Section 3: Décision de former et
évaluation
Cette partie traitera le lien qui existe entre la
décision de former et l'évaluation, en d'autre terme ; la
contribution de l'évaluation dans l'accroissement de rendement et de
l'importance de la fonction formation.
Ainsi, on va s'intéresser à la
formation d'une part, comme étant un investissement où
l'évaluation nous permet de mesurer le retour sur cet investissement,
d'autre part, la formation comme moyen de développement des
compétences dont l'évaluation permet d'apprécier les
acquis ainsi que leur transfert. Par la suite, on va élucider deux
logiques de formation où l'évaluation dans l'une est
différente dans celle de l'autre.
Enfin, on va essayer d'identifier les différentes
étapes que constitue l'ingénierie de formation.
1. La formation : un investissement et un moyen
de développement des compétences :
a) investissement en formation
et évaluation:
La formation acquiert de plus en plus une dimension
stratégique. N'étant plus une obligation ni un instrument de paix
social, la décision de former vient préoccuper les
décideurs. Il s'avère, ainsi, nécessaire d'investir en
formation et d'accorder les moyens essentiels pour sa mise en oeuvre.
En effet, pour les entreprises, la formation
s'affirme comme un investissement dont on espère un rendement chiffrable
et interprétable et dont il faut éviter l'« effet
catalogue » ; une conception erronée de la formation.
Face à cette situation, aucune entreprise
ne peut se contenter de former pour former ; former
coûte cher et prend de temps. Plus encore, que pour un investissement
matériel, il importe de connaître ou de situer le retour
d'investissement de la formation pour être sûr de le rentabiliser
et de le rationaliser (Gerard.F-M, 2003).
En effet, l'évaluation sous entend la
légitimation de la formation dans la mesure où elle rend
légitime l'attente d'un retour sur investissement, permet
d'apprécier les résultats obtenus en évaluant les
retombées de la formation comme elle permet de porter les
éléments de réponse à la question de
l'efficacité de la formation.
b) La formation comme moyen de
développement des compétences et évaluation :
Le développement des compétences
apparaît une préoccupation majeure pour les entreprises qui
évoluent dans un marché concurrentiel en terme de
compétences.
A l'heure où elles deviennent un des
facteurs clés d'avantage concurrentiel, les compétences doivent
être renouvelées et développées constamment.
Ainsi au coeur de développement des
compétences, la formation s'avère un moyen parmi d'autre, qui
permet d'actualiser des connaissances et d'intégrer des nouvelles acquis
dans les pratiques professionnelles.
Vincens (2002) (cité par Oumaya
Khalbous Rim, 2003) préconise dans ce sens
que « se former désigne un processus d'acquisition de
connaissances, de savoir faire, de comportements, tout ce qui est susceptible
de donner des compétences, c'est-à-dire des capacités,
notamment celles qui sont nécessaires dans le travail
productif ».
La formation est, donc, une pratique de gestion qui permet de
faire face aux décalages et aux retards en matière de
compétences. A l'égard de développement des
compétences, l'évaluation de la formation est un outil
indispensable qui permet de garantir la rétention des connaissances et
leur transfert dans les milieux professionnels.
c) Les deux logiques de formation :
Selon Jouvenel et Masingue (1995), dans le
contexte du secteur public deux logiques de formation peuvent être
distinguées notamment en matière d'évaluation.
La formation, dans la première logique,
vise l'évolution de carrière de la personne en terme de statut et
de grade. En d'autre terme, elle sert à gérer les
carrières et les promotions sociales. Il s'agit d'une formation initiale
et de préparation aux examens et aux concours. Dans la deuxième
logique, la formation vise le perfectionnement et la professionnalisation des
personnes dans leurs postes, ou pour un changement de fonction ou de
responsabilité, sans qu'ils aient
« d'incidences automatiques» sur la carrière
administrative.
En ce qui concerne l'évaluation de la
formation, dans la première logique, cette dernière est
considérée comme un acte administratif (nouveau grade, nouveau
statut ou échec), la personne concernée est sanctionnée
(notée) individuellement c'est-à-dire elle est touchée
seule par l'évaluation. Alors que, dans la deuxième logique,
l'évaluation s'intéresse à l'action de formation ;
son but est de vérifier si grâce à elle, les participants
arrivent à acquérir de nouvelles compétences et s'ils
peuvent les mettre en application sur le milieu professionnel.
