3.9.1
L'intelligence artificielle pour la formation
Le but des systèmes tuteurs intelligents (ou ITS
Intelligent Tutoring System) est de permettre à un étudiant
d'apprendre seul. Un tel système vise à rendre un retour
immédiat sur les actions de l'étudiant. En général,
les ITS alternent entre les phases où, l'étudiant mène
l'exercice et le tuteur valide les actions, et les phases où le tuteur
réalise les tâches et les explique à l'étudiant.
Différentes stratégies de formation [Aïmeur
et al. 00] ont été développées pour
améliorer l'utilisation des ITS. Les principales sont les
stratégies coopératives (compétitif) ou au contraire
perturbatrices. Dans les stratégies coopératives, le professeur
est vu comme un partenaire qui va échanger, contrôler et
construire des connaissances avec l'apprenant. Il y a trois types d'agent. Le
professeur (joué par le système), le compagnon (également
simulé) et l'apprenant (l'utilisateur humain). Le compagnon et
l'apprenant coopèrent pour la réalisation de la tâche,
échangent des idées sur le problème et partagent les
mêmes buts. A l'inverse, dans les stratégies perturbatrices, le
but est de perturber l'apprenant en lui proposant des solutions qui peuvent
être erronées. Cela force l'apprenant à évaluer la
confiance qu'il a dans les solutions qu'il propose. Dans ce type
d'apprentissage, il y a également trois types d'agent. Un professeur
(simulé) qui gère l'évolution de la session et
évalue les résultats, un apprenant (humain) et un étudiant
perturbateur (simulé). Le perturbateur et l'apprenant humain doivent
réaliser la même tâche. Le perturbateur propose des
solutions parfois fausses et parfois vraies. Cela provoque un débat
entre l'apprenant et le perturbateur. Ils doivent alors argumenter leurs
solutions. Le professeur se construit un modèle de l'utilisateur pour
connaître les points non maîtrisés par l'apprenant. Un autre
type de stratégie inclut un compagnon compétitif et un
deuxième compagnon perturbateur; afin de bénéficier les
avantages des deux stratégies d'apprentissage [Zeghida 03].
L'explication et l'évaluation sont des concepts
importants dans un ITS. En effet, un ITS doit savoir ce que l'étudiant a
effectivement compris pour évaluer ses performances et expliquer. Pour
pouvoir expliquer, le système doit comprendre exactement la dynamique de
l'environnement et les interactions entre ses composants pour détecter
la source de l'erreur. Cette tà ache peut devenir tr`es difficile dans
le cas de systèmes complexes [Zouaq et al. 00]. Ces explications doivent
également être personnalisées. Pour cela l'ITS doit avoir
des connaissances sur l'apprenant. Ces connaissances sont appelées
modèle de l'étudiant.
3.9.2
Les systèmes multi-agents pour la formation
Un EIAO et particulièrement un STI est un environnement
composé de plusieurs éléments, chacun d'entre eux
regroupant différents concepts. Plusieurs auteurs ont donc
proposé une implémentation fondée sur la
méthodologie des systèmes multi-agents. Les raisons
avancées sont souvent leurs capacités
d'incrémentalité (ajout ou modification d'une
fonctionnalité sans modifier l'ensemble de l'application) et
d'interfaçage entre modules hétérogènes.
Dans beaucoup d'STI, les agents représentent les
différents modules (expert, tuteur, interface...) C'est le cas, par
exemple, dans [Fenton et al 98], qui décrit différents types
d'agent, chacun ayant un rôle particulier [Querrec 02] :
·
Source d'informations (cours, sons, images...),
·
Tuteur,
·
Expert,
·
Motivateur, dont le rôle est d'encourager l'apprenant,
attirer son attention sur des éléments de l'environnement,
·
Médiateur qui permet de faciliter les
interactions entre les différents intervenants.
Cependant, pour pouvoir illustrer le rôle des agents
nous avons passé en revue les différentes recherches effectuer
dans ce domaine durant les deux dernières décennie. On peut
regrouper ces nouveaux STI en deux domaines suivant les stratégies
d'apprentissage employés:
1.
Les systèmes d'apprentissage sociaux ;
2.
Les systèmes adaptatifs.
Bien entendu cette distinction est largement artificielle car
on peut retrouver des systèmes qui sont à la fois sociaux et
adaptatifs.
L'ensemble de ces travaux se base sur un modèle de
l'apprenant pour adapter l'intervention de leurs composants. Des travaux ont
donc également été menés pour construire le
modèle apprenant par un système multi-agents. En effet,
l'objectif de la construction d'un tel modèle est de reconnaître
le raisonnement de l'étudiant à partir de l'analyse de ses
interactions avec l'environnement.
3.9.2.1
Les environnements d'apprentissage sociaux et les SMA
Ces prétendus systèmes d'apprentissage avec
compagnon (LCS) sont une variation des systèmes tuteurs intelligents.
Ils essayent de modeler des groupes d'étudiant comme dans une salle de
classe visant à créer un contexte «social» plus riche.
Il se compose au moins de trois agents : le tuteur, l'étudiant et le
compagnon d'apprentissage (LC : Learning Compagnon).
