Paix et Education chez Kant. Esquisse d'une pédagogie de la paix( Télécharger le fichier original )par Fatié OUATTARA Université de Ouagadougou - DEA 2007 |
Chapitre I :
DES SENS USUELS AUX DÉTERMINATIONS CONCEPTUELLESDE LA PAIX ET DE L'ÉDUCATION À LA PAIXIntroduction partielle : Vous avez dit la paix3(*) ?La paix n'est pas un mot, c'est un comportement. Feu Félix Houphouët Boigny. Le mot ?Paix? est longtemps passé dans la pensée courante moderne pour être le mot le plus mensonger et le plus galvaudé qui soit ; d'où les multiples sens usuels qu'on lui prête. En effet, la paix a longtemps été considérée comme une absence de guerres entre au moins deux États voisins ou pas (guerres internationales), et maintenant à l'intérieur d'un État (guerres civiles ou intestines). C'est ainsi qu'on en est arrivé à dire qu'un tel État est en paix avec lui-même et avec les autres pour la simple raison qu'il entretient de bonnes relations politiques, économiques, sociales et diplomatiques avec eux. Ce qui serait rendu possible grâce à une vie nationale pacifique, grâce à l'existence d'une paix civile caractéristique du fait que la coexistence des citoyens n'est pas troublée par des guerres civiles, ethniques ou religieuses ou idéologiques. Autrement dit, la paix désigne habituellement un état de calme, une absence de perturbation, d'agitation, de conflit ou de guerre entre les groupes humains et les Nations. De façon individuelle, la paix désigne le calme intérieur d'un individu, ou un état d'esprit personnel que rien d'extérieur (colère, crainte, sentiments négatifs,...) ne vient troubler, agiter ; on parle alors de ?paix intérieure? ou de ? paix de l'âme? qui renvoie à un certain état de spiritualité. En revanche, considérée sous le seul angle individuel, la paix serait un désir vague, égoïste voire une froide tranquillité personnelle. Tout cela se justifie à bien des égards, mais il faut souligner que cette définition sont très insuffisante compte tenu du fait qu'une paix durable ne serait pas possible parce que les esprits ne seraient pas toujours prêts à vivre ensemble dans la paix : la paix resterait toujours aussi possible entre eux que la pluie. Donc une simple coexistence pacifique ou une? paix froide 5(*)? ne saurait nous mettre durablement à l'abri des incertitudes, des menaces, des risques de guerres futures, Ce qui reviendra à dire avec l'auteur des Cosmopolitiques Jean Elleinstein que la paix froide à l'image de celle qui a existé entre l'Union Soviétique et les États Unis, est la marque du sceau de l'immobilité. Si elle est un passage indispensable à la paix durable, elle n'est pas et elle ne peut pas être à elle seule le moteur du progrès de l'humanité vers le mieux. Par conséquent, la paix qui retient notre attention ici, que nous voulons qui s'installe par le canal de l'éducation, celle que nous recherchons et que nous préférons à la paix froide, c'est la « paix chaude, chaleureuse, dynamique, joyeuse, conquérante pour de nouvelles avancées de la civilisation, une paix où la jeunesse ne s'ennuie pas mais s'épanouit à travers les contraintes et les difficultés inhérentes à la condition humaine 6(*) ». Il apparaît clairement que la paix chaude n'est pas une paix négative comme la froide, mais une paix positive comme moyen de réaliser tous les idéaux. Toute chose qui recommande de notre part de l'audace, de l'imagination, de la lutte, de la compétition ou du combat, « puisque le progrès de l'humanité dans tous les domaines (...) a exigé de l'homme un combat permanent contre les forces naturelles et contre ses propres instincts pour s'en assurer la maîtrise de plus en plus parfaite 7(*) ». La paix chaude en tant que le triomphe de la raison sur l'animalité de l'homme n'est pas pour ce faire un laxisme généralisé, une neutralité, une indifférence des uns au malheur des autres ; elle est le lieu de l'effort de tous pour le bien de tous et contre tous; elle est créatrice de valeurs humaines, de richesses et d'inventions, donc elle porte en elle la vie comme symbole. La paix chaude est en définitive le résultat de ce combat contre vents et marrées pour lequel il est nécessaire d'éveiller les consciences, d'éviter que les esprits sombrent dans un sommeil profond qui, s'éternisant, inhibe toute force tendant à la réalisation de la paix durable. La question fondamentale est alors de savoir si une transformation de la mentalité de l'homme ne suppose pas une transformation de la société dans laquelle il vit, ou de ses valeurs par l'éducation à la paix. La création de la mentalité de paix par des moyens pacifiques doit être la nouvelle tâche du philosophe de l'éducation qui, par une réflexion continue sur les moyens, les méthodes de sa matière, donne un sens à l'éducation à la paix, en découvrant ses vertus pour l'humanité. * 34 Dans un monde et à une époque où la méchanceté et l'intolérance grandissante, le matériel et l'argent corrompent le coeur de l'homme, il est indéniable que la paix ne soit pas à la taille et à l'image de cet homme. Elle ne vaudra que ce que vaut celui ou ceux qui en ont soif, qui la recherchent, la construisent ou qui font sa promotion à l'échelle de l'humanité. Elle l'est déjà du fait de la mauvaise foi de ceux-là mêmes qui crient à la paix et qui pourtant cultivent la violence, sabotent les accords de paix, par exemple. Chaque fois qu'il nous arrivera de perdre cette précieuse perle, c'est que notre humanité elle-même sera retombée à son niveau le plus bas, aussi bas que la poussière. * 5 Jean Elleinstein, La paix froide, Londreys-Société Nouvelle Firmin-Dedot, Mesnil-l'Estrée, 1988. * 6 Jean Laurain, De l'ennui à la joie, Paris, Cerf, 1993, p.140. * 7 Op. cit. p.141. |
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