REPUBLIQUE DU SENEGAL
Un Peuple -Un But -Une Foi
UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR
FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
SUJET :
Présenté par
Abdourahmane SALL
Master professionnel 2
Droit économique, notarial et processuel ;
Filière : ASSURANCES.
Sous la direction de
Monsieur Alioune DIAGNE
Chargé de cours et Directeur des Opérations
à AXA ASSURANCES SENEGAL.
Années 2006 / 2007 et 2007 / 2008
REMERCIEMENTS ET
DEDICACES
- A Messieurs Alioune Diagne et El hadj Mamadou Niang, pour
leur disponibilité et leur générosité
intellectuelle.
- A ma mère Anta Soumaré depuis Saint-Louis du
Sénégal.
- A mon père Amadou Makhtar Sall.
- A mes tuteurs Monsieur Cheikh Mbaye, et Madame Lala
Aidara
- A Mame Cheikh, Kader, Almamy Mateuw, Idrissa, Ass Malick,
Tidiane, Bocar, Ndeye Khady.
- A Papa Oumar Fall, Makham, Aminata, Maréme,
Mbérou, Alioune, Bintou.
- A Maître Pape Aly Diagne, Diplômé en
droit maritime, Avocat à la Cour.
- A Messieurs les Magistrats : Adama Ndiaye, Diabel Ndir,
Makhète Dièye.
- A mon oncle Saidou Sow.
- A Monsieur Amadou Ndiagne Sow, Conseiller technique au Port
Autonome de Dakar
- A Djibril Dia, Khary Diagne, Merry Gueye Diop, Madame
Thié Dembélé Niang, Cheikh Mbengue
- A Monsieur Alioune Hanne et Madame Khady Boye Hanne
- Au Professeur Abdoul Hadir Aidara, Madame Fatou Ba Aidara,
Chamsidine, Aziz.
- A Madame Aminata Kane Ndaw
- A Amadou Télémag Sow
- A Monsieur Almamy Issaga Diallo
- A Ibrahima Diagne, Yakham Ndiaye, Rawane Diop, El hadj Diop,
Moulaye Assane, Babacar Ndiaye, Bassirou Soumaré (le dompteur de le
brousse), Ibrahima Sarr, Bamba Dioum.
- A Mbacké Gningue, Alioune Diallo, Ndiogou Mbaye
Diouf, Mor Talla Thiam, Khadim Fall, Colé Fall, Mouhamad Moustapha Diop,
Dior Soumaré.
- Et spécialement à tous mes promotionnaires
audit Master : aux Magistrats El hadj Alla Kane et Adama Cira
Dramé, Benoît Léonce Sambou de la Senelec, Sogui
Ndiaye : Chef du département contentieux d'Alliance Assurances,
Madame Magatte Sakho Faye d'Amsa Assurances, Thierno Yoro Camara, Moussa
Ndiaye, Sokhna Ngom, Fanigué Gueye, Mariama Niane, Zeynab Seye, Ndeye
Fatou Boye, Ousseyni Chamsoulbao, Mariette Mandinou.
SOMMAIRE
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : Les différents types de
mesures conservatoires
-SECTION 1 : Les mesures préventives :
rassemblement des preuves
PARAGRAPHE 1 : Constat de dommages par un pré
rapport d'expert
PARAGRAPHE 2 : L'émission des
réserves
-SECTION 2 : Le respect des termes du contrat
PARAGRAPHE 1 : Les obligations de l'assuré
PARAGRAPHE 2 : Les obligations de l'assureur
-SECTION 3 : Les saisies de navire
PARAGRAPHE 1 : Le régime juridique des
saisies
PARAGRAPHE 2 : Utilités des saisies
(immobilisation, aggravation des frais
portuaires,
possibilité de vente du navire)
CHAPITRE 2 : La mise en oeuvre des mesures
conservatoires
-SECTION 1 : Procédure contentieuse de saisie
conservatoire de navire devant le juge
des
référés
PARAGRAPHE 1 : Les interventions de l'huissier
(requête, procès
verbal de
signification ;dénonciation de saisie de navire ;
signification de main
levée de navire)
PARAGRAPHE 2 : Obligation pour les autorités
portuaires d'appliquer la saisie
(Chef de l'inscription
maritime directeur de la marine marchande;
Commandant du port
autonome de Dakar capitainerie du port ;
Commissaire de police de
la brigade spéciale du port ; Directeur
des douanes Dakar port
nord ou port sud)
-SECTION 2 : Les obstacles à
l'exécution de la saisie
PARAGRAPHE 1 : Les obstacles positifs : paiement
ou émission d'une lettre de
garantie
PARAGRAPHE 2 : Les obstacles négatifs :
la procédure d'anti suit injunction ;
(nouvelle stratégie
des assureurs : la saisie au nom des
réceptionnaires)
CONCLUSION
LISTE DES PRINCIPALES
ABREVIATIONS
- COCC : code des obligations civiles et commerciales du
Sénégal.
- CIMA : conférence inter africaine des
marchés d'assurances.
- IARD : incendie, accidents et risques divers.
- CPC : code de procédure civile du
Sénégal
- AUVE : acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrements des créances et
voies d'exécution.
- COA : code des obligations de l'administration du
Sénégal
- OHADA : organisation pour l'harmonisation en Afrique du
droit des affaires
- AU/OS : acte uniforme portant organisation des
sûretés
INTRODUCTION
Depuis la plus haute antiquité, l'homme a
recours à l'assurance pour protéger ses biens matériels.
En effet, on trouve les premières références à
l'assurance vers l'an 2000 avant JC, sous forme de contrats écrits
stipulant des modalités de répartition des pertes lors
d'activités de transport, notamment par caravanes ou par voies
maritimes. Il faut dire qu'à cette lointaine époque, les pirates,
les bandits et les pilleurs faisaient partie du « décor social
», tant sur terre que sur mer. Ainsi à Babylone1(*), le code d'Hammourabi2(*) prescrivait qu'en cas de perte
ou de vol des marchandises, le transporteur désigné serait
relevé de sa responsabilité de livraison s'il était en
mesure de prouver qu'il n'était pas complice du méfait.
Mille (1000) ans plus tard, les habitants de Rhodes3(*) inventent la mutualisation. Les
marchands dont les biens arrivent à destination remboursent ceux dont
les biens ont été détruits lors d'une tempête. Au
début du premier millénaire est apparu « le prêt
à la grosse aventure », l'ancêtre réel de
l'assurance maritime et de transport. Les marchands avançaient les fonds
au transporteur, et celui -ci ne les remboursait qu'au retour à bon
port, s'il n'avait pas subi d'avarie ou s'il n'avait pas été
assailli par des pirates ; si le bateau parvenait à destination,
alors les bénéfices tirés de la vente de la cargaison se
trouvaient partagés entre l'amateur et le banquier.
Les juristes définissent l'assurance comme une
convention par laquelle une partie, l'assuré, se fait promettre
moyennant une rémunération, la prime, une prestation par une
autre partie l'assureur, en cas de réalisation du risque. Cette
définition nous renseigne sur les parties au contrat et sur les
obligations respectives. Elle reste toutefois muette sur le fonctionnement du
système. En effet ladite définition semble négliger
l'aspect technique de l'opération qui est la base de toute
assurance : la mutualité. C'est une technique de garantie par la
constitution d'un fonds commun de prévoyance alimenté par la
cotisation des adhérents.
On classe traditionnellement les assurances en deux groupes
.Selon leur nature, on distingue les assurances terrestres et les assurances
maritimes, et selon leur objet, on distingue les assurances de dommages
(assurances de choses : dont assurances maritimes ; et assurances de
responsabilité) et les assurances de personnes.
L'assurance maritime a pour but de couvrir les risques de mer,
c'est-à-dire les risques survenant au cours d'une expédition
maritime et atteignant soit le navire (corps), soit les marchandises
(facultés).
L'article 278 du code CIMA4(*) dispose que l'assurance des facultés à
l'importation revêt un caractère obligatoire dans la mesure
où les législations nationales le prévoient. Elle est
alors régie par des dispositions spécifiques à ces
législations.
Au Sénégal, toute importation de biens et
marchandises à des fins directement ou indirectement commerciales ou
industrielles, doit être couverte par une assurance souscrite
auprès d'organismes agréés pour effectuer des
opérations d'assurance (article premier de la loi n°83-47 du 18
février 1983). L'article 1 du décret d'application n°83-1201
du 24 novembre 1983 devient plus explicite, et dispose que les personnes
physiques morales titulaires de la carte d'importateur -exportateur ayant
réalisé une opération d'importation sont assujetties
à l'obligation d'assurance de l'article premier de la loi
précitée.
La Fédération Sénégalaise des
Sociétés d'Assurance (F.S.S.A) estime qu'en 2007 le chiffre
d'affaires des facultés transportées s'élevait à
sept milliards sept cent deux millions trois cent mille (7.702.300.000) francs
CFA ; soit 13% du chiffre d'affaires total en assurance IARD. Et AXA
ASSURANCES SENEGAL, « leader incontesté » du
marché, détient, rien qu'en facultés transportées,
cinq milliards cent trente six millions six cent quatre vingt dix mille
(5.136.690.000) francs CFA.
En effet, toute marchandise, quelle que soient sa nature, son
emballage, sa destination, est exposée, lorsqu'elle voyage, à des
risques multiples et aux conséquences onéreuses. On voit bien
qu'il sera très difficile pour une entreprise commerciale ou
industrielle, pour un importateur ou exportateur, de supporter lui-même
la charge d'un tel aléa. Alain Madelin, dans la préface du livre
de Jean Piétri, intitulé « Comment garantir le risque
crédit », écrit que : « courir un risque
sans le savoir est de l'inconscience, assumer un risque après l'avoir
évalué est un choix de gestion, mais couvrir ce risque par l'une
des techniques à la disposition des entreprises est une véritable
décision d'entrepreneur ». A ce préjudice potentiel
pourrait s'ajouter celui lié à une « perte
d'exploitation » consécutive à un
événement de transport. D'après leur cause, les risques
sont classés en risques ordinaires de transport et en risques
exceptionnels (guerre, grève et risques assimilés).
De ce fait, tous les risques auxquels sont exposés les
marchandises au cours de leurs transports maritime, fluvial, terrestre ou
aérien, l'assurance maritime a pour objet d'en décharger les
exportateurs ou les importateurs. Sauf convention contraire, les marchandises
sont couvertes de la sortie des magasins de l'expéditeur jusqu'à
l'entrée dans les magasins du destinataire final.
L'assureur maritime est donc tenu de payer à
l'assuré une indemnité couvrant le total des pertes et /ou
avaries subies par la cargaison, moyennant le versement d'une petite prime. Une
fois l'indemnité reçue, l'assuré déclare dans un
acte, avoir subrogé la compagnie d'assurances dans tous ses droits et
recours par application des articles 707 et suivants du COCC. A partir de ce
moment, celle-ci dispose d'une action directe contre les tiers
responsables : le plus souvent l'armateur et le manutentionnaire.
Au demeurant, l'assuré doit aussi prendre à son
tour toutes les mesures utiles pour préserver efficacement les
éventuels recours de l'assureur. A ce titre, il a l'obligation de
désigner un transitaire qui veillera aux soins de la cargaison, et
même, s'il y a lieu, d'émettre des réserves. Autrement dit,
il doit avoir le comportement d'un homme diligent, « d'un bon
père de famille ».L'obligation ne lui est pas faite dans son
intérêt, mais dans celui des assureurs.
Les articles 16 des Polices françaises d'assurance
maritime sur facultés (garantie «tous risques» ; et
garantie « F.A.P : franc d'avaries particulières
sauf...5(*) »)
disposent avec ces termes fortement expressifs que « l'assuré,
ses représentants et tous les bénéficiaires de l'assurance
doivent également prendre toutes les dispositions pour conserver les
droits et les recours contre les transporteurs et tous autres tiers
responsables, et permettre à l'assureur, le cas échéant,
d'engager et de poursuivre les actions qu'il jugera
nécessaires ».
La compagnie d'assurance quant à elle, agissant pour le
compte de son assuré, doit désigner un cabinet d'expertise
maritime qui aura pour mission de déterminer les conditions dans
lesquelles l'avarie a eu lieu. L'expert devra établir un
récapitulatif final à la fin du déchargement et dresser un
état différentiel du débarquement. Cet état
différentiel devra être signé par toutes les parties,
contradictoirement. Donc le constat doit permettre de justifier la
réalité, la nature, l'origine, la cause et l'importance des
pertes et dommages. Ainsi, c'est sur la base de ce rapport que l'assureur
calculera « la dispache » ou décompte du
préjudice. Comme pour le transitaire, l'expert est tenu lui aussi de
prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires afin de
préserver les intérêts du réceptionnaire et de ses
assureurs ; puis de rédiger et de délivrer un rapport.
L'exercice des recours de l'assureur maritime subrogé
envers le manutentionnaire (et exceptionnellement envers le transitaire et le
consignataire de la cargaison) ne présente pas trop de complications.
Non seulement le manutentionnaire demeure sur le territoire national, mais
aussi les juridictions sénégalaises sont exclusivement
compétentes. Dans la pratique, l'assureur effectue des
négociations amiables par messages électroniques6(*) ou par correspondances
écrites. C'est seulement après l'échec de ces
négociations qu'il saisit son avocat en vue d'une assignation contre ce
dernier. Et dans le cadre de ce recours, il transmet à l'avocat les
connaissements, la facture commerciale, le rapport d'expertises, les notes de
frais et honoraires d'expertise, le décompte du préjudice
imputable, l'acte de subrogation et le montant global de la réclamation.
La responsabilité du manutentionnaire sera donc retenue par application
des dispositions des articles 118 et suivants du COCC.
Ainsi, l'avocat demandera au juge qu'il écherra de
condamner le manutentionnaire à payer à la compagnie
d'assurance le montant du préjudice subi, majoré des frais
d'expertise dans les proportions qui seront déterminées par voie
de conclusions, et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement,
nonobstant toutes voies de recours et sans caution.
Cependant, le problème majeur de l'assureur maritime
subrogé se trouve dans l'exercice des recours contre l'armateur (ou le
transporteur) parce que, d'une part la présence du navire sur le
territoire national est de courte durée (3 à 5 jours ), et
d'autre part les navires sont couverts par de très puissants clubs
de protection et d'indemnisation, appelés P&I Clubs. Ces P&I
Clubs sont des associations d'armateurs qui s'assurent mutuellement contre les
risques de responsabilités qu'ils encourent vis-à-vis des tiers
lors de l'exploitation de leurs navires, et contre quelques
responsabilités contractuelles découlant de la gestion et de
l'exploitation des navires.
Il faut souligner que les P&I club offrent une large
gamme de services caractérisés notamment par l'émission
des « garanties clubs », en cas d'avaries imputables au
bord. Mais à travers le « bouillonnement et le vagabondage
juridique actuel », certains armateurs et certains clubs de
protection (ou assureurs de responsabilité civile des armateurs)
entendent contester la validité des garanties qui ont été
mises en place, en prétendant qu'elles ont été
données sous la contrainte, après la saisie conservatoire des
navires.
Pourtant, l'article 5 de la convention de Hambourg du 31 mars
1978 pose explicitement une présomption de responsabilité du
transporteur maritime pour tout préjudice résultant des pertes ou
dommages subis par la marchandise, ainsi que du retard à la livraison,
si l'événement dommageable est intervenu alors que la marchandise
était sous sa garde.
Ces garanties (clubs ou bancaires) prévoyant la
plupart du temps la compétence de tel ou tel tribunal (en
général celui du port de destination), les armateurs et leurs
clubs ont ajouté à cette contestation, la réactivation
d'une procédure très ancienne, particulière au droit
britannique, dénommée « anti suit
injunction ». Il s'agit d'une action entreprise devant la Hight
Court of London7(*) qui tend
à obtenir du juge anglais, l'interdiction aux parties (assureur en
général), victimes d'un sinistre (avaries, manquants) pendant un
voyage maritime, d'en obtenir réparation autrement que devant les
arbitres anglais, empêchant ainsi la procédure de se
dérouler à l'étranger. Toute désobéissance
à leur ordre est sévèrement sanctionnée, tant sur
le plan civil que pénal.
Face à ces « flagrantes agressions juridiques
» l'assureur maritime subrogé devra au préalable prendre
tout un arsenal de mesures conservatoires pour bien exercer ses recours
amiables et contentieux.
Cette étude revêt donc un intérêt
à la fois théorique et pratique ; dans la mesure où
le mécanisme de fonctionnement de l'assurance maritime diffère
des autres types d'assurance IARD, mais aussi du fait que l'assureur utilise
beaucoup de stratégies pour recouvrer l'indemnité versée
à l'assuré. Ainsi, il convient d'étudier d'abord les
différents types de mesures conservatoires, ensuite la mise en oeuvre
des mesures conservatoires.
Dès lors qu'il est établi « qu'un mauvais
arrangement vaut mieux qu'un bon procès », l'assureur maritime
entamera des négociations amiables avec les tiers responsables. Et,
c'est seulement après l'échec de ces négociations que le
juge des référés ou « juge du provisoire, du
conservatoire, de l'urgence et des affaires urgentes » sera
saisi.
