UNIVERSITE NATIONALE DU RWANDA
FACULTE DE DROIT
BP 117 BUTARE
LA PROTECTION LEGALE DU CREANCIER GAGISTE DU FONDS DE
COMMERCE EN DROIT POSITIF RWANDAIS
Mémoire présenté et défendu en vue
de l'obtention du Bachelor's degree en droit
Par Modeste BISANGWA
Directeur :
Me Jean Paul GAKWERERE
Butare, Octobre 2005
|
Dédicace
A Dieu Tout Puissant
Aux parents
Aux frères et soeurs
A Raïssa, ma fille aînée
Remerciements
La confection de ce travail a été rendue
possible par l'appui d'un certain nombre de personnes à l'égard
desquelles nous tenons à exprimer nos sentiments de gratitude.
De prime abord, nos sentiments de gratitude s'adressent
à notre Directeur de mémoire, Me Jean Paul GAKWERERE, qui,
malgré ses multiples occupations académiques, a accepté de
diriger ce travail. Nous le remercions pour ses conseils inlassables et ses
remarques strictes mais constructives dont dépend entièrement ce
travail
En deuxième lieu, nos remerciements les plus
sincères vont aux parents et à tout le corps professoral de
l'Université Nationale du Rwanda qui ont toujours été
à nos côtés tout au long de nos études
universitaires. Sans eux nous ne serions pas ce que nous sommes aujourd'hui
Nous tenons également à exprimer nos sentiments
de reconnaissance envers M. Vital IYAMUREMYE pour son soutien tant
matériel que moral qu'il n'a cessé de nous apporter au cours de
notre vie académique. Nous lui serons toujours reconnaissant
Nous serions d'une ingratitude notoire si nous ne
témoignions pas notre reconnaissance envers Vincent MUNYANEZA et les
agents de la collection juridique à travers son responsable Chantal
MUKAMUTANA pour avoir mis à notre disposition la documentation
nécessaire à la rédaction de ce travail.
Enfin, que tous ceux qui, de près ou de loin ont
contribué à l'élaboration de ce travail, plus
particulièrement mon collègue de classe J.M.V. NKUNDAKOZERA avec
qui nous avons fait tout notre parcours scolaire et académique, Fabien
MAJORO avec qui nous avons partagé la chambre et qui, en plus de cela, a
assuré la lecture de ce travail, trouvent à travers ces lignes,
nos sentiments de reconnaissance.
Modeste BISANGWA
Liste des sigles et
abréviations
Al. : Alinéa
Art : Article
BACAR : Banque Continentale Africaine
(aujourd'hui FINA BANK)
BORU : Bulletin Officiel du Rwanda Urundi
BCDI : Banque de Commerce, de
Développement et de l'industrie
BCR : Banque Commerciale du Rwanda
BK : Banque de Kigali
BNR : Banque Nationale du Rwanda
CCB : Code Civil Belge
CCLIII : Code Civil Livre troisième
CDVA : Commission de Développement et
Vie des Affaires
Coll. : Collection
CPCCSA : Code de Procédure Civile
Commerciale Sociales et Administratives
Cass. : Cassation
Ch. : chambre
Ed. : Édition
Ibidem : même auteur,
même, même ouvrage, même page
Idem : même auteur, même
ouvrage, à la page différente de la précédente
citation
J.O.R.R. : Journal Officiel de la
République du Rwanda
LGDJ : Librairie Général de
Droit et de Jurisprudence
L.O. : Loi Organique
GAZ. PAL. : Gazette du Palais
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
Op. cit : opère
citato
O.R.U. : Ordonnance du Rwanda Urundi
P. : page
pp. : De la page ...à la page
P.U.F. : Presse Universitaire de France
R.C.J.B. : Revue Critique de Jurisprudence
Belge
RPDB : Revue Pratique de Droit Belge
R.W.. : Revue de la Wallonie
T. : Tome
Trib. : Tribunal
M.B. : Moniteur Belge
N° : numéro
UNR : Université Nationale du
Rwanda
V. : volume
V° : verbo (voir le mot...)
Table des
matières
DÉDICACE
I
REMERCIEMENTS
II
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
III
TABLE DES MATIÈRES
IV
INTRODUCTION GENERALE
1
CHAP I : PROTECTION DU CRÉANCIER
GAGISTE DU FONDS DE COMMERCE CONTRE L'INFIDELITE EVENTUELLE DU
DÉBITEUR
6
SECTION PREMIÈRE : ACTES DU
DÉBITEUR À EFFETS SUR LA CONSTANCE DU GAGE DU FONDS DE
COMMERCE
6
§1. Actes du débiteur
à effet immédiat sur la consistance du gage
6
A. Vente du fonds de commerce ou certains de ces
éléments
7
B. Transfert du siège d'exploitation sans le
consentement du créancier
9
C. Déspécialisation
plénière de l'activité du commerçant-
débiteur
11
D. Donations et libéralités
12
E. Apport du fonds de commerce en
société
13
F. Location- gérance du fonds de
commerce
14
§2. Actes de mauvaise exploitation
ou de gestion négligente
15
A. Le non - renouvellement du bail et autorisations
administratives
15
B. Ne pas exercer certaines actions en justice
16
C. La non tenue des livres et documents
comptables
17
D. Autres actes préjudiciables aux
intérêts du créancier
17
SECTION 2 : DROITS DU CRÉANCIER
GAGISTE DU FONDS DE COMMERCE CONTRE LE DÉBITEUR
18
§1. Recours de droit commun
18
A. Déchéance du terme
19
B. Saisie-arrêt entre les mains du tiers
acquéreur sur le prix de vente des objets aliénés
19
C. Annulation de la vente ou réclamation des
dommages et intérêts
20
D. Action paulienne ou action
révocatoire
21
C. Action oblique
22
F. Action en déclaration de simulation
23
§2. Moyens de protection mise en
oeuvre par le Décret de 1937
24
A. Sanction pénale du détournement
frauduleux
24
B. Droit de suite
26
D. Droit de préférence
28
E. Droit de réaliser le gage
30
CHAP. II : PROTECTION DU
CRÉANCIER GAGISTE SUR FONDS DE COMMERCE A L'EGARD DES TIERS
32
SECTION 1 : RAPPORTS NORMAUX DU
CRÉANCIER GAGISTE AVEC LES TIERS
32
§1. Dispositions
préventives
32
A. Publicité instrumentaire
32
B. Identification du propriétaire de la
chose nantie
34
C. Inopposabilité de la clause
d'interdiction de cession de bail au créancier
35
§2. Recours du créancier
gagiste contre les tiers
36
A. Recours contre l'acquéreur de la chose
nantie
36
B. Créancier gagiste du fonds de commerce
contre le bailleur de l'immeuble où est exploité le fonds de
commerce
40
C. Créancier contre le cessionnaire à
titre de garantie
41
D. Recours du créancier gagiste en cas de
perte du fonds grevé
43
E. Créancier gagiste du fonds de commerce
face aux tiers dont les biens sont compris dans le gage
43
SECTION 2 : DU CONCOURS DES
CRÉANCIERS GAGISTES AVEC LES AUTRES CRÉANCIERS TITULAIRES DES
DROITS RÉELS SUR LE BIEN NANTI.
45
§1. Notion de concours et de
rang
45
A. Concours
45
B. Rang de privilège
47
§2. Les conflits de rangs entre
le créancier gagiste et les tiers créanciers
47
A. Conflit entre les créanciers gagistes du
fonds de commerce
48
B. Conflit du créancier gagiste du fonds de
commerce et les créanciers chirographaires saisissants
48
C. Concours avec le créancier
hypothécaire
49
SECTION 3 : LA SITUATION DU
CRÉANCIER GAGISTE EN CAS DE FAILLITE DU DÉBITEUR
52
§1. Le créancier gagiste
du fonds de commerce dans le règlement de la faillite
52
A. Notion sur la faillite, sa finalité et
ses effets
52
B. La position du créancier gagiste du fonds
de commerce par rapport aux autres créanciers du failli
56
§2. Les droits du
créancier gagistes contre la masse et contre le curateur
57
A. les droits du créancier gagiste du fonds
de commerce contre la masse
57
B. Créancier gagiste du fonds de commerce
face au curateur
58
CHAP. III : DES SOLUTIONS ALTERNATIVES
FORGEES PAR LA PRATIQUE EN MATIERE DE GAGE DU FONDS DE COMMERCE ET LEUR IMPACT
SUR LE SYSTEME DE CREDIT
61
SECTION 1 : ANALYSE CRITIQUE DES ACTES DE
GAGE ÉMIS PAR QUELQUES BANQUES OEUVRANT AU RWANDA
61
§1. Nature juridique de l'acte
61
A. Un acte sous seing privé ou un acte
authentique
62
B. Contrat d'adhésion
63
§2. Les droits que les
créanciers se réservent par contrat
66
A. Les clauses relatives à l'assiette et
à l'étendue de la garantie
67
B. Clauses relatives à la
propriété
67
C. Engagements de poser ou ne pas poser les actes
déterminés
68
D. Clauses relatives à l'examen de la
comptabilité du client
68
E. Les clauses relatives à la sanction
69
F. Les clauses relatives au frais résultant
de l'établissement de l'acte
69
G. Clauses relatives à l'information
à donner au créancier
69
SECTION 2. CONSIDÉRATIONS CRITIQUES
SUR LES ACTES DE GAGE ANALYSÉS
70
§1. Tendance à
l'uniformité
70
§2. Le contrat pèse
disproportionnellement sur les parties
71
§3. Gage du fonds de commerce
n'est pas une garantie « fourre-tout »
71
§4. Les clauses sans effets
juridiques
72
A. la création d'une obligation à
l'égard des tiers
72
B. La création conventionnelle des
privilèges
73
C. Stipulations préjudiciables aux tiers
74
SECTION 3. LES EFFETS DE LA
PRÉCARITÉ DU GAGE DU FONDS DE COMMERCE SUR LE SYSTÈME DE
CRÉDIT
75
§1. L'insuffisance de protection
du créancier rend le crédit onéreux
75
§2 Débats quant au maintien
du gage du fonds de commerce comme sûreté
76
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
78
BIBLIOGRAPHIE
82
INTRODUCTION GENERALE
Dans la vie économique, et plus particulièrement
dans le monde des affaires, il est d'un postulat que l'homme se trouve toujours
devant les besoins illimités face aux ressources limitées. Ce
postulat fait que les commerçants sont toujours contraints par
l'état des affaires à recourir au crédit. Or, le recours
au crédit va toujours de pair avec les exigences de la garantie.
Celles-ci ont toujours hanté l'esprit du créancier et par la
suite celui du législateur, qui, tous les deux, cherchent au jour le
jour les garanties à la fois efficaces et souples.
L'histoire des sûretés nous apprend que
dès les temps immémoriaux, la personne du
débiteur qui ne parvenait pas à exécuter ses obligations
ou à s'assurer d'un vindex, pouvait être
abandonnée au créancier qui pouvait le mettre à mort ou le
vendre comme esclave1(*).
Cette situation a évolué vers la recherche d'autres
sûretés respectueuses de la dignité humaine et la
liberté individuelle. C'est ainsi que naquit l'idée de gage.
Mais la sécurité des créanciers exigeait que les biens
nantis leur soient attribués en propriété, bien entendu,
à titre de sûreté. C'est le contrat de fiducie. Celui-ci
était une forme de sûreté réelle, où la
propriété du bien corporel était transférée
au créancier en garantie du paiement de la dette, avec engagement de
restitution si le débiteur s'exécutait à
l'échéance2(*).
Cette sûreté a cependant été
jugée à la fois désavantageuse pour le formalisme du
transfert de propriété et dangereuse pour celui qui, après
avoir remboursé son créancier, risque de se heurter à son
insolvabilité3(*).
Ces reproches formulés à l'égard de la
fiducie devaient donc déterminer le législateur à limiter
ces risques que courent les débiteurs. Il fallait faire
l'économie d'un double transfert et rétablir l'équilibre
entre le créancier et le débiteur. Ainsi est né le gage
ordinaire. Tout comme la fiducie, le gage emporte dépossession du
débiteur avec cette différence qu'il ne transfère pas la
propriété du bien au créancier. Ce mécanisme est
jugé comme un progrès par rapport à l'utilisation de la
propriété à titre de garantie4(*).
Un peu plus tard, une autre étape a été
franchie. Les économistes ont commencé à dénoncer
l'immobilisation de certains biens mis en possession du créancier. Ils
estimaient que les petits commerçants ne pouvaient trouver les moyens de
se procurer du crédit qu'en se privant de certains
éléments corporels du fonds de commerce. Or, ces
commerçants comme le souligne DE PAGE, n'avaient souvent, pour tout
avoir, que leur fonds de commerce dont, pratiquement, il était
impossible de tirer un crédit quelconque. D'une part,
la mise en gage de certains éléments du fonds les priverait,
à raison d'une condition essentielle de dépossession, de l'objet
même de leur activité professionnelle, et, d'autre part, le fonds
de commerce envisagé comme universalité ne conduirait
guère à des résultats tangibles et ne permettaient pas,
à raison de sa composition (biens mobiliers et incorporels)
l'hypothèque5(*).
Qui plus est, la dépossession empêcherait le créancier
d'affecter le fonds à la garantie d'un autre
créancier quand bien même sa valeur serait
suffisante pour cela.
Pour remédier à cette situation, le
législateur a institué un gage sans dépossession du
débiteur désigné sous le vocable de «gage du fonds de
commerce »6(*). Il
s'agit d'une sûreté réelle sans dépossession par
laquelle le débiteur donne en garantie son fonds de commerce tout en
continuant son exploitation. Il est régi par le décret du 12
janvier 1920 portant gage du fonds de commerce, de l'escompte et du gage de la
facture commerciale7(*) tel
que modifié par le décret du 21 juin 1937 et celui du 24 mai
1959.
Contrairement au gage ordinaire qui requiert la
dépossession du débiteur comme condition essentielle du
contrat8(*), le fonds de
commerce engagé est laissé entre les mains du débiteur.
Celui-ci continue l'exploitation du fonds nanti sous réserve des droits
du créancier. Ainsi, il recèle un danger évident pour le
créancier car, il y a lieu de craindre, non seulement que le
débiteur ne tombe en faillite mais aussi des manoeuvres frauduleuses ou
dolosives auxquelles ce dernier peut se livrer et qui sont de nature
à amoindrir la valeur du fonds.
En guise de protection du créancier contre ces
risques, le législateur lui reconnaît, d'une part, un droit de
revendication qui ne s'exerce que lorsque certains biens corporels
(matières premières, le mobilier, matériel et outillage)
ont été déplacés9(*). Même dans ce cas, il ne s'exerce que dans six
mois et sous réserve de l'art. 658 CCLIII10(*). Ainsi, le droit de
revendication ne s'exerçant que sous réserve de l'art. 658 n'est
plus un droit de revendication puisqu'il ne peut s'exercer que contre les
acquéreurs qui, en droit commun déjà ne seraient pas
protégés ou contre les personnes qui ne prétendraient
aucun droit sur la chose. A ce propos, HENRI DE PAGE et RENE DEKKERS commentant
le droit belge, estiment que le législateur a repris d'une main ce qu'il
avait donné par l'autre11(*).
D'autre part, le décret de 1937 sanctionne le
constituant qui diminuerait frauduleusement la valeur du fonds nanti du chef de
l'abus de confiance12(*).
Cette sanction n'est non seulement assez dissuasive mais aussi elle ne profite
en rien au créancier, car ce dont il a besoin ce n'est pas la sanction
mais plutôt la sûreté.
Aussi, le décret de 1937 n'envisage-t-il pas le cas
d'aliénation in globo du fonds de commerce. Le doute se laisse
planer quant à la possibilité pour le créancier d'exercer
un droit de suite dans l'espèce. La jurisprudence et la doctrine ont
souvent répondu par l'affirmative mais la mise en oeuvre pratique de ce
droit semble difficile non seulement parce qu'il n'est prévu par aucun
texte légal mais aussi parce que la loi ne prévoit pas la
procédure de saisie des universalités tel que le fonds de
commerce13(*).
En plus, le décret de 1937 ne protège pas le
créancier gagiste contre les tiers que par un moyen de publicité
instrumentaire du gage ; il ne règle en aucune disposition les
conflits qui naissent entre le créancier gagiste et les titulaires des
droits préférentiels sur le bien nanti, surtout que, sauf clause
contraire, il n'est pas interdit de constituer d'autres droits réels sur
le bien nanti.
Ces reproches formulés à l'égard de la
législation sur le gage du fonds de commerce poussent les
créanciers soit à s'abstenir d'accorder le crédit, soit
à chercher d'autres palliatifs pour suppléer à
cette carence. Ils cherchent à renforcer cette protection par
certains mécanismes nouveaux de sûretés dites
négatives c'est-à-dire certaines clauses conférant au
créancier un droit de veto ou un droit de regard sur le patrimoine du
débiteur14(*). Eu
égard à la position de force des créanciers qui, selon
l'art. 8 du décret précité, ne peuvent être que des
banques ou établissements de crédit agréés, il y a
lieu de se soucier de l'équité et de la validité de ces
mécanismes et si le débiteur ne fait qu'y adhérer faute de
mieux. Ces conditions difficiles rendent le crédit cher et le
système de crédit en pâtit.
Aux vues de cette situation et les risques que courent les
créanciers gagistes du fonds de commerce, les questions suivantes
méritent d'être posées : la législation
rwandaise en matière de gage du fonds de commerce protège-t-elle
efficacement le créancier gagiste contre lesdits dangers ? Quels
sont les effets de la protection peu efficace du créancier gagiste du
fonds de commerce sur le système de crédit ? Y a -t-il des
mécanismes que les créanciers mettent en place pour
suppléer à cette carence ? Telles sont les questions qui ont
été à la base de notre sujet de recherche et auxquelles il
faudra trouver des réponses. Mais, les développements qui ont
précédé permettent de nous convaincre de manière
provisoire que : la protection peu efficace du créancier
gagiste du fonds de commerce pousse les créanciers à se
créer des mécanismes d'autoprotection qui ont des effets
négatifs sur le système de crédit.
Ainsi, le choix de ce sujet s'inspire de ce constat
d'inefficacité de la protection réservée au
créancier gagiste du fonds de commerce et du souci de contribuer
à la reforme de la législation sur le gage du fonds de commerce
en proposant certaines solutions surtout au moment où une commission de
reforme de la législation commerciale a été
récemment créée par le gouvernement.
Cette étude présente également un
intérêt certain pour les praticiens du droit qui trouveront
à travers ce travail certaines solutions des problèmes qu'ils
rencontrent au jour le jour surtout dans l'interprétation de certaines
dispositions de décret de 1937 car, il est d'un constat
général que le gage du fonds de commerce est une matière
qui n'a pas intéressé beaucoup d'auteurs. Ainsi, ce travail
constitue une des tentatives, à circonscrire ce problème.
Compte tenu de la nature de notre travail, notre
démarche sera guidée par la méthode
exégétique c'est-à-dire une méthode consistant
à interpréter et à expliquer les règles de droit
particulièrement celles contenues dans les lois. Comme notre
législation en la matière n'est pas trop
développée, recours sera fait aux législations des pays
dans lesquels notre droit tire ses assises. Ensuite, la doctrine des auteurs
étrangers et nationaux nous aidera dans l'interprétation des
différents textes légaux. Nous ne manquerons pas
également de faire recours à la méthode analytique qui
nous permettra de décortiquer quelques actes de gage du fonds de
commerce de certaines banques du pays et la jurisprudence en la
matière.
Que notre lecteur soit mis en garde que notre intention n'est
pas de mener une étude générale du gage du fonds de
commerce en tant que sûreté réelle sans
dépossession. Notre attention ne sera focalisée
que sur la protection qui est réservée au créancier
gagiste et nous examinerons dans la suite si les solutions alternatives
envisagées par les créanciers méritent une
intégration dans le commerce juridique et ce, après l'analyse de
leur validité.
Dans un premier temps l'accent particulier sera mis sur la
protection du créancier gagiste contre l'infidélité
éventuelle de son débiteur. Nous examinerons les actes du
débiteur considérés comme dangereux pour la consistance du
gage et les moyens tant de droit commun que ceux prévus par le
décret de 1937 que le législateur met à la disposition du
créancier pour parer à l'infidélité
éventuelle de son débiteur. En deuxième lieu nous
analyserons les dispositions protectrices du créancier gagiste du fonds
de commerce dans ses relations avec les tiers qui, comme lui prétendent
avoir des droits sur les biens de son débiteur. Enfin, une analyse des
actes de gage du fonds de commerce émis par les institutions bancaires
oeuvrant au Rwanda sera faite pour marier la législation sur le gage du
fonds de commerce et la pratique. Cela permettra d'apprécier si ce qui
se fait en pratique n'a aucun effet sur le système de crédit ou
s'il faut intégrer dans le système juridique les solutions
envisagées par les créanciers.
CHAP I : PROTECTION DU CRÉANCIER GAGISTE DU FONDS DE
COMMERCE CONTRE L'INFIDELITE EVENTUELLE DU DÉBITEUR
Une sûreté n'est pas apte à constituer un
instrument de crédit que si elle confère aux créanciers
sollicités une garantie efficace de paiement15(*). La nature du gage du fonds de
commerce qui, par hypothèse est une sûreté sans
dépossession, expose le créancier aux aléas pouvant
affecter la consistance de son gage. En effet, le fonds de commerce, objet du
gage, est laissé entre les mains du débiteur. Le débiteur
continue l'exploitation du fonds si bien qu'il peut anéantir le fonds
grevé par différents artifices. En d'autres termes, la valeur du
fonds dépend de la manière dont le fonds est exploité ou
pour dire mieux, de la bonne foi du débiteur. Dès lors, le fait
que le débiteur reste en possession du fonds nanti nécessite une
protection du créancier gagiste16(*) surtout que le droit de disposition du
débiteur reste intact. Au cours de ce chapitre, le souci de
cohérence nous impose d'abord de mettre en exergue tous les actes du
débiteur qui ont pour effet de porter atteinte à la consistance
du gage (section première) et, dans la suite, les droits dont dispose le
créancier contre les entreprises frauduleuses du débiteur
(deuxième section)
Section première : Actes du débiteur à
effets sur la constance du gage du fonds de commerce
Dans la présente section ces actes du débiteur
ont été classés en deux catégories : la
première catégorie embrasse les actes, semble-t-il, graves et
conscients qui ont un effet immédiat sur la consistance du gage
(première sous-section). La seconde catégorie comprend les actes
résultant de la gestion négligente et qui affectent implicitement
et d'une manière progressive la valeur du fonds nanti (deuxième
sous-section). Tous ces actes ont en commun de porter atteinte à la
consistance du gage. Ils diffèrent du seul fait que les premiers
produisent leurs effets dès qu'ils sont posés alors que les
derniers agissent progressivement.
§1. Actes du
débiteur à effet immédiat sur la consistance du gage
Les actes du débiteur qui sont jugés dangereux
pour la consistance du gage sont en nombre illimité mais les plus
perceptibles sont la vente globale du fonds ou de certains de ses
éléments, le transfert du siège d'exploitation, la
location-gérance du fonds de commerce, l'apport du fonds de commerce en
société, donations et libéralités et la
déspécialisation plénière de l'activité du
commerçant.
A. Vente du fonds de commerce ou certains de ces
éléments
Mise à part, le gage du fonds de commerce régi
par le décret de 1937, le législateur rwandais n'a pas cru devoir
organiser d'autres opérations sur fonds de commerce entre autres la
vente. Pourtant, comme il convient de le constater, la vente est un acte
chargé de lourdes conséquences. Contrat translatif de
propriété, elle a pour effet direct de porter atteinte aux droits
du créancier gagiste en particulier et ceux des autres créanciers
en général. Appliquée au fonds de commerce, la vente peut
porter soit sur quelques éléments du fonds pris isolément,
soit sur l'ensemble du fonds.
1°. Vente d'un
élément isolé du fonds de commerce
Puisque le débiteur reste en possession des biens
donnés en gage, il lui est loisible de procéder à la vente
des marchandises, au remplacement du matériel, outillage, le mobilier,
etc. C'est d'ailleurs l'objectif que poursuivait le
législateur en permettant au débiteur de poursuivre
l'exploitation du fonds en même temps que celui-ci sert de garantie. Ces
différents actes de disposition doivent avoir pour objet
d'améliorer la valeur du fonds ou, pour dire mieux, doivent s'accomplir
dans le cadre d'une gestion rationnelle. Cependant, dans certains cas, le
débiteur se livre à de telles ventes dans le seul but de nuire
à ses créanciers.
En effet, les éléments corporels compris dans le
gage se transmettent aisément sans aucune autre formalité et
tombent sous le coup du droit commun de la vente. Selon HUBRECHT17(*), entre les parties, le
transfert de la propriété se produit automatiquement comme il est
de règle en droit commun (art. 264 CCLIII en ce qui est de notre
législation) sauf dérogation par une clause particulière.
Ainsi, l'acquéreur de bonne foi des éléments vendus sera
considéré comme propriétaire à l'égard des
tiers par application de l'art. 658CCLIII18(*).
Quant aux meubles incorporels, leur transmission est
subordonnée aux règles spéciales à chaque
élément du fonds. Ainsi, la cession du droit au bail à
titre de cession de créance doit faire l'objet d'une signification ou
d'une acceptation du bail (art. 353CCLIII). De même, la publicité
spéciale pour la transmission des marques ou modèles et brevets
devra être respectée19(*).
Dans tous les cas, la vente des éléments tant
corporels qu'incorporels pris isolément, a pour effet direct d'amoindrir
la valeur du fonds de commerce voire de le rendre inexistant dans certains cas.
C'est le cas notamment de la cession de certains éléments
incorporels du fonds. Ainsi par exemple, pour un débiteur qui ne
travaille pas dans son propre immeuble, la cession du droit au bail rendrait
inexistant le fonds de commerce. Aussi inconcevable serait un fonds de commerce
sans nom commercial.
A part la vente d'un élément isolé du
fonds de commerce qui, dans certains cas, a pour effet de le rendre inexistant,
la cession peut aussi concerner le fonds de commerce pris dans son
entièreté.
2°. Vente du fonds de
commerce in globo
La vente globale du fonds de commerce est une opération
grave qui fait cesser l'activité commerciale et qui, de facto, fait
disparaître le fonds. Le droit commun étant d'un mutisme absolu
quant à la transmission des universalités, on se pose la question
de savoir si la vente du fonds de commerce reste soumise aux règles du
code civil relative à la vente étant donné le fonds de
commerce est une universalité dont les éléments ne sont
soumis aux mêmes règles, plus particulièrement en ce qui
concerne les biens incorporels.
A cette question, les auteurs s'accordent pour
reconnaître que la vente du fonds de commerce doit être soumise aux
dispositions particulières. Selon PEDAMON, commentateur du droit
français, le législateur a été conduit à
apporter aux règles de droit commun qui régissent la vente
mobilière une série de dérogations pour qu'elles puissent
s'appliquer au fonds de commerce. Ces dérogations ont,
entre autres, pour objectifs de protéger les créanciers
du vendeur contre les opérations ruineuses ou clandestines. C'est
à cette fin que la loi du 17 mars 190920(*) organise la publicité de la vente qui donne
aux créanciers un droit d'opposition et de surenchère21(*).