Les deux logiques de formation (Jouvenel et Masingue,
1995)
|
Formation initiale et préparation aux examens et
concours
|
Formation de perfectionnement
|
Finalité
|
Gestion des carrières administratives et promotions
sociales
|
Renforcement des performances professionnelles
|
Buts de la formation
|
Préparer à des épreuves organisées
par les administrations
|
Perfectionner ou faire acquérir des compétences
professionnelles
|
Objet de l'évaluation
|
Les participants
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Les actions de formation
|
Fonction de l'évaluation
|
Sélection, orientation, promotion des agents dans le
respect des règles et des procédures
|
Diagnostic des résultats des actions de formation
décidées dans le cadre d'une politique définie
|
Méthodes
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Contrôle des connaissances et de savoir faire
|
Contrôle et évaluation des compétences
acquises et de leur mis en oeuvre
|
Acteurs de l'évaluation
|
L'administration du personnel
|
Le management et les responsables de formation
|
2. L'ingénierie de la
formation :
Guy Le Boterf (1990) (cité par Baroudi.
M, 2005) définit l'ingénierie de la formation comme
étant : « l'ensemble coordonné des
activités permettant de maîtriser et de synthétiser les
informations nécessaires à la conception et à la
réalisation d'un système de formation en vue de :
§ Optimiser l'investissement qu'il contient
§ Assurer les conditions de sa
visibilité
Le processus de formation constitue l'ensemble
coordonné des travaux méthodiques de conception et de
réalisation des systèmes de formation.»
Dés lors, le processus de formation se
constitue d'un ensemble d'étapes cohérentes s'appliquant à
la conception d'un système de formation.
Le processus de formation comporte quatre
étapes. En premier lieu, identification et analyse des besoins de
formation. En second lieu, la conception du plan de formation, ensuite, la
coordination et la réalisation de ce plan. En dernier ressort,
l'évaluation des actions de formation.
Avant d'entamer l'explication de l'ingénierie
de la formation, il sera intéressant de l'introduire par une
définition de la politique de formation et une présentation des
principaux intervenants dans le processus de formation.
2.1 Définition d'une politique de
formation :
Selon Alain Meignant (2001), la politique de
formation « est un élément d'une politique
d'ensemble d'une entreprise, visant à assurer de manière durable
sa rentabilité, la satisfaction de ses clients, l'implication de son
personnel et une relation positive avec son environnement.
Elle exprime une volonté, exprimée par la
direction générale, et engageant toute l'entreprise, portant sur
les axes essentiels qui vont orienter les décisions et les actes de
gestion de la formation. »
Dans le même cours d'idée et selon
Soyer.J (2000) « une politique de formation est l'une des
politiques humaines de l'entreprise. Sa « durée de
vie » est de plusieurs années alors que les orientations
formation sont redéfinies chaque année. Nous considérerons
d'emblée que pour être efficace, la politique de formation doit
être écrite et diffusée.
Il s'agit d'un document qui peut comporter trois
parties :
1. celle qui donne « le sens »,
« la direction », le vers « quoi » il
faut aller. Il s'agit des buts que l'entreprise veut atteindre par le biais de
la formation.
2. celle qui définit « le
comment ». Ce sont les principes d'organisation à respecter.
On y trouve notamment le partage des responsabilités des
différents acteurs.
3. celle qui aborde les conditions de réussite et
exprime donc des principes d'efficacité.
Grâce à la lecture de la politique
de formation, chaque acteur sera en mesure de comprendre le rôle qu'il
aura à jouer et par conséquent les pouvoirs et les
responsabilités seront partagés en évitant le
problème de confusion de rôle.
A ce titre, la qualité et la pertinence
d'une action de formation, selon Jouvenel et Masingue (1995), dépendent
de l'association effective de quatre groupes d'acteurs. Il s'agit des
prescripteurs, des responsables de l'action et les gestionnaires, des
formateurs et des bénéficiaires des actions de formation.
2.2 Les principaux intervenants dans le processus de
formation :
a. Les prescripteurs :
Appelés aussi les commanditaires, ce sont les
« décideurs » de l'action, ceux qui fixent les
résultats globaux attendus des actions de formation.
Les commanditaires peuvent être :
- Les directions : Lorsqu'elles adoptent une
stratégie à travers la formation et se soucient du long terme. De
plus, lorsqu'elles ont confiance dans moyens importants engagés dans la
formation ou lorsque les enjeux de qualification concernent l'organisation
toute entière.
- La hiérarchie :
Lorsque l'action entreprise vise l'atteinte des objectifs
opérationnels de l'unité dont elle est responsable, ou bien
lorsque l'action engendre une qualification collective ou individuelle du
personnel appartenant à son unité de travail.