CHAPITRE 1 : LES DIFFERENTS TYPES DE
MESURES CONSERVATOIRES.
La préservation des recours nécessite de la part
de l'assuré toute une stratégie dans laquelle un ensemble de
mesures conservatoires doit être minutieusement utilisé. Ces
mesures sont au nombre de trois (3) :
-le rassemblement des preuves.
-le respect des termes du contrat.
-les saisies de navire.
Section 1 : Les mesures préventives :
rassemblement
des preuves.
« Actore non probante, reus
absolvitur » : faute de preuve par le demandeur, le
défendeur est absous (triomphe). L'assureur doit être en mesure de
connaître la cause des avaries, de même que leurs auteurs.
Le constat de dommage par un pré-rapport
d'expert1(*) et
l'émission des réserves jouent un rôle très
important à ce niveau.
Paragraphe 1 : Constat de dommages par un
pré -
rapport d'expert.
La loi numéro 83-06 du 28 janvier 1983, portant
création de l'ordre des experts et évaluateurs agrées,
dispose en son article 4 : « est expert agrée, le
technicien versé dans la connaissance d'une science, d'un art ou d'un
métier, qui, en son nom propre et sous sa responsabilité, fait sa
profession d'expertise dans les secteurs de spécialités
techniques énumérées ».
L'expertise consiste, pour un technicien, tel qu'il est
défini à l'article précédent, à
établir des rapports et à donner des avis à la demande de
toute personne intéressée dans les questions relevant de sa
spécialité technique.
Le décret numéro 83-339 du 1 avril 1983portant
application de la loi numéro 83-06 du 28 janvier 1983 instituant un
ordre des experts devient beaucoup plus explicite, et dispose en son article 1
que « nul ne peut porter le titre d'expert agréé ou
d'évaluateur agrée, ni en exercer la profession, s'il n'est
inscrit au tableau de l'ordre ».
Les membres de l'ordre reçoivent pour tous les travaux
entrant dans leurs attributions, des honoraires qui sont exclusifs de toute
autre rémunération, même indirecte, d'un tiers, à
quelque titre que ce soit.
En assurances maritimes sur facultés la mission de
l'expert s'exerce à un triple niveau :
-avant l'arrivée du navire, il doit prendre au niveau
de la capitainerie du port ou du consignataire, les informations relatives au
temps du déchargement et de départ du navire, son prochain port
d'escale , et prévenir les intéressés (assureurs et
assurés). Il doit également recueillir les renseignements sur
l'identité du navire, le nom et l'adresse de l'armateur, de
l'opérateur, avoir confirmation de l'identité du club, et
connaître les conditions de voyage.
-à l'arrivée du navire, l'expert devra prendre
contact avec le bord pour examen documentaire de la cargaison, assister
à l'ouverture des panneaux de cales, inspecter avant le début des
opérations de débarquement et contrôler
régulièrement les cales et la cargaison. Il devra aussi
vérifier les conditions d'arrimage, de vaigrage, de protection de la
marchandise et de sa ventilation pendant le voyage considéré,
examiner les conditions et dispositions prises par le manutentionnaire pour le
stockage.
- enfin, l'expert a pour mission de contrôler le
déchargement du navire jusqu'en fin de prise en charge par les
réceptionnaires. Et durant cette étape il doit tenir
régulièrement ses mandants informés par état
journalier de ses constations, adresser aux assureurs, cinq jours avant la fin
du déchargement, un pré rapport leur permettant de prendre toutes
les mesures conservatoires.
Le rapport d'expertise ne revêt pas une force probante
.Il ne lie pas le juge. L'article 179 du CPC dispose que « l'expert
n'émet qu'un avis, le tribunal n'est pas tenu de s'y
conformer ». Et en cas de contestation, une contre -expertise ou une
expertise judiciaire peut être requise. Sa mission consiste à
déterminer les conditions dans lesquelles l'avarie a eu lieu. Autrement
dit, le constat doit permettre de justifier de la réalité, de la
nature, de l'origine, de la cause et de l'importance des pertes et des
dommages.
On conçoit donc aisément qu'il faut à
l'assureur un document ad probationem établissant objectivement ces
renseignements, qui sont indispensables, pour déterminer si le dommage
est garanti , le montant de l'indemnité, en fonction des conditions
de la police. Cependant ces constations effectuées d'accord avec le
réceptionnaire ont entre les parties, la portée d'une expertise
amiable contradictoire. Cela veut dire que les parties qui n'ont pas
contesté sont considérées comme ayant approuvé les
conclusions du rapport d'expertise. L'acte fait foi de son contenu à
l'égard de tous jusqu'à preuve du contraire (article 23 du
COCC).
Paragraphe 2 : L'émission des
réserves.
Les réserves sont des protestations sur la
quantité ou sur le qualité de la marchandise. Elles doivent
être circonstanciées. Des réserves systématiques et
faites en termes généraux ne sont pas reconnues valables par les
tribunaux. Elles permettent à celui qui les émet de lui dispenser
d'une éventuelle ou quelconque responsabilité. Autrement dit, le
réceptionnaire qui n'émet pas des réserves, est
censé prendre la marchandise en très bonne qualité, donc
sans avarie.
Les réserves sont faites généralement
à la livraison, quand le destinataire constate des dommages ; mais
elles peuvent également être faites à tout moment de la
chaîne du transport par n'importe quel intervenant qui constate,
lorsqu'il prend en charge la marchandise, que celle-ci est endommagée.
Ces réserves à l'arrivée de la marchandise doivent
être faites dès la livraison pour les dommages apparents, et au
plus tard dans les trois jours pour les dommages non apparents.
Elles doivent être faites sur le titre de transport, le
bon de livraison, ou tout autre document attestant la livraison.
En définitive les réserves à la livraison
entraînent une présomption de responsabilités du
transporteur, le destinataire n'a donc pas à prouver que le transporteur
est responsable. C'est au transporteur qu'il appartient de prouver qu'il n'est
pas responsable. La charge de la preuve2(*) est alors renversée.
Terminons sur ce point en signalant que l'absence de
réserve entraîne généralement la forclusion du
réceptionnaire qui ne pourra plus agir contre le transporteur. La
forclusion est la péremption d'un droit non exercé dans le
délai imparti.
Section 2 : Le respect des termes du contrat
L'assureur et l'assuré doivent tous les deux respecter
leurs obligations contractuelles pour une gestion efficace des futurs recours
de l'assureur subrogé :
Paragraphe 1 : Les obligations de l'assuré
L'assuré doit avoir le comportement d'un juriste
exemplaire, d'un homme diligent, d'un « bon père de
famille». Et là on est sur le terrain de l'appréciation in
abstracto, que l'on raisonne par rapport à ce qu'une autre personne
aurait fait à la place de l'auteur du dommage.
Des éléments concrets entrent dans cette
appréciation in abstracto : le type de référence
exerce la même activité que l'auteur du dommage, et il est
placé dans les mêmes circonstances de fait. Raison pour laquelle
l'article 120 du COCC prévoit que « le juge qualifie les faits
constitutifs de la faute par rapport à la conduite d `un homme
prudent et diligent, en tenant compte des circonstances
d'espèce ».
L'article 15 de la police française d'assurance
maritime sur facultés prévoit que l'assuré, ses
représentants et tous les bénéficiaires de l'assurance
doivent apporter les soins raisonnables à tout ce qui est relatif aux
marchandises. De même, ils doivent prendre toutes les mesures
conservatoires en vue de prévenir ou de limiter les dommages et les
pertes.
En cas de manquements à ces obligations, l'assureur
peut se substituer à eux pour prendre les mesures qu'impose la
situation, sans pour autant que sa garantie soit engagée.
L'assuré désigne le plus souvent un mandataire
dénommé transitaire3(*) qui se chargera d'effectuer toutes les
opérations juridiques relatives au déchargement de la
marchandise. Il désigne également un manutentionnaire dont la
mission sera de décharger avec soin et sans brutalité, la
marchandise à quai.
Après cette étape, si la cargaison connaît
des avaries, l'assuré doit présenter à l'assureur son
dossier de réclamation constitué de :
- la justification du droit à l'indemnité :
exemplaire original de la police (police au voyage), de l'avenant de banque ou
du certificat d'assurance signé par l'assureur (autres polices),
- la justification de la réalité de
l'expédition : exemplaire du titre de transport appelé
connaissement,
- la justification de la perte ou du dommage : exemplaire
du rapport d'expertise,
- la justification de la valeur assurée : facture
d'origine et note de colisage correspondante, ainsi que les tous documents
justifiant la valeur d'assurance,
- la justification de la conservation des recours : bons
de livraison portant les réserves adressées aux transporteurs,
réponses de ces derniers et généralement tout constat
établi contradictoirement avec tout intervenant au transport.
