TABLE DES MATIÉRES DES ANNEXES
·
Annexe1...................................................................56
Frédéric Fisbach et Robert Cantarella :
Directeurs du 104
Lucie Nicolas : responsable des passeurs pour La
Traversée
27 décembre 2007, Visite du lieu
· Annexe
2..................................................................59
Discussion avec Monsieur Demange,
Président du conseil de quartier du 19e
29 décembre 2007, café Mathis, Paris
· Annexe
3..................................................................61
Rencontre Victor Dixmier,
Mairie de Paris,
30 Décembre 2007, 104, La
Traversée
· Annexe
4..................................................................62
Entretien avec Frédéric Fisbach,
Codirecteur du 104,
7 avril 2008, 11 rue Curial
· Annexe
5..................................................................68
Entretien
Stéphanie Lefebvre :
Présidente de l'association La Générale en
Manufacture, Artiste Photographe
Caroline Pradal : Présidente de
l'association La générale et présidente adjointe
Association La générale en manufacture, Artiste
Sculpteur
Pierre Lempens :
« Coordinateur », artiste vidéo
Le 10 Mai 2008, Ateliers de la manufacture de Sèvres
Annexe 1
Visite du lieu
Frédéric Fisbach et Robert
Cantarella : Directeurs du lieu
Lucie Nicolas : responsable des passeurs
pour La Traversée
27 décembre 2007
R.C : Donc on va faire la visite du chantier ensemble,
c'est cette visite que vous ferez avec les visiteurs samedi et dimanche pour
La Traversée. C'est aussi un acte de confiance pour nous que de
vous déléguer ce rôle de passeur parleur de notre projet
(...)
L.N : Alors vous êtes passé et c'est
à vous de faire passer les autres et de faire partager à tous
l'ambition et la passion du projet (...)
F.F : Là on est pile à l'endroit où
les gens rentreront. Donc il y aura un décompte puisque vous savez qu'il
n'y aura pas plus de deux mille quatre cents personnes qui peuvent être
simultanément sur le chantier. Un comptage sera fait forcément,
donc les gens attendront à l'extérieur.
R.C : Autre chose importante à identifier,
c'est que le passage, quand on dit c'est un passage en fait c'est ça.
Ici c'est l'entrée ou la sortie et ça va jusque de l'autre
côté. C'est la rue qui fait 250m de long et 70m de large. C'est
ça la rue ouverte à tous en question où l'on pourra voir
l'art en train de se faire. C'est un chemin de création.
F.F : Quand on arrive du côté de la
rue d'Aubervilliers, en fait on est de plain-pied avec la rue, de ce
côté ci, on est obligé de monter des marches. Simplement
parce que en fait, à l'origine tout le site était en pente
puisque il y avait trois cents chevaux, donc il fallait évacuer le purin
et que le purin était évacué à grands jets d'eau
vers la rue d'Aubervilliers. C'est pour ça que le site était en
pente.
R.C : Ici c'est la cour Curial. Là c'est la
halle Curial et après il y a la cour de l'horloge et la cour
d'Aubervilliers. Donc c'est là qu'il y aura la pépinière
d'entreprise
E.G : Qu'est ce que vous entendez par
pépinière d'entreprise ?
R.C : Ca veut dire qu'on accueille des jeunes
entreprises qui commencent. Tu as une idée, tu es une jeune entreprise,
tu ne sais pas où te mettre, et bien là, pendant trois ans tu as
des bureaux, des accompagnements juridiques, des salles mutualisées,
jusqu'à ce que ton produit soit tellement bien que l'entreprise puisse
voler de ses propres ailes.
F.F : Là, on est dans la halle Curial au niveau
des commerces. C'est-à-dire que de part et d'autre il y aura
derrière ces...parpaings, des espaces qui sont des commerces en fait.
Là, en face, il y aurait une librairie, ici il y aurait une maison des
enfants, c'est un endroit pour les enfants accompagnés, de 6 mois
à 6 ans.
R.C : Une maison verte
F.F : et en face un restaurant, et là...
R.C : Là ; en fait on ne sait pas,
peut-être une supérette, il y aura un commerce qu'on n'a pas
encore déterminé, il y a plein d'études qui ont
été faites. En tout cas, ce sont vraiment les deux halles
commerciales qui sont de part et d'autre. Là, au centre, c'est ce qu'on
appelle le Jardin. On a demandé à des paysagistes une fois par an
de faire un projet de jardin, vous voyez avec la verrière ça fait
une lumière parfaite, et ça sera un jardin public et couvert.
Donc chaque année il y aura...Les premiers paysagistes, ce sera un
potager par exemple, mais ça sera toujours un jardin public.
F.F : En dessous ce sont les anciennes
écuries. Je vous parlais de chevaux tout à l'heure, ils
étaient en dessous. Ce sera des endroits à commercialiser pour
des petits salons de professionnels, des réunions d'entreprises par
exemple. En fait c'est des espaces commerciaux, 2400 mètres
carrés, d'espaces qui donnent sur deux cours anglaises. Toute cette
halle sera éclairée par la lumière du jour, c'est à
plein ciel. Au-dessus, ce seront des ateliers d'artistes plus petits, de 100 m
carré.
