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L'effectivité des droits politiques de la femme sous la Ve République au Niger

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par Hassane Hamadou Namary
Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3e cycle en Droits Fondamentaux 2006
  

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CONCLUSION

De son accession à la souveraineté internationale (en 1960) à nos jours, la République du Niger a adhéré ou ratifié la plupart des conventions internationales affirmant les droits de l'homme y compris les droits politiques de la femme. Si, en raison de la nature moins démocratique des tous premiers régimes politiques, les droits politiques n'ont pas bénéficié de conditions favorables à leur exercice, avec l'éveil du mouvement féministe international et l'avènement de la démocratie pluraliste au Niger, le débat sur les droits de la femme et sa place dans la vie publique prend forme et vitalité.

Capitalisant les acquis des conventions internationales, la constitution de la Ve République consacre l'égalité entre les hommes et les femmes dans la jouissance de leurs droits sur tous les plans. Sur la plan législatif, la Ve République va reconnaître et poser très clairement la nécessité d'assurer une plus grande équité dans la représentation des genres aux haute fonctions de l'Etat. Pour améliorer l'équité entre les genres la loi n° 2000-008 du 07 juin 2000 plus connue sous l'appellation de « Loi sur le quota », fixe pour certaines fonctions publiques, un minimum de représentation exigé pour l'un ou l'autre des sexes.

Le caractère démocratique de la Ve République et la stabilité institutionnelle (au moins du point de vue de la durée) qui la caractérise ont favorisé l'émergence et le dynamisme d'une société civile dont une importante partie se consacre à la promotion de la femme.

Ce cadre juridique et institutionnel a permis d'améliorer de manière sensible la représentation politique des nigériennes et leur engagement dans les associations et les organisations politiques. Sur ce plan la Ve république a fait assurément mieux que ses devancières.

Toutefois ce jugement peut-être nuancée lorsqu'on aborde la question en termes de possibilité offerte aux femmes de jouir de l'ensemble de leurs droits en tant qu'être humain, indépendamment de l'histoire politique du Niger. Aujourd'hui encore , l'on est loin de réaliser la participation équitable des hommes et des femmes à la prise de décision. Plusieurs facteurs concourent à cela.

A côté d'un droit égalitaire consacré par les conventions internationales et la Constitution nigérienne, évoluent des normes modernes et coutumières discriminatoires à l'égard des femmes. Cela révèle le poids des traditions et des pratiques sociales solidement ancrées dans les mentalités et qu'aucun régime n'a encore osé réformer profondément. Les réserves formulées par la République du Niger à la Convention sur l'Elimination de toutes les

formes de Discrimination à l'Egard des Femmes (CEDEF) en sont la plus parfaite illustration. A l'article 5 de la CEDEF par exemple, qui rend hors la loi les idées fondées sur l'infériorité ou la supériorité d'un sexe, « le gouvernement de la République du Niger émet des réserves en ce qui concerne la modification des schémas et modèles de comportement socioculturels de l'homme et de la femme »82. Or comme nous l'avons vu plus haut, une pratique comme la claustration des femmes mariées les prive de la possibilité d'exercer une activité ou d'occuper une responsabilité en dehors du foyer. Cette pratique empêche même à une femme d'aller voter sans l'autorisation de son mari.

L'analphabétisme et la pauvreté généralisés dans le pays sont aussi des handicaps à la participation politique des femmes, car celles-ci sont plus frappées par ces deux phénomènes que les hommes. L'inégalité dans l'accès à l'éducation et à l'alphabétisation et le manque d'égalité des chances dans l'accès et le contrôle des sources de revenus (emploi, moyens de production, etc.) dans la société contribuent lourdement à la marginalisation des femmes et leur empêchent de jouir de certains de leurs droits.