L'indemnité due par l'assureur est payable dans les
trente (30) jours qui suivent la remise du dossier complet. L'indemnité
est payée au bénéficiaire de l'assurance. L'assurance est
en quelque sorte intégrée à la marchandise, et elle peut
être négociable et transmise en même qu'elle.
Paragraphe 2 : Les obligations de l'assureur.
Les obligations de l'assureur sont très simples .Il
doit payer à l'assuré une indemnité couvrant le total des
pertes et avaries causés à la cargaison. Cette indemnité
est calculée sur la base d'un document de décompte
d'indemnité appelé « dispache », dans lequel
les dépréciations seront tenues en considération s'il en
n'existe.
C'est ainsi que l'article 20 de la police française
d'assurance maritime sur facultés (garantie tous risques) prévoit
que l'importance des avaries est déterminée par comparaison de la
valeur des facultés assurées en état d'avarie, à
celle qu'elles auraient eue à l'état sain aux même temps et
lieu ; le taux de dépréciation4(*) ainsi obtenu devant être
appliqué à la valeur assurée. Le second alinéa
stipule que « l'indemnité d'assurance comprend, en outre, les
frais et honoraires de l'expert et du commissaire d'avarie ». La
victime est créancière de la réparation. Mais cette
créance existe-t-elle dès le jour du dommage, ou ne prend elle
naissance que par le jugement qui en fixe le montant? Autrement dit, ce
jugement constate-t-il simplement l'existence d'une créance
préexistante, ou bien est-ce lui qui crée cette créance
qui n'existait pas auparavant ?
Le COCC n'a pas pris position de façon
générale. Mais il a réglé le point essentiel de la
controverse : « l'essentiel du dommage se fait au jour du
jugement ou de l'arrêt » (article 135). On peut en
déduire donc, que le droit à réparation préexiste
au jugement, et le montant de la réparation est fixé par le
jugement. En effet, c'est le jugement qui rend liquide et exigible le montant
de la réparation.
En assurances maritimes sur facultés,
généralement, l'assureur indemnise par un règlement
à l'amiable. La réparation est en principe pécuniaire
(alinéa 1 article 133 COCC). Elle consiste en l'allocation à la
victime d'une somme d'argent, d'une valeur égale à la valeur dont
elle a été privée : ce sont les dommages et
intérêts compensatoires. Ces dommages-intérêts, en
effet, n'ont pas pour fonction d'effacer le préjudice, mais de le
compenser. Ils constituent une réparation par équivalent.
Réparer par équivalent, c'est replacer la victime dans la
situation où elle se serait trouvée si le dommage n'avait pas eu
lieu. Donc, le montant de la réparation se mesure sur le dommage
apprécié in concreto, et non pas sur la faute au civil ; il
s'agit de réparer et non de punir.
Après l'indemnisation de l'assuré, l'assureur
subrogé dans les droits de l'assuré, va exercer un recours
contre les différents intervenants5(*) de la chaîne du transport. La subrogation est
la substitution, dans un rapport de droit, d'une chose à une autre
(subrogation réelle) ou d'une personne à une autre (subrogation
personnelle).
Le solvens (assureur) lorsqu'il paie la dette d'autrui
(assuré), entend se faire rembourser par le débiteur
(armateur).
Par la subrogation, la créance de l'accipiens
(assuré) est donc transférée au subrogé. Et
l'article 252 du COCC dispose que « le subrogé
bénéficie de tous les accessoires et sûretés
attachées à la créance, mais il doit limiter son recours
contre le débiteur au montant du paiement antérieurement
effectué 6(*) ».
Section 3 : Les saisies de navire
La saisie est la mise d'un bien sous main de justice,
destinée dans l'intérêt public ou dans
l'intérêt privé légitime, à empêcher
celui qui a ce bien entre les mains, d'en faire un usage contraire à cet
intérêt. La saisie est à la fois une mesure de
précaution contre l'insolvabilité du débiteur et un moyen
de pression pour amener celui-ci à s'exécuter.
Ainsi il convient de voir le régime juridique
(paragraphe1) et l'utilité (paragraphe 2) de ces saisies.
Paragraphe 1 : Le régime juridique des
saisies
Après la subrogation de l'assureur dans les droits et
recours de l'assuré, l'armateur a l'obligation de payer à ce
subrogé sa créance dans les plus brefs délais, ou à
défaut, lui donner une « garantie club » ou
« bancaire ».
Dans le cas contraire, le navire est saisi en vue de
contraindre ce débiteur défaillant (armateur) à
exécuter ses obligations. Du fait de l'urgence, la saisie est
prononcée par le juge des référés, Président
du Tribunal Régional, dans une « ordonnance à pied de
requête 7(*)»,
considérée comme une décision dans laquelle la solution
voulue est unilatéralement confectionnée par le demandeur. C'est
une décision provisoire, rendue non contradictoirement, dans les cas
où le requérant est fondé à ne pas appeler la
partie adverse. Elle doit être également jointe à l'acte de
saisine de la juridiction. Le juge ne fait qu'y mentionner son nom, et y
apposer sa signature.
L'acte uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement des créances et des voies
d'exécution (AUVE) dispose en son article 28 « qu'à
défaut d'exécution volontaire, tout créancier peut, quelle
que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues par
le présent acte uniforme, contraindre son débiteur
défaillant à exécuter ses obligations à son
égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde
de ses droits ». Autrement dit, cet article énonce le principe
selon lequel tout créancier a le droit de saisir les biens de son
débiteur défaillant.
Les saisies de navire doivent donc respecter le régime
juridique des saisies conservatoires, qui peuvent être définies
comme des saisies mobilières ayant pour finalité de rendre
indisponibles les biens mobiliers corporels ou incorporels du débiteur
saisi. Elle permet en cas d'urgence à tout créancier, en
matière civile ou commerciale, sans commandement préalable, de
rendre indisponibles les biens mobiliers corporels ou incorporels de son
débiteur.
Ainsi l'article 54 de l'AUVE prévoit que
« toute personne dont la créance parait fondée en son
principe peut, par requête, solliciter de la juridiction
compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur,
l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens
mobiliers, corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement
préalable si elle justifie de circonstances de nature à en
menacer le recouvrement ». Donc la créance due par l'armateur doit
être certaine, liquide et exigible.
La convention de Bruxelles du 10 mai 1952 portant unification
de certaines règles en matière de saisie conservatoire de navire
de mer va beaucoup plus loin, et requiert une allégation de
créance maritime pour justifier une immobilisation forcée du
navire.
Donc deux conditions majeures doivent être
réunies : l'exigence d'une créance fondée en son
principe, et l'urgence.
Lorsque la saisie porte sur une créance ayant pour
objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à
concurrence du montant autorisé par la juridiction compétente,
ou, lorsque cette autorisation n'est pas nécessaire, à
concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée. Le
créancier doit sous peine de caducité, dans le mois qui suit la
saisie, introduire une procédure ou accomplir les formalités
nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.
Paragraphe 2 : Utilités des saisies
De nos jours les navires ne peuvent se permettre de perdre
plus de temps que prévu dans un port, sous peine d'engager la
responsabilité de leur amateur ; ce qui fait que si le navire est
saisi, les conséquences financières en résultant peuvent
être désastreuses.
L'utilité des saisies peut être analysées
à trois niveaux :
-d'abord la saisie entraîne l'immobilisation du navire.
A coté d'une perte d'exploitation éventuelle, le navire arrivera
en retard à ses autres escales, engageant ainsi sa responsabilité
contractuelle. De plus, si des marchandises avaient déjà
été chargées à bord avant la saisie conservatoire,
cela pourrait engendrer des dommages à la cargaison entraînant la
responsabilité du transporteur. Comme on peut le constater,
l'immobilisation du navire peut avoir des répercussions
financières très dommageables pour l'armateur. Cependant, et de
plus en plus, certains armateurs et clubs de protection estiment que le navire
peut être saisi sans pour autant qu'il y ait immobilisation. C'est la
raison pour laquelle l'assureur subrogé et son avocat requièrent,
explicitement et en caractère très apparent, du juge des
référés, une décision prononçant la saisie
avec immobilisation du navire.
Cependant, on constate de plus en plus, à cause de la
défaillance et du laxisme des agents portuaires, certains navires
réussissent à prendre la fuite après saisie conservatoire.
Et les autorités portuaires, prétextant ne pas être gardien
de la chose saisie, refusent d'assumer leur responsabilité, tout en
sachant que le navire ne peut reprendre la mer qu'avec la défaillance de
leur service. L'article 142 du COA dispose que « les tiers et les
usagers ont droit à la réparation du dommage causé par le
fonctionnement défectueux du service ». La jurisprudence
administrative considère que la négligence 8(*) ou la précaution
insuffisante 9(*)
suffisent à engager la responsabilité de l'Etat.
