b. Le Technoparc : révélateur de
problèmes de gouvernance.
1. Entre la commune du Bosc et la communauté de
communes du Lodévois.
Christian Cornée, directeur du développement
économique de la CCL et responsable du projet du Technoparc explique
à quel point il est difficile de concilier ces différentes
fonctions.
La difficulté première est de répondre
aux attentes du politique, responsable du projet devant la population. Le
président de la CCL, Robert Lecou, député-maire de la
commune de Lodève, a besoin de résultats concrets pour appuyer sa
campagne politique. Or, le dossier du Technoparc demande du temps, et est
également dépendant des accords et du consensus du conseil de la
CCL et de tous les acteurs impliqués dans le projet. Les populations
s'impatientent et ne voient pas avancer les choses, et les lodévois
attendent également des résultats concrets. Le politique cherche
à concilier ces deux terrains, au risque, peut-être, de
précipiter les choix et de s'orienter vers une stratégie de
développement économique à court terme.
Le politique est aussi directement confronté aux
difficultés liées à la multifonctionnalité de
ces espaces. Le maire de la commune du Bosc, est également le
vice président de la CCL. En temps que maire, il est soumis aux
pressions des associations écologistes situées sur sa commune,
qui surveillent et s'opposent aux projets du Technoparc. Les habitants de la
commune qui résident dans les lotissements proches du Technoparc
sont aussi opposés à certains projets. Cependant, sa place de
vice-président au sein de la CC lui impose ce projet, et il doit le
soutenir au nom du développement économique intercommunal. De
plus, le document d'urbanisme qui va planifier le Technoparc n'a pas encore
été choisi : un Schéma Directeur, une ZAC... Le
Technoparc doit s'inscrire dans le document d'urbanisme de la commune sur
laquelle il se situe. Or, le Plan Local d'Urbanisme de la commune du Bosc
est en cours d'élaboration depuis un certain temps et menace
la constructibilité des terrains du Technoparc car il a le pouvoir de
bloquer tout le projet. Le PLU ne peut intégrer le statut juridique
du parc que s'il en possède réellement un (ce qui n'est pas
encore le cas). Pour l'instant, toute la commune du Bosc obéit au RNU,
ainsi le parc ne
peut s'agrandir au-delà des zones déjà
urbanisées et de nombreux quartiers résidentiels se sont
construits à proximité du Technoparc. Ce sont surtout pour ces
derniers habitants que le développement de cette zone d'activité
pose problème. L'intérêt politique du maire du Bosc est
donc de ralentir l'élaboration du PLU, afin de ne pas mécontenter
les habitants avant les élections municipales. De son côté,
la CCL ne peut avoir de lisibilité quant au document d'urbanisme qui va
régir le statut du Technoparc. D'un point de vue juridique, la situation
est actuellement bloquée. La constructibilité des terrains est
donc limitée tout comme l'accueil de nouveaux entrepreneurs.
2. Entre la CCL et le Pays Coeur
d'Hérault.
Le statut particulier qu'entretient la CCL envers son pays
crée de nombreuses tensions. Il est nécessaire dans un premier
temps de tenter d'expliquer pourquoi la CCL ne participe pas à cette
association.
Pour R. Lecou, participer à l'association Pays Coeur
d'Hérault signifie financer cette structure, et donc cela impose des
taxes supplémentaires. Le maire de Lodève affirme qu'il ne veut
pas participer à cette association car il ne veut pas alourdir les taxes
des lodévois. Il considère que cette structure ajoute un
échelon supplémentaire qui nuit à la lisibilité du
territoire. R. Lecou a toujours refusé l'association du Pays Coeur
d'Hérault car il considère qu'elle est génératrice
de dépenses inutiles.
Les acteurs du Pays considèrent globalement que si la
CCL s'est retirée de l'association Pays c'est uniquement pour des
raisons politiques. Et pour tous les acteurs interrogés, l'avis est
unanime : au-delà des luttes politiques, ce sont les
personnalités des élus qui « coincent ». T. Rebuffat,
responsable technique au sein de l'association Pays affirme que les conflits
dépassent les couleurs politiques et se heurtent à des luttes de
personnalités entre élus. Ainsi, pour certains, il semblerait que
R. Lecou accepterait une telle association si elle correspondait au même
bord politique que le sien. Si en 2003 la CCL s'est retirée du Pays,
certains pensent que cela correspond à une stratégie
électorale de R. Lecou. En effet, en prévision des
élections législatives, l'actuel député-maire n'a
pas voulu apporter son soutien à une structure dont le président,
L.Villaret représente une menace potentielle.
Bien entendu, prendre du recul par rapport à toutes ses
informations est nécessaire. Le jeu politique complexifie
extrêmement la situation des structures d'action et brouille la
cohérence territoriale. Le développement économique et
l'aménagement du territoire est au coeur de la stratégie
politique et en subit les conséquences. La coopération de la CCL
avec le reste du Pays est extrêmement compromise par ces tensions. Il n'y
a pas de réelle volonté de coopérer, que ce soit d'un
côté ou de l'autre.
3. Entre la CCL et la région.
Actuellement, le projet du Technoparc est financé par
la CCL. Cette collectivité est responsable de la maîtrise d'oeuvre
et de la maîtrise d'ouvrage. Le maître d'ouvrage est
l'entité porteuse du projet, de ses objectifs, de son calendrier et du
budget consacré à ce projet. Cependant, le compte-rendu du 9
février 2006 de la réunion du Comité d'Initiative
Economique Locale rapporte que la CCL n'a pas les moyens d'aménager et
d'exploiter seule le site. Des contacts sont alors pris avec le Conseil
Régional et le Conseil Général de l'Hérault, et un
appel à des investisseurs privés est également
lancé.
Le président du Conseil Régional, Georges
Frêche, a proposé à plusieurs reprises un partenariat
à travers la création d'un syndicat mixte qui assurerait la
maîtrise d'ouvrage du Technoparc. (Compte-rendu du conseil communautaire
du 14 décembre 2006.) Au regard de la pré-étude
établie par le Conseil régional, la Région se propose
d'aménager une zone de 50 ha, autour des bâtiments existants. Le
mètre carré serait vendu 25 € aux entreprises. Le Technoparc
du Lodévois, sur la commune du Bosc, est l'un des dix sites choisis par
la Région susceptibles de bénéficier de financements
importants pour leur aménagement, leur réhabilitation ou leur
reconversion. Le président de la CCL, Robert Lecou, affirme « la
volonté de la CCL d'associer la Région à ses travaux mais
en conservant la maîtrise du projet » en demandant des
précisions sur la notion de « démarches d'urbanisme qui
seraient initiées par la Région ». Derrière ces
paroles, R. Lecou refuse que la Région s'approprie la maîtrise
d'ouvrage du Technoparc.
Le projet du Technoparc est sujet à un certain nombre
de rivalités. Le président de la Région est politiquement
opposé au président de la CCL, Robert Lecou, affilié au
Parti Radical de centre droit. Cette discordance politique est un des facteurs
à l'origine de la décision de R. Lecou. Outre ses luttes
politiques, le député-maire de Lodève et président
de la CCL, ne souhaite pas que les taxes professionnelles soient
confisquées par la Région. Si la
Région participe au projet du Technoparc, 60% de la
taxe professionnelle lui sera reversée à travers le syndicat
mixte. La Région cessera de toucher cette taxe une fois que ses
investissements seront amortis, et la globalité de la taxe reviendra
à la CCL.
La stratégie menée par la CCL consiste à
aménager quelques parcelles, puis de les vendre. Les
bénéfices obtenus permettent ainsi d'aménager d'autres
parcelles. Cette démarche est relativement fastidieuse et longue
à entreprendre, et cela d'autant plus que la personne responsable de ce
projet, C. Cornée, est seule à effectuer ce travail. La
Région propose un projet plus ambitieux, « l'aménagement
global et immédiat de 50 hectares (voiries, éclairage,
aménagement paysager...) et la création des parcelles. Les
entreprises pourront s'installer sur un site finalisé, à la
hauteur de leurs ambitions de développement, dans des conditions de
respect de l'environnement »12. Du point de vue de la
communication, le démarchage des entreprises est actuellement
effectué par le responsable du développement économique de
la CCL, C. Cornée. Si la Région participe au projet, le
Technoparc pourrait bénéficier d'une communication plus puissante
et sur une échelle plus large, notamment à travers les salons
régionaux.
T. Rebuffat, Directeur du pays coeur
d'Hérault, parle même de « haine politique »
entre ces deux élus. Aussi les acteurs de la CCL pensent que les
intentions de G. Frêche ne sont pas innocentes. Le Syndicat Mixte
proposé par la Région, d'après les acteurs de la CCL, ne
laissait aucune marche de manoeuvre à la CCL. Ainsi, la proposition de
la Région est très mal vécue par les élus de la
CCL, et elle est vue comme une volonté de la Région de
s'approprier le projet et sa réussite. R. Lecou ne veut absolument pas
céder la gestion du Technoparc et dénonce l'aspect « vicieux
» des aides financières proposées par la Région.
La stratégie adoptée par le président de
la CCL est-elle uniquement politique ou s'intéresse-t-elle, un tant soit
peu, à l'intérêt général ? Il semblerait que
si la Région s'empare du projet du Technoparc, et si la situation
politique perdure, le chantier ne devrait pas s'achever avant 10 ans. Or, la
stratégie actuelle envisage des aménagements au coup par coup qui
permettent tout de même une création d'emplois. De plus, les
acteurs de la CCL sont
12 Citation empruntée à un article de
Le Vrai journal du Lodévois, Spécial Technoparc,
publié le mercredi 11 avril 2007. il s'agit ici d'un journal
publié par une association qui affirme son soutien aux conseillers
municipaux de l'opposition à Lodève. Les sources sont donc
à examiner avec prudence et précaution ; d'ailleurs comme
l'ensemble des sources sur ce sujet éminemment politisé.
convaincus que si G. Frêche s'empare du projet, et que R.
Lecou est encore président de la CCL, le président de la
Région fera tout pour « saboter » l'image de son
adversaire.
C'est dans ce contexte que les élections municipales
auront lieu. Le Technoparc est affiché comme un enjeu clef pour les deux
têtes de liste : R. Lecou, candidat et maire sortant UMP et M-C.
Bousquet, candidate PS.
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