- Les agents :
Lorsque l'agent a l'ambition, et attend de la formation une
possibilité de grimper les échelons et les échelles de sa
vie professionnelle. Il sera, ainsi, intéressé à voir
évoluer sa situation professionnelle présente et à
venir.
b. Les responsables de l'action et les
gestionnaires :
Ayant pour responsabilité l'assurance de la
préparation, la réalisation et le suivi des actions de formation
dans les meilleures conditions, les responsables de l'action et les
gestionnaires peuvent être des cadres fonctionnels comme par
exemple les responsables de formation ou des cadres opérationnels
à qui l'on confie le pilotage d'une opération
particulière.
c. Les formateurs :
Ayant l'identité de formateurs internes ou
externes, des responsables hiérarchiques, des experts ou des consultants
internes ou externes, ces derniers ont pour principales tâches la
conception et l'animation des actions de formation. Néanmoins, leur
champ d'action peut s'élargir comme par exemple leur intervention en
amont de l'action pour comprendre les problèmes et fournir les
remèdes nécessaires.
d. Les bénéficiaires :
Quelles que soient la pertinence et la
qualité des dispositifs mis en place, aucune formation ne peut
être réalisée si les bénéficiaires n'ont pas
décidé d'apprendre.
Dans cette logique, les bénéficiaires sont des
co-constructeurs et des co-responsables de leur formation.
Les responsabilités respectives de ces quatre familles
d'acteurs peuvent se résumer ainsi :
La responsabilité des acteurs dans le cadre de
la formation
(Jouvenel et Masingue, 1995)
formulent des
exigences de qualification
Prescripteurs
bénéficiaires
négocient leur
contribution
formulent négocient
précisent formulent
des objectifs l'ensemble
leurs attentes des objectifs
d'évolution des moyens
pédagogiques
Responsables de négocient leur
cahier des charges
l'action ou
formateurs
gestionnaire formulent des objectifs
de formation
2.3 Processus de formation :
L'ingénierie de la formation peut être
schématisée comme suit :
L'identification et l'analyse des besoins de formation
La conception du plan de formation
La réalisation de plan de formation
L'évaluation de la formation
1 2
3 4
Ingénierie de la formation
A. Le recensement des besoins de
formation :
L'identification des besoins de formation est une
phase qui conditionne la réussite d'une action de formation. En effet,
cette première étape est déterminante et constitue la base
de la détermination des objectifs et du contenu d'une action de
formation.
La cueillette des données, l'observation, la
formulation des constats sont autant d'outils qui permettent de déceler
les besoins.
Après la mise en place d'une démarche
organisée de recueil et de traitement de données, ces
dernières seront rassemblées pour, ensuite, les analyser afin de
repérer et définir des besoins en actions de formation.
Selon Soyer.J (2000) « la phase
appelée classiquement « recueil des besoins » passe
nécessairement par la formulation des objectifs à
atteindre ». Il préconise l'idée
suivante : « pour effectuer un recensement
correct des objectifs, il ne s'agit pas de recueillir auprès du
personnel ses demandes à suivre tel ou tel stage ni ses
« souhaits » exprimés en termes de contenu mais il
s'agit de relever les objectifs des intéressés pour se poser
ensuite la question : « la formation peut-elle faciliter
l'atteinte de ces objectifs ? ». Si la réponse est
positive, alors nous aurons trouvé des besoins de formation
exprimés en termes d'objectifs à atteindre. »
Il ajoute qu' « après
avoir défini l'objectif il y a lieu de déterminer les moyens
nécessaires, de préciser ce qui sépare la situation
actuelle de la situation souhaitée, de mesurer les écarts pour
découvrir si un développement des savoirs, des savoir-faire ou du
savoir être va résoudre le problème.
C'est la seule façon efficace d'opérer un
recensement des besoins en formation en vue de la construction du plan de
formation. »
B. La conception du plan de formation et de
cahier de charges:
a. Élaboration du plan de
formation :
Après avoir identifier et clarifier les
besoins en les analysant, la conception du plan de formation se basera sur ces
besoins afin de fixer les objectifs des actions à engager.
Cette étape constitue un lien entre le
souhaitable et le réalisable concrétisé par la conception
d'un plan de formation.
Ainsi, une question se pose d'elle-même :
qu'est ce qu'on entend par un plan de formation ?
Selon Soyer.J (2000), « le plan de formation
correspond à un document contractuel qui lie différents acteurs.