-ensuite la saisie du navire cause évidemment une
aggravation des frais portuaires. Le stationnement du navire est
autorisé après le paiement d'une taxe d'amarrage
journalière, hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, fixée suivant
une procédure définie par les Etats. Les stationnements ne
donnent pas droit à l'occupation d'un poste géographiquement
localisé de façon définitive.
-enfin l'article 88 de l'AUVE prévoit que le
créancier peut signifier au débiteur, un acte de conversion en
saisie vente, après s'être muni d'un titre exécutoire
constatant l'existence de sa créance. Avec l'OHADA, la saisie vente est
la nouvelle appellation de la saisie exécution classique. Cette nouvelle
terminologie présente l'avantage de mieux faire comprendre au
débiteur qu'à défaut de règlement, les biens saisis
seront vendus. Et l'article 91 de l'AUVE stipule en ces termes fortement
expressifs que « tout créancier muni d'un titre exécutoire
constatant une créance liquide et exigible peut, après
signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et
à la vente des biens meubles corporels appartenant à son
débiteur, qu'il soit ou non détenus par ce dernier, afin de se
faire payer sur le prix ».
L'acte uniforme offre au débiteur le choix entre
la vente à l'amiable de ses biens et la vente forcée. En cas de
vente forcée, elle est effectuée aux enchères publiques,
par un auxiliaire de justice habilité par la loi nationale de chaque
Etat partie, soit au lieu où se trouvent les objets saisis, soit en une
salle ou un marché public dont la situation géographique est la
plus appropriée pour solliciter la concurrence à moindre
frais.(article 120 alinéa 1 de l'AUVE).
En définitive, si malgré les mesures
conservatoires de l'assureur, le débiteur ne paie pas sa créance,
l'assureur subrogé devra donc procéder à l'application des
voies d'exécution. L'entrée dans cette phase exécution
devient alors une solution forcée pour l'assureur, qui pourra être
interrompue par des obstacles soit positifs, soit négatifs.
CHAPITRE 2 : LA MISE EN OEUVRE DES
MESURES
CONSERVATOIRES.
Si après la saisie l'armateur ne réagit
pas, l'assureur subrogé devra, avec la collaboration d'un huissier,
procéder à l'exécution de l'ordonnance du juge des
référés. Cette ordonnance, pour avoir force probante, doit
faire l'objet d'une notification aux autorités portuaires, qui sont
scrupuleusement tenues de refuser le départ du navire. Mais elle devient
caduque en cas de paiement, en cas d'émission d'une garantie
« club » ou bancaire, ou en cas d'anti suit injunction.
Section 1 :
Procédure contentieuse de saisie
conservatoire
de navire devant le juge des
référés.
Le juge des référés a pour mission
principale de prendre dans les cas d'urgence, des décisions provisoires,
dépourvues de l'autorité de la chose jugée. Dans la
procédure en espèce, l'huissier joue un rôle très
important. En effet, toutes les décisions et tous les actes doivent
être notifiés par la voie d'un huissier, qui devra à cet
effet désigner nominativement les autorités portuaires
chargées d'appliquer la saisie.
Paragragraphe1 : Les interventions de
l'huissier.
La justice doit avant tout être juste. La recherche de
la réponse appropriée et conforme au droit représente en
effet la finalité principale de tout système judiciaire. Si la
rapidité de la décision est évidemment une priorité
pour tous les systèmes judiciaires modernes, elle s'explique justement
parce qu'il ne faut pas qu'un retard dans le fonctionnement du système
judiciaire prive les justifiables de leur droit « à obtenir
justice ».
Ainsi, l'huissier, officier public et ministériel
délégataire d'une parcelle de l'autorité publique, joue un
rôle primordial dans la recherche d'une justice équitable. Pilier
de l'institution judiciaire, bras armé de la justice, il prend ainsi une
place importante au centre de la garantie du droit à un procès
équitable, et au droit d'accès au juge. Dans certaines
procédures de recouvrement, il y a une mise en place d'une
procédure rapide permettant au créancier d'obtenir dans les plus
brefs délais le montant de sa créance.
Il exerce un monopole en ce qui concerne la signification des
actes de la procédure, c'est-à-dire la délivrance des
actes aux parties. Dans la procédure contentieuse en l'espèce,
l'huissier intervient nécessairement et obligatoirement à quatre
(4) niveaux :
- La requête :
C'est un acte (« instrumentum ») par
lequel est formée la demande en justice dans les procédures non
contradictoires, et qui, consistant en un écrit motivé, est
directement présenté au juge, afin que celui qui statue sur la
requête par décision au bas de celle-ci, sans que, s'il en existe,
la partie adverse ou d'autres intéressés aient été
avisés ou convoqués par le requérant ou le juge ;
mais à charge d'en référer celui ci en cas de
difficulté.
Autrement dit, c'est la demande adressée directement
à un magistrat, sans mise en cause d'un adversaire, dans les cas
où la situation à régler est urgente, et où la
nécessité commande qu'il soit procédé non
contradictoirement. Il y est répondu par une ordonnance de
caractère provisoire, exécutoire sur minute et susceptible de
rétraction.
La rétraction peut être considérée
comme la manifestation de volonté contraire, par laquelle l'auteur d'un
acte ou d'une manifestation unilatérale de volonté, entend
revenir sur sa volonté, et la retirer comme si elle était non
avenue, afin de la priver de tout effet passé et à venir.
- Le procès verbal de saisie conservatoire :
C'est un document écrit établi par une
autorité compétente ou un organe qualifié, afin d'en
constater l'existence et d'en conserver la trace. Dans cet acte, l'huissier
porte à la connaissance de l'armateur débiteur que le
Président du tribunal régional a autorisé la saisie sur
son navire. Et à cet occasion, il devra immédiatement
procédé à la saisie, et mettre sous main de justice le
navire, en détaillant ses caractéristiques1(*). Généralement
l'huissier désigne le commandant du navire saisi comme gardien2(*).
- La dénonciation de saisie de navire :
C'est la notification d'un acte de procédure à
une personne qui n'est pas le destinataire, mais qui a néanmoins
intérêt à le connaître.
En l'espèce, l'huissier porte à la connaissance
des autorités portuaires et du commandant du navire, la saisie
conservatoire avec immobilisation prononcée par le Président du
tribunal.
Pour les autorités portuaires, il s'agit du commandant
du Port Autonome de Dakar, Capitainerie du port ; du Chef de l'inscription
maritime, Directeur de la marine marchande ; du Commissaire de police de
la brigade spéciale du port, du Directeur des douanes de Dakar Port Nord
ou Port Sud.
- La signification de main levée de saisie :
C'est la formalité par laquelle un plaideur porte
à la connaissance de son adversaire un acte de procédure ou un
jugement.
En l'espèce, quand l'armateur ou son club de protection
met à la disposition de l'assureur une
garantie « club » ou bancaire, l'huissier doit
signifier aux parties concernées, que ses requérants ont
donné la main levée de la saisie conservatoire du navire. Cette
main levée emporte tous les effets de droit.
Paragraphe 2 : Obligation pour les
autorités
portuaires d'appliquer la
saisie.
Quand le juge des référés ordonne la
saisie du navire, l'huissier devra, dans les plus brefs délais, le
notifier aux autorités du Port Autonome 3(*) de Dakar. Il s'agit en l'espèce, du Chef de
l'inscription maritime, Directeur de la marine marchande ; du Commandant
du Port Autonome de Dakar capitainerie du port ; du Commissaire de police
de la brigade spéciale du port, du Directeur des douanes Dakar Port Nord
ou Port Sud.
- le Chef de l'inscription, Directeur de la marine
marchande :
La marine marchande est l'ensemble des bateaux de mer servant
au commerce. Elle a pour mission de préparer et de mettre en oeuvre les
orientations et les actions propres à assurer le développement et
la protection du pavillon. Elle assure le pilotage du navire et l'encadrement
de l'équipage.
- le Commandant du Port Autonome de Dakar ;
Capitainerie du port :
C'est la police des quais (sécurité, mouvement
des navires, des marchandises) résultant du règlement
d'exploitation du port.
- le Commissaire de la brigade spéciale du
port.
Il est généralement dévolu à la
police deux (2) missions qui sont le plus souvent le fait de mêmes
personnes :
*La police administrative :
Placée sous l'autorité administrative, elle est
chargée de prévenir l'accomplissement des infractions. Elle doit
maintenir ou rétablir l'ordre public, veiller au bon fonctionnement du
port et à l'application des règles et instructions
administratives correspondantes.
*La police judiciaire :
Elle est chargée de constater les infractions à
la loi pénale, d'en rassembler les preuves et de rechercher leurs
auteurs. Sa mission consiste à éclairer le ministère
public, qui, grâce aux investigations de cette police placée sous
sa direction, sera précisément mis en mesure d'apprécier
l'opportunité des poursuites, c'est-à-dire les suites à
donner à l'affaire : classement sans suite, ou citation directe
devant la juridiction de jugement, ou réquisitoire afin d'informer qui
saisira le juge d'instruction et déclenchera l'ouverture d'une
information.
- le directeur des Douanes Dakar Port Nord ou
Sud :
L'administration des douanes est l'ensemble des services
chargés de l'assiette, de la liquidation et de la perception des droits
de douanes, ainsi que du contrôle de la marchandise lors du
franchissement des frontières. La douane a pour mission de favoriser
l'essor économique. Cette mission s'exerce sur quatre (4) plans :
fiscal, économique, protection, sûreté.
La signification de la saisie aux autorités
douanières peut paraître surprenante et impertinente. Leurs
prérogatives se limitent essentiellement au déchargement et
à l'enlèvement de la marchandise.
SECTION 2 : LES OBSTACLES A L'EXECUTION
DE LA
SAISIE.
La saisie de navire peut être interrompue par des
évènements ou obstacles qui peuvent être soit positifs,
soit négatifs.
Paragraphe1 : Les obstacles positifs :
Paiement ou
émission d'une
lettre de garantie.
La saisie a pour but de contraindre un débiteur
défaillant à exécuter ses obligations. Et à ce
titre, la première cause d'extinction des obligations demeure sans
aucun doute le paiement. Mais à défaut de paiement, le
débiteur peut émettre une lettre de garantie.
-Le paiement :
C'est l'exécution volontaire d'une obligation
antérieure (article 162 COCC). Parmi les nombreuses modalités
de paiement, le versement d'une somme d'argent demeure la plus connue. De
façon plus générale, le paiement a deux aspects. Il
suppose d'abord une certaine activité de la part du débiteur,
il permet en cela d'accomplir l'objet de l'obligation, donc d'en
libérer le débiteur, en l'espèce l'armateur (article 163
COCC).
Ensuite, il permet aussi d'atteindre le but de l'obligation,
c'est-à-dire le résultat matériel attendu par le
créancier (assureur), la satisfaction du créancier. Le
paiement a une nature dualiste : il est l'exécution d'une
obligation (donnant en cela satisfaction à l'assureur -
créancier) ; il est l'extinction d'une obligation (libérant
l'armateur - débiteur).
Ainsi l'article 183 COCC précise que «
lorsque la dette a pour objet une somme d'argent, elle est payée en la
monnaie du pays où le paiement est fait ». Donc en principe,
les armateurs doivent payer aux assureurs en franc CFA4(*) . Cependant l'article 184 COCC
prévoit que si la dette est libellée en monnaie
étrangère, le cours du change est celui du jour et du lieu du
paiement.
-La lettre de garantie :
C'est une sûreté personnelle régie par
l'AU/OS. L'article 1 de l'AU/OS définit les sûretés comme
des moyens accordés au créancier par la loi de chaque Etat
partie, où la convention des parties pour garantir l'exécution
des obligations, quelle que soit la nature juridique de celle-ci. Quant
à la sûreté personnelle, elle consiste en l'engagement
d'une personne de répondre de l'obligation du débiteur principal,
en cas de défaillance de celui - ci, ou à première demande
du bénéficiaire de la garantie (article 2 AU/OS). La lettre de
garantie est une convention passée entre le donneur d'ordre
(débiteur - armateur) et le garant (un établissement
financier : banque ou club de protection), par laquelle le garant s'engage
à payer une somme déterminée au bénéficiaire
(assureur créancier) sur première demande de celui-ci (article
28). Elles créent des engagements autonomes, distincts des conventions,
actes et faits susceptibles d'en constituer la base.
Elle est une garantie conventionnelle renforcée, en
vertu de laquelle le garant doit payer aussitôt qu'il est
sollicité, sans pouvoir, hors le cas de fraude manifeste, opposer la
moindre exception.
En l'espèce les lettres de garantie des armateurs sont
émises soit par leur club de protection, soit par des banques.
Les P&I clubs 5(*) ou club de protection restent des institutions assez
originales de l'assurance maritime, en ce qu'elles se différencient des
compagnies d'assurance aussi bien par leurs formes que par leurs
activités. Ils sont des institutions à but non lucratif ; le
concept de mutuelle revêt ainsi une importance considérable, car
une mutuelle ne fait ni perte ni profit, et est au service de ses
assurés. Leur financement est assuré par les membres. La
cotisation est établie suivant la jauge brute du navire, avec
généralement un minimum de quarante (40) tonneaux, et d'un taux
de base ou d'une tarification applicable au navire considéré, eu
égard au dossier historique de l'armateur et du navire
considéré.
Il présente l'exemple intéressant d'une
assurance où l'assuré est en même temps assureur. Et dans
leurs garanties, ils précisent expressément aux assureurs que
cette dernière les engage à libérer immédiatement
le navire et/ou à renoncer de saisir ce navire ou tout autre navire ou
biens et propriétés de l'armement de ce navire, de ses
préposés, employés, représentants ou
associés dans la même entreprise.
Cette garantie ne constitue pas une reconnaissance de
responsabilité. Elle est valable jusqu'à un accord amiable
écrit entre les parties, et/ou une décision contradictoire
définitive et exécutoire des juridictions
sénégalaises. Elle devra être remplacée, au plus
tard dans les quinze jours, par une garantie bancaire de même texte,
et dont le montant ne devra pas dépasser celui fixé dans la
garantie club.
Paragraphe 2 : Les obstacles
négatifs : la procédure
d'anti suit
injonction.
A travers le « bouillonnement et le
vagabondage » juridique actuel, il apparaît depuis
quelques années, d'une manière de plus en plus
fréquente, que certains armateurs et certains clubs de protection
entendent contester la validité des garanties qui ont
été mises en place, en prétendant qu' elles ont
été données sous la contrainte. Ces garanties clubs ou
bancaires stipulant la plupart du temps que les litiges seront soumis
à tel ou tel tribunal (en général celui du port de
destination ), les armateurs et leur club ont ajouté à cette
contestation la réactivation d'une procédure très
ancienne, particulière au droit britannique, dénommée
l'anti suit injonction.
Il s'agit d'une action entreprise devant la Hight Court
of London qui tend à obtenir du juge anglais l'interdiction aux
parties ( assureurs en général), victimes d'un sinistre
(avaries, manquant ), pendant un voyage maritime, d'en obtenir
réparation autrement que devant des arbitres anglais ;
empêchant ainsi la procédure de se dérouler à
l'étranger. Toute désobéissance à leur ordre est
sévèrement sanctionnée tant sur le plan civil que
pénal.
L'anti suit Injonction consiste donc pour l'armateur et son
club de protection à demander au juge anglais d'interdire de
façon préventive aux intéressés de la
marchandise, ainsi qu'à leurs assureurs, d'engager une procédure
autre qu'un arbitrage à Londres. Et en cas de contravention, d'admettre
qu'il y'a « contempt of court », c'est-à-dire
offense au tribunal, permettant ainsi à celui-ci de prononcer ensuite
des condamnations.
Cette compétence s'étend à des personnes
qui ne se trouvent pourtant pas physiquement présentes dans leur
ressort, leur enjoignant de stopper séance tenante toute
procédure entamée. Il s'agit d'une sorte de procédure
pénale contestable tant dans la forme que dans le fond. Pourtant la
convention de Bruxelles de 1952, par une disposition très originale,
s'applique même aux navires des Etats non contractants, par le seul fait
que la saisie a lieu devant le tribunal d'un Etat contractant (article 8). Les
navires battant pavillon d'un Etat contractant ne peuvent être saisis
dans le ressort d'un Etat contractant que suivant les formes et conditions
définies par cette convention.
Les menaces ainsi faites sont prises au sérieux par les
compagnies d'assurance ayant des ramifications internationales, à
l'instar des groupes AXA, AMSA..., qui y voient un risque pour leurs actifs,
et des contraintes d'emprisonnement de leurs dirigeants, notamment en Grande
Bretagne.
Face à ces « flagrantes ironies et agressions
juridiques », les assureurs essaient de plus en plus de
définir une stratégie de lutte et de défense des
intérêts de leurs groupes.
C'est ainsi que trois types de solution se sont
imposées : les solutions préventives, les solutions amiables
et la saisie au nom des réceptionnaires.
-D'abord, avec les solutions préventives, les assureurs
signent avec les clubs de protection un protocole pouvant déboucher sur
la mise en place systématique de garantie à l'amiable selon des
modèles à définir afin d'éviter la saisie en
amont des navires.
-Ensuite, avec les solutions amiables, les assureurs doivent
d'une part, pour les dossiers ayant fait l'objet de procédures d'anti
suit, proposer un règlement transactionnel tenant compte des frais
engagés par toutes les parties ; et d'autre part, signer un
protocole de transaction immédiate pour les dossiers dans lesquels
des garanties clubs temporaires ou bancaires ont été
émises.
-Et enfin, celle la plus efficace consiste à saisir le
navire au nom des réceptionnaires. En effet, l'article 73 de l' AUVE
dispose que « lorsque le débiteur n'a pas de domicile
fixe ou lorsque son domicile ou son établissement se trouve dans un
pays étranger, la juridiction compétente pour autoriser et
trancher les litiges relatifs à la saisie de ses biens, est celle
du domicile du créancier »
Ainsi, de plus en plus, face à certains clubs de
protection, les assureurs retardent leur subrogation envers leurs
assurés. Et avant cette subrogation, ils mettent à la
disposition de ce dernier un avocat qui devra accomplir les formalités
de saisie de navire. Donc les armateurs et leurs clubs de protection ne
pourront pas leur opposer cette procédure d'anti suit injonction.
Et c'est seulement après une réaction positive
du saisi que l'assureur sera subrogé dans les droits et recours de
l'assuré, éventuellement envers le manutentionnaire.
Cette pertinente et stratégique solution est maintenant
de plus en plus pratiquée par les assureurs pour répondre
à cette « ironie juridique » d'anti suit
Injonction.
CONCLUSION
En définitive la préservation des recours de
l'assureur maritime sur faculté requiert une intelligence juridico -
stratégique de l'assureur, sous peine de voir ses créances
déchues. Cette intelligence juridique, pilier de l'ingénierie
juridique1(*), doit
être non seulement rationnelle mais aussi adaptée au
système.
Par ailleurs, les mesures draconiennes prises par
l'assureur à la souscription du contrat, notamment la consultation de
la Loyds Shipping Index 2(*) , accentue l'hésitation consistant à se
demander si l'assurance maritime sur facultés constitue
réellement une assurance.
Même si elle est une assurance obligatoire, l'assureur a
toujours la possibilité de refuser de contracter et de donner sa
garantie. Il en est ainsi lorsque l'âge du navire dépasse trente
ans, ou lorsque le club de protection n'est pas très connu. Donc la
chance de gain ou de perte devrant caractériser l'opération
d'assurance fait défaut.
Du coté de l'assuré, il n'y a pas de
soucis : tous les dommages subis par la cargaison seront
indemnisés. Cependant la fréquence très
élevée des avaries, lors des expéditions maritimes,
diminue sans aucun doute le caractère aléatoire du contrat.
Donc, c'est toujours pour l'assuré tout sauf une perte.
Quant à l'assureur, de plus en plus, il est devenu un
mandataire chargé d'exercer les recours de l'assuré.
D'après l'art 457 COCC, le contrat de mandat est un contrat par lequel
une personne donne pouvoir à une autre d'accomplir en ses lieu et
place un ou plusieurs actes juridiques. En effet, la chance de perte n'existe
presque pas, sauf dans quelques cas très très rares, notamment
en cas d'avarie totale causée par une force majeure. Non seulement
l'assureur reçoit une prime à la souscription du contrat, mais
aussi, l'indemnité reçue par l'assuré lui sera
remboursée par les tiers responsables.
En d'autres termes, l'assurance maritime constitue presque
toujours un gain pour l'assureur. C'est pourquoi elle est devenue très
sollicitée et « courtisée » par les
compagnies d'assurance. Par exemple, pour transporter 18.000 tonnes de riz de
Thaïlande à Dakar l'assuré payera environ une prime nette de
6.151.950 CFA, représentant 0,2% de la valeur de la marchandise
estimée à 3.075.975.000 CFA. Cette prime représente la
valeur de cent véhicules assurés en RC (responsabilité
civile) pour une année.
Cependant, malgré la lucrativité et le profit
que génère l'assurance maritime, les assureurs s'exposent
à une perpétuelle insécurité juridique,
accentuée par la fuite en avant des rédacteurs du code CIMA. En
effet le code CIMA en a consacré un seul article, et ce dernier a
renvoyé aux législations des pays membres.
Et en cas de fuite de navire, les compagnies d'assurance
n'osent même pas penser engager la responsabilité administrative
des autorités portuaires. Et pourtant, depuis 1970, avec l'arrêt
Mor DIAW3(*) , la Cour
d'Appel de Dakar, interprétant l'article 142 du COA, définit la
faute de service comme un fonctionnement défectueux du service par
rapport son fonctionnement normal, présentant un certain degré de
gravité variable en fonction des activités de l'administration,
et compte tenu des difficultés présentées pour l'exercice
de cette activité et des moyens dont disposerait l'administration pour
éviter le dommage. La jurisprudence actuellement en vigueur a de plus
en plus tendance à déclarer la responsabilité de l'Etat,
du fait de ses services de police 4(*), du fait de ses services publics
hospitaliers5(*) , du fait
d'une détention provisoire irrégulière 6(*).
Par ricochet, la responsabilité du port ne devrait pas
poser de problèmes. Cependant, vu les aléas et les importants
retards et lenteurs judiciaires notés lors des recours et assignations
contre l'Etat, la réaction des assureurs est bien
compréhensibles, hélas.
Le contrat d'assurance étant un contrat international,
les problèmes de lois applicables se posent inévitablement,
raison pour laquelle certains armateurs mal intentionnés se
réfugient sous ces carences légales, et contestent de plus en
plus les décisions rendues par tel ou tel tribunal. Et cette situation
devient de plus en plus inquiétante quand « l'ironie
» d'anti suit injonction commence de plus en plus à
être érigée en coutume loin d'être secundum legem
(conformément à la loi), ou parfois en « principe
général du droit 7(*) », par certains armateurs et leur club de
protection.
Il convient de rappeler cependant deux règles
juridiques classiques disposant d'une part, « c'est en vain que l'on
prouve ce qui n'est pas pertinent » (frusta probatur quod probatum
non relevat) ; et d'autre part, « aux hommes de mauvaise foi,
point d'indulgence » (malitiis non est indulgendum). Contrairement
à l'OHADA, la CIMA n'a pas été en mesure de faire
développer des procédures judiciaires appropriées et de
promouvoir l'arbitrage.
Face à cette situation, une réglementation
légale communautaire de la CIMA ou la signature de conventions ou
d'accords internationaux, réglant de manière claire nette et
définitive cette insécurité juridique, devient alors une
nécessité et une urgence, au grand bonheur des assureurs, qui,
malgré les mauvais préjugés du « bas
peuple », joue un rôle capital et important dans
l'économie.
En effet, la CIMA dans ses objectifs, s'est chargée
d'encourager, en vue d'accroître la rétention au plan national et
régional, la mise en place de facilités permettant aux
organismes d'assurances et/ou de réassurance opérant dans leur
pays d'effectuer des échanges d'affaires par des techniques
adéquates, notamment par la souscription et la gestion des grands
risques dépassant la capacité de conservation d'un marché.
Elle s'est également chargée de mettre en place de nouveaux
instruments financiers pour rentabiliser les placements des compagnies
d'assurances et de réassurance, et autres investisseurs institutionnels,
notamment la création de leurs zones monétaires respectives de
marchés financiers.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGE
- JEAN PIERRE TOSI : Le droit des obligations au
Sénégal ; Librairie générale de droit et de
jurisprudence, nouvelles éditions africaines, 1981.
CONVENTIONS INTERNATIONALES
- Convention de Bruxelles du 10 mai 1952.
- Convention de Hambourg du 31 mars 1978.
CODES
- CIMA
- AU/OS
- AU/VE
- CPC SENEGAL
- COCC SENEGAL
- COA
- Polices françaises d'assurances maritimes sur
facultés : garantie « tous risques » et
garantie « FAP...sauf ».
LOIS NATIONALES
- Loi numéro 83-06 du 28 janvier 1983, portant
création de l'ordre des experts et évaluateurs agrées.
- Loi numéro 83-47 du 18 février 1983, portant
sur l'obligation d'assurances maritimes sur facultés.
DECRETS
- Décret numéro 83-339 du 1avril 1983, portant
application de la loi 83-06 du 28 janvier 1983 instituant l'ordre des
experts.
- Décret numéro 83-1201 du 24 novembre 1983
portant application de la loi 83-47 du 18 février 1983 portant sur
l'obligation d'assurances.
JURISPRUDENCE
- Tribunal régional de Dakar : 8 février
2006, affaire Navire GOTIA à Dakar la 23 août 2003 ; Axa
assurances Sénégal contre Armateur Log Shipping, Club de
protection North of England et I.T.S manutention.
- Tribunal régional de Dakar : 7 septembre 2004,
affaire Navire GRACIA à Dakar le 28 mai 2004 ; Axa assurances
Sénégal contre Armateur GRACIA Navigation LTD
représenté à Dakar par la société I.T.S
consignataire du navire, la société Ingosstrakh assureur du
navire GRACIA, la société Geodis overseas manutentionnaire.
- Ordonnance numéro 809/2004, rendue le 8 juin 2004 par
Monsieur Demba KANDJI, Président du Tribunal régional Hors Classe
de Dakar.
- Cour d'appel de Dakar : 9 avril 1989 ; Etat du
Sénégal contre Cheikh Mouhamed Fadel Kane et autres.
- Cour suprême : 2 décembre 1987 ;
Seybatou Ndiour contre Etat du Sénégal.
- Cour d'appel de Dakar : 27 juillet 1984 ;
Demoiselle Diop contre Etat du Sénégal.
- Cour d'appel de Dakar : 13 février 1973 ;
Samba Kâ contre Etat du Sénégal.
- Cour d'appel de Dakar : 9 janvier 1970 ; Mor Diaw
contre Etat du Sénégal.
- Tribunal régional de Dakar : 26 août
1961 ; Kâ Mamadou Fall contre Mairie de Rufisque.
POLYCOPE
Pr. Ndiaw Diouf : cours de voies d'exécution.
LETTRE DE GARANTIE
Numéro 366 délivrée par TCI AFRICA,
d'ordre et pour le compte de The London Steamship Owners Mutual Insurance
Association (P&I du navire M/V Lovestar à Dakar le 02-12-2006), en
faveur de Amadou Lô et Tiger Denrées Sénégal et/ou
de leurs assureurs subrogés Axa assurances Sénégal.
ANNEXES
* 1 Ancienne ville de la
Mésopotamie, sur l'Euphrate, à 160 km au sud est de Bagdad. Cette
ville existait dès le 23e siècle avant J.C. Elle
passa ensuite sous la domination des Amorrites (19e siècle
avant J.C) pour devenir la capitale de leur sixième roi, Hammourabi.
* 2 Hammourabi :
sixième roi de Babylone
* 3 Ile grecque de la mer
Egée ;1.404 km2 ; elle est fondée en 408 avant J.C.
Puissante cité maritime de l'antiquité, l'île fut, à
partir de 1309, gouvernée par les chevaliers de Rhodes, puis devient
turque (1523-1912).
* 4 Elle a été
instaurée par un traité instituant une organisation
intégrée de l'industrie des assurances dans les Etats africains.
Elle a été signée le 10 juillet 1992 à
Yaoundé par les gouvernements des Etats membres
* 5 Type de garantie qui
couvrent les pertes et dommages subis, suite à :
- des événements au navire entraînant des
dommages à la marchandise : naufrage, chavirement,
échouement, abordage, heurt contre un corps fixe mobile ou flottant,
incendie, explosion, voie d'eau.
- des événements naturels : raz de
marée, foudres, cyclones, trouble, avalanches, inondation,
éruption volcanique, éboulement.
- Des événements non spécifiquement
maritimes : chute d'aéronef, chute du colis lors des
opérations de chargement de transbornement et de déchargement,
déraillement, heurt, renversement, chute du véhicule terrestre de
transport, écroulement de pont, de tunnel, rupture de digue, chute
d'arbre, éboulement
* 6 Par e-mails entre les
intéressés. En cas de contestations, ils peuvent servir de
commencement de preuve
* 7 Tribunal arbitral de Londres
dont certains armateurs et leurs clubs de protection estiment qu'il est seul
compétent pour connaître des litiges relatifs à la saisie
des navires.
* 1 Du fait de l'urgence, les
assureurs quantifient les dommages avec le pré-rapport de l'expert, en
attendant la confection du rapport
* 2 Celui qui réclame
l'exécution d'une obligation doit en prouver l'existence. Celui qui se
prétend libérer doit prouver que l'obligation est inexistante et
éteinte. (Article 9 du cocc). Autrement dit, la charge de la preuve
incombe au demandeur. Toutefois, le défendeur devient demandeur chaque
fois qu'il invoque une exception. Ceci se traduit en ces termes latins :
actori incumbit probatio ;reus in excipiendo fit actor.
* 3 Intermédiaire qui
accomplit les opérations juridiques et matérielles,
nécessitées par le passage des marchandises en transit
* 4 Pour les avaries sur le
riz, par exemple, une petite quantité servant d'échantillon est
livrée au laboratoire de l'Ecole Supérieure Polytechnique ou
à l'Institut Pasteur, qui par leurs connaissances techniques en la
matière, fixeront un taux permettant d'apprécier la valeur de la
marchandise après avarie.
* 5 Tribunal Régional de
Dakar 07-09-2004: Affaire Navire Gracia à Dakar le
28-05-2004 ; AXA ASSURANCES SENEGAL contre Armateur Gracia Navigation.
* 6 Tribunal Régional de
Dakar 08-02-2006 : Affaire Navire Gothia à Dakar le
23-08-2003 ; AXA ASSURANCES SENEGAL contre Armateur Log Shipping ;
Club de protection North of England et ITS manutention
* 7 Ordonnance numéro
809/2004, rendue le 08-06-2004 par Monsieur Demba KANDJI, Président du
Tribunal Régional Hors Classe de Dakar (Affaire AXA ASSURANCES SENEGAL
contre navire Gracia à Dakar le 28-05-2004)
* 8 Tribunal de Dakar :
26 août 1961 ; Ka Samba Fall contre Mairie de Rufisque
* 9 Cour d'Appel de
Dakar : 13 février 1973 ; Samba Ka
* 1 Pavillon, type, longueur,
largeur, profondeur, coque, jauge brute, jauge nette, date et lieu de
construction, numéros d'immatriculation.
* 2 Article 373 du code
pénal sénégalais dispose « seront puni d'une
peine d'un an à cinq ans d'emprisonnement, le saisi qui aura
détruit, détourné, ou tenté de détruire ou
de détourné des objets saisis sur lui et confiés à
sa garde ou à celle d'un tiers.
* 3 Il y a un régime
d'autonomie qui se traduit par un partage de compétences entre l'Etat,
les décideurs économiques, et les représentants des
collectivités locales, et ce, à travers une structure
administrative placée sous la tutelle de l'Etat. L'autorité
gestionnaire du port exploite le domaine qui leur a été
transféré en jouissance, et assure, sous leur
responsabilité la police des ports maritimes.
* 4 Communauté
financière d'Afrique. Cette monnaie a été instaurée
avant les indépendances dans la majeure
* 5 Associations mutuelles de
protection et d'indemnité. Ils trouvent leur origine en Angleterre.
C'est au milieu du 19e siècle que les précurseurs des
clubs modernes s'étaient fondés strictement pour l'assurance
corps et machines : c'était les « Total Lost
Club »
* 1 Matière
juridique ayant deux missions :
- l'étude de la science du droit positif. Ceci se base
sur la systématisation, la qualification, l'herméneutique ou
l'interprétation du droit,
- l'étude de la science de la législation, qui
est la science du droit qui existe déjà : la
légistique. Elle requiert une bonne maîtrise des techniques de
conception, d'élaboration et de rédaction des textes.
* 2 La bible quotidienne de
la fraternité de la marine marchande du monde entier : c'est la
Lloyds List, publiée du lundi au samedi, et contenant des
éditoriaux, des articles de fonds et des nouvelles sur un seul sujet,la
navigation maritime.
Son compagnon d'écurie le Lloyds Shipping Index,
énumère les mouvements de trente mille vaisseaux marchands en
activité dans le monde : nom du bâtiment,
propriétaire, pavillon, année de construction, tonnage, dernier
passage signalé, et destination. Ces deux organes sont publiés
dans le complexe de la Lloyds, Sheepen Place, à Colchester en Grande
Bretagne.
* 3 Cour d'Appel de
Dakar : 9 janvier 1970 ; Mor DIAW
* 4 Cour d'Appel de
Dakar : 9 avril 1989 ; Etat du Sénégal contre Cheikh
Mouhamed Fadel Kane et autres.
* 5 Cour d'Appel de
Dakar : 27 juillet 1984 ; Demoiselle Diop contre Etat du
Sénégal.
* 6 Cour
Suprême : 2 décembre 1987 ; Seybatou Ndiour contre Etat
du Sénégal.
* 7 Ce sont des principes
non écrits qui sont généralement posés par le juge.
En matière administrative, il s'impose en l'absence de toutes
dispositions législatives.
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