L'idée de l'existence des règles
particulières régissant la vente du fonds de commerce se trouve
également sous la plume de Paul DIDIER qui estime qu'une
publicité particulière doit être organisée en cas de
cession du fonds de commerce. Selon cet auteur, la publicité a pour but
de protéger le créancier d'un commerçant en
difficultés contre le risque de voir celui-ci vendre son fonds de
manière précipitée et disparaître ensuite avec
l'argent de la vente22(*).
La publicité est destinée à alerter les créanciers
du vendeur qui peuvent toujours craindre que le débiteur en
difficultés ne cède son fonds clandestinement et ne
disparaît avec le prix de la vente23(*).
Néanmoins, certaines règles de droit commun
demeurent d'application. Il s'agit des règles relatives aux obligations
des parties (art. 280 et 327CCLIII) et celles relatives au transfert des
risques (art. 37CCLIII). Notons que l'article 39CCLLIII qui donne
préférence à celui des acquéreurs qui a
été mis en possession effective ainsi que l'art. 658CCLIII ne
s'appliquent pas au fonds de commerce qui est un bien incorporel non
susceptible de possession.
Bref, la vente, qu'elle porte sur un élément du
fonds ou sur l'ensemble du fonds de commerce, a pour effet de porter atteinte
aux droits du créancier gagiste en particulier et à ceux des
autres créanciers en général. Il convient dès lors
que la publicité soit organisée à l'instar des
législations française et belge pour qu'une fois alertés,
les créanciers puissent faire échec aux manoeuvres du
débiteur.
B. Transfert du siège d'exploitation sans le
consentement du créancier
Le déplacement du siège d'exploitation par le
débiteur pose aussi un problème du maintien du fonds de commerce
engagé lequel est lié à la clientèle24(*). Bien que l'importance de la
clientèle soit fonction des qualités personnelles de l'exploitant
ou même de la renommée du produit, elle dépend aussi de la
situation du fonds de commerce. Un fonds de commerce situé tout
près d'une agglomération a plus de chance d'être
régulièrement fréquenté par les clients que celui
situé dans les banlieues.
De ce qui précède ressort que le
déplacement du fonds de commerce soulève un certain nombre de
problèmes plus particulièrement en cas de transfert du fonds de
commerce dans un ressort de la chambre commerciale du tribunal de Province ou
de la Ville de Kigali autre que celui auprès duquel il est inscrit. On
se demande s'il faut procéder à une nouvelle inscription ou si
celle prise auprès du premier tribunal suffit. En outre, on se pose la
question du sort du créancier qui omettrait de faire reporter son
privilège au greffe du nouveau siège.
Le législateur rwandais ne répond pas à
ces questions. La loi française exige que la décision du
débiteur de déplacer le fonds de commerce vers un autre endroit
soit notifiée au créancier qui doit apprécier si le
déplacement projeté peut lui nuire ou pas.
Il peut accepter le déplacement par une mention en marge de
l'inscription primitive si le fonds est déplacé dans le ressort
du même tribunal ou par une inscription nouvelle si le fonds est
déplacé dans le ressort d'un autre tribunal25(*)., Mais s'il craint une
dépréciation du fonds pouvant conduire à sa disparition,
il peut s'y opposer26(*)
Dans ce dernier cas, il peut saisir le tribunal qui appréciera s'il y a
lieu ou non de faire faire prononcer la déchéance du
terme. La connaissance personnelle par le créancier du
déplacement du fonds équivaudrait à un avis et
entraînerait les mêmes conséquences.27(*)
Quant à la question de savoir ce qui adviendrait au
créancier qui ne satisfait pas à ces formalités, le
répertoire Dalloz indique que le législateur n'a pas cru
devoir déterminer la sanction qui résulterait du défaut de
mention ou de report des privilèges antérieurement
inscrits28(*). Le
législateur a laissé l'espèce à
l'appréciation souveraine du juge qui tiendra compte de toutes les
circonstances de fait. Nous estimons cependant que ce pouvoir
d'appréciation laissé au juge est moins conciliable avec le
régime de publicité organisé par la loi.
Dans tous les cas, le créancier risque de se faire
primer par les créanciers inscrits au nouveau siège du fonds pour
autant que ces derniers soient de bonne foi. On estime qu'il est plus conforme
aux principes d'accorder la préférence aux créanciers
inscrits au nouveau siège du fonds sur les créanciers inscrits
avant le déplacement, tant que ces derniers n'ont pas fait opérer
la mention en marge de l'inscription existante ou le report de l'inscription au
nouveau siège, du moins lorsque les nouveaux sont de bonne foi29(*).
Enfin, signalons pour terminer que pour que le
créancier soit primé par celui inscrit après le
déplacement, il faut qu'il ait été avisé du
déplacement ou qu'il l'en ait pris connaissance autrement.
C. Déspécialisation plénière de
l'activité du commerçant- débiteur
Par déspécialisation plénière
encore dite `renforcée' il faut entendre le changement total
d'activité du commerçant. Elle s'oppose à la
déspécialisation simple qui consiste quant à elle en
l'adjonction à son commerce des activités connexes ou
complémentaires. La déspécialisation
plénière est donc un changement complet d'activités par
rapport à celle prévue dans le bail et emportant mutation du
fonds de commerce30(*).
Elle peut aller jusqu'à un changement de la clientèle du fonds de
commerce31(*)
Dans la plupart des cas, la tendance est de se laisser croire
que la déspécialisation plénière préoccupe
les seuls bailleurs. Force est de constater cependant que le créancier
gagiste du fonds de commerce ne peut être épargné par ses
effets, car la nouvelle activité envisagée par le
commerçant peut ne pas être productive ou peut être
désapprouvée par les autorités administratives. De
là, il appert que le créancier a toutes les raisons de s'opposer
au tel changement d'activités. C'est la raison même qui pousse
les législations étrangères à attirer toute
l'attention à ce mécanisme.
Selon PEDAMON, la loi française exige que toute demande
de déspécialisation plénière soit notifiée
aux créanciers inscrits. Ceux-ci peuvent demander que l'opération
soit subordonnée à des conditions propres à sauvegarder
leurs intérêts ; par exemple que des garanties
supplémentaires leur soient accordées ou qu'un nouveau calendrier
de remboursement soit établi32(*).
En tout état de cause, lorsque l'autorisation est
accordée, les droits des créanciers inscrits s'exercent avec leur
rang antérieur sur le fonds transformé. Il s'opère une
véritable subrogation réelle par la volonté du
législateur33(*).
Au Rwanda, cette possibilité de notification n'est
prévue par aucun texte. Certes, le créancier se contenterait de
la publicité organisée par la loi sur le registre de
commerce34(*). Aux termes
de ladite loi, nul ne peut exercer une autre activité que celle
mentionnée au registre de commerce (art. 3); tous changements aux
situations déclarées lors de l'immatriculation du
commerçant, donnent lieu à une inscription complémentaire
(art.11).
Quoique le registre de commerce soit théoriquement
public, il n'est pas aisé pour le créancier d'être
informé du contenu de celui-ci, encore qu'il est tenu au greffe de la
chambre commerciale, financière et fiscale du tribunal de Province ou de
la Ville de Kigali35(*).
Il fallait donc imposer au débiteur l'obligation d'informer
préalablement son créancier chaque fois qu'il entend changer
d'activité.
D. Donations et libéralités
Aux termes de l'art. 25 de la loi n° 22/99 la
libéralité est un acte par lequel une personne transfère
à titre gratuit à une autre un droit patrimonial36(*). L'art. 26 de la même
loi distingue 4 sortes de libéralités à savoir les
donations entre vifs, le partage d'ascendants, le legs et la promesse de
libéralités. Toutes ces libéralités ont en commun
qu'elles supposent un appauvrissement réel du disposant. En effet, pour
que l'acte à titre gratuit constitue une libéralité, il
faut que l'appauvrissement et l'enrichissement corrélatifs se
réalisent au moyen d'un transfert de droits patrimoniaux37(*).
Ainsi, supposant un appauvrissement réel sans
compensation, la libéralité ne va pas sans porter atteinte aux
droits des créanciers. Si le débiteur se livre à des
libéralités excessives, il porte sans doute atteinte à la
valeur du fonds grevé. Le débiteur peut le faire par fraude ou
tout simplement sans qu'il soit animé de mauvaise foi, dans un seul but
de bienfaisance ou philanthropique. Certains actes, ne paraissent pas au
premier abord comme libéralités, mais en dernière analyse,
ils sont des libéralités à part entière. C'est
notamment le cas des renonciations translatives ou in favorem, une
remise de dette, une reconnaissance de dette, etc38(*).
Par conséquent, les libéralités ont pour
effet de nuire aux créanciers du disposant. C'est ainsi qu'ils doivent
être dotés de moyens suffisants pour parer à ce danger. Le
droit commun leur reconnaît une action paulienne leur permettant de
faire annuler les actes de fraude du débiteur en faisant valoir la
règle ''nemo liberalis, nis liberatus''39(*). Selon DEKKERS, les
créanciers n'ont pas à prouver que le donateur savait qu'il se
rendait insolvable en faisant sa libéralité. La donation est
nulle comme telle quand elle se fait aux dépens des créanciers.
En outre, les créanciers n'ont pas à prouver non plus la
complicité du tiers40(*)
E. Apport du fonds de commerce en société
L'apport en société est une opération qui
devait logiquement relever à la fois du droit de sociétés
et de la législation sur le fonds de commerce en raison des
intérêts concurrents à protéger. Nous regrettons
cependant que le législateur Rwandais ne s'en soit jamais
préoccupé lors de l'élaboration de la législation
sur le gage du fonds de commerce. Même l'art. 24 de la loi sur les
sociétés commerciales41(*) ne se contente que d'affirmer que chaque
associé doit effectuer un apport soit en espèces, soit en nature,
soit en industrie, sans toutefois définir l'apport.
A ce propos, HUBRECHT considère que l'hypothèse
d'apport en société se rapproche de celle de la vente avec cette
différence que l'apporteur du fonds reçoit non pas une somme
d'argent mais des parts sociales difficilement monnayables42(*). Dans le passé,
l'apport du fonds de commerce a été un moyen souvent
employé par les débiteurs pour soustraire leurs actifs à
leurs créanciers, car la société n'était pas tenue
du passif43(*). Le fonds
de commerce peut être apporté, soit en toute son
entièreté, soit partiellement. Toutefois, on estime qu'un apport
partiel à une autre société doit être
considéré comme dépassant la gestion courante44(*)
Ainsi, un problème se pose de savoir si la seule
publicité exigée d'une société commerciale en
constitution45(*) suffit
à renseigner les créanciers de l'apport projeté par le
débiteur pour qu'ils puissent éventuellement s'y opposer ou
demander l'exigibilité immédiate. La jurisprudence
étrangère a toujours estimé qu'en cas d'apport à
une société en formation cette publicité fait double
emploi avec celle concernant les actes de société qu'il n'est pas
donc indispensable, dans ce cas, de procéder à la
publicité spéciale46(*).
Nous estimons de notre part, qu'en l'absence d'une
procédure spéciale permettant aux créanciers de faire
connaître leurs créances, la société
constituée pourrait se refuser de faire honneur à celles-ci
alléguant qu'elle a ignoré leur existence. Une telle
publicité permet aux créanciers de déclarer leurs
créances et cette déclaration met la société en
demeure soit de prendre en charge ce passif, soit de renoncer à l'apport
envisagé47(*)
Par ailleurs, même si les créanciers inscrits
peuvent faire valoir leur droit de suite, il serait mieux de prévenir
d'abord car l'expérience démontre que le droit de suite risque
d'échouer devant les tiers pour différentes raisons.
Quant à la possibilité de faire recours à
l'exigibilité immédiate, cette éventualité reste
possible mais faute d'information, l'exigibilité se heurterait à
son insolvabilité car le fonds est déjà entre les mains de
la société constituée. La seule possibilité serait
de saisir le titre à sa disposition.
F. Location- gérance du fonds de commerce
La location-gérance, dite aussi «gérance
libre » est une opération sur le fonds de commerce par
laquelle le propriétaire du fonds, agissant en qualité de
bailleur, concède à un tiers, moyennant une rétribution
qui est en réalité un loyer, le droit d'exploiter le commerce
48(*).
Le locataire gérant doit être un
commerçant et exploite librement le fonds, à son profit à
ses risques et périls. Cette situation peut présenter de
multiples inconvénients. Pour le bailleur qui, en fin de bail, risque de
retrouver son fonds en piteux état, car le locataire a
intérêt à le pressurer avant de le restituer et pour les
créanciers du bailleur dont le gage se trouve entre les mains d'un tiers
qu'ils ne connaissent pas et qu'ils n'ont pas choisi49(*). En outre, la
location-gérance, en se prolongeant, peut s'apparenter à une
cession de fonds de commerce que l'on aurait faussement qualifié pour
éviter le paiement des droits de mutation50(*).
Aussi, la mise en location-gérance suscite-t-elle des
difficultés pour les créanciers du propriétaire du fonds.
Qui du bailleur ou locataire supporte les dettes du fonds et à partir de
quelle période ? Quels sont les moyens à la disposition des
créanciers pour faire valoir leurs droits de créance ?
Dans les pays dotés d'une législation sur la
location-gérance, la mise en gérance doit, au début et
à la fin de la location, faire l'objet d'une publicité
appropriée au registre de commerce et au bulletin officiel51(*). Cette publicité
permet notamment de connaître jusqu'à quelle date le
propriétaire du fonds est responsable des dettes de l'entreprise et
à partir de quelle date cette responsabilité incombe au
gérant libre. Il est donc évident qu'avant la publication, les
dettes restent à charge du propriétaire du fonds et le
gérant libre supporte les dettes contractées après la
publication. La location-gérance pourrait donc être
envisagée par les créanciers inscrits comme tout autre acte
diminuant la consistance du gage. Les créanciers seraient donc admis
à faire prononcer la déchéance du terme ou faire prononcer
la nullité du contrat.
Enfin, soulignons qu'il n'y a pas que les actes conscients des
débiteurs qui puissent nuire le créancier. Le débiteur
peut aussi se rendre coupable d'actes de gestion négligente ou de
mauvaise exploitation.
§2. Actes de mauvaise exploitation ou de gestion
négligente
Cette catégorie englobe les actes que le
débiteur pose soit par ignorance soit par négligence sans
toutefois qu'il soit animé d'une quelconque mauvaise foi mais qui,
à cause de leur nature ont pour effet de porter atteinte à la
consistance du gage. Ces actes comprennent entre autres le non-renouvellement
du bail commercial et les autorisations administratives, la non tenue des
livres et documents comptables, le non-exercice de certaines actions en justice
et beaucoup d'autres actes préjudiciables au créancier
A. Le non - renouvellement
du bail et autorisations administratives
L'art. 2 du Décret de 1937 fait du droit au bail un
élément du fonds de commerce. Il est même le plus important
car, pour un commerçant qui ne travaille pas dans son propre immeuble,
le fonds de commerce ne peut pas se concevoir en son absence. Dans ce dernier
cas, un fonds de commerce sans droit au bail serait comme une maison sans
fondation.
On appelle bail commercial le contrat par lequel l'entreprise
commerciale prend en location les locaux nécessaires à son
exploitation52(*). En
d'autres termes, c'est la créance du locataire contre le
propriétaire, c'est-à-dire le droit à la jouissance des
lieux loués où s'exerce le commerce. Le bail est si important
pour la valeur du fonds de commerce que son non renouvellement nuirait
certainement aux créanciers. Il en va de même de la
résiliation du bail par l'une des parties. Le créancier
lésé n'a d'autre choix que de désintéresser le
bailleur pour sauvegarder ainsi le droit au bail
En outre, certaines activités du commerçant ne
peuvent s'exercer que sous certaines licences et autorisations administratives.
Il en est ainsi par exemple des débits de boisson, les exploitations
minières, l'implantation d'établissement dangereux, insalubre ou
incommodes53(*). Ces
permis et autorisations administratifs font corps avec le fonds de commerce et
ne peuvent s'en détacher sous peine d'anéantir la valeur du
fonds. Si à l'expiration du délai de ces permis et autorisations
administratifs, le débiteur s'abstient de les faire renouveler le fonds
de commerce risque de disparaître.
Il faut donc convenir que le créancier doit disposer de
certains moyens pour parer à ce danger qui menace son droit et
privilège. Tout premièrement l'exécution de bonne foi
prônée par l'art. 33 al. 3CCLIII oblige le débiteur de ne
pas porter atteinte aux droits de son cocontractant. Sur base de cet article
le créancier serait donc fondé à intenter contre le
débiteur une action personnelle basée sur l'exécution de
mauvaise foi du contrat, soit pour lui contraindre à exécuter son
obligation, soit pour lui réclamer les dommages et
intérêts. En second lieu, il peut faire recours à l'art.
86 CCLIII qui permet au créancier de demander l'exigibilité
immédiate des sommes dues lorsque le débiteur vient à
diminuer les sûretés servant à la garantie de la
créance.
B. Ne pas exercer certaines actions en justice
Le gage du fonds de commerce, sûreté sans
dépossession, implique que le débiteur continue l'exploitation du
fonds grevé. Il accomplit tous les actes nécessaires à la
bonne exploitation du fonds. Il peut exercer tous les actes conservatoires et
toutes les actions lui reconnues par la loi. Ainsi, le débiteur qui
subit la concurrence d'un tiers peut exercer l'action en concurrence
déloyale. Il peut en outre exercer les actions en contrefaçon des
marques et modèles, l'action paulienne, l'action oblique, etc. 54(*) Qu'advient-il si le
débiteur néglige d'exercer l'une ou l'autre de ces actions ou
s'abstient d'accomplir les actes conservatoires ? On admet
généralement que le non-exercice de ces actions pourrait
indirectement et d'une manière progressive avoir un impact sur la valeur
du fonds et porter atteinte aux droits du créancier. Le
créancier peut-il les exercer à la place de son
débiteur ? L'article 64 CCLIII donne une réponse (voir la
section2).
C. La non tenue des livres et documents comptables
Selon l'art. 1 du Décret du 20 avril 193555(*), tout commerçant doit
tenir des livres et y indiquer, d'après les principes d'une
comptabilité régulière, l'état des
opérations commerciales et sa situation de fortune. Ces livres devront
être écrits dans l'une des langues suivantes :
français, néerlandais, allemand, anglais, espagnol, italien,
portugais ou dans l'une des langues indigènes qui seront
déterminées par le gouverneur général56(*).
La non-tenue de ces documents et livres est sanctionnée
par l'art. 416 CP réprimant la banqueroute simple du commerçant.
Aux termes de cet article : «pourra être déclaré
coupable de banqueroute simple et puni des peines prévues à
l'article précédent le commerçant en cessation de
paiement :
1° qui n'aura pas tenu les livres ou fait ses inventaires
selon les dispositions prévues par le code du commerce.
2° dont les livres ou inventaires seront incomplets,
irréguliers ou rédigés dans une langue autre que celles
dont l'emploi, en cette matière, est prescrit par la loi ;
3° dont les livres ou inventaires n'offrent pas sa
véritable situation active et passive, sans néanmoins qu'il y ait
fraude (...)
La situation décrite par l'art. 416, 1°, 2°,
3° éveille des soupçons. En effet, un commerçant qui
ne tient pas les livres et documents est peu contrôlable quant à
sa comptabilité et il risque de se retrouver en état de cessation
de paiement sans aucun autre signe révélateur.
D. Autres actes préjudiciables aux
intérêts du créancier
Le débiteur peut se rendre coupable de
différents actes ou omissions qui préjudicient les
intérêts du créancier. Le débiteur peut par exemple
omettre de conclure un contrat d'assurance, se livrer aux pratiques
illégales telles que les ententes illicites, la fraude fiscale, refuser
de payer les impôts, etc. Le débiteur peut aussi faire des
renonciations translatives, renoncer à une succession, faire des ventes
à vil prix, des cessions de créance sans contrepartie, etc. Tous
ceux-là peuvent avoir pour effet d'amoindrir, plus ou moins
progressivement, la valeur du fonds.
Section 2 : Droits du
créancier gagiste du fonds de commerce contre le débiteur
La volonté avérée du législateur
d'offrir aux petits commerçants la possibilité d'obtenir le
crédit sans se dessaisir de leur fonds, doit pouvoir se concilier avec
la protection du créancier. L'absence de dépossession qui est
pourtant requise pour le gage classique devrait déterminer le
législateur à sentir une nécessité
impérieuse de protéger de manière aussi efficace que
possible le créancier gagiste du fonds de commerce. A cet effet,
législateur met à la disposition du créancier certains
mécanismes lui permettant non seulement de sanctionner les manoeuvres du
débiteur mais aussi de revendiquer contre les tiers les
éléments du gage dont le débiteur aurait abusivement
disposé.
Il semble cependant que des formules assez évanescentes
du décret de 1937 n'ont pas répondu efficacement à cette
préoccupation. Cela étant, recours est fait au droit commun. Il
convient d'abord d'examiner les recours de droit commun que le créancier
peut exercer pour suppléer à l'inefficacité de la
législation sur le gage du fonds de commerce (sous-section
première) pour ensuite analyser ceux prévus par le décret
de 1937(sous-section deuxième).
§1. Recours de droit commun
Avant d'être ce qu'il est, le créancier gagiste
du fonds de commerce est avant tout créancier. De ce fait, tous les
recours de droit commun lui sont ouverts au même titre que les autres
créanciers. Il peut les exercer chaque fois que les conditions de l'art.
12 al.3 du Décret de 1937 ne lui permettent pas d'exercer une action en
revendication notamment en cas de prescription du délai de 6 mois
prévu dans cet article.
Parmi les recours de droit commun auxquels le créancier
gagiste peut faire recours, on citerait la déchéance du terme, la
saisie-arrêt entre les mains du tiers acquéreur sur le prix de la
vente de l'objet aliéné, annulation de la vente ou
réclamation des dommages et intérêts, l'action paulienne,
l'action oblique et l'action en déclaration de simulation.
A. Déchéance du terme
Pendant la durée du gage le débiteur a
l'obligation d'exploiter convenablement le fonds grevé en évitant
tout acte ou omission pouvant réduire la substance du gage. Si le
débiteur contrevient à cette obligation, le créancier peut
mettre en oeuvre la sanction de l'art. 86 CCLIII qui prononce la
déchéance du terme contre un débiteur qui a fait faillite
ou qui, par son fait, a diminué les sûretés qu'il avait
données par le contrat à son créancier.
Le problème délicat est de pouvoir
énumérer limitativement les cas qui sont considérés
comme diminuant les sûretés et qui permettraient le
créancier à saisir le juge pour réclamer la
déchéance. Il est généralement admis que le
déplacement du fonds sans notification du créancier pourrait
entraîner l'exigibilité immédiate. De même, le
débiteur encourrait la déchéance du terme, si, par
l'aliénation des éléments isolés du fonds ou par
leur affectation au gage d'un autre créancier, il diminuait la garantie
du créancier nanti57(*). Il en est de même de la résiliation du
bail, l'inexécution des engagements pris par le débiteur dans
l'acte de gage, voyage préjudiciable à ses affaires,
négligence dans la gestion, etc.58(*)
Il faut bien avouer cependant que les cas qui viennent
d'être mentionnés ne sont indiqués qu'à titre
exemplatif. A notre avis, tout acte du débiteur quel qu'en soit la
nature entraînerait la déchéance du terme pour autant qu'il
ait pour effet de diminuer la garantie du créancier. La gravité
de l'acte ou de l'omission est laissée à l'appréciation
souveraine du juge.
Il est à déplorer que la procédure
à suivre soit incertaine car, à notre avis, une telle mesure
nécessite une décision urgente. Une
procédure en référé aurait été
nécessaire pour que le créancier puisse protéger
efficacement ses droits en péril. Nous estimons que la procédure
judiciaire de droit commun lui serait préjudiciable.
B. Saisie-arrêt entre les mains du tiers
acquéreur sur le prix de vente des objets aliénés
Il arrive que l'action en revendication prévue par
l'art. 12 du décret de 1937 échoue devant un tiers
acquéreur en raison notamment de l'écoulement d'un délai
de 6 mois prévu l'art. 12 al. 2. Selon l'opinion dominante, ce
créancier qui perd son droit de suite sur les meubles corporels
aliénés individuellement, conserve son droit de
préférence sur le prix tant que le prix n'est pas
payé59(*). Il en
est de même du créancier contre lequel l'art. 658 CCLIII a
été opposé.
Il est admis que ce droit du créancier de faire
saisir-arrêter le prix de la vente des objets aliénés entre
les mains du tiers acquéreur subsiste même après que le
prix ait été payé entre les mains du curateur car le
curateur opère les recouvrements non pas au nom du débiteur mais
au nom des créanciers et dans la mesure des droits individuels de chacun
d'eux60(*).
La saisie-arrêt est régie par l'art. 225 al. 1
CPCCSA61(*) qui permet
à tout créancier muni d'un titre authentique ou privé de
saisir-arrêter entre les mains d'un tiers les sommes et effets mobiliers
appartenant à son débiteur ou s'opposer à leur remise.
S'il n'y a pas de titre, le juge président du domicile
du débiteur ou du tiers saisi, peut, sur requête, permettre la
saisie -arrêt. Cette éventualité est subordonnée
à une condition que la créance soit certaine, exigible et liquide
ou puisse être liquidée immédiatement et provisoirement par
le président du tribunal (art. 225 al. 2 CPCCSA).
Quant à la procédure de saisie-arrêt, elle
est régie par les articles 226 est suivant du CPCCSA. Le
créancier saisissant est tenu de dénoncer par voie d'huissier la
saisie-arrêt au débiteur saisi dans les 48 heures (art. 228
CPCCSA). Faute par le saisissant de saisir la juridiction dans un délai
imparti, la saisie-arrêt est nulle (art. 229 al. 1). La même
dénonciation doit également être faite, à la
diligence du saisissant au tiers saisi, faute de quoi les paiements faits par
ce dernier jusqu'à la dénonciation sont valables (art. 229
CPCCSA) Notons que le débiteur saisi peut demander au tribunal la main
levée de la saisie (art. 230 CPCCSA).
C. Annulation de la vente ou réclamation des dommages
et intérêts
Dans le même cas que le précédent, le
créancier peut faire annuler la vente faite en fraude de ses droits. La
doctrine justifie cette action en annulation par la soi-disant idée de
dépossession «symbolique » ou «fictive »
du fonds de commerce en faveur du créancier. On considère que ce
dernier remet la détention du fonds en main du constituant. Dans ce
cas, le constituant qui vend la chose nantie sera considéré comme
ayant livré la chose d'autrui et de ce fait même, la vente serait
nulle avec cette conséquence que le débiteur se ferait octroyer
les dommages et intérêts s'il a ignoré que la chose
fût à autrui62(*). Cette idée se trouve aussi sous la plume de
F. T'KINT qui estime que la vente d'un bien dont le vendeur n'a pas la libre
disposition est nulle63(*).
Par contre, la jurisprudence trouve le fondement de l'action
en annulation dans le caractère public du gage. En effet, la cour de
cassation belge estime que "l'aliénation frauduleuse ne peut
s'opérer qu'au mépris de l'usage ou de l'emploi
déterminé en vue duquel ces objets ont été remis ou
laissés, de par la loi qui a organisé ce gage en main du
débiteur"64(*). En
d'autres termes, c'est le fait que la loi organise la publicité du gage
qui permet au créancier de faire annuler la vente conclue au
mépris de ladite publicité.
D. Action paulienne ou action révocatoire
Le Code Civil Rwandais ne parle de l'action paulienne que
d'une manière fugitive. Aux termes de l'art. 65 CCLIII les
créanciers peuvent, en leur nom personnel, attaquer les actions faites
par le débiteur en fraude de leurs droits. En terme doctrinal, il
s'agit d'une action paulienne conférée au créancier.
L'action paulienne est un moyen de droit qui permet au
créancier de réintégrer à son profit (et à
son seul profit car l'acte attaqué demeure opposable aux
créanciers autres que le demandeur de l'action) dans le patrimoine de
son débiteur les biens qui en auraient été frauduleusement
distraits65(*). L'action
paulienne est une action personnelle qui a pour base, pour fondement, un
quasi-délit66(*).
L'idée fondamentale réside en la volonté du
débiteur de se rendre insolvable ou d'aggraver son insolvabilité
au préjudice de ses créanciers qui voient ainsi échapper
les biens qu'ils comptaient saisir, et sur lesquels ils ont d'ailleurs un droit
de gage général67(*). Ainsi, elle ne profite qu'au créancier qui
en a pris l'initiative et lui confère un véritable droit de
préférence68(*); l'acte attaqué reste opposable aux autres
créanciers69(*).
L'action paulienne ne peut être exercée que pour
autant qu'une créance est exigible et certaine70(*). Dans ce cas, elle n'est pas
d'un grand secours pour le créancier gagiste, car la fraude peut
être exercée pendant la durée du gage, avant même que
sa créance ne soit exigible. Selon DE PAGE, l'action paulienne n'est
pas une mesure conservatoire mais une mesure d'exécution. Elle suppose
que le créancier ait déjà discuté les biens de son
débiteur, et, n'en trouvant plus assez pour se faire payer, cherche chez
autrui ceux qui ont été frauduleusement soustrait de son droit de
gage pour s'en faire attribuer le profit71(*). En outre, il serait difficile pour le
créancier gagiste du fonds de commerce de rapporter la preuve de la
complicité du cocontractant en cas d'actes à titre onéreux
ce qui réduit l'action à quelque chose
d'aléatoire72(*).
Il faut bien avouer cependant que contrairement à
l'action en revendication prévue par l'art. 12 al 2 du décret de
1937, l'action paulienne présente l'avantage d'être étendue
dans le temps car, en tant qu'action personnelle, elle est soumise à la
prescription trentenaire.
C. Action oblique
L'action oblique nous vient de l'art. 64 CCLIII qui
dispose : " les créanciers peuvent exercer tous les droits et
actions de leur débiteur à l'exception de ceux qui sont
exclusivement attachés à la personne". Elle est une
prérogative reconnue au créancier d'agir en lieu et place et pour
le compte du débiteur négligent dans le but de préserver
les droits de ce dernier et, de ce fait, la consistance de son patrimoine.
Ainsi, pour pouvoir exercer l'action oblique, le
créancier doit justifier de 3 conditions : son intérêt
à agir, l'inaction du débiteur ; enfin, l'existence d'une
créance certaine et exigible73(*). Dès l'instant que ces conditions sont
réunies tous les créanciers tant privilégiés que
chirographaires peuvent agir, que leur titre soit, ou non, antérieur
à l'acquisition du droit que le débiteur néglige
d'exercer74(*). De
là, le créancier gagiste sur le fonds de commerce est donc
reçu à intenter une action oblique pour recouvrer une
créance en souffrance, interrompre une prescription, inscrire une
hypothèque ou poursuivre une instance dont le débiteur se
désintéresse, etc.). Il s'agit donc des droits et actions de
son débiteur qui existent dans son patrimoine et qu'il néglige de
faire valoir contre les tiers75(*).
Contrairement à l'action paulienne qui ne profite qu'au
seul créancier qui en a pris l'initiative, l'action oblique est une
mesure conservatoire dont le produit profite à l'ensemble de ses
créanciers. Partant, son exercice reste sans intérêts
surtout lorsqu'il y a d'autres créanciers dont les rangs sont
antérieurs au sien. Le créancier ne trouve aucun incitant
à l'exercice de l'action oblique dès lors qu'aucune
préférence ne lui est reconnue.
F. Action en déclaration de simulation
La simulation consiste en un mensonge concerté entre
les contractants qui conviennent de dissimuler leur volonté
véritable derrière un contrat qui ne sera qu'une apparence. Elle
s'oppose au dol qui est réticence ou le mensonge d'un seul. Il existe
donc entre deux cocontractants, deux accords de volonté nés en
même temps : l'un ostensible mais mensonger (acte apparent, acte
simulé) l'autre sincère mais secret (la contre-lettre, acte
dissimulé). Les motifs de la simulation sont variés. Ils
peuvent être licites76(*) mais le plus souvent ils sont illicites. Dans ce
dernier cas, elle tend à porter préjudice aux créanciers
de l'un des cocontractants.
Par conséquent, ces derniers ont le
droit de méconnaître la contre-lettre et de s'en tenir à
l'acte apparent. La contre-lettre ne lui est pas opposable mais ils peuvent
aussi bien, s'ils y ont intérêt, écarter l'acte apparent
pour se prévaloir de la contre-lettre. L'action par laquelle ils
demandent ainsi à rétablir la réalité pour faire
jouer en leur faveur les effets de la contre-lettre, est l'action en
déclaration de simulation.
En effet, cette action suppose un acte fictif qui ne
crée donc pas l'insolvabilité réelle du débiteur.
Par cette action le créancier priera le juge de dire que le bien
aliéné n'est, en réalité, jamais sorti du
patrimoine du débiteur, qu'il n'a jamais cessé d'en faire partie
et que l'acte qui constate la transmission ou la constatation de charge n'est
qu'apparent, non sincère, qu'il est fictif. Le créancier trouve
intérêt à exercer l'action en déclaration de
simulation, car tout comme dans l'action paulienne le bénéfice de
l'action lui appartient à lui seul. Il faut observer cependant que la
simulation n'est qu'une hypothèse rare car dans la plupart des cas la
sortie est réelle. L'action en simulation n'est qu'une monnaie rare.
§2. Moyens de protection mise en oeuvre par le
Décret de 1937
A part les moyens de droit commun que le créancier
gagiste du fonds de commerce peut mettre en ouvre comme tout autre
créancier, le décret de 1937 met à sa disposition d'autres
moyens spécifiques qui se justifient par le caractère particulier
du gage du fonds de commerce. Ce sont notamment la sanction pénale du
détournement frauduleux, le droit de suite, le droit de
préférence et le droit de réaliser le gage en cas de non
paiement.
A. Sanction pénale du détournement
frauduleux
Le débiteur, par le fait du gage est constitué
gardien des éléments du fonds de commerce. L'art. 18 du
décret de 1937 punit d'un mois à deux ans de servitude
pénale77(*) et
d'une amende de 100 à 10.000 francs ou d'une de ces peines seulement, le
débiteur qui diminue frauduleusement la consistance du fonds de commerce
qu'il a donné en gage. Même si le législateur fait usage
du terme «diminution frauduleuse », les auteurs en sont venus
à conclure qu'il s'agit bien d'une infraction d'abus de
confiance78(*).
Ainsi envisagée, la question se pose de savoir pourquoi
le régime de droit commun est écarté. Faut-il conclure que
la diminution frauduleuse de la consistance du gage ne cadre pas avec
l'élément matériel de l'abus de confiance de droit
commun ? Une autre question est de savoir ce que serait le fondement de
la condamnation du débiteur. Est-il condamné du fait qu'il est
constitué gardien ou simplement à un autre titre ? Les
développements qui suivent se penchent sur ces questions
En ce qui concerne "l'abus de confiance spéciale"
résultant de la diminution frauduleuse de la consistance du gage,
analysons d'abord ce qu'il en est de l'abus de confiance prévue par le
code pénal rwandais. Le code pénal rwandais punit quiconque a
frauduleusement détourné ou dissipé au préjudice
d'autrui, des effets, deniers, marchandises, billets, quittances, écrits
de toute nature contenant ou opérant obligation ou décharge et
qui lui avaient été remis à titre de louage, de
dépôt, de mandat, de gage, de prêt à usage ou pour un
travail, salarié ou non salarié, à charge de les rendre ou
d'en faire un usage ou un emploi déterminé79(*). Il ressort des dispositions
de cet article que pour mettre en application les sanctions qu'il porte, il
faut que les effets, deniers, marchandises et quittances, écrits aient
été remis à titre de l'un des contrats y
énumérés à savoir le contrat de louage, de
dépôt, de mandat, de gage, de prêt à usage ou un
contrat de travail.
Cependant, il est de notre avis qu'aucun des contrats
énumérés à l'article 424 du code pénal
rwandais ne permet d'accommoder l'idée de dépossession des biens
du fonds de commerce. Certains auteurs animés par l'idée de
dépossession « fictive » ou
« symbolique » estiment que le constituant du gage n'est
qu'un simple détenteur qui n'a pour mission que de préserver et
conserver le bien nanti80(*). En cette qualité il serait
considéré comme un simple dépositaire. A notre avis, ce
parallélisme accuse d'un certain illogisme, car le
dépositaire ne peut que garder le bien qu'il a reçu en
dépôt, il n'a aucun droit de disposition sur le dit bien. Il est
donc clair que cette idée est contraire à la raison d'être
de l'institution de gage du fonds de commerce qui est de doter les petits
commerçants d'un instrument de crédit tout en poursuivant
l'exploitation de leur fonds.
Biens plus, il nous semble que le contrat de gage auquel fait
allusion l'art. 424 ne peut entrer en ligne de compte que pour un
créancier ordinaire aux mains duquel un gage a été remis.
Il ne peut pas faire bon ménage avec la réalité du gage du
fonds de commerce.
Par contre, le fondement de la sanction de la diminution
frauduleuse peut donc être recherché ailleurs ce qui justifie,
à notre sens, le recours au régime spécial. Selon MOREAU
MARGREVE : « c'est l'obligation de conservation
imposée au constituant du gage en raison même de la garantie
constitué en faveur du créancier qui explique et justifie qu'il
puisse, en cas d'inexécution de son obligation, être
condamné pour abus de confiance »81(*). Le constituant qui a
grevé le fonds, a l'obligation de gestion rationnelle, pareille
obligation est tout à la fois la mesure de ce qu'il ne peut plus faire
et de ce qu'il peut encore faire. Il ne peut modifier les
éléments du fonds de commerce si ses agissements sont contraires
à une bonne gestion mais il le peut à l'inverse82(*). De là, il y a lieu de
constater que l'abus de confiance de l'art. 18 du décret de 1937 n'est
pas fondé sur l'un ou l'autre des contrats prévus par l'art. 424
CP mais résulte plutôt d'une obligation pesant sur le constituant
de ne pas diminuer la consistance du gage (obligation de gestion rationnelle).
Avant de conclure cette rubrique relative à la sanction
pénale, nous pensons de lege ferenda que les sanctions
portées par l'art. 18 du Décret de 1937 devraient être
revues dans le sens de l'augmentation des peines, car elles paraissent moins
dissuasives pour un commerçant de mauvaise foi. L'insuffisance de la
sanction a poussé Jacques FERRONIERE à proposer au
créancier gagiste d'insérer «la clause
d'arrosage » dans son contrat de prêt. Celle-ci est une clause
permettant au créancier d'exiger au débiteur, soit un
supplément de garantie soit un payement avant terme lorsque les
garanties viennent à diminuer83(*). Toutefois, l'utilité de cette clause ne
paraît pas évidente, car celle-ci restera sans effet si le
débiteur n'a pas d'autres biens à donner en complément de
garantie ou se trouve dans l'impossibilité de payer avant terme84(*).
Aussi, est-il d'un grand intérêt de souligner que
pour le créancier, l'intérêt n'est pas de voir le
débiteur condamné à un emprisonnement ou à une
amende. Pour lui, il serait mieux que les biens détournés
retournent dans le patrimoine du débiteur pour qu'il exerce sur ceux-ci
un privilège. La tentative d'obtenir les dommages et
intérêts sera également vouée à
l'échec car, dans la plupart des cas le débiteur est insolvable.
C'est pourquoi un autre mécanisme permettant au créancier de
poursuivre le bien en quelques mains qu'il se trouve a été
imaginé. Il s'agit d'un droit de suite reconnu au créancier.
B. Droit de suite
Le droit de suite est un attribut du droit réel
permettant au titulaire de celui-ci de saisir le bien grevé du droit en
quelques mains qu'il se trouve85(*). Il est unanimement admis que le droit de suite
complète le droit de préférence et que les deux
combinés confèrent toutes les prérogatives d'un droit
réel. Le droit de suite protége le titulaire de la
sûreté contre la disparition de l'actif du débiteur. Il
confère au créancier le droit de saisir le bien en quelques mains
qu'il se trouve et le faire vendre à son profit.
Traditionnellement, le droit de suite n'était que
l'attribut des seules sûretés immobilières en vertu de
l'adage « les meubles n'ont pas de suite par hypothèque»
(voir art. 2119 du code civil français). Selon T'KINT il n'est pas
praticable en matière mobilière pour deux raisons :
1° Le droit de suite n'est pas compatible avec la
protection que l'art. 2279 (équivalent à 658 CCLIII) du code
civil reconnaît au possesseur de bonne foi d'une chose mobilière,
lequel est fondé à repousser toute revendication des tiers ;
2° Le droit de suite ne se conçoit pas sans une
publicité efficace qui protège les tiers et spécialement
les acquéreurs des biens grevés, dans la mesure où il est
difficile, sinon impossible d'organiser pareille publicité pour les
meubles86(*).
Contrairement au code civil français qui consacre la
règle « les meubles n'ont pas de suite », l'art. 12
al 2 du décret de 1937 reconnaît au créancier le droit de
revendiquer entre les mains des tiers acquéreurs les
éléments séparés du fonds (matière
première, matériel et outillage) lorsqu'ils ont été
déplacés sans son consentement. La revendication doit se faire
dans un délai de 6 moins faute de quoi le créancier perd son
droit de préférence sur les effets déplacés. En
revanche, l'acquéreur peut invoquer le bénéfice de l'art.
658 CCLIII. Signalons que le droit de suite n'est pas consacré par
l'art. 12 al. 1 du décret de 193787(*) comme le prétend Joseph HATUNGIMANA, car le
droit de suite et le droit de préférence ne sont exercés
que contre le tiers et non entre les parties 88(*)
En ce qui concerne les éléments qui font objet
du droit de suite, T'KINT, commentant le droit belge, estime que
l'énumération de l'art. 11§ II CCB équivalent
à de notre art. 12 al. 2 du Décret de 1937 n'est pas
limitative89(*).
C'est-à-dire que le créancier peut revendiquer outre les
éléments corporels énumérés à l'art.
12 al. 2, même les autres éléments corporels
du fonds de commerce aliénés sans son consentement tels
que les marchandises aliénées dans l'esprit de fraude.
Toutefois, nous ne souscrivons pas à cette position,
car aucun élément ne nous permettrait d'arriver à une
telle conclusion. A note sens, l'énumération de l'art. 12 al 2
reste limitative car, si le législateur n'avait pas voulu rendre
limitative cette disposition, il se serait satisfait à dire tout
simplement que le créancier peut revendiquer les éléments
du fonds de commerce déplacés sans son consentement sans pouvoir
désigner nommément certains d'entre eux (les matières
premières, le matériel, le mobilier et outillage). Or, les
marchandises peuvent être aliénées en dehors de la gestion
normale. De même, les éléments incorporels tel que le droit
au bail, le nom de commerce, peuvent être cédés conduisant
ainsi à la disparition du fonds de commerce. Peut-on étendre la
disposition aux marchandises ou aux meubles incorporels qui font pourtant
partie de l'assiette du gage du fonds de commerce ? En tout cas la
réponse négative s'impose sinon l'énumération dont
question à l'art. 12 du décret de 1937 ne serait que fantaisiste.
Outre la limitation du droit de suite dans le temps et la
possibilité pour le tiers acquéreur de lui opposer l'art.
658CCLIII, l'exercice du droit de suite supposerait l'exercice d'un continuel
contrôle de la part du créancier gagiste, contrôle
coûteux et qui risquerait d'être mal accueilli ! Il n'est pas
rare, en fait, que le créancier gagiste ne soit informé de la
cession d'un élément du fonds, quand ce n'est pas du fonds
lui-même, et ce, en dépit des clauses contractuelles, qui
spécifient que défense est faite au constituant de conclure telle
ou telle opération sans autorisation préalable du
créancier gagiste90(*).
Quant à la possibilité d'exercer le droit de
suite en cas d'aliénation globale du fonds de commerce, il est
généralement admis que le créancier gagiste exerce un
véritable droit de suite quoique sa base théorique soit faible.
En effet, ce droit de suite est une construction prétorienne et ne
repose sur aucun texte légal. Il se justifie par la double
considération que le gage se réalise sans dépossession et
qu'il est soumis à la publicité91(*). D'une part, la sûreté serait
illusoire si le créancier n'était pas protégé
contre l'aliénation de mauvaise foi par le débiteur qui maintient
la possession du bien et d'autre part, la publicité dont le gage du
fonds de commerce fait objet rend celui-ci opposable aux tiers qui sont avertis
de l'existence du gage. On estime que l'acquéreur de bonne foi qui
aurait omis de vérifier, l'absence d'inscription sur le fonds serait un
acquéreur négligent92(*).
Pour conclure, notons que malgré toutes ces
considérations en faveur de l'existence du droit de suite en cas
d'aliénation globale du fonds de commerce, l'absence de texte fait que
sa mise en oeuvre n'est pas toujours aisée. En plus, le succès
du droit de suite est soumis à la condition, que le fonds demeure
identifiable ce qui est dans la plupart des cas irréalisable. Et enfin,
le droit de suite ne peut pas atteindre les résultats escomptés
qui pour autant que le créancier bénéficie d'un droit de
préférence.
D. Droit de préférence
Le droit de préférence qui est la
prérogative des droits réels, permet à son titulaire de se
mettre à l'abri du concours des autres créanciers et le
protège contre l'insuffisance du patrimoine du débiteur. Il se
trouve consacrée par l'article premier du Décret
hypothécaire du 15 mai 192293(*). Le droit de
préférence du créancier gagiste s'exerce non seulement
lors de la réalisation du gage mais aussi comme conséquence de
l'action en revendication intentée par le créancier (l'art. 12
al. 2 «le créancier conserve son privilège sur les
éléments du fonds déplacés »).
Cette prérogative permet au créancier gagiste
d'être payé par préférence sur le prix de vente du
fonds. Ce droit subsiste sur l'ensemble du fonds jusqu'à l'apurement
total de la créance. En plus, le principe de l'indivisibilité du
gage consacré par l'art. 612 CCLIII s'applique en matière de
nantissement du fonds de commerce.
Pour faire valoir son droit de préférence, le
créancier doit tout d'abord provoquer la procédure de
réalisation. Cette procédure s'opère par une saisie des
éléments qui composent le fonds de commerce. Cette saisie se
fait sans la permission du juge, mais après une mise en demeure faite
à l'emprunteur et au tiers bailleur du gage s'il y en a un (art. 12 al.
1 décret de 1937). Une vente doit s'en suivre après que les
saisies opérées aient été déclarées
valables par le juge de la chambre commerciale, financière et fiscale du
tribunal de province ou de la ville de Kigali sur requête du
créancier poursuivant94(*). Le prix de la vente sera réservé par
priorité au créancier gagiste.
Toutefois, même si le créancier gagiste a le
droit de se faire payer par priorité au rang que lui assure son
privilège sur le prix de la vente du fonds, il est primé par les
privilèges de meilleur rang tel que le privilège des
salariés, du trésor, les frais de justice, etc.95(*) Il est déplorable que
la législation sur le gage du fonds de commerce n'ait
réglé suffisamment les conflits de rang en cas de
pluralité de privilèges sur un même fonds. Cette question
sera abordée dans le 2e chapitre.
Notons que si à la suite de l'exercice du droit de
suite par le créancier, la vente du fonds atteint les
éléments sur lesquels ne porte pas son privilège, son
droit de préférence ne s'exerce que sur le prix des
éléments compris dans le nantissement. Ensuite, il a
été jugé que même si le créancier perd son
droit de suite sur les meubles corporels aliénés
individuellement, il conserve son droit de préférence sur le prix
tant que le prix n'est pas payé96(*).
E. Droit de réaliser le gage
Parmi les formes légales d'exécution
prévues par le code de procédure civile, commerciale, sociale et
administrative, la réalisation du gage du fonds de commerce ne peut
passer que par la saisie. Contrairement au « gage
classique » où le bien qui en fait objet est entre les mains
du créancier gagiste ordinaire, le créancier gagiste du fonds de
commerce sera préalablement contraint de saisir le fonds ou les
éléments qui le composent.
En principe, pour pouvoir saisir, l'intéressé
doit avoir un titre exécutoire qui peut être un jugement, un
arrêt, ordonnance, les sentences arbitrales, actes authentiques contenant
les clauses de vente par voie parée, les contrats de marché
publics passés en forme administrative, les actes authentiques et les
jugements étrangers revêtus de l'exequatur par l'autorité
judiciaire compétente (art. 195 CPCCSA). En outre, la saisie
conservatoire requiert la permission du juge-Président du tribunal de
district ou de la ville ou celui du tribunal de province ou de la ville de
Kigali, suivant leur compétence matérielle.
Ainsi l'art. 12 al. 1 du décret de 1937 reconnaît
au créancier au bénéfice duquel un fonds de commerce a
été donné en gage, le droit de faire saisir pour
sûreté des sommes qui lui sont dues et sans la permission du juge,
tous les éléments constitutifs du fonds de commerce donné
en gage. Cette saisie se fait simultanément avec la mise en demeure
faite à l'emprunteur et au tiers bailleur de gage s'il y en a un.
De ce qui précède, on en déduit qu'il
s'agit bien d'une saisie conservatoire, car le droit définitif du
saisissant est subordonné à une demande en validité dans
un délai de 48 heures de la saisie. La demande en validité est
portée devant le juge de la chambre commerciale, financière et
fiscale du tribunal de province ou de la ville de Kigali par le
créancier poursuivant97(*).
La saisie aboutit donc à la vente du gage en bloc ou en
détail, soit publiquement, soit de gré à gré, au
choix du juge et par la personne qu'il désignera. Toutefois, une mise
en demeure préalable est requise. Elle est signifiée au
débiteur et au tiers bailleur de gage s'il y en a un. La requête
est adressée au juge de la chambre commerciale, financière et
fiscale du tribunal de province ou de la ville de Kigali dans le ressort duquel
le fonds de commerce est situé98(*)
Il est à déplorer cependant que ni le
décret de 1937, ni le nouveau code de procédure civile,
commerciale, sociale et administrative ne précisent la procédure
de saisie des universalités comme le fonds de commerce dont les
éléments sont soumis aux régimes juridiques
différents. Le Décret de 1937 ne se satisfait qu'à
préciser que le juge peut ordonner la vente en bloc du fonds de commerce
mais sans préciser la procédure de saisie qui est pourtant une
étape préalable à toute vente. Aucune des formes de
saisie connue ne sert de manière adéquate à
réaliser l'appréhension globale du fonds99(*). Comment alors le juge s'y
prend-il dans un cas concret? A notre humble avis, nous pensons que le juge
appliquera les règles différentes suivant la nature des biens
(sommes, marchandises, éléments incorporels, etc.) ce qui aura
bien sûr pour effet de morceler la réalisation du gage et
d'amoindrir la valeur du fonds par rapport à celle qu'il aurait s'il
était réalisé comme un tout.
CHAP. II : PROTECTION DU CRÉANCIER GAGISTE SUR
FONDS DE COMMERCE A L'EGARD DES TIERS
La sûreté dont bénéficie le
créancier gagiste du fonds de commerce ne saurait être efficace
que dans la mesure où il est protégé contre les tiers. Le
terme tiers utilisé dans ce chapitre renvoie aux acquéreurs du
bien objet du gage, au bailleur et les autres titulaires des droits
réels sur le fonds grevé. Toutes ces personnes peuvent avoir les
droits à prétendre sur le bien. Dans ce chapitre, ces droits
s'analysent dans le cadre des relations normales avec les tiers d'une part
(première section), et dans le cadre de la faillite du débiteur
d'autre part (section deuxième).
Section 1 : Rapports normaux du créancier gagiste
avec les tiers
Dans le cadre des rapports normaux, la protection du
créancier gagiste du fonds de commerce va s'analyser à travers
les dispositions préventives que le législateur met en place pour
protéger le créancier contre les tiers, différents recours
contre les tiers et les principes généraux qui participent
à la résolution des conflits entre le créancier et les
personnes ayant les privilèges sur les meubles nantis.
§1. Dispositions préventives
Les dispositions préventives que le législateur
met en place comprennent la publicité instrumentaire, l'exigence que le
constituant soit propriétaire de la chose nantie et
l'inopposabilité de la clause d'interdiction de cession de bail au
créancier.
A. Publicité instrumentaire
La nature du gage du fonds de commerce, sûreté
réelle sans dépossession nécessite qu'une publicité
soit organisée pour son opposabilité. Selon l'art. 4 du
décret de 1937, l'acte du gage n'est rendu public que par son
inscription qui en est faite dans un registre tenu à cet effet. Des
extraits sont délivrés à tout requérant. L'al. 2 de
l'art. 4 précise que le gouverneur général règle
tout ce qui a trait à la bonne marche du service (...). Le commissaire
provincial désigne le fonctionnaire chargé du service des
inscriptions100(*).
C'est ce qui a été fait respectivement par l'ordonnance n°
40/AE101(*) et AM
n°99/13102(*).
En effet, aux termes de l'article premier de l'ordonnance
n° 40/AE, l'inscription prévue par l'art. 4 du décret de
1937 sur le gage du fonds de commerce se fait, dans un registre tenu à
cet effet au siège de la chambre commerciale, financière et
fiscale du tribunal de province ou de la ville de Kigali103(*) dans le ressort duquel le
fonds de commerce est établi. Quant à la désignation du
fonctionnaire chargé du service des inscriptions l'article unique de
l'AM n° 99/13 désigne les greffiers des chambres commerciales des
tribunaux de province ou de la ville de Kigali pour le service des inscriptions
des actes de gage sur le fonds de commerce. Toutefois, ni le décret ni
l'AM ne précise le délai endéans lequel l'inscription doit
avoir été accomplie.
L'inscription requise par la loi n'est pas une condition de
validité du gage mais plutôt une condition pour
l'opposabilité de celui-ci aux tiers104(*). En effet, entre les parties aucune
formalité n'est requise pour la validité du gage; même un
acte sous seing privé suffit (art. 3 décret de 1937).
Par contre, dans certaines législations, comme en
France, lorsque le nantissement comprend des brevets d'invention ou
modèles industriels, il doit en outre, être inscrit à
l'office national de la propriété industrielle, sur production du
certificat d'inscription délivré par le greffier du tribunal du
commerce, dans la quinzaine qui suit cette inscription, à peine de
nullité du nantissement à l'égard des
tiers105(*). Il semble que cette formalité
n'est pas prévue en droit rwandais. Il est de l'opinion dominante que
l'inscription remplace la mise en possession effective du créancier, en
permettant aux tiers de se rendre compte de l'existence du
privilège106(*).
L'inscription protège donc le créancier contre les tiers. A ce
propos, il a été jugé que si le débiteur
transfère le siège d'exploitation du fonds dans un autre
arrondissement, une nouvelle inscription est dès lors requise, à
peine d'inopposabilité du gage aux tiers107(*).
Il est d'un grand intérêt de souligner que le
rang des gages sur fonds de commerce se détermine d'après l'ordre
des inscriptions (art. 6 du Décret de 1937). Il en est de même
des conflits de rang avec d'autres créanciers autres que gagistes. Ils
sont en grande partie résolus suivant la règle de
l'antériorité d'inscription108(*).
En plus, c'est le caractère public du gage
c'est-à-dire l'inscription qui en est faite qui justifie le droit de
suite que la doctrine et la jurisprudence reconnaissent au créancier
gagiste du fonds de commerce en cas de déplacement global du fonds de
commerce nanti. C'est pour cela qu'on estime que par l'inscription qui en est
faite au greffe, les tiers sont avertis de l'existence du gage et que celui
qui acquérrait le fonds de commerce nanti en dépit de la
publicité serait en tout cas un acquéreur
négligent109(*).
B. Identification du propriétaire de la chose nantie
Le Décret de 1937 n'exige pas de manière
expresse que le constituant puisse être propriétaire du bien
nanti. Pourtant, cette condition se déduit de l'art. 4 al. 4, 2°
qui impose entre autres éléments du bordereau à joindre
à l'expédition de l'acte de gage, l'identification du
propriétaire du fonds grevé. L'identification ainsi
exigée, sous-entend que l'intention du législateur est de
vérifier si réellement le constituant est propriétaire de
la chose qu'il entend soumettre à la garantie du créancier car,
l'interdiction de grèvement des biens appartenant à autrui est
d'une exigence habituelle en matière des sûretés
réelles conventionnelles.
Toutefois, ici la propriété doit s'entendre
comme la titularité du fonds et non comme la propriété au
sens de droit réel portant sur une des valeurs corporelles ou
incorporelles110(*).
C'est ainsi par exemple qu'il est généralement admis que
l'usufruitier d'un fonds de commerce peut constituer valablement sur ce fonds
un nantissement. Celui-ci sera soumis aux mêmes causes d'extinction que
l'usufruit lui-même, et ne permettra au créancier que de faire
vendre l'usufruit et non le fonds lui-même. L'hypothèse reste
surtout théorique111(*).
L'exigence que le constituant soit propriétaire de
l'objet nantie est si primordiale que T'KINT estime que le nantissement
constitué sur un fonds appartenant à un tiers est nul112(*). Selon cet auteur, il peut
être assimilé à la vente ou l'hypothèque de la chose
d'autrui. Le gage de la chose d'autrui n'est pas seulement inopposable au
verus dominus, il est aussi nul entre les parties, à raison du
fait que, ne pouvant être opposé au tiers propriétaire, il
ne peut transférer au créancier la sûreté qui est
l'essence de la convention de gage. Le propriétaire peut toujours
méconnaître le nantissement, même si le créancier
était de bonne foi.
La nullité qui frappe le nantissement de la chose
d'autrui doit être considérée comme une nullité
relative. Il en découle que :
1° Seul le créancier peut, à l'exclusion du
débiteur se prévaloir de la nullité
2° Si le constituant devient propriétaire le
nantissement se trouvera de plein droit validé
3° Le véritable propriétaire peut ratifier
la constitution du nantissement indûment faite par un tiers113(*).
Toutes ces considérations montrent combien serait
précaire la sûreté constituée sur le fonds de
commerce dont le débiteur n'est pas
propriétaire. C'est certes cette situation qui a amené le
législateur à exiger l'identification du propriétaire du
fonds. L'objectif n'est autre que de protéger le créancier
contre les effets de la nullité du gage.
C. Inopposabilité de la clause d'interdiction de
cession de bail au créancier
En pratique, il est fréquent que le commerçant
ne soit pas propriétaire de l'immeuble ou des locaux dans lesquels il
exploite son fonds de commerce. Il en obtient alors la jouissance par un bail
à usage commercial. Celui-ci est l'un des éléments les
plus importants du fonds de commerce. C'est lui, en effet, qui assure la
continuité de l'exploitation de l'entreprise dans un certain local. De
lui dépendent donc, en grande partie, la clientèle et
l'achalandage114(*).
C'est ainsi que la résiliation du bail à la demande du
propriétaire doit être notifiée aux créanciers
inscrits. De même, le législateur rend inopposable au
créancier la clause d'interdiction de cession de bail.
Aux termes de l'art. 11 du Décret de 1937, la clause
d'interdiction de cession de bail n'est opposable au créancier gagiste
ou à ses ayants droits continuant dans l'immeuble loué, le
même commerce et le garnissant de meubles suffisants. Cette disposition
tend à renforcer la valeur de la garantie.
Néanmoins, l'applicabilité de l'art. 11
paraît se réduire à des considérations purement
théoriques. En effet, on s'imagine mal la situation où le
créancier serait amené à continuer le même commerce
dans l'immeuble loué. Selon DE PAGE, cette disposition semble notamment
concerner le cas où le fonds de commerce serait, à
l'échéance de l'obligation principale, attribué au
créancier gagiste par voie de dation en payement115(*). Rappelons que sont nuls
le pacte commissoire exprès et toutes clauses fixant d'avance le lieu
où la vente aurait lieu ou dispensant des formalités relatives
à la procédure de réalisation du gage116(*).
Comme on peut toutefois le constater, la dation en paiement du
fonds de commerce est une hypothèse qui est rare mais qui reste quand
même envisageable. Telle est la raison qui a amené le
législateur à protéger le créancier au
bénéfice duquel la cession de bail peut être faite, en
rendant inopposable à son égard la clause d'interdiction de
cession de bail. Soulignons à toutes fins utiles, que le
législateur subordonne l'inopposabilité au créancier
gagiste de la clause d'interdiction de cession du bail au respect de
l'obligation de garnir le bien de meubles suffisants. Cette exigence vise
à protéger le bailleur qui ne peut en tout cas être
relégué aux oubliettes.
§2. Recours du créancier gagiste contre les tiers
Les recours qui vont faire objet de notre analyse au cours de
cette sous-section sont les recours contre l'acquéreur de la chose
nantie, le bailleur de l'immeuble où est exploité le fonds de
commerce, contre le cessionnaire à titre de garantie, recours en cas de
perte du fonds grevé et le recours contre les tiers dont les biens sont
compris dans le gage
A. Recours contre l'acquéreur de la chose nantie
Commençons tout d'abord par observer que le recours
contre l'acquéreur de la chose objet du gage du fonds de commerce peut
être envisagé dans deux hypothèses. Dans un premier temps
il s'agit d'une hypothèse où le tiers a acquis le fonds de
commerce en tant qu'une universalité et dans le second cas il sera
question de l'acquisition d'un élément isolé du fonds de
commerce.
1° Acquisition du fonds de commerce en tant
qu'universalité
Les tenants de l'idée de possession fictive en faveur
du créancier gagiste maintiennent que ce dernier est
réputé mis en possession du fonds par le fait de l'inscription de
son privilège au greffe de la chambre du tribunal de province ou de la
ville de Kigali dans un registre tenu à cet effet. Son droit subsiste
aussi longtemps que l'inscription est maintenue à l'égard des
tiers et notamment du tiers acquéreur117(*). Malgré la vente à ce tiers et sa
mise en possession de fait, le créancier gagiste, resté, par la
fiction de la loi, possesseur juridique du fonds de commerce conservera son
privilège et devra poursuivre la réalisation du gage contre son
débiteur comme si la vente n'avait pas eu lieu118(*). Aussi,
considère-t-on que la vente d'un bien dont le vendeur n'a pas la libre
disposition est nulle119(*) et l'art. 658 CCLIII ne saurait être
invoqué par l'acquéreur de bonne foi car le fonds de commerce en
tant qu'universalité n'est pas un meuble corporel susceptible de
possession.
2° Acquisition d'un élément isolé
du fonds de commerce
La situation est différente si l'aliénation
faite par le débiteur gagiste porte sur un ou certains
éléments corporels du fonds envisagés isolément.
Le législateur, tout en reconnaissant au créancier gagiste du
fonds de commerce une action en revendication contre le tiers
acquéreur120(*),
confère à ce dernier, lorsqu'il est de bonne foi, la
possibilité de faire échec à son action réelle en
revendication.
En effet, aux termes de l'art. 12 al. 3 du décret de
1937 « l'acquéreur de bonne foi peut cependant invoquer le
bénéfice de l'art. 658 du CCL III ». Cette protection
conférée au tiers acquéreur se justifie par la
nécessité du commerce. La rapidité des transactions
mobilières, comme leur nombre, ne donnent pas à
l'acquéreur la possibilité de s'informer utilement quant au droit
de l'aliénateur.121(*) Il acquiert le bien avec la conviction que le
cédant en est propriétaire. Il s'en tient à l'apparence
que constitue la mainmise de son auteur sur la chose.
Néanmoins, pour que le bénéfice de l'art.
658CCLIII puise être invoqué contre le créancier, certaines
conditions sont requises. Précisons d'abord la portée
de la règle de l'art. 658, pour enfin en préciser les
conditions d'application.
a) La portée de la
règle « en fait de meuble possession vaut titre »
Selon RENE DERKERS, la règle « en fait de
meubles, la possession vaut titre » déroge à une autre,
plus générale que le propriétaire peut toujours
revendiquer son bien entre les mains de qui que ce soit. Dès que le
propriétaire apporte la preuve de son droit, tout le monde doit
s'incliner ; et le tiers qui détient le bien d'autrui, doit le
restituer. C'est de ce principe que l'art. 2279 (équivalent à
l'article 658CClIII) s'écarte, en voulant que la revendication d'un
meuble corporel échoue devant un possesseur de bonne foi122(*).
En d'autres termes, on pourrait dire qu'en matière de
meubles corporels le propriétaire perd sa revendication devant un
possesseur de bonne foi. Cette revendication réapparaît en cas de
perte ou de vol (art. 658 al. 2) bien que sous forme mitigée, car dans
cette hypothèse, le propriétaire de la chose peut la revendiquer
dans les 3 ans à compter de la perte ou du vol (art. 658 al.2 CCLIII).
Selon Jean CARBONNIER, la maxime peut et doit suivant les cas, être
comprise de deux manières. La maxime veut d'abord dire que lorsqu'une
personne a acquis un meuble d'un non propriétaire, elle en devient
elle-même propriétaire, si elle a reçu la possession de
bonne foi. C'est la fonction acquisitive de la maxime. La maxime veut dire en
second lieu et secondairement, que la possession fait présumer
jusqu'à preuve contraire une acquisition régulière de
propriété en la personne du possesseur. C'est la fonction
probatoire de la maxime123(*).
b) Conditions d'application
de la règle de l'art. 658
Pour que la présomption de l'art. 658 puise jouer il
faut que certaines conditions soient réunies :
- La possession doit porter sur une chose mobilière qui
n'a été ni volée ni perdue.
- La possession doit être sans vices et effective
- La possession doit être de bonne foi124(*)
Il ne sera que question de survol car l'analyse approfondie
déborderait le cadre de la présente étude.
Par contre, l'art. 658CCLIII ne s'applique qu'aux meubles
corporels qui s'acquièrent sans vérification, qui circulent
facilement et sans écritures, par simple remise de la main à la
main. Il s'applique également aux titres au porteur bien
qu'incorporels, aux billets de banque, etc.125(*) Échappent à cette règle les
meubles incorporels (sauf exceptions indiquées), les
universalités juridiques, les objets incorporés dans un immeuble
et les meubles corporels faisant partie du domaine public126(*).
En ce qui concerne la possession, celle-ci suppose que celui
qui invoque le bénéfice de l'art. 658 ait une maîtrise
effective de la chose et qu'il se comporte comme s'il était le
propriétaire. Encore faut-il qu'il ait toutes les
apparences du droit ; que le possesseur ait fondé sa maîtrise
d'une façon honnête ; qu'il n'ait rien à se reprocher.
En outre, la possession doit être exempte de vices c'est-à-dire
la discontinuité, violence, clandestinité,
équivoque127(*)
Quant à la bonne foi, celui-ci est la conviction
d'avoir bien agi. En matière de possession, cette conviction se
ramène à croire qu'on tient la chose du véritable
propriétaire. Comme le débiteur est généralement
propriétaire du matériel, de l'outillage et des matières
premières, la bonne foi consistera dans l'ignorance légitime dans
le chef de l'acquéreur des droits du titulaire du privilège sur
le fonds de commerce. Un doute sur les droits du cédant, toute
circonstance de nature à éveiller les soupçons excluent la
bonne foi. Celle-ci est toujours présumée quitte à celui
qui allègue la mauvaise foi de la prouver (art. 650 CCL III). Elle
doit exister au moment de l'acquisition et non au jour de la revendication
(art. 651 CCL III).
c) Personnes
protégées par l'art. 658 CCLIII
L'article 658 CCLIII protège l'acquéreur
d'un meuble, le titulaire d'un droit réel restreint dans les limites de
ses droits et au détenteur mais seulement à la faveur de la
présomption qu'il est possesseur128(*).
Ledit article protège également le
sous-acquéreur de mauvaise foi car il n'est pas, à proprement
parler, de mauvaise foi au regard de l'art. 658CCLIII. La bonne foi dans le
système de cet article, consiste à n'avoir aucun doute, aucune
suspicion, non point sur les origines lointaines, mais sur l'origine
immédiate du droit transmis c'est-à-dire le droit de
propriété du cédant, et de nul autre. Or, le
cédant était devenu propriétaire puisqu'il remplissait les
conditions posées par l'art. 658CCLIII.
B. Créancier gagiste du fonds de commerce contre le
bailleur de l'immeuble où est exploité le fonds de commerce
Aux premières vues, on s'imagine mal le cas dans lequel
le créancier gagiste serait amené à s'affronter au
bailleur de l'immeuble. Pourtant, comme nous avons eu l'occasion de le
souligner, le droit au bail constitue un élément très
important du fonds de commerce qu'il importe pour les créanciers de
protéger sous peine de voir le gage disparaître. En cas de non
payement du loyer, le bailleur peut poursuivre la résiliation soit
judiciaire soit amiable. Le droit rwandais ne disposant pas d'une
législation sur le bail commercial, recours est fait à la
législation étrangère en la matière.
C'est ainsi que l'art. 14 de la loi française du 17
Mars 1959 dispose que le propriétaire qui poursuit la résiliation
du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé
d'inscription doit notifier sa demande aux créanciers
antérieurement inscrits au domicile élu par eux dans leurs
inscriptions. De l'autre côté, la résiliation amiable du
bail ne devient définitive, qu'un mois après la notification qui
en a été faite aux créanciers inscrits, aux domiciles
élus (al. 2 de l'art. 14). Cette procédure a pour but de
permettre aux créanciers de désintéresser
éventuellement le bailleur et de sauvegarder ainsi le droit au bail qui
constitue une partie essentielle de leur gage129(*).
Si la résiliation judiciaire intervenait sans
notification préalable, les créanciers inscrits seraient
recevables à demander des dommages et intérêts au
propriétaire devant le tribunal civil à raison du
préjudice qu'il leur a causé130(*). Quant à la résiliation volontaire
elle ne peut jamais être opposable aux créanciers, car elle ne
devient définitive qu'un mois après la notification131(*).
C. Créancier contre le cessionnaire à titre de
garantie
Les affrontements entre le créancier gagiste du fonds
de commerce et le cessionnaire à titre de garantie naissent de
l'idée d'extension du gage du fonds de commerce aux créances,
valeurs et espèces alors que celles-ci constituent l'assiette même
de la cession à titre de garantie par voie d'endossement (en
propriété ou pignoratif) des factures notamment ou par voie
d'escompte ou d'endossement des effets132(*).
En effet, un débat houleux s'est toujours tenu entre
différents auteurs au point de savoir si les créances, valeurs et
espèces sont incluses dans le gage du fonds de commerce. La
réponse a été donnée par la cour de cassation belge
dans son arrêt du 6 Nov. 1970133(*) dont l'un des motifs est libellé comme
suit :«Attendu que, si les créances, valeurs et
espèces ne font généralement pas partie du fonds de
commerce, les opérations juridiques portant sur le fonds de commerce
peuvent y inclure ces éléments au moyen d'une clause
spéciale ». Un peu plus tard, en 1986, la même
cour décide que l'inclusion des créances dans le gage est
opposable aux tiers même en l'absence de mention dans le bordereau
d'inscription134(*).
Ces deux décisions ont été vivement
critiquées par T'KINT qui estime que l'inclusion conventionnelle des
créances dans le gage doit être portée à la
connaissance des tiers tout comme d'ailleurs celle des marchandises135(*). MOREAU MARGREVE quant
à elle s'attaque à l'inclusion conventionnelle des
créances, valeurs et espèces dans le gage, car elle
méconnaît la loi du concours et de ce fait, préjudicie les
droits des tiers. Elle estime en outre, qu'elle méconnaît la
règle "pas de privilège sans texte", car il n'est pas au pouvoir
des particuliers d'étendre l'assiette d'une sûreté à
des biens autres que ceux que le législateur permet aux parties
contractantes de soumettre au gage136(*).
Une autre critique a été émise par
FONTAINE qui estime que cet arrêt ne se justifie pas parce que les
créances, valeurs et espèces font, par principe, partie du fonds
de commerce, au motif qu'il s'agit non du résultat de l'exploitation
mais des facteurs indispensables de productivité de
l'entreprise137(*).
Cependant, si critiquée soit-elle, la décision est
consacrée par la grande partie de la jurisprudence et de la doctrine.
Le concours entre le créancier gagiste du fonds de
commerce et le cessionnaire à titre de garantie résulte des
nécessités d'exploitation. En effet, il arrive que pour les
nécessités d'exploitation, le débiteur cède
certains éléments de l'actif, notamment des créances, pour
l'obtention du crédit. Cette cession devrait normalement être
compatible avec l'existence du gage. Ce dernier soumet le débiteur
à l'obligation de ne pas amoindrir le fonds au préjudice du
créancier. Ainsi, est-il interdit au créancier de céder
une créance sans contrepartie.
C'est pour cela que la cession de créance à
titre de garantie a suscité des inquiétudes lorsqu'elle
intervient postérieurement au gage du fonds de commerce. On a
estimé que la cession « sort » la créance
cédée du patrimoine du débiteur et la soustrait à
l'emprise de ses autres créanciers. En outre, elle aboutit à
créer par une voie détournée, une sûreté
réelle renforcée et ce, au mépris de la règle
«pas de sûretés sans textes »138(*). Bien plus, la cession de
créance à titre de garantie permet aux parties de réaliser
indirectement un gage en éludant, par le recours à un artifice,
l'interdiction de la clause commissoire. La créance cédée
est bel et bien attribuée au créancier à défaut de
paiement de la dette par le cédant139(*). Ce faisant, et c'est le but recherché, les
parties parviennent à soumettre leur convention aux règles de la
cession de créance et non à celles du gage.
Dans le cas où le créancier gagiste du fonds de
commerce estimerait que la cession de créance à titre de garantie
envisagée par le débiteur a pour effet d'amoindrir la valeur du
fonds, il lui est loisible de mettre en cause la cession et d'en contester le
principe140(*). Il en
est de même lorsque l'interdiction de cession résulte
expressément du contrat lequel fait défense au débiteur de
céder ses créances sans l'accord du créancier gagiste du
fonds de commerce. La cession pourrait alors être contestée, sur
le seul fondement du contrat de gage par le créancier. Dans ce dernier
cas, comme dans le précédent, le créancier doit apporter
la preuve de la connaissance, par le tiers, de l'interdiction ce qui constitue
pour lui un obstacle sérieux. Pour éviter ces difficultés
le créancier gagiste du fonds de commerce devrait donc réagir
à temps c'est-à-dire au moment où le cession est
envisagée. Toutefois, celle-ci n'étant soumise à
aucune publicité il lui est difficile de s'en rendre compte à
moins qu'il ne se soit réservée par contrat, le droit de regard
sur le patrimoine de son débiteur.
D. Recours du créancier gagiste en cas de perte du
fonds grevé
Lorsque le fonds de commerce vient à disparaître
par cas fortuit le privilège du créancier gagiste disparaît
par voie de conséquence. Mais le privilège subsiste sur les
éléments qui survivent à sa disparition141(*).
Il est également admis que la subrogation réelle
joue en faveur du créancier au cas où l'incendie viendrait
à détruire une partie des éléments du fonds. Son
privilège sera reporté sur des indemnités d'assurance. Le
créancier n'a le droit qu'à l'indemnité correspondant au
matériel puisqu'il n'a pas droit sur les marchandises142(*) à moins que celles-ci
aient été incluses dans le gage par une clause expresse en
concurrence de 50% (art. 2 al. 2 Décret de 1937).
Enfin, lorsque l'immeuble dans lequel le fonds est
exploité vient à être exproprié pour cause
d'intérêt public ce qui a pour effet de porter atteinte au droit
au bail et par voie de conséquence à la disparition du fonds, le
privilège du créancier nanti s'exerce sur l'indemnité
accordée au propriétaire pour la perte du droit au bail143(*).
E. Créancier gagiste du fonds de commerce face aux
tiers dont les biens sont compris dans le gage
Il arrive que lors du nantissement ou même depuis le
nantissement les biens du tiers se soient introduits dans le fonds de commerce
sans que leur propriétaire ait avisé le créancier nanti.
Par exemple un tiers dépose un frigo chez le débiteur gagiste ou
ce dernier emprunte quelques caisses d'emballage de primus144(*) chez son voisin à
l'insu du créancier gagiste. L'on se demande si ceux-ci sont compris
dans le gage (lors de la réalisation par exemple).
En l'espèce, l'on enseigne que le nantissement comprend
tout le matériel et le mobilier commercial servant à
l'exploitation alors même qu'ils appartiennent à des tiers si le
créancier nanti a ignoré le droit de ces derniers, soit que ces
objets fussent déjà dans le fonds, soit qu'ils y aient
été introduits depuis le nantissement sans que leur
propriétaire ait avisé le créancier nanti145(*). En principe, le mobilier
et l'outillage ne sont compris dans le fonds grevé que s'ils sont la
propriété du titulaire du fonds146(*)mais dès que le créancier n'a pas
été averti de leur introduction dans le fonds de commerce, ils
sont présumés être sa propriété.
Cette solution est à notre avis sage et protège
le créancier contre les manoeuvres dont le débiteur pourrait se
rendre coupable en attribuant la propriété de certains objets
à un tiers pour éviter leur saisie. La situation du
débiteur gagiste est calquée sur celle du bailleur d'un immeuble
relativement aux choses appartenant à autrui que le locataire a
introduit dans l'immeuble. Le grèvement de l'ensemble des biens
découragerait également les pratiques devenues monnaie courante
de déguiser les contrats de vente sous forme d'une location.
Par ailleurs, un doute se laisse planer quant au
grèvement du matériel ou du mobilier que le débiteur
détient en vertu du contrat de location- vente ou leasing mobilier. La
complexité de cette situation résulte du fait que le contrat de
leasing mobilier papote entre deux contrats à savoir le contrat de vente
avec réserve de propriété et le contrat de bail. Dans ce
cas, il faudra apprécier dans chaque espèce pour déceler
l'intention des parties. Généralement on distingue deux
hypothèses : Si on admet que ce contrat est bien un bail et non
une vente avec clause de réserve de propriété, le
créancier gagiste du fonds de commerce ne pourra prétendre que le
fonds de commerce contient la créance d'utilisation de ce
matériel. Au contraire, si le matériel a été
acheté à crédit par le commerçant et même si
le contrat de vente contient une clause de réserve de
propriété, le créancier gagiste du fonds de commerce peut
prétendre son droit sur le matériel acheté147(*).
Cette solution se justifie par le fait que la vente a
entraîné un appauvrissement du débiteur que la clause de
réserve de propriété risque de ne pas combler notamment
lorsque celle-ci vient à expirer (voir l'art. 335 CCLIII). Rappelons,
pour être complet, que l'art. 110 du Décret sur les faillites rend
inopposable au curateur de la faillite de l'acheteur, la clause
réservant au vendeur la propriété de la chose vendue
pendant un certain délai ou jusqu'à l'accomplissement de
certaines conditions148(*).
Dans le cas de leasing mobilier, seuls les clauses du contrat
permettront d'apprécier si tel est une location ou tel autre est une
vente pour enfin l'inclure ou non dans le nantissement.
Section 2 : Du concours des créanciers gagistes
avec les autres créanciers titulaires des droits réels sur le
bien nanti.
Le créancier gagiste du fonds de commerce n'est pas le
seul créancier à prétendre un droit sur le patrimoine du
débiteur, d'ailleurs, comme nous avons eu l'occasion de le souligner, le
débiteur peut même, après le gage, grever le fonds ou
certains de ses éléments en faveur des autres créanciers.
Lors de la réalisation du gage, le créancier entre en concours
avec ces créanciers. Il est alors impératif d'examiner d'abord
les notions de concours et de rang (section première) pour ensuite
examiner les conflits de rang entre différents créanciers avec le
créancier gagiste du fonds de commerce (deuxième section)
§1. Notion de concours et de rang
A. Concours
Jean RENAULD et Pierre COPPENS définissent le concours
comme étant une situation dans laquelle les droits de recours
accessoires des créanciers acquièrent la vertu de s'opposer, soit
entre eux, soit à d'autres droits susceptibles de leur
préjudicier149(*). Une autre définition plus ou moins large et
plus précise a été donnée par L. VINCENT qui
définit le concours comme la rencontre due à l'initiative des
créanciers ou à la volonté du législateur des
prétentions contradictoires des créanciers sur un ou plusieurs
biens du débiteur dont celui-ci a perdu la libre disposition150(*). De ces deux
définitions se dégagent les causes du concours et ses effets.
1° Causes du
concours
Selon RENAULD et COPPENS pour que surgisse la situation de
concours il ne suffit pas qu'une personne ait contracté des dettes en
quantité supérieure à la valeur des biens dont elle
dispose. La preuve en est que l'insolvabilité du débiteur
n'empêche point la compensation, n'invalide point, en principe les
paiements qu'obtiendraient encore certains créanciers et ne suffit
à elle seule de tenir en échec les recours du vendeur
impayé151(*).
De ce que l'insolvabilité du débiteur ne
crée point par elle-même le concours, ressort que cet état
ne l'empêche point de disposer licitement des biens qui lui restent
encore, d'effectuer les paiements, de contracter même les engagements
nouveaux, le tout sauf fraude. Le concours est soumis à une condition
matérielle, l'insuffisance de biens du débiteur au regard de son
passif, mais aussi à une condition formelle, la cristallisation des
droits de recours de ses créanciers sur tout ou partie de ses
biens152(*). Cette
cristallisation consiste précisément dans le déclenchement
de la procédure de réalisation de tout ou partie du patrimoine du
débiteur, soit sur l'initiative des créanciers en cas de
saisie-exécution, soit à l'effet de la loi «concours
légal » ou «concours de plein droit » en cas de
faillite et la procédure d'obtention du concordat
préventif153(*).
Enfin, soulignons que le concours suppose
nécessairement plus d'un créancier. La saisie d'un ou de
plusieurs biens du débiteur est à l'origine d'un concours
dès qu'un autre créancier entend faire valoir ses droits sur ces
mêmes biens ou sur le prix de leur réalisation en s'associant
à la procédure qui devient, dès lors collective. Ce
concours est limité quant aux biens et aux personnes ; il a pour
assiette les seuls biens saisis et n'oppose entre eux que les droits des
créanciers poursuivants154(*).
2° Effets du concours
En cas de saisie, le concours ne concerne que les biens
saisis. La répartition égalitaire n'est imposée et
organisée que pour ces biens. En revanche, en cas de faillite, le
concours englobe la totalité du patrimoine saisissable du
débiteur.
De même le concours est imposé, selon le cas,
à un nombre plus ou moins élevé de créanciers.
Lorsque l'un d'eux a saisi les biens de son débiteur, seuls les
créanciers saisissants et les créanciers qui se sont joints
à lui, en formant opposition à la répartition du prix des
biens saisis, sont en concours et c'est entre eux seuls que sera
distribué selon le principe d'égalité le produit de
réalisation des biens saisis. Au contraire, en cas de faillite le
concours étend ses effets à tous les créanciers155(*).
Enfin, le concours conduit à la distribution par
contribution du produit de réalisation des biens qui en sont l'assiette.
La distribution par contribution n'exclut pas les privilèges de certains
créanciers d'où il faut examiner la question de rang des
privilèges
B. Rang de privilège
La notion de concours est inséparable de celle de rang.
Lorsque les créanciers sont en concours, il faut nécessairement
déterminer qui passe avant l'autre et sur quoi il passe avant.
Les privilèges, sûretés réelles
résultant de la volonté du législateur en raison de la
qualité de la créance, sont devenus actuellement très
nombreux au point qu'on a du mal à en régler le rang. Au Rwanda,
ils sont régis par l'ordonnance du gouverneur général du
22 janvier 1896 portant créances privilégiées. Mais
différents textes disparates récemment élaborés
n'ont cessé d'en augmenter le nombre au point qu'ils manquent une
théorie d'ensemble. Cette multiplication de privilèges pousse
à se poser la question de savoir ce qui demeure du principe
d'égalité des créanciers. Ce droit est d'autant battu en
brèche que MOREAU MARGREVE en est venu même à parler de
l'immolation du créancier chirographaire156(*).
En conclusion, la question du rang des privilèges
revient donc à déterminer dans quel ordre des titulaires des
privilèges sont payés lorsqu'ils s'opposent et dans la mesure
où ils s'opposent sur les mêmes biens157(*). Elle sert à
départager les créanciers munis de privilèges ou
hypothécaire qui s'affrontent sur un même bien du débiteur
dont la valeur n'est pas suffisante pour les satisfaire tous.
§2. Les conflits de rangs entre le créancier
gagiste et les tiers créanciers
Le caractère hétéroclite de l'assiette du
gage du fonds de commerce suscite un certain nombre de conflits qui opposent le
créancier gagiste du fonds de commerce et d'autres créanciers
prétendant un droit de préférence concurrent sur tout ou
partie des biens entrant dans l'assiette du gage du fonds de commerce.
L'insuffisance ou l'inexistence des textes légaux en la matière
donnent droit à la jurisprudence de faire une oeuvre normative dans ce
domaine. La charge étant rarement simple, les juges sont amenés
soit à raisonner par analogie, soit à utiliser des dispositions
qui n'ont pas en vue le conflit en cause158(*).
L'analyse de tous les concours des sûretés
dépassant le cadre de la présente étude et nombreuses
études ayant été consacrées à ce
problème159(*),
nous nous bornerons à l'approche des conflits les plus fréquents
dans la pratique commerciale.
A. Conflit entre les créanciers gagistes du fonds de
commerce
Aux termes de l'art. 6 du décret de 1937 «le rang
des gages sur fonds de commerce se détermine d'après l'ordre
d'inscription ». Cette solution vaut aussi dans toutes les
hypothèses où les sûretés en conflit sont toutes
soumises à une publicité. C'est l'application de la règle
« prior tempore, potior jure ». Ainsi, si les
gages étaient inscrits le même jour, les créanciers
exercent en concurrence, un gage de la même date sans distinction entre
l'inscription du matin et celle du soir quand bien même cette
différence serait marquée par le fonctionnaire chargé du
service des inscriptions (art. 6 al. 2 du décret de 1937).
Dans certains cas, une opinion a
été émise selon laquelle dans cette dernière
hypothèse le conflit devrait se régler par le numéro
d'ordre. Nous estimons cependant que la position du législateur
rwandais est équitable, car rien ne justifierait sur le plan de
l'équité la préférence de l'un ou l'autre des
créanciers inscrits le même jour d'autant plus que le
décret de 1937 n'impose pas la mention d'heure à laquelle elles
sont prises.
Toutefois, l'art. 7 du décret de 1937, donne au juge-
président de la chambre commerciale, financière et fiscale du
tribunal de province ou de la ville de Kigali, le pouvoir d'ordonner,
après la liquidation, la convocation des créanciers qui se seront
fait connaître, afin de conclure entre eux un arrangement sur la
distribution du prix. Dans ce cas, nous pensons que seule la convention de
cession d'antériorité leur permettrait d'intervertir l'ordre
d'inscription.
B. Conflit du créancier gagiste du fonds de commerce et
les créanciers chirographaires saisissants
Le débiteur gagiste n'a plus que le créancier
gagiste. Il peut avoir d'autres créanciers fussent-ils chirographaires.
La constitution du gage du fonds de commerce n'a pas pour effet de priver
lesdits créanciers du droit de saisir-exécuter les
éléments du fonds auxquels cette voie d'exécution
s'applique160(*).
Néanmoins, lorsque les créanciers chirographaires ont fait usage
à leur droit de saisie, le droit du créancier gagiste du fonds de
commerce se rapporte sur les deniers provenant de la vente161(*).
Dans un cas d'espèce, l'art. 9 de la loi belge du 25
octobre 1919 portant vente et nantissement du fonds de commerce protège
le créancier gagiste du fonds de commerce en cas de
saisie-exécution pratiquée sur tout ou partie des actifs qui
composent le fonds, par un autre créancier. Cet article lui
reconnaît le droit de former opposition entre les mains de l'huissier
instrumentant. Selon T'KINT, cette règle contraint l'huissier par voie
de conséquence à vérifier chaque fois si les fonds dont
les éléments ont été saisis n'est pas grevé
d'un gage et dans l'affirmative à prendre en compte la
sûreté lorsqu'il s'agira de répartir le produit de la
vente162(*). Lorsque
les deniers ont été distribués aux créanciers
saisissants au mépris du privilège du créancier gagiste,
celui-ci garde une action en dommages et intérêts contre
l'huissier qui a procédé à cette répartition sans
avoir vérifié au greffe si le fonds est libre de tout droit de
gage et sans avoir prévenu le créancier gagiste163(*). Le créancier ne
peut pas réclamer des saisissants la restitution des sommes
reçues.
C. Concours avec le créancier hypothécaire
Ni le décret hypothécaire, ni celui sur la mise
en gage du fonds de commerce ne donnent aucune indication à cet
égard. Le conflit entre le créancier gagiste du fonds de
commerce et le créancier hypothécaire ne peut surgir que quand le
débiteur gagiste est en même temps propriétaire de
l'immeuble dans lequel est exploité le fonds. En effet, il faut
envisager un cas où une hypothèque grève le mobilier et
l'outillage immobilisé par destination. Or, pour qu'il en soit ainsi,
il faut que le propriétaire des meubles soit aussi propriétaire
de l'immeuble par nature (art. 8 du CCL II).
Le conflit entre ces deux créanciers semble se
résoudre assez aisément, car les deux sûretés sont
soumises à une publicité. Dès lors il suffit d'appliquer
la règle de l'antériorité de droits « prior
tempore, potior jure ». L'application de cette règle
suppose que soit admise l'inclusion des immeubles par destination dans
l'assiette du gage du fonds de commerce164(*), question qui a fait longtemps
problème165(*).
A ce propos, Jacques HEENEN dans sa note sous
Liège 4 juin 1963166(*) a exposé 4 thèses qui s'affrontent.
Selon la première thèse, le matériel n'est
jamais compris dans le gage lorsque le fonds de commerce est exploité
dans un immeuble appartenant au commerçant. Le motif à l'appui
de cette thèse est que les art. 8 et 9 de la loi belge du 17 Mars 1909
(équivalent à notre art. 2 du Décret de 1937), en
disposant que le mobilier commercial et l'outillage servant à
l'exploitation du fonds sont susceptibles d'être compris dans le
nantissement n'ont pas modifié le caractère du contrat de gage en
ce que celui-ci ne peut avoir pour objet que les choses mobilières.
- La deuxième thèse se résume de la
manière suivante : L'inscription du gage fait cesser ou
empêche l'immobilisation par destination du matériel.
- La troisième thèse : Le matériel
affecté à l'exploitation après l'inscription du gage est
grevé en premier rang par celui-ci et ensuite par
l'hypothèque.
- La quatrième thèse admet le concours entre le
créancier hypothécaire et le créancier gagiste sur le
matériel, quel que soit le moment de l'affectation. C'est cette
thèse qui a été adoptée par plusieurs auteurs et
jurisprudence167(*).
Selon cette thèse le matériel affecté à
l'exploitation par le propriétaire de l'immeuble peut être
grevé du gage sur le fonds de commerce tout en restant un immeuble par
destination. Si une hypothèque a en outre été consentie,
le concours entre les deux sûretés se règle par la date de
l'inscription de chacune d'elles : le premier inscrit aura la
préférence, quel que soit le moment de l'affectation au service
du fonds168(*).
Le droit Rwandais semble avoir consacré implicitement
cette thèse. En effet, l'art. 24 du décret hypothécaire
étend l'hypothèque aux immeubles par destination. Par contre,
selon l'art. 2 du décret de 1937 le gage comprend notamment le mobilier
et l'outillage. De l'analyse de ces deux dispositions on en conclut d'une
part, que le mobilier et l'outillage peuvent faire l'objet d'hypothèque
s'ils sont immobilisés par destination et d'autre part qu'ils peuvent
faire l'objet du gage du fonds de commerce et le conflit entre le
créancier hypothécaire et le créancier gagiste du fonds de
commerce se règle par antériorité de droits.
D. Concours avec le porteur
du warrant des marchandises et le créancier gagiste
ordinaire
Le conflit entre le créancier gagiste du fonds de
commerce et le porteur du warrant surgit lorsque le débiteur, ayant
grevé le fonds de commerce de gage, consent un warrant sur les
marchandises faisant partie du fonds déjà grevé. Or, comme
il est de règle, les conflits entres les sûretés
conventionnelles soumise à l'inscription se résout par la
règle d'antériorité.
C'est cette solution qui a été consacrée
par la cour de cassation belge dans son arrêt du 19 Nov. 1992 dans une
affaire qui opposait l'INCA (l'Institut National du Crédit Agricole),
porteur du warrant en concurrence de 50% des marchandises à SONAGES s.a
et la Caisse Nationale de Crédit professionnel, toutes deux
créanciers gagistes du fonds de commerce constitué par la
société Maes s.a qui, dans la suite est tombée en
faillite.
En l'espèce, l'INCA soutenait que les biens
warrantés avaient cessé de faire partie de l'assiette du gage sur
le fonds de commerce, qu'il n'y avait donc pas de concours entre lui et les
deux autres protagonistes, car en tant que porteur du warrant son
privilège s'exerçait sur les biens qui ne formaient plus
l'assiette du privilège de ses protagonistes (créanciers gagistes
du fonds de commerce).
Face à cette question, la cour de cassation
énonce comme principe que la mise en gage n'enlève pas à
l'exploitant du fonds de commerce la possession à titre de
propriétaire des marchandises warrantées, et que ces marchandises
continuent à faire partie du fonds de commerce du débiteur
gagiste. L'une de ses motivations est libellée comme suit :
[...] « Attendu que le warrantage de biens
faisant partie d'un fonds de commerce gagé n'a pas pour effet de
modifier l'assiette du gage du fonds de commerce et partant, de contraindre le
créancier à user des droits que lui confère l'art. 11 de
la loi du 24 Oct. 1919 » 169(*)[...]
On déduit de ce jugement que même si le
créancier conserve le pouvoir de disposer des biens isolés du
fonds de commerce, et de les mettre en gage, le privilège
procédant d'un engagement ultérieur d'un bien faisant partie du
fonds nanti précédemment ne préjudicie en rien des rangs
respectifs qu'il conviendra d'attribuer, le cas échéant aux
privilèges en question. Le warrantage du fonds de
commerce n'a pas pour effet de le faire échapper aux privilèges
des créanciers antérieurs. En d'autres termes, les biens
warrantés continuent de faire partie de l'assiette du gage du fonds de
commerce et le conflit entre le créancier gagiste et le porteur du
warrant des mêmes biens se règle par la règle
d'antériorité des droits.
Section 3 : La situation du créancier gagiste en
cas de faillite du débiteur
Les développements qui ont précédé
ont été consacrés aux rapports normaux du créancier
gagiste du fonds de commerce et les autres créanciers, mais sa situation
en cas de faillite de son débiteur mérite une attention
particulière du fait de la particularité de cette institution, sa
finalité et ses effets. Au premier plan nous examinerons la situation du
créancier gagiste dans le règlement de la faillite (par. 1) et
nous verrons ensuite les droits dont il dispose contre la masse et contre le
curateur (par. 2)
§1. Le créancier gagiste du fonds de commerce
dans le règlement de la faillite
Avant d'examiner la position du créancier gagiste par
rapport aux autres créanciers, jetons d'abord la lumière sur la
notion de la faillite, sa finalité et ses effets.
A. Notion sur la faillite,
sa finalité et ses effets
1° Notions
L'activité du commerçant n'est pas toujours
caractérisée par les moments de bonheur. Il arrive qu'une
entreprise qu'elle soit individuelle ou sociétaire rencontre de
sérieux problèmes de trésorerie et qu'elle ne soit plus
à mesure de régler ses dettes. Cette situation ne
préoccupe pas le seul commerçant, elle l'est aussi pour toutes
les personnes avec lesquelles il traite. Celles-ci, qui sont en grande partie
commerçants ou banquiers, ont besoin de recouvrer leurs créances
pour qu'elles puissent régler à leur tour leurs dettes. Il est
dès lors évident que si on ne vient pas au secours du
commerçant débiteur en difficultés, cette situation
entraînerait des défaillances en chaîne ce qui aurait des
conséquences graves même sur l'économie nationale toute
entière.
Selon GRESSE, "la notion d'entreprise en difficultés
est vaste ; elle va de la situation financière difficile à
la faillite. Le processus de la défaillance est progressif et comporte
le plus souvent 3 niveaux : la défaillance économique, la
défaillance financière et enfin la défaillance
juridique"170(*). La
défaillance économique peut être définie par les
pertes économiques que subit l'entreprise ; elle n'est plus
rentable et donc ne contribue pas positivement à l'économie
nationale. La défaillance financière quant à elle se
traduit par l'impossibilité de l'entreprise de faire face à son
passif. L'entreprise ne trouve plus de solution pour gérer sa dette, et
cela se traduit par les incidents de paiement. Enfin, la défaillance
juridique qui est la sanction légale de la défaillance
financière : la justice constate alors la faillite171(*).
La faillite est donc le résultat de tout un processus
et constitue une procédure collective de liquidation qui est à
l'origine d'un concours des créanciers172(*). Elle tend à suppléer aux lacunes
d'une institution de droit commun, la déconfiture, à laquelle la
législation rwandaise ne fait pas allusion et qui crée un
système anti-égalitaire et où le paiement devient le prix
de la course en vertu de l'adage «ius vigilantibus
scriptur » ; la loi du plus attentif173(*).
Au Rwanda, les faillites sont réglées par le
Décret du 27 juillet 1934 portant faillites174(*)duquel se dégagent les
conditions pour être déclaré en faillite. Selon l'article 2
dudit décret il faut qu'on soit commerçant, qu'on soit en
cessation de paiement et avoir son crédit ébranlé. Une
fois que ces conditions de fonds sont remplies, la faillite est
déclarée par un jugement de la chambre commerciale,
financière et fiscale du tribunal de province ou de la ville de Kigali
au greffe de laquelle l'aveu doit être fait, soit sur
l'aveu, soit à la requête d'un créancier, soit encore
à la requête du Ministère Public (art. 4 du Décret
de 1934)175(*).
2° Finalité de
l'institution de faillite
La défaillance du débiteur, avons-nous dit, a
pour effet de priver ses créanciers des ressources sur lesquelles ils
comptaient pour régler à leur tour leurs dettes. Par
conséquent, il faut que ce risque de provoquer des défaillances
en cascade et qui a une incidence directe sur l'économie nationale soit
endigué avant qu'il ne produise ses effets.
Aussi, l'institution de la faillite s'explique-t-elle par la
nécessité particulièrement contraignante dans les domaines
commercial et industriel où l'activité repose sur le
crédit, de maintenir intact le gage commun des créanciers et
d'éviter, par l'organisation minutieuse d'une procédure
collective de liquidation, des poursuites anarchiques176(*).
Enfin, par le mécanisme des inopposabilités de
la période suspecte, le législateur permet au curateur de
réintégrer dans le patrimoine du débiteur les biens qui en
auraient été soustraits et permet de corriger les
inégalités antérieurs à la naissance du concours.
L'institution de la faillite assure donc efficacement et en temps utile le
concours de l'ensemble des créanciers sur tout le patrimoine du
débiteur177(*).
3° Effets de la
faillite
Une fois le jugement déclaratif de la faillite est
prononcé il produit un certain nombre d'effets dont les principaux sont
le dessaisissement du débiteur et l'inopposabilité des actes
accomplis pendant la période suspecte.
a) Dessaisissement du
débiteur
Aux termes de l'art. 6 du Décret sur les faillites, le
failli, à compter du jugement déclaratif de la faillite178(*) est dessaisi de plein droit
de l'administration de ses biens, même ceux qui peuvent lui échoir
tant qu'il est en état de faillite. Tous paiements, opérations
et actes faits par le failli et tous paiements faits au failli, en violation du
dessaisissement dont celui-ci est frappé sont nuls de plein droit (art.
6 al. 2).
Néanmoins, le dessaisissement ne crée pas une
incapacité du failli. Celui-ci peut exercer une activité
nouvelle sans autorisation ou habilitation (art. 6 al. 1 du décret sur
les faillites). Le dessaisissement dont il est question a pour effet de rendre
inopposables à la masse des actes par lesquels il disposerait de son
patrimoine ou l'engagerait.
En outre, le dessaisissement a pour effet la nomination d'un
où plusieurs curateurs chargés de gérer les affaires de la
faillite (art. 5, 1 du décret précitée). Celui-ci agit
sous la haute surveillance du juge de la chambre commerciale, financière
et fiscale du tribunal de Province ou de la Ville de Kigali (art. 15 du
même décret). Le failli ne peut plus disposer de son patrimoine.
Tout paiement est fait entre les mains du curateur et seul celui-ci a
qualité pour agir en son nom (art. 12 du même décret).
b) Inopposabilité des
actes accomplis pendant la période suspecte
La faillite, avons-nous dit, est l'aboutissement d'un long
processus. Elle est précédée d'une
longue période au cours de laquelle le débiteur essaie de sortir
d'une situation financière désagréable. Au cours de cette
situation, le danger guète les créanciers car certains d'entre
eux peuvent être avantagés par le débiteur au
préjudice des autres, contrevenant ainsi à la règle de
l'égalité des créanciers. En outre, le débiteur
peut se rendre coupable de certains actes tendant à soustraire les biens
au curateur dès qu'il entend la faillite proche. C'est pour ces
différentes raisons que le législateur institue une
période avant la déclaration de la faillite au cours de laquelle
les actes du débiteur seraient inopposables aux créanciers.
Ainsi, le début de cette période se
détermine par rapport à la date de cessation de paiement. Elle ne
peut être reportée de plus de 6 mois antérieurs au jugement
déclaratif de la faillite (art. 5 al. 2 du décret sur les
faillites). Au cours de cette période, certains actes
déterminés peuvent être déclarés inopposables
à la masse. Certains sont frappés d'inopposabilité de
droit, les autres d'inopposabilités facultatives179(*).
Sont frappés d'inopposabilités de droit, les
libéralités et les actes lésionnaires (art. 7, 1°,
2°) les paiements anormaux : paiement avant terme et les modes
anormaux de paiement (art. 7, 3°, 4°), les sûretés
réelles constituées en garanties des dettes antérieures
(art. 7, 5°, 8). L'inopposabilité facultative quant à elle
frappe les actes pour lesquels le curateur apporte la preuve que le
cocontractant du futur failli connaissait l'état de cessation de ses
paiements. C'est ainsi que l'art. 9 du décret sur les faillites permet
au juge de déclarer inopposable à la masse des créanciers
« tous autres actes faits par le débiteur après la
cessation de ses paiements si ceux qui ont reçu de lui ou qui ont
traité avec lui ont eu connaissance de la cessation de paiement.
Enfin, le décret sur les faillites rend inopposable
toutes autres constitutions d'hypothèque faites par le débiteur
si l'inscription a été prise depuis la cessation de paiement
et s'il s'est écoulé plus d'un mois entre la date de l'acte
constitutif et celle de l'inscription ou si, de la part de celui qui a
traité avec le constituant, le contrat s'est fait avec connaissance de
la cessation de paiement (art. 8 du décret sur les faillites).
B. La position du
créancier gagiste du fonds de commerce par rapport aux autres
créanciers du failli
L'une des raisons d'être de l'institution de la
faillite, avons-nous souligné, est d'éviter des recours
anarchiques des créanciers. C'est pour cela que dès le jugement
déclaratif de la faillite, les créanciers n'ont plus le pouvoir
d'exercer les poursuites individuelles contre le débiteur. Ils sont
regroupés au sein de la masse représentée par le curateur.
En outre, un comité composé de 3 membres choisis parmi les
créanciers chirographaires établi au siège du de la
chambre commerciale, financière et fiscale du tribunal de Province ou de
la Ville de Kigali est désigné par le juge dans les quinze jours
de la déclaration de la faillite (art. 20 du décret sur les
faillites). Le comité a pour mission d'assister le curateur et de
suivre les opérations de la faillite. Son caractère est purement
consultatif (art. 22).
Toutefois, la masse n'incorpore que les créanciers sans
sûretés. Elle comprend également les créanciers qui
ne disposent sur le patrimoine du failli que d'un privilège
général. Ceux-ci sont considérés comme
créanciers chirographaires bénéficiant d'un droit de
préférence aux autres180(*). Les créanciers qui jouissent d'un
privilège spécial mobilier ou ceux qui jouissent d'un droit de
gage ne sont inscrits dans la masse que pour mémoire (art. 107
décret sur les faillites). Soulignons qu'ils peuvent tomber dans la
masse si le montant du prix de réalisation est moindre que leur
créance, l'excédent tombera dans la masse comme créance
chirographaire (art. 109 décret sur les faillites).
De ce qui précède, il ressort que le
créancier gagiste du fond de commerce ne fait pas partie de la masse
des créanciers du fait du caractère spéciale de son
privilège. Delà, on se demande s'il n'est pas réaliste de
dire que la suspension des poursuites individuelles contre le débiteur
ne s'impose qu'aux seuls créanciers chirographaires et les
créanciers titulaires du privilège général, les
créanciers bénéficiant d'une sûreté
spéciale pouvant poursuivre l'exécution de leurs créances
malgré la faillite. Cette question nous ramène aux droits dont le
créancier gagiste du fonds de commerce dispose contre la masse et contre
le débiteur et fera l'objet du paragraphe suivant.
§2. Les droits du
créancier gagistes contre la masse et contre le curateur
Dans le paragraphe précédent, nous venons de
voir que le créancier gagiste du fond de commerce ne fait pas partie de
la masse du fait du caractère spécial de son privilège.
Dans le présent paragraphe nous discuterons les droits dont le
créancier gagiste dispose contre la masse et ses rapports avec le
curateur
A. les droits du créancier gagiste du fonds de commerce
contre la masse
Parler des droits du créancier gagiste du fonds de
commerce revient à concilier deux idées diamétralement
opposées : d'une part, la finalité de l'institution de la
faillite d'éviter les poursuites anarchiques des créanciers et
d'autre part, le caractère spécial du privilège du
créancier gagiste du fonds de commerce qui le met à
l'écart de la masse. Ainsi, la question qui se pose est celle de savoir
si malgré la finalité de l'institution de la faillite, le
créancier gagiste peut poursuivre la réalisation du fonds de
commerce du failli en ignorant les droits de la masse.
A cette question, le code civil relativement au gage ordinaire
et le Décret sur « les warrants »181(*) ont répondu par
l'affirmative. Aux termes des articles 606 CCL III et 19 al. 9 du
Décret sur les warrants, « l'exercice des droits
conférés au créancier gagiste et au porteur du warrant,
n'est suspendu ni par la faillite, ni par l'état de saisie, ni par le
décès du débiteur ou du tiers bailleur de
gage ».
Par contre, l'art. 14 al. 2 du décret sur les faillites
anéantit cette possibilité en étendant l'application de
son alinéa premier au créancier gagiste et au porteur du warrant.
En effet, l'art. 14 al. 1 suspend jusqu'à la clôture de
l'assemblée de vérification des créances, toutes voies
d'exécution, pour parvenir au paiement des créances
privilégiées sur partie du mobilier dépendant de la
faillite. Toutefois, il admet que les mesures conservatoires puissent
être poursuivies. Le législateur semble avoir repris d'une main
gauche ce qu'il avait donné par une main droite.
Pour tempérer cette position, qui est à notre
sens rigide, le législateur donne pouvoir au juge d'autoriser le
créancier ou le curateur à poursuivre la vente des biens
grevés de la sûreté réelle après avoir pris
l'avis du comité des créanciers chirographaires et le failli
dûment appelé (art. 14 al. 3 du décret sur les
faillites).
Avant de nous occuper du sort du créancier gagiste, il
convient de dire que la qualification du privilège du créancier
gagiste du fonds de commerce n'est guère aisée.
Traditionnellement, on se convient que le gage du fonds de commerce est un
privilège spécial. Mais en raison de l'ampleur de son assiette,
il y a également tendance à le classer parmi les
privilèges généraux.
Contrairement au droit belge où la faillite ne suspend
pas les droits du créancier gagiste du fonds de commerce182(*), les dispositions de l'art.
14 al. 1 du décret sur les faillites s'opposent à une telle
éventualité. Le législateur rwandais semble avoir suivi
les enseignements de MOREAU MARGREVE qui, critiquant la solution
consacrée par l'arrêt de la cour de cassation belge du 8 avril
1976, estime que la décision de ladite cour selon laquelle la faillite
ne suspend pas les droits du créancier conduit à
l'émiettement de la liquidation d'une faillite et risque en cas de
précipitation du gagiste, de ne pas produire les résultats
escomptés183(*).
En plus, elle a pour effet de restreindre la mission du curateur184(*).
