Enfin, on peut soulever des difficultés
liées aux données statistiques comme dans tout travail
économique. 4.3 Modélisation de l'offre
Afin de spécifier la forme de l'équation de
l'offre de nuitées hôtelières, il est nécessaire de
justifier les hypothèses choisies. En effet, celles-ci
détermineront dans quelle mesure la défiscalisation et la baisse
du coût du capital qu'elle engendre est répercutée sur le
prix à la consommation ou dans les marges des offreurs.
4.3.1 Hypothèses retenues concernant le
marché hôtelier
L'hypothèse centrale de notre modèle repose sur
la supposition suivante: le marché polynésien de
l'hôtellerie est concurrentiel à long terme. Cette
hypothèse est primordiale pour notre effort de modélisation dans
la mesure où elle permet de connaitre les mécanismes de
transmission de la baisse des coûts sur les prix mais aussi de
définir la forme de la courbe d'offre.
L'hypothèse de marché concurrentiel peut tout
d'abord être justifiée par la libre entrée /sortie dont est
caractérisé le secteur. En effet, nous supposerons qu'il n'y a ni
coût d'entrée ou de sortie, ni barrière à
l'entrée. Ainsi, l'existence d'un profit positif attire de nouveaux
offreurs jusqu'à ce que le profit soit nul à long terme. Or si
à long terme le profit est nul alors il y a égalisation du
Coût moyen et de la recette moyenne.
11 = Px * Qté - C * Qté = Qté *(Px - C) = RM
- CM Or 11=0, d'où à long terme RM = CM 19.
L'hypothèse de marché concurrentiel peut tout aussi être
justifiée
par la présence d'une tripl e concurrence. En effet,
les hôtels polynésiens sont soumis à la fois à la
concurrence des autres destinations proposant le même type de bien
(hôtel de luxe sur pilotisÉ) comme les Maldives ou les Seychelles,
mais aussi à une concurrence inter et intra iles. Si les hôtels
d'une marque concurrencent ceux d'une autre sur une même ile, la
compétition reste rude au sein même de la marque entre les
différentes iles. C'est pourquoi les professionnels de
l'hôtellerie parlent d'une triple concurrence. Cette triple pression et
le nombre d'offreur (51) nous amènent à supposer que le pouvoir
de fixation des prix des offreurs est relativement faible. Le principe
d'atomicité semble donc être respecté puisqu'aucun
hôtel ne semble avoir un pouvoir de marché tel qu'il puisse
influencer la formation des prix d'équilibre de long terme.
A cette caractéristique organisationnelle du
marché s'ajoute la question de l'élasticité de l'offre. En
effet, celle- ci doit pouvoir s'ajuster aux variations à la hausse de la
demande pour éviter toute tension sur le marché et donc toute
hausse des prix. Or, compte tenu des coefficients de remplissage (en moyenne de
60% selon le rapport 2008 de l'IEOM), les tensions sur le capital physique
apparaissent comme très faibles. Enfin, le secteur hôtelier est
fortement travaillistique (l'hôtellerie est un service). La main-d'oeuvre
étant abondante, il ne semble pas y avoir de problèmes
liés à la flexibilité de l'offre. Il semble pertinent de
supposer que l'offre s'ajusterait aux fluctuations de la demande par une
augmentation de l'utilisation du facteur travail sans friction sur les prix.
Compte tenu de ce contexte on peut logiquement supposer que le
marché de l'hôtellerie en Polynésie Française est
concurrentiel d'autant plus que le bien offert tend à
s'homogénéiser du fait d'une certaine spécialisation dans
le luxe. De plus, la part des salaires dans la valeur ajoutée du secteur
est relativement élevée (61% selon les données comptables
de l'IEOM) ce qui tendrait à renforcer l'hypothèse de
marché concurrentiel.
Nous adopterons une hypothèse de concurrence
monopolistique compte tenu des caractéristiques énoncées
ci- dessus. En effet, nous considérons qu'à court terme les
hôtels sont dans une position de monopole alors qu'à long terme la
concurrence prévaut. La concurrence monopolistique est un régime
de concurrence hybride, entre le monopole et la concurrence pure et parfaite.
