I.2.
Les objectifs
La présente étude s'attellera principalement
à évaluer l'accès à l'eau potable à
Yamtenga. Spécifiquement, nous nous attacherons à :
§ Décrire et analyser l'accessibilité et
l'accès à l'eau potable
§ Elaborer des indicateurs de risques pour les maladies
diarrhéiques.
Nous avons été éclairé dans le
choix de nos objectifs par la littérature existante.
I.3. La
revue de littérature
Les études sur l'accès à l'eau potable ne
sont pas récentes au Burkina Faso. Jusqu'alors plutôt
orientées vers le milieu rural où la situation semblait plus
préoccupante, les recherches de ces dernières années
s'intéressent de plus en plus au milieu urbain du fait de la croissance
démographique et spatiale des villes et des problèmes
d'équipement qui en découlent. L'exploitation de ces travaux
s'est avérée la technique la plus adéquate pour cerner les
aspects relatifs à notre problématique de recherche.
A l'échelle du
monde
De nombreuses publications sont disponibles sur ce sujet. La
synthèse de la table ronde sur l'eau et la santé dans les
quartiers urbains défavorisés organisée par la
Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le
Développement (CONED) et le Programme « solidaire
eau » (PSEAU) à Sophia Antipolis du 21 au 23 février
1994, retient deux constats (CONED/PSEAU, 1994). D'une part, l'étalement
des villes expose les populations à de graves dangers liés
à la dégradation de l'environnement sous le regard inconscient
des autorités. D'autre part, les conditions de vie précaires dans
les zones irrégulières sont fatales à la vie, à la
santé, aux valeurs sociales et morales de plusieurs centaines de
millions de personnes dans le monde.
Cette synthèse estime que 80% des maladies et plus d'un
tiers des décès dans les pays en développement sont dus
à la consommation d'eau de mauvaise qualité. Le rapport montre
que les efforts conjugués de la communauté internationale au sein
de la DIEPA qui s'est achevée en 1990, a permis une amélioration
très significative de l'accès à l'eau potable en milieu
rural mais qu'en revanche, la situation dans les zones
périphériques des villes demeure préoccupante. Ce sont
d'ailleurs ces zones qui sont les plus exposées et les plus
vulnérables aux risques sanitaires en raison de leur pauvreté.
Ces résultats sont confirmés par les
études du « India Institute of Medical Sciences »
réalisées en 1996 qui révèlent qu'en moyenne, les
enfants de moins de cinq ans ont jusqu'à trois épisodes de
diarrhées par an, tandis que ceux qui vivent dans les zones
irrégulières urbaines en ont jusqu'à huit (BHAN M.K.,
2000). Posant toujours la question de la disponibilité de l'eau, GORTER
A.C. et al. (1991) soulignent à travers des études
réalisées au Nicaragua que les enfants qui habitent dans des
maisons où la disponibilité en eau est faible ont eu un taux plus
élevé de 34% de diarrhée par rapport à ceux
bénéficiant d'un meilleur approvisionnement.
A l'échelle des
villes africaines
Dans son ouvrage « La santé dans la ville,
géographie d'un petit espace dense : Pikine
(Sénégal) », SALEM G. (1998) procède à
une caractérisation de l'espace urbain. La santé y apparaît
comme un puissant révélateur des inégalités intra
urbaines. Considérant l'espace comme un distributeur de facteurs de
risques, l'auteur montre que l'inégal équipement des villes
africaines, et particulièrement de Pikine, expose plus les populations
des zones irrégulières à ces facteurs. Il retient le
faible niveau d'accès à l'eau potable comme un facteur de risque
sanitaire, notamment diarrhéique, très important. Toujours
à Dakar, LAYOUSSE T. (1983) dans sa thèse de doctorat en
pharmacie sur « L'alimentation en eau potable d'une grande ville
ouest africaine » estime que la consommation d'eau à Dakar est
satisfaisante, aussi bien quantitativement que qualitativement. L'auteur
évoque cependant avec insistance les difficultés croissantes
d'alimentation en eau potable et la nécessité de prévoir
d'autres sources de captage au regard du rythme actuel de consommation. La
question de la qualité de l'eau ressort aussi dans l'oeuvre de ADELINE
T. (1997), à travers des analyses chimiques et bactériologiques
effectuées sur les eaux souterraines en milieu périurbain au
Cameroun. L'auteur a établi un lien entre la qualité de l'eau, le
type d'adduction et le type d'aménagement avant de conclure que les
populations qui ont recours aux forages consomment de l'eau très souvent
fortement polluée. Dans sa thèse de géographie de la
santé intitulée « Environnement urbain et
santé : la morbidité diarrhéique des enfants de moins
de cinq ans à Yaoundé au Cameroun », BANZA NSUNGU A.
(2004) révèle que le niveau d'accès à l'eau potable
est plus préoccupant dans les zones d'habitat spontané que dans
les zones d'habitat planifié. L'auteur note que les risques sanitaires,
notamment diarrhéiques, sont liés aux niveaux de consommation et
à la qualité de l'eau.
