ELSA GOBERT
Mémoire de Master 1
Université de Paris III-SORBONNE
NOUVELLE
Institut d'études
théâtrales
Le 104 à Paris en 2008: un projet de
transversalité artistique et sociale ?
Direction : Daniel Urrutiaguer
Juin 2008
TABLE DES MATIÈRES :
Table des
matières.............................................................2
Introduction.....................................................................4
PREMIERE
PARTIE :.......................................................
DES FRICHES AU 104 : UTOPIE DU
SQUAT.......................9
1) Le phénomène de
reconversion..........................................9
A : Les lieux
alternatifs............................................................. 9
a : Reconversion d'un
mot ..........................................................9
b : Esthétique de
l'insertion.........................................................11
c : Les moyens de
l'insertion........................................................14
B : Reconversion
artistique........................................................16
a : La nouvelle place du spectateur, une place qui
découle du mouvement
des
performances...................................................................16
b : Quels nouveaux rapports à
l'art ?.................................................................18
c : Le théâtre
environnemental......................................................19
2) Vers une friche
institutionnelle..........................................21
A : Fonctionnement d'un nouveau lieu culturel
parisien..............................21
a : Position théorique de deux hommes de
théâtre......................................21
b : Un projet de transversalité
effectif ?..............................................................23
B : Un nouveau rêve
artistique.....................................................24
a :
L'institution.....................................................................24
b : Fabrique d'un
besoin............................................................27
c : « La norme engendre le
déclin »1(*).................................................28
DEUXIEME
PARTIE :......................................................
RELATION ENTRE LE SOCIAL ET LE POLITIQUE :
...........
UN NOUVEAU STATUT POUR
L'ART..............................30
1) La question du rapport au spectateur et à la
population.............30
A : Étude autour d'un
événement de médiation au 104 : La
Traversée...............30
a :
L'événement...................................................................30
b : Mon expérience de médiatrice au
104.............................................32
c : Le médiateur est-il
nécessaire ?...................................................................33
B : la
transmission.................................................................35
a : Une nouvelle dramaturgie à
inventer..............................................35
b : L'exemple d'un artiste résidant 104 qui
exerce un art ouvert à la communication :
Nicolas
Simarik....................................................................37
c :
Espaces-temps-lieux.............................................................38
2) Transversalité
sociale.....................................................39
A : Inscription du 104 dans son
milieu.....................................................39
a : Exemple d'un espace public culturel
parisien : La Villette...........................40
b : Le 104, espace
public ?.............................................................................42
c : Le 104 dans le contexte culturel
actuel..............................................43
B : les perversions du
système......................................................44
a : Vers un art uniquement
contextuel................................................44
b : Passer outre l'obligation de
production............................................45
c : Institution =
modelage ?...........................................................................46
CONCLUSION....................................................................48
BIBLIOGRAPHIE.................................................................51
ANNEXES..................................................................................55
INTRODUCTION
« Ne penser la création qu'en termes
d'événements au sens de performance est incompatible avec la
constitution d'un espace public dans lequel on partagerait du
temps. »2(*)
(Marie-José Mondzain)
L'aventure culturelle tend aujourd'hui vers la rencontre
sociale entre plusieurs champs artistiques. Le Ministère des Affaires
Culturelles a été créé sous De Gaulle en 1959 par
André Malraux avec une volonté de rendre la culture accessible
à tous. Il met fin à la gestion des acquisitions par le
secrétariat des Beaux Arts, en tutelle de l'éducation nationale.
Malraux créé et dirige le ministère de la culture avec
une volonté de démocratisation de l'art. Par un décret du
24 juillet 1959, il s'engage à faire accéder un maximum de
personnes à la connaissance en assurant « la plus vaste
audience à son patrimoine culturel »3(*). Parallèlement, les
artistes ont théorisé et mis en pratique, individuellement ou
spontanément, l'apport réciproque des divers champs de l'art.
Mais il n'existe pas de lieu capable d'accueillir tous les arts en
création dans un même espace public et institutionnel.
En 1977, le centre Georges Pompidou, construit par les
architectes Piano et Rogers concrétise ce désir d'un espace
modulable et ouvert, apte à accueillir plusieurs formes d'art. Ce Centre
national d'Art et de Culture, situé au centre de la capitale
française, comporte un musée d'art contemporain, le centre de
création industrielle, des expositions permanentes et temporaires, une
bibliothèque, des salles de vidéo, il accueille également
(et de plus en plus) des performeurs. Il pratique des politiques culturelles
d'accessibilité à un public large. Cependant ce lieu n'est pas
conçu ni aménagé pour accueillir toutes les composantes de
la scène artistique, et son image globale demeure celle du musée.
Face à la pénurie des lieux de création,
les squats d'artistes se sont multipliés depuis le milieu des
années 1980. Ils ont été un phénomène
culturel d'investissement spontané des lieux délaissés. En
exemple : à Grenoble, l'expression d'une urgence pour la
création et « la transmission de cette urgence d'une
génération à une autre, d'un lieu à
l'autre », donnent naissance à un archipel de squats
artistiques ; à Saint Ouen Mains d'Oeuvres, s'installe
dans le bâtiment de l'ancien comité des usines Valéo, que
l'entreprise a quitté en 1991. Ces aventures culturelles sont multiples.
Depuis, nombre ont été expulsées ou dissoutes. Le
collectif d'Art Cloche fut contraint de déménager de
l'ancien dépôt de la seconde guerre où les artistes
s'étaient établis pour s'installer en 1986 dans un ancien garage
désaffecté ; plus récemment, la
Générale, chassée de Belleville (Paris
19ème) a éclaté en plusieurs sites.
En mai 2001, Michel Duffour, Secrétaire d'Etat à
la Culture, au Patrimoine et à la Décentralisation culturelle
constate que « le paysage cultuel français s'est
profondément transformé au cours de ces vingt dernières
années »4(*). Il demande à Fabrice Lextrait de constituer
un rapport qui répertorie les nouveaux lieux artistiques. Ce dernier
caractérise alors la nature du phénomène à
étudier autour de quatre éléments. Le premier est
« le rapport physique à l'espace choisi »5(*) qui définit
l'identité du lieu, et ce qu'il représente pour les artistes
(maisons, fabriques, friches, usines, bases...). Le deuxième
définit plus le projet artistique dans le type d'actions menées.
S'agît-il d'un laboratoire artistique ? Est-ce un lieu de fabrique,
de création ? Une base de travail ? Le troisième indice
tient au contenu du projet et à sa mixité. Il définit la
ligne artistique du lieu par rapport à l'art et au public, il montre
l'intention globale. Un quatrième indice définit le mode
d'organisation de l'expérience. S'agit-il d'un collectif, d'un
système, d'une compagnie ? Le rapport est construit avec un parti
pris monographique, Fabrice Lextrait se rendant dans le lieu à
étudier pour s'entretenir directement avec les artistes. Une quinzaine
de sites sont répertoriés, et des « fiches
d'expériences » sont réalisées sur dix-sept
autres. Il s'agit pour le Ministère de la Culture de pouvoir mieux,
à l'aide de ce rapport, repérer ces lieux sans pour autant les
enfermer ou les catégoriser dans un nouveau label. Le rapport cherche
à déceler les mutations culturelles significatives tant au point
de vu de l'art que celui de l'urbain.
De ce rapport ressort un terme qui qualifie ce
phénomène : Nouveau Territoires de l'Art (NTA). Aujourd'hui,
sans s'essouffler, le mouvement des squats se normalise et l'institution
cherche à créer des lieux qui se rapprochent de ces formes.
En octobre 2008, à Paris, un nouveau lieu culturel,
entièrement institutionnalisé et financé par la Ville
ouvrira ses portes dans le 19ème arrondissement : Le 104,
Établissement Artistique de La Ville de Paris. Le 104 est
annoncé comme le projet « phare »6(*) de la politique culturelle de la
Ville de Paris, initié dès le début de sa
mandature par Bertrand Delanoë (2001), maire de Paris appartenant au Parti
Socialiste, et Christophe Girard, adjoint au maire chargé de la culture.
Le coût total de l'opération est de 102 millions d'euros de budget
d'investissement. Avec un budget de fonctionnement de 11 millions d'euros par
ans, il est subventionné à 70% (huit millions d'euros par ans)
par la Ville, le reste se constitue de recettes propres et de
mécénat (3 millions d'euros). Soixante-dix personnes
travailleront en permanence sur le lieu. Robert Cantarella et
Frédéric Fisbach ont été sélectionnés
à l'issue d'un appel à candidatures portant sur le projet
culturel et artistique, mais aussi sur le développement
économique du site pour diriger le projet et le lieu.
Le 104 émane de la transversalité. La
transversalité relève par définition de ce qui est
transversal. L'adjectif « transversal » qualifie
d'après le dictionnaire Larousse « 1. disposé
en travers ; qui coupe en travers. » On parle de ligne
transversale ou de vallée transversale. 2 Fig : Qui recoupe
plusieurs disciplines ou secteur, pluridisciplinaire. 7(*) » Le nom
féminin la transversale signifie « 1.
une ligne horizontale. 2 un itinéraire routier ou voie
ferrée qui joint directement deux villes sans passer par le centre du
réseau. 3 droite coupant une courbe en deux points.8(*) ».
Plusieurs termes se dégagent de ces définitions
et s'apparentent à l'image
du « 104 ».
La transversalité c'est tout d'abord une notion
artistique nouvelle qui vient des mouvements issus de la performance, de la
pluridisciplinarité et du désir communs de certains artistes
(comme Antonin Artaud et Taddeus Kantor) de joindre l'art à la vie en
créant un art qui se situe dans les zones d'intersections.
Le 104 représente, et c'est
l'originalité de son programme, une transversale entre un lieu
institutionnalisé et un nouveau territoire de l'art comme défini
par Fabrice Lextrait. Il est établi dans un ancien espace industriel,
104 rue d'Aubervilliers (son nom 104, est bien
référant à sa situation géographique), qui
accueillait précédemment les Pompes Funèbres Municipales,
et divers services de la ville de Paris, dans un bâtiment de 48 000
m2 datant de 1874, témoignage de l'architecte Delebarre de
Bay. Lieu de la création, de la mixité, de l'ouverture et de la
démocratisation culturelle, le 104 est proche de l'image du
squat artistique. Mais le 104 est un lieu subventionné à
70% par la Ville, un lieu institutionnel avec quelques espaces purement
commerciaux ou pratiques : espaces de location pour entreprises ou
défilés de mode, caserne de pompiers. Peut-on parler alors de
friche institutionnelle ?
Le 104 c'est en plus une transversalité
sociale, existante au sein de ceux qui travailleront dans ce lieu. Le chantier
de cet équipement qui fut ouvert au public pour La
Traversée (29 et 30 décembre 2007), en moment de
préfiguration est un exemple significatif. Les
« passeurs » recrutés pour présenter le lieu
étaient aussi bien des habitants du 19ème
arrondissement, des employés du chantier, des employés des
anciennes pompes funèbres mais également des comédiens des
Feuillets d'Hypnos monté par Frédérique
Fisbach (Avignon 2007).
Cette transversalité se trouvera aussi entre les
artistes et le public puisque les créateurs résidents auront
comme ligne artistique de montrer l'art en train de se faire. Le
lieu demande des échanges réguliers avec le public, pas seulement
une simple ouverture d'atelier mais aussi une dimension dialectique et
cognitive entre l'art et le public. Les directeurs désirent une
« zone d'échanges à inventer ». Ils veulent
aussi créer une mise en contact du public et d'associations, des actions
avec des écoles primaires, conservatoires d'art dramatique, etc.
Avec un projet pluridisciplinaire posé dès la
proposition du programme, ce lieu accueillera toutes les pratiques. Il
existera alors une transversalité entre les arts et entre les artistes
en résidence d'un mois à un an qui pourront investir les ateliers
du 104 à partir de juillet 2008. Après ouverture, le
104 pourra accueillir simultanément seize projets artistiques
dans dix-sept ateliers différents. Les acteurs/artistes du lieu
obtiennent une bourse de 1500 euros par mois. Les échanges de
voisinage seront confortés et encouragés par le fait que les
artistes résidants issus de toutes les disciplines artistiques
disposeront de divers lieux de création, de réalisation et de
présentation communs mis à disposition par la structure. Lieu de
la transversalité artistique, les artistes accepteront-ils cet
échange ?
Vient alors une question : Quel public pour le
104 ? Sur le site, des espaces sont prévus dans un souci
de transversalité sociale qui rapproche ce lieu de l'espace
multifonctionnel : librairie, café presse, restaurants, maison
d'édition sur les événements du site, jardin suspendu
ouvert au public, maison de la petite enfance avec des jouets dessinés
par des artistes et destinées à initier les plus jeunes à
l'art, incubateur d'entreprises culturelles, avec bail d'une durée de 3
ans, et des espaces pour les artistes amateurs. Dans cet
établissement artistique de la ville de Paris, il y a une
volonté de créer une autre forme de transversalité aussi
bien entre les artistes et les disciplines qui dialogueront ensemble, qu'entre
le public du 19ème arrondissement venu là par hasard,
celui de la région parisienne, et celui, national ou international, venu
spécialement pour un événement. Cette
transversalité artistique et sociale peut-elle être
opérante ?
J'ai d'abord commencé par étudier le lieu,
104, Etablissement Artistique de la Ville de Paris, en y
allant, en consultant son site Internet, en rencontrant les directeurs et en y
travaillant pour l'événement de préfiguration La
Traversée, le dernier week-end de décembre 2007.
Puis je me suis intéressé au
phénomène des friches, en ayant toujours plusieurs questions
à l'esprit : En quoi le 104 est-il un
« avatar » du mouvement des friches industrielles? Quels
points communs des friches au 104, quelles différences ?
Un point majeur qui diffère, même à première vue,
est la question de l'institution. Ce qui m'a poussé à
m'interroger sur la volonté de La Ville de Paris d'ouvrir un
lieu où les artistes de tous les horizons artistiques se croisent
échangent, entre eux, et avec le public.
En parallèle, le colloque sur « l'impact
de l'avant-garde américaine sur les théâtres
européens et la question de la performance » qui avait lieu du
21 au 23 janvier 2008 au Théâtre National de la Colline,
a orienté ma réflexion sur les questions de
pluridisciplinarité mises en jeu au 104, sur la nouvelle place
du spectateur dans un art qui favorise l'échange avec le public. Quelles
en sont les conséquences sur le spectateur contemporain qui, dans ce
dispositif, tend de plus en plus à devenir un spectateur participatif
dans un espace multifonctionnel auquel il n'est pas habitué ?
Enfin, une question est restée toujours présente
à mon esprit car la remarque m'est parvenue sous différentes
formes lors de mes recherches : ce phénomène
d'institutionnalisation de modèle établi à l'origine pour
pallier les problèmes de temps et d'espace vécus par les artistes
ne risque-t-il pas à terme de figer l'art ? d'en modaliser les
processus de production ?
Le 104, lieu de la transversalité, peut-il
faire avancer la démocratisation artistique à travers l'
institutionnalisation d'un espace pluridisciplinaire orienté vers des
rapports interactifs avec la population ? ou existe-t-il des risques de
sclérose du mouvement des squats artistiques, par
l'institutionnalisation d'un lieu basé sur ce modèle, qui
finalement serait relativement coupé de la population locale et
artistique ?
PREMIERE PARTIE :
DES FRICHES AU 104 : UTOPIE DU SQUATT
« Impossible dans ce dispositif pluridisciplinaire
de ne pas penser à l'apport des squats artistiques. Depuis presque
trente ans, ces friches précaires ont inventé la
transversalité entre les pratiques culturelles. Voici ce legs
précieux ici institutionnalisé, avec des moyens : le
coût total de l'opération est de 102 millions
d'euros. »9(*)
Dans les années 1970, la crise du capitalisme et la
désindustrialisation contraignent de nombreuses usines à fermer
leurs portes. Des services publics (hôpitaux, usines, laboratoires) sont
restructurés en partie, laissant des bâtiments inoccupés,
ce qui va correspondre au début du mouvement des squats artistiques. Les
artistes de toutes les disciplines investiront ces lieux
délaissés.
Toutes les friches sont différentes et le rapport
Lextrait souligne bien leur diversité. Cependant, elles ont en commun de
joindre plusieurs disciplines artistiques et de s'inscrire dans un quotidien et
un mouvement collectif : c'est en groupe qu'on peut établir et
faire vivre une friche. La friche garde les fondations d'origine de l'usine,
son volume et son histoire, mais en assure le renouveau. En s'en tenant aux
particularités de la friche telle que décrite dans Les
nouveaux territoires de l'art, le 104 pourrait s'apparenter
à une friche. Il prend place dans un ancien hall industriel, il fait
cohabiter ensemble des artistes de toutes les disciplines.
1) Le phénomène de reconversion
A : Les lieux alternatifs
a : Reconversion d'un mot
Le mot « friche » vient du
Néerlandais « versch » qui veut dire
« frais ». C'est un terme d'origine agricole qui
désigne un « terrain non cultivé et abandonné,
une friche industrielle urbaine qui correspond à une zone industrielle
urbaine à l'abandon ou en attente de reconversion »10(*). Certaines de ces friches
laissées vides vont être investies dans les années 1980 par
les artistes contestataires de la génération de mai 68 (En
exemple, Guy Alloucherie ouvre la Base 11/19 dans les anciens puits de
mine, Karine Noulette et Frédéric Marcignac fondent l'association
Emmetrop et s'installent à Bourges dans une ancienne usine).
C'est le phénomène des friches : de l'usine industrielle, le
lieu devient friche culturelle. À l'image de ces friches, le
104, assure également la reconversion d'un lieu. Construit
autour d'une galerie centrale surplombée d'une charpente
métallique de type Polonceau, le bâtiment, classé à
l'inventaire des bâtiments de France, doit garder sa structure fixe et
son identité architecturale. Il est réhabilité et
réaménagé par les architectes du groupe Novembre.
Les artistes squatteurs, au-delà de
l'opportunité de lieux de travail et de vie, développent des
nouvelles formes artistiques, recherchent le voisinage avec des artistes
pratiquant d'autres disciplines et, progressivement, s'attachent à
créer une transversalité entre les disciplines artistiques. De la
notion de pluridisciplinaire on passe à transdisciplinaire. Les arts se
traversent, les artistes s'inspirent. Ainsi dans le squat de l'Antre
Peaux à Bourges en 2001, plusieurs associations d'horizons
culturelles différents travaillent ensemble dans un esprit
collectif : Bandits Mage pour l'art vidéo, le Nez dans
les étoiles pour les arts du cirque, Eko N ko pour les
enregistrements musicaux, et Sonar Lap pour la création sonore.
Les espaces sont répartis entre les structures et c'est
Emmetrop qui s'assure de la cohésion générale de
cette friche artistique. C'est également un désir de rencontres
artistiques qui est favorisé, à travers le projet du
104. En exemple, en ce moment résident au 104 :
Pascal Dhennequin qui photographie des visages ; Rimini Protokoll un
collectif théâtral ; le cinéaste Sébastien
Lifshitz ; Tania Bruguera qui est une artiste politique et
interdisciplinaire dont les travaux se focalisent autour des relations entre
art, vie et politique : et enfin, les designers culinaires Chinon
Chéron. Ces artistes ne résident pas encore dans le lieu
même, mais exercent leur travail dans le 19ème
auprès des populations locales. C'est donc bien une
transversalité entre les disciplines artistiques qui est en jeu. C'est
le lieu, le concept qui construit un pont entre ces disciplines. Le lieu
évite les obligations, attributions, les fixations et le conventionnel.
Robert Cantarella rappelle que « Si un artiste vidéo veut un
plateau de danse (...), il y en a un sur place, qu'il l'investisse. C'est
la façon d'utiliser l'instrument de travail qui fait la
spécificité de l'art et non l'inverse. »11(*)
Les friches naissent toujours dans le désir de
s'éloigner des valeurs établies, et du conformisme de
l'art : « le principe d'un lieu d'expérimentation et de
développement des pratiques culturelles alternatives est né de la
réflexion individuelle et collective d'artistes confrontés, dans
leur pratique quotidienne, à l'inadéquation des structures
existantes »12(*). En effet, malgré la multiplication des
Maisons de la Culture initiées par Malraux et Picon (première
Maison de la Vulture inaugurée en 1961 au Havre) qui excluent la
spécialisation et favorisent la pluralité des disciplines
artistiques, il manque d'espaces et de temps pour la création. Les
artistes squatteurs rejoignent là un mouvement d'appropriation d'un
espace industriel comme lieu de création et de monstration, dont un des
exemples les plus connus est la Factory ouverte en 1963 par Andy
Warhol dans une ancienne usine désaffectée de New York. Cette
usine servait à la production en série de l'artiste du pop
art.
C'est aujourd'hui cette même observation que font les
directeurs du 104, en disant « on est partie d'un constat
très simple : à Paris, il n'y a pas de lieu de l'art en
train de se faire. Pour voir l'art en train de se faire, il y a un besoin de
temps et d'espace. »13(*)
Les lieux anciennement industrialisés qui revivent
partent de l'abandon, du rejet des grands espaces par toute une
société. Ils sont les témoins d'une époque
économique révolue qui annonce en parallèle un renouveau
artistique. Cette transformation du lieu abandonné allant de pair avec
une réappropriation des périphéries urbaines, est pour
l'architecte Roland Castro, initiateur de banlieues 89 « un acte
architectural qui nous sort de l'idéologie du on efface tout et on
recommence »14(*).
Il s'exerce alors une reconversion double : celle d'un
lieu industriel abandonné en un lieu artistique, le non-lieu qui devient
lieu, et la reconversion de la façon d'aborder l'art. Par
l'intermédiaire de ces lieux de visibilité, il se crée une
interaction de plus en plus explicite entre la société et l'art,
une insertion de l'art dans un nouveau milieu.
b : Esthétique de l'insertion
Ces lieux plus ouverts aspirent à une nouvelle
façon d'envisager le processus artistique, plus en relation avec le
public, moins sclérosé. Frédéric Kahn et Fabrice
Lextrait, dans leurs propos recueillis suite au colloque international
réuni à la Friche de La Belle-de-Mai en février
2002 le soulignent. « Toutes ces initiatives ont en commun
d'être un laboratoire de l'émergence concrète d'un nouveau
rapport entre l'art et la société, d'une présence
inédite de l'artiste dans la cité. »15(*)
Avec les friches et les squats artistiques, voici le
début des « lieux alternatifs », et
l'émergence même du terme « Nouveaux Territoires de
l'Art ». Ces sites présentent plusieurs avantages. Leur
taille permet d'y travailler toutes les disciplines sans se préoccuper
de la place. Ils sont vides et disponibles ce qui évite, au début
du moins, les contraintes administratives. Ils se situent dans les zones
industrielles ou en milieu urbain, là ou l'art n'a pas toujours
l'habitude d'aller. En ceci, le mouvement spontané des friches trouve un
écho théorisé dans les positions de Nicolas Bourriaud,
commissaire d'exposition, écrivain et critique d'art qui affirme dans
Esthétique relationnelle que l'art « s'avère
particulièrement propice à l'expression de cette civilisation de
la proximité, car il resserre l'espace des
relations. »16(*)
La rupture entre lieu de production (atelier) et lieu de
monstration (galerie, salle de spectacle, musée) s'efface. L'artiste est
présent dans les deux champs, comme acteur et comme médiateur.
Les portes ouvertes, organisées dans les squats afin de rendre le public
moins réticent à cette forme nouvelle qui va à l'encontre
des normes établies, favorise l'accès à l'art et le
processus de médiation par l'artiste. Les artistes recherchent la
confiance du public de proximité, souvent « conscients des
préjugés du public sur l'occupation illégale des
lieux »17(*)
comme le rappellent les résidents du Brise-Glace à
Grenoble. Le 104, c'est également ce lieu de rapprochement de
la population locale, situé au coeur de la ville, dans la ville et
ouvert tous les jours gratuitement au public, comme un passage parisien,
entre huit heures et vingt-deux heures, il incite en théorie
à la rencontre de proximité.
Ce déplacement de l'art vers les
populations, représente une sorte de deuxième
décentralisation culturelle. Cette nouvelle décentralisation est
moins officielle que la première, entreprise par l'état.
Celle-ci fut initiée par Jeanne Laurent, sous-directrice des Spectacles
et de la Musique. Sous son impulsion, cinq Centre Dramatiques Nationaux sont
créés en Province de 1947 à 1952. Mais, Jeanne Laurent est
brutalement arrêtée par André Cornu. Ainsi sa politique de
décentralisation est suspendue, elle sera relancée par le
Ministère Malraux en 1959. L'état français qui a toujours
été centralisé sur sa capitale entreprend alors une
décentralisation politique et administrative. C'est-à-dire qu'il
va attribuer à des autorités autonomes (départements,
communes) des pouvoirs de décision et d'exécution relatifs
à certaines catégories d'affaires. C'est sous l'enseigne de cette
décentralisation administrative que l'état va mettre en oeuvre
une politique de décentralisation artistique qui vise à diffuser
sur tout le territoire des produits de la création et notamment en
dehors de Paris et des grandes villes. Cette décentralisation est
renforcée en 1981 par le ministère Lang.
Celle des squats artistiques est plus spontanée,
multiforme est en constante évolution. La carte établie par
Fabrice Lextrait dans son rapport à Michel Dufour fait état de la
répartition des principaux squats artistiques en France. Ils se
développent dans toutes les régions, avec une certaine
concentration dans le Nord, région la plus touchée par le recul
de l'ère industrielle en raison de la présence de nombreux puits
de charbon.
Ce que recherchait le mouvement spontané qui est
allé investir les friches industrielles, en plus des obligations souvent
économiques, c'est un désir de proximité de l'oeuvre au
spectateur, une dynamique artistique nouvelle qui tendrait vers une certaine
désacralisation de l'art, une esthétique de l'insertion.
De même que la notion de cadre et de vitre avait
donné naissance aux codes de la perspective, la fin de l'époque
industrielle marque le début d'un nouveau cadre pour l'art. Ce que
confirme la citation d'Hervé Carrier dans son Lexique de la
Culture : « L'histoire de l'art démontre à
quel point les formes artistiques évoluent avec le progrès des
techniques et des cultures ». 18(*)
L'expérience collective et la proximité avec le
public oeuvrent à la diminution de la distance art-vie. Une nouvelle
esthétique de la rencontre va naître. Cette nouvelle
esthétique favorise le groupe, le collectif au-delà de l'individu
et appelle à de nouvelles formes artistiques.
Si l'investissement spontané des friches par la
communauté artistique répondait à un besoin d'espace, de
temps et de lieu pour la création, ces nouveaux lieux montrent aussi une
nouvelle façon d'envisager la relation au public. Cette nouvelle
façon d'aborder l'art à travers des lieux industriels va joindre
l'art à la vie en créant une transversalité entre la
courbe de l'art et celle de la vie.
Les friches artistiques sont les lieux
privilégiés de cette rencontre car elle n'établissent pas
de frontière entre l'art et la vie. Les artistes sont présents
avec le spectateur et ils sont là pour expliquer leur travail, sinon
leur oeuvre même. C'est également ce que recherchent les deux
directeurs du 104, ce rapprochement vers les spectateurs, dans un
espace non conventionnel. Le lieu vise à ancrer tous les arts dans le
quotidien en créant un lieu de vie où le travail en train de se
faire devient visible, en ouvrant les portes des ateliers des artistes
résidents. Très concrètement, au quotidien se jouera dans
ce lieu la question de la transversalité artistique, des outils et des
lignes mis en oeuvre théoriques, spatiaux, urbains pour une
transversalité, une ligne qui joint l'art et la vie.
c : Les moyens de l'insertion
Le 104 offre des sessions de pratiques artistiques,
des rencontres, des workshops et des formations professionnelles. Des publics
différents se mêleront en théorie: visiteurs de lieux
culturels, touristes de passage à Paris, mais aussi professionnels et
habitants du quartier qui pourront traverser le lieu qui rejoint la rue Curial
à la rue d'Aubervilliers.
Avec ce lieu, on dépasse la notion de lieu
pluridisciplinaire pour atteindre la notion de lieu multifonctionnel, examinons
pour chaque espace du 104, quel public serait susceptible de venir
traverser le lieu et peut-être créer un rapport à l'art.
Les ateliers d'artistes de toutes nationalités et de
toutes disciplines et les spectacles seront présentés dans un
programme, disponible sur place à l'accueil et sur le site internet du
104. Les actions artistiques pourraient faire venir des amateurs d'art
de toutes la région parisienne : étudiants, professionnels
de l'art, simples curieux ; mais aussi des scolaires du quartier ou des
villes de proche banlieue. Peut-être également quelques curieux du
19ème arrondissement.
Le jardin suspendu, changeant tous les ans par un
système d'appel à projet pour des paysagistes et qui sera au
début un potager, pourra inciter les gens du quartier à venir se
promener, déambuler, ou se reposer. Cependant, rappelons que le site de
La Villette, situé également dans le
19ème arrondissement offre plus d'espace vert et des
possibilités de jeux de ballons.
Les espaces pour les courses de proximité et les
restaurants (un restaurant de 300m2 chauffé l'hiver et un
café presse avec une terrasse de 150m2 et accessible de
l'extérieur) pourraient également attirer la population locale.
Une étude a été faite afin de ne pas porter concurrence
aux commerces existant déjà dans un secteur proche. Ainsi,
ça ne sera pas un commerce représentant un besoin vital pour la
population. Le restaurant reste, il me semble, un moyen cohérent
d'attirer les habitants voisins du lieu.
Les lieux destinés aux salons, congrès,
lancements de produit, séminaires d'entreprises, réunions,
soirées de gala, cocktails, évènements artistiques
(concerts, défilés de mode, foires d'art...) loués aux
professionnels et principale source d'auto-financement du 104,
attireront, c'est certain, des catégories professionnelles
différentes (6000m2 en tout).
Seulement les actifs de l'entreprise ont-ils envie,
après une journée de travail de rester dans un espace
culturel ? Il en est de même pour la pépinière de
jeunes entreprises culturelles qui accueillera, pour deux à quatre ans,
une dizaine de jeunes sociétés. Ces professionnels pourront par
contre s'alimenter dans un des espaces dédiés à la
restauration.
Les espaces pour les artistes amateurs (500m2)
seront loués pour des pratiques artistiques variées à un
prix symbolique d'un euro l'heure préférablement à des
habitants du quartier. Ils sont aussi un moyen efficace de conquérir la
population proche et les jeunes du quartier.
La Maison des petits est un espace aménagé pour
les enfants de 0 à 5 ans, conçu par la designer Matali Crasset.
Dans cet endroit, les parents pourront venir avec leurs enfants. C'est un
espace « d'écoute, de parole, de rencontre et de
sensibilisation précoce à l'art »19(*). C'est une manière
d'attirer un public différent, les parents accompagnés de leurs
enfants, ou les mamans qui usuellement ne fréquentent pas les lieux
culturels avec leurs enfants en bas-âge.
Pour les enfants plus grands, il y aura également une
boutique de biens culturels avec une offre spécifique à leur
destination.
Ajoutons à cela la volonté de créer des
échanges avec les écoles et les associations du quartier. Le
104 se mettra par exemple en relation avec une ou plusieurs structures
du quartier qui proposent des cours d'alphabétisation et de
français langue étrangère. Cela témoigne une
volonté d'établir une communication qui se fera dans
différentes langues majoritairement parlées et écrites par
les communautés des 18ème et 19ème
arrondissements dans le but d'offrir aux migrants une ouverture à la
culture du pays. Toutes les catégories sociales trouveront en
théorie une raison de venir au 104, espace du public. Mais il
ne suffit pas de s'inscrire dans un quartier et de mettre en place des moyens
cohérents pour faire venir la population locale. Les enquêtes
réalisées à La Villette, sur les publics du parc, montrent
bien que si les usagers ou les habitués côtoient le lieu, ils ne
sont pas forcément au courant des pratiques artistiques du lieu, nous y
reviendrons dans la deuxième partie. Il ne suffit pas d'autre par qu'un
visiteur traverse le 104 pour qu'il devienne spectateur, il faut qu'il
accepte de devenir spectateur et de vivre la rencontre. Peter Brook donne une
définition de l'acte théâtral dans L'espace vide
« Quelqu'un traverse cet espace vide pendant que quelqu'un d'autre
l'observe, et c'est suffisant pour que l'acte théâtral soit
amorcé »20(*) mais c'est à condition qu'ils partagent des
référents permettant au spectateur de comprendre et ressentir des
émotions, il ne faut pas juste traverser le lieu, il faut
également observer ce qui s'y passe. Car pour qu'il y ait partage, il
faut que le spectateur potentiel accepte la relation.
B : Reconversion artistique
a : La nouvelle place du spectateur, une place qui
découle du mouvement des performances
La performance est une technique d'expression à part
entière reconnue dans les années 1970. Celle-ci naît dans
un contexte de provocation des normes. Les performances ont lieu en public et
sont utilisées comme « autant d'armes dirigées contre
les conventions de l'art officiel »21(*). Elle prennent jeu au milieu d'une foule et vie par
la présence du spectateur, par l'inscription dans les espaces de la vie.
Elles rejettent généralement les matériaux habituels de
l'art pour utiliser des éléments bruts : (le corps, la
terre, les détritus). Des artistes de l'avant-garde américaine
comme Allan Kaprow et John Cage ouvrent avec ce mouvement une mutation radicale
des pratiques artistiques. Les arts plastiques quittent leurs supports
conventionnels (la toile, la sculpture) pour rejoindre les arts vivants. Ce
sont toujours des expériences directes, le spectacle s'empare de la
réalité.
L'avant-garde américaine est un terme qui
désigne un mouvement né après la deuxième Guerre
mondiale dans les années 1950. Il puise en partie ses sources dans les
mouvements d'avant-gardes européens tel le futurisme, le Bauhaus
(école d'art pluridisciplinaire basée à Berlin) ou le
dadaïsme. Il s'effectue à partir des années 1950 un
déplacement du centre de gravité des arts de Paris vers New York.
Gertrüde Stein, écrit des pièces-paysages
dans les années 1930. Ses pièces sont une succession d'images
linéaire, où chaque spectateur se fait comme dans un train sa
propre image de la pièce, son propre récit narratif. Il est libre
de sa vision. Antonin Artaud en 1938 décrit « la scène
comme un lieu physique et concret qui demande qu'on le remplisse et qu'on lui
fasse parler son langage concret ». Il place le théâtre
non comme un lieu qui reproduit la vie mais comme un lieu de vie. C'est, il me
semble, effectivement un langage propre fait de « tous les moyens
d'expressions utilisables sur une scène »22(*) que recherchent aujourd'hui
les actants de l'art contemporain. Et ce en créant de nouveaux lieux qui
ne soient pas spécifiques à un type d'art et à un public
privilégié. Artaud s'inspire du théâtre Balinais
pour soutenir que le théâtre doit accompagner la vie quotidienne
en s'inscrivant dans un espace total. Le théâtre ne s'inscrit pas
dans un temps mort, un temps à part, mais dans un temps de vie. Plus
tard, Thaddeus Kantor revendique le fait qu'il a « toujours
utilisé des lieux non institutionnels, des lieux qui faisaient des trous
dans l'institution »23(*). Il situe son oeuvre là où deux arts
peuvent se provoquer. Pour ces deux hommes de théâtre, une
rencontre entre plusieurs arts est nécessaire pour que l'échange
artistique ait lieu. Ces trois artistes fondateurs marquent une nouvelle
approche de l'art et de son public. Pour Artaud, Kantor et Stein,
l'expérience du spectateur est première.
En 1948 au Black Montain College, John Cage commence
à développer ses idées auprès d'artistes
américains et fait découvrir celles d'Artaud et de Gertrude
Stein, il est suivi par Robert Wilson. En 1952 il y joue
« Evénement sans titre ». « Cette
oeuvre se composait d'une improvisation chorégraphique
interprétée par Merce Cunningham dans les rangs du public, de
lectures poétiques données par plusieurs interprètes
juchés sur des échelles, de films projetés sur les murs,
de tableaux blancs de Robert Rauschenberg accrochés au plafond et d'une
composition pour piano « préparé »
interprétée par David Tudor »24(*). Cet événement
marque le début d'une période interdisciplinaire où la
dynamique du dialogue des disciplines convoque le public à vivre
l'action artistique. Chaque spectateur se faisant sa propre dramaturgie de
l'oeuvre, vivant sa propre expérience face aux actions dramatisantes. Le
spectacle n'existe pas sans spectateur, une nouvelle façon d'envisager
l'événement par l'expérience du spectateur se dessine. Les
artistes issus de l'avant-garde américaine manifestent un désir
de réouverture des frontières artistiques et initient une
tentative d'éliminer les frontières entre l'art et la vie. C'est
le début des performances.
La performance associe les arts visuels, le
théâtre, la danse, la musique, la vidéo, la poésie
et le cinéma et se définit par l'interconnexion entre ces
disciplines. L'accent est mis sur l'éphémère et le
non-achèvement de la production plutôt que sur l'oeuvre d'art,
représentée et achevée. C'est une dynamique
d'interdisciplinarité où tout se fait sur l'expérience du
spectateur. Le préfixe inter joue avec les
écarts-différences-relations, il y a donc une rencontre et un
dialogue des arts mais ces derniers peuvent garder leur autonomie ou bien se
lier et se mélanger.
Si le futur lieu d'art et de culture parisien, le
104, n'est pas un lieu où se donneront uniquement des
performances, il est intéressant à faire le lien entre le
programme de ce lieu et l'avant-garde américaine : il y a en effet
dans ces deux phénomènes une volonté de diminuer la
frontière entre l'art et la vie en plaçant le spectateur au coeur
du processus artistique et en le rendant participatif de la création.
Le concept de passage qui laisse à supposer que l'on
puisse traverser le lieu occasionnellement sans le prévoir, conduit
à un autre élément de l'avant-garde américaine,
celle du hasard. La notion de hasard est très présente dans les
performances, notamment avec John Cage qui utilise le hasard comme motif
musical. On retrouve au 104 quelque chose du hasard :
l'imprévu de ce que l'on verra ce jour-là, l'aléatoire de
l'événement et de la rencontre.
Par sa configuration, le lieu place le spectateur, public
averti ou non, en position de voyeur. En effet celui-ci se promène dans
le lieu et voit directement le processus artistique. C'est un peu comme dans
une scénographie où l'on se promènerait et l'on verrait
des actions dramatiques différentes suivant le lieu dans lequel on se
trouve. Je pense au spectacle The Tooth Crime, pièce musicale
écrite par Sam Shepard en 1972 et jouée par The Performance
Group. Les spectateurs étaient dans l'obligation de se
déplacer pour pouvoir voir l'intégralité du spectacle. Le
104, c'est presque une pièce paysage, le spectateur qui accepte
l'échange peut se créer sa propre dramaturgie à
l'intérieur du lieu.
b : Quels nouveaux rapports à l'art ?
Avec la multiplication des formes numériques
(télévisions, Internet, téléphones portables...)
les sociétés connaissent de moins en moins de lieux physiques de
rencontres et de discussions. On ne va plus beaucoup à la messe, les
marchés tendent à disparaître, les transports en commun ne
constituent pas des lieux de rencontres très propices à
l'échange...
L'oeuvre d'art peut alors offrir un interstice social. Comme
au 15ème siècle, où l'aristocratie se rendait
au théâtre et au cinéma pour se montrer, se rencontrer
avant et après la représentation et pendant les entractes que
Richard Schechner qualifie « d'événements sociaux
sous-jacents »25(*), l'art est redevenu un moment de rencontre.
Cette rencontre qui se crée avec ces nouvelles
conceptions de l'art implique une nouvelle médiation à effectuer.
Nicolas Bourriaud, théorise l'importance du processus artistique:
« L'art est une activité consistant à produire des
rapports au monde à l'aide de signes, de formes, de gestes ou
d'objets »26(*).
L'art resserre l'espace des relations et privilégie non seulement la
rencontre et l'expérience homme-oeuvre mais aussi la rencontre
homme-homme.
Pour que cette rencontre ait lieu, il est important de
créer de nouveaux moyens de médiation, de constituer une nouvelle
approche du public. La multiplication des festivals partout en France illustre
ces nouveaux modes de communications (premier festival d'Avignon en 1947). Les
rencontres organisées entre artistes et spectateurs à la fin
d'une représentation ou d'une performance également.
Dans les lieux d'exposition, le
« médiateur » remplace petit à petit le
conférencier et, plus que d'expliquer le pourquoi d'une oeuvre, il
engage une réelle discussion avec et entre les publics qui acceptent cet
échange. Il fait exemple de ces moyens de médiation mis en
oeuvre.
La 104 suit cet axe relationnel plaçant
directement l'artiste comme médiateur de sa propre oeuvre.
Frédéric Fisbach le rappelle : « Il n'y a rien de plus
intéressant que d'écouter quelqu'un expliquer son travail. On en
retient toujours quelque chose et il nous reste toujours quelque
chose. »27(*) . C'est pourquoi, bien que les artistes ne
vivent pas en permanence au 104, dans le projet artistique de chaque
candidat à une résidence au 104, il est demandé
d'ouvrir son atelier au public et de discuter avec ce dernier au moins une fois
par semaine. Le lieu artistique se définit souvent par les codes
esthétiques utilisés par les artistes. C'est lui qui, par son
oeuvre spectacle ou oeuvre d'art, va inciter le spectateur à participer,
à devenir acteur de l'oeuvre d'art. Le public qui réagit engage
par l'art une rencontre, un échange. Il devient participatif de
l'oeuvre. Il ne peut plus être un public passif.
c : Le théâtre environnemental
Le mouvement artistique dans lequel s'inscrit le projet du
104 est un mouvement qui va vers le public, pour lui faire vivre une
expérience, un partage ; il se veut d'être un moment de vie.
Pour que le dialogue fonctionne et que le public vive ce moment, la
transversalité n'utilise pas tous les arts mélangés sur
scène mais selon le spectacle, certains des arts qui s'associent, se
traversent. Tout se joue sur le même plan, dans le même
espace-temps. Grâce à ces mouvements pluridisciplinaires, on
cherche à sensibiliser le public pour le pousser à participer.
L'américain Richard Schechner écrit sur le théâtre,
expérimente les formes, produit des modèles théoriques,
met en scène des performances et enseigne le performing arts
à New York University. Il théorise dans son livre
Performance, cette nouvelle approche. Il appelle cela le
« théâtre environnemental 28(*)». Il soutient
qu'« il n'y a pas de technique plus importante pour le
théâtre contemporain que la participation 29(*) ». Il faut initier
le public à participer à l'art, à être actif de cet
art. Une nouvelle médiation, un nouveau chemin artistique est à
créer.
Pour Richard Schechner « le théâtre
est, avant tout une performance présente, définie comme la
manifestation d'une action corporelle (gestuelle, voix, mouvement) dans le
cadre d'un lieu spécifique, conçu pour être
observé »30(*). Il qualifie le public de « partenaire de
la relation de communication »31(*). Pour lui il ne peut y avoir performance sans la
présence et l'échange avec le spectateur. L'art est un
rassemblement nécessaire à l'homme. Si le public est un vecteur
de la performance, l'espace vivant, composé de l'ensemble de l'espace
à l'intérieur du théâtre et pas seulement ce qu'on
appelle la scène, en est un autre. Le 104 c'est un espace
vivant, l'espace de la rencontre. L'intégralité de l'espace doit
être utilisé pour que la performance ou théâtre
environnemental puisse avoir lieu. Dans ce contexte artistique, la
télévision n'est pas un système de communication
interactif. Il montre que le théâtre est avant tout un
événement social. Pour lui le véritable
événement c'est le rassemblement de spectateurs différents
les uns des autres. Schechner définit le théâtre
environnemental comme un ensemble de transaction connexes entre les
interprètes et le public. Tout comme Artaud, il ne place pas la
pièce première. Il met au même plan tous ceux qui
conçoivent l'événement théâtral.
Le « 104 »
représenteraient, comme la friche, ce lieu de vie, de
l'expérience directe et de la performance permanente. Il répond
à la définition du théâtre environnemental selon
Schechner « un lieu qui encourage les échanges à
travers un espace organisé dans son ensemble et dans lequel les aires
occupées par le public s'assimilent à une mer traversée
à la nage par les acteurs, et les aires de jeu à des îles
ou des continents bordés par le public »32(*).
2) Vers une friche institutionnelle
« Sa première originalité est d'offrir
aux artistes un espace immense au sein d'une architecture industrielle qui
n'était pas destinée à les recevoir. Son second point
innovant est de faire cohabiter dans ce lieu ouvert des producteurs et des
artistes de disciplines, de notoriétés et d'horizons
différents, afin de faire naître de leur rencontre des
créations artistiques, mais aussi une potentialité
économique. Le troisième point qui apparaît essentiel dans
le fonctionnement de la Friche est le rapport étroit et nouveau qu'elle
rend possible entre la création et la production »33(*) (Renaud Muselier)
A : Fonctionnement d'un nouveau lieu culturel
parisien
a : Position théorique de deux hommes de
théâtre
Frédéric Fisbach et Robert Cantarella, les
directeurs du 104 sont deux metteurs en scène de
théâtre. Frédéric Fisbach est, de janvier 2002
à janvier 2008, le directeur du Studio-Théâtre
de Vitry ; il est en 2007 le metteur en scène
associé du festival d'Avignon où il monte les Feuillets
d'Hypnos de René Char en associant comédiens professionnels
et amateurs. Après un parcours de comédien à sa sortie du
Conservatoire National d'Art dramatique il oriente à partir de
1996 son travail vers la mise en scène. Il développe un rapport
au théâtre fondé sur quelques axes fondateurs : il
place le public au centre de ses préoccupations de metteur en
scène, dans un acte social, en proposant par exemple un statut de
spectateur-associé à des spectateurs qui interviennent en amont
et pendant des représentations. Il s'écarte cependant de cette
approche sociale du théâtre en montant en 2005 Animal de
Roland Fichet au Théâtre de la Colline. Cette mise en scène
s'inscrivait dans une démarche réflexive et jouait de
l'écart et de la tension, faisait fuir nombre de spectateurs. En
revanche, à Avignon, les Feuillets d'Hypnos étaient
composés de cent six comédiens amateurs aux côtés de
sept acteurs professionnels. Frédéric Fisbach cherche
également des appuis dans les autres pratiques artistiques,
adaptées à la nature des textes présentés, en les
mêlant aux formes théâtrales. On reconnaît par
là des traits fondateurs du projet artistique du 104 :
placer le spectateur au centre du projet, ne pas rester hermétique dans
l'art, mais ouvert à toutes les disciplines. L'aspect social de l'art
semble moins présent chez Robert Cantarella qui est plus connu pour ses
travaux et écrits concernant la mise en scène. Il réalise
des mises en scène de textes contemporains (notamment de Noëlle
Renaude), il crée également la revue Frictions,
consacrée aux arts de la scène ainsi que le festival du
même nom et écrit en 1997 un manifeste Pour une formation
à la mise en scène. Dans la publication
2.représentation Robert Cantarella et Marie-José
Mondzain s'entretiennent autour de l'art contemporain. Robert Cantarella
rappelle que pour lui l'art, c'est « prendre du temps à tenir
l'autre (...) rappeler l'événement du vivant (...) face
à toutes les constructions du réel refaites par la
télévision »34(*). Et Marie-José Mondzain
d'ajouter : « au cinéma, le spectateur est
touché alors qu'il n'y a pas d'effet tactile (...), au
théâtre, le spectateur, même à distance des acteurs,
sent qu'ils ne sont pas intouchables, il partage leur réalité
présente et sensible (...) on respire ensemble »35(*). Cette idée de
l'artiste, « aux prises avec la réaction directe et
immédiate, du public »36(*) est également défendue par Marie
Madeleine Mervant-Roux dans ses écrits sur le spectateur.
Marie-José Mondzain ajoute que l'oeuvre dépend de « la
perception créatrice du spectateur ».37(*) L'artiste, parfois, est lui
même le médiateur de sa propre oeuvre. Et c'est ce que
recherchent les directeurs du 104, que l'artiste explique son art en
train de se faire. Il est intéressant de remarquer que l'artiste est
présent sur le lieu de travail et qu'il assure une part de
médiation. Il y a un effacement de la rupture art/public, l'artiste
médiateur fait le lien dans un acte à la fois d'écoute, de
représentation et de médiation. Il n'est plus
« tranquille » et le travail fini n'est pas un seul
aboutissement. Il y a une « mise en acte de sa
présence »38(*), il doit être là. Tout comme dans la
performance, où c'est l'artiste qui fait directement son art avec sa
personne, ici il y a aussi une idée de l'être là. L'artiste
se doit d'être présent à son oeuvre pour engager le
dialogue, sans forcément tout expliquer, il doit créer la
discussion, être ouvert au public. La position est cependant discutable,
certains artistes sont incapables d'expliquer leur création, ou bien
certaines créations perdent tout leur intérêt dès
lors que le mystère est dévoilé.
On retrouve dans cette discussion une thématique de la
résistance par le théâtre et les arts vivants en
général. Une résistance à l'éloignement et
à la virtualité. L'art cherche le rapprochement, la mise en
contact direct presque tactile d'autrui. Alors que les médias comme la
télévision et internet permettent de savoir ce que fait autrui
sans avoir à lui parler, sans avoir à entrer dans sa
« sphère' . Le 104 ça pourrait être le
lieu de cette respiration commune, de ce rapprochement.
Il y a un point paradoxal dans la direction du 104.
Il s'agit de l'association de deux metteurs en scène. Parce qu'en
général on a idée que la mise en scène ne peut
relever que d'une seule personne. Or ici il y a association de deux artistes
pour partager les idées, une manière de rester dans le
collectif.
b : un projet de transversalité
effectif ?
La Générale était une friche
artistique établie dans le 19ème arrondissement de
Paris, dans un bâtiment qui appartenait à l'Education Nationale.
En Avril 2007, le regroupement, en procès depuis plus d'un an, s'est
fait expulser du lieu. L'association et la communauté artistique du lieu
se sont divisées en deux et une partie du regroupement a
installée ses locaux dans les ateliers désaffectés de la
manufacture de céramique à Sèvres. Ils font preuve d'une
autogestion efficace. Sans aucun personnel propre à l'administratif, ils
organisent expositions quasi-hebdomadaires, concerts, spectacles, ateliers
portes ouvertes, recherches théoriques...
En rencontrant le regroupement de
la Générale en manufacture (Annexe 6),
j'ai pu observer une volonté de transversalité du lieu, que les
artistes mettent parfois en opposition avec des lieux institués, comme
le 104.
Le concept de durée limitée dont parle F.
Fisbach39(*) (Annexe
5) est repris par les actants de la Générale qui
revendiquent le fait de ne pas inscrire leur travail dans un lieu, mais dans un
concept. Ils ont déjà dû déménager une fois,
car ils ne sont pas propriétaires du lieu mais soutiennent :
« On l'a fait une fois, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas
recommencer. Nous ici, il n'y a personne qui est accroché à son
mètre cube »40(*). La notion de collectif, de regroupement est plus
importante que celle de l'inscription dans un lieu par la durée. Le
regroupement est mobile, ouvert et flexible et ne recherche pas
forcément à s'installer définitivement. C'est aussi une
façon d'éviter les fixations. Si les deux lieux veulent
éviter les attributions, il semble que les artistes de la
Générale voient dans le 104, justement une
façon de fixer les choses. Chaque artiste pour une place. Dans l'exemple
d'un squat artistique comme celui de La Générale en
manufacture, Pierre Limpens m'explique que l'intérêt du lieu
c'est aussi l'implication de tous les artistes dans le fonctionnement :
« Ici il n'y a personne qui s'occupe particulièrement de
l'administration, on fait tous tout. Ce sont les artistes qui gèrent le
lieu. Moi par exemple je gère les Résidences, je coordonne un peu
l'ensemble et je fais de la vidéo ». Ainsi aucun autre
personnel que les artistes n'est engagé pour gérer le lieu. Ce
qui ajoute une nouvelle forme de transversalité entre les artistes et
leur travail. C'est aussi je pense ce qui permet la cohésion du
collectif. Des réunions sont organisées
régulièrement, il n'y a pas de séparation
artistes/administration, comme c'est le cas dans un lieu institué comme
le 104. La notion de regroupement est ici importante, car si les
directeurs de 104 parlent d'art collectif, il faut tout de même
souligner que les artistes se croiseront dans le lieu, et qu'un vrai travail de
groupe prendra forcément forme dans une durée limitée. Et
pour qu'il y est une transversalité artistique qui aille plus loin que
la juxtaposition de plusieurs disciplines, il faut que ces mêmes artistes
qui ne se connaissent pas forcément au début acceptent de
travailler ensemble. Ils doivent recréer l'esprit de groupe qui va de
soi dans les friches artistiques. Il faut noter enfin que dans un lieu comme le
104 - où l'artiste, une fois entré en résidence,
n'a pas à s'occuper de la partie administrative ni de la gestion
technique - l'artiste a plus de temps à accorder à sa
création, sans se préoccuper du reste. Mais la
transversalité que les actants du 104 veulent créer est
peut-être plus difficile parce que justement ils veulent fabriquer au
104 ce qui se fait naturellement dans une friche artistique.
B : Un nouveau rêve artistique
a : L'institution
« Vous exigerez de chaque structure
subventionnée qu'elle rende compte de son action et de la
popularité de ses interventions, vous leur fixerez des obligations de
résultats et vous empêcherez la reconduction automatique des aides
et des subventions. »41(*) (Nicolas Sarkozy)
Le 104 est avant tout un lieu initié par la
Ville de Paris et subventionné à 70% par elle.
Frédéric Fisbach entend que la structure soit plus
indépendante de la ville en augmentant les recettes propres et le
mécénat. Il rappelle également, à raison, qu'il
« y a une très grande volonté de la part de la mairie
de Paris, un grand courage de créer un lieu comme ça dans un tel
contexte politique ». Rappelons que les subventions accordées
aux associations sont actuellement réévaluées par le
ministère de la culture en fonction de leur productivité. Pour
que le 104 parvienne à subvenir à ses 30% de recettes
propres, des espaces seront loués à des entreprises dans un but
essentiellement lucratif, les commerces installés dans le lieu payeront
un loyer à la structure. La concession du restaurant et du commerce de
proximité est accordée pour trois années minimum
reconductible. On peut lire dans les conditions d'exploitation du commerce et
du restaurant du site que :
« L'autorisation sera consentie moyennant le
paiement par le preneur d'une redevance annuelle composée d'une part
variable du chiffre d'affaires hors taxes, assortie d'un minimum garanti
équivalant au montant du loyer. À cette redevance s'ajoutent les
charges de bâtiment (évaluées à environ 10% du loyer
annuel hors taxes) (...) Chaque preneur aura à s'acquitter de ses
consommations individuelles d'énergies (eau, électricité,
etc.). » 42(*)
Huit espaces seront également loués pour des
entreprises. La location de ces espaces est à ajouter à la
quête de mécénat culturel. Le mécénat
culturel est un soutien financier, matériel ou humain apporter par une
entreprise ou un particulier à un organisme d'intérêt
général. C'est un don d'argent sans retour. Il ouvre le droit
à des avantages fiscaux. Ce qui apporte aux entreprises qui font
« ce don » une réduction de l'impôt sur les
sociétés qui peut s'élever jusqu'à 60% de cet
apport pour les organismes et pour les particuliers une réduction de
l'impôt sur les revenus à hauteur de 66%.
Frédéric Fisbach entend augmenter les revenus
propres du lieu afin d'être moins dépendant des subventions et du
contrôle de la mairie.
On trouvera des complémentarités dans le sens
où des salles de spectacle pourront être louées pour des
événements artistiques. On peut aussi craindre des
incohérences : locations pour des entreprises purement commerciales
et défilées de modes pourraient donner un côté
mercantile et populaire à l'art. La transversalité qui s'exerce
entre la création et le monde économique devient alors
dangereuse. Cependant, ce fonctionnement qui rend le 104 non
entièrement dépendant de la mairie peut lui permettre tout de
même une autonomie culturelle. Cent deux millions d'euros
représente un budget très important pour un lieu culturel,
surtout dans un contexte où les subventions culturelles diminuent et
où le ministère commence à mesurer la qualité d'un
spectacle par sa jauge. Ce qui s'institutionnalise a peut-être tendance
à disparaître. Beaucoup de friches sont subventionnées par
les DRAC (Entre-Peaux est subventionné par la Direction
régionale des affaires culturelles du centre, Main d'Oeuvre par
la région Ile de France...). Rappelons encore une fois que l'expertise
menée par les DRAC juge parfois sur l'excellence artistique et le taux
de remplissage des spectacles et non la qualité sociale des processus
relationnels avec la population.
Marie-Madeleine Mervant-Roux rappelle pourtant que
« l'événement décisif (du spectacle) n'est ni le
taux de remplissage ou de satisfaction des salles, ni le degré
d'activité visible de leurs occupants, mais la nature de la fonction
octroyée au spectateur »43(*). De ce point de vue-là, le 104 est
donc bienvenu dans le milieu culturel puisqu'il favorise dans son projet
artistique le rapport au spectateur.
C'est malgré tout le budget culturel le plus important
de la ville. Il sera donc signifiant d'évaluer les degrés de
dépendance vis-à-vis des autorités. Quelles sont les
formes réelles de contrôle et quel est le degré d'autonomie
des directeurs dans la programmation artistique et dans la politique d'actions
culturelles, c'est ce que je demande aux directeurs lors du deuxième
rendez-vous. Ces derniers se posent question quant à
l'intérêt pour la ville d'exercer une main mise sur le lieu. La
question est détournée. Pourtant en décembre 2007, La
Ville de Paris présente ses voeux aux Parisiens avec en fond
d'affiche la photo du 104. C'est déjà un premier signe
de la fierté de la Ville par rapport à cet équipement. Le
104 n'est pas une friche c'est un Etablissement Artistique de la
Ville de Paris. Il n'appartient pas aux directeurs, ni au
Ministère de la Culture. Financé par la mairie de Paris
et ayant un objectif de recettes propres, il a un statut bien
particulier : ni le statut d'un CDN (Centre Dramatique National) - bien
qu'il ait des points communs dans son fonctionnement avec les contrats de
décentralisation théâtrale (recettes propres, les
directeurs ont signé avec la ville un contrat de trois ans
renouvelable, obligation de création), ni celui d'un
théâtre national - bien qu'il en ait la même structure EPIC
(Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial). Cet
établissement public est pour l'instant rattaché à une
seule collectivité : La Ville de Paris.
Il n'est pas sous le régime de la loi de
décentralisation théâtrale qui impose, certes, aux CDN des
contraintes mais qui garantit également une obligation de
création et une forme de liberté. Le 104 a son propre
projet artistique, normalement garant de l'indépendance du lieu et de la
création. Mais ce projet artistique est surveillé par la ville.
Il faut donc faire attention avec ce lieu car la politique du lieu, pour
l'instant assez ouverte, est totalement dépendante de la mairie de
Paris. Un changement de politique pourrait entraîner un changement dans
le projet artistique. Le 104 n'est pas à l'abri malgré
sa ligne de création de devenir un lieu de pur production artistique.
b/ Fabrique d'un besoin
Le « 104 » semble vouloir
détourner la question de la production pour rester dans celle de la
création. Voir l'art en train de se faire par les artistes, sans penser
toujours à la finalité.
La programmation du 104 par ses fondateurs qui va
vers le collectif, les équipements
dont il dispose, le nombreux personnel administratif et de
régie technique, visent à en faire un outil original, performant,
exemplaire. Mais justement, l'importance de l'équipement et des moyens,
paradoxalement, ne va-t-elle pas en contre avec ce qui fait la force
créative des friches : la nécessité de s'organiser,
l'état d'urgence, de précarité, l'absence de normes de
sécurité, la légèreté
financière ?
Le « 104 » correspond à un
nouveau rêve qui découlerait du mouvement des débuts de la
performance et des squats artistiques et d'une inclusion totale du public dans
l'art. Le mouvement de mai 68 et de l'avant-garde américaine ont
laissé dans les esprits cette image du « vivre
ensemble », d'une vision plus communautaire et d'un art qui peut se
faire à partir de n'importe quelle matière. Réduire la
distance spectateur-acteur et inciter la rencontre collective tels sont les
objectifs communs de l'art depuis la fin des années 1950 et tels sont
les objectifs du « 104 ». Sortir des lieux
conventionnels, à l'image ennuyante pour le public comme les
théâtres et les musées, pour se promener et vivre un
événement dans un espace total. C'est, je pense le nouveau
rêve artistique du 21ème siècle dans lequel
s'inscrit ce lieu.
Les squats artistiques naissent généralement des
besoins d'un artiste de s'approprier un espace qui favorise son art. Il va
contre les valeurs traditionnelles de l'institution. Au 104,
l'institution cède le lieu à l' artiste, ce n'est plus lui qui
s'en empare, ce qui correspondait déjà au début de l'acte
artistique. Avec cette organisation, la notion de spontanéité de
l'occupation du lieu disparaît. Le 104 est un projet
initié en 2005 et qui verra le jour en octobre 2008, soit après
trois ans de travaux, de préparation, et déjà de
sensibilisation. La notion d'urgence qui apparaît dans les friches qui
répondent à des besoins d'acuité, au moment,
disparaît alors pour laisser la place à l'anticipation. Les
artistes qui veulent être en résidence au 104
déposent des dossiers, passent en études, il n'y a plus cette
notion de spontanéité de l'acte, bien qu'elle existe toujours
pour le public qui voit l'art en train de se faire. C'est peut-être
là que le 104 se distingue en premier de la friche. Il ne
naît pas dans le danger, et les artistes qui y seront pourront travailler
dans la sécurité. C'est bien d'actualité que de faire un
lieu « sécurisé ». À la question
« pensez-vous qu'on peut parler de friche
institutionnelle ? » Frédéric Fisbach fait
remarquer que c'est un paradoxe que de dire « friche
institutionnelle ». Il est vrai que la friche relève de ce
qui est abandonné et délaissé, alors que l'institution,
c'est ce qui est reconnu. Malgré ses ressemblances extérieures,
ses influences artistiques, évoqués et sa volonté sociale
de s'inscrire dans un espace de la vie, le 104 ne peut pas être,
par sa nature, considéré comme une friche. Le geste
créatif qui se fait dans la liberté absolue au sein d'une friche
est ici commandé et anticipé.
c : « La norme engendre le
déclin »44(*)
L'art est aussi une manière de protester contre les
valeurs établies, ou tout du moins c'est une dénonciation, une
idée à faire passer. Or, si l'institution rattrape l'art et tend
vers la normalisation de ce dernier, est-ce que ce n'est pas la fin
annoncée de nouveaux territoires de l'art qui deviennent des
modèles pour les lieux institutionnels ? Le Rapport
Lextrait a permis de recenser ces nouveaux lieux. Mais une fois qu'ils
deviennent modèles, ils perdent de l'extravagance, de leur origine.
