La créativité dans la résolution de
problèmes en groupeValidation empirique de la schématisation en
triades
Robert Michit
Laboratoire européen de la décision
au CEFERH
Marina BastounisUniversité René Descartes Paris
5Institut de Psychologie
Auteur correspondant : Robert Michit Laboratoire européen
de la décision au CEFERH 7 place A. Malraux 38000 Grenoble Tel /Fax :
0476129617 e-Mail labo-décision@9business.fr
Abstract
Cette étude vise à tester un modèle de
résolution de problèmes en groupe de prise de décision
qui propose la schématisation des éléments
constitutifs du problème en triades et leur
définition en termes des relations structurelles entre les
trois éléments. Une observation de la
résolution de 360 problèmes par des groupes de 10
à 12 professionnels appartenant à la
même institution a été effectuée dans
le cadre d'une formation à la résolution de problèmes.
Pendant la séance de groupe, les participants s'efforcent
de résoudre un problème réel
d'abord sans, et après explication, avec utilisation de la
méthode. Les résultats comparent
l'efficacité de solutions abouties avec ou sans
application de la méthode de schématisation en
triades, et montrent une augmentation significative obtenue en
faveur de cette méthode.
sur l'application des décisions et l'efficacité des
solutions abouties.
.
The present study tests a model for problem-solving in
decision-makinggroups. This model prescribes the schematisation in triades of
theconstituent elements of a problem and the definition of the structural
andrelations between constituent elements. An observation was conducted in
theframework of professional training sessions in problem-solving techniques.A
total of three hundred and sixty problems were addressed, by groupscomposed of
10 to 12 professionals working for the same organisation.During group sessions
participants tried to resolve a problem first withoutand, after explanation,
with application of the triades method. The resultscompare the efficacy of the
solutions reachedwith and without the application of the method and show a
significantincrease in favour of the latter.
Key words : decision-making, group,
problem-solving,
Mots clés : résolution de
problèmes, groupe, prise de décision,
La présente étude vise à
l'approfondissement et la validation empirique des travaux consacrés aux
méthodes de résolution de problèmes
La procédure utilisée permet d'analyser la
résolution de problèmes réels dans des équipes de
collaborateurs appartenant à la même entreprise ou à la
même équipe de travail. Dans ces conditions, les participants
à cause de leur statut doivent trouver une solution nécessaire
à la pérennité de l'entreprise dans laquelle ils sont
décideurs. De ce fait, la méthode de recherche sur la
créativité comme de mise en oeuvre de la créativité
se différencie des méthodes de créativité qui
s'appliquent à des groupes de travail occasionnel (voir Paulus, Larey,
& Dzindolet, 2001). Les méthodes établies dans ces groupes
définissent des règles du jeu qui rendent possible d'agir sur la
dynamique de groupe. En tentant de modifier les formes de relations
interpersonnelles pour débrider les freins à la
créativité, ces règles peuvent amener des comportements
étrangers à la dynamique habituelle de groupes productifs
pérennes dans lesquels les participants auront une histoire commune de
collaboration après l'expérience de créativité ou
après le temps de formation. Ces positionnements inhabituels
provoqués par les consignes (e.g. poser des questions farfelues,
provoquer les autres, etc.) nécessitent une régulation vigilante
par l'animateur du groupe. Ils ne sont pas reproductibles dans le quotidien des
professionnels car, tendant à rompre les règles de
socialité, ils sont trop dangereux pour l'équilibre du climat
social de groupes stables. Ils sont de fait jamais observées sans les
freins de socialité dans les groupes réels de résolution
de problèmes qui par exemple énoncent une première
étape de remue-méninges. Il en résulte que les
résultats de ces expériences, au demeurant fort
intéressant, ne sont pas applicables dans le monde de l'entreprise sans
une régulation externe1. Performantes, elles sont cependant
handicapantes relativement aux règles de socialité de
l'entreprise.
1 Les enjeux de la protection des individus et de
l'entreprise positionnent structurellement les employés dans le cadre du
salariat et pas uniquement dans un univers de production créatrice.
Toute contribution méthodologique ne devrait donc pas apporter d'effets
pervers dans le système de relation. Il doit se positionner à
l'intérieur du cadre du droit du travail.
