1.1- Généralités
La forêt tropicale de l'Afrique Centrale est la plus
large dans le monde après l'Amazonie. Elle couvre une superficie de 280
millions d'hectares (Talbott, 1993; FAO, 1995). Dans cette région, la
zone de forêt humide du Cameroun renferme les écosystèmes
les plus variés d'Afrique et couvre d'après Ruiz-Perez et
al. (1999) une surface de 26 millions d'hectares. Cette forêt
fournit entre autres de grandes quantités de Produits Forestiers
Non-Ligneux (PFNL) aux populations locales. Longtemps marginalisés au
profit du bois d'oeuvre, les PFNL font l'objet d'une attention
particulière en raison de leur contribution à la vie de
nombreuses populations des pays en voie de développement (Marshall
et al., 2003).
De manière générale, la commercialisation
des PFNL est largement encouragée comme une approche du
développement rural. Des recherches récentes ont indiqué
que cette activité a connu peu de succès dans le but de
réduire la pauvreté et de fournir des bénéfices
à la conservation de la biodiversité (Marshall et al.,
2003). L'exploitation et la vente des PFNL concernent beaucoup plus la section
pauvre de la communauté. Selon Neumann et Hirsch (2000), ces
activités ne fournissent pas des méthodes d'avancement
socio-économique. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté,
en reprenant Zeh Ondo (1998), le développement de l'exploitation
commerciale des PFNL est considéré par un certain nombre de
chercheurs aussi bien comme moyen pour améliorer les conditions de vie
des populations rurales que comme une approche appropriée pour la
conservation des forêts.
La contribution des PFNL dans la vie de nombreuses populations
des pays en développement est reconnue (Marshall et al., 2003).
En effet, ils sont utilisés par les populations comme source
d'aliments, de condiments, de remèdes et de matières
premières pour plusieurs usages. C'est ainsi que plusieurs
études ont été faites sur les PFNL d'intérêt
alimentaire et sur leur contribution au développement économique
des populations. Parmi ces PFNL, il y a l'Irvingia sur lequel de
nombreuses études ont été faites depuis les
dernières décennies. Ayuk et al. (1999) ont noté
que Irvingia gabonensis est l'une des espèces les plus
préférées par les ruraux dans la zone de forêt
humide du Cameroun. Des études ont été faites sur la
commercialisation de ce produit telles que celles de Ndoye (1995) dans les
marchés de la zone forestière humide (ZFH) du Cameroun. De
même, Tabuna (2000) a évalué les échanges de ce
produit entre l'Afrique subsaharienne et l'Europe. Les amandes de cette
espèce figurent de manière prédominante dans les
échanges nationaux et internationaux. Si des études
relèvent qu'il existe des données empiriques sur le volume des
amandes commercialisées à ces niveaux, elles ne fournissent
aucune donnée sur le système de commercialisation au niveau des
paysans.
Cette étude tire son fondement des activités du
projet « Farmer Enterprise Development » (FED), projet
conduit par le département de marketing de l'ICRAF station des Tropiques
Humides d'Afrique. Les travaux de ce département sont orientés
vers le développement des stratégies de domestication et de
commercialisation des PFNL appropriées pour les paysans. Ce
département s'occupe de la sélection et de l'identification des
espèces prioritaires à domestiquer et permet de déterminer
si l'un des objectifs de la domestication est atteint. Il peut s'agir de
l'objectif de réduction de la pauvreté.
1.2- Problématique
L'exploitation industrielle de la forêt par des
sociétés forestières a été longtemps
perçue comme la principale et unique activité
génératrice de revenus. A ce titre, le bois d'oeuvre
était considéré comme la seule ressource forestière
ayant une valeur monétaire. Les PFNL pour la plupart n'étaient
exploités par les ménages qu'à des fins de consommation.
Mais depuis quelques années, on note une évolution en
matière de commerce de ces produits.
Parmi les activités relatives aux PFNL d'importance
économique, Lapuyade (2000) relève que la collecte des mangues
sauvages est l'activité la plus rentable. Le fruit sucré de
I. gabonensis est consommé cru par les populations
(Chabot, 1997). Les amandes de Irvingia contribuent significativement
à l'alimentation des populations pour la préparation des sauces.
Elles remplacent valablement les arachides dans les sauces et jouent de ce fait
un rôle majeur dans la sécurité alimentaire. Les amandes
d'Irvingia spp jouent également un rôle important dans la
création d'emplois et de revenus pour les paysans et les vendeurs.
D'après le CIFOR (1996), 140 tonnes d'amandes ont été
commercialisées dans la région de forêt humide du Cameroun
de Janvier à Juillet 1995. Les marges bénéficiaires des
vendeurs sont très importantes dans certains marchés (Ndoye et
Ruiz-Perez, 1997).
Malgré l'intensification du commerce national et
international des amandes d'Irvingia, le système de
commercialisation au niveau local est peu connu. Peu ou presque pas
d'informations existent au niveau des paysans qui sont pourtant à la
base du circuit de commercialisation. Par ailleurs, Betti et Nzooh (1998) ont
noté que les prix sont modiques et fluctuants. Djomo en 2001 dans une
étude sur la nécessité d'introduire les produits
forestiers non-ligneux (PFNL) dans l'élaboration des normes et
méthodes d'inventaires et directives d'aménagement, a noté
l'urgence du regroupement des paysans au niveau local pour limiter le bradage
de leurs produits aux premiers intermédiaires qui se présentent.
Ce manque d'organisation ramène les paysans à la position
`'d'accepteurs de prix'' des commerçants nonobstant la position
stratégique de zone entre les grands marchés. Il s'agit des
marchés nationaux de Yaoundé, Ebolowa et transfrontaliers :
Abang Minko entre le Cameroun et le Gabon et Kyé-Ossi entre le Cameroun
et la Guinée Equatoriale.
En ce qui nous concerne et au regard de cette situation de
référence de la commercialisation des amandes d'Irvingia
spp (et des PFNL en général) dans la zone de forêt
humide du Cameroun, il s'agit de trouver des éléments de
réponses à un certain nombre de questions à
savoir :
- Quels sont les acteurs engagés dans
le circuit de commercialisation?
- Quelle est l'offre de la zone pour satisfaire les
marchés?
- Quelles sont les difficultés du système de
marketing actuel des amandes de mangues sauvages?
- Quelle est la rentabilité de l'activité?
- Quelles sont les stratégies à mettre en oeuvre
pour améliorer ou rehausser la situation actuelle en matière
d'organisation des paysans, des vendeurs et de stratégies de
commercialisation?
Les résultats obtenus contribueront à
l`amélioration du système de commercialisation des amandes
d'Irvingia spp. Ils pourront servir de modèle pour
l'amélioration des systèmes de marketing d'autres PFNL.
1.3- Objectifs de l'étude
L'objectif principal de cette étude est de
décrire et d'évaluer le système de commercialisation des
amandes de mangues sauvages en cours à Ngoulemakong afin de
déceler les imperfections dans l'organisation de la filière (de
la récolte à la consommation) et proposer des
éléments de solutions pour une organisation des acteurs
engagés.
Spécifiquement, cette étude porte sur la
commercialisation des amandes de mangues sauvages dans la zone de Ngoulemakong
et environs et vise à :
- Identifier les différents acteurs engagés dans
la filière de commercialisation;
- Estimer le volume de production annuelle;
- Identifier les différents marchés de
commercialisation et les contraintes du système;
- Evaluer la performance du système de
commercialisation de Irvingia spp et sa contribution dans le revenu
des paysans ;
- Proposer des modèles d'organisation des paysans et
des commerçants ainsi que des stratégies commerciales de vente
pour ces derniers.
1.4- Hypothèses de recherche
Dans cette étude, nous sommes appelés à
vérifier les hypothèses suivantes au regard du contexte du
problème et des objectifs de l'étude.
- Les paysans ne seraient pas organisés pour faire face
aux difficultés rencontrées dans la commercialisation de leurs
amandes
- L'information du marché circulerait de manière
asymétrique dans le sens où les commerçants semblent plus
informés sur le marché que les paysans.
- Les commerçants feraient face à un coût
de transport très élevé dans le système de
commercialisation en cours.
1.5- Importance de l'étude
Au niveau théorique, les résultats de cette
étude viendront compléter l'état actuel des connaissances
sur la commercialisation des produits forestiers non ligneux,
particulièrement les mangues sauvages dans la zone de forêt humide
du Sud- Cameroun.
Au niveau pratique, cette étude sera importante
à plusieurs niveaux aux différents intervenants dans ce
domaine.
- Pour les paysans
L'étude clarifiera la situation en cours de la
commercialisation des amandes de mangues sauvages. Elle
présentera des propositions d'organisation et des stratégies
commerciales qui permettront à ces derniers de tirer un revenu
considérable de l'activité.
- Pour les commerçants
L'étude fera un état de lieu des différents
circuits de commercialisation, les périodes d'abondance ainsi que les
potentiels marchés de vente.
- Pour l'ICRAF et autres instituts et centres de
recherche
Cette étude fera un état des lieux de la
commercialisation des amandes de mangues sauvages en cours dans la zone de
Ngoulemakong. Les résultats permettront à l'ICRAF de conduire
les activités du projet FED dans la zone et à terme de
développer un manuel de domestication et de vulgarisation des arbres
fruitiers locaux incluant les techniques de commercialisation.
L'étude aidera ces organismes dans leurs missions de
développement dans l'orientation ou la redéfinition de leurs
stratégies et interventions sur l'organisation des acteurs du
système de commercialisation et sur le renforcement des capacités
des ruraux.
- Pour les décideurs
L'étude sera une aide à la décision pour
des stratégies visant à développer les activités de
collecte et de vente des PFNL et dans l'orientation des stratégies de
réduction de la pauvreté en milieu rural.
1.6- Organisation de l'étude
Ce mémoire comporte cinq chapitres. Le premier
chapitre présente le contexte, la problématique, les objectifs,
les hypothèses et l'importance de l'étude. Le deuxième
chapitre fournit le cadre théorique sur lequel repose l'étude et
une revue de la littérature sur ce qui a déjà
été fait sur les principaux concepts de l'étude. Le
troisième chapitre montre le cadre de l'étude et la
méthodologie utilisée. Le quatrième chapitre
présente les résultats. Enfin, le cinquième chapitre
expose la conclusion et les propositions d'amélioration du circuit de
commercialisation en place.
CHAPITRE II
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