Observons ce phénomène avec un autre type de
manifestation artistique illégale qui maintenant devient de plus en plus
instituée : le Technival du premier mai. L'état
prête un terrain pour cette immense Rave Party qui à lieu
tous les ans, le premier week-end de mai. Mais maintenant il y a de plus en
plus de contrôles, de policiers, la presse est présente sur le
site, les « teuffeurs » sont filmés. Et
l'événement perd son aspect de rassemblement libre, qui faisait
son dynamisme. Les « teuffeurs » organisent pour
répondre à cette institutionnalisation qu'ils critiquent un
contre-technival. La collectivité des « teuffeurs »
est alors scindée en deux : les « vrais
teuffeurs », qui ne vont pas au Technival, qu'ils surnomment
« Sarkoval » et les autres, pour l'instant
adeptes du Technival officiel. Ainsi, la communauté des
teuffeurs est divisée, elle ne fait plus une. Est-ce que ça n'est
pas le même phénomène qui se produit avec le
« 104 » ? Déjà je commence
à entendre, quand je parle du lieu, des critiques de la part de la
communauté artistique, adepte des nouveaux territoires de l'art, qui
reproche au lieu d'être trop propre, trop proche de l'institution, pas
assez en marge. Et, il commence à naître au sein de cette
communauté artistique des clans : ceux qui profitent de l'espace
qui leur est offert par la Ville pour travailler leurs arts et échanger
avec le public, et ceux qui mettent à l'index le lieu et qui se dirigent
vers d'autres lieux artistiques plus en marge. Mais quels nouveaux lieux sont
alors à inventer ? et par qui ?
Dans ce que l'on a nommé « les nouveaux
territoires de l'art » on verra bientôt se confondre lieux et
pratiques de médiation. Le 104 est-il simplement un
« nouveau territoire » emblématique de l'actuelle
institutionnalisation de lieux et de pratiques hier marginales ?
Ouvre-t-il le champ culturel à des pratiques et des modes de
médiation nouveaux ? quelles en sont les sources et les
évolutions possibles ? C'est autant de questions qui seront
abordées dans la deuxième partie.
DEUXIEME PARTIE :
RELATION ENTRE LE SOCIAL ET LE POLITIQUE : UN
NOUVEAU STATUT POUR L'ART
Une évolution s'est créée depuis les
années cinquante avec un fil conducteur entre les arts: la
médiation au public. Si les mouvements artistiques sont
différents, un point commun se retrouve : la dimension dialectique
de l'art avec le public, une façon de toucher un public sans
forcément fixer l'art. Ce n'est pas que la place accordée au
public était moindre avant, il a toujours fallu des spectateurs pour
l'art car « Ce sont les regardeurs qui font les
tableaux'· , mais la théorie de l'inclusion se
développe et l'artiste demande au public une part participative. L'art
se rapproche de l'acte social.
1) La question du rapport au spectateur et à la
population au 104
A : Étude autour d'un
événement de médiation au 104 : La
Traversée
a : L'événement
Les 29 et 30 décembre 2007 le 104 ouvre ses
portes pour un moment de préfiguration : La
Traversée. De midi à minuit le samedi 29 et de 9h à
15h le dimanche 30, le chantier du 104 est ouvert gratuitement au
public, pour une première rencontre avec le lieu. Elle permet au public
qui devient spectateur de la transformation du lieu de découvrir
l'architecture, l'ampleur des travaux et son ambition culturelle. Une
autorisation spéciale est demandée à la mairie de Paris
par les deux directeurs qui ne sont pas encore les responsables du lieu et qui
le seront à partir de mai 2008. Les outils de chantiers sont
rangés sur les bas-côtés. Seules les deux halles centrales
qui forment un passage long de 250 mètres joignant la rue Curial
à la rue d'Aubervilliers sont accessibles par le public et la presse.
La Traversée ne se fait que dans un seul sens de la rue Curial
vers la rue d'Aubervilliers, elle doit durer approximativement vingt minutes.
Pour des raisons de sécurité (nous sommes sur un chantier en
cours), les spectateurs ne peuvent s'immobiliser au même endroit trop
longtemps et ne peuvent pas faire demi-tour. Durant ces deux jours, de nombreux
artistes déjà en résidence au 104 et
associés au projet investissent le futur passage parisien et animent
La Traversée en traçant un parcours artistique allant du
métro Riquet au Métro Stalingrad :
Les architectes Berger et Berger travaillent à la
conception de sculptures lumineuses qui seront présentes sur le lieu
lors de son inauguration en octobre 2008. Ils conçoivent
également des micros espaces à structure
légère ;
Le photographe Alain Bernardini prend en photo les ouvriers du
chantier embrassant leurs outils sur leur lieu de travail. Ses photos sont
affichées en grand format tout autour du chantier sur le mur de
l'entreprise Tafanel ;
L'écrivain Jean Paul Curnier écrit des petites
phrases sur les murs-alentours du chantier ;
Le musicien Vincent Eplay, fait un montage de son des villes
associées au lieu ;
Le groupe de designer Expérimental Jet Set
réalise le graphisme du lieu ;
Mai Lucas projette un diaporama de ses photos, portant un
nouveau regard sur la population du quartier ;
L'écrivain Olivia Rosenthal écrit actuellement
une pièce sonore Viande Froide sur l'histoire des pompes
funèbres. Elle lit des extraits de sa pièce sonore au café
Le Mathis, situé à côté du lieu. Le
concepteur lumière Jean François Touchard éclaire toute
La Traversée, et le vidéaste Pierrick Sorin prend les
spectateurs en photo lors de La Traversée.
Ici se manifeste déjà une attitude de la part
des artistes de partir du lieu ou de sa fonction pour ensuite créer
l'oeuvre, partant du chantier, de l'histoire des pompes funèbres, du
quartier ou du public. Les artistes créent en fonction du lieu
d'exposition.
Ajoutons qu'un mot d'ordre était donné au
public, un concours de photos prises depuis son téléphone
portable avait lieu entre tous les spectateurs pour « vivre sa propre
traversée », les photos étaient ensuite exposées
sur le site internet. Cet acte place également le spectateur en position
d'artiste.
Pour promouvoir l'événement, de nombreuses
affiches sont mises en place dans la ville. Des annonces sont publiées
dans les journaux (Libération, Le Monde II,
Télérama...) et à la radio (France Inter est
partenaire de l'évènement). Des informations sur le site du 11
bis sont données sur l'événement, les inscrits sur le site
reçoivent la lettre d'information de l'événement.
Le titre de l'événement est
lancé : « Soyez les premiers à traverser le
104 »
Pour cette première ouverture publique du lieu, les
bureaux du 11 bis rue Curial recrutent et forment par l'intermédiaire
des personnes chargées de relations publiques des Passeurs et
des Médiateurs en contrat à durée
déterminée. Ils ont une différence de fonction.
La mission des passeurs : s'adresser aux visiteurs du
lieu à l'intérieur du 104 pour leur proposer des
explications ou simplement engager la discussion. Ces explications peuvent,
suivant le désir des visiteurs, aborder soit le projet artistique du
lieu, soit son histoire, soit son architecture.
La mission des médiateurs : Le vendredi et le
samedi matin, dans le quartier, tout autour du lieu, ils incitent le public non
averti à la curiosité. Dès l'ouverture de La
Traversée, ils expliquent en plus les oeuvres en place, les
itinéraires possibles
b : mon expérience de médiatrice au
104
J'ai travaillé au 104 en tant que passeuse,
pour La Traversée. Nous sommes soixante-dix Passeurs
en tout. Les Passeurs durant l'événement de La
Traversée n'étaient pas reconnaissables. Notre but
n'étant pas de tout connaître et de faire une conférence
sur les tenants et les aboutissants du lieu, mais, simplement d'engager une
conversation avec les visiteurs. Pour cela, plusieurs méthodes :
soit nous étions à l'entrée, côté rue Curial
et nous traversions tout l'édifice avec un groupe de visiteurs qui,
curieux du lieu demandaient à faire une visite
« guidée », soit nous interceptions à
l'intérieur un questionnement sur un sujet et nous en profitions pour
engager une discussion. Le passeur/médiateur provoque la
rencontre, l'interrogation et donc la discussion. Il est aussi là pour
rassurer certaines personnes inquiètes de la venue d'un tel
équipement culturel dans le quartier. Beaucoup de visiteurs
étaient surpris en arrivant dans le chantier, le besoin d'exprimer leur
surprise à un autre individu se faisait sentir, nous étions
là pour partager leur étonnement. Certains des médiateurs
parlaient des dialectes (le Wolof, dialecte Sénégalais, ou le
Fon, dialecte Béninois par exemple) pour être aptes à
renseigner les visiteurs qui comprenaient mal le français. Des visites
étaient également prévues en langues des signes.
Les passeurs sont de tout âge, de tout type, artistes ou
non artistes, ils ont été préparés pour cet
« acte de confiance », choisis pour « faire
partager à tous l'ambition et la passion du projet »45(*).
J'ai pu constater en travaillant au 104 ce samedi
soir, la venue de beaucoup de gens du quartier. Ils sont
généralement très contents du lieu et de
l'aménagement progressif du XIXéme arrondissement par la Mairie
de Paris. Beaucoup citent l'aménagement du jardin d'Eole, juste en face
du 104. Le 104 s'inscrit dans le renouvellement du quartier,
et les habitants qui ont parfois l'impression d'être
délaissé par rapport aux quartiers sud, sont fiers des nouvelles
installations. Certaines personnes pensent qu'elles y viendront, d'autres sont
dubitatives. Par contre certains sont mécontents de l'abandon progressif
du marché Riquet juste à côté du 104 et il
y a là un paradoxe, les créateurs du 104 parlent de
créer un nouveau lieu de rencontre dans le quartier, or, un
marché ne constitue-il pas par définition un lieu de rencontre,
surtout dans ces quartiers populaires ? Les patrons des cafés
voisins (café Au Curial, café le Pascali,
café le Mathis, Brasserie du Parc) apprécient
l'établissement d'un équipement culturel nouveau dans le
quartier. Un tel lieu est susceptible de leur apporter une nouvelle
clientèle. D'autres personnes du quartier ne croient pas en la
pérennité d'un tel lieu. Précisons que le prix de
l'immobilier est haussé dans les agences par la présence du 104
« ce charmant appartement faubourien est situé à
proximité du canal et du 104 »46(*). Le site de "l'immobilier intelligent"47(*), BMI Key donne des
précisions sur la mutation du quartier sur l'établissement de ce
lieu culturel. « L'ancien bâtiment des Pompes funèbres
municipales créé par les architectes Delebarre et Godon en 1874,
d'une architecture industrielle, deviendra à l'automne un immense
établissement artistique de la ville de Paris. »48(*) Cet argument immobilier
inquiètent certains habitant du 19ème arrondissement.
Les personnes à faibles revenus craignent d'être repoussées
hors du quartier. Quelques-uns ont peur de la venue d'étrangers
« La peur de l'autre, de ce qui est différent » nous
dit F. Fisbach, nous cherchons « un art qui va à la rencontre
de l'autre, et non qui s'en éloigne. » Beaucoup d'artistes
s'interrogent sur la pérennité du lieu, notamment avec l'approche
des élections municipales de mars 2008. Ils doutent des
résidences. Seront-elles justement attribuées ? Ils
craignent la main mise de la part de la Mairie de Paris ou des directeurs.
Le public est hétérogène : habitants
du quartier, de la banlieue proche, du sud de Paris. Ils viennent par
curiosité : certains ont entendu parler de
l'événement à la radio ou dans des journaux, d'autres ont
vu des affiches, le bouche à oreille est également un facteur
important. Les individus viennent seuls, en famille, ou entre amis.
Certains sont impressionnés par la vitesse à
laquelle la rénovation et la reconstruction se font en même temps
(réhabilitation, reconversion). On retrouve bien ici le thème de
la reconversion, déjà présent dans les friches
culturelles, à la différence que plus que de reconvertir un lieu,
on va ici jusqu'au réaménagement du lieu par la reconstruction.
On en fait un vrai lieu artistique aux normes, alors que les friches
squattées ne posaient pas ces problèmes de normes de
sécurité. Il faut noter aussi que bon nombre d'entre elles ont
fermé pour ces mêmes raisons, les artistes n'ayant pas les moyens
de payer les travaux pour faire de leur squat un lieu conforme à la loi
et accessible par le tout public.
Je rencontre également le président du conseil
de quartier du XIXéme Monsieur Demange49(*), qui me dit que le 104 n'a jamais
été squatté, contrairement à l'image qu'il
reflète, de la mythologie du squat d'artistes. Ainsi, à
l'intérieur même de l'équipe de médiation,
l'échange et la transversalité sociale sont déjà
présents entre un groupe hétérogène d'individus.
c : Le médiateur est-il
nécessaire ?
Un médiateur « sert d'intermédiaire,
d'arbitre, de conciliateur » 50(*), la médiation est « une entremise
destinée à apporter un accord »51(*). Plus que d'apporter un
accord, les médiateurs dans l'art ont pour mission de servir
d'intermédiaire entre le spectateur et ce qu'il voit. Ils doivent rendre
l'art accessible au spectateur, réussir à placer les deux sur un
même plan, une même transversalité. C'est, toujours dans
cette idée de rapprocher l'art de la vie et du quotidien que le
médiateur intervient pour faciliter le rapport à l'art, le rendre
visible par tous. Il intervient pour permettre au spectateur de trouver un
chemin de compréhension devant une oeuvre.
Dans un lieu qui pousse à l'échange et à
la rencontre, il paraît logique qu'il y ait des personnes pour provoquer
cet échange s'il ne va pas forcément de soi. Mais devant certaine
oeuvre, le médiateur s'avérait inutile.
C'est le cas de Pierrick Sorin qui pour cet
événement propose une création vidéo participative
dans la Nef Curial. Son projet consiste à diffuser un
« tableau animé » ultra-panoramique,
constitué par juxtaposition de cinq projections synchronisées. Le
tableau représente un paysage de chantier, réalisé par
photomontage à partir de prises de vues effectuées sur le site du
104 en travaux. Dans ce paysage circulent des personnages, à
califourchon ou assis sur divers objets eux-mêmes issus de chantier (sac
de ciment, marteau piqueur, tractopelle...). Ces personnages ce sont les
visiteurs qui, rapidement photographiés dans un petit espace studio
à proximité des images projetées, se voient mis en
mouvement dans le paysage. Ceci par un procédé de montage
où l'image est traitée en moins de cinq minutes. Le spectateur,
étonné de voir son image projetée aussi rapidement, engage
de lui-même un échange avec autrui, pour partager sa
surprise. J'ai travaillé plus tard sur une installation de ce
même artiste à la Maison des Arts de Créteil.
L'oeuvre Warming seat est un petit préfabriqué en bois
dans lequel le visiteur entre seul. Il s'assied en face d'un écran dans
lequel il se regarde de profil et appuie sur un bouton. Se regardant dans
l'écran, il voit un homme (Pierrick Sorin) venir derrière lui et
allumer un feu sous son tabouret. Le visiteur réagit (joie, peur pour
les enfants, surprise, cris...) et ressort de la boîte. Il
aperçoit alors sa réaction projetée en grand écran
au milieu de l'exposition, dans un espace plus solennel.
Il y a dans les deux installations un effet de surprise, mais
la réception est différente suivant le lieu et le contexte.
Au 104, on ne peut passer qu'un par un pour faire
cette oeuvre participative. Il y a alors un phénomène de file
d'attente, les spectateurs attendent et engagent la discussion. Il faut faire
attention, car il y un esprit plus populaire (type fête foraine) qui
s'installe entre les gens et beaucoup oublient qu'ils vont voir une
« oeuvre d'art ». La limite ici entre l'art et la vie
diminue donc mais avec un aspect péjoratif pour l'art qui se rapproche
alors de l'attraction, phénomène que les critiques d'art
qualifient d'entertainement. Il est accessible par tous, mais certains
oublient qu'il s'agit d'une installation élaborée par un artiste.
Il en fut de même à la MAC, avec les groupes de lycéens qui
se bousculaient pour se faire prendre en photo une fois le dispositif connu.
Dans ces moments-là, il me semble que la présence d'un
médiateur est utile pour développer le fonctionnement et rappeler
au public qu'il s'agit bien d'une oeuvre d'art.
B : la transmission
a : Une nouvelle dramaturgie à inventer
Le 104 c'est aussi une droite coupant la courbe du
temps artistiques en deux points : il joint celui de la performance et de
l'interdisciplinarité à toutes les disciplines de l'art
contemporain. Il ne faut cependant pas confondre les dramaturgies mises en jeu
dans la dynamique interdisciplinaire- qui crée sur la scène un
tissage particulier entre les disciplines -et la nouvelle dramaturgie à
inventer dans un lieu transdisciplinaire comme le 104.
Le 104 est un établissement artistique de
la ville de Paris, nom trouvé spécialement pour ce projet.
Diverses notions sont à l'oeuvre dans ce projet : dialectique entre
les arts, dimension pédagogique dans les relations avec le public.
À lire les documents et écouter les acteurs du
104, on retrouve une sémantique particulière dans les
termes employés pour parler de ce lieu. Un nouveau vocabulaire se
crée, issu de vocabulaire du nouveau cirque et du hip hop mais typique
au 104. Des entretiens avec Cantarella et Fisbach des mots/formules
sont sortis : « traversé humaine »,
« inventer un lieu de transmission » « passeurs
parleurs » « chemin de
créations »52(*). Un vocabulaire narratif, imagé, dynamique,
qui rappelle que les directeurs voient également le lieu en tant que
scénographes d'une dramaturgie culturelle. Une nouvelle dramaturgie
à inventer et qui favorise en théorie la démarche vers des
publics plus populaires, la rencontre, « l'art qui s'éprouve
au quotidien »53(*). Pour les deux directeurs, le
« 104 » c'est avant tout un lieu de
création artistique qui s'éprouve au quotidien et qui est
indépendant de la production. Il y a donc une mise en scène du
lieu à imaginer l'espace artistique devient espace dramatique. Cette
mise en scène voit le lieu comme un espace dramatique duquel on ressort
en ayant vécu une expérience, tout comme lorsqu'on va au
théâtre. Imaginer que c'est un lieu du quotidien, imaginé
que c'est la rue, une rue scénique. C'est un lieu de happening si on se
réfère à la définition de ce dernier par le metteur
en scène Peter Brook dans L'Espace Vide « De
même qu'une peinture, un happening est conçu comme un nouvel
objet, une nouvelle construction introduite dans le monde pour l'enrichir, pour
ajouter à la nature, pour accompagner la vie quotidienne54(*) ».
Le 104 rechercherait à retrouver ce besoin
commun, oublié, qui existe entre les hommes de partager une
expérience commune devant une oeuvre d'art. L'art pour l'art, sans
obligation de production, mais qui cherche juste l'expérience du
spectateur, c'est ce à quoi vise ce nouveau territoire de l'art.
Les directeurs du 104, dans leurs projets, entendent
réunir au sein du lieu un public hétéroclite parce
qu'aujourd'hui à Paris, « il existe trop peu de lieux de
rencontre »55(*). Ils aspirent à faire vivre l'art dans ce
quartier difficile et hétérogène. Des réunions avec
les habitants du quartier sont déjà organisées
régulièrement au 11bis rue Curial pour les tenir
informés de l'évolution du projet et des prochaines rencontres
artistiques. Le Jeu "de mon balcon" est initié :
« Alimenté par les contributions des riverains apercevant tout
ou partie du site depuis leurs fenêtres, un espace numérique sur
le site du 104 qui témoigne de l'évolution du chantier
au fil des saisons, vu par les riverains. »56(*) Tous les habitants du quartier
apercevant le 104 depuis leur fenêtre sont invités à
photographier le chantier en évolution. Après ouverture, les
actants du lieu espèrent que ce dispositif sera reflet de
l'activité du 104, de son inscription dans le quartier. Enfin, signalons
que dans le « contrat » des résidences, il est
spécifié que "chaque résidence commence par une quinzaine
de jours de découverte de l'environnement du lieu, en compagnie d'un
riverain, ambassadeur volontaire de son quartier."57(*) C'est une manière de
créer l'échange et aussi de permettre à l'artiste de
travailler en fonction du nouvel environnement qu'il habite.
b : L'exemple d'un artiste résident du 104 qui
exerce un art ouvert à la communication : Nicolas Simarik.
Nicolas Simarik est né le 10 mars 1977 dans la
région parisienne. Il est diplômé de l'école des
beaux-arts de Bourges puis de Nantes. Il est actuellement en résidence
au 104 pour l'élaboration d'un projet constitué de
clés. En 2006 il réalise à Toulouse un catalogue
« La Déroute »58(*). Ce catalogue est une oeuvre artistique contemporaine
prenant la forme d'un faux catalogue de la Redoute. C'est une oeuvre
collective et participative qui propose une image du quartier toulousain
Empalot.
« Le propos de ce livre d'image sera d'utiliser un
support connu de tous pour mettre en valeur la vie quotidienne d'un
quartier »59(*)
Le magazine, oeuvre d'art, se présente comme le porte
parole de l'architecture, de la vie d'un quartier.
Partir du quotidien pour arriver à une oeuvre
artistique c'est la recherche globale des artistes du 104. S'inspirer
du quotidien des personnes qui côtoie l'art en train de se faire pour
faire un art plus accessible et plus proche.
« Pour l'ouverture du 104, Nicolas Simarik
propose un projet participatif de grande envergure autour du thème
symbolique de la clé. Allant à la rencontre du plus grand nombre
par le biais de récoltes de clés, il organise des tournées
locales, nationales et internationales. Il se lance le défi d'amasser un
million de clés, pour les agencer ensuite en un immense
parterre. »60(*)
Cette gigantesque oeuvre collective marque bien la
volonté réelle de cet artiste résident de s'adresser au
plus grand nombre. « Certifiant l'idée essentielle que l'art
se manifeste aussi dans le quotidien et le lieu dit
commun. »61(*).
Cette image illustre bien que ce qui est important ce n'est pas le
résultat final, mais le processus de création avec la population.
Ici les moyens mise en place pour l'oeuvre sont en même temps le but et
la signification de cette dernière. Avec l'art participatif ou
« l'art en train de se faire », voici l'arrivée de
nouvelles notions d'espaces, temps, lieux.
c : Espaces-temps-lieux.
Avec cette conception de l'art comme fait de
simultanéité et de société, il se construit une
nouvelle temporalité. Cette temporalité est différente de
celle du temps de la représentation ou de l'exposition : le temps
accordé pour l'art va plus loin que le simple temps de la
représentation. C'est une transversalité qui est temporelle. Avec
« l'art en train de se faire » le temps de la fiction a
disparu, il n'y a plus que temps de la représentation, de
l'expérience. Cette durée est la même pour le spectateur et
l'artiste. C'est un temps qui s'inscrit dans la vie. Il se mélange avec
le lieu traversé.
Au 104, le temps artistique peut correspondre au
chemin parcouru entre la rue Curial et la rue d'Aubervilliers. Comme pour
l'exemple de la Villette, il se confond avec un temps de vie. Les courbes de
l'espace et du temps sont dans la même transversalité. Le moment
artistique n'est plus forcément un temps de pose où notre corps
ne bougerait plus dans l'espace.
De même que pour le spectateur, le rapport au temps est
différent pour l'artiste. Avec cette esthétique participative, ou
du moins de l'échange, ce n'est pas le but qui compte, mais le processus
de création avec le public comme le montre l'exemple des
créations de Pierrick Sorin et Nicolas Simarik. Le spectateur, dans ces
dispositifs, se retrouve malgré soi artiste à la place de
l'artiste, tandis que celui-ci regarde le spectateur et joue avec/de lui.
L'oeuvre ici n'existe pas en amont du spectateur, elle n'existe que par lui, et
la création a lieu en temps direct. L'autonomie de l'oeuvre d'art tend
à s'effacer pour se rapprocher (par le truchement) de la technique. On
entre donc dans une esthétique du moment qui fait l'oeuvre. Et
« l'oeuvre authentique, en vérité, c'est
l'oeuvré et son temps réel (...) le moment de son
élaboration »62(*). L'oeuvre ici n'est jamais terminée,
différente pour chaque spectateur, c'est le processus, de
création qui fait l'oeuvre. Son résultat ne s'inscrit pas dans un
temps fini, puisque toujours changeant. Comme la représentation
théâtrale et les performances, cet art, qui s'inscrit dans un lieu
et non dans une durée devient éphémère. Il existe
uniquement pour le lieu, tout comme il prendrait place dans un endroit de
l'espace public, il s'établit dans son contexte.
Mais voir l'art en train de se faire ne marque-t-il pas le
début de la disparition de la magie dans l'art ? Il y a
indéniablement un rapprochement vers la technique. Ce qui constitue la
fin de l'illusion du mystère de la création : Le spectateur
et l'artiste sont maintenant sur le même plan. Ils évoluent sur la
même transversalité. Cette transversalité est spatiale. Ils
sont dans le même espace, il n'y a plus, avec ces nouveaux lieux, de
différences, de niveaux de séparation scène/salle. Sauf
pour les salles de représentations incluses dans le lieu, mais pour ce
qui est de La Traversée propre du 104, de la
promenade, les artistes créent leur art au même niveau que le
spectateur. L'art est inclus dans le lieu de vie.
2) Transversalité sociale
A : Inscription du 104 dans son milieu
L'espace public est libre, d'accès gratuit et
fréquentable par tous. Il est « espace de médiation des
rapports humains, lieu de rencontre et d'interactions
sociales »63(*).
L'espace public est le terrain de nombreuses installations artistiques, les
colonnes de Buren, derrière la Comédie Française à
Paris en sont l'exemple le plus connu. De plus en plus de manifestations ont
lieu en espace public, citons en exemple la manifestation « Mots
publics », organisée par Agrafmobile le 19
octobre 2007 dans le quartier Saint Blaise, 20ème
arrondissement de Paris. Agrafmobile est une association qui
privilégie les interventions qui investissent l'espace urbain.
« Mon envie, c'est de recréer par ce théâtre
visuel un espace public qui donne à voir et à lire autre chose
que des signes administratifs et des messages commerciaux. Une tentative de
reconquérir l'espace public comme espace d'imagination appartenant
à ceux qui y vivent... »64(*) explique Malte Martin, le directeur artistique
d'Agrafmobile. L'espace public c'est ce lieu qui appartient à
personne et à tout le monde dont les artistes s'accaparent parfois pour
le transformer en espace artistique.
a : Exemple d'un espace public culturel
parisien : La Villette
Le Parc de la Villette dans le 19ème
arrondissement de Paris fait partie de ces lieux ouverts, susceptibles
d'attirer un public varié. Il est intéressant de remarquer que le
Parc de la Villette pratique une politique particulière pour
attirer un large public (espace de promenade, jeux pour les enfants,
concerts...). Il est créé sur le site des abattoirs de la porte
de la Villette où il y avait un vaste terrain et deux bâtiments
principaux, la grande halle du 19ème siècle, et les
abattoirs construits dans les années 1960.
Un concours d'architecture est remporté par
l'architecte Bernard Tschumi (suisse américain) qui propose un projet
programme, capable d'accueillir de multiples activités. Le projet est un
système de tracés et de points qui, selon la volonté de
son concepteur, ne cesse d'évoluer. La grande halle accueille des
expositions et spectacles, les abattoirs modernes la Cité des sciences,
les points du tracé Tschumi les Folies. Les vingt-cinq Folies sont
espacées de 120 mètres dans le parc. Certaines ne sont que
figures urbaines vides (à investir), d'autres hébergent des
activités diverses (ateliers, centre d'informations, billetterie,
antenne de secours, restaurant Quick). Portzamparc a conçu le
Conservatoire et la Cité de la musique (enseignement, spectacles,
concerts, expositions, musé). Jean Nouvel est lauréat en
2007-2008 du projet de Salle Philharmonique.
Le parc, aménagé en différentes
séquences paysagères thématiques, offre de vastes surfaces
de pelouses et des aires de jeux pour les enfants. Il attire la population des
quartiers voisins et des banlieues proches. Les publics de la Cité
des sciences, de l'espace chapiteau, du théâtre
Paris-Villette, des manifestations de la Grande Halle, de la
Cité de la Musique, du Zénith, ainsi que des
événements plus périodiques (cinéma plein air, feux
d'artifices) s'y croisent. Ce qui établit en apparence une
hétérogénéité culturelle. Jacques Martial,
dans l'édito du programme de la saison 2008 de la Villette
écrit : « le rôle de la Villette (...) est de
créer un environnement propice à la découverte des arts et
à la démocratie culturelle dans le but d'offrir à chacun
l'opportunité de son développement sensible, intellectuel et
citoyen »65(*).
Cependant, plusieurs enquêtes réalisées
sur le site de la Villette et disponibles sur le site Internet du lieu montrent
que les visiteurs favorisent le côté pratique à venir dans
un lieu et pas forcément l'aspect culturel. On vient pour courir,
promener son chien, ou bien pour le plaisir de sentir des fleurs66(*).
Les « Rencontres de la Villette», manifestation
pluridisciplinaire annuelle, proposent un éventail des formes
artistiques émergentes en danse urbaine et en théâtre.
Elles attirent généralement un public socialement
hétérogène. Cependant « ces différentes
catégories de public étaient amenées à se
côtoyer par le caractère pluridisciplinaire de la programmation,
mais on remarquait néanmoins que les comportements d'ouverture et de
découverte à l'égard des disciplines autres que celle qui
les avait motivés à venir, étaient freinés par tout
ce qui instaurait une trop grande distance entre le public et
l'offre »67(*).
Les publics intellectuels et habitués aux sorties culturelles se rendent
aux rencontres théâtrales, les publics plus jeunes et des
structures sociales sont plus attirés par la danse. Mais, «
les éléments de continuité entre les différentes
propositions s'avéraient favorables à la découverte (le
principe du forfait et de la libre circulation, les offres transversales
mêlant plusieurs langages ou associant artistes professionnels et
amateurs) ». La continuité et la transversalité
artistiques favorisent donc bien les échanges sociaux entre les publics.
En lissant les enquêtes sur les usagers du parc, on peut voir que les
visiteurs les plus réguliers sont les usagers ou les familiers. Les
« familiers » s'approprient le lieu de façon ouverte et
active, un nombre important d'entre eux participe aux événements
culturels du parc, tandis que les « usagers » l'utilisent comme un
espace vert de proximité.
Les « familiers du site » sont présents toute
l'année sur le site et s'intéressent aux offres culturelles du
Parc de la Villette. Et ce, malgré un profil social qui, loin
de favoriser ces pratiques, joue habituellement un rôle de
barrière culturelle.
C'est à travers cette partie du public que le Parc
de la Villette met véritablement en oeuvre sa mission de
démocratisation culturelle. Le 104, pour mettre
également à l'oeuvre cette volonté de
démocratisation culturelle, devra à travers sa programmation et
les espaces annexes qu'il offre trouver les moyen de se faire une public de
familier.
De plus « La médiation culturelle
représente une activité importante au Parc de la
Villette : en 2004, le service de médiation culturelle a mis en
oeuvre quelque 1300 actions - des journées de formation, d'ateliers, de
visites, de débats, etc. - qui ont touché près de 26.000
personnes, pour l'essentiel des professionnels de l'enseignement et de l'action
socioculturelle ou socio- éducative, accompagnés ou non de leurs
élèves ou de leurs groupes. »68(*). La médiation mise en
place aide à la sensibilisation culturelle des promeneurs du parc.
Cependant, le fait qu'il y ait autant de sondages sur les usagers montre que
répondre aux attentes d'un public hétérogène ne va
pas de soi, et qu'il ne suffit pas d'être dans un quartier populaire pour
attirer toutes les catégories sociales dans un espace, même si
celui-ci se rapproche de l'espace public.
b : Le 104, espace public ?
Avec un espace traversier, « seul lieu d'art
où l'on n'est pas obligé de rentrer par le même endroit que
là d'où l'on est sorti »69(*), véritable passage
public parisien ouvert de 8h à 22, le 104 évolue
au-delà de la notion de propriété privative de l'espace de
création vers celle d'ouverture, donc de perméabilité au
voisinage, au public. C'est un lieu de rassemblement social d'individus, en
théorie de classes hétérogènes, un lieu
sociologique, un lieu qui s'approche de l'espace public.
« C'est ça, la rue ouverte à tous en
question, où l'on pourra voir l'art en train de se faire. C'est un
chemin de création»70(*) explique Frédéric Fisbach.
« Une rue ouverte à tous » c'est
donc bien de créer un espace sur le modèle d'un espace public que
recherchent les directeurs avec ce lieu.
L'espace se présente effectivement comme un long
passage couvert d'une verrière, bordé d'ateliers de
création et de divers équipements de réalisation
artistique, de monstration, ou de services. Il concourt à part
entière aux objectifs : L'art en lui-même devient un lieu de
transversalité, par la médiation que la forme urbaine impose de
fait au public. Il y a un rapport dialectique entre le lieu et la culture. Un
désir par les acteurs du « 104 »
d'attribution collective d'un lieu au public. Le désir de créer
un espace ouvert que la collectivité a en partage.
La notion d'espace public n'est jamais
évoquée dans les textes qui viennent de l'équipe du
104.
C'est une rue qui permet de voir « l'art en train de
se faire »71(*)
par les artistes, un espace de la création. Un lieu de passage, de
rencontre et d'interactions sociales, c'est bien ce à quoi le
104 s'apparente. C'est un espace libre d'accès gratuit et
fréquentable par tous. Ce qui reste toujours dans le domaine de l'espace
public. Pourtant, s'il se rapproche de la rue, de la vraie voie publique, il
n'est pas complètement un espace public. Car un espace public, se
référant à la thèse de Jürgen Habermas,
philosophe allemand, intitulée L'espace public :
archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la
société bourgeoise et qui date de 1963, est un espace
« gouverné par la raison », où la
« critique s'exerce contre le pouvoir d'état »
72(*). Or le 104
est un lieu institué, ce qui semble aller contre un espace de la
critique du pouvoir d'état. Les premières résidences
démontreront si cet espace peut recevoir des artistes qui exercent leur
art dans ce registre. Ce passage est fermé la nuit, il n'est pas
complètement public car appartenant à la mairie et demandant des
normes de sécurité particulières (une caserne avec des
pompiers qui travailleront en permanence sur le lieu est construite). Ainsi, ce
n'est pas totalement un espace public, et pourtant on en est très proche
et les notions d'espace, de temps et de lieu sont donc différentes de
celles des lieux conventionnels de l'art.
Le 104 représente un effacement progressif de
la frontière entre lieu public et lieu privé. Il incarne le refus
du cloisonnement, l'espace multiple cité par Jean-François
Augoyard : « Il faut concevoir des espaces qui offrent le
maximum d'usages possible, qui permettent l'appropriation et sa
dynamique »73(*).
c : Le 104 dans le contexte culturel actuel
Parce qu'à Paris, on trouve beaucoup de lieux de
représentation et peu de lieux de travail, il faut inventer avec le
104 un lieu de transmission. Mais si les friches sont des laboratoires
de la décentralisation, le 104 malgré tout s'inscrit au
coeur de la capitale française déjà très
culturelle. Il viserait donc à décentraliser la culture à
l'intérieur même de la ville. Il faut ici faire un court point sur
l'offre culturelle parisienne relativement vaste. En effet, d'après la
base de donnée en ligne sur le site Internet du Ministère de
la Culture74(*), la
capitale française recense en tant que lieux subventionnés :
13 compagnies résidant dans la ville, 37 théâtres; 32
compagnies, deux grands festivals, plusieurs associations culturelles
(seulement trois sont recensées par le ministère) et un grand
lieu pluridisciplinaire : le Parc de la Villette, situé
dans le même arrondissement que le futur
« 104 ».
Tout ceci sans compter les squats artistiques établis
à Paris et les lieux non subventionnés. On compte actuellement
une vingtaine des squats culturels à Paris regroupant plus d'une
centaine de créateurs. Il ne s'agit pas alors de critiquer l'ouverture
d'un nouveau lieu culturel dans la capitale, mais bien de voir en quoi ce lieu
apporte un renouvellement dans l'offre culturelle parisienne. En quoi il
pourrait rentrer dans une autre catégorie que cité au-dessus.
Le 104 est en correspondance avec quatre
lieux hors de France. À Berlin, Sasha Waltz et Jochen Sandig pour
la danse, Folkert Uhde, pour la musique, viennent d'ouvrir (Septembre
2006) le RadialSystem dans un ancien transformateur électrique
situé au bord de la Spree. À Rome, en 2008, Zone Attive
aménage dans les anciens abattoirs de la ville un complexe de 10000 m2
dédié à l'innovation dans les arts. À Madrid, le
Matadero se situe aussi dans les anciens abattoirs, coron de
l'architecture industrielle, et s'étend sur 148000 m2. Enfin le 104 est
en associations avec une école pluridisciplinaire de
référence aux Etats-Unis : le CalArts. Tous ces lieux sont
créés sur des bases similaires aux 104 : ils croisent
les arts et se soucient de la transmission au public. Ces nouveaux sites d'art
s'allient, ensemble, à repenser la place de l'artiste dans la
société, les conditions de production et les modes d'accès
à l'art. Ces lieux « partagent leurs expériences,
mettent en commun leurs forces »75(*). En me rendant à Berlin au RadialSystem,
je me suis aperçue que c'était un lieu peu ouvert au public
et qui engageait moins à la discussion. Berlin est riche de lieux
artistiques ouverts, où les artistes sont présents, prêts
à échanger avec le public. Au RadialSystem, allant le
jour où il n'y avait pas spécialement d'événement,
je n'ai trouvé personne pour m'informer de la programmation artistique
du lieu. Cet espace privé, en apparence sclérosé,
construit dans une ville pourtant ouverte à l'échange culturel
pourrait-il représenter l'avenir du 104 ?
B) les perversions du système
a : Vers un art uniquement contextuel
Considérons, sans l'appeler ainsi, le 104
comme un espace public : la place de l'art change donc
légèrement pour se rapprocher de l'art contextuel dont parle Paul
Ardenne. Cet art s'illustre soit dans les Happenings en espaces
publics, soit lorsque l'art investit l'espace urbain ou le paysage. Dans la
plupart des cas, il est fondé sur une esthétique participative et
« opte donc pour la mise en rapport directe de l'oeuvre et de la
réalité sans intermédiaire »76(*). Il semble que
l'esthétique du lieu étudié se rapproche de ce concept
d'art contextuel qui favorise la situation et le processus artistique avant le
résultat. Comme dans la performance, l'artiste doit être
présent et dans les moments d'échanges avec le public, il y a
pour lui, une réelle mise en acte de sa présence.
« L'art contextuel reconfigure la destination de l'art, qui
dépasse ainsi le champ de la seule contemplation, et requalifie la
notion « d'art public ».77(*) Ces oeuvres participatives qui offrent au public des
« situations à composer »78(*) qui se développeront au
104 sont généralement plus faciles d'accès au
public. Mais Paul Ardenne nous met bien en garde : l'art contextuel
correspondrait à un rêve artistique commun dans lequel tout le
monde pourrait se reconnaître et trouver sa place. Objectif qui peut
être périlleux. Il ne faut pas, sous prétexte de vouloir
absolument toucher un public faire de l'art qui serait plus
« facile ». La banalisation de ces formes d'art et le
rêve de donner du plaisir au public sont deux éléments de
la création qui pourraient s'avérer contraignants. Il importe de
faire attention à bien rester dans la surprise pour le spectateur.
Être attentif à ce que ce dernier ne devienne pas un
habitué de ce processus artistique qui l'inclut dans le travail. D'autre
part, la position du créateur est à considérer. Cette mise
en public ne convient pas à tous, et certains ont besoin de solitude, de
secret, de concentration et de recentrement sur soi pour produire une oeuvre
qu'ils considèrent comme aboutie. La notion de production d'une oeuvre
d'art en tant qu'objet ne peut pas être totalement éliminée
du champ de l'art.
c : Passer outre l'obligation de production
La performance et l'installation artistique contemporaine ne
peuvent être ni achetées ni vendues. Il y a avec cette conception
de l'art en train de se faire une invitation pour le spectateur de
reconsidérer la place de l'art dans la société. Bourriaud
dit que « ce qui ne peut se commercialiser a tendance à
disparaître »79(*), l'art non tangible aurait-il alors tendance à
disparaître ? L'art réalisé par certains artistes au
104 est une expérience directe mais
éphémère à vivre, un moment de la participation qui
ne peut pas s'acheter avec une valeur marchande. Il est là pour rendre
palpable les relations humaines, il est un prétexte à la
rencontre. C'est une monstration tactile mais non-transportable de la
réalité. « A partir du même matériau (le
quotidien), on peut réaliser différentes versions de la
réalité ».80(*) Cet art-là, que le 104
s'apprête à exposer part du quotidien. Mais pas seulement du
quotidien du lieu ou du quartier, mais du quotidien du ressenti des artistes et
de leur rencontre avec les publics. Car les directeurs espèrent que ces
rencontres publiques, ces dialogues influenceront les artistes dans leur
travail. Le 104 s'inscrit donc dans une dramaturgie qui est celle de
la création. Celle de ce qu'il y a en aval de la production.