La différenciation des produits (malgré cette
homogénéisation vers le luxe) peut être expliquée
par les effets de réputation et de marque. Celle-ci est la justification
première
19 Où Qté = quantité, Px = prix, C =
coût unitaire, RM= recette moyenne de long terme, CM= coût moyen de
long terme, 11 = profit
de notre recours à la concurrence monopolistique.
Chaque entreprise d'une industrie propose un produit différent de ceux
de ses concurrents (taille, forme, couleurs, caractéristiques) mais de
qualité et de prix comparables. Il y a concurrence monopolistique
lorsque les trois conditions suivantes sont réunies:
· Il y a libre entrée et libre sortie des firmes
dans l'industrie. La concurrence aboutit donc inexorablement dans le long terme
à l'égalisation de la recette moyenne et du coût moyen
(équilibre à profit nul).
· Chaque firme dispose de sa propre clientèle
(demande résiduelle). L'importance de cette clientèle
dépend du nombre de concurrents sur le marché et du degré
de différenciation de leurs produits.
· Contrairement à la concurrence pure et
parfaite, la concurrence monopolistique reste compatible avec l'existence de
firmes exhibant des coûts moyens décroissants : en effet, aucune
firme ne peut capter l'intégralité de la clientèle de ses
concurrentes, en raison de la différenciation des biens régnant
sur le marché.
Nous supposerons donc que le marché est concurrentiel
et que l'offre s'ajustera à la demande de nuitées
hôtelières. Ainsi, la baisse du coût du capital et donc du
coût moyen d'une nuitée se répercutera entièrement
sur le prix à la consommation. Dès lors, l'équilibre est
déterminé par les caractéristiques de la demande.
Autrement dit plus l'élasticité-prix de la demande sera
élevée plus la défiscalisation -en tant que baisse du prix
du capital- aura d'effets sur la demande de nuitées
hôtelière et sera donc susceptible de relancer l'investissement
sur le territoire et de créer des emplois et de la croissance.
4.3.2 Formalisation de l'offre
Compte tenu de notre hypothèse de concurrence
monopolistique, nous supposerons que l'offre est une courbe horizontale
égale au coût moyen de long terme. Cette forme de la courbe
d'offre est fidèle à la théorie microéconomique du
producteur selon laquelle la courbe d'offre, issue de la maximisation du
profit, est égale au minimum du coût moyen de long terme.
La défiscalisation est donc considérée
comme une baisse du coût du capital qui se manifeste dans la baisse du
coût moyen d'une nuitée. Celles-ci se concrétisent par une
baisse du coût moyen de long terme d'une nuitée
hôtelière. On considère alors un déplacement de la
courbe d'offre due à la baisse du coût moyen de long terme
engendrée par la défiscalisation. Modéliser les effets des
dispositifs de défiscalisation sur l'offre hôtelière
revient donc à estimer la variation du coût moyen de long terme
d'une nuitée.
Or, en concurrence monopolistique, à long terme le
coût moyen est égal à la recette moyenne, puisque les
profits sont nuls. Ainsi, nous considérons que le coût moyen d'une
nuitée correspond à la recette moyenne par chambre occupée
(RMCO ch) qui est le quotient du chiffre d'affaire hébergement par le
nombre de nuitées chambre.
En outre, le coût moyen est la somme du coût
d'exploitation d'une nuitée chambre d'une part et du coût
d'opportunité du capital d'autre part. En effet, le coût de
revient pour un hôtelier correspond aux diverses charges d'exploitation
eng endrées par l'activité. Pour l'investisseur, le coût
correspond au coût d'opportunité du capital, hypothèse
conforme à la théorie économique traditionnelle du
comportement d'investissement. Le coût d'opportunité peut
être défini comme le coût estimé en termes
d'opportunités non-réalisées (et les avantages qui
auraient pu être retirés de ces opportunités), ou encore la
valeur de la meilleure option non- réalisée. Plus trivialement,
c'est la mesure des avantages auxquels on renonce en affectant les ressources
disponibles à un usage donné. Alors, le coût
d'opportunité d'un investissement est le coût de la
non-réalisation de celui-ci. Il est mesuré par la
rentabilité attendue des fonds investis (ou de l'affectation
d'immobilisations) à d'autres utilisations. Ce critère est l'un
de ceux utilisés dans les choix d'investissement. Nous
considérons donc le cout d'opportunité du capital comme la
rentabilité qu'aurait un placement de même risque que celui
réalisé ou envisagé, compte tenu des arbitrages
possibles.