La réplique de ces méthodes apprises, dans le
cadre de l'entreprise conduisent à valoriser le débat comme forme
première de résolution de problème. La conséquence
de l'utilisation du débat dans la résolution de problème
conduit à observer dans tous les groupes soit une polarisation des
solutions sur la solution de l'individu ou du groupe en position sociale de
force par rapport aux autres partenaires, soit à choisir une solution
par le vote.
Dans tous les cas de figure, la mise en soumission d'une
partie des décideurs en présence est nécessaire. En
conséquence lors de l'application des décisions acceptées
même avec une conviction apparente et sincère, on observe
inévitablement des écarts notables dans les applications
concrètes sans pour autant observer une intention malveillante de ne pas
appliquer de la part de ceux qui se sont pliés à la
volonté générale. Le fait est qu'ils appliquent la
décision en fonction de leur conception a priori qui elle n'a pas
été modifiée dans le fond.
Pour diminuer les effets du débats, les
méthodes, en particulier dans les démarches qualité,
consistent à appliquer des calculs mathématiques sur la
récupération des données provenant soit des
échanges du débat, soit de l'énoncé des perceptions
de chacun des participants (Souder & Ziegler, 1988). Les méthodes
tentent alors de réduire la subjectivité des
représentations en croisant les perceptions des différents
acteurs (croisement de regard subjectif) en particulier en ce qui concerne le
jugement de causalité. Par exemple pour l'EFQM2 ce
travail se décompose en quatre étapes. La première
consiste à énumérer les facteurs incriminés selon
les avis de chacun (1° subjectivité). La deuxième consiste
à ce que
2 Dans l'approche EFQM, méthode mise en place
comme modèle de la démarche qualité par la Fondation
Européenne pour le Management de la Qualité, la procédure
suivante est indiquée pour l'évaluation des différents
critères à analyser : « Enumérer, commenter et noter
chaque sous-critère, faire la moyenne arithmétique des notes
attribuées, après avoir fait la moyenne se poser la question :
cette note moyenne paraît-elle juste ? Si ce n'est pas le cas, faire une
correction appropriée selon votre jugement en gardant
à l'esprit les notes attribuées aux autres critères
». On retrouve une démarche identique dans toutes les approches
suivantes, remue-méninges, vote simple ou pondéré, les
graphiques et diagrammes causes-effets à l'aide des questions QQOQCP,
les diagrammes F/t, de Pareto, de progrès, de cheminement,
multicritères de Gantt, les matrices de pondération, les
logigrammes et diagrammes de décisions, fléchés, CEDAC,
ACE etc.(Chauvel, 1996)
chacun donne une estimation de pondération de l'effet
des différents facteurs mis en cause (2°
subjectivité). Lors de la troisième
étape, il est réalisé la moyenne arithmétique dans
le but de
réaliser une objectivation des pondérations
subjectives des sujets. La quatrième étape consiste
en mettre le résultat du calcul à
l'appréciation des participants du groupe. Dans le cas où le
résultat de l'analyse ne paraît pas
juste, il est demandé au sujet d'apporter une correction
appropriée selon le propre jugement (3°
forme de subjectivité).
De façon générale, on observe ce type de
comportement : on demande à une opération mathématique de
réguler des informations subjectives. Ce type de comportement
constitutif des démarches classiques et spontanées (voir Chauvel,
1996) renforce la subjectivité de ces démarches en la
masquant part un saupoudrage mathématique cherchant à assurer de
l'objectivité. L'inconvénient réside dans les
premières appréciations. Si elles sont fausses, tout l'arsenal de
logique mathématique confine dans l'échec.
Une étude fine de ces méthodes montrent qu'elles
n'enlèvent pas un des freins le plus puissant à la
créativité, c'est à dire la soumission de la pensée
créatrice aux lois de la pensée sociale. La plus
caractéristique concerne la prédominance de la conclusion sur
l'analyse des causes du problème. Autrement dit, le comportement de
résolution est en fait une reproduction d'une certitude
d'hypothèse de cause ou de solution déterminée par une
expérience. Tout se passe comme s'il existe des genres de
problème se résolvant par des types de solution a priori
efficace. Par exemple pour faire changer de comportement il est
nécessaire d'emporter l'adhésion des individus en les
convainquant de l'utilité ou de la nécessité d'un
comportement différent.