REMIS-THOMAS N. (1995), en abordant la question de la
croissance urbaine à Bamako (Mali) et des modifications de
l'environnement qui en résultent, révèle que les quartiers
irréguliers sont très mal ou pas du tout approvisionnés en
eau potable et subissent de ce fait « un calvaire quotidiennement
renouvelé ». Il estime néanmoins que les
difficultés d'approvisionnement de ces zones reposent surtout sur leur
configuration générale discontinue, très
étalées et formées de nombreux espaces inoccupés
(bas-fonds, terrains vagues, etc.).
A l'échelle du
Burkina Faso
- En milieu semi urbain ou
rural
DIOMA K. (1990) s'est
intéressé à l'analyse des aspects sanitaires liés
à l'approvisionnement en eau en milieu semi urbain (Boromo). Il
relève que la consommation d'eau issue du réseau de l'Office
National de l'Eau et de l'Assainissement (ONEA) est faible et que cette
situation est imputable à des contraintes économiques (coût
du service) mais aussi au nombre élevé de puits privés que
les populations préfèrent utiliser. Or, en zone urbaine, l'eau
des puits traditionnels est généralement impropre à la
consommation (présence de coliformes en quantités
supérieures aux normes préconisées par l'Organisation
Mondiale de la Santé (OMS)). Il souligne que l'eau potable perd de sa
qualité au cours de son circuit dans le réseau, au cours du
transport après sa collecte et pendant son stockage ce qui a pour
conséquence, l'émergence de maladies hydriques, notamment
diarrhéiques. En se penchant aussi sur la qualité de l'eau en
milieu rural, GUILLEMIN F. (1984) a montré à travers des analyses
sur 918 points d'eau au Burkina Faso, que les forages, sources supposées
potables, sont bien souvent polluées. Il constate par ailleurs que les
points d'eau traditionnels sont les plus pollués et que cette pollution
est imputable à des facteurs physiques (structure géologique et
topographique), techniques (absence de margelle et parois non
aménagées) et humaines (comportements et mentalités).
- En milieu péri urbain
OUEDRAOGO M. (1993) qui a
travaillé en milieu périurbain de Ouagadougou, à
Kamboinsé, a évalué le degré de
responsabilité de l'eau dans l'émergence ou la persistance de
certaines maladies. Abordant essentiellement la question de la qualité
de l'eau, il souligne que seulement 6% des points d'eau
échantillonnés peuvent être considérés comme
potables si l'on se réfère aux normes de l'OMS en matière
d'eau de boisson
- En milieu urbain
BRICOUT F. (1988) s'est
intéressée à l'accès à l'eau potable dans
les villes africaines occidentales en comparant les problèmes de
mobilisation et d'adduction que connaissent Ouagadougou et Abidjan. Cette
étude met à nu les difficultés auxquelles faisaient
déjà face il y a près de 20 ans, les responsables du
secteur pour assurer une desserte adéquate en eau. L'auteur souligne que
la pauvreté est l'un des principaux facteurs limitant l'accès
décent aux services d'approvisionnement en eau potable car elle oblige
les populations à payer le strict minimum d'eau potable ou à se
rabattre sur les points d'eau gratuits comme les puits.
Plus récemment, dans sa thèse de doctorat
intitulée « Koom la viim : enjeux socio sanitaires de
la quête de l'eau à Ouagadougou (Burkina Faso) », DOS
SANTOS S. (2005) procède à une analyse du fort taux
d'accès à l'eau potable observé à Ouagadougou (97%)
et montre que ce taux cache de nombreuses disparités en terme de
quantité d'eau consommée par les ménages. Par ailleurs,
elle aborde les enjeux sanitaires liés à la faiblesse
généralisée des volumes d'eau consommés par
personne et par jour. Selon ses résultats, le fait de disposer de
faibles volumes d'eau ne facilite pas l'adoption de mesures d'hygiène
adéquates. Cette situation rend du même coup les ménages
qui n'ont pas accès à l'eau potable plus vulnérables aux
maladies liées au péril fécal, notamment les
diarrhées.
De tout ce qui précède, on constate que peu
d'études ont été menées récemment dans la
ville de Ouagadougou sur l'eau et la santé. Les études qui
existent ont été entreprises le plus souvent au lendemain de la
décennie internationale de l'eau et de l'assainissement,
c'est-à-dire dans les années 1990. Par ailleurs, elles abordent
le problème de l'eau sous l'angle de la potabilité plutôt
qu'en terme d'inégalités sociales ou spatiales qui sont fortement
associées aux processus d'urbanisation. En s'intéressant aux
inégalités sociales et spatiales de l'accès à l'eau
potable et à leurs conséquences sanitaires dans les zones
irrégulières de Ouagadougou, notre problématique de
recherche montre ainsi son originalité.
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