R.C : Et le jour de La Traversée,
en fait, la question est : où est ce qu'on est ? Comment on
commence ? Et bien, vous vous serez là, des deux côtés
de la rue. Les gens passeront comme vous, en traversée humaine. Vous
vous mettez où vous voulez, l'important, c'est de passer à
côté de quelqu'un, et si vous êtes à
côté quelqu'un, de lui expliquer ce que c'est que là, comme
on est en train de se le dire. Souvent vous verrez que certaines personnes ont
peur de la venue de beaucoup d'étranger au quartier avec l'arrivé
du 104. La peur de l'autre, de ce qui est différent. Nous au
contraire, il faut leur expliquer que nous cherchons un art qui va à la
rencontre de l'autre, et non qui s'en éloigne.
R.C : Cette halle sera entièrement
fermée par des grandes portes en verre en hiver, et donc il sera
possible d'avoir une température plus clémente. Pour accueillir
par exemple un travail avec du cirque, du théâtre de rue...
F.F : Depuis cette cour, la cour de l'horloge, on voit
les habitants du quartier, et inversement les habitants du quartier nous
voient. C'est-à-dire que là on voit bien que le bâtiment
est complètement pris dans des habitations. C'est ce qui fait qu'on ne
pourra pas faire des concerts de 2400 personnes, parce qu'il y a des gens qui
habitent dans la villa Curial, et ça fera beaucoup de bruit. C'est pour
cela qu'il y aura deux salles de spectacle isolées acoustiquement et un
grand atelier isolé aussi. Et ces salles seront disponibles par tous
hein, puisque c'est un lieu qui évite les attributions. Si un artiste
vidéo veut un plateau de danse, il y en a un sur place, qu'il
l'investisse. C'est la façon d'utiliser l'instrument de travail qui fait
la spécificité de l'art et non l'inverse.
R.C : Dans la cour Aubervilliers, le plus important
est que c'est la cour des ateliers d'artistes justement. Lieu de
résidence pour les artistes, tous les arts, toutes les pratiques
artistiques, on peut rester d'un mois à douze mois, on a un des
ateliers. Et sur la gauche là-bas, il y aura un café presse
(...)
Annexe 2
Discussion
Monsieur Demange : Président du conseil de
quartier du 19e
29 décembre 2007, café Mathis, Paris
E.G : Ca fait longtemps que vous habitez dans le
19e ?
M.D : Ha oui ça fait trente ans.
E.G : Donc vous avez connu aussi quand
c'était les pompes funèbres...
M.D : ha oui, mais attendez, les pompes funèbres
je crois que ça s'est arrêté en 75
E.G : Comment vous avez vu l'évolution du
projet ?
M. D : Ce qu'il faut savoir c'est que jusqu'en
2002...heu.....la Mairie de Paris, c'était Tiberi le Maire. Et Roger
Madec, de gauche était maire du 19ème mais n'avait
aucun pouvoir décisionnaire. C'était Tiberi qui décidait.
Alors ce que Roger Madec fait, il a bloqué le fait qu'on en fasse des
logements en faisant classer le lieu « monument
historique », donc ça a arrêté la
procédure de démolition. Delanoë a été
élu en 2002, donc il y a eu une bonne entente si je puis dire. Parce que
je me souviens avant 2002 il y avait des désagréments entre la
mairie du 19e et La Ville. Parce qu'on avait un Conseil de Quartier
qui n'était pas « légal », puisque à
l'époque c'était pas obligatoire de le faire. Je me souviens
quand on sollicitait les services de la Mairie, il y en avait qui ne voulaient
pas nous entendre, parce qu'ils nous disaient : vous êtes le conseil
de quartier...on ne vous connaît pas, on veut pas avoir etc. Mais alors
après 2002, il y a eu une réflexion qui s'est faite, on nous a
donc chargé de voir un peu ce qu'on pouvait faire et puis ça a
pris corps puis Delanoë a tranché en disant « faudrait
que ça soit un lieu culturel ». C'est quand même lui qui
a tranché parce que là aussi, il y a eu des discussions de savoir
ce qu'on en faisait de ça...Disons que pendant deux trois ans ça
a été un lieu où on ne savait pas trop quoi en faire.
Alors entre le moment où la ville a dit, on abandonne, parce que
c'était là où il y avait les services sociaux de la
ville...A un moment donné les pompiers devaient venir là...
E.G : Est ce que le lieu a été
squatté à un moment ?
M.D : Non, jamais. Non, parce que c'était les
services sociaux de la ville qui habitaient là. Alors il y a eu à
un moment c'est vrai, c'était pas des squatteurs, on a mis des
gens...des sortes de drogués, des SDF qui, disons, devaient être
réinsérés etcetera. Mais c'étaient pas des
squatteurs, non ça a jamais été squatté. Parce que
c'était fermé, on ne pouvait pas rentrer dans le lieu.
C'était fermé, abandonné, barricadé. On pouvait
rentrer par une petite porte qui n'existe plus maintenant, il y avait une
petite porte à droite où il y avait les services de la ville.
Mais on ne pouvait pas aller à l'intérieur.
Annexe 3
Brève rencontre
Victor Dixmier : Mairie de Paris
Samedi 30 Décembre 2007, 104, lors de
l'événement La Traversée
E.G : Vous travaillez pour la Ville, ça
représente quoi le 104 pour la Mairie ?
V.D : Symboliquement il faut montrer que voilà
c'est vraiment le chantier culturel phare de la Ville...Ils ont mis ça
pour l'affiche des voeux. C'est un des projets phares...C'est très beau
en tout cas. Le montrer en chantier, c'est vraiment bien, ça donne envie
de venir voir ce qu'il y aura dans ce lieu, une foi les travaux
finis...Ça a un petit côté Nuit Blanche...Par contre leur
site Internet je n'ai pas tout compris, je n'arrive pas à cliquer au bon
endroit...Je suis resté un peu sur ma faim quoi...Mais il faudra voir en
quoi les travaux artistiques sont vraiment des entrées dans le quartier.
