I 3 2- La spécificité de la gestion des
enseignants
Dans les années 1980 (Laderrière), une
volonté manifeste est inspirée par la vague
néolibérale et commande l'amélioration de la
qualité de l'éducation. Une convergence des réformes
orientées vers la décentralisation est alors observée dont
les premières sont la régulation en Nouvelle Zélande et le
renforcement de l'évaluation à l'école, devenue
marché social de l'éducation, en Grande Bretagne. Ces reformes
retiennent l'attention de l'OCDE et de la Banque Mondiale notamment en ce qui
concerne l'évaluation, la décentralisation, la bonne gouvernance
et la gestion par objectifs. C'est dans ce contexte que les problèmes de
management dans le système éducatif sont sérieusement
abordés, confinant l'Etat dans un rôle régulateur. En
matière de gestion des ressources humaines (formation, recrutement,
conditions de travail et statut), la mise en oeuvre de cette réforme est
diversement assurée dans les Etats de l'OCDE. Il est important de
mentionner que l'établissement scolaire du XXIeme
siècle, bien que « lieu de coproduction des compétences par
les enseignants et les élèves », n'est pas une entreprise et
que ce serait une erreur de lui appliquer le management des entreprises. C'est
dans cette même perspective que Laval (2003),
s'inspirant du cas de la France, montre que l'école ne
saurait se soumettre totalement aux exigences néolibérales, au
risque de faillir à sa mission première.
La responsabilité de l'enseignant dans la production de
l'éducation suggère que la gestion de celui-ci soit assez
particulière. En relevant les insistances de la Banque Mondiale et des
théories élaborées autour de la mondialisation qui
recommandent une réduction du budget consacré aux enseignants
tout en l'indexant comme responsable des difficultés de l'école,
Carnoy (1999) fait observer qu'il est aberrant d'exiger un accroissement de la
charge de travail (augmentation du nombre d'élèves par classe) en
même temps que la réduction de salaire. Il est plus indiqué
de tenir compte des réalités locales et des besoins de ces
personnels pour leur donner un rôle à jouer dans
l'amélioration de la qualité de l'enseignement. Dessieux (1999)
montre que la prise en compte des réalités locales permet de
mieux gérer ces personnels avec des mesures incitatives
particulières.
S'agissant des systèmes éducatifs africains,
Mingat (2002) observait que l'usage qui sera fait des ressources à
allouer à la poursuite des objectifs de l'EPT semble plus important que
ces ressources elles-mêmes car« la qualité de gestion des
systèmes éducatifs laisse souvent à désirer »
; l'attention doit être davantage portée sur « la
capacité des systèmes à assurer la transition efficace et
équitable des ressources financières et humaines depuis le niveau
du ministère jusqu'à celui des multiples écoles sur le
territoire national, là où elles peuvent effectivement avoir un
impact ». Au sujet des politiques de gestion des enseignants
en Afrique, Solaux estime qu' il semble impérieux d'anticiper et de
gérer les effets sociologiques et psychologiques
générés par les mesures
administratives en matière de gestion des enseignants ;
les mesures nouvelles doivent apporter un plus par rapport aux anciennes
(Solaux, 1997).
S'intéressant à quelques pays
africains4, Traoré (1997) s'est préoccupé de
savoir quels étaient les problèmes rencontrés dans la
gestion des enseignants dans ces différents pays et quelles
stratégies ont été adoptées pour y pallier.
Après le constat d'une répartition
inégale des enseignants en fonction des qualifications et de
l'expérience, il se dégage que l'exode rural des enseignants
qualifiés et expérimentés est permanent. Les causes
répertoriées de cette mauvaise répartition sont de
plusieurs ordres : économique, sociale, culturelle et
institutionnelle.
Le niveau des salaires inspire la nécessité de
procéder à des activités parallèles pour arrondir
les fins du mois ; ces activités parallèles ne peuvent pas se
mener en zones rurales. Le regroupement familial est une cause qui draine
également des enseignants en ville. Le décalage culturel entre la
ville avec ses mass media d'une part et la zone rurale et son dénuement
d'autre part explique en partie l'exode. L'absence de structures sanitaires
appropriées et les contraintes de la scolarisation des enfants obligent
leurs parents à rechercher en priorité les postes urbains. Il
convient d'ajouter à ce tableau la centralisation du système de
gestion.