Ainsi, dans un environnement d'apprentissage social,
l'apprenant et le compagnon peuvent collaborer ou concurrencer. Cependant, si
des systèmes coopératifs et de collaboration peuvent être
considérés en tant que systèmes d'apprentissage sociaux,
il y a une différence entre la coopération et la collaboration :
Systèmes collaboratifs : La
collaboration exige une action commune des agents et une compréhension
mutuelle de la tâche à exécuter, chacun ayant ses propres
objectifs.
Systèmes coopératifs : La
coopération, quant à elle, exige de partager les
responsabilités entre les agents pour exécuter une tâche et
la connaissance des objectifs mutuels.
Une autre utilisation des agents dans les systèmes
sociaux dans un réseau est de remplacer un des participants
éloignés lors d'un apprentissage, ou de jouer le rôle de
compagnon ou de tuteur privé pour aider chaque participant humain. Par
exemple, dans l'absence de l'apprenant, il peut déléguer un
compagnon pour participer à sa place à une certaine formation
avec d'autres étudiants, en utilisant le modèle apprenant.
Un autre apport des systèmes multi-agents est de
pouvoir gérer simultanément différentes stratégies
de formation. Ainsi les travaux de [Frasson et al 97] se fondent sur le constat
qu'une stratégie de formation peut ne pas être adaptée pour
un apprenant dans un domaine spécifique, un STI doit alors
intégrer plusieurs stratégies de formation. Dans l'architecture
proposée [Frasson et al 97] (Figure 2.2), un agent (Session manager)
choisit la stratégie adaptée puis active l'agent correspondant en
fonction du domaine et du modèle de l'étudiant. Cette
sélection est dynamique. La stratégie globale de formation
émerge donc résulte d'une collaboration entre les agents
pédagogiques.
C'est ce principe d'émergence de la fonction
pédagogique à partir des interactions entre les composants d'un
EIAO qui est implémentée dans le système Baghera [Pesty et
al 01].
3.9.2.2
Les environnements d'apprentissage adaptatifs et les
systèmes multi-agents
Un système adaptatif perçoit le comportement de
l'utilisateur à travers ses actions sur l'interface et adapte alors sa
propre organisation interne, et donc son propre comportement, à cette
perception. Par conséquent, le module d'interface avec l'usager n'est
plus un simple module de communication entre l'apprenant et le système,
mais il détient une partie de l'intelligence du système lui
permettant de s'adapter à différentes caractéristiques de
l'usager.
Pour y arriver, le système doit posséder une
structure qui permette un changement d'organisation. Lorsqu'il s'agit de
concevoir un tel système, la technologie « agent » se
révèle bien adaptée. Le système essaie de
prévoir les actions futures de l'utilisateur pour lui proposer
l'interface adéquate. Pour cela, le système multi-agents se
construit un modèle de l'utilisateur à partir de l'observation de
ses actions [Querrec 02].
Dans le travail de L. Richard, le système CMOS [Richard
99], le principe est sensiblement le même. L'architecture du
système multi-agents est donnée en figure 2. Dans cette
architecture trois types d'agent coexistent, des agents humains (apprenant et
instructeur), des agents cognitifs (qui sont permanents et dont il n'existe
qu'un seul individu par classe) et des agents réactifs
(créés par les agents cognitifs et dont il existe 0 ou n
individus par classe). Les agents cognitifs sont appelés ainsi car,
d'une part ils ont la capacité d'apprendre, c'est-à-dire que leur
base de connaissances évolue, et d'autre part leurs connaissances
portent sur des capacités cognitives et pédagogiques du
système et de l'apprenant (interactions, erreurs ...) [Querrec 02].
Ainsi, un agent Détecteur d'écart surveille les
interactions entre l'apprenant et son environnement. S'il détecte un
écart avec la base de savoir-faire (méthodes
préenregistrées par l'instructeur), il crée un agent
réactif « Evaluateur d'écart » qui, en relation avec
l'agent cognitif Dépositaire de l'expérience instructeur (qui
contient les instructions pédagogiques de l'instructeur), évalue
la gravité de cet écart. Cette évaluation est transmise
sous forme de note à l'agent cognitif Curriculum qui gère la
progression de l'étudiant et l'organisation des sessions
d'apprentissage. En fonction de cette évaluation, l'agent Evaluateur
d'écart prend contact avec l'agent cognitif Gestionnaire des ressources
didactiques qui présente à l'apprenant la ressource
adaptée à son erreur.
Dans ce type d'utilisation, le professeur n'intervient
qu'avant la formation pour définir les exercices et les
préférences pédagogiques, et après la formation
pour analyser le curriculum. C'est le principe même des STI qui partent
de l'hypothèse de la distribution géographique des intervenants.
Des travaux ont alors été menés pour distribuer ces
applications sur le réseau Internet et pour permettre au professeur
d'avoir des informations sur les activités des apprenants et agir pour
les aider lorsque les tuteurs n'y arrivent pas. La difficulté
réside alors dans la conception d'un agent qui va permettre au
professeur de bien percevoir la situation chez l'apprenant [Querrec 02].
|