Mais le système peut, je pense, facilement se pervertir
et le 104, s'il devient un lieu public qui brasse des populations peu
attirer des artistes poussés plus par l'envie de montrer leur oeuvre et
de se faire une renommée que par celle de communiquer avec le public. Et
l'acte de transmission peut alors devenir un acte intéressé. La
transversalité qui s'exerce entre les artistes et le public peut alors
se transformer en une « publicité » pour l'artiste,
qui venant en résidence dans un lieu comme celui-ci peut chercher
à se faire connaître du grand public.
c : institution = modelage ?
Nous entrons avec le phénomène qui a
poussé l'art à s'éloigner de l'institution dans un
processus inverse de celui qui existait jusqu'au début du
20ème siècle.
Dans la démocratie athénienne, le
« théâtre s'est trouvé naturellement
intégré à l'organisation de la vie
sociale »81(*).
Tous les citoyens étaient donc obligés de se rendre au
théâtre, dans un acte de société et les acteurs
étaient entièrement tributaires de la démocratie ; la
question de la création, du lieu ne se posait pas. La
représentation avait toujours lieu au même endroit, au même
moment lors des Dionysies et des Lénéennes.
À la Renaissance, en France, le théâtre n'est plus un fait
politique mais un divertissement culturel, cependant, quand le pouvoir royal
donne de l'argent à une troupe par un principe de mécénat,
ce geste était synonyme de survie pour la troupe. Elle était
mieux vue du public de manière générale.
Maintenant c'est le contraire. Si les artistes se battent tout
de même pour avoir des subventions du ministère de la culture ou
des différentes DRAC (direction régionale des affaires
cultuelles), le rêve absolu de toute compagnie est de garder son
indépendance pour ne pas être redevable d'une obligation de
production.
« De violent et désobéissant,
l'artiste devient doux et serviable »82(*)
La dramaturgie programmée au 104 est
peut-être trop propre, trop bien fabriquée, trop proche de
l'institution. Alors que l'art, pour s'épanouir, a besoin de
désordre et de négation. Mettre en ordre les conditions de
l'ouverture, n'est-ce pas, à terme, fixer des contraintes fortes ?
Frédéric Hocquard dans le bimensuel Mouvement83(*) nous dit que «
l'art de la friche ne relève pas de la contingence, ni du
situationnel, ni du marginal. Il répond à une
nécessité : la puissance de la négativité, qui
a fait que l'art n'a jamais manqué de changer et d'innover ».
Ce nouveau mode artistique d'une transversalité comme règle,
ne risque-t-il pas alors, perdant son autonomie critique, de constituer un
nouveau modèle, au risque de figer l'art ?
CONCLUSION
Le fait qu'il y ait eu plusieurs colloques et parutions sur le
sujet des friches artistiques (dont un colloque international, suite au rapport
Lextrait, réuni à la Belle-de-Mai à Marseille en
février 2002 pour parler de ces nouveaux territoires de l'art) fait
signe qu'on décèle un mouvement culturel dont les relations avec
le social et le politique posent question sur le statut même de l'art.
À la fin du 20ème siècle, on
peut dire que le mouvement des friches a laissé sa marque dans
l'histoire des arts, en mettant en pratique l'interdisciplinarité, la
rencontre collective, et l'intervention urbaine par la reconversion d'un lieu.
Les avantages et les particularités de la friche se
trouvent dans son espace dû à l'architecture industrielle :
grande échelle, espaces libres sans cloisonnement, donc partitions
indéterminées et évolutives. Ces locaux vides donnent la
possibilité de travailler, de prendre des risques. Les friches sont
définies par Christian Martin comme des « laboratoires de la
décentralisation »84(*) elles sont des outils pour inventer des nouvelles
formes d'art. Les artistes proposent dans une friche, un lieu ouvert, des
expériences directes à vivre avec le public. Pour ces artistes
contemporains, les friches correspondent à un retour à l'espace
réel, à une communauté de vie, à une autorisation,
à un temps d'errance. C'est également cette transversalité
que le projet du 104 cherche à recréer.
Des artistes comme Stein, Kantor, Artaud, qui cherchent un
théâtre qui s'inscrit dans la vie et qui bouleverse le spectateur
sont à l'origine des mouvements des performances. Les nouvelles formes
de lieux artistiques comme le 104 sont nourries d'expériences
de l'Avant-garde Américaine qui jouent sur la spontanéité,
l'immédiateté comme le Living Theatre défini par
Georges Banu comme un « phénomène de sociologie
culturelle qui provoque un choc de l'immédiateté85(*) » . De telles
références sont implicitement présentes dans la
démarche des fondateurs du 104 Robert Cantarella et
Frédéric Fisbach, dans leur pratique d'hommes de
théâtre qu'ils ont décidé de
« reconvertir » dans ce projet. Un projet imaginé
par La Ville d'un lieu artistique pluridisciplinaire basé sur l'image
topographique et culturelle des Friches. Construit dans une ancienne usine
industrielle des pompes funèbres, forme de hangar, mélange des
disciplines, c'est avant tout un lieu ouvert et transversal.
La reconversion du lieu et sa forme de passage sont
exactement à l'image de la friche, physiquement et symboliquement.
Jacques Pajot et Marc Iseppi, architectes à l'Atelier Novembre et
chargés du réaménagement du 104 le rappellent
« Dans ce projet, l'enjeu était de réorganiser l'espace
en fonctions utiles aux artistes invités, avec des plateaux de
production modulables, des logements, des services, tout en s'inscrivant dans
l'architecture existante »86(*).
L'esthétique et l'architecture des lieux d'art sont des
actants à part entière du rapprochement homme/oeuvre : du
tissage de la ligne qui unit l'art à la vie. Elles jouent la
valorisation de la rencontre de proximité. Le 104, proche d'un
espace qu'on pourrait qualifier d'espace public, vise à réduire
l'espace qu'il y a entre l'art et la vie. Le temps de la vie devient celui de
l'oeuvre, et l'espace artistique espace public. Le croisement des disciplines
correspond à un décloisonnement des publics, les publics de la
danse vont rencontrer les arts du théâtre, du cirque, de la
vidéo ainsi que les publics qui s'y associent. On essaie de retrouver
par l'art un rapport social.
En créant un nouvel espace multifonctionnel qui ne soit
pas spécifique à un type d'art et, à un public
privilégié, la Ville s'engage à recréer un lieu de
vie collective, sur le modèle des nouveaux territoires de l'art. L'art
transdisciplinaire qui se travaille dans ces espaces recherche l'unification,
développée par le situationnisme Guy Debord, dans son livre
La société du spectacle. « Le spectacle se
présente à la fois comme la société même, une
partie de la société, et comme un instrument
d'unification »87(*).
On note également une théorisation de
« l'art en train de se faire » où le concept de
performance se dilue dans diverses pratiques, où de manière
générale l'espace public devient l'espace de jeu et le public
spectateur improvisé.
Le projet du « 104 » s'inscrit
entièrement dans un nouveau mode de médiation. On y voit le
processus de création qui ouvre à la rencontre. L'art devient
participatif. Cette rencontre, ce moment de vie avec l'artiste, est un facteur
« crucial » de l'événement artistique actuel.
Il doit être optimum. La création d'un lieu institutionnel sur un
modèle de lieu contre-institutionel annonce
irrémédiablement un changement prochain dans l'art, si les squats
deviennent un modèle et que l'art évite les modèles et les
obligations, vers quoi l'art contemporain se dirige-il ?
Ce mouvement qui recherche la transversalité artistique
et sociale, le regroupement, le collectif et la relation à l'autre
trouve peut-être ses avatars dans d'autres modes de vie. Le cirque par
exemple est un mode du vivre ensemble, dans la troupe on se déplace
ensemble, on vit en groupe. Dans les phénomènes sociaux on
retrouve également ce courant qui tend vers le regroupement, la
perméabilité entre les groupes d'individus, ceci peut être
pour répondre à un isolement croissant des individus dans une
société morcelée en catégories. Les pratiques
artistiques et le 104, lieu multifonctionnel ouvert à tous, en
sont, il me semble, une excellente image : « l'artiste habite
les circonstances que le présent lui offre »88(*).
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Sur le 104
· Documents fournis par le 104 lors de La
Traversée :
Dossier de presse La Traversée
Documents fournis aux passeurs :
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funèbres,
-Le 104 centre quatre, établissement
Artistique de la ville de Paris, Guide à l'attention des passeurs de
la Traversée, décembre 2007.
· Articles dans une revue :
FEVRE Anne-Marie. « Le 104 aux portes d'une
seconde vie ». Libération, 29 et 30 décembre 2007,
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SCHMITT Olivier, « à table, déjeuner
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l'interdisciplinaire des arts vivants, oct-déc 2007, n°45,
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électroniques :
Site du 11 bis, (Page consultée
régulièrement), Adresse URL :
http://www.11bis.fr
Puis Site du 104 (Page consulté
régulièrement), adresse URL :
http://www.104.fr
Site de La Traversée, (Le 28/01/2008), adresse
URL : http://www.104latraversée.com
Le perroquet libéré (27/12/2007), Adresse
URL :http://le perroquetlibere.com/le-104-habite-au-11-bis_a224.html
Sur les débuts de
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· Monographie
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culturelle : rapport à Michel Dufour secrétariat
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culturelle. Mai 2001. Premier volume. 210 p.
· Article
ADOLPHE, Jean-Marc (avec la collaboration de
Maîté Rivière). Que mille lieux
s'établissent. Mouvement, l'interdisciplinaire des arts
vivants. janvier-mars 2008. n°46. pages 54-58
· Colloque
L'impact de l'Avant Garde américaine sur les
théâtres européens et la question de la performance.
Paris. théâtre de la Colline / INHA.21-23 janvier.
Sur les autre lieux en correspondance et les
CDN
· Documents électroniques
Contrat de décentralisation théâtrale :
Site de Légifrance (19/12/2007), adresse url:
http://legifrance.gouv.fr
· Document annexe
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Berlin, Février Mars 2008
MARTIAL, Jacques. Edito du programme 2008 « Grains
de Folie », Parc de la Villette.
TABLE DES MATIÉRES DES ANNEXES
·
Annexe1...................................................................56
Frédéric Fisbach et Robert Cantarella :
Directeurs du 104
Lucie Nicolas : responsable des passeurs pour La
Traversée
27 décembre 2007, Visite du lieu
· Annexe
2..................................................................59
Discussion avec Monsieur Demange,
Président du conseil de quartier du 19e
29 décembre 2007, café Mathis, Paris
· Annexe
3..................................................................61
Rencontre Victor Dixmier,
Mairie de Paris,
30 Décembre 2007, 104, La
Traversée
· Annexe
4..................................................................62
Entretien avec Frédéric Fisbach,
Codirecteur du 104,
7 avril 2008, 11 rue Curial
· Annexe
5..................................................................68
Entretien
Stéphanie Lefebvre :
Présidente de l'association La Générale en
Manufacture, Artiste Photographe
Caroline Pradal : Présidente de
l'association La générale et présidente adjointe
Association La générale en manufacture, Artiste
Sculpteur
Pierre Lempens :
« Coordinateur », artiste vidéo
Le 10 Mai 2008, Ateliers de la manufacture de Sèvres
Annexe 1
Visite du lieu
Frédéric Fisbach et Robert
Cantarella : Directeurs du lieu
Lucie Nicolas : responsable des passeurs
pour La Traversée
27 décembre 2007
R.C : Donc on va faire la visite du chantier ensemble,
c'est cette visite que vous ferez avec les visiteurs samedi et dimanche pour
La Traversée. C'est aussi un acte de confiance pour nous que de
vous déléguer ce rôle de passeur parleur de notre projet
(...)
L.N : Alors vous êtes passé et c'est
à vous de faire passer les autres et de faire partager à tous
l'ambition et la passion du projet (...)
F.F : Là on est pile à l'endroit où
les gens rentreront. Donc il y aura un décompte puisque vous savez qu'il
n'y aura pas plus de deux mille quatre cents personnes qui peuvent être
simultanément sur le chantier. Un comptage sera fait forcément,
donc les gens attendront à l'extérieur.
R.C : Autre chose importante à identifier,
c'est que le passage, quand on dit c'est un passage en fait c'est ça.
Ici c'est l'entrée ou la sortie et ça va jusque de l'autre
côté. C'est la rue qui fait 250m de long et 70m de large. C'est
ça la rue ouverte à tous en question où l'on pourra voir
l'art en train de se faire. C'est un chemin de création.
F.F : Quand on arrive du côté de la
rue d'Aubervilliers, en fait on est de plain-pied avec la rue, de ce
côté ci, on est obligé de monter des marches. Simplement
parce que en fait, à l'origine tout le site était en pente
puisque il y avait trois cents chevaux, donc il fallait évacuer le purin
et que le purin était évacué à grands jets d'eau
vers la rue d'Aubervilliers. C'est pour ça que le site était en
pente.
R.C : Ici c'est la cour Curial. Là c'est la
halle Curial et après il y a la cour de l'horloge et la cour
d'Aubervilliers. Donc c'est là qu'il y aura la pépinière
d'entreprise
E.G : Qu'est ce que vous entendez par
pépinière d'entreprise ?
R.C : Ca veut dire qu'on accueille des jeunes
entreprises qui commencent. Tu as une idée, tu es une jeune entreprise,
tu ne sais pas où te mettre, et bien là, pendant trois ans tu as
des bureaux, des accompagnements juridiques, des salles mutualisées,
jusqu'à ce que ton produit soit tellement bien que l'entreprise puisse
voler de ses propres ailes.
F.F : Là, on est dans la halle Curial au niveau
des commerces. C'est-à-dire que de part et d'autre il y aura
derrière ces...parpaings, des espaces qui sont des commerces en fait.
Là, en face, il y aurait une librairie, ici il y aurait une maison des
enfants, c'est un endroit pour les enfants accompagnés, de 6 mois
à 6 ans.
R.C : Une maison verte
F.F : et en face un restaurant, et là...
R.C : Là ; en fait on ne sait pas,
peut-être une supérette, il y aura un commerce qu'on n'a pas
encore déterminé, il y a plein d'études qui ont
été faites. En tout cas, ce sont vraiment les deux halles
commerciales qui sont de part et d'autre. Là, au centre, c'est ce qu'on
appelle le Jardin. On a demandé à des paysagistes une fois par an
de faire un projet de jardin, vous voyez avec la verrière ça fait
une lumière parfaite, et ça sera un jardin public et couvert.
Donc chaque année il y aura...Les premiers paysagistes, ce sera un
potager par exemple, mais ça sera toujours un jardin public.
F.F : En dessous ce sont les anciennes
écuries. Je vous parlais de chevaux tout à l'heure, ils
étaient en dessous. Ce sera des endroits à commercialiser pour
des petits salons de professionnels, des réunions d'entreprises par
exemple. En fait c'est des espaces commerciaux, 2400 mètres
carrés, d'espaces qui donnent sur deux cours anglaises. Toute cette
halle sera éclairée par la lumière du jour, c'est à
plein ciel. Au-dessus, ce seront des ateliers d'artistes plus petits, de 100 m
carré.
R.C : Et le jour de La Traversée,
en fait, la question est : où est ce qu'on est ? Comment on
commence ? Et bien, vous vous serez là, des deux côtés
de la rue. Les gens passeront comme vous, en traversée humaine. Vous
vous mettez où vous voulez, l'important, c'est de passer à
côté de quelqu'un, et si vous êtes à
côté quelqu'un, de lui expliquer ce que c'est que là, comme
on est en train de se le dire. Souvent vous verrez que certaines personnes ont
peur de la venue de beaucoup d'étranger au quartier avec l'arrivé
du 104. La peur de l'autre, de ce qui est différent. Nous au
contraire, il faut leur expliquer que nous cherchons un art qui va à la
rencontre de l'autre, et non qui s'en éloigne.
R.C : Cette halle sera entièrement
fermée par des grandes portes en verre en hiver, et donc il sera
possible d'avoir une température plus clémente. Pour accueillir
par exemple un travail avec du cirque, du théâtre de rue...
F.F : Depuis cette cour, la cour de l'horloge, on voit
les habitants du quartier, et inversement les habitants du quartier nous
voient. C'est-à-dire que là on voit bien que le bâtiment
est complètement pris dans des habitations. C'est ce qui fait qu'on ne
pourra pas faire des concerts de 2400 personnes, parce qu'il y a des gens qui
habitent dans la villa Curial, et ça fera beaucoup de bruit. C'est pour
cela qu'il y aura deux salles de spectacle isolées acoustiquement et un
grand atelier isolé aussi. Et ces salles seront disponibles par tous
hein, puisque c'est un lieu qui évite les attributions. Si un artiste
vidéo veut un plateau de danse, il y en a un sur place, qu'il
l'investisse. C'est la façon d'utiliser l'instrument de travail qui fait
la spécificité de l'art et non l'inverse.
R.C : Dans la cour Aubervilliers, le plus important
est que c'est la cour des ateliers d'artistes justement. Lieu de
résidence pour les artistes, tous les arts, toutes les pratiques
artistiques, on peut rester d'un mois à douze mois, on a un des
ateliers. Et sur la gauche là-bas, il y aura un café presse
(...)
Annexe 2
Discussion
Monsieur Demange : Président du conseil de
quartier du 19e
29 décembre 2007, café Mathis, Paris
E.G : Ca fait longtemps que vous habitez dans le
19e ?
M.D : Ha oui ça fait trente ans.
E.G : Donc vous avez connu aussi quand
c'était les pompes funèbres...
M.D : ha oui, mais attendez, les pompes funèbres
je crois que ça s'est arrêté en 75
E.G : Comment vous avez vu l'évolution du
projet ?
M. D : Ce qu'il faut savoir c'est que jusqu'en
2002...heu.....la Mairie de Paris, c'était Tiberi le Maire. Et Roger
Madec, de gauche était maire du 19ème mais n'avait
aucun pouvoir décisionnaire. C'était Tiberi qui décidait.
Alors ce que Roger Madec fait, il a bloqué le fait qu'on en fasse des
logements en faisant classer le lieu « monument
historique », donc ça a arrêté la
procédure de démolition. Delanoë a été
élu en 2002, donc il y a eu une bonne entente si je puis dire. Parce que
je me souviens avant 2002 il y avait des désagréments entre la
mairie du 19e et La Ville. Parce qu'on avait un Conseil de Quartier
qui n'était pas « légal », puisque à
l'époque c'était pas obligatoire de le faire. Je me souviens
quand on sollicitait les services de la Mairie, il y en avait qui ne voulaient
pas nous entendre, parce qu'ils nous disaient : vous êtes le conseil
de quartier...on ne vous connaît pas, on veut pas avoir etc. Mais alors
après 2002, il y a eu une réflexion qui s'est faite, on nous a
donc chargé de voir un peu ce qu'on pouvait faire et puis ça a
pris corps puis Delanoë a tranché en disant « faudrait
que ça soit un lieu culturel ». C'est quand même lui qui
a tranché parce que là aussi, il y a eu des discussions de savoir
ce qu'on en faisait de ça...Disons que pendant deux trois ans ça
a été un lieu où on ne savait pas trop quoi en faire.
Alors entre le moment où la ville a dit, on abandonne, parce que
c'était là où il y avait les services sociaux de la
ville...A un moment donné les pompiers devaient venir là...
E.G : Est ce que le lieu a été
squatté à un moment ?
M.D : Non, jamais. Non, parce que c'était les
services sociaux de la ville qui habitaient là. Alors il y a eu à
un moment c'est vrai, c'était pas des squatteurs, on a mis des
gens...des sortes de drogués, des SDF qui, disons, devaient être
réinsérés etcetera. Mais c'étaient pas des
squatteurs, non ça a jamais été squatté. Parce que
c'était fermé, on ne pouvait pas rentrer dans le lieu.
C'était fermé, abandonné, barricadé. On pouvait
rentrer par une petite porte qui n'existe plus maintenant, il y avait une
petite porte à droite où il y avait les services de la ville.
Mais on ne pouvait pas aller à l'intérieur.
Annexe 3
Brève rencontre
Victor Dixmier : Mairie de Paris
Samedi 30 Décembre 2007, 104, lors de
l'événement La Traversée
E.G : Vous travaillez pour la Ville, ça
représente quoi le 104 pour la Mairie ?
V.D : Symboliquement il faut montrer que voilà
c'est vraiment le chantier culturel phare de la Ville...Ils ont mis ça
pour l'affiche des voeux. C'est un des projets phares...C'est très beau
en tout cas. Le montrer en chantier, c'est vraiment bien, ça donne envie
de venir voir ce qu'il y aura dans ce lieu, une foi les travaux
finis...Ça a un petit côté Nuit Blanche...Par contre leur
site Internet je n'ai pas tout compris, je n'arrive pas à cliquer au bon
endroit...Je suis resté un peu sur ma faim quoi...Mais il faudra voir en
quoi les travaux artistiques sont vraiment des entrées dans le quartier.