C'est la forme de comportement est très
résistance à la prégnance de l'habitude, car elle touche
l'identité des sujets au niveau de leurs croyances issues de
l'expérience. De par leur structure, ces croyances sont stables car
elles constituent l'armature de toute identité individuelle ou groupale.
Elles résistent donc à la raison et même à l'apport
de pratiques nouvelles.
Deux exemples de comportements résistant à la
créativité permettront d'illustrer le propos.
1.exemple.
Anticipant une rentrée sociale très difficile
à cause des restructurations envisagées dans le groupe industriel
en question, la direction du groupe décide de constituer un groupe de
recherche pour trouver une stratégie commune de réaction dans un
climat de crise sociale forte. Le responsable du groupe produit tout un
ensemble de transparents (30) qu'il remet au groupe de formateurs
destinés à répandre les bonnes pratiques ainsi
identifiées.
Lors de la remise du cahier des charges aux futurs formateurs
spécialiste de ce genre de problèmes, ces derniers constatent que
les solutions envisagées pour produire un changement en matière
de résistance à une crise sociale, sont identiques à tout
ce que l'entreprise enseigne déjà et qui n'ont pas modifié
les comportements de management depuis des années sur ce sujet.
Ils s'en ouvrent au commanditaire. Ils lui démontrent
par des exemples la similitude des axes de formation proposés au regard
des programmes de management déjà réalisés.
Ensemble, ils concluent à l'inefficacité de ces
procédés. Ils proposent une autre programme au regard des
objectifs à atteindre qui lui a fait ses preuves. Le commanditaire en
convient, il est même très intéressé par la
proposition au cours de la journée. Cependant il conclut en fin de
journée : il n'y a pas d'autre solution que celle que je vous propose
dans la situation sociale qui est la nôtre, vous faites ce que je vous
demande ou je vais demander à d'autres consultants de réaliser le
programme.
2°exemple
Un groupe de travail constitué de managers recherche
une méthode pour modifier les comportements de leurs commerciaux. Ils
définissent de nouvelles normes de fonctionnement et proposent un mode
de management basé sur la signification et l'évaluation
continuelle des pratiques habituelles au regard des nouvelles règles. Le
groupe se retrouve et tous les mangers énoncent qu'ils ont redis
plusieurs fois par semaines les nouvelles consignes, remis de nombreuses fois
l'évaluation de l'écart entre le prescrit et le
réalisé sur le tapis et que rien n'a changé dans les
pratiques des commerciaux. S'en ouvrant à un consultant en groupe de
créativité, ce dernier met en évidence l'évidence
de ce résultat au regard de la technique de changement utilisé
basée sur la persuasion et la démarche de conviction. Ils en
conviennent. Ils travaillent alors à la découverte d'une autre
manière de procéder. Ils construisent une autre démarche
basée sur l'analyse des décisions commerciales des commerciaux
pour que ceux-ci puissent mettre en acte les nouvelles procédures de
vente. L'ensemble du groupe trouve la technique intéressante et marque
son adhésion rationnelle. La réunion se termine sur la conclusion
suivante émise par les membres du groupe : "en fait, les commerciaux
résistent au changement, il faut donc continuer à chercher
à les convaincre de façon à ce qu'ils mettent en pratique
les nouvelles procédures et quand ils seront convaincus on fera une
analyse de leur pratiques.
L'intervenant leur demande de nouveau :" qu'à produit
votre première démarche de conviction jusqu'à
présent?" et la réponse : "rien mais il n'y a pas d'autre moyen
pour convaincre. S'il ne le sont pas c'est qu'ils ne veulent pas adhérer
à ces règles. Ils résistent simplement à la
direction et s'ils ne font pas c'est parce qu'ils ne sont pas convaincus, il
faut donc les convaincre et lorsqu'ils le seront, alors on pourra mettre en
oeuvre l'analyse de leur nouvelles pratiques qui leur montrera qu'elles sont
efficaces.
Pour observer de réel changement dans l'analyse, la
résolution et l'application fidèle des décisions, la
méthode ici testée est conduite en milieu naturel sur des
problèmes réels et dans le cadre de réunions de travail
habituelles. Elle ne rompt pas les communications spontanées. Elle
évite ainsi d'avoir à retrouver un équilibre productif au
sortir des situations expérimentales de créativité.
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