Quant aux stratégies et politiques nationales
adoptées pour faire face à ces problèmes, quelques
éléments sont retenus :
4 Il s'agit des pays suivants : Burundi, Mali, Tchad et
Tunisie
- engagement de la part de l'enseignant à servir dans la
zone pour laquelle il a été recruté ;
- primes d'incitation et de motivation aux enseignants en
fonction de leur zone d'exercice ;
- affectation systématique des enseignants en début
de carrière dans les zones reculées ;
- décentralisation de la gestion.
Utilisant des monographies réalisées dans quatre
pays africains5, Göttelmann- Duret (1998) s'est appesanti sur
l'analyse des problèmes de gestion des enseignants du premier cycle et
particulièrement l'effet des systèmes de gestion sur les
affectations et l'utilisation des enseignants. Son analyse de la situation dans
différents pays d'Afrique montre notamment que la répartition des
enseignants n'est pas équitable ; les plus qualifiés et
expérimentés sont concentrés dans les zones urbaines.
L'utilisation des enseignants n'est pas optimale car en fonction de leur
concentration, certains sont sous utilisés, voire non utilisés.
Les causes de cette mauvaise répartition sont liées au
système de gestion, à l'environnement (différences de
conditions de vie et de travail) aux pratiques de gestion et aux comportements
des enseignants.
Les faiblesses des systèmes se rapportent aux
règles en cours dans la gestion, aux structures et mécanismes de
régulation et aux bases d'informations sur les enseignants. En
dépit de l'existence de normes et critères d'affectation des
enseignants, la cohérence interne de ces règles de gestion est
insuffisante tout comme le suivi et le contrôle de l'application de ces
normes ne sont pas assurés. La gestion partagée des enseignants
entre plusieurs ministères n'est pas soumise à une
5 Bénin, Burkina Faso, Mali et Niger
coordination. Le contexte de décentralisation sans
répartition distincte des responsabilités entre les structures
centrales et les structures décentralisées et sans ressources
appropriées ne favorise pas non plus cette gestion. L'insuffisance des
mécanismes de régulation renforce négativement la
qualité de cette gestion. Les bases d'informations sur les enseignants
ne disposent pas de données complètes ni sur les enseignants, ni
sur les profils de poste.
Ces observations rejoignent largement celles d'une
série d'études menées dans plusieurs pays
africains6 par G. Solaux (2001) . Cette recherche fait ressortir
entre autres, que :
- l'allocation des ressources aux établissements
scolaires est aléatoire ;
- le coût unitaire dans les établissements
scolaires du secondaire est élevé en raison de la non prise en
compte de la taille de l'établissement et des besoins réels en
zone urbaine.
De l'histoire de la GRH, à travers l'Ecole classique,
l'Approche psychosociologique et les Courants sociologiques, il est à
noter que le travailleur est au centre de la fonction administrative de
l'entreprise en même temps que l'environnement du travail est à
améliorer et que le management des hommes au travail tende à les
faire participer davantage dans la conception du plan de développement
de l'entreprise.
Ces différentes recherches conduisent à formuler
quelques interrogations :
6 Guinée, Niger, Bénin, Sénégal,
Burkina Faso,Togo, Côte d'Ivoire, Tchad, Madagascar, Mali
- la prise en compte du social dans la gestion des
enseignants, une espèce d'humanisation de cette gestion est- elle
assurée ?
- l'environnement de travail de l'enseignant est il un
élément qui intervient dans la prise de décision de
gestion ? En d'autres termes, les réalités de la localité
de travail font-ils l'objet de préoccupation particulière dans
les actes de gestion des enseignants ?
- la préparation des plans de développement du
système éducatif, notamment les politiques de gestion des
ressources humaines, se fait-elle en association avec les enseignants (leurs
syndicats) ou bien leur implication n'est-elle pas utile ?
Cette brève revue de la littérature étaye
nos ypothèses de travail dans la mesure où elle fait ressortir
qu'une « bonne » gestion des enseignants dépend pour une large
part d'outils adéquats mais aussi du cadre et du focntionnement
organisationnel et des besoins et intérêts des acteurs.
|