Il doit être monté en convergence avec :
- les objectifs économiques, techniques et sociaux
de l'entreprise et en cohérence avec :
- le style de management - la culture de
l'entreprise,
- les politiques de personnel - les modes d'organisation
du travail... »
Il ajoute que « le plan de formation
est la traduction opérationnelle de la politique de formation de
l'entreprise, il n'est pas une fin en soi, sa vocation est de répondre
à des objectifs opérationnels de
l'entreprise. »
Ainsi, après le recensement des besoins, la
conception débute par la mise en ordre de toutes les informations
recueillies, leur classification en groupes de besoins homogènes pour
ensuite les traduire en actions de formation toute en s'assurant de leur
compatibilité avec les moyens de l'entreprise. C'est à cet
égard que la conception du plan de formation est le moyen qui permet le
passage des besoins au plan en créant la solution qui répond
à ces besoins sous forme d'action de formation.
Le plan de formation comporte, ainsi, la
préparation, la conception, la réalisation ainsi que
l'évaluation des actions de formation, en d'autre termes, il s'agit
d'identifier les objectifs à atteindre, les caractéristiques des
agents à former, les modalités de formation et
d'évaluation, les ressources internes, la durée de
réalisation ainsi que les estimations des coûts de formation et
d'évaluation.
b. Élaboration du cahier de
charges :
Le cahier de charges, doit être fait pour
chaque action de formation. Il comporte les objectifs de l'action de formation
ainsi que ses résultats attendus, les populations concernées par
l'action et leurs prérequis et les moyens nécessaires pou mener
à bien l'action de formation et l'évaluation (temps, budget,
investissement matériel, communication).
C. La réalisation du plan de
formation :
Une fois la conception du plan est achevée
et agrée, il devient un document de travail non seulement pour
l'équipe formation mais aussi pour tous les responsables d'actions.
Le plan sera diffusé aux directeurs, aux responsables
d'actions, aux personnels concernés de la DRH (Soyer, 2000).
Ainsi, afin de réussir la réalisation
du plan de formation, il sera utile d'assurer son agrément par la
direction générale puis par la commission consultative de
l'entreprise et enfin, par le Centre National de Formation et de Promotion
Professionnelle.
Une fois agrée, l'action de formation doit
être confirmée auprès du cabinet de formation,
auprès de la personne concernée, par l'envoi d'une convocation,
ainsi qu'auprès du supérieur hiérarchique de cette
dernière.
En dernier lieu, il faut assurer le suivi de l'action de
formation en insistant sur la conformité et la concordance avec ce qui a
été prévu dans le plan.
D. L'évaluation des effets de
formation :
L'évaluation joue un rôle primordial
dans le processus de formation puisqu'elle permet de tracer le bilan des plus
values apportées par la formation et de déceler les insuffisances
et les effets imprévus de la formation.
La formation n'améliorera pas beaucoup le
travail des employés si ceux-ci ne reçoivent jamais de
rétroaction sur la qualité de leur travail ou si l'on ne fait
appel à une vérification de leurs compétences qu'une fois
par an (Sekiou et Blondin, 1990)
Malgré que l'évaluation figure souvent
en dernier lieu dans l'ingénierie de formation, on va voir plus tard que
pour garantir l'efficacité d'une action de formation l'acte
évaluer ne se limite pas à l'après formation mais il
commence avant même la formation. Il doit constituer «
l'accompagnant incontournable » de la formation.
De ce fait, la démarche d'évaluation
des actions de formation ainsi que ses différents niveaux feront l'objet
du chapitre suivant.
Conclusion :
L'évaluation des actions de formation
s'intègre dans l'ensemble de l'ingénierie de formation et
constitue un élément central dans ce processus.
Dans une perspective où la formation est
considérée comme investissement, l'évaluation permet
d'observer des résultats, d'apprécier les retombées de cet
investissement et d'avoir une meilleure utilisation des moyens
engagés.
Dans le cadre où la formation est un moyen de
développement des compétences, l'évaluation permet de
renforcer les acquis et leur pronostic de transfert.
En outre, l'évaluation contribue à
l'amélioration de la conception, la mise en oeuvre ainsi que les
résultats du programme de formation.
Enfin, il est possible de dire que
l'évaluation légitime l'action de formation dans la mesure
où elle apprécie le retour sur investissement et que à son
tour la notion d'investissement en formation légitime
l'évaluation qui doit guider toute l'action de formation.
Les intérêts précités ne
signifient pas pour autant que l'évaluation des actions de formation
est facile à mettre en application et ne fait face à aucune
difficulté mais toujours est-il qu'évaluer est un moyen de
légitimation de l'action de formation et porte un élément
de réponse à la question de son efficacité.
Afin de mettre en exergue l'importance de
l'évaluation de la formation on va s'intéresser, dans les
développements qui vont suivre, à la démarche
d'évaluation de la formation; quoi évaluer, quand
évaluer et comment entrer dans l'évaluation ?
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