Par ailleurs, en dépit d'un contexte démocratique plus favorable et de l'émergence d'une société civile à laquelle prennent activement part les femmes, les mécanismes de garantie des droits politiques de la femme restent perfectibles. D'une part certains mécanismes de garantie politique ne sont pas toujours opérationnels et d'autre part les garanties juridictionnelles se révèlent souvent difficiles à mettre en oeuvre. La loi sur le quota par exemple prévoit un recours contentieux contre les décisions de nomination au Gouvernement qui n'assureraient pas le quota de 25 % de représentation de l'un ou l'autre des sexes. Mais cette garantie n'est en réalité qu'une fausse sécurité car difficile à mettre en oeuvre sur un plan pratique et techniquement inopérante. En effet, en plus de la difficulté de savoir qui a intérêt à attaquer une décision de nomination, il se pose un problème de savoir si la juridiction administrative peut connaître des actes relatifs à la nomination des membres du gouvernement considérés par une partie de la doctrine comme des actes de gouvernement donc, insusceptibles de recours contentieux. L'absence au Niger d'une jurisprudence établie en la matière rend le problème entier. Le résultat est que le quota n'est pas encore réalisé au niveau des mesures de nomination.

Au delà des difficultés techniques, l'on peut se poser la question de la volonté politique de faire changer plus profondément le statu quo qui est du reste largement défavorable aux femmes. En dépit des discours et des promesses, les partis politiques,

82 JORN, n° 19 du 1er octobre 1999, p 845

l'administration et les institutions de la République sont très largement dominés par les hommes. En dehors de l'Assemblée nationale et des conseils municipaux où le quota légal est assuré, la représentation des femmes aux emplois supérieurs de l'Etat et dans les institutions de la République (ces institutions sont hors quota) est largement en deçà du minimum fixé par la loi. Les nominations de cadres supérieurs pris en conseil de Ministres, violent régulièrement le principe du quota. Par ailleurs il n'y a pas une stratégie claire de discrimination positive dans la vie publique et les instances de prise de décision de manière à améliorer la participation politique de la femme.

Par ailleurs, l'absence d'un cadre de concertation sur les droits de la femme au sein de la société civile ne permet pas à cette dernière d'opérer en synergie et de jouer un rôle majeur d'influence sur les décisions et les politiques du Gouvernement.

La participation équitable des genres n'est pas et ne peut être un discours. C'est « une exigence en termes de droits de l'homme et de justice sociale, en termes de contribution au développement à visage humain, ainsi qu'à la paix et à la résolution pacifique des conflits. »83

En définitive, les acquis du point de vue du cadre juridique doivent être sauvegardés et d'importants efforts restent à faire pour réformer les normes et usages internes discriminatoires. Plus de six (6) ans après l'adoption de la loi sur le quota qui est déjà un bon début dans la recherche de l'équité des genres dans la jouissance des privilèges et libertés, il est temps de réviser ce texte pour tendre vers une meilleure représentation des femmes et une participation plus équitable dans la vie publique et dans la prise de décision.

Les droits fondamentaux, dont font partie les droits politiques, sont des droits inhérents à la personne humaine indépendamment de toute considération de sexe. L'égalité de tous les citoyens dans la jouissance de leur droits politiques est à la fois une exigence de développement et un facteur de paix sociale. Le Niger ne peut espérer raisonnablement atteindre le progrès en maintenant plus de la moitié de sa population à l'écart de la conduite des affaires publiques et des processus politiques.

Il faut bien convenir avec M. Koffi Annan, Secrétaire Général de l'Organisation des Nations Unies, que « l'inégalité dont souffrent les femmes et les violations de leurs droits fondamentaux demeurent des obstacles majeurs au développement, à la démocratie et à la paix » 84.

83 Ould Daddah Turkia, « Exposé introductif », La place de la femme dans la vie publique et dans la prise de décision, Paris, L'Harmattan, 1997, p 7

84 Annan, A. Koffi, Rapport annuel du Secrétaire Général de l'ONU sur les activités de l'organisation, New York, Nations Unies, 1998, p 32

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand