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Ethnicité et Management des Staffs locaux dans les ONG internationales au Burundi

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par Christian Munezero
Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) - Master en Développement et Management des Projets 2007
  

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II-1-2- Le modèle de management cross-culturel ou interculturel

La nécessité d'intégrer la notion de culture dans le management s'est imposée avec la mondialisation économique qui a vu la multiplication des multinationales développant des filiales régionales, les fusions-acquisitions d'entreprises de pays différents et l'expatriation des cadres dans des régions aux cultures autres que les leurs. C'est ainsi que des chercheurs en management des organisations commencèrent à s'y intéresser.

La discipline du management interculturel s'est développée aux États-Unis à la fin des années 1970 sur la base du management international et du management comparé48. L'étude empirique menée par G. Hofstede49 sur la culture nationale et la culture d'entreprise a fortement contribué à sa diffusion dans le domaine des sciences de gestion. À la différence du management international (qui prend en compte toutes les activités fonctionnelles de l'entreprise) et du management comparé (qui compare les spécificités du management dans des systèmes différents), le management interculturel est centré sur le comportement organisationnel et les ressources humaines50.

Le management interculturel s'intéresse plus précisément à l'influence de la culture (nationale et organisationnelle) sur les perceptions, les interprétations et les actions des acteurs. La culture est considérée comme un système de significations et d'orientations, propres à un groupe, basées sur des valeurs spécifiques qui se traduisent en comportements. Ce système a été appris durant le processus de socialisation. Comme cette socialisation a lieu dans un contexte spécifique, la culture qui reflète les valeurs, les pensées et les comportements d'une société, joue un rôle primordial. En matière de management, ce système culturel procure aux individus des capacités cognitives et des méthodes spécifiques pour résoudre des problèmes.

48 HARRIS et MORAN, Managing cultural difference, Gulf Publishing, Houston, 1993

49 HOFSTEDE, Culture's Consequences: Comparing Values, Behaviors, Institutions and Organizations A cross Nations, Sage Publications, London, 2001

50 ADLER, International Dimensions of Organizational Behavior, PWS-Kent, Boston, 1991

Par conséquent, des collaborateurs issus de groupes culturels différents sont susceptibles de trouver des solutions différentes face à un même problème.

La recherche en management interculturel s'attache à étudier les interactions d'acteurs venant de systèmes différents. Elle s'intéresse aux « incidents critiques »51 qui sont dus aux différences culturelles. Les incidents critiques se produisent souvent dans des situations de communication et de coopération où les attentes et comportements des acteurs divergent et conduisent à des conflits interculturels.

Les problématiques du management cross-culturel s'appuient sur des constats simples : selon sa culture d'appartenance, on ne dit pas la même chose des mêmes choses. Les versions, les explications du réel, c'est-à-dire, des situations, des comportements, des histoires, varient selon que l'on écoute des ressortissants d'une culture ou de l'autre. Il paraît clair que seul un simulacre de vérité peut exister en la matière, celui que le plus écouté impose à tort ou à raison. En effet, en matière de cultures, les évidences se diluent et il ne reste que des attitudes, des représentations et parfois des sympathies.

Le manager de l'interculturel peut être exposé quotidiennement ou presque à l'expression de ce besoin. Dans une autre culture que la leur, les acteurs de la vie économique se trouvent démunis. Il y a bien sûr le facteur de la langue. Mais il y a également les valeurs et les non-valeurs sociales, les usages, la relation au temps, à l'espace, la communication non verbale, les modes d'intégration, affectifs, les logiques guidant les conflits et les alliances : tout semble suivre un autre cheminement, trouver d'autres expressions, recevoir une autre signification et un autre sens. Cela rend la vie difficile aux responsables d'agence ou de filiale expatriés. La négociation avec les partenaires sociaux suit d'autres routes que celles, plus facilement prévisibles, des négociations avec une centrale syndicale d'un pays occidental. Même la gestion des salaires et des promotions internes est rendue ardue pour l'expatrié.

51 BARMEYER, et MAYRHOFER, « Le management interculturel : facteur de réussite des fusions- acquisitions internationales ? », C.E. S. A. G. (Centre d'Etude des Sciences Appliquées à la Gestion), I. E. C. S. Strasbourg, Université Robert Schuman.

Le secteur de la coopération internationale et de l'humanitaire étant un espace de mobilité internationale par excellence, les cadres expatriés des organisations non gouvernementales internationales sont encore plus confrontés à ce décalage des perceptions culturelles que leurs collègues du secteur marchand, car moins préparés que ces derniers.

En effet, si nombre des responsables des multinationales ont déjà pris la mesure des problèmes qu'implique la cohabitation des équipes multiculturelles au sein d'une même organisation, les organisations non gouvernementales internationales sont encore loin de cerner les implications d'un tel scénario. Pourtant elles vivent des expériences et des incidents liés à la multiculturalité des équipes au quotidien.

De manière générale, les approches utilisées par le management cross-culturel sont basées, au plan pratique, sur « la connaissance la plus précise possible des cultures nationales concernées et, au plan conceptuel, sur des différences culturelles et leur mise en évidence par des méthodes intuitives ou quantifiées »52 . Ainsi, pour les ONG qui ont choisi l'option du management cross-culturel, la préparation à l'expatriation des cadres, la gestion des rapports humains en milieu pluriculturel, l'animation des équipes mixtes, et les programmes de formation qui peuvent y être associés sont autant de préoccupations pour atteindre au mieux les objectifs des différents projets initiés.

Dans le contexte burundais, l'application du management interculturel n'est pas aisée. La notion de culture en tant qu'ensemble des manières d'être, de penser et d'agir des peuples, transmises de génération en génération (ou alors, l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels caractérisant un peuple) perd de son sens originelle lorsqu'il s'agit de qualifier les systèmes de valeurs des deux ethnies (Hutu et Tutsi) qui cohabitent dans les organisations. En effet, comme nous l'avons évoqué plus haut, ces deux groupes ethniques ont en commun l'histoire, la langue, l'art, les coutumes, le territoire, la religion, le système social et politique, etc. En d'autres termes, nous sommes en présence de deux ethnies ayant la même culture. De ce fait, dans les modes de vie et de représentations sociales des uns et des autres, pris séparément, on ne descelle aucune différence majeure. Toutefois, lorsque l'on

52 BOSCHE, « Management interculturel », Cours en ligne

observe une équipe composée d'individus issus des deux ethnies, on remarque automatiquement qu'ils s'identifient les uns par rapport aux autres suivant le critère ethnique et adoptent des comportements en conséquence. Cela signifie par exemple que les individus ont tendance à faire plus confiance aux collègues appartenant au même groupe ethnique qu'eux dans les relations de travail.

Conscients de cette situation, les managers des ONG internationales qui emploient un personnel multi-ethnique et désireux d'appliquer le management interculturel à la gestion des équipes, considèrent les deux entités ethniques comme deux « cultures distinctes », le seul contenu du mot culture étant le critère ethnique. Le management interculturel devient en quelques sortes un « management interethnique ». L'application de ce modèle ne se fait pas sans résistances. Nous allons développer cet aspect dans les chapitres qui vont suivre.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams