4.2.La triangulation : facteur d'adhésion
Pour un groupe devant prendre une décision dans le but
de mettre en acte une décision, le degré d'accord entre les
participants à la résolution d'un problème est
fondamental. Il est le gage d'une cohérence dans l'application des
solutions quand il s'agit d'une équipe de production qui intervient sur
un même système à des temps différents. Pour mesurer
le taux d'adhésion, on a demandé, à la fin du travail de
groupe, quelle est la solution retenue. Le taux d'adhésion relativement
aux stratégies identifiées était pour tous les groupes
avec méthode de 92%, alors que pour les groupes sans méthode, ce
taux était de 28%, ce qui confirme les deux hypothèses
opératoires que nous avons énoncé. Afin d'analyser les
causes de cette différence, on s'est proposé d'étudier les
résultats concernant les formes des décisions de
résolution, autrement dit les stratégies proposées.
Les groupes « sans méthode » demeurent en
général sans conclusion acceptée par tous. Ils ne
proposent donc pas de solution autrement que par un acte d'autorité d'un
groupe dominant ou à la suite d'un vote. Par contre, les groupes «
avec méthode » proposent en moyen 2.71 solutions possibles (voir
Tableau 1). Ce résultat montre en premier lieu que l'objectivation de la
démarche rend possible la prise de décision en groupe sans faire
intervenir un autre principe décisionnel (autorité statutaire ou
majorité), en second lieu que les groupes peuvent construire plusieurs
stratégies possibles, 2 et souvent 3.
En associant ce résultat à celui du taux
d'adhésion, on remarque que la multiplicité des solutions n'est
pas en opposition à l'adhésion du groupe à une seule
stratégie d'action. Pour expliquer ce constat, l'analyse des
stratégies proposées est nécessaire. On observe, dans le
cas des groupes instrumentés, que, grâce au principe
d'incertitude, chaque solution reconnue comme possible par les
différents membres du groupe peut être intégrée
à la globalité de la stratégie envisagée, comme
ligne de défense dans le cas où celle qui a été
privilégiée, se montrerait non ajustée à la
réactivité de la réalité. Ainsi aucun participant
ne se trouve exclu dans la solution, car toutes les solutions font partie du
dispositif de résolution.
Il est enfin à remarquer que les solutions
proposées dans la condition « sans méthode »
étaient toutes en cohérence avec le système de valeur de
référence des décideurs dans les conditions. Par contre,
les groupes « avec méthode » présentent deux tiers de
solutions qui ne sont pas dirigées par les principes du
référentiel dominant. Cela montrerait que, en objectivant les
processus de résolution et de décision, la schématisation
en triades dégagerait des a priori d'analyse et en ce sens permettrait
de libérer la créativité.
3.4. Conclusion : le vecteur de la créativité
Dans le cas des problèmes socio-économiques
complexes propres à cette étude, trois raisons sont couramment
invoquées pour rendre compte des échecs de performance : la
première incrimine les capacités carencées de
l'imagination créatrice des individus (Munier, 1998), la seconde
suspecte le manque de puissance des modes de résolution (Elster, 2000),
la troisième pose une limite intrinsèque à la
créativité du fait de la complexité (Morin, 1994). Notre
travail nous pousse à conclure que la seconde paraît la plus
ajustée. Il semblerait que la puissance de créativité
implique d'associer à un outil permettant une analyse globale, un
principe d'incertitude propre aux phénomènes de la
complexité, permettant la prévision de plusieurs
stratégies en fonction des réactions possibles de la
réalité aux actions de réduction des dysfonctionnements.
En somme, pour sortir de l'aléatoire et des jeux de
pouvoir dans la recherche de solutions aux problèmes, sans laisser la
créativité au principe de spontanéité subjective
aléatoire ou à l'expertise de leaders charismatiques ou
institutionnels, cette étude, met en exergue trois principes
d'objectivation aboutissant à une créativité accrue,
à savoir la construction des triades d'éléments simples
qui interviennent dans une situation, avec leurs six relations structurelles.
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Larousse T.2p.246-262.
Figure 1 : Schématisation d'une situation
managériale Tableaux 1 : Nombre moyen des observations sans et avec
application de la méthode de triade
Sans méthode
|
Avec méthode
|
t
|
p
|
Eléments simples identifiés
|
2.36
|
5.33
|
.86
|
ns
|
Triades identifiées
|
.33
|
7.57
|
4.11
|
.01
|
Caractéristiques des éléments simples
|
5.48
|
7.91
|
1.93
|
ns
|
Relations caractérisées
|
1.71
|
22.86
|
2.13
|
.02
|
Stratégies proposées par problème
|
.032
|
2.71
|
2.62
|
.02
|
|