Force est de conclure que l'art. 14 du décret sur les
faillites ne tient pas en considération des particularités du
gage du fonds de commerce. En effet, contrairement au gage ordinaire où
le créancier a la possession matérielle de la chose, les biens
sur lesquels porte le gage du fonds de commerce restent entre les mains du
débiteur et après le jugement déclaratif de la faillite
entre celle du curateur. Il y a lieu de craindre que ces biens ne
s'entremêlent avec ceux de la masse ce qui priverait le créancier
gagiste de son privilège ou rendrait sa sûreté moins
efficace. Bien plus, soumettre la réalisation à l'autorisation
du juge et à l'avis du comité des créanciers
chirographaires revient à réduire sa sûreté à
quelque chose d'illusoire. Que le créancier gagiste poursuive la
réalisation de son droit dans les formes régulières cela
ne devait inquiéter personne car s'il est vrai que l'existence d'un gage
du fonds de commerce a pour conséquence de réduire l'actif mis
à la disposition des créanciers chirographaires, c'est le propre
de tout privilège.
B. Créancier gagiste du fonds de commerce face au
curateur
Le jugement déclaratif de la faillite suspend
l'exercice des droits du créancier gagiste du fonds de commerce tout
comme d'ailleurs ceux des autres créanciers privilégiés
(art. 14 du décret sur les faillites). Dès lors, le
dessaisissement qui en résulte a pour effet de mettre les biens objet du
gage entre les mains du curateur.
Néanmoins, l'art. 14 précité admet
cependant que les mesures conservatoires peuvent être poursuivies
à la diligence du créancier gagiste. S'il est admis
qu'après le jugement déclaratif de la faillite, toutes les
actions ou voies d'exécutions seront suivies, intentées ou
exercées contre le curateur, le risque d'affrontement entre ce dernier
et les créanciers titulaires des droits réels, d'une
hypothèque ou d'un privilège spécial, est
évident.
En effet, il a été jugé que le curateur,
lorsqu'il agit dans le cadre de sa mission légale, ne peut qu'exercer
les droits qui sont communs à l'ensemble des créanciers et non
les droits de ceux-ci individuellement ou des droits qui compètent aux
seuls créanciers jouissant d'un privilège
spécial185(*).
Autrement dit, le curateur n'est pas qualifié pour agir au nom des
créanciers titulaires d'un privilège spécial. Les biens
gagés échappent à la masse dans la mesure où ils
couvrent la créance garantie.
D'ailleurs, si un conflit surgit entre la masse et le
créancier gagiste d'une part ou le créancier gagiste et le
créancier disposant d'un privilège général d'autre
part, le curateur ne représente que la masse.
Il ressort de ces considérations, que le curateur ne
peut prendre l'initiative de la mise en oeuvre de la procédure de
réalisation du gage. Il ne le pourrait, dans l'intérêt de
la liquidation de la faillite, qu'au cas où le créancier gagiste
ne prendrait à cet égard aucune initiative186(*). Quoique l'art. 14 du
décret sur les faillites dispose que les voies d'exécution sont
suspendues, il ne se prononce pas en faveur de l'exercice de ces voies par le
curateur. Selon les termes de la cour d'appel de Liège,
« confier au curateur le soin de procéder à la
réalisation du gage du fonds de commerce équivaut en effet
à confier à une même personne le mandat de s'appliquer
à la défense absolue des intérêts de la masse comme
du créancier gagiste du fonds de commerce ». Rappelons, pour
être complet, que les curateurs peuvent à toute époque,
avec autorisation du juge, retirer les gages au profit de la faillite en
remboursant la dette et les frais non frustratoires exposés par le
créancier pour la conservation ou en vue de la liquidation du gage (art.
108 du décret sur les faillites). Par contre, les objets d'un gage
restent en dehors de l'actif de la faillite dans la mesure où le prix de
leur réalisation n'excède pas le montant de la garantie187(*).
Toutefois, le constat est que la mise en oeuvre de l'art. 108
n'est guère aisée. On se pose la question de savoir si le
remboursement se ferait entre les mains du créancier, ou si le curateur
consignera cette somme sur un compte dans un établissement de banque ou
de crédit agréé par la BNR comme il est dit à
l'art. 34 du décret sur les faillites. A notre avis, le versement
devrait se faire directement entre les mains du créancier, car le
retrait de la banque nécessite les formalités
préjudiciables au créancier (voir l'art. 30 du décret sur
les faillites)
En guise de conclusion, le gage du fonds de commerce devrait
présenter plus d'intérêt pour le créancier en cas de
faillite. Or, comme il ressort des textes analysés, sa situation dans
la faillite n'est pas du tout enviable. Ce ne serait pas trop pessimiste de
dire qu'elle n'est pas différente de celle des créanciers
chirographaires. Le caractère sui generis du gage du fonds de
commerce devrait pousser le législateur à reconnaître au
créancier gagiste du fonds de commerce le droit de se faire payer
malgré la faillite. A défaut, le législateur aurait
créé une sûreté qui ne l'est que de nom.
CHAP. III : DES SOLUTIONS ALTERNATIVES FORGEES PAR LA
PRATIQUE EN MATIERE DE GAGE DU FONDS DE COMMERCE ET LEUR IMPACT SUR LE SYSTEME
DE CREDIT
En matière de crédit, il est un principe
sacré que le crédit va toujours de pair avec la garantie.
Celle-ci doit être aussi efficace que possible pour permettre le
créancier de recouvrer ce qu'il a donné. Or, les
développements qui ont précédé ont
démontré que la législation sur le gage du fonds de
commerce accuse de nombreuses lacunes quant à la protection du
créancier gagiste du fonds de commerce. C'est ainsi que pour combler
ces lacunes, les créanciers mettent à profit la
possibilité qui leur est offerte par le principe de l'autonomie de la
volonté pour insérer dans l'acte qui constate le contrat de gage
du fonds de commerce une série de clauses dont l'objet est de maximiser
leur garantie contre le débiteur.
Par ces clauses, les créanciers, parties
économiquement fortes, tendent à se faire offrir des avantages
exorbitants au détriment de leurs débiteurs qui sont
considérés comme parties économiquement faibles. Au cours
de ce chapitre, il sera question d'analyser les actes de gage émis par
certaines banques oeuvrant au Rwanda pour déceler leur nature ainsi
que les droits que les créanciers se créent par contrat (section
première). Ensuite, un regard critique sera jeté sur les actes de
gage analysés (section deuxième) et enfin, notre étude
portera sur les effets que l'insuffisance de protection du créancier
gagiste du fonds de commerce pourrait avoir sur le système de
crédit (section 3)
Section 1 : Analyse critique des actes de gage émis par
quelques banques oeuvrant au Rwanda
Dans cette section, l'analyse portera sur les actes de gage
émis par la BCDI, BACAR188(*), BCR et la BK. L'étude portera
premièrement sur la nature juridique de ces actes et ensuite les droits
dont les créanciers se ménagent par contrat.
§1. Nature juridique de l'acte
D'une part, l'acte de gage du fonds de commerce peut
être un acte sous seing privé ou authentique et d'autre part, il
s'analyse en un contrat d'adhésion
A. Un acte sous seing
privé ou un acte authentique
Aux termes de l'art. 3 du décret de 1937, le gage est
constitué par un acte authentique ou sous seing privé. La
portée de cet article est discutée. On a estimé que le
verbe « constitué » utilisé par le
législateur ne peut être utilisé que pour un acte sous
seing privé, qu'il ne convient pas pour l'acte
authentique, car "constituer" renvoie à la conclusion du contrat.
Constitué signifie `conclu'189(*).
Cependant, à s'en tenir à ce qui est
prévu par la législation du gage du fonds de commerce, il appert
que le gage du fonds de commerce peut être constaté par un acte
sous seing privé c'est-à-dire constitué d'un texte auquel
la ou les parties ont apposé leur signature ou à défaut,
leur empreintes digitales (art. 14 CPCCSA). Dans ce cas, les parties n'ont pas
à faire recours à l'autorité publique. Leur consentement
suffit à créer un acte de gage valide. D'autre part, il peut
être constaté par un acte authentique c'est-à-dire celui
qui est établi ou reçu par un officier public habilité,
agissant dans le cadre de ses fonctions (art. 11 CPCCSA et
199 CCLII). Dans ce dernier cas, il est un contrat
solennel.
Cette disposition qui prévoit le choix entre la forme
solennelle et le consensualisme mérite une attention
particulière. En effet, l'acte authentique dont question ici n'est pas
créatif mais seulement déclaratif. Il n'intervient que pour des
raisons probatoires sinon cette liberté de choix entre les deux
formes serait inconcevable s'il faut en faire
dépendre la validité de l'acte. La
disposition signifie plutôt que les parties au
contrat de gage peuvent soit se contenter d'un simple écrit portant
leurs signatures ou faire constater leur consentement par l'officier public.
Cela dépendra de leur choix compte tenu de la force probante
attachée à ces différents contrats.
Toutefois, dans la pratique, le gage du fonds de commerce est
généralement constaté par acte sous seing privé en
raison de la facilité d'établissement des actes sous seing
privé permettant la rapidité des opérations surtout en
matière commerciale et dans d'autres activités similaires. Aussi,
en raison de la souplesse et de la liberté des formes des actes sous
seing privé, les opérations sont-elles très rapides du
fait que les parties ne sont pas obligées de recourir à quelqu'un
d'autre tel un officier public ou une tierce personne pour la validité
de l'acte établi. Enfin, le fait que l'acte sous seing privé
n'occasionne pas beaucoup de frais explique sa raison d'être dans les
rapports entre les particuliers190(*).
Néanmoins, que le gage soit constaté par un acte
consensuel ou solennel, celui-ci doit faire l'objet d'une inscription au greffe
de la chambre commerciale, financière et fiscale du tribunal de province
ou de la ville de Kigali. Mais, le défaut d'inscription n'a pas pour
effet de priver le contrat de gage de tout effet dans les relations du
créancier et le débiteur puisque la formalité
d'inscription du gage du fonds de commerce n'est pas exigée pour sa
validité inter partes mais plutôt pour
le rendre opposable aux tiers.
Notons que cet acte sous seing privé doit être
rédigé en double. Cette formalité dite "du double" est
prescrite à l'art. 207 CCLIII et implicitement à l'art. 14 al. 3
du décret de 1937 qui oblige le créancier
à présenter au fonctionnaire chargé du service des
inscriptions une expédition de l'acte de gage, si celui-ci est
authentique ou l'un des doubles, s'il est sous seing privé.
B. Contrat d'adhésion
GEORGES BERLIOZ, dans son ouvrage "contrat d'adhésion"
considère les contrats bancaires comme le domaine d'élection des
contrats d'adhésion. Selon cet auteur, ceux-ci sont établis sur
les formules préétablies par la banque, à des conditions
que cette dernière, sauf dans les cas d'opérations
extrêmement importantes, n'accepte pas de discuter191(*).
Un contrat d'adhésion est un contrat dont le contenu
contractuel a été fixé, totalement ou partiellement, de
façon abstraite et général avant la période
contractuelle192(*). Il
en est ainsi du contrat de gage qui, selon l'art. 8 du décret de 1937 se
conclut en faveur des banques ou autres établissements de crédit
ou de commerce agréés par la BNR, suppose que les
débiteurs qui sont logiquement parlant dans une position de faiblesse se
soumettent à la volonté des premiers.
De la définition donnée par cet auteur, on
décèle certaines caractéristiques essentielles du contrat
d'adhésion par rapport au contrat par négociation à savoir
l'absence de débat préalable, la détermination
unilatérale du contenu contractuel, qu'elle soit le fait de l'une des
parties ou d'un tiers193(*). La volonté unilatérale fixe
l'économie du contrat ou l'un de ses éléments, la
volonté de l'adhérent n'intervient que pour donner une
efficacité juridique à cette volonté unilatérale.
Même si l'adhèrent obtient des aménagements à ces
modalités il n'en demeure pas moins qu'il est dans une situation
particulière de dépendance vis-à-vis du stipulant.
1° Le caractère préétabli du
contrat d'adhésion
L'examen des actes de gage émis par les banques
oeuvrant au Rwanda révèle que ces contrats sont établis
sur des formulaires préétablis par les banques et à des
conditions sacrées qui ne peuvent en tout cas être
discutées par les parties. L'analyse de l'acte permet donc de
constater qu'il s'agit d'un formulaire dont les clauses ont été
préétablies et qui est rempli mutatis mutandis chaque
fois que survient une demande de crédit. Ainsi ce que l'on
appellerait la conclusion du contrat ne se réduit que dans l'adjonction
dans la formule déjà existante de quelques éléments
en rapport avec l'identification du client et ceux relatifs à la dette
garantie
Dans les actes de gage analysés, le caractère
`préétabli' se manifeste par le fait que lesdits actes laissent
les espaces dans lesquels il faut remplir les informations nécessaires
notamment comme nous l'avons indiqué celles relatives à
l'identification du client et à la dette contractée. Il se
décèle plus particulièrement de l'art. 10 de l'acte BCDI
qui est écrit d'une manière générale et
impersonnelle comme s'il avait été rédigé par un
tiers au contrat. Il est libellé comme suit : « s'il
s'agit de personnes physiques, les parties certifient les noms, lieu et date de
naissance des gagistes tels qu'ils sont mentionnés en tête des
présentes, le tout au vu de leur registre de commerce ».
La lecture intelligente de cette clause du contrat fait ressortir qu'elle n'a
pas été rédigée par les parties pour régler
leurs rapports réciproques mais plutôt qu'elle est
destinée à un nombre illimité de clients éventuels.
Ceci confirme d'ailleurs le fait qu'elle soit préétablie par la
banque qui la soumet à l'adhésion de ses cocontractants.
En plus, l'analyse de différents contrats de gage par
lesquels les banques se font accorder la faveur démontre à
suffisance que lesdits contrats ont été rédigés
d'avance surtout en ce qui est de leur contenu. Ainsi, pour le stipulant
(banque), sa prévision est aidée par le délai de
réflexion, l'expérience qui lui a permis de modifier des clauses
et d'en réaliser la portée. Parce que c'est une opération
répétée, d'application multiple et
indifférenciée, et qu'il fait habituellement, il a la
compétence du professionnel qui lui permet d'insérer dans le
contrat les clauses presque exclusivement rédigées dans le seul
but de protéger les intérêts de cette partie.
Ainsi, ayant affaire à un professionnel, le client a de
la peine à pouvoir déceler les clauses qui lui sont
défavorables et qui sont souvent formulées dans des termes
techniques et ambigus dont ce dernier ne pourrait saisir la
portée technique.
2° L'illisibilité
Une autre technique utilisée par les banques est de
rédiger le contrat en caractère non lisible pouvant importuner ou
indisposer le lecteur194(*). Ce vice avait été déjà
relevé par BERLIOZ comme une des techniques devenues monnaie courante
dans ce genre de contrat195(*) . Contre ce vice, la jurisprudence a invoqué
le principe de la bonne foi (art. 33 al. 3 CCLIII) pour annuler lesdits
contrats. En effet, lorsque le contrat d'adhésion est complexe ou
difficile à lire, l'adhérent, qui n'a en général ni
le temps ni les connaissances nécessaires pour le lire, doit pouvoir se
fier à la bonne foi du stipulant et à ses affirmations. Non
seulement celui-ci doit ne pas induire l'adhérent en erreur mais il doit
même lui fournir des explications suffisantes196(*).
3° Le contrat met toutes les dépenses
à charge de l'adhérent
Un autre trait caractéristique du contrat
d'adhésion est qu'il met presque toutes les dépenses y relatifs
à charge de l'adhérent. C'est ce qui apparaît par exemple
dans l'art. 3 de l'acte BCDI qui met à charge du client tous les frais
relatifs à la vérification de la comptabilité du client
alors qu'une telle opération ne se fait que dans le seul
intérêt du créancier. C'est le cas aussi de tous les actes
de gage analysés en ce qui concerne les frais de rédaction du
contrat, d'inscription et de renouvellement.
Contre ces clauses, on a invoqué la notion de
lésion comme mécanisme pouvant permettre de condamner le pouvoir
économique qui s'exerce par l'intermédiaire du contrat
d'adhésion197(*).
Ainsi, le client peut s'attaquer audit contrat dès qu'il estime que ce
contrat lui fait manifestement grief. A ce propos, BERLIOZ estime que le
stipulant ne doit pas pouvoir impunément, par abus de sa position
dominante, extorquer les conditions abusives par le biais d'une adhésion
du cocontractant. Il semble cependant que cette opinion n'a pas reçu
l'approbation de la grande majorité de la doctrine et de la
jurisprudence.
§2. Les droits que les créanciers se
réservent par contrat
Dans le but de maximiser leur garantie, les créanciers
se réservent certains droits sur le patrimoine de leurs débiteurs
que la doctrine a l'habitude de qualifier de « sûretés
négatives ». Par celles-ci, il faut entendre une
variété de clauses que l'on trouve dans certains contrats tel le
contrat d'ouverture de crédit, les actes constitutifs de
sûretés proprement dites, dans les actes de subordination de
créance ou dans les lettres de patronage et qui confèrent au
créancier soit un droit de veto, soit un droit de regard par rapport
à la gestion du patrimoine du débiteur198(*). Il ne s'agit pas de
sûretés proprement dites, en ce sens que ces clauses n'offrent pas
une garantie de paiement. Leur but est de prémunir le créancier
contre des modifications néfastes pour lui, du patrimoine du
débiteur199(*) Le
client les préférera ou les adjoindra à la
sûreté traditionnelle parce qu'elles ménagent le
crédit du débiteur et qu'elles sont discrètes et moins
onéreuses que les sûretés véritables200(*).
Le droit de veto sur le patrimoine consiste en
différentes clauses ayant pour effet de limiter la liberté de
gestion de son patrimoine par le débiteur. Elles interdisent le
débiteur à poser certains actes indiqués dans l'acte.
Elles se reflètent dans différentes clauses du contrat notamment
celles relatives aux différents engagements (de faire ou de ne pas
faire) par lesquelles le créancier s'oblige ou s'interdit de poser
certains actes de nature à porter atteinte à la consistance du
gage et dont l'autorisation est toujours requise pour leur accomplissement.
Contrairement aux précédentes, les clauses qui
confèrent un droit de regard sur le patrimoine du débiteur
n'interdisent pas ce dernier d'accomplir certains actes aux effets
potentiellement négatifs pour le créancier ; elles
l'obligent par contre à renseigner le créancier soit sur demande
de celui-ci, soit d'initiative, sur la conclusion de ces actes, soit
antérieurement, soit postérieurement201(*). Dans certains cas, ces
clauses vont jusqu'à accorder au créancier le droit d'intervenir
dans la gestion du patrimoine du débiteur, exerçant ainsi sur la
gestion de son patrimoine ou celui du garant du débiteur une
espèce de tutelle.
Ainsi, les actes de gage analysés contiennent une
série de clauses par lesquelles les créanciers se
réservent les droits leur permettant de sauvegarder la consistance du
gage et par voie de conséquence obtenir la garantie maximum de paiement.
Ces clauses concernent par exemple, la consistance du gage, l'étendue
de la garantie, les engagements du débiteur de ne pas poser certains
actes déterminés, la propriété du fonds, la
sanction, l'examen de la comptabilité du client, l'assurance, etc.
A. Les clauses relatives
à l'assiette et à l'étendue de la garantie
Dans tous les actes de gage analysés, il est
stipulé que la sûreté couvre le remboursement de toutes les
sommes que le client doit ou pourrait devoir en principal,
intérêts, commissions et frais à la Banque, de quelque chef
et à quelque titre que ce soit, soit seul, soit solidairement ou non
avec d'autres.
L'assiette du gage comprend tous les éléments
corporels et incorporels affectés à l'exploitation de
l'entreprise. Dans lesdits actes, on remarque que les créanciers se
frayent des solutions contractuelles quant aux questions qui ont
été longtemps discutées entre autres celle relative
à l'inclusion des créances, valeurs et effets de commerce dans
l'assiette du gage. Par ces contrats, ceux-ci font intégralement partie
du gage du fonds de commerce202(*)
Enfin, le gage porte également sur tous les autres
fonds de commerce que le client possède ou pourrait posséder
ultérieurement sous quelque dénomination et en quelque lieu que
ce soit.
B. Clauses relatives
à la propriété
Les clauses relatives à la propriété
consistent en ce que le client déclare à la Banque que le fonds
de commerce qu'il donne en gage est sa propriété entière
et exclusive et qu'il n'est grevé d'aucune charge, privilège et
ne fait l'objet d'aucune saisie. Cette propriété s'étend
non seulement sur le fonds principal mais aussi à tous les
entrepôts, chantiers, bureaux, installation ou dépôts
quelconques, le déplacement éventuel n'affectant pas le gage.
Celui-ci grève aussi bien ce qui aurait été
déplacé. Toutefois, lorsque les entrepôts, chantiers, et
autres sont situés dans le ressort d'une conservation
d'hypothèque distincte de celle où le gage est inscrit, ils ne
doivent pas avoir entraîné une immatriculation à un
registre de commerce autre que celui dont a fait l'objet le fonds de commerce
principal.
C. Engagements de poser ou
ne pas poser les actes déterminés
Il s'agit des engagements de faire ou de ne pas faire. Ainsi
par exemple le client s'engage de tenir toujours en magasin ou ses divers
comptoirs, des marchandises et/ ou produits pour une valeur, au prix de
revient, double des ses engagements envers la Banque sans que ses stocks
puissent à aucun moment être inférieures à une
certaine valeur déterminée par la Banque203(*) . Le client doit
requérir l'autorisation préalable de la Banque pour tout
engagement de son fonds de commerce sous peine de déchéance.
En outre, le client s'engage à tenir le fonds de
commerce et ses divers éléments, y compris les marchandises en
cours de route, constamment assurés par un organisme agréé
par la Banque, contre les risques d'incendie, gaz, électricité,
foudre et toute explosion, de vol ou de perte et en général
contre tous risques propres à l'exploitation dont il s'agit et faire
établir par cette compagnie une déclaration équivalente
à l'avenant hypothécaire utilisé en matière de
prêt hypothécaire et ce à concurrence de la valeur
réelle admise par la Banque tant que dureront les effets du contrat.
A défaut pour le client de pourvoir à ces
assurances, la Banque est autorisée à contracter aux frais,
risques et périls du client, lesdites assurances, sans que l'exercice ou
du non-exercice de cette faculté, puisse découler à charge
de la banque aucune responsabilité.
Il s'interdit enfin, sans autorisation préalable et
écrite de la Banque, de contracter aucune location ni aliénation,
ni aucun engagement de tout ou partie de son fonds de commerce, de faire apport
de celui-ci en société, en général de ne rien faire
qui puisse altérer la valeur du gage204(*).
D. Clauses relatives
à l'examen de la comptabilité du client
En vertu de ces clauses, la Banque aura le droit, à
tout moment de faire procéder par une personne de son choix, à
l'examen de la comptabilité du client, à la vérification
sur place du mobilier, de l'outillage, du matériel et de la
quantité de marchandises et d'une façon générale de
recueillir tous éléments susceptibles de la renseigner sur
l'état des affaires et ce, aux frais du client.
E. Les clauses relatives
à la sanction
L'inobservation des prescriptions notamment relatives au
maintien de la consistance du fonds, à l'information à donner au
créancier, aux différents engagements de faire ou de ne pas
faire, est sanctionnée par une exigibilité immédiate de
toutes sommes qui sont dues par le client, sans préjudice de poursuite
de remboursement par toutes voies de droit.
En outre, la dénonciation de la ligne de crédit
et l'exigibilité des sommes seront immédiates :
- Dans tous les cas prévus par la correspondance des
parties et dans le Règlement Général des ouvertures de
crédit
- dans le cas où la remise en gage n'occuperait pas le
rang conforme à ce qui aurait été déclaré,
en cas d'inexactitude des déclarations faites à l'acte de gage ou
en cas d'inexécution des engagements pris par le client dans
l'acte ;
- en cas de décès, faillite, concordat,
incapacité, saisie, protêt de l'effet de commerce
- si le client transportait en un autre lieu le siège
principal de ses exploitations ;
- si le client quittait le Rwanda pour quelque cause que ce
soit pour une durée qui serait préjudiciable à ses
affaires ou négligeait gravement celles-ci.
Il en sera de même dans le cas où l'une ou
plusieurs choses données en gage seraient saisies ou
revendiquées par un tiers, en cas de contestation par un tiers des
droits de la Banque.
F. Les clauses relatives au
frais résultant de l'établissement de l'acte
En ce qui concerne les frais quelconques résultant
directement ou indirectement de l'établissement de l'acte ou de son
exécution, ceux-ci sont à charge du client et sont garantis par
le gage constitué. Il en est ainsi des frais d'inscription et du
renouvellement éventuel du gage.
G. Clauses relatives
à l'information à donner au créancier
Le client doit signaler à la Banque toute modification
de son immatriculation ou tout fait qui changerait la valeur du gage. Le client
est tenu de donner à la Banque toutes justifications que celle-ci
jugerait nécessaires au sujet de la consistance du gage
constitué. Aussi, la Banque doit-elle accepter d'abord la valeur
réelle du bien pour lequel le client souscrit une assurance.
Il s'engage en outre à informer la Banque de tous
faits, cas fortuits ou autres qui diminueraient la valeur de la garantie. Il
devra donner immédiatement connaissance à la Banque de tout
jugement de condamnation qui serait prononcé à la requête
d'un autre créancier, privilège ou non, de toute saisie qui
serait faite sur les biens, de tout protêt qui serait dressé
à sa charge (art. 7 acte BK). Le client s'engage enfin à
notifier immédiatement à la Banque toute cession, destruction ou
désaffectation des éléments formant assiette du gage du
fonds de commerce.
Section 2. Considérations critiques sur les actes de
gage analysés
Les actes de gage sur lesquels a porté cette analyse ne
vont sans susciter des critiques. Etant l'émanation de la volonté
d'une des parties économiquement forte imposant à l'autre partie
ses propres volontés, les clauses de ces contrats sont souvent
exorbitantes au mépris flagrant du principe de la liberté
contractuelle. Or, le contrat exige un minimum de civisme, de justice et de
sincérité contractuelle205(*). Le civisme contractuel renvoie à la
conformité du contrat à l'ordre public et aux bonnes moeurs et
représente une exigence générale de
validité206(*).
Les actes de gage analysés font ressortir qu'ils
tendent à l'uniformité, pèsent disproportionnellement sur
les parties contractantes, envisagent le gage du fonds de commerce comme une
garantie fourre-tout et qu'enfin ils englobent les clauses qui n'ont aucun
effet sur le plan juridique.
§1. Tendance à
l'uniformité
L'examen minutieux des actes de gage analysés fait
ressortir que les clauses de ces contrats sont presque uniformes sauf
différences liées notamment à la présentation, et
aux styles utilisés. Cette uniformité se traduit notamment par le
caractère préétabli de ces actes,
l'extension de l'assiette du gage, l'entendue de la
garantie, les frais de procédure, les clauses d'assurance, les
sanctions, etc.
De cette uniformité, on peut se poser la question de
savoir si les banques n'ont pas fait des ententes en cette matière. On
pourrait même penser que ces actes constituent des contrats-types. Mais,
en dernière analyse on ne trouve aucune indication dans ce sens car
celui-ci requiert qu'il soit élaboré par un certain organisme
professionnel pour servir un certain nombre de personnes ou associations
oeuvrant dans un même domaine. Or, dans les contrats analysés, il
appert que même s'ils sont uniformes quant aux clauses qu'ils contiennent
cela est dû au fait que les initiatives surtout en matière de
rédaction de contrats sont très rares au point que celui qui va
rédiger tend toujours à faire référence à un
autre contrat d'où la tendance à l'uniformité.
