CONCLUSION
Notre travail aura consisté à montrer l'image de
Paris à l'époque coloniale décrite par des romanciers
d`Afrique noire francophone. Nous l'avons fait, en prenant comme axe de
travail, les aventures parisiennes des personnages de Mirages de
Paris, Chemins d'Europe, Un nègre à Paris,
et Kocoumbo, l'étudiant noir. Nous avons montré par
exemple que ces personnages avaient un « vécu » de
Paris bien avant de l'avoir vu ; parce qu'ils l'avaient
rêvée, et que dans leurs rêves, l'ayant vue belle et
paradisiaque, ils se l'étaient appropriés. Nous avons
également évoqué les raisons de ces rêves et les
sens qu'ils pouvaient avoir ; à ce niveau, nous avons
expliqué qu'une des raisons de ces rêves tenait au fait que ces
personnages, possédant en partie une culture française et,
connaissant Paris à travers l'école coloniale, les livres lus et
par le contact avec le colon présent dans leur ville, ils avaient
pensé qu'il était indispensable de transformer leur rêve en
réalité. Concrètement, d'aller voir Paris à
laquelle ils ont rêvé.
Dans la deuxième partie de notre travail, nous avons
ressorti, à travers certains exemples textuels, les grandes
articulations du séjour parisien de ces personnages, à
présent en face de l'objet de leur rêve. Ici, nous avons
parlé de l'admiration qu'ils ont éprouvé pour le Paris
physique, notamment des éléments comme le métro, les
palais et aussi de certains monuments que l'Arc de triomphe ou la Tour Eiffel,
conformes à la réalité des cartes qu'ils avaient
découvertes auparavant sur ces éléments. Toujours dans
cette partie, nous avons montré aussi que certains protagonistes des
romans de notre corpus, vouaient aussi une admiration pour le citoyen de Paris,
duquel ils donnaient des caractéristiques comme s'ils se livraient
à son portrait. Cela nous est apparu comme, d'une part, une ethnologie
à rebours, et, d'autre part, comme la mise en scène de leur
altérité en face d'un autre, le parisien, avec qui il pensait
partager la même culture et les mêmes valeurs.
La dernière partie de notre travail nous a conduit
à nous pencher sur les significations que Paris pouvait avoir pour ces
personnages et partant, sur leurs auteurs et sur tous les jeunes africains
francophones de cette époque-là. Nous avons
démontré que si, Paris représentait un rêve de
Paradis, à son contact, ce paradis se transformait en enfer ; et
que les protagonistes partis pour y vivre avaient échoué dans
leur mission d'acquisition de connaissance et d'appropriation de Paris, et,
comme issue de sortie à la suite de leur échec, se
s'étaient réfugiés dans un retour sans gloire au pays,
quand ils ne se suicidaient pas tout simplement.
Mais la question de fond de notre travail était de
savoir si, à la lumière de ces ouvrages auxquels nous avons fait
référence, il y avait un regard spécifique de la
littérature africaine sur la ville de Paris. De manière globale,
il nous est apparu que ces romans véhiculaient bien évidemment
une vision particulière sur Paris ; car, même si les textes
semblent différer par leur année de production, leur structure
interne et quelques autres éléments comme la
« stature » et l'itinéraire de leur héros, il
semble au moins évident que, tous ont voulu montrer un aspect
précis et important des rapports que la métropole
française entretenait avec ces colonies africaines, avant les
indépendances de celles-ci. De ce fait, l'objet de leur regard n'est pas
le Paris réel, sinon, par métaphore, le Paris imaginaire,
capitale de la colonie. Du coup, plus qu'une entreprise littéraire et
culturelle, c`est une à une démarche politique que ces auteurs se
sont engagés. Il ne serait donc pas faux de dire, comme Katharina
Städtler*, qu'une telle entreprise d'écriture de la part de ces
écrivains francophones, visait à « s'insérer
dans un projet commun de toutes les périphéries (colonies),
à savoir la relativisation, puis la destitution du discours
eurocentrique » et la théorie de la grandeur occidentales
ambiantes à cette époque-là.
Est-ce qu'on retrouve ce schéma dans la
littérature d'une autre aire géographique du continent
africain ? Par exemple, la littérature d'Afrique noire anglophone,
hispanophone ou lusophone s'inscrivent-elles dans cette logique, lorsqu'elles
représentent l'image de Londres, Madrid ou Lisbonne ? Nous
analyserons dans notre travail de Mastère 2, le cas spécifique de
Londres dans la littérature coloniale d'Afrique noire anglophone.
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