Qu'ils ne soient pas là simplement pour faire joli quoi...
E.G : Moi j'ai vu pas mal de gens du
quartier
V.D : Oui, ils ont l'air assez curieux
Annexe 4
Entretien
Frédéric Fisbach :
Codirecteur du 104,
7 avril 2008, 11 rue Curial.
E.G : Comment définiriez-vous le
« 104 » ?
F.F : Le « 104 » c'est avant
tout un lieu de l'art qui s'éprouve au quotidien, qui se transmet au
quotidien. C'est un lieu de transmission qui travaille la relation à
l'oeuvre. Il n'y a pas de lieu de création, d'art en train de se faire
à Paris. L'oeuvre est toujours achevée quand elle est visible par
le public. Or, nous nous pensons que pour comprendre l'art, et les artistes, il
faut les voir faire, et les entendre expliquer leur travail. Parce que l'art
vient d'où ? Il ne vient pas du divin, il vient des artistes, et il
faut les écouter ces artistes. Il n'y a rien de plus intéressant
que d'écouter quelqu'un expliquer son travail. On en retient toujours
quelque chose et il nous reste toujours quelque chose. Qui peut le mieux parler
de l'art sinon les artistes ? Alors bien sûr ça ne veut pas
dire qu'il faut un mode d'emploi aux oeuvres, ça n'a rien à voir.
Parce qu'il n'y a pas un seul chemin pour comprendre l'oeuvre, il y en a une
infinité, non, nous ce qu'on cherche, c'est créer des relations
entre l'art et le quotidien. Voilà, le 104 c'est un lieu de
l'art qui s'éprouve au quotidien.
E.G : L'art au quotidien des artistes mais l'art
aussi dans son quotidien ?
F.F : Oui mais sans que le mot quotidien ait une
connotation péjorative. Il ne doit pas y avoir non plus de
côté banal dans le lieu. Presque, on pourrait parler de
fréquentation, comme on fréquente un parc ou un lieu où on
aime aller, on fréquenterait le 104. Vous savez, on est parti
d'un constat très simple : à Paris, il n'y a pas de lieu de
l'art en train de se faire. Pour voir l'art en train de se faire, il y a un
besoin de temps et d'espace. Il y a beaucoup de lieux de représentation,
mais peu de lieux de travail. Donc, avec Robert Cantarella nous nous sommes
fait la réflexion qu'il fallait partir ou bien inventer un nouveau lieu
de transmission. La transmission tient à ce qu'on retiendra quelque
chose de l'art. Il nous reste quelque chose, vice-versa, l'artiste aussi garde
quelque chose et enrichit son art en échangeant avec autrui. Nous
voulons créer l'échange, nous voulons voir l'art en amont du
travail, en fin de compte, et non en aval, du côté de la
production. Parce qu'il y a un ressenti différent, parce que nous
pensons vraiment que l'oeuvre d'art peut changer quelque chose. Voilà,
alors j'ai fait long mais le 104 c'est tout ça. Puis, c'est un
lieu urbain, ça c'est important aussi. C'est un lieu qui s'inscrit dans
une ville. Contrairement à la Villette qui voit la ville de loin, le
104 s'inscrit dans son quartier. Nous cherchons à ce qu'il
devienne un lieu de fréquentation des gens du 19e, un lieu qu'ils
pourraient inscrire dans leur quotidien. Je pense que ça raconte une
chose toute bête. Parce que l'art fait quoi finalement ? Il
réarticule des représentations du monde. Pourquoi y aurait-il un
art populaire et un art élitiste, pourquoi l'art ne pourrait pas
être accessible par tous, compris par tous ? Pourquoi il faudrait
encore et toujours créer des lieux d'art avec un grand A ? Nous, on
veut un art qui soit dans la ville et, plus, un art qui s'intègre dans
le quartier. Je trouve qu'il y a un grand courage politique et une grande
compréhension aussi d'avoir voulu installer un lieu d'art ici, dans ce
contexte culturel. Mais c'est palpitant comme projet de faire ça dans ce
quartier que l'art a oublié. Justement pour dépasser ces apories
il y a une réelle volonté sociale de faire un lieu d'art dans le
quartier de ceux qui ne rentrent pas dans les cases. Parce que vous savez tout
le monde rentre dans des cases pour la culture, mais ici non, ici, je pense,
c'est le quartier des oubliés. C'est vrai, le 19e ce n'est pas un
quartier Haussmannien. Nous, on a décidé d'installer nos bureaux
ici pour vivre ce quartier au quotidien, essayer de comprendre ce quartier,
essayer de..., c'est toujours sur le principe de l'échange. Ici, on est
ailleurs, mais on veut comprendre ce quartier, que les gens puissent passer,
toquer à la portes du 11 bis et venir discuter avec nous, on cherche le
rapprochement. Par ce que ça marche dans l'autre sens aussi. Ici on
ressent la peur des gens de l'autre, de ce qui est différent, de ce qui
va changer leurs habitudes. Nous recherchons un acte qui va a la rencontre de
l'autre et non qui s'en éloigne. C'est le principe même d'un acte
de confiance aussi, je crois que c'est important de faire confiance, c'est des
choses qui devraient aller de soi. C'est comme pour La
Traversée. On vous a délégué notre savoir, on
vous a transmis ce que nous savions sur le lieu pour qu'à votre tour
vous le transmettiez et le partagiez avec le public. C'est un acte de
confiance, les médiateurs deviennent alors les acteurs du lieu à
notre place.
E.G : Est-ce que vous apparentez le 104
à une Friche institutionnelle ?
F.F : Friche ou squat. On devrait pouvoir parler de
ça, oui c'est vrai. Mais ce n'est pas ça. Le 104, c'est
l'époque d'après ça. En tout cas, c'est vrai qu'on s'est
beaucoup inspiré de ce mouvement qui laisse un champ artistique assez
libre, ouvert. C'est un mouvement qui sort du mono disciplinaire pour aller
vers le pluri et vers le collectif. Et puis il y a un paradoxe dans le terme
des friches indus...Tenez, j'ai failli dire friches industrielles. Oui, friche
institutionnelle c'est tout le paradoxe entre la friche et l'institution. Le
squat s'établit toujours dans une durée limitée avec le
facteur risque, mais c'est intéressant aussi de travailler dans la
durée limitée, avec toujours cette histoire qu'on est jamais
sûr du devenir du squat.
Parce qu'il faut faire attention à la
tranquillité et au formatage, c'est très dangereux pour l'art le
formatage. Vous savez, les petites cases dans lesquelles on nous met encore.
C'est pour ça que c'est bien de partir du modèle du squat qui
justement évite le formatage
E.G : Vous saviez qu'il y avait la
Générale avant dans le 19ème justement. Et
qu'ils ont récemment été expulsés pour êtres
relogés à Sèvres...
F.F : bien sûr, bien sûr, oui. C'est pour
ça que je dis qu'il faut faire attention. La Générale
c'était un squat très artistique, vivant, ancré dans son
quartier. Certains des artistes sont partis à Sèvres, d'autre se
sont dispersés. C'est le monde artistique, les squats artistiques
s'inscrivent dans une prise de risque, il n'est pas forcément fait pour
durer. Il s'inscrit dans un temps donné. C'est très sain
d'ailleurs de se dire qu'on travaille dans un temps limité. Là,
nous on réfléchit beaucoup à ça nous, on se
dit : qu'est ce qui se passera quand on devra partir ?
E.G : Vous avez signé pour une
durée limitée avec la ville, (comme les directeurs de CDN qui
doivent se renouveler régulièrement) ?
F.F : Pour l'instant nous avons signé un contrat
de trois ans, après ouverture du lieu, bien sûr. Mais le contrat
est renouvelable. Je pense que l'idéal est de rester cinq ans
après l'ouverture. Pour pouvoir vraiment lancer le lieu pendant trois
ans et puis après pouvoir profiter un peu du lieu, vivre le lieu.
Ça ne veut pas dire qu'on n'en profite pas en ce moment mais c'est
simplement qu'on n'a pas beaucoup de temps, que tout passe vite. Mais peut
être que, voilà, au bout de trois ans, on jugera qu'on aura fait
le tour et on partira, vous savez, la pérennité des choses...
Mais c'est bien que ça change aussi, qu'il y ait d'autres personnes qui
viennent avec d'autres programmes artistiques. Là où il faut
faire attention, c'est au contexte culturel actuel. Ce qui est paradoxal c'est
que nous ne choisirons pas les gens qui nous succéderont et que
peut-être eux chercheront la productivité.
E.G : Vous dites que vous ne cherchez pas la
productivité, en ce moment il y a quand même une crise dans la
culture et justement on tend vers une forme d'art plus productive, je pense
à la lettre de mission du président à la ministre de la
culture. Il y a une tendance à fermer les lieux qui...
F.F : Là vous parlez de l'Etat. Il y a un
problème au niveau de l'Etat. Ici nous dépendons de la Ville de
Paris. Je pense que le système aujourd'hui est complètement
perverti, ce n'est pas que ce gouvernement. Je pense qu'il faut modifier le
fonctionnement des lieux subventionnés, pas forcément les
changer, mais les modifier. Les modifier ça veut dire... je pense que
les administrations restent en place pendant trop longtemps. Tout à
l'heure je parlais de l'intérêt qu'il y a à travailler dans
une durée limitée, mais là, les directeurs des structures
changent mais les administrations restent. Lorsqu'un nouveau directeur arrive
dans une structure, il se heurte à des habitudes culturelles et les
politiques restent les mêmes. Alors c'est délicat, hein, comme
discours mais je ne pense pas qu'il y ait trop de compagnies en France, enfin,
il y en a peut-être trop, mais peut-être pas assez aussi. Parce que
les compagnies, avant tout, c'est quoi ? C'est par là qu'arrive la
création, et c'est la création qui fait l'art pas uniquement les
lieux de l'art. Je pense qu'à un moment donné, il faut faire les
missions qu'on a et tenter de développer un maximum la création.
Parce que les administrations des théâtres ce sont des
salariés qui travaillent, ils sont tranquilles, mais les compagnies sont
dans un système de on-off en permanence, elles sont toujours en
déplacement. Il y a un trop grand décalage entre ces deux
régimes. C'est-à-dire que ce qui est contradictoire en ce moment,
et c'est là que je trouve qu'il y a un courage fort de la part de la
Ville, c'est qu'il y a de plus en plus de lieux de production pure mais qu'il y
a moins de lieux de création, de travail pour ces compagnies. Alors,
bien sûr, le 104 ne va pas résoudre tous les
problèmes, mais le 104 propose une alternative à ces
lieux. Je pense que c'est un lieu qui est pionnier dans cette
réflexion-là, c'est un lieu pour accueillir la création
dans la volonté de montrer l'art en train de se faire. Et tous les arts.
Alors moi, je ne suis pas très « trans »
là-dedans. Ça ne veut pas dire qu'on va prendre le meilleur du
théâtre, de la vidéo, de la danse et puis que tout
ça, ça va faire une oeuvre. Non. Ce qui est intéressant
c'est de faire que des gens qui vont travailler côte à côte
dialoguent, échangent, s'influencent parfois même sans le savoir.
On est plus dans le domaine de l'inspiration, de l'empreinte que les arts
peuvent se laisser entre eux. Je pense qu'avec un lieu comme ça, on
essaie de sortir du travail parfois trop individuel de l'artiste pour entrer
dans le collectif. Là où je trouve qu'il y a un courage politique
c'est qu'il est quand même assez drôle de voir que le seul champ
qui caractérise l'art aujourd'hui c'est sa valeur. Sa valeur marchande
je veux dire. Comme si l'art n'était que marchandise !
Mais l'art est créateur de beauté,
d'esthétisme de vie, je trouve qu'on a tendance à oublier que
l'art c'est aussi un prétexte à la rencontre. Il y a un
désengagement de l'Etat sauf... et c'est encore autre chose...
E.G : dans le patrimoine...
F.F : alors oui dans le patrimoine et puis dans les arts
visuels, on continue de dire qu'on va encore débloquer des fonds pour
l'audiovisuel... et on oublie presque le reste de la création. C'est
pour ça que je dis encore une fois qu'il y a un enjeu énorme.
Alors bien sûr, y a d'autres lieux en France qui fonctionnent un peu
comme ça...
E.G : justement, en quoi trouvez-vous que le
104 sera différent des endroits comme le Lieu Unique à
Nantes ou la Belle-de-Mai à Marseille par exemple.
F.F : C'est déjà beaucoup plus grand et
puis ici on verra les ateliers, c'est un lieu du public le 104, je
pense que c'est plus ouvert ; mais bien sûr il y a des ressemblances
avec ces friches dans le fonctionnement, dans tout ce qui a rapport au
collectif. Le Lieu Unique par exemple, il y a peu d'ateliers d'artistes qui
travaillent directement sur place, c'est plus un lieu de diffusion et on
retrouve beaucoup moins ce système d'échange. La Belle-de-Mai
c'est encore autre chose. Mais le 104 c'est à ma connaissance
le seul lieu d'art où l'on n'est pas obligé de rentrer par le
même endroit que là où on est sorti.
E.G: Pourquoi vous associer à d'autres lieux,
pourquoi le Radial System par exemple ?
F.F : Je pense que ces lieux partagent leur
expérience et mettent en commun leur force. Prenez le Radial à
Berlin, c'est un lieu privé qui a failli fermer l'année
dernière. Ils fonctionnent avec leur propre subvention, ils louent
beaucoup d'espace et pratiquent de moins en moins de diffusion. Chaque ville a
sa propre particularité. À Berlin, il y a plus d'espace et la vie
est beaucoup moins chère qu'à Paris. Beaucoup d'artistes vivent
là-bas, ils travaillent là-bas parce qu'il y a plus de
possibilité d'avoir des ateliers, mais ils ne montrent pas toujours leur
travail sur place. Mais c'est encore autre chose parce que le mouvement des
squats est entrain de s'épuiser à Berlin, alors le RadialSystem
est construit encore sur un autre modèle...Enfin c'est
intéressant de voir comment un lieu évolue, de s'inspirer les uns
les autres. Comme il n'y a pas de lieu équivalent au 104, il
faut trouver des gens avec qui on a envie d'échanger, de
réfléchir ensemble.
E.G : Pour revenir à la Ville. Les 70% de
subventions que vous recevez de la part de la Ville de Paris ne risquent-ils
pas d'obliger un rendu, une certaine légitimité du lieu, dans le
sens d'une certaine dépendance? Quel est votre degré de
dépendance vis-à-vis de la ville ?
F.F : Alors, maximum 70%.
E.G : alors vous voulez diminuer l'apport de la
Ville
F.F : Non, on ne veut pas diminuer. Dans l'idéal,
nous ce qu'on aimerait c'est augmenter nos revenus propres bien sûr.
Entre autres grâce au mécénat. Non, je ne pense pas qu'on
ait peur d'une main mise de la part de la Ville. Quel intérêt pour
la Mairie de Paris de garder un contrôle total sur le lieu ? C'est
vraiment très important de conserver l'indépendance du lieu. De
toute façon, il n'y a pas trente-six solutions, si nous on n'avait pas
eu la chance d'avoir la mission d'ouvrir un lieu comme ça, maintenant,
à Paris, on serait parti à l'étranger.
E.G : Vous avez eu des craintes au moment des
élections ?
C'est sûr qu'on y a pensé mais finalement
ça ne sert à rien parce que...D'abord on n'a pas de temps
à perdre avec ça et puis, bien évidemment, ça
serait très dommage qu'un tel projet soit laissé aux oubliettes.
Mais je pense que ça peut marcher, que ça doit marcher.
E.G : Quels moyens pratiques comptez-vous mettre
en place pour que le processus de rencontre fonctionne ? Comment ne pas
attirer un public uniquement bobo mais également des gens qui
traverseront le lieu dans leur vie quotidienne ?
F.F : Le 104 ce n'est pas qu'un lieu où
on voit de l'art. Tout le monde pourra trouver une raison de venir au
104, et particulièrement les gens du quartier. Il faut que les
gens du quartier, voilà, s'associent le lieu d'une façon ou d'une
autre. Il faut que les artistes travaillent avec eux. Avec des groupes qu'ils
connaissent aussi. C'est pour ça qu'il y a plusieurs types
d'espaces. Je pense aux espaces pour les pratiques amateurs, aux ateliers qui
se mettront en place pour les jeunes, aux petits commerces. C'est aussi un lieu
où on pourra venir se promener le dimanche après-midi par
exemple. Je pense qu'il faut que les gens puissent se dire « si on allait
au 104 ». On a mis en place un dispositif qui encourage le
mélange, si vous voulez, ce n'est pas un lieu monopublic bobo et je
pense, j'espère, que ça va marcher.
E.G : Pourquoi vous pensez qu'il y a besoin d'un
lieu comme ça à Paris ?
F.F : Il n'y a pas de lieu de travail pour les artistes,
peu de lieux d'échange. Je crois qu'aujourd'hui, il y a un besoin de
paroles échangées. Il existe trop peu de lieux de rencontres
à Paris, pour nous il fallait partir ou bien inventer un lieu de
transmission. Avec les jeux vidéo et la télé, il y a plus
de lieux de l'échange. La seule chose qui puisse faire barrage à
ça, c'est un lieu qui ne soit pas trop éloigné de nous.
Moi je pense que c'est dans le face à face et le dialogue que ça
se passe. Il n'y a pas de lieu pour ça. Aujourd'hui je trouve que l'art
ne s'inscrit pas assez dans le réel, voilà.
Annexe 5
Entretien
Stéphanie Lefebvre :
Présidente de l'association La Générale en
Manufacture, Artiste Photographe
Caroline Pradal : Présidente de
l'association La Générale et présidente adjointe
Association La Générale en manufacture, Artiste
Sculpteur
Pierre Lempens :
« Coordinateur », artiste vidéo
Le 10 Mai 2008, Ateliers de la manufacture de Sèvres
E.G : Bonjour. Je suis étudiante en Master
Arts du spectacle à Paris III, je rédige un mémoire sur
les squats artistiques. Mais pas que ça, parce qu'il y a eu
déjà beaucoup d'études là-dessus. Je
m'intéresse surtout à l'arrivée du 104 à
Paris et j'essaie de voir en quoi ça découle, entre autres, des
friches culturelles.
E.G : Tu es présidente de l'association
établie ici. Comment s'appelle-t-elle ?
S.L : La Générale en
Manufacture.
E.G : Donc c'est une nouvelle association qui a
été fondée pour ce lieu ?
S.L : Oui, elle a été faite pour ce lieu.
Parce que en fait quand on a quitté Belleville il ya eu scission. Une
partie du regroupement -parce qu'on ne parle pas de collectif- est venue ici
à La Manufacture de Sèvres, et l'autre partie qui est plus dans
la branche du spectacle est restée sur Paris. Mais de ça, je ne
peux pas trop t'en parler parce que je ne suis pas au courant de ce qui se
passe.
E.G : Vous n'êtes pas restés en
contact ?
S.L : Si, on est un peu resté en contact, mais
enfin il y a eu quand même scission.
E.G : Et après il y a eu donc deux
associations qui se sont créées ?
S.L : Oui eux je crois que c'est la
Générale du 14
E.G : Et à la base, c'était quoi
l'association ?
S.L : C'était la
Générale
E.G : Toi tu étais déjà
là-bas quand vous avez été
expulsés ?
S.L : oui
E.G : Et tu étais déjà
présidente ?
S.L : non pas du tout, moi ça fait quelques moi
que je suis présidente.
E.G : Le squat de Belleville datait de
quand ?
C.P : De février, mars 2005.
S.L : C'est parti de l'envie de trois, quatre personnes,
qui avaient repéré le lieu déjà, d'ouvrir ce squat
là et après...C'étaient des gens qui avaient rarement ou
jamais même squatté ou ouverts des squats. Du coup on était
quand même tous nouveaux là-dedans. La
Générale c'était un truc qu'était pas
vraiment un squat, en tout cas je pense pas que ça suivait les autres
modèles de squat. Nous on a toujours voulu que ce soit un lieu ouvert,
un lieu de travail pour les artistes.
E.G : Parce que vous aviez remarqué le
bâtiment. C'était quoi avant ?
S.L : C'était un bâtiment qui était
inoccupé depuis dix ans. Ça appartenait à l'Education
Nationale en fait et ils étaient en pourparlers pour le revendre
à la Santé. Parce qu'ils voulaient en faire un hôpital
psychiatrique. Ils vont faire une Maison-Blanche là-dedans. Mais bon,
ça faisait dix ans qu'il était fermé, donc si tu veux,
nous on y est allé aussi en disant : voilà, nous on
s'installe mais quand vous voudrez commencer les travaux on partira.
E.G : J'ai l'impression que la procédure
d'expulsion a duré assez longtemps ?