§2. Le contrat pèse disproportionnellement sur les
parties
L'une des caractéristiques de ces contrats bancaires
est que ses clauses pèsent de manière disproportionnelle sur
l'adhérent et le stipulant.207(*) Ainsi, on s'étonne de voir que du
début à la fin on ne trouve aucune clause relative aux droits du
débiteur ou à l'obligation du créancier. Toutes les
obligations sont mises à la charge de l'adhèrent. C'est ainsi par
exemple que tous les actes de gage analysés mettent à charge du
client tous les frais survenus à l'occasion de l'examen par la banque de
la comptabilité du client, la vérification sur place du mobilier,
de l'outillage, du matériel et de la quantité de marchandises
stockées et d'une façon générale de recueillir
tous les éléments susceptibles de la renseigner sur l'état
des affaires.
Bien que la banque ait rendu un service au client, il est
à notre avis injuste que les frais suscités par le maintien ou la
sauvegarde de la sûreté du créancier soient exclusivement
supportés par le seul débiteur alors qu'ils profitent au seul
créancier et qu'en plus le crédit porte aussi des
intérêts. On pourrait aussi imaginer le cas d'une banque
soucieuse du maintien de son gage qui procéderait intempestivement au
contrôle de la comptabilité du client. Ce dernier risquerait de se
ruiner en payant toujours les frais relatifs au contrôle.
§3. Gage du fonds de
commerce n'est pas une garantie « fourre-tout »
Une majorité d'actes de gage sous examen confirment le
caractère commercial du gage du fonds de commerce208(*). Mais à
considérer certaines clauses ce ces contrats on tend à conclure
que le gage du fonds de commerce n'est plus une garantie commerciale mais
plutôt une garantie fourre-tout.
Ainsi, tous les actes étendent la garantie à
toutes les créances dues « à quelque chef et à
quelque titre que ce soit ». Cette stipulation du contrat laisse
entrevoir que toutes les créances, même les créances
civiles, sont garanties par le gage du fonds de commerce.
Quoique le législateur ne s'oppose pas
expressément à cette éventualité, il est de notre
avis que l'esprit de la loi, qui est de favoriser le crédit en faveur de
la petite bourgeoisie commerçante et industrielle d'abord, et à
tous les commerçants ensuite, s'y opposerait, car selon
MOREAU MARGREVE, la constitution du gage du fonds de commerce ne peut servir
qu'au paiement des créances nées dans le chef d'organismes de
crédit agréés, à la suite d'opérations de
crédit conclues avec des commerçants pour les besoins de leurs
activités commerciales209(*). De là, nous estimons que cette clause
méconnaît l'esprit du législateur de faire du gage sur
fonds de commerce une garantie commerciale et non une garantie
« fourre-tout ».
§4. Les clauses sans
effets juridiques
Certains de ces actes contiennent des clauses qui ne peuvent
être appliquées et si l'adhèrent se refusait à leur
faire honneur le stipulant ne peut pas les faire
exécuter sous la houlette d'une autorité
publique. Cela est dû au fait que certaines sont contre l'ordre public ou
contre les règles et les principes généraux du droit. Il
en est ainsi notamment des clauses créant les obligations à
l'égard des tiers au contrat, celles créant conventionnellement
un privilège et les stipulations préjudiciables aux tiers.
A. la création d'une
obligation à l'égard des tiers
C'est un principe du droit qu `un
contrat ne peut créer des obligations qu'à charge des parties
contractantes. Il ne peut nuire ni profiter aux tiers que dans les cas
prévus par la loi notamment en cas de stipulation pour autrui et de
promesse du porte-fort (art. 63CCLIII). C'est l'effet relatif des contrats.
Toutefois, en dépit de cette prescription
légale, les actes de gage soumis à notre analyse
révèlent que la volonté unilatérale qui entend
dicter les obligations auxquelles l'autre partie doit adhérer,
étend ce pouvoir à un tiers au contrat. C'est ce qui
apparaît dans l'acte de gage BCDI (art. 6) selon lequel «l'assureur
sera tenu de donner préavis à la banque en cas de suspicion,
annulation ou modification pour quelques raisons que ce soit, notamment le
non-paiement des primes ». Quelle est la valeur juridique de cette
clause qui crée une obligation à charge de l'assureur qui,
pourtant n'est pas partie au contrat ? Qu'adviendrait-il si l'assureur ne
satisfaisait pas à cette obligation ?
A ce propos, J. CARBONNIER considère que la loi
contractuelle régit les parties, les tiers lui échappent. Le
contrat n'a d'effet absolu que seulement dans les relations de chaque partie
avec l'autre, il ne peut nuire aux tiers, il ne leur est pas opposable, il ne
peut non plus leur profiter210(*). C'est aussi ce qui ressort du jugement de la cour
de cassation belge selon le quel le contrat, dans son aspect consensuel, ne
constitue pas une règle générale et abstraite, pouvant
avoir des effets à l'égard des tiers211(*).
De ce qui précède, ressort que l'assureur n'est
pas lié par l'obligation qui est mis à sa charge par le contrat
auquel il n'a pas été partie. Il peut donc en ignorer l'existence
et ne peut lui être opposé. On se demanderait alors
l'intérêt qu'aurait la banque d'insérer au contrat une
clause qui à premier abord ne produira aucun effet. Nous croyons que
cette clause «fantôme » constitue une manoeuvre pour faire
croire au client adhérent qu'une obligation lourde pèse sur lui
qu'au cas où il ne l'exécuterait pas, le créancier dispose
de moyens suffisants d'information. Quoiqu'il en soit, cette clause ne peut
produire aucun effet juridique.
B. La création conventionnelle des
privilèges
Le droit rwandais ne définit pas le privilège. A
ce propos nous nous référons au droit belge qui définit le
privilège comme « un droit que la qualité de la
créance donne au créancier d'être
préféré aux autres créanciers
[...] »212(*).
De cette définition ressort que le privilège est une faveur qui
résulte de la loi en raison de la qualité de la créance.
Il est l'oeuvre exclusive de la loi et échappe complètement
à l'autonomie de la volonté ; il ne saurait être
créé par convention213(*) sous peine de méconnaître la
règle « pas de privilège sans texte ».
Dans la pratique cependant, notamment dans les contrats
bancaires on remarque une tendance croissante de se frayer des
privilèges conventionnels. C'est ainsi que l'acte de gage BCDI contient
une clause selon laquelle « en cas de réalisation, la banque
est payée par préférence à tous les autres
créanciers, de tout ce qui lui est dû ainsi que les frais de
poursuite » (art. 8). De même, le déplacement
éventuel du fonds de commerce n'affecte pas le gage, celui-ci
grève aussi bien ce qui aurait été déplacé
(art. 1).
Dans le premier cas, le décret de 1937 accorde au
créancier le droit d'être préféré aux autres
créanciers. L'insistance de la clause insérée dans le
contrat pourrait aller jusqu'à se faire préférer
même avant tous les privilèges spéciaux comme par exemple
celui des frais de justice, le privilège des salaires, etc. Cette
clause si tendancieuse soit-elle ne saurait pas opposable aux tiers, car elle
constitue une violation flagrante de la loi et du principe
général selon lequel « il n'y a pas de privilège
sans texte ».
Dans le second cas, nous estimons qu'en cas de
déplacement, même si la loi est muette à ce sujet, seul le
report de privilège peut faire subsister le privilège sur les
biens déplacés si le déplacement doit s'entendre dans le
sens d'un transfert d'un endroit à un autre et non dans le sens du
détournement. Ainsi, cette hypothèse serait comparable à
celle du bailleur qui, selon DE PAGE, ne peut stipuler que son privilège
subsistera sur les meubles du preneur, même s'ils quittent les lieux
loués214(*).
En plus, même dans le cas où le
déplacement dont il est question à l'art. 1 pouvait s'entendre
dans un autre sens désignant « le
détournement », la subsistance du privilège sur les
biens déplacés ne serait subordonnée qu'à
l'exercice avec succès d'une action en revendication prévue
à l'art. 12 al. 2 du décret de 1937. Dans le cas contraire, le
maintien du privilège ne serait qu'un vain mot.
C. Stipulations préjudiciables aux tiers
Certaines dispositions du décret de 1937 ont
été édictées dans l'esprit de protection des tiers.
Il en est le cas notamment de l'art. 2 al.2 du décret de 1937. Cet
article prévoit la possibilité d'inclure dans l'assiette du gage
du fonds de commerce les marchandises en stock à concurrence de 50% de
leur valeur. Cette disposition n'a d'autres buts que de protéger les
créanciers chirographaires qui verraient la sûreté absorber
la totalité de l'actif du débiteur215(*). La moitié restante
doit rester affectée à la garantie des fournisseurs ou de la
masse chirographaire.
Force est de constater cependant que la pratique en la
matière est tout autre. En effet, l'art. 3 al. 3. de l'acte BCDI inclut
les marchandises dans l'assiette du gage du fonds de commerce sans
préciser la proportion dans laquelle elles sont incluses :
« sont également compris dans le gage, la marchandise, le
stock et le prix de vente les représentant ».
Ainsi, une clause incluant toutes les marchandises dans
l'assiette du gage nous parait contraire à l'ordre public, car
avons-nous indiqué, l'inclusion des marchandises à concurrence de
50% de leur valeur n'a d'autres intérêts que de protéger
les tiers (créanciers chirographaires et les fournisseurs). De
là, nous croyons qu'une disposition édictée pour
protéger les tiers ne peut être méconnue sans porter
atteinte à l'ordre public.
Section 3. Les effets de la précarité du gage
du fonds de commerce sur le système de crédit
Dans nos développements antérieurs, notre effort
a été de montrer que la protection du créancier gagiste du
fonds de commerce est précaire. De ce fait, ce dernier essaie de
suppléer à cette carence au moyen des clauses
insérées dans l'acte de gage. Cette situation ne va sans effets
sur le système de crédit. D'une part, elle rend onéreux
le crédit pour le débiteur et d'autre part, elle suscite un
débat houleux quant à la nécessité de maintenir le
gage du fonds de commerce comme sûreté
§1. L'insuffisance de
protection du créancier rend le crédit onéreux
Dans tout le système de crédit, consentir un
crédit suppose de toute évidence que le créancier accorde
sa confiance à l'emprunteur. Le plus souvent, cette confiance est
donnée avec précaution, en échange de garanties qui
viennent renforcer le contrat entre le créancier et le
débiteur216(*).
Ces garanties sont donc des éléments
inséparables du crédit. Elles doivent permettre au
créancier de recouvrer les sommes qu'il a mises à la disposition
de l'emprunteur. En d'autres termes, aucun mécanisme de
sûreté ne peut être qualifié de garantie que si elle
est susceptible de jouer ce rôle c'est-à-dire permettre le
créancier de récupérer son dû.
Il est pourtant admis de dire que les garanties ne sont pas
utiles au seul créancier. Le débiteur a tout intérêt
à assurer au créancier des certitudes suffisantes, car d'elles
dépend son crédit. On ne prête qu'aux riches, dit l'adage.
Le créancier ne consentira à prêter qu'à un
débiteur capable de lui rembourser. Un système efficace de
sûretés remplit ainsi cette fonction. Il rassure les
créanciers et en même temps facilite, pour le débiteur, la
recherche du crédit.
Il ressort de cet état de chose que le
législateur a à concilier les impératifs peu conciliables
à savoir le besoin de financement et de crédit d'une part, et
d'autre part, la protection du créancier. Mais il semble que le
législateur s'est beaucoup préoccupé du premier
impératif au détriment flagrant du second. Le législateur
a été mu surtout par des considérations économiques
au détriment de la protection du créancier.
Devant cette protection peu efficace du créancier
gagiste, celui-ci peut adopter deux comportements : soit il s'abstient
catégoriquement d'octroyer le crédit car ne voyant pas dans le
gage du fonds de commerce une sûreté lui permettant de recouvrer
sans peine sa créance, ce qui est le but même de la
sûreté, soit encore il opte pour l'octroi du crédit
à des conditions onéreuses tel que cela a été
indiqué dans nos développements antérieurs.
Dans un tel cas, le débiteur qui a besoin du
crédit est tenu d'accepter sans discussion les clauses du contrat qui,
souvent constituent un fardeau pour lui. C'est cette situation qui fait que les
auteurs ont commencé à s'interroger sur la
nécessité de maintenir ou pas le gage du fonds de commerce comme
sûreté commerciale.
§2 Débats quant au
maintien du gage du fonds de commerce comme sûreté
L'insuffisance de protection du créancier gagiste du
fonds de commerce a conduit certains auteurs217(*) à se poser la question de savoir s'il faut
réviser ou tout simplement supprimer la législation sur le gage
du fonds de commerce et la sûreté qu'elle comporte. MOREAU
MARGREVE, tenant de sa suppression, considère que le manque
d'élaboration intrinsèque, l'absence de principes
généraux en matière de sûretés et des
imprécisions en matière de faillite font du gage
du fonds de commerce une garantie de crédit fort aléatoire.
Aussi, continue-t-elle, il ne présente souvent qu'un
intérêt marginal pour les créanciers ; ceux-ci exigent
d'autres garanties, s'intéressent essentiellement, lors de la demande de
crédit, à la compétence du manager-demandeur de
crédit, à la rentabilité de son commerce et aux dettes qui
le grèvent218(*).
Quoique le gage du fonds de commerce ne soit pas
fréquemment pratiquée, nous ne pouvons pas nous ranger du
coté des tenants de la suppression de cette garantie, car nous estimons
que dans l'économie peu diversifiée comme la nôtre une
telle sûreté pourrait répondre aux besoins incontournables
de financement de nombreux petits commerçants qui n'ont que leur fonds
de commerce à offrir en garantie. Nous considérons que le
législateur se doit de réviser la législation sur le gage
du fonds de commerce en tenant compte des inquiétudes du
créancier gagiste du fonds de commerce. Pour cela, il doit mettre
à la disposition de ce dernier une procédure facile et claire de
revendication des biens déplacés et de réalisation du
fonds de commerce. En plus, il doit le doter d'un moyen d'information lui
permettant de s'enquérir régulièrement de la situation du
fonds de commerce nantie pour que, le cas échéant, il puisse
prendre à temps les mesures juridiques appropriées.
De surcroît, aux vues des clauses analysées par
lesquelles le créancier fait sa loi contractuelle en faisant stipuler en
sa faveur tous les avantages du contrat, nous affirmons que cela constitue
une raison parmi tant d'autres qui poussent les commerçants à ne
pas faire recours à une telle sûreté et à
préférer les sûretés encore moins souples.
Enfin, nous avons un espoir que la commission juridique qui a
été récemment mise en place par le gouvernement pour
réviser les textes de lois commerciales ne manquera pas de jeter les
bases de la protection du créancier gagiste du fonds de commerce et
ainsi mettre fin à la situation où le créancier fait sa
loi.
CONCLUSION ET
RECOMMANDATIONS
La mise en gage du fonds de commerce jaillit des
considérations purement économiques. Il a pour but ultime
permettre aux petits commerçants, qui n'ont aucun autre moyen d'obtenir
le crédit sans pour autant cesser leurs activités commerciales.
Le législateur a eu donc à répondre à deux
préoccupations essentielles : D'une part, il devait trouver une
solution au problème de crédit des commerçants les moins
nantis et d'autre part, protéger les dispensateurs de crédit (les
créanciers). Entre ces deux défis, le législateur, mu par
des considérations économiques, semble n'avoir servi qu'au
premier. Or, les deux sont étroitement liés au point que l'une ne
peut se réaliser indépendamment de l'autre. L'objectif de
protection des créanciers semble avoir été
relégué en arrière plan.
Au premier plan, le créancier doit être
protégé contre les manoeuvres de son débiteur qui pourrait
tenter de rendre illusoire sa sûreté par différents
artifices. En effet, l'absence de dépossession qui est
caractéristique du gage du fonds de commerce eût
nécessité la protection efficace du créancier gagiste. Le
débiteur qui reste en possession du fonds nanti peut accomplir sur
celui-ci différents actes et opérations inhérents à
son droit de disposition qui ne lui est pas retiré par le fait du
gage.
Il peut notamment vendre le fonds en bloc ou quelques
éléments de celui-ci, le donner en location-gérance, voire
même l'apporter en société. Il peut en outre, lorsqu'il
l'estime nécessaire déplacer le fonds de commerce à un
autre endroit ou changer complètement son activité. Toutes ces
entreprises sur le fonds de commerce ont certainement pour effet de porter
atteinte aux droits du créancier.
En guise de protection, le créancier gagiste du fonds
de commerce, comme tout autre créancier, dispose des moyens de droit
commun pour faire échec aux manoeuvres du débiteur, mais ces
moyens ne pourvoient qu'à la conservation du patrimoine de son
débiteur mais ne constituent pas en réalité de
véritables sûretés. Tels sont par exemple, la
déchéance du terme, l'action oblique, l'action en
déclaration de simulation, la saisie-arrêt des sommes entre les
mains d'un tiers, etc. ces moyens sont loin d'être cotés
d'efficaces, car ce que le créancier recherche est une
sûreté et non une garantie de paiement.
En plus, le Décret de 1937, lacunaire à
plusieurs égards prévoit en faveur du créancier quelques
mécanismes de protection mais leur efficacité est fort
redoutable. Parmi ces mécanismes se trouve la sanction prévue par
l'art. 18 de ce décret. En réalité, celle-ci ne
présente guère d'intérêt car ce qui importe pour le
créancier ce n'est pas la répression mais le recouvrement de sa
créance. En plus, le droit de revendication que lui reconnaît
l'art. 12 al. 2 du même décret est limité dans le temps et
sur certains biens corporels et ne s'exerce que sous réserve de l'art.
658 CCLIII. Par ailleurs, le législateur ne souffre mot quant à
l'existence en faveur du créancier d'un droit de suite en cas
d'aliénation globale du fonds de commerce. Même en cas de son
exercice, comme l'admet d'ailleurs la jurisprudence et la doctrine, aucune
forme de saisie du fonds dans son entièreté n'a été
prévue par le législateur ce qui rend difficile sa mise en ouvre
pratique.
Par ailleurs, les différents conflits qui surgissent
entre le créancier gagiste et les titulaires de droits
préférentiels sur le bien nanti n'ont pas été
réglés par le législateur ce qui multiplie les
affrontements des créanciers sur le bien. Certes, la jurisprudence a
été amenée à intervenir mais sans que des solutions
unanimes soient dégagées.
Toutes ces lacunes participent de la précarité
du gage sur fond de commerce. Cette précarité justifie les
précautions prises par les créanciers pour se
prémunir contres les entreprises de leurs débiteurs et en
général contre les tiers. La pratique, au moyen de l'instrument
contractuel supplée à la carence de la législation en se
créant des conditions favorables aux créanciers laissés
par la loi à la merci de leurs débiteurs. C'est ainsi que les
créanciers se créent par contrat des conditions favorables
auxquelles les clients sont amenés à adhérer faute de
mieux et qui rendent le crédit onéreux pour ces derniers.
L'analyse des contrats passés entre les clients et les
banques révèle qu'il s'agit bien des contrats d'adhésion.
Le créancier, partie forte en raison de sa puissance économique
fait stipuler dans le contrat les clauses qui n'ont d'autres but que de
protéger le créancier et dont les vicissitudes doivent être
subies par le débiteur qui ne fait qu'y adhérer. Les clauses de
ces contrats étendent outre mesure la garantie et l'assiette de celle-ci
et mettent le fardeau de tous les frais à charge du débiteur et
d'autre part, elles portent atteinte aux droits des tiers souvent pour la
création de privilèges conventionnels.
Cette situation pourrait susciter la réaction des
débiteurs qui pourront à leur tour réclamer une protection
contre lesdites clauses. On ne saurait alors rompre ce cercle vicieux. Ce
serait rappeler l'histoire de l'oeuf et de la poule. De toute façon, la
logique du contrat préconiserait que la protection du créancier
soit la règle, celle du débiteur n'étant que le corollaire
de celle du créancier.
Toutes ces considérations sur la
précarité du gage du fonds de commerce ne vont sans graves
conséquences sur le système de crédit. Ces
conséquences tiennent de ce que le crédit et la garantie sont les
deux faces de la même pièce au point que la carence affectant l'un
de ces deux éléments ne peut épargner l'autre. La banque
ne peut consentir le crédit qu'en échange de la
sûreté. En un mot, c'est de la sûreté dont
dépend le crédit.
Eu égard à ces développements, on en est
venu à s'interroger sur l'opportunité même du maintien de
cette sûreté dans le système juridique. Pourquoi maintenir
une sûreté qui ne répond plus au but de la
sûreté c'est-à-dire pourvoir à la satisfaction du
créancier ?
Toutefois, nous ne pouvons pas souscrire à cette
opinion, se trouvant-elle sous la plume d'un éminent auteur, car elle ne
reste vraie que dans son pays ou l'économie est diversifiée
permettant d'emprunter sur les autres sûretés que sur les
marchandises. Dans notre pays le gage du fonds de commerce reste d'une grande
utilité étant donné que beaucoup de nos commerçants
ne disposent que de leur fonds de commerce à offrir en garantie. Nous
pensons que le but que poursuivait le législateur reste toujours
recherché.
Ainsi, nous recommandons au législateur de
réviser aussitôt que possible la législation sur le gage du
fonds de commerce en général avec l'accent particulier sur les
dispositions relatives à la protection du créancier gagiste. La
révision devrait tenir compte du caractère spécial du gage
du fonds de commerce d'une part, et la nécessité de ne pas
entraver exagérément la gestion du fonds. A cet effet, nous
souscrivons à l'idée de Mme MOREAU- MARGREVE qui soutient que
l'inopposabilité des actes anormaux de gestion pourrait être
organisée et l'article 658 CCLIII être écarté
lorsque la prise de possession par un tiers porte sur un bien durable du fonds
de commerce (matières premières, matériel et
outillage)219(*). Le
législateur devrait en outre envisager les actions suivantes :
- Etendre le droit de suite dans le temps, car la durée
de forclusion de celui-ci (6mois) se révèle un délai bref
pouvant préjudicier le créancier gagiste.
- Il se doit d'intégrer dans la législation du
gage du fonds de commerce, et cela d'une façon expresse le droit de
suite en cas d'aliénation in globo du fonds de
commerce ;
- Organiser un mode de saisie approprié et
adapté au gage du fonds de commerce en particulier et en
général à toutes les universalités.
- Trancher les conflits les plus fréquents entre les
créanciers et jeter des bases pour la résolution d'autres
conflits éventuels ;. Réglementer différentes
opérations sur fonds de commerce telle que la vente, la
location-gérance, apport en société, le déplacement
et penser à rattacher à ces opérations un système
de publicité pouvant alerter le créancier de l'existence des
entreprises préjudiciables à ses intérêts. Cette
publicité serait aussi requise en cas de subrogation et cession
d'antériorité.
- Accorder le régime spécial au créancier
gagiste lors de la liquidation de la faillite de son débiteur. Le
caractère spécial du gage du fonds de commerce requiert que les
droits du créancier gagiste du fonds de commerce ne soient pas suspendus
par la faillite comme cela est de règle en droit belge.
- Le législateur devrait, à l'instar de celui de
l'OHADA220(*), organiser
le droit d'information du créancier notamment en
prescrivant que le débiteur soumette au créancier la situation
de son fonds pendant une durée déterminée pour
éviter que le créancier fasse sa loi par des clauses assez
lourdes pour le débiteur. A défaut, le Rwanda devrait ratifier
les actes uniformes de l'OHADA d'autant plus qu'il en est membre221(*).
- Enfin le législateur, devrait revoir à la
hausse les amendes prévues par l'art. 18 du Décret de 1937, car
elles n'ont plus un caractère persuasif qui devrait caractériser
toute peine.
Pour terminer, disons qu'une étude comme celle-ci ne
peut pas prétendre épuiser tous les contours du sujet. C'est pour
cela que nous interpellons les chercheurs ultérieurs qui seraient
intéressés par le domaine de bien vouloir nous compléter
notamment en analysant l'impact de la prolifération des
sûretés issues de la pratique sur le gage du fonds de
commerce ou discuter l'opportunité même du maintien du
gage du fonds de commerce comme sûreté. Nous remercions
d'avance quiconque voudra prendre le relais de notre recherche. Ce faisant, ce
serait pour nous un signe d'encouragement.
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d'objets mobiliers à destination commerciale et le gage sur fonds de
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III. LES TEXTES LEGAUX RWANDAIS ET
ETRANGERS
1. Constitution de la République Rwandaise du4/6/2003,
in J.O.R.R., n° spécial du 4 juin 2003.
2. LO n° 07/2004 du 25/05/2004 portant organisation,
fonctionnement et compétences judiciaires, J.O.R.R., n° 14 du 15
juillet 2004.
3. Décret-loi n° 21/77 du 18 août 1977
portant Code pénal rwandais, J.O.R.R., 1978, n° 13bis.
4. Loi n°18/2004 du 20/6/2004 portant code de
procédure civile, commerciale sociale et administrative, J.O.R.R.,
n°spécial du 30/7/2004.
5. Loi n° 06/1988 du 12 février 1988 portant
organisation des sociétés commerciales, J.O.R.R.,1988,
modifiée par la loi n° 39/1988 du 27 octobre 1988, J.O.R.R.,
1988.
6. Loi française du 17 mars 1909 portant vente et
nantissement du fonds de commerce, code du commerce, 95e éd.
2000.
7. Loi n° 08/ 99 portant réglementation des banques et
autres établissements financiers, J.O.R.R., n° 13 du
1/7/1999
8. Loi belge du 5 mai 1872 portant révision des
dispositions du code de commerce relatives au gage et à la
commission.
9. Loi n° 36/91 du 5 août 1991 portant Registre de
commerce, J.O.R.R., 1991.
10. Loi n° 22/99 du 12/11/1999 complétant le livre
premier du code civil et instituant la 5e partie relative aux
régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités,
J.O.R.R.., n° 22 du 15/11/1999.
11. Loi n° 06/1988 du 12 février 1988 portant
organisation des sociétés commerciales, J.O.R.R.,1988,
modifiée par la loi n° 39/1988 du 27 octobre 1988, J.O.R.R.,
1988.
12. Décret du 27 juillet 1934 portant faillites,
B..O, 1934.
13. Décret du 20 mars 1923 portant warrant,
B.O., 1923.
14. Décret du 31 juillet 1912 portant livres de
commerce, B.O., 1912, rendu exécutoire au Rwanda par l'ORU n°
63/just. du 31 août 1935, B.O.R.U. 1965.
15. Décret du 15 mai 1922 portant régime
hypothécaire, B.O., 1922.
16. Décret du 21 juin 1937 portant gage du fonds de
commerce, escompte et endossement de la facture commerciale, BO,
1937.
17. Décret du 24 janvier 1957 portant créances
privilégiées, B.O, 1957
18. AM n° 99/13 du 14 juillet, 1965 portant inscription des
actes de gage du fonds de commerce, J.O.R.R., 1965.
19. ORU n° 41/78 du 28 mai 1956 portant établissement
dangereux, insalubres ou incommodes, B.O.R.U, 1956, p. 442.
