès », l'assureur maritime entamera des négociations amiables avec les tiers responsables. Et, c'est seulement après l'échec de ces négociations que le juge des référés ou « juge du provisoire, du conservatoire, de l'urgence et des affaires urgentes » sera saisi. CHAPITRE 1 : LES DIFFERENTS TYPES DE* 1 Ancienne ville de la Mésopotamie, sur l'Euphrate, à 160 km au sud est de Bagdad. Cette ville existait dès le 23e siècle avant J.C. Elle passa ensuite sous la domination des Amorrites (19e siècle avant J.C) pour devenir la capitale de leur sixième roi, Hammourabi. * 2 Hammourabi : sixième roi de Babylone * 3 Ile grecque de la mer Egée ;1.404 km2 ; elle est fondée en 408 avant J.C. Puissante cité maritime de l'antiquité, l'île fut, à partir de 1309, gouvernée par les chevaliers de Rhodes, puis devient turque (1523-1912). * 4 Elle a été instaurée par un traité instituant une organisation intégrée de l'industrie des assurances dans les Etats africains. Elle a été signée le 10 juillet 1992 à Yaoundé par les gouvernements des Etats membres * 5 Type de garantie qui couvrent les pertes et dommages subis, suite à : - des événements au navire entraînant des dommages à la marchandise : naufrage, chavirement, échouement, abordage, heurt contre un corps fixe mobile ou flottant, incendie, explosion, voie d'eau. - des événements naturels : raz de marée, foudres, cyclones, trouble, avalanches, inondation, éruption volcanique, éboulement. - Des événements non spécifiquement maritimes : chute d'aéronef, chute du colis lors des opérations de chargement de transbornement et de déchargement, déraillement, heurt, renversement, chute du véhicule terrestre de transport, écroulement de pont, de tunnel, rupture de digue, chute d'arbre, éboulement * 6 Par e-mails entre les intéressés. En cas de contestations, ils peuvent servir de commencement de preuve * 7 Tribunal arbitral de Londres dont certains armateurs et leurs clubs de protection estiment qu'il est seul compétent pour connaître des litiges relatifs à la saisie des navires. |
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