S.L : On a été très bien
défendus par un avocat qu'on avait pris. William Bourbon, c'était
l'avocat qu'on voit dans le film Bamako. Et du coup ça a pu
traîner, traîner, traîner, et on a pu rester plus.
E.G : Mais il y avait quand même une
procédure d'expulsion...
S.L : Oui, on savait qu'on devait partir, donc on avait
déjà déménagé avant l'expulsion. On avait
déjà les locaux ici, c'était en avril 2007. On a dû
partir le mardi et ils ont fermé les portes le mercredi. Et depuis, le
lieu est gardé, ils ont pas encore commencé les travaux. Mais il
y avait cette question-là surtout que nous, on voulait avoir un espace
de travail, pas forcément un espace de vie, et puis donner la
possibilité aux gens qui voulaient travailler de faire des expos...
E.G : Comment vous avez entendu parler de la
Manufacture ?
S.L : C'est la DRAC qui nous a proposé ça.
C'était le deal. Mais ici, ça court jusqu'en novembre prochain.
Donc là on est dans les pourparlers pour, soit rester un peu plus, soit
voir ce qu'on peut faire dans un autre lieu. Ici c'est 150 000 euros pour les
impôts locaux que la DRAC paie, nous on paie les fluides : eau, gaz,
électricité, assurance. Mais la DRAC ne peut pas prendre une
telle somme en charge deux années de suite. Donc, à nous d'aller
voir...le Conseil Régional....le maire de Sèvres...
C.P : En fait plus précisément la DRAC est
venue à des expos qu'on organisait à la Générale
à Paris. De là ils ont pris contact avec nous, en fait. Donc, ils
savaient depuis le début que c'était un squat et qu'on
était en procès, donc ils nous ont proposé de nous
reloger, pour qu'on puisse continuer à travailler. Ils nous ont
proposé ce site-là. Par ce qu'en fait il y a des liens assez
forts avec la Manufacture de Sèvres. Avec David Caméo qui est le
directeur de la Manufacture et Laurence Maynier son bras droit. C'est comme
ça que le DRAC nous a proposé le site et on a dit ok on va voir.
Donc voilà comment ça s'est passé en fait.
E.G : Donc après vous êtes venus
ici ?
C.P : Donc oui. On a proposé ce lieu de trois
milles mètres carrés à la Générale,
une bonne partie avait très envie de venir ici. Et une autre partie
beaucoup moins parce que ça collait moins avec leur projet en fait. Ils
avaient besoin d'être dans Paris intra-muros pour leurs
différentes activités, donc voilà on a
déménagé.
E.G : Et les autres, ils se sont installés
où ?
C.P : Ils vont aller dans un local qui est un ancien
transformateur E.D.F. C'est avenue Parmentier. Eux ils n'ont toujours pas
investi le lieu parce que c'est un bâtiment où il fallait pas mal
de travaux. Eux, ils auront besoin d'accueillir le public parce que c'est un
lieu de spectacle, d'arts vivants...Donc ça prend beaucoup de temps pour
tout mettre aux normes et tout ça. Donc eux, ils fonctionnent pour le
moment en petites cellules, dans des endroits différents, puis
après ils se retrouveront. Mais le lieu sera un lieu de monstration,
parce que c'est construit de telle façon qu'il ne peut pas y avoir
d'ateliers ou des choses comme ça...C'est vraiment un grand plateau.
E.G : Ici vous faite du travail avec la Ville, le
lycée ?
S.L : Pas encore
E.G : Pas encore ça veut dire que vous
envisagez de le faire ?
P.L : On n'envisage pas de ne pas le faire. Mais pour
l'instant....
E.G : Parce que il y a des options Arts
Plastiques dans le Lycée...
S.F : Oui, le maire nous en a parlé la
dernière fois qu'on l'a rencontré. Mais c'est toujours pareil,
nous en théorie, on est ici jusqu'en novembre ; ça laisse
peu de temps pour mettre en place des actions artistiques avec le lycée.
Est-ce qu'on met en place un truc pédagogique ? Est ce qu'on a
envie de mettre en place un truc pédagogique ? Caroline oui, mais
c'est un peu compliqué quoi...
E.G : Et le public, certains vous ont suivi de
Paris à ici ?
C.P : On arrive à avoir du public ici. Alors c'est
un public de gens motivés et très intéressés en
fait. Ici c'est plutôt rare que les gens passent sans savoir ce qu'il y
a. A Belleville ça arrivait souvent. Alors qu'ici on invite les gens
à venir, il faut qu'ils soient au courant de ce qui se passe... Il y a
très souvent des vernissages, des performances, des concerts, des
vidéos , par des artistes qui travaillent là, ou en
résidence, ou des invités. Plusieurs fois par mois, et il y a
toujours du monde. On fait des affiches, des flyers, sur internet...
E.G : Vous avez un site
internet ?
C.P : oui...oui, on a plusieurs sites internet en
fait...
S.L : la-g.org, sur celui-là tu as tous les autres
sites.
E.G : Quelle est la procédure pour pouvoir
venir travailler ici ?
C.P : Il y a plusieurs façons. On propose des
résidences. Tu prends contact avec nous et puis on voit de quel type
d'espace tu as besoin, ça va jusqu'à un mois, deux mois, puis
à la fin il faut que tu puisses montrer ton travail. Sinon il y a aussi
des systèmes d'échanges. Là par exemple, le 15 mai il y a
des Marseillais qui vont venir exposer à la
Générale, et la Générale va aller
exposer à Marseille. A la friche de La-Belle-de-Mai.
E.G : Donc vous êtes en contact avec
d'autre lieu ?
S.L : Oui, on essaie d'organiser des échanges,
mais pas que avec des squats. On ne veut pas rester cloisonné dans le
même niveau.
P.L : La Générale c'est en même temps
un squat et pas un squat. C'est les deux et aucun des deux à la fois.
C'est entre le squat et l'institution, entre le non-officiel et l'officiel.
C'est une position qui n'est pas facile à défendre mais qu'on
voudrait essayer de garder. Ici il n'y a personne qui s'occupent
particulièrement de l'administration, on fait tous tout. Ce sont les
artistes qui gèrent le lieu. Moi, par exemple, je gère les
résidences, je coordonne un peu l'ensemble et je fais de la
vidéo.
S.L : Quand il y a un vernissage, c'est nous qui faisons
les courses, c'est nous qui tenons le bar. C'est la différence du
104 tu vois, où t'as un staff en place et après il y a
les artistes qui viennent...
E.G : Et les résidents versent quand
même de l'argent à l'association ?
S.L : Alors oui il y a quand même une cotisation pour
aider à pallier par exemple la facture EDF qui est très
très élevée en hiver...On a pas de mécénat,
nous sommes nos propres mécènes...Après les
résidences, comment tu viens, eh bien tu vois par le
bouche-à-oreille, ou bien tu vas sur le site, enfin ça se fait
simplement et puis il n'y a pas de dossiers ou de trucs comme ça...On
n'invite pas les gens pour ce qu'ils font, c'est juste pour l'énergie
qu'ils apportent au regroupement, ce qu'ils veulent donner...Enfin la base du
truc quand même c'était : bon, tu viens mais tu essaies de
t'investir aussi dans le fonctionnement du lieu, dans la vie de l'assos. Alors
c'est vrai que là, ça fait quelques années qu'on tourne,
alors oui nous on se retrouve entre nous par affection, mais ça reste
ouvert. Il y a pas d'attribution quoi. Pour les résidences, on les
rencontre voilà, y'a pas de dossier.
E.G : Vous êtes combien à
être restés de Belleville à ici ?
S.L : On est une cinquantaine.
E.G : Qu'est ce que vous pensez du
104 ? Je sais pas si vous connaissez le lieu ?
C.P : C'est Cantarella et Fisbach non ?
E.G : Oui voilà, c'est la mairie de Paris
qui subventionne l'ouverture de ce lieu pluridisciplinaire dans le
19e, dans l'ancien bâtiment des pompes
funèbres...
C.P : Oui, oui j'en ai entendu parler...C'est pas du tout
en fait la même approche, il y a le vice générationnel
qu'est là évidemment, mais eux ils fonctionnent par attribution,
je pense que c'est un projet déjà bien ficelé. L'approche
est différente
S.L : Ils sont un petit peu sur-subventionné
non ?
C.P : Enfin voilà c'est une autre approche, c'est
moins ouvert peut être, par exemple pour obtenir des résidences
là-bas, c'est quelque chose de complètement différent,
puisqu'ils savent exactement qui va aller où, qui va travailler.
P.L : Et puis ça fait cinq ans qu'on en entend
parler et puis voilà, on a jamais rien vu...
S.L : Moi je dis que c'est quand même un peu
l'inverse, c'est-à-dire que si tu veux nous on commence à peine
à faire des dossiers pour les envoyer à droite à gauche,
en gros nous c'est canaliser une énergie, faire les choses, et puis
après on pense éléments administratifs, eux c'est
l'inverse.
P.L : On n'est pas rattaché à un lieu non
plus, regarde, en quatre ans d'existence on en est à notre
deuxième lieu. On est plus mobiles peut être, et puis on fait
grandir aussi les choses, quand on est arrivés ici il y a des nouvelles
personnes qui sont entrées, quand on partira d'ici y'en aura encore
d'autres. Ça fluctue plus.
S.L : On est rattaché à un fonctionnement
qui n'en est pas vraiment un en fait. Tu vois enfin c'est aussi le fait de ne
pas rentrer dans les cases, ce n'est pas forcément quelque chose qu'on a
voulu, mais voilà ça s'est présenté comme ça
quoi...
E.G : Est ce que parfois il y a des personnes qui
rentrent comme ça, ils ont entendu parler du lieu...
C.P : Ca arrive
S.L : Ca arrive pas beaucoup hein quand
même !
C.P : Oui pas beaucoup, parce qu'on est vraiment
très loin. Donc il faut quand même avoir très envie, puis
un bon sens de l'orientation. Mais ça arrivait, surtout au début
en fait, ça arrivait plus souvent. Ils rentrent et ils posent des
questions. Oui, alors, des gens du coin, comme y a eu des petits articles dans
le Sèvrien, et par curiosité...
S.L : Maintenant moins, par ce qu'en fait les gens
passent directement par le site internet, et puis voilà, c'est beaucoup
plus simple pour eux.
E.G : Vous êtes bien ici ?
C.P : On est bien ici, on est content. C'est très
productif pour le travail d'être ici, très très efficace.
Les bâtiments sont beaux, le site est classé site historique. Et
puis même par rapport au travail, il y a une bulle de travail qui est
très très forte. Par ce que à Belleville on était
dans le centre de Paris, et il y avait toujours quelques choses à faire,
on était plus dispersé. Ici tu viens et t'es dans une bulle de
travail quand même.
E.G : Et vous pensez que si vous
déménagez, vous arriverez à vous rétablir
ailleurs ?
P.L : Oui
C.P : On l'a fait une fois, je ne vois pas pourquoi on ne
pourrait pas recommencer. Nous ici, y'a personne qui est accroché
à son mètre cube. C'est bien, parce que ça renouvelle,
ça fait de l'air. Y'en a qui restent, d'autre qui partent, qui font leur
propre chemin...
* 1 LYOTARD,
Jean-François, Rudiments païens : genre dissertatif.
Paris. Union générale d'éditions. 1977. 249p. p. 246.
* 2 MONDZAIN,
Marie-José, 2. la représentation. Paris : Les
éditions de l'Amandier, Rencontre du 8 décembre 2002/Paris. 125p.
p.24.
* 3 Décret portant sur
l'organisation du ministère de la culture, rédigé par
André Malraux en 1959.
* 4 LEXTRAIT, Fabrice, Une
nouvelle époque de l'action culturelle : rapport à Michel
Dufour secrétariat d'état au patrimoine et à la
décentralisation culturelle. Mai 2001. Premier volume. 210 p. p.3.
* 5 Ibid.
* 6 DIXMIER, Victor. Rencontre
au 104, Samedi 30 Décembre 2007, Annexe 3.
* 7 Dictionnaire. Le
Petit Larousse illustré grand format . Paris : Edition 2008
de Larousse.
article transversalité. p. 1029.
* 8 ibid, article
transversal.
* 9 FÈVRE, Anne-Marie, Le
104 aux portes d'une seconde vie. Libération, Samedi
29 et dimanche 30 décembre 2007, p. 32
* 10 Dictionnaire, Le Petit
Larousse illustré grand format . Edition 2008 de Larousse,
article friche, p 441.
* 11 FISBACH,
Frédéric et CANTARELLA, Robert : Directeurs du 104,
27 décembre 2007, Visite du lieu , Annexe 1.
* 12 LEXTRAIT Fabrice, op.
cit, p 19.
* 13 FISBACH,
Frédéric, entretiens, 7 avril 2008, 11 rue Curial, Annexe
4.
* 14 CASTRO, Roland,
Nouveaux territoires de l'art. Propos recueillis par Fabrice Lextrait
et Frédéric Kahn. Paris : éditions sujet/objet, 2005.
295p. p 122.
* 15 Ibid.
LEXTRAIT, Fabrice, KAHN, Frédéric. Avant-propos. p. 16
* 16 BOURRIAUD Nicolas.
Esthétique relationnelle. Paris : Les presses du
réel, Edition française, 1998. 128p. p.15
* 17 LEXTRAIT, op.
cit, p.14
* 18 CARRIER, Hervé.
Lexique de la Culture : pour l'analyse culturelle et
l'acculturation. Editions Désilée, 1999. p 47.
* 19 (page visité le 6
mai). Site du 104. adresse URL : www.104.fr
* 20 BROOK, Peter. L'espace
vide : Ecrits sur le théâtre. Paris :
Editions du Seuil, 1977. 181p. p. 25.
* 21 GOLDBERG, Roselee. La
Performance du futurisme à nos jours. Paris : Editons Thames
et Hudson, 2001. 232p. p 7.
* 22 ARTAUD, Antonin, Le
théâtre et son double. France : Editions Gallimard,
1964. 246p.
* 23 SCARPETTA, Guy. Kantor
au présent. Actes Sud, Académie expérimentales des
théâtres, 2002. 209 p.p.37
* 24 GOLDBERG, Roselee.
Performance : L'art en Action. Paris : Editions Thames et
Hudson, 1999.
* 25 op. cit. p.
100.
* 26 op. cit. p.
111.
* 27 op. cit. Annexe
3.
* 28 SCHECHNER, Richard.
Performance, expérimentation et théorie du
théâtre aux USA, éditions théâtrales,
UPX, 2008. 533p. p.117.
* 29 Ibid. p. 212.
* 30 Ibid. p. 121.
* 31 Ibid. p. 187.
* 32 Ibid. p. 9.
* 33 MUSELIER, Renaud.
Nouveaux Territoires de l'Art. op. cit. p 24.
* 34 CANTARELLA, Robert.
op. cit. p. 16
* 35 MONDZAIN, Marie
José. op. cit. p. 16
* 36 MERVANT-ROUX,
Marie-Madeleine. Figurations du spectateur : Une réflexion par
l'image sur le théâtre et sur sa théorie. Paris :
Edition L'Harmattan, collection univers théâtral, 2006. 210p.
p35.
* 37 ibid p 62.
* 38 ARDENNE, Paul. Un art
contextuel : Création artistique en milieu urbain, en situation,
d'intervention, de participation. Paris : Flammarion, Coll. Poche,
2004. 254p. p. 65.
* 39 Entretien :
Frédéric Fisbach, Codirecteur du 104, 7 avril 2008, 11
rue Curial. Annexe 4
* 40 Entretien :
Stéphanie Lefebvre : Présidente de l'association La
Générale en Manufacture, Artiste Photographe, Caroline
Pradal : Présidente de l'association La
générale et présidente adjointe Association La
générale en manufacture, Artiste Sculpteur, Pierre
Lempens : « Coordinateur », artiste vidéo, Le
10 Mai 2008, Ateliers de la manufacture de Sèvres.
Annexe 5.
* 41 Lettre de Mission de
Nicolas Sarkozy, président de la république à Christine
Albanel, ministre de la Culture et de la communication. Paris.
1er août 2007.
* 42 (Page consulté le
20 mai). Site du 104, adresse U.R.L :
http://www.104.fr/#fr/Commerces/38-Restaurant
* 43 MERVANT-ROUX,
Marie-Madeleine. op. cit. p. 201
* 44 LYOTARD,
Jean-François. Rudiments païens : genre dissertatif.
Paris : Union générale d'éditions, 1977. 249p.
p.246.
* 45 Op. cit.
Annexe1.
* 46 Page vivitée le 20
mai, site http://www.immobilieretparticuliers.com/
* 47 ibid
* 48 ibid
* 49 Discussion avec
Monsieur Demange, Président du conseil de quartier du 19e, 29
décembre 2007, café Mathis, Paris, Annexe2.
* 50 op. cit. article
médiateur. p. 632.
* 51 ibid. article
médiation.p.632.
* 52 Op cit.
Annexe 1.
* 53 ibid
* 54 BROOK, Peter. L'espace
vide : Ecrits sur le théâtre. Paris :
Editions du Seuil, 1977. 181p. p 80.
* 55 Op. cit.
Annexe 4.
* 56 Page visitée le 10
mai, site du 104. Adresse URL : http://www.104.fr/104-2.0/index.php
* 57 Page visitée le 10
mai, site du 104. Op.cit
* 58 SIMARIK, Nicolas. La
Déroute. Editions entrez sans frappez, 2006
* 59 (Page consulté le 4
avril 2008). Site internet Nicolas Simarik. Adresse URL :
http://www.entrezsansfrapper.net/la_deroute.htm
* 60 (pages visitées le
30 avril 2008). Site internet du 104. Adresse URL :
http://www.104.fr/#fr/Artistes/A78-Nicolas_Simarik
* 61 ibid
* 62 ARDENNE, Paul. Un art
contextuel : Création artistique en milieu urbain, en situation,
d'intervention, de participation. Paris : Flammarion, Coll. Poche,
2004. 254p. p 51.
* 63 MERLIN Pierre, CHOAY
Françoise. Espace Public. In : Dictionnaire de
l'urbanisme, Presses Universitaires de France -PUF, 2005. 724 p.
* 64 MARTIN, Malte.
Manifestation culturelle d'Agrafe Mobile dans le quartier Saint
Blaise, Paris, le 19 octobre 2007.
* 65 MARTIAL, Jacques. edito du
programme 2008 « Grains de Folie », Parc de la
Villette.
* 66 Site internet : La
Villette enquête sur les jardins passagers du parcs de la
villettes, dec 2005. Pages visitées le 25/04/08 Adresse URL :
http://www.villette.com/images/stories/etude_pdf/jardins_passagers_05.pdf
* 67 Site internet :
La Villette enquête sur les publics des rencontres de La
Villette. Page visitées le 23 mai.
http://www.villette.com/images/stories/etude_pdf/rencontres2003.pdf
* 68 Ibid
* 69 FISBACH,
Frédérique. op cit. annexe 4.
* 70 FISBACH,
Frédérique. op cit. annexe 1.
* 71 Premier entretien avec
Frédéric Fisbach. 28 dec 2007, 11 rue Curial 75019
Paris. Annexe 2. p
* 72 HABERMAS, Jürgen.
L'espace public : archéologie de la publicité comme
dimension constitutive de la société bourgeoise.
Paris : Payot. 1997.
* 73 AUGOYARD,
Jean-François, LEROUX Martine. Médiations Artistiques
Urbaines. Grenoble : Cresson, 1999. 207 p.
* 74 Répertoire des
arts du spectacle. (page consulté le 15 avril 2008). Adresse
URL : http://rasp.culture.fr/sdx/rasp/
* 75 Entretien avec
Frédéric Fisbach. 7 avril 2008. 11 rue Curial 75019 Paris.
Annexe 5.
* 76 op. cit. p.
12.
* 77 Ibid. p. 65.
* 78 Ibid. p. 182.
* 79 op. cit. p. 9.
* 80ibid. p.
27
* 81 ABIRACHED, Robert. Le
Théâtre et le Prince : L'embellie 1981-1992, vol.1.
Paris : Actes sud, 2005. 230 p. p 52.
* 82 ARDENNE, Paul. op.
cit. p. 203
* 83 HOCQUARD,
Frédéric In : ADOLPHE Jean-Marc (avec la collaboration de
Maïté Rivière). Que mille lieu s'établissent.
Mouvement, l'interdisciplinaire des arts vivants, janvier-mars 2008,
n°46, p.56
* 84 MARTIN, Christian.
Nouveaux territoires de l'art. op. cit. p. 26.
* 85 BANU, Georges, colloque
sur l'impact de l'avant-garde américaine sur les
théâtres européens et la question de la performance
qui avait lieu du 21 au 23 janvier au Théâtre National de la
Colline.
* 86 PAJOY, Jacques, ISEPPI
Marc, Le Moniteur. 14 mars 2008. p.64
* 87 DEBORD, Guy. La
société du Spectacle. Paris : Editions Gallimard, 1992.
208p. p.16.
* 88 BOURRIAUD, Nicolas.
op. cit. p.13.
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