20. Ordonnance n° 40/AE du 11 mars 1938 portant inscription
des actes de gage du fonds de commerce, BA, 1938 rendue
exécutoire au Rwanda par l'ORU n° 29/AE du 27juin 1938,
B.O.R.U, 1938.
IV. REPERTOIRES
1. Répertoire pratique de droit belge, t. 5, Bruxelles,
Bruylant, 1950
2. Répertoire de législation, de doctrine et de
jurisprudence, t. 6, Paris, Dalloz, 1914.
V. SOURCE INTERNET
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http//www.linternet/JF/despcialisation_du_bail_commercial-htm
- http//www.sndp.fr/bdj/immob/BAILACT-htm
- Http//www.jurisint. org. Pub/ohada/index/index. org.
fr. htm
VI. JURISPRUDENCE ETRANGERE
1. Cass. belge (1ère chambre), 8 avril 1976,
R.C.J.B., 1980.
2. Cass., 19 nov. 1992, R.C.J.B., 1994.
3. Gand, 22 avril 1997 RW, 1997-1998, p. 1263.
4. Montpellier, 30 nov. 1932, Gaz. Pal. 1933.
5. Rouen, 14, nov. 1908, in RPLDJ, 1950.
6. Rennes, 26 oct. 1950, Gaz. Pal. 1957. 1. 27
VII. AUTRES DOCUMENTS
1. Acte de gage du fonds de commerce de la BCDI,
inédit
2. Acte de gage du fonds de commerce de la BK,
inédit
3. Acte de gage du fonds de commerce de la BACAR,
inédit
4. Acte de gage du fonds de commerce de la BCR, inédit.
5. Acte uniforme portant organisation des
sûretés, OHADA.
ANNEXES
- Acte de gage du fonds de commerce de la BCDI
- Acte de gage du fonds de commerce de la BCR
- Acte de gage du fonds de commerce de la BK
- Acte de gage du fonds de commerce de la BACAR
* 1 H. DE PAGE,
Traité élémentaire de droit civil belge, t. VI,
2ème partie (les sûretés), pp. 623-624.
* 2 P. OURLIAC et J. DE
MALAFOSSE, Histoire du droit privé : les
obligations, v.1., Paris, coll. Thémis, PUF, 1957, n° 332, p.
354.
* 3 Idem, p. 355.
* 4 Ibidem
* 5 H. DE PAGE, op.
cit., t. VI, n° 1106, p. 1138.
* 6 Cette terminologie a
été critiquée, certains auteurs estimant qu'il ne
mérite pas cette qualification à raison notamment des
similarités que cette institution présente avec
l'hypothèque. On a proposé qu'il soit qualifié
d'hypothèque immobilière (voir I. MOREAU MARGREVE, "Heures et
malheurs du créancier gagiste sur fonds de commerce", note sous cass.
belge (1ère ch.), 8 avril 1976, in R.C.J.B., 1981, n°11,
p. 140).
* 7 Décret du 12
janvier 1920 portant gage sur fonds de commerce escompte et gage de la facture
commerciale B.O., 1920, p. 179 tel que modifié par le
décret du 26 juin 1937, B.O, 1937, p. 618 et celui Du 24 mai
1959, B.O., 1959,p 1369. Toutefois, un grand nombre d'articles du
Décret de 1920 ayant été remplacé par ceux du
Décret de 1937 notamment ceux relatifs à la protection du
créancier gagiste du fonds de commerce, dans la suite de ce travail nous
nous en referons comme « décret de 1937 ».
* 8 Art. 602 du
décret du 30 juillet 1888 portant Code civil livre troisième
relatif aux contrats ou des obligations conventionnelles tel que modifié
à ce jour, B.O., 1888, p. 109.
* 9 Art. 12 al.2 du
décret de 1937.
* 10 Art. 12 al. 3 du
décret précité
* 11 H. DE PAGE et R.
DEKKERS, Traité élémentaire de droit civil belge,
t. 6, Bruxelles, Bruylant, 1953, p. 1146.
* 12 Art. 18 du
décret de 1937.
* 13 I. MOREAU-MARGREVE,
op. cit., pp 145-146. voir aussi F. T'KINT, Les
sûretés et principes généraux du droit de poursuite
des créanciers, 3e éd. , Bruxelles, Larcier,
2000, n° 339, p. 177.
* 14 A-M. STRANART, Les
sûretés, Bruxelles, E-story Scientia, 1992, n° 120, pp.
174-175.
* 15I. MOREAU-MARGREVE,
op. cit., p.130.
* 16 MARC VAN QUICKENBORNE,
«Du concours entre le créancier gagiste du fonds de commerce et le
gagiste ordinaire », note sous Cass. belge, 19 nov. 1992,
R.C.J.B., p. 40.
* 17 G. HUBRECHT, Droit
commercial, 11ème éd., Sirey, 1988, p.42.
* 18 Voir l'art. 12 al.3 du
décret de 1937.
* 19 G. HUBRECHT, op.
cit., p. 42.
* 20 Loi française du
17 mars 1909 portant vente et nantissement du fonds de commerce, Code de
Commerce Dalloz, textes, jurisprudences et annotations,
95è éd., Paris, Dalloz, 2000, p. 917.
* 21 M. PEDAMON, Droit
commercial, commerçants et fonds de commerce, concurrence et contrat de
commerce, Paris, Dalloz, 1994, n° 257, p. 202.
* 22 P. DIDIER, Le droit
commercial, 2ème éd., Paris, Dalloz, 2001, p.14
* 23 Idem, p.13.
* 24 F. T'KINT, op.
cit., p. 173.
* 25 M. PEDAMON, op.
cit., n°289, p.225.
* 26 Art. 13 al.1 de la loi
française du 17 mars 1909 portant vente et nantissement du fonds de
commerce (Voir Y. CHAPUT, Code français de commerce, textes,
jurisprudence, annotations, 95ème éd., Paris, Dalloz, 2000,
p.139)
* 27 Gand, 22 Avril,
1997, R.W., 1997-1998, p.1263
* 28 Répertoire
Dalloz, t.6, Paris, Dalloz, 1914, n° 431, p.430.
* 29 Ibidem
* 30
http//www.
linter.net/JP/despecialisation_du_bail_commercial-htm.
Consulté le 20/8/2003.
* 31 M. PEDAMON, op.
.cit. n°292, p.226.
* 32 Ibidem
* 33 Ibidem
* 34 Loi n° 36/91 du
5/8/1991 portant registre de commerce, J.O.R.R., 1991, p.1150.
* 35 Ordonnance n°40/AE
du 11 mars 1938 portant inscription des actes de gage du fonds de commerce,
B.A., 1938, p. 226 rendu exécutoire au Rwanda par
l'ORU n°29/AE du 27 juin 1938, B.O.R.U., 1938.
Toutefois cette ordonnance doit être lue en comparaison avec la loi
organique n°07/2004 du 25/04/2004 portant organisation, fonctionnement et
compétences judiciaires surtout en ce qui est des nouvelles
dénominations des juridictions.
* 36Loi n22/99 du 12/11/1999
complétant le livre premier du code civil et instituant la
cinquième partie relative aux régimes matrimoniaux, successions
et libéralités, J.O.R.R.. du 15/11/1999.
* 37 R. DEKKERS,
Précis de droit civil belge : les régimes matrimoniaux,
donations et les testaments, t.3, Bruxelles, Bruylant, 1955, p.491.
* 38 Ibidem
* 39 En vertu de cette
règle, le débiteur n'est pas autorisé à faire des
libéralités avant qu'il n'exécute ses obligations envers
ses créanciers
* 40 R. DEKKERS, op.
cit., p.544.
* 41 Loi n° 06/1988 du
12/02/1988 portant organisation des sociétés commerciales,
J.O.R.R., 1988, p. 437 modifiée par la loi n° 39/1988 du 27
octobre 1988, J.O.R.R., 1988, p.1653.
* 42 G. HUBRECHT, op.
cit., p. 49 ; M. PEDAMON, op. Cit., n° 282, p. 220.
* 43 Répertoire
Dalloz, op. cit., p.642.
* 44 Y. GUYON, Droit des
affaires, t.1, n° 638.
* 45 Art.17 de la loi sur
les sociétés commerciales susmentionnée
* 46 Répertoire
Dalloz, op. cit., p. 642
* 47 M. PEDAMON, op.
.cit., n° 282, p. 220.
* 48 G. HUBRECHT, op.
cit, p. 48.
* 49 P. DIDIER, op.
cit., p. 18
* 50 G. HUBRECHT, op.
cit., p. 48
* 51 Ibidem
* 52 P. DIDIER, op.
cit., p. 14.
* 53ORU n° 41/78 du 28 mai
1956 portant établissement dangereux, insalubres ou incommodes,
B.O.R.U., 1956, p. 442.
* 54 F. TERRE, PH. SIMLER et
Y. LAQUETTE, Droit civil: obligations, 8ème éd., Paris,
Dalloz, 2002, n°1143, p. 1065; voir aussi A. BENABENT, Droit civil:
obligations, 9ème éd., 2003, n°849, p.569.
* 55 Décret du 31
Juillet 1912 portant livres de commerce, B.O, 1912, p. 726
modifiée par le Décret du 20 Avril 1935, BO,1935, p. 508
rendu exécutoire au Rwanda par ORU n° 63 Just. du 31 Août
1935 B.O.R.U. 1935, p. 136.
* 56 Ces langues
s'expliquent par le fait que le décret date de l'époque
coloniale. Aujourd'hui on se contenterait de dire qu'ils doivent être
rédigés en langues officielles à savoir le kinyarwanda,
français et l'anglais (art. 5 de la constitution du 4 Juin 2003,
J.O.R.R., n°spécial du 4 juin 2003).
* 57 Répertoire
Pratique de Législation, de Doctrine et de Jurisprudence, op.
cit., V° « fonds de commerce », n° 363, p. 426. ;
voir aussi RPDB, op. cit., V° « fonds de
commerce », n°172, p. 811.
* 58 Acte de gage de fonds
de commerce DCDI et le client RW., p. 2, inédit.
* 59 Rouen, 14 Nov. 1908
cité in Répertoire Pratique de Législation, de Doctrine et
de Jurisprudence, n° 359, p. 426.
* 60 Ibidem
* 61 Loi n°18/2004 du
20/06/2004 portant code de procédure civile, commerciale, sociale et
administrative, J.O.R.R., n° spécial bis du 30/7/2004.
* 62 Voir l'art. 276
CCLIII
* 63 F. T'KINT, op.
cit., n° 339 p. 177.
* 64 Cass. belge, 9 Avril
1934, Pas., 1934, p. 231.
* 65 Voir R.C.J.B.,
1995, p. 317.
* 66 Voir les art. 258 et
259 CCLIII
* 67H. DE PAGE, op. cit., t.
3, 1969, p. 222.
* 68F. T'KINT, op.
cit., n°29, p.25.
* 69 Ibidem
* 70 H DE PAGE, op.
cit., t. 3, n° 229, p. 239.
* 71
Ibidem
* 72
Ibidem
* 73 H. DE PAGE, op.
cit., p. 216 n °191.
* 74 Ibidem.
* 75 Idem, p. 210.
* 76 J. CARBONNIER,
Droit civil, obligations, t. 4, 22e éd. refondue,
Paris, PUF, 2000, p. 172, n° 84.
* 77 La servitude
pénale signifie emprisonnement mais le terme n'est guerre utilisé
en droit pénal rwandais.
* 78 I. MOREAU-MARGREVE,
op. cit., p. 142 ; A-M. STRANART, op. cit.,p. 45.
* 79 Art. 424 du
décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977 portant Code
pénal rwandais, J.O.R.R., 1978, n° 13bis.
* 80 Répertoire
Pratique du droit belge, op.cit, n° 170, p.810.
* 81 I. MOREAU-MARGREVE, op.
cit., p. 142.
* 82 Idem, p.
145
* 83 J. FERRONIERE, Les
opérations de banques, 4e éd., Paris, Dalloz,
1963, p. 390.
* 84 HATUNGIMANA Joseph,
Le régime juridique des sûretés réelles sans
dépossession en matière de crédit au Rwanda,
mémoire de licence, UNR, 1997, p. 40.
* 85G. CORNU,
Vocabulaires juridiques, 8ème éd. revue et
augmentée, Paris, PUF, 2000, p. 841.
* 86 F. T'KINT, op.
cit., n° 201, p. 112.
* 87 Art.12 al.1 du
décret de 1937 : « le créancier au
bénéfice duquel un fonds de commerce a été
donné en gage peut, simultanément avec la mise en demeure faite
à l'emprunteur et au tiers bailleur de gage s'il y en a un, et sans
permission du juge, faire saisir, pour sûreté des sommes qui lui
sont dues, tous les éléments constitutifs du fonds de commerce
donné en gage ».
* 88 H. DE PAGE et R.
DEKKERS, traité élémentaire de Droit civil belge :
les privilèges, les hypothèques, la transcription et la
prescription, t.VII, 2e éd., p. 738
* 89 T'KINT, op.
cit., n° 338, p. 177.
* 90 Ibidem.
* 91 F. T'KINT, op.
cit., n° 339, p. 177; A-M. STRANART, op. cit., p.
46.
* 92 F. T'KINT, op.
cit., p. 169.
* 93 Décret du 19 Mai
1922 portant régime hypothécaire
* 94 Al. 5 de l'art. 12 du
décret de 1937 lu concomitamment avec la loi organique sur
l'organisation, fonctionnement et compétence judiciaires, supra, note
35.
* 95 Décret du 24
janvier 1957 portant créances privilégiées, B.O,
1957, p. 303.
* 96 Rouen, 14 Nov. 1908,
D.P, 1911, 2. 312
* 97 Art. 12 al. 5 du
Décret de 1937 lu concomitamment avec la loi organique sur
l'organisation, fonctionnement et compétences judiciaires
susmentionnée.
* 98 Art. 14 du
décret de 1937 en comparaison avec la loi organique
précitée
* 99 I. MOREAU MARGREVE,
op. cit., p. 158.
* 100 Dans la structure
administrative actuelle, cette compétence reviendrait au
Président de la République et celle du commissaire provincial au
ministre ayant le commerce dans ses attributions.
* 101 Ordonnance n°
40/AE du 11 mars 1938 portant inscription des actes de gage du fonds de
commerce, B.A, 1938, p. 226 rendue exécutoire au Rwanda par ORU
n° 29/AE du 27 Juin 1938, B.O.R.U., 1938.
* 102 A.M n° 99/13 du
14 juillet 1965 portant inscription des actes de gage du fonds de commerce,
J.O.R.R., 1965, p. 250.
* 103 L'ordonnance et l'AM
en question utilisent les anciennes dénominations des juridictions.
Actuellement toutes les affaires commerciales sont de la compétence de
la chambre commerciale, financière et fiscale du tribunal de province ou
de la ville de Kigali (voir la LO n° 07/2004 du 25/04/2004 portant
organisation, fonctionnement et compétences judiciaires,
J.O.R.R. n°14 du 15 juillet 2004)
* 104 I. MOREAU MARGREVE,
op. cit.,, n°17, p. 146; voir aussi n° 24, p. 155.
* 105 Art. 24 al. 8 de la
loi française du 17 mars 1909 portant vente et nantissement du fonds de
commerce, code du commerce, 95e éd., 2000.
* 106 Répertoire
pratique de législation, doctrine et jurisprudence, t.5, Bruxelles,
Bruylant, 1950, op.cit., n°114, p.808.
* 107 Cour d'Appel de
Bruxelles, 20 Juin 1985, RPS, 1986, p. 155.
* 108 Ibidem
* 109 T'KINT, op.
cit., n° 339, p. 177.
* 110 I. MAREAU MARGREVE,
op. cit., p. 149.
*
111Répertoire pratique de
législation, de doctrine et de la jurisprudence, op. cit.,
n° 301, p. 401.
* 112 Idem, n° 302, p.
421 ; T'KINT, op. cit., n° 326, p. 172.
* 113 Répertoire
pratique de législation, doctrine et jurisprudence, op. cit.,
n° 302, p. 421.
* 114 G. HUBRECHET, op.
cit., p. 49.
* 115 H. DE PAGE,.op.
cit., t. VI, n° 1109, p. 1146.
* 116 Répertoire
pratique de Droit Belge, op. cit., n° 176, p. 811.
* 117 Idem,
n° 170, .
* 118 Ibidem.
* 119 T'KINT, op.
cit., n° 339, p. 177
* 120 Art. 12 al. 1 du
décret de 1937.
* 121 H., L. et J. MAZEAUD
et F. SHABAS, Leçons de Droit civil ; Biens, Droit de
propriété et ses démembrements, Paris, Montchrestien,
1994, p. 269.
* 122 Idem, p.
522.
* 123 J. CARBONNIER,
Droit civil :les biens, t. 3, Paris, PUF, p. 268.
* 124 H., L. et J. MAZEAUD
et SHABAS, op. cit., p. 274.
* 125 R. DEKKERS, op.
cit., p. 554.
* 126 Idem, pp.
554-555.
* 127 Voir M. DIKETE, Droit
des biens, notes de cours 2001, Butare, UNR, inédites; Voir aussi
l'art. 623CCLIII
* 128 R. DEKKERS,
op.cit., p. 560.
* 129 G. HUBRECHT, op.
cit., p. 47.
* 130 Répertoire
Pratique de Législation, de Doctrine et Jurisprudence, op.
ci t., n° 437, p. 430.
* 131 Ibidem.
* 132 STRANART, op.
cit., n° 27 p. 43.
* 133 R.C.J.B.,
1972, p. 322.
* 134 Cass. belge, 6 Nov.
1986, Pasicrisie. 1987, I, p. 301
* 135 F. T'KINT, op.
cit., n° 332, p 175.
* 136 I. MOREAU MARGREVE,
op. cit., p. 133.
* 137 FONTAINE,
« Inclusion des créances du fonds de commerce » note
sous l'arrêt du 6 Nov. 1970, R.C.J.B., p. 322.
* 138 F. T'KINT, op.
cit., n° 300, p. 159.
* 139 Ibidem.
* 140 Idem,
n° 352, p. 182.
* 141 Répertoire
Pratique de Législation, de Doctrine et de Jurisprudence,
op.cit, n° 592.
* 142 Idem,
n° 593.
* 143 Ibidem.
* 144 La primus
est une bière qui est distillée par la Brasserie et limonadelie
du Rwanda (BRALIRWA) à base de sorgho, d'eau, de sucre et d'autres
produits chimiques.
* 145 Repertoire Pratique
de Legislation, de Doctrine et de Jurisprudence, op. cit.,
n° 347, p. 424.
* 146 I, MOREAU MARGREVE,
op. cit., R.C.J.B., 1980, p. 139.
* 147Idem, note
31, p. 139.
* 148
Art. 110 du Décret du 27 juillet 1934 portant les
faillites, B.O., 1934.
* 149 J. RENAULD, et P.
COPPENS, « Notion de concours entre créanciers son application
au régime des sociétés dissoutes et les successions
acceptées sous bénéfice d'inventaire », in
R.C.J.B., 1965, p. 101-119.
* 150 L. VINCENT,
cité par T'KINT, op. cit., n° 85, p. 51
* 151 Voir RENAULD et
COPPENS, op. cit., p. 106
* 152 F. T'KINT, op.
cit., n° 85, p. 51 ; RENAULD et COPPENS, op. cit., p.
109.
* 153 Idem, pp.
109-110.
* 154F. T'KINT, op.
cit., n° 88, p. 52
* 155 F. T'KINT, op.
cit., n° 102.
* 156 I. MOREAU-MARGREVE,
op. cit., XXXIVe Séminaire CDVA, Bruxelles,
Bruylant, 1983, p. 102.
* 157 Ibidem.
* 158 I. MOREAU-MARGREVE,
op. cit., R.C.J.B., 1980, p. 162.
* 159 A-M STRANART, op.
cit., pp. 81-86; F. T'KINT, op. cit., pp 180-182; J. HEENEN,
"nantissement du fonds de commerce et immeubles par destination", in
R.C.J.B., 1964, pp 21-30; RENE DE RYKE, "concours des
privilèges: vente d'objets mobiliers à destination commerciale et
le gage sur fonds de commerce" in R.C.J.B., 1969, pp 482-496; M.V.
QUICKENBORNE, "Du concours entre le créancier gagiste du fonds de
commerce et le gagiste ordinaire", in R.C.J.B., 1994, pp 37-72.
* 160 Répertoire
pratique de droit belge, op. cit., n° 163.
* 161
Ibidem.
* 162 F. T'KINT, op.
cit., n° 344, p. 179.
* 163 Répertoire
pratique de droit belge, op. cit., n° 163
* 164 I. MOREAU MARGREVE,
op. cit., p. 162 ; Répertoire pratique de droit
belge, op. cit., n° 168 ; A-M. STRANART, op.
cit , p. 44 ; Jacques HEENEN, note sous liège, 4 Juin 1963,
R.C.J.B., 1964, p. 21.
* 165 STRANART, op.
cit., p. 44.
* 166 L'arrêt peut se
résumer comme suit : Un commerçant exploite son fonds de
commerce dans un immeuble qui lui appartient ; il a donné le fonds
en gage à un créancier et hypothèque l'immeuble au profit
de l'autre. La question étant de déterminer les droits de
chacun.
* 167 Répertoire
pratique de droit belge, op. cit., n° 168, p. 810.
* 168 J. HEENEN, op.
cit., p. 24.
* 169 Cass. belge, 19 nov.,
1992, commenté par MARC VAN QUICKENBORNE, " Du concours entre le
créancier gagiste du fonds de commerce et le gagiste classique", in
R.C.J.B., 1994, pp 28-72.
* 170 C. GRESSE, Les
entreprises en difficultés, Paris, Economica, 1994, p. 12.
* 171 Ibidem
* 172 F. T'KINT, op.
cit., n° 90, p. 54.
* 173 M. MUDACUMURA,
Le sort des créanciers dans la faillite en droit rwandais,
mémoire de licence, Butare, UNR, 2000, p. 2.
* 174 Décret du 27
Juillet, 1934 portant faillites, B.O., 1934, p. 796.
* 175 Toutefois, la novelle
loi sur le Ministère Public limite l'intervention de celui-ci aux seules
matières pénales. Le Ministère Public ne serait plus admis
à introduire une action pour faire déclarer la faillite (Voir la
LO n°03/2004 du 24/03/2004 portant organisation, compétence et
fonctionnement du MP).
* 176 F. T'KINT, op.
cit, n 105, p. 63.
* 177 Ibidem
* 178 Le terme
« jugement déclaratif de la faillite »
utilisé dans la législation sur les faillites a été
vivement critiqué par T'KINT qui estime qu'il est incorrect. Pour lui,
il s'agit plutôt d'un jugement constitutif d'un état nouveau
(F.T'KINT, op., cit., n° 109, p. 67)
* 179 Voir les art. 7, 8 et
9 du décret sur les faillites.
* 180 RIPERT et ROBLOT,
Traité élémentaire de Droit commercial,
5e éd., LCDJ, 1964, p. 641.
* 181 Décret du 20
mars 1923 portant warrants, B.O., 1923, p. 289.
* 182 Loi
belge du 5 Mais 1872 portant révision des dispositions du code du
commerce relative au gage et à la commission ; voir aussi cass. belge 8
Avril 1976. op. cit., R.C.J.B., p. 121.
* 183I. MOREAU-MARGREVE,
op. cit., p. 160 ; voir aussi Y. MERCHIERS, op. cit., p.
285.
* 184 Idem, p.
161.
* 185 Cass., 8 Avril 1976,
op. cit., R.C.J.B., pp. 126-127.
* 186 Y. MERCHIERS,
« La réalisation du gage sur fonds de commerce du
failli » note sous Liège, 9 janvier 1987, in
R.C.J.B.,
1989, p. 278.
* 187 Cass. belge, 8 Avril
1976, op. cit., R.C.J.B., pp. 126-127.
* 188 Les actes de gage
que nous avons utilisés ont été conclus au moment
où la BACAR n'avait pas encore changé de dénomination.
Pour le moment la BACAR est devenue FINA BANK S.A avec effet au 1er
septembre 2005.
* 189 I. MOREAU-MARGREVE,
Op. cit., R.C.J.B., note 92, p. 155.
* 190 P. KANTENGWA,
L'acte sous seing privé en droit judiciaire rwandais,
mémoire de licence, UNR, Kigali, 1990, p. 6
* 191 G. BERLIOZ, Le
contrat d'adhésion, Paris, Dalloz, LGDJ, 1973, p.40.
* 192 Idem,
p.27.
* 193
Ibidem
* 194 A ce propos voyez
l'acte de gage émis par la BCR, et la BACAR en annexe.
* 195Idem,
p.37.
* 196 Rennes, 26 oct. 1950,
Gaz. Pal. 1957. 1. 27.
* 197 RIEG, Le
rôle de la volonté dans l'acte juridique en droit civil
allemand, 1961, Paris, p. 244, cité par G. BERLIOZ, op.
cit., pp.108-109
* 198 A-M. STRANART,
op.cit., n° 120, pp. 174-175
* 199 I. MOREAU- MARGREVE,
op. cit., CDVA, p. 197; A-M, STRANART, op. cit, p. 175
* 200 A-M. STRANART,
op. cit., p.175
* 201 Idem,
p.200.
* 202 voir l'art. 2 de
l'acte BACAR et l'art. 2 de l'acte BCR.
* 203 Cette stipulation se
trouve dans tous les actes analysés si bien qu'elle pourrait être
analysée en une clause de style
* 204 Voir l'art. 4 al. 1
de l'acte BCR
* 205 J. CARBONNIER,
Droit civil : les obligations, t. 4 , 22e
éd. refondue, Paris, Dalloz. 1975, n° 68, p. 143.
* 206 G.BERLIOZ, Op.
cit., p.109.
* 207 BERLIOZ, op.
cit , p. 38.
* 208 Voir les arts.11 des
actes BCDI et BCR
* 209 I. MOREAU MARGREVE,
op. cit, R.C.J.B., 1980, p. 152.
* 210 J. CARBONNIER,
op. cit., n° 115, 2000, p. 232.
* 211 Cass. belge, 14 avril
1972, JCP, 1972, II. 17269 cité par BERLIOZ, op. cit.,
p. 148, note 170 bis.
* 212 Art. 12 du
Décret hypothécaire belge, cité par F. T'KINT, Op.
cit, p. 114, n° 206.
* 213 F. T'KINT, Op.
cit., n° 207, p. 115; H. DE PAGE, Op. cit., t. VII, 2e
éd., n° 17, p. 21.
* 214 H. DE PAGE, et R.
DEKKERS, op. cit, t. VII, 2e éd., p. 21, citant
Gand, 3 avril 1935.
* 215 F. T'KINT, Op.
cit, n° 331, p. 174.
* 216 J. MARCHAL et F.
POULON, Monnaie et crédit dans l'économie
française, t. 2, Paris, Cujas, pp. 249-250.
* 217 I. MOREAU MARGREVE,
op.cit, R.C.J.B., 1980, p. 169.
* 218 Ibidem
* 219 I. MOREAU-MARGREVE,
op. cit., R.C.J.B., 1980, p. 169.
* 220 OHADA signifie
Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ; voir
aussi ANOUKAHA, F.et autres, OHADA, Les sûretés,
Bruxelles, Bruylant, 2002.
* 221
Http//www.jurisint. org. Pub/ohada/index/index. org. fr. html
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