Compte tenu de la confidentialité de certaines
données et du fait que la défiscalisation cache une partie des
coûts d'immobilisation dans les charges d'exploitation (paiement des
loyers crédit-bail), il n'est pas possible d'identifier le coût du
capital à partir des bilans ou compte de résultats. Nous nous
sommes donc basé sur une estimation du montant d'investissement faite
par un groupe hôtelier -ayant bénéficié de la
défiscalisation lors de la construction des hôtels- lors de la
valorisation de son parc hôtelier.
Cette méthodologie est certes discutable mais ne peut
être rejetée. En effet, faute de données fiables, nous
n'avons pu utiliser l'échantillon représentatif fourni par
l'IEOM. Exclure les méthodes d'échantillonnage probabiliste
suppose alors le recours à la méthode « du choix
raisonné ». C'est une procédure d'échantillonnage
empirique et non probabiliste. Faute de pouvoir construire un
échantillon probabiliste, on choisit un individu, ou un groupe
d'individu, représentatif par une «logique issue du terrain, une
forme de bons sens face au phénomène étudié, en
quelque sorte, ou de raison» (Bernard 2007 La statisque sans formule
mathématique). On ne procède donc pas à un tirage à
partir d'une base de sondage parce qu'elle est n'existe pas ou qu'elle est trop
couteuse ou trop difficile à obtenir. Par connaissance du terrain on
sélectionne un individu ou un groupe d'individu représentatif.
Par la méthode du «choix raisonné»
nous avons identifié un hôtel représentatif de l'offre
hôtel ière polynésienne. A partir de celui-ci, nous avons
déterminé le coût moyen de long terme d'une nuitée
comme étant de 40 100. Puis nous avons calculé le coût
d'opportunité du capital en utilisant un taux d'intérêt
moyen de 6% (moyenne sur 2000/2007 des tau x fixe sur 1 an pour le secteur
privé) et une prime de risque de 4% (moyenne utilisée par la
théorie économique pour des pays notés BBB+ par les
agences de notation20). La prime de risque est introduite dans le coût
d'opportunité du capital puisque que le rendement d'un actif
dépend du risque perçu, c'est-à-dire de la
probabilité de ne pas être rémunéré au taux
escompté (Hicks 1939). Le capital pris en compte
21
ici est celui qui bénéficie de la
défiscalisation à savoir les investissements estimés .
Trois hypothèses ont été retenues afin déterminer
un intervalle tenant compte d'une possible erreur d'estimation.
Nous obtenons alors l'équation suivante:
Charges d'Exploitation + Cout d'Opportunité du Capital
Coût moyen LT d'une nuitée = Nombre de Nuitées
Avec
Coût d'opportunité du capital = Investissement * (1
+ Taux d'intérêt + Prime de Risque)
Nous obtenons alors un coût par nuitée hors capital
compris entre 31 009 F CFP et 33 736 F CFP; et un coût
d'opportunité du capital de 6363 F CFP et 9090 F CFP, pour un coût
moyen d'une nuitée de 40 100 F CFP.
Sachant que la défiscalisation permet de diminuer le
coût du capital de 2/322 et que le capital représente
entre 14% et 19.7% du coût moyen d'une nuitée
hôtelière, on peut supposer que la défiscalisation a
diminué de 9.6% à 13% le coût moyen de long terme.
Or, comme annoncé plus haut, nous supposons que le
marché est concurrentiel et que l'offre s'ajustera à la demande
de nuitées hôtelières. Ainsi, la baisse du coût moyen
d'une nuitée se répercutera entièrement sur le prix
à la consommation. Dès lors, l'équilibre est
déterminé par les caractéristiques de la demande.
Autrement dit plus l'élasticité-prix de la demande sera
élevée plus la défiscalisation -en tant que baisse du prix
du capital- aura d'effets sur la demande de nuitées
hôtelière et sera donc susceptible de relancer l'investissement
sur le territoire et de créer des emplois et de la croissance.
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