Qu'ils ne soient pas là simplement pour faire joli quoi...
E.G : Moi j'ai vu pas mal de gens du
quartier
V.D : Oui, ils ont l'air assez curieux
Annexe 4
Entretien
Frédéric Fisbach :
Codirecteur du 104,
7 avril 2008, 11 rue Curial.
E.G : Comment définiriez-vous le
« 104 » ?
F.F : Le « 104 » c'est avant
tout un lieu de l'art qui s'éprouve au quotidien, qui se transmet au
quotidien. C'est un lieu de transmission qui travaille la relation à
l'oeuvre. Il n'y a pas de lieu de création, d'art en train de se faire
à Paris. L'oeuvre est toujours achevée quand elle est visible par
le public. Or, nous nous pensons que pour comprendre l'art, et les artistes, il
faut les voir faire, et les entendre expliquer leur travail. Parce que l'art
vient d'où ? Il ne vient pas du divin, il vient des artistes, et il
faut les écouter ces artistes. Il n'y a rien de plus intéressant
que d'écouter quelqu'un expliquer son travail. On en retient toujours
quelque chose et il nous reste toujours quelque chose. Qui peut le mieux parler
de l'art sinon les artistes ? Alors bien sûr ça ne veut pas
dire qu'il faut un mode d'emploi aux oeuvres, ça n'a rien à voir.
Parce qu'il n'y a pas un seul chemin pour comprendre l'oeuvre, il y en a une
infinité, non, nous ce qu'on cherche, c'est créer des relations
entre l'art et le quotidien. Voilà, le 104 c'est un lieu de
l'art qui s'éprouve au quotidien.
E.G : L'art au quotidien des artistes mais l'art
aussi dans son quotidien ?
F.F : Oui mais sans que le mot quotidien ait une
connotation péjorative. Il ne doit pas y avoir non plus de
côté banal dans le lieu. Presque, on pourrait parler de
fréquentation, comme on fréquente un parc ou un lieu où on
aime aller, on fréquenterait le 104. Vous savez, on est parti
d'un constat très simple : à Paris, il n'y a pas de lieu de
l'art en train de se faire. Pour voir l'art en train de se faire, il y a un
besoin de temps et d'espace. Il y a beaucoup de lieux de représentation,
mais peu de lieux de travail. Donc, avec Robert Cantarella nous nous sommes
fait la réflexion qu'il fallait partir ou bien inventer un nouveau lieu
de transmission. La transmission tient à ce qu'on retiendra quelque
chose de l'art. Il nous reste quelque chose, vice-versa, l'artiste aussi garde
quelque chose et enrichit son art en échangeant avec autrui. Nous
voulons créer l'échange, nous voulons voir l'art en amont du
travail, en fin de compte, et non en aval, du côté de la
production. Parce qu'il y a un ressenti différent, parce que nous
pensons vraiment que l'oeuvre d'art peut changer quelque chose. Voilà,
alors j'ai fait long mais le 104 c'est tout ça. Puis, c'est un
lieu urbain, ça c'est important aussi. C'est un lieu qui s'inscrit dans
une ville. Contrairement à la Villette qui voit la ville de loin, le
104 s'inscrit dans son quartier. Nous cherchons à ce qu'il
devienne un lieu de fréquentation des gens du 19e, un lieu qu'ils
pourraient inscrire dans leur quotidien. Je pense que ça raconte une
chose toute bête. Parce que l'art fait quoi finalement ? Il
réarticule des représentations du monde. Pourquoi y aurait-il un
art populaire et un art élitiste, pourquoi l'art ne pourrait pas
être accessible par tous, compris par tous ? Pourquoi il faudrait
encore et toujours créer des lieux d'art avec un grand A ? Nous, on
veut un art qui soit dans la ville et, plus, un art qui s'intègre dans
le quartier. Je trouve qu'il y a un grand courage politique et une grande
compréhension aussi d'avoir voulu installer un lieu d'art ici, dans ce
contexte culturel. Mais c'est palpitant comme projet de faire ça dans ce
quartier que l'art a oublié. Justement pour dépasser ces apories
il y a une réelle volonté sociale de faire un lieu d'art dans le
quartier de ceux qui ne rentrent pas dans les cases. Parce que vous savez tout
le monde rentre dans des cases pour la culture, mais ici non, ici, je pense,
c'est le quartier des oubliés. C'est vrai, le 19e ce n'est pas un
quartier Haussmannien. Nous, on a décidé d'installer nos bureaux
ici pour vivre ce quartier au quotidien, essayer de comprendre ce quartier,
essayer de..., c'est toujours sur le principe de l'échange. Ici, on est
ailleurs, mais on veut comprendre ce quartier, que les gens puissent passer,
toquer à la portes du 11 bis et venir discuter avec nous, on cherche le
rapprochement. Par ce que ça marche dans l'autre sens aussi. Ici on
ressent la peur des gens de l'autre, de ce qui est différent, de ce qui
va changer leurs habitudes. Nous recherchons un acte qui va a la rencontre de
l'autre et non qui s'en éloigne. C'est le principe même d'un acte
de confiance aussi, je crois que c'est important de faire confiance, c'est des
choses qui devraient aller de soi. C'est comme pour La
Traversée. On vous a délégué notre savoir, on
vous a transmis ce que nous savions sur le lieu pour qu'à votre tour
vous le transmettiez et le partagiez avec le public. C'est un acte de
confiance, les médiateurs deviennent alors les acteurs du lieu à
notre place.
E.G : Est-ce que vous apparentez le 104
à une Friche institutionnelle ?
F.F : Friche ou squat. On devrait pouvoir parler de
ça, oui c'est vrai. Mais ce n'est pas ça. Le 104, c'est
l'époque d'après ça. En tout cas, c'est vrai qu'on s'est
beaucoup inspiré de ce mouvement qui laisse un champ artistique assez
libre, ouvert. C'est un mouvement qui sort du mono disciplinaire pour aller
vers le pluri et vers le collectif. Et puis il y a un paradoxe dans le terme
des friches indus...Tenez, j'ai failli dire friches industrielles. Oui, friche
institutionnelle c'est tout le paradoxe entre la friche et l'institution. Le
squat s'établit toujours dans une durée limitée avec le
facteur risque, mais c'est intéressant aussi de travailler dans la
durée limitée, avec toujours cette histoire qu'on est jamais
sûr du devenir du squat.
Parce qu'il faut faire attention à la
tranquillité et au formatage, c'est très dangereux pour l'art le
formatage. Vous savez, les petites cases dans lesquelles on nous met encore.
C'est pour ça que c'est bien de partir du modèle du squat qui
justement évite le formatage
E.G : Vous saviez qu'il y avait la
Générale avant dans le 19ème justement. Et
qu'ils ont récemment été expulsés pour êtres
relogés à Sèvres...
F.F : bien sûr, bien sûr, oui. C'est pour
ça que je dis qu'il faut faire attention. La Générale
c'était un squat très artistique, vivant, ancré dans son
quartier. Certains des artistes sont partis à Sèvres, d'autre se
sont dispersés. C'est le monde artistique, les squats artistiques
s'inscrivent dans une prise de risque, il n'est pas forcément fait pour
durer. Il s'inscrit dans un temps donné. C'est très sain
d'ailleurs de se dire qu'on travaille dans un temps limité. Là,
nous on réfléchit beaucoup à ça nous, on se
dit : qu'est ce qui se passera quand on devra partir ?
E.G : Vous avez signé pour une
durée limitée avec la ville, (comme les directeurs de CDN qui
doivent se renouveler régulièrement) ?
F.F : Pour l'instant nous avons signé un contrat
de trois ans, après ouverture du lieu, bien sûr. Mais le contrat
est renouvelable. Je pense que l'idéal est de rester cinq ans
après l'ouverture. Pour pouvoir vraiment lancer le lieu pendant trois
ans et puis après pouvoir profiter un peu du lieu, vivre le lieu.
Ça ne veut pas dire qu'on n'en profite pas en ce moment mais c'est
simplement qu'on n'a pas beaucoup de temps, que tout passe vite. Mais peut
être que, voilà, au bout de trois ans, on jugera qu'on aura fait
le tour et on partira, vous savez, la pérennité des choses...
Mais c'est bien que ça change aussi, qu'il y ait d'autres personnes qui
viennent avec d'autres programmes artistiques. Là où il faut
faire attention, c'est au contexte culturel actuel. Ce qui est paradoxal c'est
que nous ne choisirons pas les gens qui nous succéderont et que
peut-être eux chercheront la productivité.
E.G : Vous dites que vous ne cherchez pas la
productivité, en ce moment il y a quand même une crise dans la
culture et justement on tend vers une forme d'art plus productive, je pense
à la lettre de mission du président à la ministre de la
culture. Il y a une tendance à fermer les lieux qui...
F.F : Là vous parlez de l'Etat. Il y a un
problème au niveau de l'Etat. Ici nous dépendons de la Ville de
Paris. Je pense que le système aujourd'hui est complètement
perverti, ce n'est pas que ce gouvernement. Je pense qu'il faut modifier le
fonctionnement des lieux subventionnés, pas forcément les
changer, mais les modifier. Les modifier ça veut dire... je pense que
les administrations restent en place pendant trop longtemps. Tout à
l'heure je parlais de l'intérêt qu'il y a à travailler dans
une durée limitée, mais là, les directeurs des structures
changent mais les administrations restent. Lorsqu'un nouveau directeur arrive
dans une structure, il se heurte à des habitudes culturelles et les
politiques restent les mêmes. Alors c'est délicat, hein, comme
discours mais je ne pense pas qu'il y ait trop de compagnies en France, enfin,
il y en a peut-être trop, mais peut-être pas assez aussi. Parce que
les compagnies, avant tout, c'est quoi ? C'est par là qu'arrive la
création, et c'est la création qui fait l'art pas uniquement les
lieux de l'art. Je pense qu'à un moment donné, il faut faire les
missions qu'on a et tenter de développer un maximum la création.
Parce que les administrations des théâtres ce sont des
salariés qui travaillent, ils sont tranquilles, mais les compagnies sont
dans un système de on-off en permanence, elles sont toujours en
déplacement. Il y a un trop grand décalage entre ces deux
régimes. C'est-à-dire que ce qui est contradictoire en ce moment,
et c'est là que je trouve qu'il y a un courage fort de la part de la
Ville, c'est qu'il y a de plus en plus de lieux de production pure mais qu'il y
a moins de lieux de création, de travail pour ces compagnies. Alors,
bien sûr, le 104 ne va pas résoudre tous les
problèmes, mais le 104 propose une alternative à ces
lieux. Je pense que c'est un lieu qui est pionnier dans cette
réflexion-là, c'est un lieu pour accueillir la création
dans la volonté de montrer l'art en train de se faire. Et tous les arts.
Alors moi, je ne suis pas très « trans »
là-dedans. Ça ne veut pas dire qu'on va prendre le meilleur du
théâtre, de la vidéo, de la danse et puis que tout
ça, ça va faire une oeuvre. Non. Ce qui est intéressant
c'est de faire que des gens qui vont travailler côte à côte
dialoguent, échangent, s'influencent parfois même sans le savoir.
On est plus dans le domaine de l'inspiration, de l'empreinte que les arts
peuvent se laisser entre eux. Je pense qu'avec un lieu comme ça, on
essaie de sortir du travail parfois trop individuel de l'artiste pour entrer
dans le collectif. Là où je trouve qu'il y a un courage politique
c'est qu'il est quand même assez drôle de voir que le seul champ
qui caractérise l'art aujourd'hui c'est sa valeur. Sa valeur marchande
je veux dire. Comme si l'art n'était que marchandise !
Mais l'art est créateur de beauté,
d'esthétisme de vie, je trouve qu'on a tendance à oublier que
l'art c'est aussi un prétexte à la rencontre. Il y a un
désengagement de l'Etat sauf... et c'est encore autre chose...
E.G : dans le patrimoine...
F.F : alors oui dans le patrimoine et puis dans les arts
visuels, on continue de dire qu'on va encore débloquer des fonds pour
l'audiovisuel... et on oublie presque le reste de la création. C'est
pour ça que je dis encore une fois qu'il y a un enjeu énorme.
Alors bien sûr, y a d'autres lieux en France qui fonctionnent un peu
comme ça...
E.G : justement, en quoi trouvez-vous que le
104 sera différent des endroits comme le Lieu Unique à
Nantes ou la Belle-de-Mai à Marseille par exemple.
F.F : C'est déjà beaucoup plus grand et
puis ici on verra les ateliers, c'est un lieu du public le 104, je
pense que c'est plus ouvert ; mais bien sûr il y a des ressemblances
avec ces friches dans le fonctionnement, dans tout ce qui a rapport au
collectif. Le Lieu Unique par exemple, il y a peu d'ateliers d'artistes qui
travaillent directement sur place, c'est plus un lieu de diffusion et on
retrouve beaucoup moins ce système d'échange. La Belle-de-Mai
c'est encore autre chose. Mais le 104 c'est à ma connaissance
le seul lieu d'art où l'on n'est pas obligé de rentrer par le
même endroit que là où on est sorti.
E.G: Pourquoi vous associer à d'autres lieux,
pourquoi le Radial System par exemple ?
F.F : Je pense que ces lieux partagent leur
expérience et mettent en commun leur force. Prenez le Radial à
Berlin, c'est un lieu privé qui a failli fermer l'année
dernière. Ils fonctionnent avec leur propre subvention, ils louent
beaucoup d'espace et pratiquent de moins en moins de diffusion. Chaque ville a
sa propre particularité. À Berlin, il y a plus d'espace et la vie
est beaucoup moins chère qu'à Paris. Beaucoup d'artistes vivent
là-bas, ils travaillent là-bas parce qu'il y a plus de
possibilité d'avoir des ateliers, mais ils ne montrent pas toujours leur
travail sur place. Mais c'est encore autre chose parce que le mouvement des
squats est entrain de s'épuiser à Berlin, alors le RadialSystem
est construit encore sur un autre modèle...Enfin c'est
intéressant de voir comment un lieu évolue, de s'inspirer les uns
les autres. Comme il n'y a pas de lieu équivalent au 104, il
faut trouver des gens avec qui on a envie d'échanger, de
réfléchir ensemble.
E.G : Pour revenir à la Ville. Les 70% de
subventions que vous recevez de la part de la Ville de Paris ne risquent-ils
pas d'obliger un rendu, une certaine légitimité du lieu, dans le
sens d'une certaine dépendance? Quel est votre degré de
dépendance vis-à-vis de la ville ?
F.F : Alors, maximum 70%.
E.G : alors vous voulez diminuer l'apport de la
Ville
F.F : Non, on ne veut pas diminuer. Dans l'idéal,
nous ce qu'on aimerait c'est augmenter nos revenus propres bien sûr.
Entre autres grâce au mécénat. Non, je ne pense pas qu'on
ait peur d'une main mise de la part de la Ville. Quel intérêt pour
la Mairie de Paris de garder un contrôle total sur le lieu ? C'est
vraiment très important de conserver l'indépendance du lieu. De
toute façon, il n'y a pas trente-six solutions, si nous on n'avait pas
eu la chance d'avoir la mission d'ouvrir un lieu comme ça, maintenant,
à Paris, on serait parti à l'étranger.
E.G : Vous avez eu des craintes au moment des
élections ?
C'est sûr qu'on y a pensé mais finalement
ça ne sert à rien parce que...D'abord on n'a pas de temps
à perdre avec ça et puis, bien évidemment, ça
serait très dommage qu'un tel projet soit laissé aux oubliettes.
Mais je pense que ça peut marcher, que ça doit marcher.
E.G : Quels moyens pratiques comptez-vous mettre
en place pour que le processus de rencontre fonctionne ? Comment ne pas
attirer un public uniquement bobo mais également des gens qui
traverseront le lieu dans leur vie quotidienne ?
F.F : Le 104 ce n'est pas qu'un lieu où
on voit de l'art. Tout le monde pourra trouver une raison de venir au
104, et particulièrement les gens du quartier. Il faut que les
gens du quartier, voilà, s'associent le lieu d'une façon ou d'une
autre. Il faut que les artistes travaillent avec eux. Avec des groupes qu'ils
connaissent aussi. C'est pour ça qu'il y a plusieurs types
d'espaces. Je pense aux espaces pour les pratiques amateurs, aux ateliers qui
se mettront en place pour les jeunes, aux petits commerces. C'est aussi un lieu
où on pourra venir se promener le dimanche après-midi par
exemple. Je pense qu'il faut que les gens puissent se dire « si on allait
au 104 ». On a mis en place un dispositif qui encourage le
mélange, si vous voulez, ce n'est pas un lieu monopublic bobo et je
pense, j'espère, que ça va marcher.
E.G : Pourquoi vous pensez qu'il y a besoin d'un
lieu comme ça à Paris ?
F.F : Il n'y a pas de lieu de travail pour les artistes,
peu de lieux d'échange. Je crois qu'aujourd'hui, il y a un besoin de
paroles échangées. Il existe trop peu de lieux de rencontres
à Paris, pour nous il fallait partir ou bien inventer un lieu de
transmission. Avec les jeux vidéo et la télé, il y a plus
de lieux de l'échange. La seule chose qui puisse faire barrage à
ça, c'est un lieu qui ne soit pas trop éloigné de nous.
Moi je pense que c'est dans le face à face et le dialogue que ça
se passe. Il n'y a pas de lieu pour ça. Aujourd'hui je trouve que l'art
ne s'inscrit pas assez dans le réel, voilà.
Annexe 5
Entretien
Stéphanie Lefebvre :
Présidente de l'association La Générale en
Manufacture, Artiste Photographe
Caroline Pradal : Présidente de
l'association La Générale et présidente adjointe
Association La Générale en manufacture, Artiste
Sculpteur
Pierre Lempens :
« Coordinateur », artiste vidéo
Le 10 Mai 2008, Ateliers de la manufacture de Sèvres
E.G : Bonjour. Je suis étudiante en Master
Arts du spectacle à Paris III, je rédige un mémoire sur
les squats artistiques. Mais pas que ça, parce qu'il y a eu
déjà beaucoup d'études là-dessus. Je
m'intéresse surtout à l'arrivée du 104 à
Paris et j'essaie de voir en quoi ça découle, entre autres, des
friches culturelles.
E.G : Tu es présidente de l'association
établie ici. Comment s'appelle-t-elle ?
S.L : La Générale en
Manufacture.
E.G : Donc c'est une nouvelle association qui a
été fondée pour ce lieu ?
S.L : Oui, elle a été faite pour ce lieu.
Parce que en fait quand on a quitté Belleville il ya eu scission. Une
partie du regroupement -parce qu'on ne parle pas de collectif- est venue ici
à La Manufacture de Sèvres, et l'autre partie qui est plus dans
la branche du spectacle est restée sur Paris. Mais de ça, je ne
peux pas trop t'en parler parce que je ne suis pas au courant de ce qui se
passe.
E.G : Vous n'êtes pas restés en
contact ?
S.L : Si, on est un peu resté en contact, mais
enfin il y a eu quand même scission.
E.G : Et après il y a eu donc deux
associations qui se sont créées ?
S.L : Oui eux je crois que c'est la
Générale du 14
E.G : Et à la base, c'était quoi
l'association ?
S.L : C'était la
Générale
E.G : Toi tu étais déjà
là-bas quand vous avez été
expulsés ?
S.L : oui
E.G : Et tu étais déjà
présidente ?
S.L : non pas du tout, moi ça fait quelques moi
que je suis présidente.
E.G : Le squat de Belleville datait de
quand ?
C.P : De février, mars 2005.
S.L : C'est parti de l'envie de trois, quatre personnes,
qui avaient repéré le lieu déjà, d'ouvrir ce squat
là et après...C'étaient des gens qui avaient rarement ou
jamais même squatté ou ouverts des squats. Du coup on était
quand même tous nouveaux là-dedans. La
Générale c'était un truc qu'était pas
vraiment un squat, en tout cas je pense pas que ça suivait les autres
modèles de squat. Nous on a toujours voulu que ce soit un lieu ouvert,
un lieu de travail pour les artistes.
E.G : Parce que vous aviez remarqué le
bâtiment. C'était quoi avant ?
S.L : C'était un bâtiment qui était
inoccupé depuis dix ans. Ça appartenait à l'Education
Nationale en fait et ils étaient en pourparlers pour le revendre
à la Santé. Parce qu'ils voulaient en faire un hôpital
psychiatrique. Ils vont faire une Maison-Blanche là-dedans. Mais bon,
ça faisait dix ans qu'il était fermé, donc si tu veux,
nous on y est allé aussi en disant : voilà, nous on
s'installe mais quand vous voudrez commencer les travaux on partira.
E.G : J'ai l'impression que la procédure
d'expulsion a duré assez longtemps ?
S.L : On a été très bien
défendus par un avocat qu'on avait pris. William Bourbon, c'était
l'avocat qu'on voit dans le film Bamako. Et du coup ça a pu
traîner, traîner, traîner, et on a pu rester plus.
E.G : Mais il y avait quand même une
procédure d'expulsion...
S.L : Oui, on savait qu'on devait partir, donc on avait
déjà déménagé avant l'expulsion. On avait
déjà les locaux ici, c'était en avril 2007. On a dû
partir le mardi et ils ont fermé les portes le mercredi. Et depuis, le
lieu est gardé, ils ont pas encore commencé les travaux. Mais il
y avait cette question-là surtout que nous, on voulait avoir un espace
de travail, pas forcément un espace de vie, et puis donner la
possibilité aux gens qui voulaient travailler de faire des expos...
E.G : Comment vous avez entendu parler de la
Manufacture ?
S.L : C'est la DRAC qui nous a proposé ça.
C'était le deal. Mais ici, ça court jusqu'en novembre prochain.
Donc là on est dans les pourparlers pour, soit rester un peu plus, soit
voir ce qu'on peut faire dans un autre lieu. Ici c'est 150 000 euros pour les
impôts locaux que la DRAC paie, nous on paie les fluides : eau, gaz,
électricité, assurance. Mais la DRAC ne peut pas prendre une
telle somme en charge deux années de suite. Donc, à nous d'aller
voir...le Conseil Régional....le maire de Sèvres...
C.P : En fait plus précisément la DRAC est
venue à des expos qu'on organisait à la Générale
à Paris. De là ils ont pris contact avec nous, en fait. Donc, ils
savaient depuis le début que c'était un squat et qu'on
était en procès, donc ils nous ont proposé de nous
reloger, pour qu'on puisse continuer à travailler. Ils nous ont
proposé ce site-là. Par ce qu'en fait il y a des liens assez
forts avec la Manufacture de Sèvres. Avec David Caméo qui est le
directeur de la Manufacture et Laurence Maynier son bras droit. C'est comme
ça que le DRAC nous a proposé le site et on a dit ok on va voir.
Donc voilà comment ça s'est passé en fait.
E.G : Donc après vous êtes venus
ici ?
C.P : Donc oui. On a proposé ce lieu de trois
milles mètres carrés à la Générale,
une bonne partie avait très envie de venir ici. Et une autre partie
beaucoup moins parce que ça collait moins avec leur projet en fait. Ils
avaient besoin d'être dans Paris intra-muros pour leurs
différentes activités, donc voilà on a
déménagé.
E.G : Et les autres, ils se sont installés
où ?
C.P : Ils vont aller dans un local qui est un ancien
transformateur E.D.F. C'est avenue Parmentier. Eux ils n'ont toujours pas
investi le lieu parce que c'est un bâtiment où il fallait pas mal
de travaux. Eux, ils auront besoin d'accueillir le public parce que c'est un
lieu de spectacle, d'arts vivants...Donc ça prend beaucoup de temps pour
tout mettre aux normes et tout ça. Donc eux, ils fonctionnent pour le
moment en petites cellules, dans des endroits différents, puis
après ils se retrouveront. Mais le lieu sera un lieu de monstration,
parce que c'est construit de telle façon qu'il ne peut pas y avoir
d'ateliers ou des choses comme ça...C'est vraiment un grand plateau.
E.G : Ici vous faite du travail avec la Ville, le
lycée ?
S.L : Pas encore
E.G : Pas encore ça veut dire que vous
envisagez de le faire ?
P.L : On n'envisage pas de ne pas le faire. Mais pour
l'instant....
E.G : Parce que il y a des options Arts
Plastiques dans le Lycée...
S.F : Oui, le maire nous en a parlé la
dernière fois qu'on l'a rencontré. Mais c'est toujours pareil,
nous en théorie, on est ici jusqu'en novembre ; ça laisse
peu de temps pour mettre en place des actions artistiques avec le lycée.
Est-ce qu'on met en place un truc pédagogique ? Est ce qu'on a
envie de mettre en place un truc pédagogique ? Caroline oui, mais
c'est un peu compliqué quoi...
E.G : Et le public, certains vous ont suivi de
Paris à ici ?
C.P : On arrive à avoir du public ici. Alors c'est
un public de gens motivés et très intéressés en
fait. Ici c'est plutôt rare que les gens passent sans savoir ce qu'il y
a. A Belleville ça arrivait souvent. Alors qu'ici on invite les gens
à venir, il faut qu'ils soient au courant de ce qui se passe... Il y a
très souvent des vernissages, des performances, des concerts, des
vidéos , par des artistes qui travaillent là, ou en
résidence, ou des invités. Plusieurs fois par mois, et il y a
toujours du monde. On fait des affiches, des flyers, sur internet...
E.G : Vous avez un site
internet ?
C.P : oui...oui, on a plusieurs sites internet en
fait...
S.L : la-g.org, sur celui-là tu as tous les autres
sites.
E.G : Quelle est la procédure pour pouvoir
venir travailler ici ?
C.P : Il y a plusieurs façons. On propose des
résidences. Tu prends contact avec nous et puis on voit de quel type
d'espace tu as besoin, ça va jusqu'à un mois, deux mois, puis
à la fin il faut que tu puisses montrer ton travail. Sinon il y a aussi
des systèmes d'échanges. Là par exemple, le 15 mai il y a
des Marseillais qui vont venir exposer à la
Générale, et la Générale va aller
exposer à Marseille. A la friche de La-Belle-de-Mai.
E.G : Donc vous êtes en contact avec
d'autre lieu ?
S.L : Oui, on essaie d'organiser des échanges,
mais pas que avec des squats. On ne veut pas rester cloisonné dans le
même niveau.
P.L : La Générale c'est en même temps
un squat et pas un squat. C'est les deux et aucun des deux à la fois.
C'est entre le squat et l'institution, entre le non-officiel et l'officiel.
C'est une position qui n'est pas facile à défendre mais qu'on
voudrait essayer de garder. Ici il n'y a personne qui s'occupent
particulièrement de l'administration, on fait tous tout. Ce sont les
artistes qui gèrent le lieu. Moi, par exemple, je gère les
résidences, je coordonne un peu l'ensemble et je fais de la
vidéo.
S.L : Quand il y a un vernissage, c'est nous qui faisons
les courses, c'est nous qui tenons le bar. C'est la différence du
104 tu vois, où t'as un staff en place et après il y a
les artistes qui viennent...
E.G : Et les résidents versent quand
même de l'argent à l'association ?
S.L : Alors oui il y a quand même une cotisation pour
aider à pallier par exemple la facture EDF qui est très
très élevée en hiver...On a pas de mécénat,
nous sommes nos propres mécènes...Après les
résidences, comment tu viens, eh bien tu vois par le
bouche-à-oreille, ou bien tu vas sur le site, enfin ça se fait
simplement et puis il n'y a pas de dossiers ou de trucs comme ça...On
n'invite pas les gens pour ce qu'ils font, c'est juste pour l'énergie
qu'ils apportent au regroupement, ce qu'ils veulent donner...Enfin la base du
truc quand même c'était : bon, tu viens mais tu essaies de
t'investir aussi dans le fonctionnement du lieu, dans la vie de l'assos. Alors
c'est vrai que là, ça fait quelques années qu'on tourne,
alors oui nous on se retrouve entre nous par affection, mais ça reste
ouvert. Il y a pas d'attribution quoi. Pour les résidences, on les
rencontre voilà, y'a pas de dossier.
E.G : Vous êtes combien à
être restés de Belleville à ici ?
S.L : On est une cinquantaine.
E.G : Qu'est ce que vous pensez du
104 ? Je sais pas si vous connaissez le lieu ?
C.P : C'est Cantarella et Fisbach non ?
E.G : Oui voilà, c'est la mairie de Paris
qui subventionne l'ouverture de ce lieu pluridisciplinaire dans le
19e, dans l'ancien bâtiment des pompes
funèbres...
C.P : Oui, oui j'en ai entendu parler...C'est pas du tout
en fait la même approche, il y a le vice générationnel
qu'est là évidemment, mais eux ils fonctionnent par attribution,
je pense que c'est un projet déjà bien ficelé. L'approche
est différente
S.L : Ils sont un petit peu sur-subventionné
non ?
C.P : Enfin voilà c'est une autre approche, c'est
moins ouvert peut être, par exemple pour obtenir des résidences
là-bas, c'est quelque chose de complètement différent,
puisqu'ils savent exactement qui va aller où, qui va travailler.
P.L : Et puis ça fait cinq ans qu'on en entend
parler et puis voilà, on a jamais rien vu...
S.L : Moi je dis que c'est quand même un peu
l'inverse, c'est-à-dire que si tu veux nous on commence à peine
à faire des dossiers pour les envoyer à droite à gauche,
en gros nous c'est canaliser une énergie, faire les choses, et puis
après on pense éléments administratifs, eux c'est
l'inverse.
P.L : On n'est pas rattaché à un lieu non
plus, regarde, en quatre ans d'existence on en est à notre
deuxième lieu. On est plus mobiles peut être, et puis on fait
grandir aussi les choses, quand on est arrivés ici il y a des nouvelles
personnes qui sont entrées, quand on partira d'ici y'en aura encore
d'autres. Ça fluctue plus.
S.L : On est rattaché à un fonctionnement
qui n'en est pas vraiment un en fait. Tu vois enfin c'est aussi le fait de ne
pas rentrer dans les cases, ce n'est pas forcément quelque chose qu'on a
voulu, mais voilà ça s'est présenté comme ça
quoi...
E.G : Est ce que parfois il y a des personnes qui
rentrent comme ça, ils ont entendu parler du lieu...
C.P : Ca arrive
S.L : Ca arrive pas beaucoup hein quand
même !
C.P : Oui pas beaucoup, parce qu'on est vraiment
très loin. Donc il faut quand même avoir très envie, puis
un bon sens de l'orientation. Mais ça arrivait, surtout au début
en fait, ça arrivait plus souvent. Ils rentrent et ils posent des
questions. Oui, alors, des gens du coin, comme y a eu des petits articles dans
le Sèvrien, et par curiosité...
S.L : Maintenant moins, par ce qu'en fait les gens
passent directement par le site internet, et puis voilà, c'est beaucoup
plus simple pour eux.
E.G : Vous êtes bien ici ?
C.P : On est bien ici, on est content. C'est très
productif pour le travail d'être ici, très très efficace.
Les bâtiments sont beaux, le site est classé site historique. Et
puis même par rapport au travail, il y a une bulle de travail qui est
très très forte. Par ce que à Belleville on était
dans le centre de Paris, et il y avait toujours quelques choses à faire,
on était plus dispersé. Ici tu viens et t'es dans une bulle de
travail quand même.
E.G : Et vous pensez que si vous
déménagez, vous arriverez à vous rétablir
ailleurs ?
P.L : Oui
C.P : On l'a fait une fois, je ne vois pas pourquoi on ne
pourrait pas recommencer. Nous ici, y'a personne qui est accroché
à son mètre cube. C'est bien, parce que ça renouvelle,
ça fait de l'air. Y'en a qui restent, d'autre qui partent, qui font leur
propre chemin...
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